Loxias-Colloques |  14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance 

Véronique Montagne  : 

Les contours de la tolérance dans les édits de pacification de Charles IX

Résumé

 Si le mot « tolérance » est attesté dans la langue française depuis le XIVe siècle, un certain nombre de ses acceptions sont plus tardives et datent, en particulier, de la Renaissance. En effet, si les dictionnaires de langue précisent que l’acception principale du terme, à cette époque, est directement héritée du latin classique tolerantia, qui désigne la « constance à supporter », de nouveaux sens, dérivés de ceux-ci apparaissent peu à peu. C’est à cette période (et plus précisément dans les années 1560) qu’apparaît le sens de « disposition à admettre chez les autres une manière d’être, de penser, d’agir différente de la sienne », qui s’inscrit dans un cadre politico-religieux. Cette acception peut notamment désigner la permission accordée à des dissidents de pratiquer librement leur religion, c’est-à-dire la tolérance dite « civile ». C’est à cet aspect de la tolérance qu’on se propose ici de s’intéresser, à partir d’un corpus de textes politiques parus dans les années 1560-1570.

Abstract

While the word "tolérance" has been used in the French language since the 14th century, a number of its meanings are later and date, in particular, to the Renaissance. Indeed, if language dictionaries specify that the main meaning of the term, at that time, is directly inherited from the classical Latin tolerantia, which refers to the "constancy to bear", new meanings, derived from them, gradually appear. It was during this period (and more precisely in the 1560s) that the meaning of "readiness to accept in others a way of being, thinking and acting different from one’s own" appeared, which was part of a politico-religious framework. This meaning may refer in particular to the permission granted to dissidents to freely practice their religion, i.e. the so-called "civil" tolerance. It is this aspect of tolerance that we propose here to focus on, based on a corpus of political texts published in the years 1560-1570

Index

Mots-clés : politique , Renaissance, tolérance

Plan

Texte intégral

1Le mot « tolérance » est attesté dans la langue française depuis le XIVe siècle1, mais un certain nombre de ses acceptions sont plus tardives et datent, en particulier, de la Renaissance. En effet, si le Französisches Etymologisches Wörterbuch2, le Trésor de la Langue Française Informatisé ou le Dictionnaire de la langue française3 précisent que l’acception principale du terme, à cette époque, est directement héritée du latin classique tolerantia, qui désigne la « constance à supporter », l’« endurance », l’action « d’admettre quelque chose qu’on n’approuve pas ou qui est défendu, mais que l’on renonce par indulgence à interdire, à empêcher »4, de nouveaux sens, dérivés de ceux-ci apparaissent peu à peu.

2C’est à cette période (et plus précisément dans les années 1560) qu’apparaît ainsi le sens de « disposition à admettre chez les autres une manière d’être, de penser, d’agir différente de la sienne », qui s’inscrit dans un cadre politico-religieux. Cette acception peut désigner une réelle « acceptation de [la] différence [religieuse] soit par respect des convictions de l’autre (même si on ne les partage pas), soit parce qu’on admet la diversité des chemins pour aller à Dieu ». Il s’agit de la tolérance dite « religieuse ». Il peut aussi s’agir d’une « permission accordée à des dissidents de pratiquer librement leur religion5 », c’est-à-dire de tolérance « civile6 ». La phrase citée dans le Trésor de la Langue Française Informatisé ou dans le Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle7 qui illustre cette acception est empruntée aux Mémoires de Condé, plus précisément à un passage où sont relatés des événements datant de 1561 : « Ne faut oublier que depuis la Conférance faite à Poissy avec les Ministres, le Chancelier de l’Hospital fist permettre par tollerance ausdits ministres de faire Presches publiques8. »

3Deux leçons sont à retenir de cet exemple. La première est de type sémantique : on remarque la proximité des familles « permettre » et « tolérer », déjà mise en évidence par William Huseman9 en 1986 et que nous allons retrouver plus loin.

4La deuxième leçon est historique : apparaissent ici au premier plan le personnage de Michel de L’Hospital et la date de 1561, qui est celle du colloque de Poissy mentionné ici. L’évocation de cette conférence religieuse qui s’est tenue du 9 septembre 1561 au 14 octobre et qui rassemblait 46 prélats, à l’initiative de Catherine de Médicis, afin de maintenir la paix religieuse en France, nous montre que nous sommes sur le terrain politico-religieux.

1. Le corpus

5Pour éclairer le sens politico-religieux de ce mot et en dessiner les contours, il paraît donc opportun de retenir des textes politico-religieux datant des années 1560. Cette piste mène d’abord menée à cinq édits de pacification, un édit de pacification étant une déclaration faite par un gouvernement ou un chef d’État10 selon laquelle les membres d’une religion donnée ne seront pas persécutés pour leur engagement dans la pratique et les traditions rattachés à cette religion. Il s’agit d’un édit qui officialise l’acceptation d’une religion par l’État mais non l’adhésion à celle-ci du pouvoir politique en place. Les édits retenus ont été très étudiés par les historiens et les théologiens11, mais ont moins été observés dans leurs aspects formels, qui sont révélateurs du positionnement retenu.

6Ces édits de pacification sont régulièrement cités lorsque l’on parle de « tolérance » pour le XVIe siècle. C’est par exemple le cas dans l’Histoire et dictionnaire des guerres de religion dirigée par Arlette Jouanna et dans lequel figure une entrée « tolérance ». Le mot est également utilisé par leur auteur principal, c’est-à-dire Charles IX. L’idée est ainsi évoquée lorsqu’il s’agit de revenir sur l’édit du 17 janvier 1562 (et non 1561) et d’en résumer – évidemment subjectivement – le contenu :

Et la leur [assemblée] fut de gens qu’ilz choisirent, estans les plus fortz en nostre Conseil privé. Et en meirent plus grand nombre de [ladicte]. Nouvelle opinion que de catholiques pour parvenir à leur fin, comme ilz feirent de la tollerance de l’exercice de deux religions par nostre edict provisionnal faict le XVII janvier oud. An M VCLXI12.

7Le corpus retenu pour cette étude est donc constitué de cinq édits13 parus entre janvier 1562 et juillet 1573 et qui ont été signés par Charles IX (1550-1574), roi de France de 1560 à 1574 : l’Édit de Saint-Germain-en-Laye (17 janvier 1562) ; l’Édit d’Amboise (19 mars 1563) ; l’Édit de Paris (23 mars 1568) ; l’Édit de Saint-Germain en Laye (11 août 1570) et l’Édit de Boulogne (11 juillet 1573).

