Loxias-Colloques |  20. Tolérance(s) III - concepts, langages, histoire et pratiques
Tolerance(s) - concepts, language, history and practices
 

Denis Crouzet  : 

Genèses simulées et dissimulées de la tolérance « moderne » : le problème d’un transfert conceptuel

Résumé

Il s’est agi de se pencher tout d’abord sur une gravure représentant Tolerantia sous l’aspect d’une figure Herculéenne avançant en ignorant les troubles du monde d’ici-bas en s’éclairant de la lumière d’une torche, une lumière symbolique du Logos qui, intériorisé secrètement par le chrétien, lui permet de se maintenir dans une foi invisible et confiante dans l’amour divin malgré toutes les menaces qui peuvent surgir. Tolérance et dissimulation seraient synonymes dans une tension d’adhésion à l’amour divin. Et ensuite, il a été observé que la royauté française, à partir de 1560-1562, confrontée aux antagonismes religieux et à leurs pulsions conflictuelles, s’approprie le langage et le code de cette Tolerantia lors de la promulgation des édits visant à contrer le cours des tensions paroxystiques opposant catholiques zélés et fidèles de l’Évangile. Ce serait le roi qui dissimulerait en lui le secret d’une politique tentant de rejoindre la volonté divine dans la pratique cachée d’une dissimulation ou une simulation qui serait aussi synonyme d’un amour voulu par Dieu.

Abstract

We start by a close examination of an engraving representing Tolerantia under the aspect of a Herculean figure advancing while ignoring the troubles of the world here below by lighting up the light of a torch, a symbolic light of the Logos which, secretly interiorized by the Christian, allows him to maintain himself in an invisible and confident faith in divine love despite all the threats that may arise. Tolerance and dissimulation appear as synonyms in a movement of adherence to divine love. We then observe that French royalty, from 1560-1562, faced with religious antagonisms and their conflicting impulses, appropriated the language and the code of this Tolerantia during the promulgation of edicts aimed at countering the paroxysmal tensions between zealous Catholics and the faithful to the Gospel. It would be the king who would conceal within himself the secret of a policy attempting to join the divine will in the hidden practice of a dissimulation or a simulation which would also be synonymous with a love willed by God.

Index

Mots-clés : amour spirituel , catholiques, croyance, foi, invisibilité, nicodémisme, protestants, royauté, simulation, subjectivité, Tolérance

Keywords : belief , catholics, faith, invisibility, kingdom, nicodemism, protestants, simulation, spiritual love, subjectivity, Tolerance

Texte intégral

1Ce serait peut-être à tort que l’historien évacuerait aujourd’hui du XVIe siècle la conception « moderne » de la tolérance évoquée plus tard par Locke ou Voltaire et exaltée par Victor Hugo en 1878 dans une formulation magnifique : « Ce commencement de la fraternité qui s’appelle tolérance1. » L’anachronisme guette et il faut être méfiant ; mais il s’agira aujourd’hui, à partir d’une gravure singulière imprimée aux Pays-Bas, de montrer que si le mot de tolérance, au milieu du XVIe siècle, du fait d’un obstacle sémantique conditionné par l’intensité des antagonismes religieux en France, est le plus souvent absent, il peut cependant être articulé à des expériences prémonitoires. Un changement de regard se fit en deux séquences : une « tolerantia » d’abord pensée sur le fondement d’une éthique de l’invisibilité de ceux qui la pratiquent, puis une « concorde » dissimulant une obligation, raisonnée et assumée par la loi royale, de maintien de la « tolérance » dans une indicibilité relative.

2Il faut le dire et le répéter, l’anachronisme guette et il ne faut pas procéder trop vite. Ainsi y eut-il en 1526 dans les Grisons la tenue de la diète des trois ligues à Ilanz, qui déboucha sur un accord qui a l’apparence d’un apax dans l’histoire des lendemains de 1517 : les communautés catholiques et zwingliennes s’engagèrent engagées à vivre en paix, sans pratique de la persécution ou de l’exclusion, afin d’éviter la guerre civile qui menaçait. Ce fut entre le 12 et le 26 juin 1526 que la diète proclama la possibilité pour tout homme ou toute femme des territoires des Drei Bünden, de quelque condition, de choisir la confession de son choix. Mais d’une part cette solution excluait les tenants d’autres choix confessionnels. Il ne s’agissait d’autre part pas de liberté ou de tolérance religieuse au sens moderne du terme : chaque communauté avait le droit de choisir sa confession entre ancienne et nouvelle foi, la particularité grisonne résidant dans le droit concédé aux habitants qui restaient fidèles à la foi ancienne d’engager un prêtre à leurs frais. Le système mis en place compartimentait l’espace en entités homogènes. On ne peut pas parler de tolérance, mais d’inclusion par l’exclusion.

3Pour aller plus loin dans la durée, il faut souligner que la paix d’Augsbourg de septembre-octobre 1555 élaborée sur le principe du cujus regio ejus religio, n’est pas une paix construite sur le principe d’une cohabitation religieuse et que donc elle ne répond pas à une praxis de la « tolérance ». Non seulement elle excluait du champ de son application les calvinistes et les dissidents, mais elle était construite sur la territorialisation de la religion, chaque prince, chaque ville libre choisissant la religion que chaque membre de la communauté devait accepter d’adopter. La paix définissait d’abord les droits des réformés qui obtenaient la reconnaissance officielle de l’existence d’Églises et d’États protestants dans l’empire, avec l’assurance qui était donnée de droits égaux à ceux des Églises et des États catholiques. L’Empereur reconnaissait aux magistrats, Princes ou corps de ville, le droit d’organiser à leur gré les églises sur leur territoire et d’y faire pratiquer le culte de leurs choix. Mais à l’intérieur des organisations étatiques, les sujets du prince ou les citoyens de la ville libre étaient tenus de suivre la religion du prince ou du magistrat tout en se voyant reconnu un jus emigrandi. La religion est donc territorialisée à travers la concession au Magistrat du jus reformandi, le droit de réformer, et d’obliger les sujets du gouvernant de suivre la religion de leur gouvernant2. Il en découla l’institutionnalisation d’une mosaïque d’États de confessions différentes, autonomes et exclusives spirituellement. Là encore le principe du vivre ensemble dans la différence religieuse était exclu. Thomas Nicklaus a résumé parfaitement le faux-semblant de la paix : « Pour les juristes protestants de l’après-1555, la religion fait partie intégrante du territoire. Elle représente même une « propriété » du souverain comme telle ou telle ville, tel ou tel bailliage (possessio religionis3) ».

4Partout ensuite l’exclusion de la coexistence confessionnelle prime jusqu’à la fin de la décennie 1550 dans l’Europe d’après la césure luthérienne et se manifeste par des vagues de persécutions et de guerres dont celle de Smalkalde est la plus spectaculaire puisqu’elle se conclut sur l’intérim d’Augsbourg du 15 mai 1548 qui, par-delà quelques concessions mineures, déclencha une entreprise de recatholicisation se traduisant par l’expulsion de centaines de pasteurs luthériens et promise à l’échec. En Angleterre, en Écosse, en Scandinavie, à Zurich comme à Genève, dans les royaumes d’Espagne et dans la péninsule italienne, le temps est à la défense de l’unité de foi. Qui entreprend alors de chercher la genèse non pas de l’idée de « tolérance » mais de ses modalités d’émergence ou de visibilité, se doit de constater en outre que le verbe « tolérer » conserve le plus souvent une connotation négative. Il est employé par ceux qui la nient implicitement ou explicitement.

5Et pourtant un parcours quasi-souterrain, effectué dans des marges de l’histoire, est réalisé par une tolérance dont le propre est de posséder un haut coefficient de non-visibilité, à certaines exceptions près. Sont cités rituellement par les historiens des noms parmi d’autre noms, comme Caspar Schwenckfeld qui discernait la Parole vivante comme gravée par la main de Dieu dans le cœur du croyant, Sébastian Frank érigé aussi en précurseur parce qu’il affirma que le Christ avait comparé son royaume soit à un filet dans les mailles duquel sont enfermés ensemble de bons et de mauvais poisons, soit à un champ où poussent à la fois le bon grain et l’ivraie et qu’il ne revient à aucun humain de procéder à un tri4. Il y a encore la figure emblématique de Sébastien Castellion qui écrivit, outre son De Haereticis, an sint persequendi et omnino quomodo sit cum eis agendum5, le Contre le libelle de Calvin après la mort de Michel Servet en proclamant que la défense d’une doctrine de foi n’est pas l’affaire du Magistrat : « il ne détruit pas la foi dans le cœur des hommes, celui qui veut que le châtiment des hérétiques soit différé jusqu’à l’arrivée du Juge. À moins que tu ne veuilles mettre en accusation le Christ lui-même qui ordonne de laisser l’ivraie jusqu’à la moisson ». Ce qui était donc suggéré de manières diverses par ces hommes, c’était un droit à l’incertitude, voire à l’erreur, qui s’articulait à un idéal de fraternité impliquant que refuser de supporter ce que pense l’autre et aller jusqu’à le tuer, c’était se nier soi-même, se déshumaniser en tant que créature créée à l’image de Dieu.

6Un premier développement vise ici à aller au-delà des noms et des mots. Quand l’historien cherche à aller plus loin qu’en figeant l’analyse autour de quelques protagonistes symbolisant une tension alternative, il peut constater que précocement la « tolérance », avant d’avoir été un outil de gestion politique auquel l’État se donne le droit de recourir, semble avoir concerné un monde caché durant le premier XVIe siècle, dissimulé parce qu’ayant son propre langage associé au principe d’une intima philosophia et d’une contrainte spirituelle que le chrétien s’impose à soi-même afin de conserver sa liberté intérieure qu’il souhaite être guidée par le Christ. La tolerantia exprime une silencieuse patience rejoignant les idéaux stoïciens de détachement des vicissitudes du monde et donc d’adhésion à une raison qui isole l’homme dans un face-à-face avec lui-même, qui le fait responsable de sa foi donnée par Dieu. Un des jalons de l’invention de la « tolérance » résiderait donc dans un évangélisme stoïcisé, qui ne se dit que symboliquement tout en étant au travail dans le secret des âmes séduites par un Dieu présent et caché dans son Logos.

