Mascareignes dans Loxias


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Loxias | Loxias 37. | I.

Poétique de la ville dans l’œuvre d’Ananda Devi

Cet essai s’intéresse à la mise en écriture du phénomène urbain dans l’œuvre d’Ananda Devi. Prenant en compte les jeux de langages hétéromorphes à l’œuvre dans certains de ses récits, il montre, à la lumière des présupposés théoriques et méthodologiques de la sémiologie urbaine de Roland Barthes (1985), que la ville métaphorise les mutations sociopolitiques, économiques et culturelles, ainsi que les dynamiques identitaires propres à la complexité des sociétés contemporaines. En tant que l’un des phénomènes les plus puissants des sociétés postmodernes, la ville déroule et tisse à l’infini les motifs de l’errance, de l’exclusion, de la pauvreté et de la mort, qui sont autant de réalités du vécu insulaire ou subcontinental contemporain qu’une certaine littérature exotisante a souvent tenté d’ignorer.

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Mémoires de la Réunion au cinéma : des voix discordantes ?

Encore méconnus à l’extérieur de l’île, les films en créole faits par des réalisateurs réunionnais se multiplient, bien que ces œuvres ne bénéficient pas des mêmes soutiens financiers et de diffusion que dans les autres départements métropolitains. À l’image du continent africain tout proche et avec lequel la Réunion a des liens économiques et culturels forts, ces œuvres s’inspirent d’une mémoire orale pour conter l’histoire collective de la société réunionnaise, en réaction contre la nation française qui peine à reconnaître et à accepter sa multiplicité. Cet article montrera comment la culture réunionnaise est représentée au cinéma et comment la mémoire orale réunionnaise est transmise aujourd’hui dans les films en créole.

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Les auteurs de l’ombre du champ littéraire mauricien : entre critères de légitimation et stratégies de reconnaissance

L’accès d’une poignée de romanciers mauriciens à de célèbres maisons d’édition parisiennes a donné, depuis une quinzaine d’années environ, une visibilité internationale à la littérature mauricienne. Cela dit, la production contemporaine de la petite île ne se limite pas à ces quelques noms connus et médiatisés. Elle compte aussi ces « auteurs de l’ombre », dont le travail littéraire ne correspond pas toujours aux goûts et aux desiderata du centre éditorial hexagonal. Pour ces auteurs, dont les œuvres sont peu diffusées à l’étranger, la reconnaissance internationale est beaucoup plus difficile à atteindre. L'article rappelle l’existence de cette part souvent invisible du champ littéraire mauricien et tente de décrire les critères de discrimination qui participent de la mise à l’ombre des textes et des écrivains. Il cherche également à rendre compte des stratégies mises en place par ces auteurs pour accéder à une forme de légitimité… The fact that a few Mauritian novelists have been published by renowned Parisian publishers has bestowed, since the last fifteen years or so, an international visibility to Mauritian literature. However, the contemporary literary production of the small island goes beyond what is being published by these few well-known and recognized writers. It also includes the works of those authors writing in their shadow, which do not always suit the literary expectations and demands of the hexagonal publishing center. For these writers, whose texts are not distributed enough outside the country, international recognition is difficult to achieve. The article focuses on this invisible part of the Mauritian literary field and describes the discriminating criteria which contribute to the anonymity of some texts and authors. It also explores the various strategies used by these writers to obtain some form of legitimacy…

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La littérature féminine à Maurice à l’époque coloniale et la violence symbolique

Cette étude est une réflexion sur le lien entre la littérature féminine de langue française à l’époque coloniale et la violence symbolique, voire culturelle, dont les auteures et leurs œuvres ont été l’objet à cette époque. À l’exception des études publiées par Wasley Ithier, Jean Urruty et Jean-Georges Prosper qui mentionnent la présence de certaines femmes au sein de la littérature mauricienne, aucune analyse mettant l’accent sur la littérature féminine à l’époque coloniale n’existe. La critique littéraire s’est davantage concentrée sur la production des œuvres écrites par des hommes. Aussi, dans notre réflexion, nous comptons montrer comment les femmes, malgré leurs publications, ont été marginalisées non seulement par la critique littéraire mais aussi dans les anthologies, donnant ainsi une fausse perception de leur contribution. Cette tentative de nier leur apport dans la naissance et le développement de la littérature mauricienne à l’époque coloniale contribue toujours à les rendre invisibles dans l’histoire littéraire à Maurice. Or, la reconnaissance de cette présence féminine permettra d’éviter cette violence symbolique dont elles ont été victimes.

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Images de la Réunion : d’un cliché à l’autre

Comme toute terre lointaine, l’île de La Réunion nourrit un imaginaire fait de visions pittoresques, de lieux communs et d’images d’Épinal. La création artistique n’échappe pas à ces représentations, qu’elle reproduit ou au contraire détourne afin de poser un regard neuf sur le réel. La photographie illustre particulièrement cette problématique : d’un côté, les artistes relayent l’imagerie héritée de l’iconographie touristique et des représentations socioculturelles, de l’autre, ils s’approprient ces mêmes images pour leur donner un sens différent, parfois subversif ; enfin, certains explorent des territoires nouveaux et des formes inédites. C’est ainsi que la photographie permet parfois de passer d’un cliché à l’autre.