8S’y ajoutent un certain nombre de textes, parus autour de cette épineuse question politique et qui permettent d’appréhender le contexte dans lesquels la notion de tolérance civile a vu le jour en France. En amont, la Harangue du chancelier, Michel L’Hospital aux États d’Orléans (13 décembre 1560) est prise en considération parce qu’elle est souvent qualifiée de « discours de tolérance ». Á l’Édit du 17 janvier 156214 et dont le texte a été rédigé par Michel de L’Hospital15, s’ajoute par ailleurs la Declaration et interpretation du Roy, sur aucuns mots & articles contenus au present Edict du dixseptieme de Janvier, Mil cinq cens soixante & un qui est parue le 14 février 1562.

9L’Édit d’Amboise (19 mars 1563), qui fait suite à la première des guerres de religion (1562-1563), est complété par la Déclaration du Roy par laquelle il deffend de ne faire presche assemblées, ny administrations de sacrementz de la nouvelle religion, prétendue réformée, en sa court ne suitte, ny ès maisons de sa Majesté (19 juin 1563) et par la Declaration et interpretation du Roy, sur l’Edict de la pacification des troubles pour le faict de la Religion (décembre 1563).

10L’Édit de 1563 suscite par ailleurs une polémique intéressante pour notre propos, qui court sur l’année 1564 et qui met en lice Jean Bégat et ses Remonstrances faictes au roy de France, par les deputez des trois Estats du Duché de Bourgoigne, sur l’Edict de la pacification des troubles du Royaume de France. Un auteur anonyme lui oppose une Apologie de l’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre la Remonstrance des estats de Bourgongne (1564). Jean Bégat riposte dans sa Response pour les députez des trois estatz du pays de Bourgoingne contre la calumnieuse accusation, publiée soubz le tiltre d’Apologie de l’edict du Roy pour la pacification de son Royaume.

11L’Édit de Paris (23 mars 1568), qui doit mettre un terme à la deuxième guerre de religion déclenchée par le précédent édit, est complété ici par des lettres du Roi, datées du 30 août 1568 (Lettres du Roy, par lesquelles il veut & ordonne que ceux de la Religion pretendue reformée soyent receus à faire leurs plaintes & doleances) et par l’Édit de Saint-Maur-des-Fossés, qui est daté de septembre 1568 et qui est donc paru pendant la troisième guerre de religion. Cet édit très restrictif à l’égard des réformés puisqu’il leur enlève la liberté de culte, est le signe d’un changement radical dans la politique royale.

12Précisons enfin que l’Édit de Saint-Germain en Laye (août 1570) précède le choc de la Saint Barthélémy en 1572 et la quatrième guerre de religion. Quant à l’Édit de Boulogne (juillet 1573), il précède la mort du Roi (30 mai 1574) et la cinquième guerre de religion.

13Dans ce contexte social, politique et religieux, qui est manifestement très tendu, reste à déterminer comment l’idée de la pacification fait son chemin, comme celle de la tolérance qui lui est liée. Nous nous proposons de répondre à cette question en observant quelques indicateurs formels, parmi lesquels seront essentiellement retenus la question du lexique et celle de la dénomination/ désignation.

2. Et la tolérance ?

2.1. Le lexique

14Puisque les cinq édits royaux observés ici sont régulièrement qualifiés d’édits de « tolérance » ou mis en relation avec l’idée de tolérance, le lecteur s’attend à y trouver des termes de la famille sémantique de « tolérer ». Or, seul l’édit de Saint Maur (1568), dont on a dit qu’il manifestait un revirement de la politique royale, comporte ce lexique :

Et la leur [assemblée] fut de gens qu’ilz choisirent, estans les plus fortz en nostre Conseil privé. Et en meirent plus grand nombre de [ladicte] Nouvelle opinion que de catholiques pour parvenir à leur fin, comme ilz feirent de la tollerance de l’exercice de deux religions par nostre edict provisionnal faict le XVII janvier oud. An M VCLXI16.

 Lequel [nostredicte] tres honnorée dame et mere, pour lors n’estant la plus forte, contre son opinion, laquelle a tousjours esté tres chrestienne, fut contraincte laisser passer, comme aussi furent nostre tres cher et tres amé cousin le cardinal de Bourbon, et semblablement noz tres chers et bien amez cousins les cardinal de Tournon, duc de Montmorency, [connestable] et mareschal de Sainct-André, qui estoient des principaulx et plus anciens conseillers et officiers de nostre couronne que les feuz roys [nosdicts] seigneurs pere et frere nous avoient laissé ; […] qui, entre autres occasions qui les meurent à tollerer ce que dessus, remonstrerent à [nostredicte] tres honnorée dame et mere que c’estoit le moins mal que l’on pouvoit faire alors17.

15La tolérance évoquée ici est manifestement dépréciée, considérée comme un pis-aller, le « moins mal »/ moindre mal, à une époque de dissensions religieuses qui divisent le royaume.

16Si les édits de tolérance ne parlent pas (explicitement) de tolérance, les réactions (positives ou négatives), parues dès 1563, s’intéressent de fort près à cette question. Ainsi, les Remonstrances faictes au roy de France de Jean Bégat, se caractérisent-elles par une densité remarquable de la famille sémantique « tolérer », jadis soulignée par William Huseman. Dans l’Apologie de l’édit du Roy sur la pacification de son royaume contre la Remonstrance des estats de Bourgongne, le premier passage des Remonstrances auquel l’apologiste s’intéresse porte du reste explicitement sur la question de la tolérance. Les deux passages concernés sont les suivants :

les Monarques Chrestiens […] ont toleré les sectes differentes qu’ils ont veu pululer en la religion Chrestienne, & soubs ceste couleur vous a l’on voulu faire entendre, que vous pouvez souffrir deux diverses loix en vostre Royaume, & que toutes deux vous rendront sure & certaine obesissance. Mais si on veult bien regarder à tout & espelucher les dires par le menu, ceste couleur se trouve faulse de dangereux conseil & exemple pernicieux18.