7Très significative de cette retenue assumée comme un devoir éthique de face-à-face de la conscience avec elle-même est une gravure datée de 1550 et imprimée à Haarlem. C’est l’humaniste catholique Dirck Volckertsz Coornhert qui en est l’« inventor » en collaboration avec le peintre Maarten an Heemskerck ; elle est intitulée « Tolerantia in adversis adfert notionem dei » : la persévérance dans les circonstances défavorables mène à l’idée – la connaissance – de Dieu. La gravure (Largeur 143 mn et hauteur 219 mn) fait partie d’une série de quatorze personnifications masculines ou féminines exposant comment l’âme encerclée et par le péché peut être en mesure d’atteindre librement la félicité éternelle, Jakobs ladder of de allegorie van de weg naar eeuwige zaligheid, L’échelle de Jacob ou l’allégorie de la voie du salut éternel. Ces représentations vont d’Espérance, Grâce, Foi, Charité6 à Tolerantia qui se voit donc donner une visée sotériologique peut-être axiale…

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8Tolerantia semble en effet ici synonyme de sérénité de la créature humaine dans les épreuves, de persistance patiente dans sa foi ; elle est incarnée par un colosse barbu, herculéen, dont la tête est surmontée d’un casque gravé d’une figure léonine qui rappelle le lion de Némée et qui peut représenter la vertu de fortitude aidant à supporter les dangers et les péripéties d’ici-bas. Il n’a sur lui qu’une étoffe lui couvrant les bras et montrant sa vocation pacifique. Sa jambe gauche est posée sur une enclume qui fait allusion à la constance de l’homme qui ne craint pas les effets de la colère et de la haine des humains qui peuvent vouloir le persécuter, qui persiste « en son entier7 » et est donc indifférent à ce qui pourrait l’angoisser et le troubler, en l’occurrence les agitations ou exclusivismes, les disputes et les antagonismes humains, les haines et les persécutions. L’enclume résiste en effet aux coups du marteau et donc signifie l’absence de peur devant les violences ou les menaces, la certitude que prime la foi subjectivisée. La personnification de Tolerantia est ainsi réalisée en un Hercule héroïque sublimant les souffrances qui hantent la vie mondaine en une tranquillité de l’âme, peut-être la « magnitudo animi » du De officiis8 qui avait édicté que le grand homme est celui qui ne se plaint pas des maux qu’il ressent et dont l’âme est donc parfaite en ce qu’elle accède à la « mens dei9 ». Tolerantia paraît pensée par Coornhert en tant que la force intérieure qui autorise un surpassement de la nature humaine pécheresse et harcelée par la puissance agressive du monde d’ici-bas.

9Hercule, ici, ressemble au héros pacificateur d’Euripide indifférent à tout ce qui lui est extérieur. Son salut vient de ce qu’il se laisse éclairer subjectivement par la lumière divine qu’il paraît porter tout en donnant à appréhender qu’elle brille en réalité en lui, par-delà les partialités qui peuvent déchirer le monde et tenter d’exercer des pressions sur lui. Une lumière qu’il voudrait faire partager à ceux qui le voient ainsi serein.

10Il est nécessaire également de poser l’attention sur les mains de cet Hercule, parce qu’elles permettent peut-être de mieux comprendre la visée du graveur : la main gauche tient une torche qui est la torche de la connaissance et donc d’une sagesse qui est en Dieu seul, qui ne vient que de Dieu. Peut-être suggère-t-elle la référence à Apocalypse 21.23 quand il est proclamé que la ville n’a pas besoin de la lumière du soleil et de la lune parce que « la gloire de Dieu l’éclaire » et que « l’agneau est son flambeau ». Ce qui signifierait que seule la relation personnelle au Christ-agneau mystique compte pour celui qui vit dans la Tolerantia, qu’elle n’est possible que par Lui et donc sans se laisser influencer par les illusions, stigmatisations et divisions du monde. Il n’est de lumière et d’assurance que dans le Christ-Logos et la Tolerantia de Coornhert parle donc d’une lumière intérieure qui arrache l’homme au mal du monde et le fait libre dans le cours d’un dialogue continué avec Dieu. Quant à la main droite, elle supporte un plateau sur lequel sont déposés deux yeux rappelant le légendaire de sainte Lucie s’énucléant volontairement pour affirmer qu’elle ne pouvait pas offrir à un soupirant admiratif ce qui secrétait en lui la concupiscence, la beauté de son apparence. Le plateau porté par Hercule évoquerait alors le sacrifice accompli par la sainte préférant l’illumination divine à la vision sensible et donc au risque que celle-ci fait encourir à l’âme en la détournant de Dieu. Car sainte Lucie, si elle s’est d’abord arraché les yeux, reçut ensuite de la Vierge des yeux plus beaux et d’une acuité plus grande. Le message est celui d’un accomplissement fidéiste qui passe par une « patience », une prise de distance face à qui voudrait se substituer à la lumière divine pour revendiquer d’imposer une voie du salut, face aussi aux contingences périlleuses du quotidien.

11Il ne s’agit pas d’une vision inédite. On peut en retrouver des rudiments au début du siècle, en 1509, dans les Exemplorum libri decem de Marco Antonio Coccio Sabellico10, qui consacra une rubrique à « De patientia et tolerantia in adversis » où il appelait le chrétien à supporter les calamités d’ici-bas « aequanimiter ». Mais plus important est que Coornhert est un personnage singulier qui semble être demeuré de sensibilité catholique comme Erasme tout en défendant le principe de la liberté religieuse contre les entreprises répressives et menaçantes de Charles Quint puis de Philippe II, dénonçant l’application de la peine capitale aux hérétiques et prenant parti pour Guillaume le Taciturne en 1567 parce qu’animé d’un anti-hispanisme.11 Il se dressera aussi contre les ministres calvinistes qu’il considère comme fermés à tout esprit de conciliation. Il est un chrétien rêvant d’une réforme religieuse fondée sur la Parole de Dieu innervant immédiatement les consciences des fidèles et donc transcendant les clivages mis en place depuis 1517. Ce qui fait qu’à ses yeux Tolerantia est peut-être la seule voie pour faire revenir à Dieu les âmes humaines, une condition dans les temps difficiles des exclusivismes et persécutions12. Selon Gerrit Vogt, elle va de pair avec un individualisme fidéiste, et la certitude que l’autre, déviant, dissident, « hérétique », doit être traité comme une personne digne parce que croyante13.

12Pour Coornhert14, si les fondateurs de nouvelles églises sont de nouveaux Pharisiens, « seul Dieu est le maître et le responsable de la conscience de l’homme » et c’est par les vertus – dont bien entendu Tolerantia – que la créature peut s’engager dans une voie de renaissance en Christ, qui est une voie intérieure15. Il y a une liberté de la conscience, une liberté spirituelle qui ne doit être forcée par aucune doctrine et par aucun pouvoir, la foi étant un donum dei et donc ne relevant que de la miséricorde divine. Gerrit Voogt, dans cette optique, insiste sur l’importance de l’antidogmatisme et de l’antiformalisme dans la Tolerantia de Coornhert. La relation au divin, dissociée du concept d’Église visible, se déroule dans la seule conscience16, d’autant que Dieu a accordé à chaque humain « une petite étincelle dans son cœur », qui peut l’éclairer pour aller vers la bonté et la vertu. Le péché est causé par l’ignorance dont la raison peut triompher. Coornhert est un adepte du « perfectisme », estimant que l’homme, par sa raison, possède l’aptitude à réaliser spontanément les commandements de la Révélation. L’échelle de Jacob, dans laquelle Tolerantia est une des figurations, est une échelle éthique dont chaque barreau rapproche le croyant, doté d’un libre arbitre, de la perfection morale17. Entre la terre et le ciel, ce ne sont pas alors les anges (Gen. 28 :10-16) qui vont et viennent en montant et descendant, mais les vertus du chrétien.

13Tolerantia est en effet une vertu qui fait vivre le chrétien dans une éthique fidéiste et qui l’invite à supporter les autres dans l’espérance qu’eux-mêmes se bonifieront et qui lui fait toutefois accepter qu’ils se laissent diriger par leurs passions. Elle est une vertu en soi et hors de soi, mais qui se pratique dans le silence et la solitude, dans l’invisibilité. Hercule est un Hercule serein, introverti, qui se parle à lui-même silencieusement tout en se vouant à la connaissance de Dieu, même s’il paraît regarder devant lui et donc se meut au milieu du monde. Par-delà le dialogue spirituel ainsi mis en œuvre, il ne s’agit pas de vivre en soi-même, car la torche que tient Hercule diffuse la lumière et signifie l’engagement de parler à la vérité et à la penser sans pour autant faire secte : le sens de sa vie est la liberté de sa conscience et Tolerantia offre ainsi le paradigme de sa liberté à ceux qui seraient susceptibles d’adhérer à son expérience de quiétude évangélique. Tolerantia est alors inséparable de la charité dans une praxis de la foi et de la Vérité, telles que Jésus Christ les a prêchées en demandant à ses disciples de ne croire qu’en lui et en proclamant que ceux qui auront aimé leurs prochains seront placés au côté du Père. Dieu ne peut pas être un tyran pire que Phalaris ou Néron. Il est amour et il est tel une mère qui ne peut pas avoir pour visée de jeter son enfant dans les feux de l’enfer. L’homme est capable de faire le bien et, à la prédestination, et Coornhert oppose la grâce universelle18.Car, rappelons-le, le Christ a parlé à la foule en disant « la lumière du monde c’est moi. Si quelqu’un me suit, il ne marchera pas dans la nuit, mais il aura la lumière qui donne la vie » (Jean 8 :12).

14Il faut ici poser l’hypothèse que la Tolerantia herculéenne serait à référer à ce que Calvin dénonce sous le terme plurisémique de nicodémisme19, par lequel sont dénoncés ceux des chrétiens qui imaginent qu’il suffit de vénérer et aimer Dieu en âme et qu’il accuse de préférer, en usant de dissimulation et en se « polluant » dans les cérémonies diaboliques des papistes, « cette vie caduque et transitoire20 ». Tolerantia est alors réduite à un faire-semblant dès 1544, dans l’Excuse a messieurs les Nicodemites, sur la complaincte qu’ilz font de sa trop grande rigueur. Pour Calvin, il y a plusieurs types de nicodémites, mais le troisième type retient l’attention : il concerne ceux qui semblent avoir capté l’héritage de la philosophia Christi, « ceux qui donc convertissent à demy la Chrestienté en philosophie : ou pour le moins, ne prennent pas les choses fort à cueur : mais attendent, sans faire semblant de rien, voir s’il se fera quelque bonne reformation. De s’y emploier, entant qu’ilz voient que c’est chose dangereuse, ilz n’y ont point le cueur. » Se devinent dans cette stigmatisation ces chrétiens qui, tel Coornhert, vivent dans la patience leur foi en dialoguant avec l’Esprit divin et en se nourrissant de la connaissance qu’il leur donne : recitons Calvin : « Des gens de lettres qui s’endorment en ceste spéculation : que c’est bien assez qu’ilz congnoissent Dieu, et entendent quel est le droict chemin de salut, et considerent en leurs cabinetz comment les choses doyvent aller : au reste, qu’ilz recommandent à Dieu en secret, d’y mettre remede, sans s’en entremesller ny empescher : comme si cela n’estoit point de leur office ». Et il n’est pas étonnant que Coornhert soit effectivement un de ceux que le réformateur de Genève qualifie de « nicodémites ». C’est dans ce cadre que Calvin s’attaque à lui dans une Response à un certain Hollandois en l’accusant d’être dans une erreur complète dans l’apologie qu’il a écrite contre l’idolâtrie romaine en argumentant sur un droit de simulation (1560). Coornhert fait partie de ceux qui « pour espargner leur vie, et s’exempter de toute persécution, ils peuvent bien caler la voile, et se contrefaire et desguiser21… ». La Tolerantia est ainsi à classer comme un adversaire critique de Calvin, autant que l’anabaptisme ou le papisme.