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Effets d’ancrage. Parcours dans quelques propositions artistiques réunionnaises

Le champ artistique réunionnais est peu connu en dehors de l’île. Sa littérature piétine et hormis la musique, peu d’autres formes accèdent à la reconnaissance. En réalité, il s’agit d’une invisibilité largement construite plus que d’une absence, et cette invisibilité vient avant tout de la complexité du statut du DOM. L’univers artistique ne trouve pas sa place dans le débat qui le divise entre désir d’assimilation et d’ancrage. L’examen de quelques formes et expériences artistiques permet en effet de comprendre que l’énergie créatrice ne se situe pas dans les genres relevant de l’image d’une culture normative et canonique. Mais il ne s’agit pas pour autant de recréer de nouvelles frontières qui sépareraient cette fois savant et populaire. En réalité, les pratiques artistiques réunionnaises révèlent à la fois les blocages mais aussi les « réorganisations dialectiques » (Bhabha) qui travaillent une société de créolisation et permettent d’y trouver des effets plus que des modalités d’ancrage.

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L’ailleurs du texte. Le voyage dans Indian Tango d’Ananda Devi

De façon unique dans l’œuvre d’Ananda Devi, le roman Indian Tango (2007) mobilise le voyage comme un outil heuristique pour repenser la littérature, par-delà les frontières de la fiction et de l’autobiographie, mais aussi afin d’aménager un espace interculturel propre. Si la mention « roman » sur la couverture du livre établit un pacte de lecture fictionnel, le dispositif narratif tend à perturber les catégories génériques établies. L’écriture elle-même s’avère donc pratique d’un voyage aux franges des canons de la littérature occidentale. Toutefois, le voyage qui est ici proposé demande à être saisi dans sa spécificité. En effet, les figures du voyage que nous soulignons ne sont présentes dans Indian Tango qu’à titre indiciel, comme en sous-main. Ce sont les traces, dans le texte, de l’expérience viatique que nous voudrions mettre en lumière, afin de mener une réflexion sur la question de ce que signifie la prise en charge, en français et dans un espace littéraire francophone, d’une expérience qui transgresse les frontières culturelles. Ces traces sont autant de phénomènes d’invention langagière que le lecteur est amené à interpréter. Ce faisant, le lecteur reconstitue un amont du roman – le voyage à travers plusieurs cultures, mauricienne, indienne et française –, d’où émerge le sens du texte. The novel Indian Tango (2007), written by Ananda Devi, uses the figure of travel in an unexpected way. It is here a heuristic tool which opens up possibilities of rethinking literature beyond the boundaries of fiction and autobiography. It also appears as a means of creating an unprecedented intercultural writing. But here travel appears only indirectly; the reader is led to rebuild the signs of an experience of travel which is not explicitly narrated. We would like to demonstrate that the deciphering of this hidden background of the text is nevertheless necessary for the understanding of the novel. Indeed, linguistic elaboration phenomena located in the text take significant effects and call for an experience of reading which is intercultural in itself.

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Le ressassement ou la poétique de l’essai répété dans les littératures indocéanes

Les Comores, Mayotte, Madagascar, Maurice, La Réunion, étant rarement étudiées ensemble, il nous a paru intéressant de réunir en corpus les romans de figures contemporaines représentatives de ces champs littéraires francophones. Les auteurs y représentent leur terre natale de façon particulière. Omniprésente, elle semble obsession, sujet qui assiège l’écriture. Tout, dans La République des imberbes, de Mohamed Toihiri et Le Bal des mercenaires, d’Aboubacar Saïd Salim (Comores) ; La Fille du polygame, de Nassur Attoumani et L’Épilogue des noyés, d’Alain-Kamal Martial (Mayotte) ; Nour, 1947 et L’Arbre anthropophage, de Raharimanana (Madagascar) ; L’Arbre-fouet et Eve de ses décombres, d’Ananda Devi (Maurice) ; ainsi que dans L’Aimé et Quartier-trois-lettres d’Axel Gauvin, (La Réunion), apparaît comme pré-texte pour dire le lieu, les sentiments qu’il inspire au natif. Le rapport des auteurs et protagonistes à leur insularité est cependant d’emblée problématique. Empreint d’une intensité particulière, il est paradoxal : attachement singulier et répulsion. Le natif est défini comme né sur l’île mais en ayant, surtout, le souci.L’île préoccupation, redite, semble signal et signe, sur lesquels se pencher pour en identifier les motivations, le sens. En quoi, induit par une conjoncture née d’une histoire prédatrice se répétant depuis l’origine, la re-présentation du lien au lieu natal austral est-elle symptomatique d’un « mal » plus profond, commun aux cinq terres ?

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