Et afin que je ne parle sans preuve, n’est-ce pas une parolle non seulement inconsiderement, ains temerairement escrite quand monsieur l’Orateur, vous dictes, que si on veut esplucher les affaires par le menu, que la couleur de tollerer les sectes à l’imitation des precedens Empereurs Chrestiens se trouvera faulse, & de dangereux conseil, & pernicieux exemple19.

17On notera l’expression « la couleur de tolérer », « couleur » étant à prendre au sens rhétorique, comme une figure de l’élocution et comme si la tolérance n’était qu’une posture, un fard destiné à dissimuler un positionnement moins ouvert. L’argumentation de l’Apologie porte entièrement sur cette histoire de tolérance : « Si donc je vous puis prouver – ajoute l’apologiste – que les bons Empereurs, & sages Princes ont permis & tolleré religion contraire à celle qu’ils tenoient, vous reviendrez, comme je pense, à recongnoissance de vostre faute20. » Il réussit à en faire la preuve en évoquant l’existence de « bons Empereurs, & sages Princes, [qui] ont permis & tolleré religion contraire à celle qu’ils tenoient21 » et d’« un bon Empereur, & sage Prince, qui a tolleré & permis Religion contraire à la sienne »22 et conclut :

Voyez donc, Remonstrant très-subtil, comment nostre proposition universelle negative peut estre vraye, puisqu’il se trouve un bon Empereur, & sage Prince, qui a tolleré & permis Religion contraire à la sienne23.

18Dans ces passages, on notera aussi l’usage du verbe « permettre »24 ou de « souffrir » au sens de « supporter ». La coordination des verbes « tolérer » et « permettre » est du reste assez récurrente dans l’Apologie. D’ailleurs, si le mot « tolérance » ne figure pas dans les cinq édits qui forment le corpus initial, la famille sémantique de « permettre » affiche en revanche un nombre d’occurrences croissant au fil des textes : on compte vingt-sept occurrences du mot dans l’ensemble des cinq édits, dont dix-huit (les deux tiers, donc) dans les deux derniers textes. Le verbe « permettre », conjugué au présent de l’indicatif et à la première personne du pluriel (avec un « nous » de majesté) relève d’un acte performatif qui pose les principes de la tolérance civile :

Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et differendz entre noz subjectz, leur avons permis et permectons vivre et demourer par toutes les villes et lieux de cestuy nostre royaulme et pays de nostre obeïssance sans estre enquis. (1570)

Et pour donner occasion à noz subjectz, manans et habitans de nosd. villes de La Rochelle, Montauban et Nismes de vivre et demeurer en repoz, leur avons permis et permectons l’exercice libre de la Religion pretendue reformée dans lesd. Villes. (1573)

Permectons à tous noz subjectz estans de ladicte Religion de pouvoir vendre ou alliener leurs biens et se retirer librement avec leurs deniers et autres meubles où bon leur semblera. (1573)

19Par ailleurs, la subordonnée concessive « de quelque religion qu’ilz soient », synonyme syntaxique, est également plus présente dans les deux derniers édits puisqu’on en compte quatre occurrences sur un total de six.

20Toutefois, la tolérance dont il s’agit ici semble être, sinon une couleur, au moins un pis-aller qui n’implique pas un positionnement franchement irénique. Comme le souligne ainsi l’auteur de l’Apologie, « permission » (et donc tolérance) n’est pas approbation :

l’Edict de la pacification […] ne sert pas beaucoup pour augmenter la gloire de l’Eglise Romaine, ainçois qu’il est necessaire pour addoucir la malice du temps. Voire mais il permet deux Religions. Quant ainsi seroit, permission n’est pas approbation. Dieu permet & laisse vivre les pecheurs & toutefois ne les approuve. Le Roy permet les lieux publics pour la retraite des femmes eshontées & impudiques : Neantmoins n’approuve les impudicitez & paillardises. Ceste permission ne tend qu’à eviter plus grands maux en la republique. Ainsi est-il de la permission des deux religions25.

21Le raisonnement est confirmé par l’autorité royale, dans la Declaration et interpretation du Roy, sur aucuns mots & articles contenus au present Edict du dixseptieme de Janvier, Mil cinq cens soixante & un (1562) :

Et sans que par nostredite ordonnance & la presente declaration, nous ayons entendu & n’entendons approuver deux Religions en nostre Royaume, ains une seule qui est de nostre saincte Eglise, en laquelle nos predecesseurs Rois ont vecu26.

22La désapprobation latente est du reste sensible dans la façon dont sont identifiés les intéressés.

2.2. Les « tolérés » 

23La question de la dénomination de ceux que l’on doit « tolérer », en l’occurrence les Protestants, pose un problème soulevé par Michel de L’Hospital, dans son discours d’Orléans daté du 13 décembre 1560 où il suggère :

Ostons ces mots diaboliques, noms de parts, factions et seditions, lutheriens, huguenots, papistes. Ne changeons le nom de chrestien27.

24Dans l’édit de Fontainebleau, daté du 19 avril 1561, sont par ailleurs « faictes defenses, de ne s’entre-injurier aucunement, par ces mots de Huguenots, Papistes, ou autres28. » Le terme « huguenot » est en effet péjoratif dès ses origines (mi-1530), mais se banalise peu à peu et devient généralement plus neutre à partir des années 156029. Ceci étant, il reste suffisamment chargé de connotations péjoratives dans les années 1560 pour avoir entraîné la recommandation de son éviction30.

25Puisque l’identification de la classe des Huguenots n’est donc pas possible par sa simple dénomination31, reste la possibilité de recourir à une désignation, c’est-à-dire à une « expression [qui] n’a pas été attribuée a priori en propre à l’entité à laquelle elle renvoie », mais à laquelle elle permet d’accéder « par l’intermédiaire des informations (descriptives ou autres) qu’elle comporte »32. La désignation est le lieu où règne la périphrase, c’est une pseudo-définition condensée qui relève de la pratique de la catégorisation33, laquelle implique une subjectivité et une dimension évaluative plus ou moins forte34. Le choix d’une désignation dans un paradigme de possibles atteste en effet d’un point de vue, d’une façon de considérer/ déconsidérer l’autre, ce qui peut être soutenu, amplifié par une organisation de ces catégories en « paires relationnelles standardisées » et éventuellement hiérarchisées35.