15Et, dans cette optique, il est significatif de considérer que Coornhert fut le traducteur d’Érasme en néerlandais. Son christocentrisme s’enracine dans la fréquentation de la philosophia Christi, et donc dans le canon 4 de l’Enchiridion – « place devant toi le Christ comme le but de toute la vie » – qui fait penser à la torche tenue par Hercule pour s’éclairer. Citons ici Augustin Renaudet posant qu’un des fondements de la théologie érasmienne est la « méfiance à l’égard de tout système » associée à une métaphysique qui se résume en « Dieu d’Israël », les patriarches et les prophètes, et Jésus fils de Dieu22. Érasme est un penseur de la charité, qui lui fait dire que s’il ne pardonne pas à son frère pour les péchés qu’il a commis contre lui, le chrétien peut songer que Dieu ne lui pardonnera pas les fautes qu’il aura commises contre lui. L’esprit de douceur, simplicité, charité, paix, patience, mansuétude ne peut que guider l’homme vers la concorde, qui est « la somme de notre religion ». Dans la Paraphrase qu’il donna du chapitre XIII de saint Matthieu, il fallait laisser à ceux qui se sont fourvoyés la possibilité d’aller vers la « claritas scripturae » et l’Évangile ne commandait pas de les contraindre ou persécuter. Érasme qui nommait la lumière comme un attribut divin : « Dieu, parce qu’il est tout entier et par nature bon, tout sage, tout pur, est aussi toute lumière et vie23… »

16Entre Érasme et Coornhert, les recroisements sont évidents, le théologien graveur d’Haarlem poussant les avancées érasmiennes plus loin en un mysticisme évangélique et une foi qui ne se dit pas pour être mieux proche du Logos. Une foi invisible, dont le seul langage est celui de l’emblématique, peut-être à mettre sur le même plan que le recours à l’énigme évangélique de Nostradamus. Tout se passe comme si Coornhert confiait au lecteur du XXIe siècle qu’il y eut un âge de la foi tolérante vécue dans le secret des âmes, dans la certitude que c’est par un travail subjectif de connaissance de la Parole du Christ que le salut sera gagné, aussi bien en se mettant à l’écart des disputes dogmatiques qui agitent le monde et en adhérant à une « connaissance transformante » (Georges Chantraine24) qu’en supportant les persécutions et injures. La Tolerantia était vécue comme un épanouissement intime par ces chrétiens de la retenue subjective, de la patience silencieuse et fraternelle25.

17Il y eut donc un âge de la Tolerantia vécue dans l’invisibilité héroïque des âmes croyantes. Cet âge perdure de manière invisible jusque vers la fin de la décennie 1560, avec des variantes selon que l’on soit en Italie, aux Pays-Bas etc. Un effritement rapide se produit, difficile à expliquer mais lié avec un phénomène de cristallisation calviniste en France et bientôt aux Pays-Bas. Tolerantia, d’exercice d’une vertu privée et individuelle, dans ce contexte de changement des rapports de forces, se renouvelle en une action politique régie et ordonnée par le Magistrat. Elle cesse d’être enfermée ou repliée dans les intériorités croyantes pour devenir publique, en s’appuyant sur la parole qu’est la loi. Un retournement se produit, mais sans que le mot « tolérance » soit banalisé. Tolerantia serait passée de l’intériorité des croyants à celle du Prince, par exemple avec Michel de L’Hospital chancelier de François II et Charles IX.

18Venons-en à une seconde séquence qui s’attache à la situation française des années 1560-1570. Face aux troubles civils toujours plus violents que connaît le royaume de France et après une première ébauche quelques mois plus tôt, il y eut la promulgation de l’édit de juillet 1561 qui, rédigé par Michel de l’Hospital, accorda la liberté de conscience domestique, et prohiba tout culte public autre que les cérémonies de l’Église romaine sur peine de confiscations de biens et de prises de corps. Une permission limitée et pas absolument nouvelle puisque le culte privé était toléré depuis l’édit d’avril 1561, mais relevant d’une stratégie habille qui codifiait une décriminalisation de l’hérésie calvinienne par-delà l’interdiction des conventicules privés et collectifs. Et qui réactualisait au profit de ceux qui étaient devenus des activistes calvinistes la Tolerantia entendue comme une pratique individuelle de la foi, pouvant désormais être librement vécue hors de l’espace public sans crainte de poursuites. La crise religieuse devait être neutralisée, d’autant que l’édit reprenait les articles de l’édit de Romorantin défendant les occupations d’édifices religieux, les pillages de maisons, les provocations publiques, les « paroles scandaleuses ». Les assemblées publiques étaient interdites tous comme les assemblées privées ne respectant pas les rites de l’Église catholique. Le terme adéquat pour définir ce qui a déterminé la politique ainsi formalisée est celui qui est employé lors de la publication : « la nécessité du temps », qui porte à ne pas tergiverser pour que cessent les séditions et pour que le désordre cesse de se propager. Pour tenter de contenir la volonté de publicisation calviniste et son quasi messianisme, la Tolerantia, devait devenir un outil devant en quelque sorte institutionnaliser la liberté de conscience en rendant invisibles ceux qui rêvaient d’honorer Dieu dans l’exercice d’un culte public. Mais de manière indicible puisque c’était seulement dans le secret des foyers que Dieu pouvait être glorifié.

19Un autre temps doit être valorisé dans l’histoire empirique de la tolérance. Il s’agit ici de mettre en valeur une mutation de l’invisibilité à ce qui serait l’indicibilité, avec des mots qui évitent de dire ce qui est dit ou prescrit par la loi du Prince. La tolérance semble ne pas faire partie du registre lexical de ceux qui cherchent à éviter les confrontations en privilégiant la paix civile. Disons que s’il y a cette absence, ce serait parce que la tolérance serait impossible à verbaliser par ses promoteurs parce ce qu’elle fait partie du registre sémantique des adversaires de la conciliation. L’introduire dans la loi royale aurait été miner celle-ci dans ses objectifs de résorption de la crise. C’est l’hypothèse que nous allons développer, afin ensuite de démontrer qu’elle est présente de manière métatextuelle. Ce qui n’empêche pas, comme l’écrit Sylvie Daubresse qui cite le Parlement de Paris adressant une supplique à Catherine de Médicis, au cardinal de Bourbon et au duc de Montpensier le 28 mars 1563 à propos de l’application de l’édit d’Amboise : certes il est dit d’une part que le roi est chargé par Dieu de faire en sorte que « le royaume demeure très crestien », mais d’autre part que la tolérance est une nécessité « en esperance de reduire le tout à l’unyon qui estoit auparavant la division de religion26 ».

20Tout bascule en France peu après avec l’édit de janvier 1562. Une expérience radicale intervient, dont David El Kenz27 confirme qu’elle constitue « une idée nouvelle » en ce qu’elle met en place un régime de coexistence biconfessionnelle et qu’elle est corrélée à la prise de conscience de ce que l’exclusivisme religieux et la répression accentuée sous le règne de Henri II ont conduit à une crise ; une crise au centre de laquelle, depuis la tuerie des vaudois de Cabrières, il y a eu le double événement de l’atrocité des massacres intracommunautaires et du traumatisme des destructions et des profanations iconoclastes. Une mutation est à l’œuvre dans le temps de ce que Catherine de Médicis elle-même qualifié de paroxysme d’« inhumanité » : jusqu’alors la diversité de religion en un même État, comme l’écrit Étienne Pasquier, n’était conceptualisée jusqu’alors que comme une catastrophe ouvrant à la guerre civile et mettant fin aux États. Durant ces quelques mois, on passe à l’intervention d’une volonté politique garantissant au contraire la paix civile sur la base d’une « reconnaissance à la fois politique et juridique de la réforme française ».

21L’événement décisif est donc la promulgation de l’Edict du Roy Charles IX sur les moyens plus propres d’appaiser les troubles et seditions pour le faict de la Religion en date du 17 janvier 1562 qui précise qu’il a pour fonction d’« entretenir nos sujets en paix et concorde, en attendant que Dieu nous face la grace de les pouvoir réunir et remettre en une mesme bergerie, qui est tout nostre desir, et principale intention ». Comme le passauer Vertrag, le registre lexical est explicitement articulé autour du motif de la concorde, mais en apparence. Le point décisif est que l’Édit en remettait en quelque sorte l’histoire à la providence divine. Le retour à l’unité de religion était reporté dans un temps futur indéterminé au profit de la nécessité de l’unité civile des Français dans l’immédiat. L’Édit maintenait la clause de la liberté de conscience qui avait été progressivement clarifiée entre mars et juillet 1561 et donc tentait de projeter les fidèles de l’Évangile dans une posture de Tolerantia afin de les porter à sortir du champ de la tentation d’action militante recourant à la violence. Mais la nouveauté tenait à ce qu’il accordait la liberté de culte hors des villes closes et, dans l’enceinte de celles-ci, permettait aux réformés de vivre librement leur foi dans la sphère privée par leurs prières domestiques. Les peines qui avaient entraîné des poursuites contre les religionnaires étaient suspendues mais, en contrepartie, ils avaient l’interdiction de prêcher contre la foi catholique ainsi que de réunir troupes et collationner des subsides. Les ministres devaient prêter serment, devant les officiers royaux, d’observer scrupuleusement toutes les clauses de l’Édit28.

22L’Édit, qui comprend dix-huit articles opérateurs d’un extraordinaire dépassement conceptuel, s’adresse donc aux réformés puisqu’il leur donne commandement de restituer à l’Église romaine les édifices religieux dont ils ont pris possession, de restituer aussi les maisons, biens et revenus dont ils se sont emparés aux dépens des ecclésiastiques. Ils sont aussi tenus de rendre les reliquaires et objets liturgiques. Il leur est prohibé de procéder à la saisie ou l’édification de temples, d’entraver la perception des dîmes et autres revenus ecclésiastiques, et surtout de s’attaquer par la violence aux croix et images « et faire autres actes scandaleux », sur peine de la vie. C’est le droit de prêcher que reçoivent les fidèles de l’Évangile – qualifiés d’adhérents d’une « nouvelle » religion – ce qui, contrairement à ce que pourrait imaginer un esprit du XXIe siècle, n’avait pas une consonance positive au XVIe siècle, puisque la nouveauté est par excellence ce qui rompt un bon ordre identifié à un principe de continuité. L’Édit se présente comme un acte royal d’ordre conjoncturel, provisoire, qui ne dénie pas que le fondement de l’État royal soit l’unité de religion mais repousse cette unité dans un devenir placé sous la seule volonté divine29.

23La question qui, à ce point de l’analyse, se pose est la suivante : s’agit-il d’un édit instaurant une « tolérance » au sens moderne ou plutôt, comme les historiens le pense, de la mise en place d’une concorde civile et donc d’une stratégie raisonnée d’instrumentation de la paix religieuse civile ? Une question complémentaire s’impose : pourquoi les rédacteurs de l’édit ont-ils évité de parler de « tolérance » ? N’était-ce pas parce qu’il y avait une indicibilité de la tolérance ?

24Allons plus en profondeur afin de répondre à ces questions. La loi du roi prend en considération ce qu’elle avait déjà pris en considération en juillet 1561, le fait de « la malice du temps et de la diversité des opinions », de l’échec des politiques antérieurement menées : « la chose a penetré si avant en nostre-dit Royaume et dedans les esprits d’une partie de nos sujets de tous sexes, estats, qualités et conditions… » C’est donc en continuité d’une constatation de l’inadéquation des mesures jusque-là décrétées, que Charles IX, en affirmant que son choix politique n’est qu’un choix « par provision », justifié par la « nécessité » du temps, et aussi dans l’attente d’un « Concile général », suspend les interdits évoqués dans l’Édit de juillet et dans les autres Édits antérieurs. S’il y a donc une tolérance en gestation dans les mots du roi, elle ne serait qu’une mise en attente d’un retour à l’unité.

25À partir de cette définition d’une suspension de la loi par une loi, et en fonction de la condition posée initialement aux réformés qu’ils rentrent dans la légalité et s’abstiennent de tous les actes de subversion ou d’appropriation qu’ils ont jusqu’alors perpétrés, le roi s’adressait à ceux qui ont délégation de sa « main » et plus globalement à « autres personnes, de quelque état, qualité ou condition qu’ils soient », de faire empêchement ou violence à ceux de la Religion nouvelle, de s’assembler selon les conditions précédemment définies. La restauration de l’ordre public par le truchement de la liberté de réunion passe par deux préliminaires : d’abord, que le culte calviniste ne soit plus entravé au nom de la loi du roi, et ensuite que les officiers et les Magistrats exercent une police qui permettent les assemblées de prière et de culte par une protection donnée contre « ceux » qui voudraient empêcher les religionnaires de se réunir, par « troubles et séditions ». L’ordre passe par la restauration de la justice, et donc par le châtiment exercé contre les séditieux « de quelque Religion qu’ils soient » et ce principe sera encore répété à plusieurs reprises, « Pietas et justitia ».

26L’Édit de janvier veut donc instaurer un très strict encadrement des Églises par l’État. Cette sujétion est accentuée par une obligation faite aux ministres, de serment entre les mains des officiers royaux, d’observation des articles de l’Édit : surtout, ils devront promettre « de ne prêcher Doctrine » qui contrevienne à la pure Parole de Dieu, selon qu’elle est contenue au Symbole du Concile de Nicée et « ès Livres Canoniques du vieil et nouvel Testamen ». Défense leur est aussi faite de s’attaquer dans leurs prêches à la Messe, et aux cérémonies liturgiques de l’Église romaine, de procéder à un prosélytisme usant de la force pour endoctriner les hommes et les femmes du royaume. Car il est évident que toute nouvelle Église devra, à l’occasion de la venue du ministre, être acceptée et reconnue par le Magistrat.

27Nulle part dans le texte de la loi royale, il faut y réinsister, n’apparaît donc le vocable « tolérance ». Pour comprendre ce fait d’indicibilité et se hasarder à donner la bonne question, il faut voir que les réactions des adversaires de la politique de Michel de L’Hospital et de la reine mère Catherine de Médicis montrent que l’Édit a été reçu comme une mutation horrifiante qui leur permet au contraire de dénoncer les effets futurs néfastes de ce qu’ils nomment une politique de « tolérance » : zélateurs de l’honneur de Dieu et de l’amour pour leur roi, des hommes qui se nomment les « habitants de Paris » adressent bien vite à Charles IX, à sa mère et aux seigneurs du conseil une supplique dans laquelle ils parlent du « trouble incroyable auquel ils sont mis et constituez », depuis que l’Édit a été rendu public30. Ils disent qu’il n’est pas possible que Dieu et le diable soient honorés en même temps et que la « plus cruelle guerre du monde » attend le royaume. Depuis le meurtre de Caïn par Abel, il n’y a eu que la violence parmi les hommes et la discordance de religion appelle une plus grande violence, irréductiblement. L’édit sanctionne de la sorte à leurs yeux un basculement dans une durée eschatologique. Et le Parlement, pour sa part conclut ses remontrances en citant la parole « infaillible du Christ selon laquelle tout royaume divisé sera désolé » (Matthieu XII)31. Le principe de nécessité sur lequel l’Édit est fondé, qui est de stabiliser le royaume en empêchant les séditions de se multiplier, n’est qu’une « couverture », un leurre, et la « prudence » ne peut rien contre l’« aide divine » qui risque d’être perdue par les bons catholiques au cas où ils devraient accepter l’inacceptable : « qui arguera l’exemple de la tollerance ou permission de deux religions en paix en une ville, ou estat, sera reçu en confessant, que l’une a été asservie par l’autre ». C’est-à-dire que la tolérance est dénoncée comme se retournant contre son objectif puisqu’une des deux religions sera un jour détruite. « Ce qui a encores lieu soubz le Turc, et autres Potentatz Ethniques et Chrestiens. Mais en la liberté l’une a tousiours suffoqué l’autre ». La tolérance a toujours été historiquement néfaste et c’est ce stéréotype qui explique, en retour, pourquoi elle ne peut pas être incluse dans la loi royale. Une loi de l’histoire dénonce la tolérance comme une absolue offense à Dieu qui ne peut qu’être un Dieu jaloux.

28Pour ce qui est de la papauté, elle se dit assurée que dans l’esprit du chancelier de L’Hospital, la « toleranza » ainsi institutionnalisée est moins un moyen de pacifier les esprits que de faciliter la progression de la Réforme. Le chancelier de Charles IX apparaît soupçonné d’instrumentaliser la tolérance pour rendre possible le triomphe de l’hérésie. La « toleranza » ainsi verbalisée est un piège. Pie IV ou Charles Borromée redisent souvent que « la tolérance ou pour mieux dire la connivence » est un mal qui fait craindre la perte du royaume de France. On voit donc ici un décalage sémantique puisque l’édit et ses promoteurs ne parlent en aucun moment de « tolérance32 ». Parallèlement il y eut la rédaction, en août ou septembre 1562 d’un Mémoire attribué à Etienne de La Boétie qui postulait qu’il ne faut avoir « autre loi que sa conscience » tout en déclarant qu’il n’y a « rien de plus fol, plus vains et plus monstrueux que la conscience et superstition de la multitude indiscrete ». Dans ce texte, la « tolérance », là où elle a été mise en œuvre, est dite n’avoir engendré que guerres et calamités, impiété et irréligion. L’Édit de janvier n’a fait qu’instituer un « interim » en France. Il est ajouté que la seule solution viable à la crise, loin de la « tolérance » attribuée à l’Édit de janvier, est une réforme de l’Église gallicane réalisée par le roi33. « Quel fruit avons-nous reconnu de cette tolérance ? Toujours les choses sont allées en empirant et le désordre a augmenté à vue d’œil, et depuis ce temps, si on y prend garde, toujours le jour d’après a été pire et plus malheureux que le jour de devant, jusques à ce que, maintenant, nous sommes venus à une telle confusion, qu’on ne peut quasi rien espérer qui soit meilleur, ni rien craindre qui soit pire. »

29Pour aller plus loin dans la critique, Mario Turchetti34 a excellement démontré qu’il n’en reste pas moins vrai que Castellion prône en 1562 une tolérance qui serait opératrice dans un État, dans son Conseil à la France désolée, mais qui n’est pas celle que sont accusés de promouvoir les rédacteurs de l’Édit de janvier. Il préconise, en effet, que le magistrat civil doit se montrer tolérant à l’égard de toutes les religions : « il s’agit bien là de la liberté religieuse35 ». Ce qui est la tolérance n’est pas aux yeux de Castellion limitée à deux religions, une traditionnelle et une nouvelle. L’Édit de janvier ne doit pas, de ce fait, être interprété selon Mario Turchetti comme un « édit de tolérance ». Il se donne, comme il est écrit, pour fin d’établir une « concorde », la concorde étant pour Érasme un mouvement envahissant les êtres dont le saint Esprit est l’auteur :» faisons place à cette condescendance (sygkatabasis) qui dispose chaque parti à faire des concessions à l’autre, et sans laquelle il n’est pas de concorde durable ». Un édit de condescendance36, loin d’un édit qui aurait été une scansion dans une modernité en gestation à travers la tolérance37

30Face à ces positions négatives38, il faut tout d’abord considérer que l’Édit agence et publicise une mutation sur le plan sémantique qui peut renvoyer à une volonté de ne plus parler comme auparavant, d’adoucir les sens des mots et que donc les mots y sont pesés, censurés pour éviter les critiques : en effet il n’y est plus question d’« hérétiques » mais de ceux de « la nouvelle religion39 ». Le mot « tolérance » n’est donc à aucun moment évoqué parce qu’il ne peut qu’aller qu’à l’encontre de ce que le roi vise, la paix de religion civile, mot que d’ailleurs le chancelier Michel de L’Hospital ne prononce dans aucune de ses harangues. Il préfère, il est nécessaire d’y insister, les termes d’« union » et « concorde » surtout, au sens d’union des cœurs et donc de fraternité entre « citoyens » vivant dans une respublica et honorant un même Dieu tout en ayant licence de cultiver des différences dogmatiques et ecclésiologiques. La question fondamentale est alors de savoir s’il n’y a pas eu, de la part du chancelier, un désir d’éviter par anticipation un piège des mots, le piège de la connotation répulsive de la « tolérance » qui semble alors dominante. Est-ce que l’Édit donc n’aurait pas évité de se référer à la tolérance pour ne pas décrédibiliser sa finalité renvoyant en réalité à la praxis de la mansuétude pensée par le gouvernant dans l’indicibilité de son âme, la Tolerantia ?