26Dans le cas présent, les intéressés sont ainsi désignés (voire dénommés) par une série de moyens qui signalent leur ostensible mise à distance, la non-adhésion explicite du locuteur à leur point de vue, ces moyens entrant dans des systèmes antithétiques qui opposent des groupes pourtant censés établir une relation de cohabitation sinon fraternelle, du moins pacifiée.

27On identifiera deux marques désignatives/ dénominatives qui sont pareillement orientées, les premières sont caractérisées par la présence d’un discours rapporté ou d’une modalisation autonymique, la seconde concerne l’usage de termes connotés péjorativement.

a) Le DR

28L’idée que les Protestants puissent proposer et soutenir une religion amendée, débarrassée d’abus alors notoires, est ouvertement contestée. Le terme « réformé » est ainsi explicitement posé comme relevant du discours rapporté (non assumé par le locuteur-énonciateur) ou d’un propos fautif.

29Dans le premier cas, c’est l’expression « lesdicts de la religion qu’ils disent réformée » qui désigne les protestants (1570), l’expression « la religion qu’ils disent réformée » étant utilisée dès 1563. Le mot « réformé » y est manifestement en emploi autonymique, c’est un mot-citation posé comme emprunté au discours huguenot, comme cela est régulièrement le cas dans les parutions contemporaines.

30Dans le second cas, c’est l’expression « lesdictz/ ceulx de la religion qu’ils prétendent/prétendue réformée » qui désigne les protestants, selon une expression alors également très diffusée. La périphrase circule dès l’édit de 156336. Dans les édits de 1570 ou de 1573, toutes les occurrences de « réformé » sont précédées de « qu’ilz disent » ou du modalisateur « prétendue ». Ce dernier terme figure également dans les Lettres du Roy, par lesquelles il veut & ordonne que ceux de la Religion pretendue reformee soyent receus à faire leurs plaintes & doleances, qui datent de 1568.

31La désignation sera déclinée dans les différents édits de pacification jusqu’à celui de Nantes37 (1598) et dans de nombreux textes, dont ceux de Pierre Victor Palma Cayet sur la période 1562-157338. Il est à noter que Palma Cayet est alors protestant, ce qui atteste du fait que la désignation a été assimilée, y compris par ceux qui pourraient contester son absence de neutralité. En 1576, Henri III entérine cette désignation dans l’article XVI de l’édit de Beaulieu : « en tous actes et actions publiques où sera parlé de ladite religion, sera usé de ces mots, religion prétendue réformée39. » La périphrase est donc devenue la désignation officielle (et donc une véritable dénomination) de l’obédience calviniste en France, désignation officielle qui véhicule (potentiellement et/ou intrinsèquement) une nuance insultante.

32Dans l’édit de Saint Maur, plus coercitif on le sait, la variante « [nosdicts] Subjectz de la pretendue Religion » se substitue dans l’article IV au syntagme « ceulx de lad. Religion prétendue réformée » :

Et neantmoins n’entendons et ne voulons que ceulx de lad. Religion pretendue reformée soient aucunement recherchez en leurs consciences, pourveu qu’il n’y ayt exercice d’autre Religion que de la catholique et romaine, esperans que cy aprés, par inspiration divine et par le bon et grand soing que nous aurons à tenir la main que tous evesques et pasteurs de l’Eglise de nostredict royaume s’employent et facent leur debvoir, [nosdicts] subjectz de la pretendue Religion pourront retourner et se reunyr avec nous et noz aultres subjectz à l’unyon de la saincte Eglise catholique40.

33N’est-ce pas laisser entendre, à la faveur de cet enchaînement supposé anaphorique – et dont on trouve des échos dans les discours ultra-catholiques contemporains41 – que la religion des protestants n’en est pas vraiment une ? Le raisonnement est suffisamment manifeste (ou récurrent) pour que, dans l’article qu’il consacre à « prétendre », Edmond Huguet fasse figurer l’expression « La religion pretendue », dont le sens affiché est « La religion réformée » et une entrée « Les prétendus », paraphrasée par « Les réformés ».

b) Les connotations

34La désapprobation est également marquée par le recours à l’adjectif épithète « nouvelle », dès l’édit de 1562 dans la désignation « ceulx de la nouvelle Religion » ou « ceulx de la religion nouvelle »42.

35Le syntagme, contextuellement synonymique, « ceulx de la nouvelle opinion », est utilisé à sept reprises dans les édits. L’expression est circonscrite au XVIe siècle, si l’on en croit le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France, qui n’affiche pas de titre comportant cette expression (dans ce sens) après la Renaissance. Elle est absente du dictionnaire de Robert Estienne (1560), mais elle est utilisée dès 1553 par Jodelle, dans ses Sonnets contre les ministres de la nouvelle opinion43.

36Dans toutes ces occurrences, c’est le terme « nouvelle » qui concentre les connotations péjoratives. Certes le mot « opinion » peut désigner une idée sans fondement. C’est le cas dans l’épithétaire de Maurice de La Porte (Les Epithètes, 1571)44, où l’opinion est dite « muable », « journalière », « decevante », « fauce » voire « huguenotique ». Il en fait un portrait extrêmement péjoratif :

Pour les miseres qu’Opinion fait souffrir en toutes les contrées où elle peut ramper, on la nomme Oste-sceptre des Rois, poison de l’esprit, hydre à cent mille chefs, monstre ruineus, fille de fantaisie, nourrice des combats, peste du genre humain45.

37Ceci étant, le terme peut être utilisé dans un sens mélioratif/ neutre, comme c’est le cas chez Michel de L’Hospital, dans ce célèbre passage d’une déclaration de 1560 : « Tu dis que ta religion est meilleure, je défends la mienne : lequel est plus raisonnable que je suive ton opinion, ou toi la mienne46 ? » L’idée est la même dans les désignations des dissensions religieuses par le syntagme « diversité des opinions » que l’on trouve dans les édits de 1562, 1563 et mars 156847.

38Dans les années 1568-1569, à l’époque de l’édit de Saint Maur, le cumul des traits marquant la désapprobation est sensible dans l’expression « nouvelle prétendue religion » que l’on trouve par exemple dans l’Edict du Roy contenant déclaration qu’il ne se veut d’oresnavant plus servir de ses officiers, tant de judicature que des finances, qui sont de la nouvelle pretendue Religion48.