31Car il faut signaler que : « tolérance » apparaît dans la parole même du roi, Charles IX, lorsqu’il revient en septembre 1568, au temps des ordonnances de Saint-Maur qui interdisent le culte réformé, sur l’Édit de janvier et sur l’assemblée qui fut réunie pour réfléchir à son propos et qui donna l’initiative à des « gens » de la nouvelle religion : « Et la leur [assemblée] fut de gens qu’ilz choisirent, estans les plus fortz en nostre Conseil privé. Et en meirent plus grand nombre de [ladicte] nouvel, l’opinion que de catholiques pour parvenir à leur fin, comme ilz feirent de la tollerance de l’exercice de deux religions par nostre edict provisionnal faict le XVII janvier oud. An M VCLXI [1562]40 ».

32La tolérance paraît alors avoir été un outil de ceux qui favorisaient la nouvelle religion. Elle fut un outil ayant associé en 1562 liberté de conscience et liberté de culte, mais à un niveau car l’Édit de Saint-Maur lui aussi est un édit instaurant une situation provisoire, confirmant la liberté de conscience donnée à « ceulx de lad. Religion prétendu reformée » qui ne devront pas être recherchés dans leurs consciences : « esperans que cy aprés, par inspiration divine et par le bon et grandg soing que nous aurons à tenir la main que tous evesques et pasteurs de l’Eglise de nostred. royaume s’employent et facent leur debvoir, nosd. subjectz de lad. pretendue Religion pourront retourner et se reunyr avec nous et noz aultres subjectz à l’unyon de la saincte Eglise catholique. » Il est certain que dans ces lignes reportant sur des réformés la responsabilité de la « tollerance » de janvier 1562, le roi surtout souhaite se défausser d’avoir concédé un édit ayant débouché sur une prise d’armes protestante. Mais l’important n’est-il pas qu’il use du mot « tollerance » pour le définir ? On peut à ce propos citer Marianne Carbonnier Burkard qui donne à entendre que la concorde civile semble un masque posé sur une tolérance indicible mais courant sous les mots : « Catherine de Médicis et Michel de L’Hospital changent l’ordre de leurs priorités : la paix civile, nécessaire à la restauration de l’autorité de l’État, passe désormais avant l’objectif de l’unité religieuse. Ils se résignent à une solution provisoire de tolérance civile41 ».

33Pour aller plus loin dans cette direction, il faut ajouter que Michel de L’Hospital perçoit la coexistence confessionnelle comme se développant dans un espace de temps dont Dieu est le maître mais qu’il a la certitude de pouvoir être raccourci par le biais d’une politique, menée ou guidée par le Prince et appelant sur le royaume la miséricorde divine, de réformation des mœurs et de la justice. Il y aurait eu une sorte de ruse dans l’Édit de janvier, qui se serait attachée à un système sémantique, et qui n’est pas sans rappeler la vision érasmienne d’un Christ usant de ruse et aussi d’une certitude que Dieu est miséricordieux pour les chrétiens qui mettent leur espérance en Lui et qui cherchent pacifiquement à se rapprocher de lui en épurant la religion de ce qui la complexifie. Sa spécificité, par rapport au discours des exclusivistes catholiques, tient au fait qu’il veut mettre la France sur la voie de cette réduction par un désengagement des Français de toute action militante ; il veut laisser à Dieu la possession de la signification de l’histoire, dans l’assurance de ce que la division religieuse est un châtiment de Dieu et que ce n’est pas en l’amplifiant par le recours à la violence qu’elle pourra disparaître. La violence est antinomique de l’amour que Dieu veut voir pratiquer les uns à l’égard des autres. La solution viendra de ce que la société française, par une paix qui la verra se détacher de ses passions et de ses péchés, s’amendera, ira dans la direction d’un pardon de Dieu. Quant au souverain, il doit laisser l’histoire à Dieu, « celer son secret » en lui-même pour jouer sur sa justice selon que les circonstances le commandent.

34Jacques Chomarat a insisté sur un fait qui peut être capital pour comprendre les mécanismes intellectuels de la volonté de paix de Michel de L’Hospital et de sa construction d’une figure de souverain se vouant à défaire ses sujets de la tentation de présumer de la volonté exclusiviste de Dieu : Érasme s’attarde sur la prudence et la dissimulation du Christ aux pèlerins d’Emmaüs. Le Christ put aller jusqu’à ruser et tromper, à tendre un piège au Tentateur : il peut y avoir une tromperie chrétienne face au mensonge diabolique, mais elle est exercée provisoirement et elle est inspirée par la charité. Il s’agit de la mise en action d’un désir de faire du bien à autrui malgré lui, sans qu’il en ait la conscience claire. Il faut se remémorer, écrit Érasme, « … comment le Christ qui ne saurait mentir, peut tromper… il trompe les apôtres : afin d’arracher complètement de leur âme tout désir de vengeance, il les trompe pour un temps par l’obscurité de son langage, mais il ne les laisse dans l’erreur qu’afin de détruire plus sûrement et plus efficacement toute leur passion de se venger ». La Tolerantia, pour Érasme, ne doit pas être comprise comme « …le partage des erreurs ». Elle est une décision assumée en toute conscience de « patiemment supporter » les erreurs des autres parce que seul Dieu est en mesure de mettre fin à ces erreurs, « elle compte sur le temps, dans les Paraphrases, et sur la douceur pour faire disparaître l’erreur et non sur la violence42 ».

35Ce fonctionnement christique de la tolérance érasmienne peut suggérer une hypothèse43. Michel de L’Hospital, par acte de foi en la justice et miséricorde du Christ, ne fut-il pas un praticien de la ruse au nom d’un roi qui était pour lui le représentant de Dieu sur terre, investi d’un pouvoir absolu délégué par Dieu ? La paix n’avait-elle pas pour fin, une fois le pardon divin atteint grâce à la réforme de l’Église, de la justice et des mœurs du royaume, de laisser à Dieu la puissance de ramener tous les sujets du roi dans une unité de religion ? Il faut se demander s’il n’y a pas une marge d’indicibilité dans le travail de rédaction de l’Édit, une part de non-dit qui épouse le Mystère du Verbe évangélique. De la sorte, le chancelier serait moins éloigné qu’on ne le pense de la culture de la dissimulation et de la simulation définie par Coornhert. En fin de compte, le roi Charles IX se verrait, dans le discours de sa loi, identifié à l’Hercule de la Tolerantia : un souverain Hercule assumant volontairement de prendre en charge les vicissitudes du monde humain, mais étant lui-même en quête des secrets de la sagesse divine ; un roi dont la devise est justitia et sapientia.

36Sa loi peut supporter l’insupportable pour éviter que Dieu soit offensé par des violences voyant l’homme se mettre à la place de sa grandeur pour imposer sa foi par la force. Elle sous-entend qu’il n’est de Vérité qu’en Dieu et que l’homme, créature pécheresse, ne doit pas tenter de forcer la puissance divine en usant de la violence. Quoi qu’il arrive, Dieu est caché dans les mots de la loi que le souverain édicte pour laisser l’histoire s’accomplir providentiellement.

37Michel de L’Hospital est en outre nourri d’Érasme et d’un Logos qui est éblouissant de lumière. Le Christ-Verbe est soleil, lumière « invincible » qui a rendu la vie aux morts et à ceux qui étaient dans les ténèbres du péché, « honorant des statues muettes au lieu du Dieu vivant, plongés honteusement dans les aveugles désirs des âmes ». Il faut revenir ici sur le fait qu’Érasme l’avait écrit, en 1523, dans les Paraphrases, à propos de Jean 1, 1, « Au commencement était la Parole », À Dieu, rien n’est impossible, et même si, comme jadis, certains hommes s’élèvent contre sa lumière, ils seront impuissants à empêcher que cette lumière, en quelque temps que ce soit, ne règne toujours parmi ceux qui sont réceptifs à la grâce :

Ici le Soleil corporel ne brille pas pour tous ; il a en effet ses révolutions ; mais cette lumière [le Verbe] par sa force innée brille même dans les plus épaisses ténèbres du monde, s’offrant à tous pour qu’ils revivent et voient le chemin du salut éternel qui est ouvert à chacun par la foi évangélique. Et quoique le monde, aveuglé par les immondices des péchés et l’obscurité des honteux désirs, ne veuille pas percevoir cette lumière, elle n’a pourtant pas pu être souillée par les ténèbres de ce monde, malgré leur épaisseur. Car Lui seul était pur de toute souillure des vices, et il n’était rien d’autre que la lumière de partout pure et sans mélange. Car sans cesse les ténèbres de ce monde combattent contre la lumière qu’il a en haine car elle révèle ses œuvres et elles éteignent ou obscurcissent le rayonnement de beaucoup d’hommes, mais contre cette lumière vivante et éternelle elles n’ont rien pu. Il y eut une levée e masse des Juifs, des philosophes et des puissants : de ceux qui se sont donnés tout entiers aux choses périssables, mais la victoire est restée à cette lumière qui brille encore au milieu des ténèbres du monde et brillera toujours, se communiquant à tout homme pourvu qu’il se montre capable de recevoir la lumière44.

38Le pouvoir est alors à mettre en pratique comme un art de replacer le Christ-Lumière au centre de l’histoire humaine dans un temps où les hommes, aveugles à leur faiblesse et à leur péché, s’imaginent pouvoir être les acteurs de cette même histoire : et, sur ce point, il faut en venir au Discours que L’Hospital adressa à François II à l’occasion de son sacre : le bon roi est celui qui se « fait comme un dieu entre les autres roys, parce qu’il a déposé le Christ dans son cœur et qu’il est donc en tous ses actes et gestes symbolisant de la puissance divine : par là même, il doit se donner à son peuple comme le Christ s’est donné : le frein principal c’est la conscience du gouvernant qui le porte à se donner au service de la chose commune, au bien public : son pouvoir est absolu, mais il est auto-modéré par ce regard que le prince doit porter sur la façon même dont il gouverne en respectant les lois de la république et en façonnant des lois nouvelles qui répondent aux exigences de la communauté civique. C’est devant Dieu seul que le roi rendra compte, affirme L’Hospital, mais c’est en lui-même qu’il doit trouver la force de résister aux passions qui pourraient le porter à mal gouverner. Le pouvoir est comparé à un « joug » et donc à une astreinte, par laquelle le roi, roi de charité, est contraint de regarder en permanence en direction de ses sujets. On le voit, ce roi idéal de L’Hospital n’est pas éloigné d’un chrétien pratiquant la Tolerantia, vivant dans le contrôle de lui-même, le refus de la sévérité, de la colère, et de la vengeance, dans une modération : une modération qui lui fait chercher d’inclure ses sujets dans l’histoire malgré eux en leur donnant une liberté de conscience devant les remettre dans le chemin de la vraie foi » : « le vray office d’un roy et des gouverneurs est de regarder le temps, aigrir ou adoulcir les loyx45 ». Il est le roi qui change la loi et nul ne doit s’opposer à son énonciation de la loi, car elle est absolue, elle est l’expression d’un combat contre les passions, contre le mal humain qui ne peut que rendre, elle est la volonté divine transcrite en loi. Si la voie lui est laissée libre, la colère divine plus grande qu’elle n’est pour le présent. Un pouvoir érasmien. Le roi Hercule portant les deux colonnes pour signifier que les bornes du monde de la foi peuvent être repoussées au-delà du connu, dans une tolérance qui épouse la « sagesse de Dieu ». La sagesse de Dieu est un savoir de la faiblesse, qui doit conduire l’homme, précisément, à ne pas se prendre pour un sage (XIII, 16). Elle est une manière de sacrifice de lui-même que l’homme fait, sur les traces du Christ qui est mort pour l’humanité. Elle lui fait comprendre sa cécité face à l’Incompréhensible qui est aussi espérance, amour, miséricorde. La sagesse de Dieu a racheté l’homme de ses péchés par le sacrifice du Christ, elle est amour pour l’amour d’un Dieu qui donne gratuitement sa grâce à la créature qui met son espérance en Lui après avoir reconnu et clamé sa « nichilité », son néant.

39Ce Dieu d’amour, d’abord, est le Dieu de la Croix, le Christ venu sur terre pour la rédemption de l’humanité. Le Christ veut que l’homme de foi n’ait de confiance qu’en sa bonté, se dépossède de soi pour ne plus vivre qu’en lui en rapportant toutes ses pensées et tous ses actes à son message de salut énoncé dans les Évangiles. Le Christ de L’Hospital, qui ordonna de ne pas recourir à la guerre, de subir « sans se plaindre les menaces, les supplices », qui interdit d’user du glaive et de la terreur, et qui donna l’exemple par sa mort, est le Christ paulinien qui, par la charité, « il ordonna, en revanche, de calmer par la parole les esprits et les cœurs insoumis46 ». Gouverner, c’est donc, par le moyen de la loi, tâcher de faire en sorte qu’un ordre puisse mettre les hommes en condition de se détacher de leurs passions, de passer de l’ignorance de leur ignorance à la connaissance de Dieu. On le voit, la politique, lorsqu’elle est mise en pratique par un croyant n’est pas autonomisée de la foi, elle est un don de soi à la communauté, hors de tout sentiment privé, afin de porter la communauté civique vers un ordre qui lui permettra d’appréhender au mieux, le plus largement possible, la justice et miséricorde divine. Elle est un chemin détourné vers la Christ et c’est le secret même de l’Édit de janvier qui se dévoile ici, édit prophétique au sens où il énonce, sous une forme de mystère même de sa puissance évangélique d’accomplissement, la volonté transcendante de Dieu telle qu’elle est dans le moment même de sa promulgation. Le roi est invité alors à intérioriser la Tolerantia dans la foi, à la supporter stoïquement pour éviter que l’inhumain prenne le dessus sur l’humain et entraîne le royaume dans les effets terribles de la colère de Dieu.

40L’Édit de janvier est alors à comprendre comme une application à la fois théorique et pratique de cet évangélisme. C’est-à-dire qu’il vise avant tout à retirer les hommes d’un champ de pensée et d’action qui ne dépend que de Dieu, qu’il a pour objet de les empêcher de vouloir se faire à l’égal de Dieu en tentant d’imposer leur foi pour mieux les guider vers la lumière que porte Tolerantia. En ceci, à un premier niveau, il est un discours de la charité, l’instrument par lequel le Prince cherche à détourner les Français des traverses diaboliques de la violence et de la haine. Dieu est tout puissant, lui seul connaît le sens de l’histoire. Ce n’est pas aux hommes qu’il revient de décider de ce que seul dieu connaît. Au contraire il leur revient par la paix assurée par le travail de leur conscience, de se détacher de leurs passions, d’implorer le pardon divin qui est à l’origine de leurs dissensions, et alors, s’ils mettent toute leur foi dans la miséricorde divine, il y a la certitude, secrète dans les lignes de l’Édit de janvier, de ce que Dieu les ramènera tous dans un seul troupeau, dans un temps eschatologique que seul il sait.

41On voit donc que Tolerantia fut peut-être un personnage caché dans la sphère du pouvoir politique, intériorisé dans les mots mêmes de sa Loi, après avoir été intériorisé dans les subjectivités de ceux qui aspiraient à vivre leur foi dans le secret de leurs âmes. Tout semble s’être passé comme si un transfert avait été opéré, qui avait fait basculer l’idéal d’intériorisation stoïcienne du croyant confronté à un monde hostile dans la sphère de l’autorité souveraine. Et l’indicibilité serait demeurée un outil privilégié.

42En guise de fin de parcours, il serait nécessaire toutefois d’en venir brièvement sur celle qui est en fond des événements dont il vient d’être question. Il faut être prudent car la majorité des spécialistes mettent en avant l’idéal de concorde et refusent d’envisager la politique royale sous l’angle de la tolérance : il faut citer ici une contribution importante sur Loys Le Roy : « Au XVIe siècle en effet, comme le montrent abondamment les pamphlets de Le Roy, l’idée de concorde s’affirme comme un problème éminemment politique, c’est-à-dire comme un outil du pouvoir permettant l’exercice d’une surveillance sur les croyances des individus dans la mesure où cet exercice est fonctionnel au maintien du pouvoir à l’intérieur d’une nation. En régime de concorde, endurer et souffrir temporairement la présence des réformés n’est autre qu’un moyen pour tenter d’obtenir le retour des fourvoyés. »

43Mais peut-être faut-il aussi ne pas prendre trop les mots pour ce qu’ils disent littéralement dans un contexte de simulation et dissimulation partagées ? Est-ce qu’il ne faut pas adopter la terminologie évoquée par Tatiana Baranova-Debbagi47, qui parle de « tolérance civique » à propos des édits royaux de pacification, et donc passer par-dessus les mots des acteurs du XVIe siècle ? Dans un sonnet qu’il dédie à la reine en 1563, Estienne Jodelle revient sur ces années capitales durant laquelle la paix se trouvait contestée par « ardeur saincte ou faincte ». Il se remémore alors comment la souveraine, identifiée à Atlas portant la France, n’a pas cessé de se vouer, « sans crainte/ D’aucun hasard », à essayer de ranimer la raison dont l’« ardeur » était éteinte. Surtout Catherine de Médicis s’est donnée à « peiner, sonder, aller/deçà delà, mander, desseigner, et parler48 ». Un labeur et une peine au sein duquel la parole se dressait contre les tentations de violence, s’efforçait de conjurer les forces négatives qui montaient de partout. Une reine dont le sens de l’œuvre qui a été une œuvre de « longue patience » et de « prudence49 ». Ce fut elle qui, « par fatale influence », fut appelée à venir libérer les Français « insensez » de leurs luttes civiles. Elle a été la purificatrice, « par destin », la purificatrice qui a purgé la France avec une « grande, bonne et sage médecine » qui a éteint l’« ardeur » qui brûlait le royaume50. De Catherine à la catharsis… Et il est nécessaire de rappeler que la devise de Catherine, dans les années 1550 est selon les traductions qui en sont données : « elle apporte la lumière et la sérénité, ou « elle porte en elle la lumière et la paix ». Ce qui ne serait pas sans se référer à l’emblématique de la Tolerantia. Une Catherine herculéenne… Rappelons encore que dans la collection de dessins au crayon qu’elle avait réunie, le seul personnage qui ne soit pas un gentilhomme ou une dame de la noblesse est Érasme ! Ce qui donnerait à penser que les mots auxquels la politique royale recourt pour tenter de faire se clore les éruptions de violence sont des stratagèmes, et que la tolérance peut avoir été pensée par le pouvoir politique comme une acceptation de l’altérité, à savoir l’altérité de ceux qui se revendiquaient être des disciples de l’Évangile.

44Le remède nouveau a été cette fois-ci en 1562 un remède d’exception, « la voye de doulceur ». Cette voie, précisément, a ceci de spécifique d’être balisée par des tentatives de prises de parole : « honnestes remonstrances, exhortations et prédications » destinées à ramener ceux qui errent dans la foi…51 C’est la volonté de « doulceur » qui revendique ici d’être l’impératif d’une politique de la charité. Dès le 31 mars 1561, cette voie était devenue celle qu’impose « la necessité du temps52 », une nécessité qui, le 20 juin, devient de plus en plus forte car elle « nous presse et contrainct de fason que nous ne pouvons faire moings que cela53… ». Il est impossible d’aller plus avant, mais il faut voir que le choix, après 1570, d’une action inspirée par le néoplatonisme ne fut pas sans recharger l’imaginaire de la tolérance d’une autre dimension, l’amour de l’autre étant une manière pour chaque créature de se fondre dans l’âme du monde qui le mènerait à la paix et à la perfection. La Tolerantia de Catherine de Médicis s’exprimera alors dans des fêtes magiques telles que celle qui est figurée dans le Triomphe du printemps peint en 1572 sans doute par Antoine Caron. On y voit le roi Charles IX, de part et d’autre des deux colonnes évoquant sa devise Justitia et sapientia, être le maître de cérémonie d’unions confessionnelles entre princes et princesses des deux confessions catholiques et calvinistes tandis qu’au premier plan, devant le char du Printemps et derrière les Trois grâces, Antoine de Navarre, figuré en dieu Mars, contemple la beauté de la déesse de l’amour, Vénus-Marguerite de Valois. La tolérance transcende ici l’idéal de concorde. Elle dit l’amour de l’autre comme une adhésion à l’ordre universel.

45La Tolerantia serait, là, juste avant le massacre de la Saint-Barthélemy, synonyme d’amour.