39Naturellement, la subjectivité interprétative49 des locuteurs est ici explicitement marquée. La substitution de mots tenus pour péjoratifs (« huguenot », « papiste ») par des périphrases n’entraîne pas l’effacement du point de vue, puisque les expressions para-synonymiques sont tout aussi dévalorisantes que les premières.

40Par ailleurs, ces expressions sont marquées par un dialogisme manifeste, révélateur du partage des catégorisations. Ces apparentes désignations périphrastiques (« nouvelle opinion », « religion prétendue réformée ») se figent en véritables dénominations, plus ou moins fixées par l’usage, qui sont reprises et qui offrent un lien référentiel stable. « Religion prétendue réformée » est un syntagme qui court ainsi jusqu’au XVIIIe siècle et qui est couramment abrégé par l’acronyme « RPR ». On peut considérer ces périphrases comme ce qu’Alice Krieg-Planque appelle des « formules », c’est-à-dire « un ensemble de formulations qui, du fait de leurs emplois à un moment donné et dans un espace public donné, cristallisent des enjeux politiques et sociaux que ces expressions contribuent dans le même temps à construire50 ». Les expressions relevées ici sont effectivement caractérisées par leur figement51, leur dimension discursive52 (elle correspond à un « moment discursif » avec son vocabulaire), leur statut de référent social53, reconnaissable et leur statut polémique54. D’un point de vue pragmatique, il s’agit d’une « qualification péjorative » qui, comme le disent Diane Vincent et Marty Laforest, un « acte social qui se mesure plus sur un axe d’intentions (telles que perçues par l’allocutaire) que sur une échelle de grossièreté des termes utilisés55 ».

41Les formules sont d’autant plus marquées axiologiquement qu’elles entrent dans un système d’opposition56, un système antithétique, opposant globalement le positif au négatif, ce qui est un autre ressort du discours stigmatisant57. On insistera ainsi58 sur le fait que les catholiques sont nommés de manière récurrente, par le mot « catholique », qui n’a pas subi de spécialisation péjorative et qui est – lorsqu’il est en emploi adjectival – ponctuellement paré du prestige de l’adjectif coordonné « romaine », ce qui est régulièrement le cas en 1570 et 157359. Par ailleurs, à l’appellation « leur Religion », « la RPR », « la nouvelle Religion » s’oppose des syntagmes comme « l’Eglise catholicque », « nostre Eglise catholicque » ou « nostredicte Eglise catholicque » (1562) qui marquent ostensiblement un groupe unifié autour de la personne du Roi, lequel exclut, au moins ponctuellement, une partie de ses sujets.

42 

43Comme Jérémy Foa, on ne peut que souligner la « contradiction entre les prétentions universalistes des édits et leur contribution à la domination catholique60 » ou, en l’occurrence, la contradiction entre une aspiration – certes naissante – à une cohabitation apaisée entre différentes confessions et des réflexes évaluatifs et donc dénominatifs. De cela, il ressort naturellement que le sens du mot « tolérance » est encore à mettre en relation avec le sens de son étymon, avec ce sème pragmatique qui s’y ajoute dans ce contexte politico-religieux : il s’agit de tolérer, mais pour obtenir un apaisement dont l’État français ne peut pas faire l’économie.

Notes de bas de page numériques

1 Le Trésor de la Langue Française Informatisé (http://atilf.atilf.fr/) place la première attestation en 1365, avec le sens « action de tolérer, d’admettre quelque chose qu’on n’approuve pas ou qui est défendu, mais que l’on renonce par indulgence à interdire, à empêcher ». La citation est empruntée au Traité des monnaies d’Oresme.

2 Walter von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch, t. XIII/2, p. 18 (https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/).

3 Edmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, en ligne sur le Grand Corpus des dictionnaires [9e-20e s.], Garnier électronique (https://www.classiques-garnier.com/numerique-bases/corpusdictionnaires).

4 Edmond Huguet évoque cette « vertu qui consiste à supporter ce qui est pénible physiquement ou moralement », en citant notamment Jean Lemaire de Belges et sa Couronne Margaritique parue en 1549 (Jean Lemaire de Belges, Les Illustrations de Gaule et singularitez de Troye, par maistre Jean Le Maire de Belges, avec la Couronne margaritique et plusieurs autres oeuvres de luy).

5 Voir le Trésor de la Langue Française Informatisé et Edmond Huguet (Grand Corpus des dictionnaires [9e-20e s.]).

6 Voir Arlette Jouanna, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, 1559-1598, Paris, Robert Laffont, 1998, p. 82.

7 Grand Corpus des dictionnaires [9e-20e s.].

8 Louis de Condé, Mémoires servant d’éclaircissement et de preuves à l’histoire de M. de Thou, contenant ce qui s’est passé de plus mémorable en Europe, vol. 1, Londres et Paris, Rollin, 1743, p. 67.

9 William Huseman, « A lexicological study of the expression of toleration in French (1559-1565) », Cahiers de lexicologie n° 48, 1986.

10 Formellement, il s’agit d’une lettre patente (donc ouverte) composée d’un intitulé, d’une adresse et d’une salutation, d’un préambule, d’un dispositif (découpé souvent en plusieurs articles), d’une formule exécutoire, de l’annonce du sceau, de la date et, enfin, de la signature du roi (voir François Olivier-Martin, Les lois du roi, Paris, LGDJ, 1997, p. 278-289).

11 Voir par exemple Monique Cuillièron, « Les textes de pacification de la fin du XVIe siècle », Revue de Pau et du Béarn, n° 28, 2001, p. 9-58 ; Marianne Carbonnier-Brukard, « Les préambules des édits de pacification (1562-1598) », in Michel Grandjean et Bernard Roussel, Coexister dans l’intolérance, Paris, Labor & Fides, 1998, p. 75-90 ; Jean Baubérot et Marianne Carbonnier-Brukard, Histoire des Protestants, Paris, Ellipses, 2016 ; Sylvie Daubresse, « Christophe de Thou et Charles IX : recherches sur les rapports entre le parlement de Paris et le prince (1560-1574) », Histoire, économie & société, 1998, 17-3, p. 389-422.

12 Extrait de l’Édit de Saint Maur, septembre 1568, http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/corpus (voir infra, note 13).

13 Ces différents édits sont rassemblés par la Bibliothèque Nationale de Chartres (http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/corpus). Ils sont également accessibles sur un espace spécifique de la base Gallica, dédié aux actes royaux de Charles IX .