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Le Triomphe du printemps peint en 1572 sans doute par Antoine Caron (collection particulière, États-Unis)

Notes de bas de page numériques

1 « Discours pour Voltaire » (30 mai 1878), Actes et paroles, IV.

2 Contrairement à ce que l’on peut penser, la territorialisation n’occulte pas une certaine modération : prohibition à un prince d’intervenir sur le territoire d’un autre prince en arguant du prétexte religieux, clause du « réservat ecclésiastique » empêchant que les principautés ecclésiastiques, du fait de la conversion du prélat au luthéranisme, puissent changer de religion, entérinement des sécularisations.

3 Thomas Nicklaus, « Les idées de paix en 1555 et les motifs d’un compromis indispensable », in Jean-Paul Cahn, Françoise Knopper et Anne-Marie Saint-Gille (dir.), De la guerre juste à la paix juste. Aspects confessionnels de la construction de la paix dans l’espace franco-allemand (XVIe-XXe siècle), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 49-63.

4 Cité in Jean-Claude Colbus (dir.), La « Chronique » de Sébastien Franck (1499-1542) : vision de l’histoire et image de l’homme, Francfort, Peter Lang, 2017, p. 421.

5 Sébastien Castellion, De Haereticis, an sint persequendi et omnino quomodo sit cum eis agendum, doctorum virorum tum veterum, tum recentiorum sententiae, Magdeburgi (i.e. Basilae), per G. Rausch (i. e. Oporinus), 1554. Voir Mario Turchetti, « Calvin face aux tenants de la concorde (moyenneurs) et aux partisans de la tolérance (castellionistes) », in Olivier Millet (dir.), Calvin et ses contemporains : actes du colloque de Paris, 1995, Genève, Librairie Droz, coll. « Cahiers d’humanisme et Renaissance » (n° 53), 1998, p. 43-56 ; Sébastien Castellion : des Écritures à l’écriture, Marie-Christine Gomez-Géraud (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2013.

6 Voir l’analyse de Rabia Gregory, Marrying Jesus in Medieval and Early Modern Northern Europe: Popular Culture and religious Reform, Londres et New York, Routledge, 2016.

7 Géraldine Cazals, « Les savoirs et le modèle théâtral à la Renaissance Le Theatre des bons engins de Guillaume de La Perrière. Une théâtrale et opportune illustration du renouveau du stoïcisme à la Renaissance », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes. Journal of Medieval and Humanistic Studies, vol. 29, 2015, p. 271-304 : emblème LXVII : « L’homme constant est semblable à l’enclume, /Qui des marteaulx ne crainct la violence. /Cueur vertueux est de telle coustume, /Que de malheur ne doubte l’insolence : /Ne craint fureur, yre, malevolence, /Contre tous maulx est prompt à resister : /Pour quelque effort ne se veult desister /De parvenir en honneur et prouesse. /Constance faict le saige persister /En son entier, et conquester noblesse. » Sur la constance, voir encore l’emblème XCVII. La première édition des œuvres de Sénèque donnée par Érasme (Senecae opera, Bâle, Froben, 1515) est rapidement désavouée par lui, et suivie de plusieurs rééditions. Sur les différentes éditions de Sénèque et des auteurs stoïciens à la Renaissance, voir Julien Eymard d’Angers, « Le renouveau du stoïcisme en France au XVIe et au début du XVIIe siècle », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1, mars 1964, p. 122-147 ; W. Trillitzsch, « Erasmus und Seneca », Philologus, vol. 109, 1965, p. 270-293 ; Julien Eymard d’Angers, Recherches sur le stoïcisme aux XVIe et XVIIe siècles, Hildesheim et New York, 1976 ; Pierre-François Moreau (dir.), Le Stoïcisme au XVIe et au XVIe siècle, Paris, Albin Michel, 1999 ; Léontine Zanta, La Renaissance du stoïcisme au XVIe siècle, Paris, Champion, 1914 ; Florence de Caigny, Sénèque le tragique en France (XVIe -XVIIe siècles), Imitation, traduction, adaptation, Paris, Classiques Garnier, 2011.

8 Et aussi les Lettres à Lucilius, 66, 12 ; voir Jean-Louis Ferrary, « Quelques réflexions sur le De officiis », Vita Latina, 1990, n° 117, p. 2-6.

9 Lettres à Lucilius, 120, 13-14, cité par Jean-Christophe Courtil, « L’Épreuve de la douleur et la sublimation du héros sénéquien », Cahiers des Études Anciennes, University of Ottawa & Laval University, p. 207-224.

10 Françoise Joukovsky, La Gloire dans la poésie française et néolatine du XVIe siècle (des Rhétoriqueurs à Agrippa d’Aubigné), Genève, Librairie Droz, 1969, p. 155-156.

11 Gerrit Voogt, Constraint on trial: Dirck Volckertsz Coornhert and religious freedom, Truman State University Press, 2000.

12 Voir Hans R. Guggisberg, “The Defense of Religious Toleration and religious liberty in Early Modern Europe; Arguments, Pressures, and some Consequences”, History of European Ideas, vol. 4, n° 1, 1983, p. 35-50.

13 J. Kühn, “Das Geschichtsproblem der Toleranz”, in Bruno Becker (dir.), Autour de Michel Servet et de Sébastien Castellion, Haarlem, Tjeenk Wilink & Zoon, 1953, p. 3.

14 Dirk Coornhert, “Verschooninghe van de Roomsche Afgoderye : De Polemiek Van Calvijn Met Nicodemieten”, in Mirjam Van Venn (dir.), Het Bijzonder Met Coornhert, Hes & de Graaf Publishers, 2001, [Apologie pour l’idolâtrie romaine]. « Sur la “déprise confessionnelle” des nicodémites », Jean-Pierre Cavaillé, Nicodémisme et déconfessionnalisation dans l’Europe de la première modernité », Les Dossiers du Grihl, Hors-série n° 5, 2022 [Secrets et mensonges].

15 Voir Henk Bonger, The Life and Work of Dirck Volkertszoon Coornhert, Amsterdam, Rodopi, 2004 ; Johan Koppenol, “Living to the Letter : Correspondence of Dirck Volckertsz Coornhert”, in Jeanine de Landtsheer et al. (dir.), Between Scylla and Charybdis Learned Letter Writers Navigating the Reefs of Religious and Political Controversy in Early Modern Europe, Leyde: Brill, 2011; Mirjam Van Veen, “Spiritualism in The Netherlands: From David Joris to Dirck Volkertsz. Coornhert”, Sixteenth Century Journal, vol. 33, nr. 1, 2002, p. 129-150; Marijke Meijer Drees, “Tolerant, overtuigend en actueel. De Synode over gewetensvrijheid (1582) van Dirck Volkertszoon Coornhert”, Neerlandica Wratislaviensia, 29, avril 2020, p. 229-246; R. Emmet Mclaughlin, Henk Bonger, et Gerrit Voogt, “The Life and Work of Dirck Volkertszoon Coornhert”, Sixteenth Century Journal, vol. 37, n° 1, avril 2006; Barbara A. Kaminska, “Looking beyond Confessional Boundaries: Discourse of Religious Tolerance in Prints by Dirck Volkertsz. Coornhert and Adriaan de Weert”, Renaissance and Reformation, vol. 36, nr. 3, déc. 2013, p. 83-126.

16 G. Voogt, Constraint on trial: Dirck Volckertsz Coornhert and religious freedom, Truman State University Press, 2000, p. 54.

17 Thomas Beaufils (dir.), Les Identités néerlandaises : De l’intégration à la désintégration, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2006, p. 122.

18 François Laurent, Histoire du droit des gens et des relations internationales : Tome IX, Les guerres de religion, Bruxelles et Leipzig, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1863, p. 441-448.

19 Petit traité montrant que c’est que doit faire un homme fidèle connaissant la vérité de l’Évangile, quand il est entre les papistes,1543.

20 Carlo Ginzburg, Il nicodemismo, simulazione e dissimulazione religiosa nell’Europa del’500, Turin, Einaudi, 1970 ; Thierry Wanegffelen, Ni Rome ni Genève : des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1997, p. 35-80 ; Pratiques de simulation et de dissimulation religieuses (nicodémisme) en Espagne et en Italie (XVe-XVIIe siècles), Toulouse, Cahiers du Framespa, 2020.

21 Nathalie Szczech, Calvin en polémique. Une maïeutique du Verbe, Paris, Éditions Classiques Garnier, 2016, p. 807-808.

22 Augustin Renaudet, « La religion d’Érasme, in Augustin Renaudet », Études érasmiennes (1521-1529), Paris, E. Droz, 1939, p. 145-153.

23 Marie-Madeleine de la Garanderie, « Erasme à l’épreuve des textes de saint Jean », Actes du Colloque international Erasme, Tours, 1986, Genève, Droz, 1990, p. 130-131.

24 Georges Chantraine, « Mystère » et « Philosophie du Christ » selon Érasme, Namur, Secrétariat des publications, Facultés universitaires, 1971, p. 166.

25 Peter G. Bietenholz, « Érasme et les interprétations controversées de Galates 2, 11-14 », in Jacques Chomarat, André Godin, Jean Claude Margolin (dir.), Actes du Colloque international Érasme, Genève, Droz, 1990, p. 161-169.

26 Sylvie Daubresse, Conjurer la dissension religieuse : La justice du roi face à la Réforme (1555-1563), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2019, p. 133.

27 David El Kenz, « La naissance de la tolérance au 16e siècle : l’“invention” du massacre », Sens public, Revue électronique internationale. http://sens-public.org/articles/340/

28 Le texte est reproduit dans Édits des guerres de religion, André Stegmann (dir.), Paris, Vrin, 1979.

29 Sylvie Daubresse, Conjurer la dissension religieuse : La justice du roi face à la Réforme (1555-1563), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2019.

30 « Un manifeste parisien contre le premier Édit de tolérance. 1562 », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, t. 19, p. 534-540.

31 Remonstances faictes au Roy de France par Messieurs de la Court de Parlement de Paris, sur la publication de l’Edict du moys de Janvier, A Cambray, Par Nicolas Lombart, 1562, Ei-Eii.

32 Alain Tallon, « Rome et les premiers édits de tolérance d’après la correspondance du nonce Prospero Santa Croce », in Michel Grandjean et Bernard Roussel (dir.), Coexister dans l’intolérance. L’édit de Nantes (1598), Genève, Labor et Fides, 1998, p. 339-352.