14 L’édit est signé à la suite de l’échec du colloque de Poissy qui s’est ouvert en sept 1561. Devant cet échec, « Catherine de Médicis et Michel de L’Hospital changent l’ordre de leurs priorités : la paix civile, nécessaire à la restauration de l’autorité de l’État, passe désormais avant l’objectif de l’unité religieuse. Ils se résignent à une solution provisoire de tolérance civile » (Jean Baubérot et Carbonnier-Brukard, Histoire des Protestants, p. 64).

15 Laurent Bourquin, La France au XVIe siècle, Paris, Belin, 2007, p. 107.

16 Extrait de l’Édit de Saint Maur, septembre 1568, http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/corpus.

17 Le mot apparaît aussi dans l’Arrest donné par la Court de Parlement de Tolose, à ce que ceux de la nouvelle pretendue religion ayent à poser les armes, & rendre les Villes & Places par eux occupées, en l’obeyssance du Roy. Portant aussi defences à tous Ministres, Diacres & autres d’icelle pretendue religion, faire aucun exercice d’icelle au pays de Languedoc, Toulouse, Jacques Colomiès, 1568 (« sadicte Majesté n’entend qu’ilz soyent tolerez, ains soyent contraincts de sortir & abandonner ledict pays », f° A 2).

18 Jean Bégat, Remonstrances faictes au roy de France, par les deputez des trois Estats du Duché de bourgoigne, sur l’Edict de la pacification des troubles du Royaume de France, Anvers, Guillaume Silvius, 1564, p. 16-17.

19 Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, s.l., s.n., 1564, p. 5-6.

20 Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, p. 7.

21 Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, p. 7.

22 Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, p. 10.

23 Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, p. 12.

24 Voir William Huseman, « A lexicological study of the expression of toleration in French (1559-1565) ».

25 Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, p. 22-23.

26 Declaration et interpretation du Roy, sur aucuns articles de l’édit, in Actes Royaux, col. Thoisy, B.N. Réserve, 480 (9), f. 52-56.

27 Michel de L’Hospital, Discours pour la majorité de Charles IX et trois autres discours, Imprimerie Nationale, 1993, p. 87.

28 Jean Le Frere de Laval, La vraye et entiere histoire des troubles et guerres civiles advenues de nostre temps, tant en France qu’en Flandres & pays circonvoisins, depuis l’an mil cinq cens soixante, jusques à present, t. 1, Paris, Guillaume de la Nouë, 1583, f° 120 v°.

29 Voir Arlette Jouanna, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, 1559-1598, p. 984. Est cité à l’appui le passage d’une lettre qu’Étienne Pasquier adresse à son ami Fonsomme, en 1562 : « Permettez-moy derechef une fois pour toutes, et pour abregement de langage, que j’use envers vous de ce mot, au lieu de ceux de la Religion Nouvelle, ou de la Religion Prétendue Réformée. Je suis devenu avaricieux en paroles, et les plus courtes mes sont les meilleures. » (Estienne Pasquier, Œuvres d’Estienne Pasquier, Amsterdam, Compagnie des Libraires associez, 1723, livre III, lettre XIV, p. 94.

30 Notons la disparition du mot « hérétique » dans les textes, mais la persistance – sporadique il est vrai – du substantif « hérésie » : dans l’édit de 1562, le Roi prononce un certain nombre de règles « afin de ne remplir [les] subjectz de nouvelles heresies » (1562). L’adjectif « nouvelle » suggère que le protestantisme est une hérésie.

31 On rappelle que la « nomination relève d’un processus et renvoie à l’acte d’imposition d’un nom à quelque chose », alors que la « dénomination [renvoie] au résultat, stabilisé, de cette opération » (Jean-François Sablayrolles, « Nomination, dénomination et néologie : intersection et différences symétriques », Neologica, n° 1, mars 2007, p. 87-99. Voir aussi Georges Kleiber, « Dénomination et relations dénominatives », Langages, 76, 1984, p. 77-94 et « Remarques sur la dénomination », Cahiers de praxématique, n° 36, 2001, p. 21-41.

32 Georges Kleiber, « De la dénomination à la désignation : le paradoxe ontologico-dénominatif des odeurs », Langue française 2/2012, n° 174, p. 3.

33 Franck Neveu, Dictionnaire des sciences du langage, Paris, Armand Colin, 2004, article « catégorisation ».

34 Franck Neveu, Dictionnaire des sciences du langage, p. 229.

35 Franck Neveu, Dictionnaire des sciences du langage, p. 214.

36 La date de 1564 avancée par Hubert Bost, à la suite de G. De Félice doit donc être anticipée d’une année (Hubert Bost, Ces Messieurs de la RPR, Histoires et écritures de huguenots XVII-XVIIIe siècles, Paris, Champion, 2001, n. 4, p. 12). Le terme est aussi utilisé dans la Déclaration du Roy par laquelle il deffend de ne faire presche assemblées, ny administrations de sacrementz de la nouvelle religion, prétendue réformée, en sa court ne suitte, ny ès maisons de sa Majesté (Paris, Jean Dallier, 1563), qui est un complément à l’édit du 19 juin 1563.

37 Dans l’Édit de Nantes, Henri IV évoque ainsi ses « sujets de la religion prétendue réformée ».

38 Sur l’Universal Short Title Catalogue, 37 textes comportent ce segment, dont 10 sont de Palma-Cayet.

39 Edict du Roy sur la pacification des troubles de ce royaume, leu et publié, ledit seigneur seant en son Parlement, le XIII jour de may, Paris, Frédéric Morel, 1576, article 16, f° 9 v°.

40 Souligné par nous.

41 L’auteur de l’ouvrage Le Stratageme, ou la Ruse de Charles IX, Roy de France, contre les Huguenots rebelles à Dieu & à luy. Escrit par le seigneur Camille Capilupi, & envoyé de Rome au Seigneur Alphonse Capilupi, paru en 1574 parle ainsi de « fausse religion » (Félix Danjou, Archives curieuses de l’histoire de France, t. VII, Paris, Hachette Livre BNF, 2017, p. 401 sqq. Le raisonnement est le même chez Jean Bégat, Remonstrances faictes au roy de France, par les deputez des trois Estats du Duché de bourgoigne, sur l’Edict de la pacification des troubles du Royaume de France, p. 10.

42 On retrouve cette expression dans la Declaration et interpretation du Roy, sur aucuns mots & articles contenus au present Edict du dixseptieme de Janvier, Mil cinq cens soixante & un ( = 1562).

43 Estienne Jodelle, Les Œuvres et meslanges poétiques d’Estienne Jodelle, sieur du Lymodin, t. 2, Paris, Alphonse Lemerre, 1868-1870, p. 133 sqq.

44 C’est également le cas dans Les dialogues de Guy de Bruès, contre les nouveaux académiciens, que tout ne consiste point en opinion, où Baïf est interrogé par Ronsard sur la définition de l’opinion. Sa réponse met en évidence tout ce que cette dernière a de faillible : « R. : Et qu’apeles tu opinion ? B. : L’apparence & verisimilitude des choses incertaines : car l’opinion s’engendre & se parfait en nous par un consentement, sans qu’il y ait aucune cause necessaire : à raison de quoy elle est incertaine & peu assurée. (Guy de Bruès, Les dialogues de Guy de Bruès, contre les nouveaux académiciens, que tout ne consiste point en opinion (Paris, G. Cavellat, 1557, p. 10).

45 Maurice de La Porte, Les épithètes (1571), Paris, Champion, 2017, article « opinion ».

46 Michel de L’Hospital, La Harangue faite par Monsieur de Lospital grand chancelier de France, en la présence du Roy, ledict seigneur tenant ses grans estatz en sa ville d’Orléans, au moys de janvier mil cinq cens soixante et ung, Blois, Julian Angelier, 1561, f° 18 v°.

47 Il en va de même dans la Declaration du Roy sur le faict de ceulx de la nouvelle Opinion qui se sont absentez depuis le xxiiiie jour d’Aoust, 1572 ( = 1573).

48 Le texte est paru à Lyon, chez Michel Jove, le 25 sept 1568. La désignation est la même dans l’Arrest de la Court de Parlement par lequel est ordonné qu’aucuns ne seront receuz en Estatz ayans leurs femmes où enfans, famille et serviteurs, de la nouvelle pretendüe Religion, 26 septembre 1569.

49 Voir Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’énonciation, De la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin, 1980, p. 126.

50 Alice Krieg-Planque, La notion de « formule » en analyse du discours, Presses Universitaires de France-Comté, 2009, p. 7.

51 Alice Krieg-Planque, La notion de « formule » en analyse du discours, Presses Universitaires de France-Comté, 2009, p. 7.

52 Alice Krieg-Planque, La notion de « formule » en analyse du discours, Presses Universitaires de France-Comté, 2009, p. 7.

53 Alice Krieg-Planque, La notion de « formule » en analyse du discours, Presses Universitaires de France-Comté, 2009, p. 7.

54 Alice Krieg-Planque, La notion de « formule » en analyse du discours, Presses Universitaires de France-Comté, 2009, p. 7.

55 Diane Vincent et Marty Laforest, « La qualification péjorative dans tous ses états », Langue française, 2004, n° 144, p. 63.

56 Voir Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’énonciation, De la subjectivité dans le langage, p. 128.

57 Voir Bruce G. Link et Jo C. Phelan, « Conceptualizing Stigma », Annual Review of Sociology, 2001, vol. 27, p. 363‐385.

58 On mettra de côté l’opposition entre les modalisateurs « prétendue » et l’adjectif « vraie », utilisés dans le contexte particulier de l’édit de Saint Maur, en 1568, où il est question de la « la vraye religion » ou de « la vraye religion de l’Eglise catholique, apostolique et romaine ».

59 Dans l’édit de 1570, il est ainsi question de « la Religion catholique et romaine » ou de « [ladicte] Eglise catholicque et rommaine ». Dans l’édit de 1573, « l’Eglise catholicque et romaine » et la « Religion catholicque et romaine » sont pareillement évoqués.

60 Jérémy Foa, Le tombeau de la paix, une histoire des édits de pacification (1560-1572), Limoges, PULIM, 2015, p. 35.

Bibliographie

Corpus primaire

- Site de la Bibliothèque de l’École des chartes 

- Site Gallica sur les textes de Charles IX 

Belloy Pierre de, Recueil des edicts de pacification, ordonnances et declarations faites par les rois de France. Sur les moyens plus propres pour appaiser les troubles et seditions, survenues pour le fait de la Religion, & faire vivre tous leurs suiets en bonne paix, union & concorde de sous leur obeissance. Avec les reglemens qu’ils ont entendu estre gardez & observez pour l’entretenement & maintien de ladite religion, Genève, Jacques Chovet, 1599.

Corpus secondaire

Arrest donne par la Court de Parlement de Tolose, à ce que ceux de la nouvelle pretendue religion ayent à poser les armes, & rendre les Villes & Places par eux occupées, en l’obeyssance du Roy. Portant aussi defences à tous Ministres, Diacres & autres d’icelle pretendue religion, faire aucun exercice d’icelle au pays de Languedoc, Toulouse, Jacques Colomiès, 1568.

Apologie de L’Edit du Roy sur la pacification de son royaume, contre La Remonstrance des estats de Bourgongne, Pseaume 2, Pourquoy se mutinent les gens, & murmurent les peuples en vain ?, s.l., s.n., 1564.

Jean Bégat, Remonstrances faictes au roy de France, par les deputez des trois Estats du Duché de bourgoigne, sur l’Edict de la pacification des troubles du Royaume de France, Anvers, Guillaume Silvius, 1564.

Jean Bégat Response pour les deputez des trois estatz du pays de Bourgoingne contre la calumnieuse accusation, publiée soubz le tiltre d’Apologie de l’edict du Roy pour la pacification de son Royaume, s.l., s.n., s.d. (1564).

Declaration du Roy sur le faict de ceulx de la nouvelle Opinion qui se sont absentez depuis le xxiiiie jour d’Aoust, Paris, Frédéric Morel, 1572.

Déclaration du Roy par laquelle il deffend de ne faire presche assemblées, ny administrations de sacrementz de la nouvelle religion, prétendue réformée, en sa court ne suitte, ny ès maisons de sa Majesté, Paris, Jean Dallier, 1563.

Declaration et interpretation du Roy, sur aucuns articles de l’édit, in Actes Royaux, col. Thoisy, B.N. Réserve, 480 (9).