33 Maurice Rousset, « La Boëtie. Discours de la servitude volontaire, suivi du Mémoire (inédit) touchant l’édit de janvier 1562 », Revue d’histoire de l’Église de France, tome 10, nr. 47, 1924, p. 214-219.

34 Mario Turchetti, « Concorde ou tolérance ? Les Moyenneurs à la veille des guerres de religion en France », Revue de Théologie et de Philosophie,118, 1986, p. 257-267. Mario Turchetti, Concordia o tolleranza ? François Bauduin e i Moyenneurs, Genève-Milano, Librairie Droz, 1984, p. 224- 226.

35 Mario Turchetti, « De “la liberté de conscience” à la “liberté de la patrie”. Concorde et tolérance pendant les guerres de Religion des Pays-Bas et de la France au XVIe siècle », in Fabien Salesses (dir.), Le bon historien sait faire parler les silences. Hommages à Thierry Wanegffelen, Toulouse, 2012, p. 235-262.

36 Mario Turchetti, « Une question mal posée : Érasme et la Tolérance. L’idée de sygkatabasis », Bibliothèque d’Humanisme Et Renaissance, vol. 53, nr. 2, 1991, p. 379-395, p. 381-382. https://folia.unifr.ch/unifr/documents/302608

37 Il faut partir sur de nouvelles bases évoquées par M. Turchetti étudiant les conséquences de l’échec du colloque de concorde de Poissy : « Cette espèce de tolérance, sanctionnée par l’édit de janvier, fut en effet, la résultante de deux ensembles de tendances : du côté du gouvernement, la tendance à limiter autant que possible la marge de concessions ; du côté réformé, au contraire, la tendance à obtenir le maximum de concessions, selon les requêtes avancées par Coligny et par Bèze (surtout pendant la prolongation de son séjour à la Cour. Leurs entrevues avec la reine-mère réussirent à la persuader que, pour éviter la guerre, on ne pouvait plus différer d’accorder aux réformés l’autorisation de se réunir pour le culte dans les Assemblées. La phase cruciale de la partie se joue au cours du dernier mois de l’année. Pendant de temps, le chancelier de l’Hospital changeait radicalement de position, admettant une relative tolérance religieuse séparée de la tolérance civile ; et la reine-mère, elle aussi, allait se rendre à l’évidence : l’évidence d’une guerre imminente, […] Entre la concorde et la tolérance, Catherine avait choisi la concorde. Maintenant, au début de 1562, entre la tolérance et la guerre, elle se voit obligée d’accepter provisoirement la tolérance. Pendant ce temps, le chancelier de l’Hospital changeait radicalement de position, admettant maintenant une relative tolérance religieuse séparée de la tolérance civile. » (Mario Turchetti, « Concorde ou tolérance ? Les Moyenneurs à la veille des guerres de religion en France », Revue de Théologie et de Philosophie, vol. 118, 1986, p. 266-267.)

38 Marianne Carbonnier-Burkard, « Les préambules des édits de pacification (1562-1598) », in Michel Grandjean et Bernard Roussel (dir.), Coexister dans l’intolérance. L’Édit de Nantes (1598), Genève, Labor et Fides, 1998, p. 75-90; William Huseman, « A lexicological study of the expression of toleration in French (1559-1565) », Cahiers de lexicologie, nr. 48, 1986, p. 89-109.

39 Michel de L’Hospital, Discours pour la majorité de Charles IX, Robert Descimon (dir.), Paris, Imprimerie Nationale,1993, « Présentation », p. 24-25.

40 Cité in Véronique Montagne, « Les contours de la tolérance dans les édits de pacification de Charles IX », Regards croisés sur la tolérance, Collection d’actes de colloques du CTEL, Loxias-colloques : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1329 .

41 Jean Baubérot et Marianne Carbonnier-Burkard, Histoire des Protestants, Paris, Ellipses, 2016, p. 64. Cf. l’Édit de Saint-Maur : « Et la leur fut de gens qu’ilz choisirent, estans les plus fortz en nostre Conseil privé. Et en meirent plus grand nombre de lad. nouvelle opinion que de catholiques pour parvenir à leur fin, comme ilz feirent de la tollerance de l’exercice de deux religions par nostre edict provisionnal faict le XVII janvier oud. an M VC LXI. Lequel nostred. tres honnorée dame et mere, pour lors n’estant la plus forte, contre son opinion, laquelle a tousjours esté tres chrestienne, fut contraincte laisser passer, comme aussi furent nostre tres cher et tres amé cousin le cardinal de Bourbon, et semblablement noz tres chers et bien amez cousins les cardinal de Tournon, duc de Montmorency, connesapp, et mareschal de Sainct-André, qui estoient des principaulx et plus anciens conseillers et officiers de nostre couronne que les feuz roys nosd. seigneurs pere et frere nous avoient laissé ; qui, entre autres occasions qui les meurent à tollerer ce que dessus, remonstrerent à nostred. tres honnorée dame et mere que c’estoit le moins mal que l’on pouvoit faire alors, veu que l’exercice de lad. nouvelle opinion demeuroit entierement hors des villes et qu’il falloit esperer que nous reparerions ce mal quant nous serions parvenuz en plus grand aage, auctorité et puissance, qui nous rendroient noz subjectz plus obeïssans. Ce que attendant nostred. tres honnorée dame et mere, en singuliere devotion, s’arresta à continuer en tres grande vigillance nostre institution et celle de noz tres chers et tres amez freres et de nostre tres chere et tres amée sœur en la vraye religion de l’Eglise catholique, apostolique et romaine, que les roys tres chrestiens noz predecesseurs ont tenue et defendue depuis unze cens ans ou presc, dont nous et noz subjectz luy sommes grandement tenuz et obligez. » (http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_04 )

42 Jacques Chomarat, Grammaire et rhétorique chez Érasme, 2 vol. , Paris, Les Belles Lettres, 1981, t. II, p. 662 : La prudence du Christ invite à ne pas rechercher le danger : « lorsque l’Évangile a plus à perdre qu’à gagner par ta mort, fuis, cache-toi… » Il faut savoir céder quelquefois : « par son acte, le Christ nous avertit que quelque fois il faut céder à la malice des hommes, de peur qu’elle ne s’exaspère encore et ne commette des péchés plus horribles. » Données complémentaires in R. H. Murray, Erasmus and Luther, their Attitude to Toleration, Londres et New York, 1920, Wallace K. Ferguson, « The Attitude of Erasmus toward Toleration », in Persecution and Liberty, Essays in honor of G. L. Burr, New York, 1931, p. 171-181 et Myron P. Gilmore, « Les limites de la tolérance dans l’œuvre polémique d’Érasme », Colloquia Erasmiana Turonensia, vol. II, Limoges, 1972, p. 713-736. Sur le refus érasmien de l’intolérance, Thierry Wanegffelen, L’Édit de Nantes. Une histoire européenne de la tolérance (XVIe-XXe siècle), Paris, Librairie générale française, 1998, p. 77-87, qui plutôt que compassion utilise, en suivant Mario Turchetti et sa très fine analyse du concept de « sygkatabasis », le motif de la « condescendance des humanistes ».

43 Sur le problème de l’applicabilité du concept de « tolérance » à Michel de L’Hospital, ou de la prévalence de l’imaginaire de la « concorde », voir les recherches essentielles déjà citées de M. Turchetti et la réflexion critique de Mary Seong-Hak Kim, Michel de L’Hospital. The Vision of a Reformist Chancellor during the French Religious Wars [Sixteenth Century Essays and Studies XXXVI], Kirksville, 1997, p. 73-75 et Thierry Wanegffelen, Ni Rome ni Genève : des fidèles entre deux chaires en France au xvie siècle, Paris, Honoré Champion, 1997, p. 214-215.

44 Érasme, Paraphrases, in Œuvres choisies, Paris, LGF, « Le livre de poche classique », 1991, p. 618-619.

45 Voir Denis Crouzet, Le Haut cœur de Catherine de Médicis, Paris, Albin Michel, 2005 et La Sagesse et le malheur. Michel de L’Hospital chancelier de France, Seyssel, Champvallon, 1998.

46 Cité in Henri Amphoux, Michel de l’Hospital et la liberté de conscience au XVIe siècle, Paris, 1860, reprint Genève, 1969, p. 269-270.

47 Tatiana Debbagi Baranova, « Libelles et jeu politique pendant les guerres de religion », in Hugues Daussy et Vladimir Chichkine (dir.), Politique et religion dans la France du XVIe siècle (Proslogion. Studies in Medieval and Early Modern Social History and Culture, vol. 1-13), Moscou et Saint-Petersbourg, Eurasia, 2016, p. 153 et suiv.

48 Étienne Jodelle, Œuvres complètes, Enea Balmas (dir.), 2 vol. , Paris, Gallimard, 1968, t. I, p. 204-206.

49 Amadis Jamyn, Les Œuvres poétiques. Premières poésies et Livre premier, Samuel M. Carrington (dir.), Genève, Librairie Droz, 1973, p. 46 (« Pour la Junon nopcière à la même entrée » (1571)).

50 Amadis Jamyn, Les Œuvres poétiques. Premières poésies et Livre premier, Samuel M. Carrington (dir.), Genève, Librairie Droz, 1973, p. 37.

51 Lettres de Catherine de Médicis, Hector de la Ferrière (dir.), t. I (1533-1563), Paris, Imprimerie nationale, 1880, p. 577.

52 Lettres de Catherine de Médicis, Hector de la Ferrière (dir.), t. I (1533-1563), Paris, Imprimerie nationale, 1880, p. 587.

53 Lettres de Catherine de Médicis, Hector de la Ferrière (dir.), t. I (1533-1563), Paris, Imprimerie nationale, 1880, p. 599-600.

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Pour citer cet article

Denis Crouzet, « Genèses simulées et dissimulées de la tolérance « moderne » : le problème d’un transfert conceptuel », paru dans Loxias-Colloques, 20. Tolérance(s) III - concepts, langages, histoire et pratiques
Tolerance(s) - concepts, language, history and practices
, Genèses simulées et dissimulées de la tolérance « moderne » : le problème d’un transfert conceptuel,
mis en ligne le 27 octobre 2023, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1984.


Auteurs

Denis Crouzet

Denis Crouzet est professeur émérite d’histoire moderne à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université. Ses recherches portent sur les problématiques de la violence et de la paix au XVIe siècle, sur les angoisses des imaginaires religieux, et sur les figures de personnages ayant pris part aux événements de la crise comme Michel de L’Hospital, Charles Quint, Catherine de Médicis… Son dernier livre, « Le XVIe siècle est un héros » : Michelet inventeur de la Renaissance, est paru chez Albin Michel, Bibliothèque Histoire, en 2021.