Declaration et interpretation du Roy, sur l’Edict de la pacification des troubles pour le faict de la Religion , Tours, Jean Bourreau et Ollivier Tassoreau, 1563.

Edict du Roy sur la pacification des troubles de ce royaume, leu et publié, ledit seigneur seant en son Parlement, le XIII jour de may, Paris, Frédéric Morel, 1576.

Michel de L’Hospital, Discours pour la majorité de Charles IX et trois autres discours, Imprimerie Nationale, 1993.

Michel de L’Hospital, La Harangue faite par Monsieur de Lospital grand chancelier de France, en la présence du Roy, ledict seigneur tenant ses grans estatz en sa ville d’Orléans, au moys de janvier mil cinq cens soixante et ung, Blois, Julian Angelier, 1561

Lettres du Roy, par lesquelles il veut & ordonne que ceux de la Religion pretendue reformee soyent receus à faire leurs plaintes & doleances, Paris, Robert Estienne, 1568 et Lyon, Benoist Rigaud, 1568.

Le Stratageme, ou la Ruse de Charles IX, Roy de France, contre les Huguenots rebelles à Dieu & à luy. Escrit par le seigneur Camille Capilupi, & envoyé de Rome au Seigneur Alphonse Capilupi, in Félix Danjou, Archives curieuses de l’histoire de France, t. VII, Paris, Hachette Livre BNF, 2017.

Ouvrages critiques

BAUBÉROT Jean et CARBONNIER-BRUCKARD Marianne, Histoire des Protestants, Paris, Ellipses, 2016.

BOST Hubert, Ces Messieurs de la RPR, Histoires et écritures de huguenots XVII-XVIIIème siècles, Paris, Champion, 2001.

BOURQUIN Laurent, La France au XVIe siècle, Paris, Belin, 2007.

BRUÈS Guy de, Les dialogues de Guy de Bruès, contre les nouveaux académiciens, que tout ne consiste point en opinion, Paris, G. Cavellat, 1557.

CARBONNIER-BRUCKARD Marianne, « Les préambules des édits de pacification (1562-1598) », in Michel Grandjean et Bernard Roussel, Coexister dans l’intolérance, Paris, Labor & Fides, 1998, p. 75-90.

CONDÉ Louis de, Mémoires servant d’éclaircissement et de preuves à l’histoire de M. de Thou, contenant ce qui s’est passé de plus mémorable en Europe, vol. 1, Londres et Paris, Rollin, 1743.

CUILLIÈRON Monique, « Les textes de pacification de la fin du XVIe siècle », Revue de Pau et du Béarn, n° 28, 2001, p. 9-58.

DAUBRESSE Sylvie, « Christophe de Thou et Charles IX : recherches sur les rapports entre le parlement de Paris et le prince (1560-1574) », Histoire, économie & société, 1998, 17-3, p. 389-422.

FOA Jérémy, Le tombeau de la paix, une histoire des édits de pacification (1560-1572), Limoges, PULIM, 2015.

HUSEMAN William, « A lexicological study of the expression of toleration in French (1559-1565), Cahiers de lexicologie n° 48, 1986.

JODELLE Estienne, Les Œuvres et meslanges poétiques d’Estienne Jodelle, sieur du Lymodin, t. 2, par Ch. Marty-Laveaux, Paris, Alphonse Lemerre, 1868-1870.

JOUANNA Arlette, BILOGHI Dominique et LE THIEC Guy, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, 1559-1598, Paris, Robert Laffont, 1998.

KERBRAT-ORECCHIONI Catherine, L’énonciation, De la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin, 1980.

KLEIBER Georges, « Dénomination et relations dénominatives », Langages, 76, 1984, p. 77-94.

KLEIBER Georges, « Remarques sur la dénomination », Cahiers de praxématique, n° 36, 2001, p. 21-41.

KLEIBER Georges, « De la dénomination à la désignation : le paradoxe ontologico-dénominatif des odeurs », Langue française 2/2012, n° 174, p. 45-58.

KRIEG-PLANQUE Alice, La notion de « formule » en analyse du discours, Presses Universitaires de France-Comté, 2009.

LA PORTE Maurice, Les épithètes (1571), Paris, Champion, 2017.

LE FRERE DE LAVAL Jean, La vraye et entiere histoire des troubles et guerres civiles advenues de nostre temps, tant en France qu’en Flandres & pays circonvoisins, depuis l’an mil cinq cens soixante, jusques à present, t. 1, Paris, Guillaume de la Nouë, 1583.

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NEVEU Franck, Dictionnaire des sciences du langage, Paris, Armand Colin, 2004.

OLIVIER-MARTIN François, Les lois du roi, Paris, LGDJ, 1997.

PASQUIER Estienne, Œuvres d’Estienne Pasquier, Amsterdam, Compagnie des Libraires associez, 1723.

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Trésor de la Langue Française Informatisé (http://atilf.atilf.fr/)

VINCENT Diane et LAFOREST Marty, « La qualification péjorative dans tous ses états », Langue française, 2004, n° 144, p. 59-81.

WARTBURG Walter von, Französisches Etymologisches Wörterbuch (https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/).

Pour citer cet article

Véronique Montagne, « Les contours de la tolérance dans les édits de pacification de Charles IX », paru dans Loxias-Colloques, 14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance, Les contours de la tolérance dans les édits de pacification de Charles IX, mis en ligne le 06 octobre 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1329.


Auteurs

Véronique Montagne

Véronique Montagne est maître de conférences HDR à l’Université Côte d’Azur et membre du laboratoire CNRS BCL/ UMR 7320. Spécialiste de la langue et de la rhétorique de la Renaissance, sur des corpus variés, elle est récemment auteur des deux publications suivantes, en lien avec le thème de l’article proposé : « Simplifier pour stigmatiser : le cas des Politiques à la fin du XVIsiècle », Journée d’études Stigmatiser : normes sociales et pratiques médiatiques, Paris, Le Bord de l’eau, mai 2017, sous la direction de Maëlle Bazin, Frédéric Lambert, Giuseppina Sapio, à paraître en 2019 ; « Formes et usages de la définition dans le discours politico-religieux de la fin du XVIsiècle (1588-1591) : le cas du « Politique », Le Français Moderne - Revue de linguistique Française, n° 2, 2018.