tolerance dans Loxias-Colloques


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Loxias-Colloques | 14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance

Marges de tolérance : pourparlers aux frontières de l’Intangible et du Négociable

La tolérance peut se définir comme l’« État d’esprit de quelqu’un ouvert à autrui et admettant des manières de penser et d’agir différentes des siennes » (cnrtl), qui suppose l’acceptation de ce que l’on pourrait éventuellement empêcher ; c’est-à-dire comme une qualité positive (ou passive). Or l’étymologie du mot renvoie plutôt à l’endurance, qui suppose que l’on accepte une gêne, un poids : ainsi – au lieu de s’ouvrir généreusement à l’autre – on consent à prendre sur soi, à supporter de voir son propre domaine envahi, ses convictions bafouées, ses certitudes ébranlées, son confort menacé. On peut émettre l’hypothèse qu’il en va ainsi des opinions d’autrui : elles ne sont acceptables que dans la mesure où elles ne remettent pas fondamentalement en cause les siennes propres. De la sorte, la tolérance connaît sa ligne de frontière entre ce qui est négociable (où les pertes sont négligeables) et l’intangible, qui constitue le noyau dur des convictions personnelles ou communautaires. La tolérance cesse lorsque l’on se place en situation de défense de sa propre forteresse investie (avec ses valeurs individuelles ou collectives). Il peut en aller ainsi de la réaction du voyageur surpris par l’altérité : il « tolère » tant que son intégrité n’est pas menacée. On pourra s’appuyer dans un premier temps sur l’opposition entre Thevet et Léry tous deux outre-atlantique vers 1550, face à un peuple de Tupinambas un peu cannibales… Tolerance can be defined as the "state of mind of someone who is open to others and admits ways of thinking and acting that are different from his own" (cnrtl), which implies the acceptance of what could possibly be prevented; i.e., as a positive (or passive) quality. However, the etymology refers to endurance, which implies that one accepts an embarrassment: to see one's own domain invaded, one's moral comfort threatened. Opinions of others are only acceptable if they do not fundamentally challenge one's own. In this way, tolerance lies within a boundary line between what is negotiable (where losses are negligible) and what is intangible, which constitutes the hard core of personal or community convictions. This may be the case for the traveller's reaction surprised by otherness: he "tolerates" as long as his integrity is not threatened. We will study the opposition between Thevet and Léry, both in America around 1550, among the Tupinambas.

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Modification de l’idée de tolérance au Portugal du XIIe au XVIe siècle

La proposition soumise se veut être une compréhension de l’évolution de la tolérance entre juifs, maures et chrétiens au sein d’un Portugal en pleine mutation. L’idée de tolérance ne cesse de se modifier du XIIe au XVIe siècle. D’une part, elle définit celui qui ne partage pas le mode de vie de l’autre, mais qui est accepté de par son apport fondamental dans la construction du pays. D’autre part, elle n’existe que partiellement pour celui n’étant pas chrétien, à condition de se plier aux exigences de l’élément dominant. La refonte de l’idéologie de tolérance est mise en œuvre tant par l’Église que par des enjeux politiques. Le Portugal passe de l’acceptation de tous à l’obligation de se rassembler sous une même identité. La voix de la tolérance, dans la signification d’ouverture et d’acceptation, trouvera de moins en moins d’écho, jusqu’à la législation de la tolérance forcée à la fin du XVe siècle. This proposal intends to clarify the evolution of tolerance’s lemme, between Jews, Moors, and Christians, in rapidly changing Portugal. The idea of tolerance is in constant change from the 12th century to the 16th century. On the one hand, the tolerance defines those who does not share the same way of living of the other, accepting it for what he brings to the development of the country. On the other hand, tolerance exists only partially for those who are not Christian, provided they comply with the requirements of the dominant element. The recasting of the tolerance’s ideology is implemented by the Church and the royal politics. Portugal is moving from the acceptance of all to the obligation to gather everyone under the same identity. The voice of tolerance, in the meaning of openness and acceptance, will find less and less echo, up to the legislation of forced tolerance at the end of the 15th century.

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Loxias-Colloques | 18. Tolérance(s) II : Comment définir la tolérance?

Le libéralisme tolère-t-il ses ennemis ? Groupes illibéraux, citoyens déraisonnables et pluralisme agonistique : portée et limites de la tolérance libérale

Cet article se propose d’interroger les limites de la tolérance libérale. Ainsi, le libéralisme est souvent présenté comme le modèle le plus accueillant envers la pluralité des opinions ou des croyances. Mais se pose alors le problème des doctrines illibérales défendues par des individus ou des groupes intolérants. La tolérance libérale doit-elle être maximale ou des conditions telles que l’adhésion à un corpus de normes ou de valeurs spécifiques doivent-elles être imposées ? Et lorsqu’elles ne sont pas respectées, quels moyens persuasifs ou coercitifs l’État libéral a-t-il le droit d’employer ? L’étude de plusieurs réponses de la philosophie politique à ces questions, celles du perfectionnisme libéral, du libéralisme politique et du modus vivendi, nous permettra de marquer la distinction entre régime libéral et tolérance et de justifier notre préférence pour les situations de pluralisme agonistique. Does liberalism tolerate its enemies? Illiberal groups, unreasonable citizens and agonistic pluralism: scope and limits of liberal toleranceThis article intends to study the limits of liberal tolerance. Thus, liberalism is often presented as the most welcoming model towards the plurality of opinions or beliefs. But then the problem arises of the illiberal doctrines defended by intolerant individuals or groups. Should liberal tolerance be maximum or should conditions such as adherence to a body of specific norms or values be imposed? And if they are not respected, what persuasive or coercive means does the liberal state have the right to use? The study of several answers of political philosophy to these questions, those of liberal perfectionism, political liberalism and modus vivendi, will allow us to mark the distinction between liberal regime and tolerance and to justify our preference for situations of agonistic pluralism.

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Loxias-Colloques | 20. Tolérance(s) III - concepts, langages, histoire et pratiques
Tolerance(s) - concepts, language, history and practices

The Disunity Default

S’éloignant de l’accent toujours séduisant d’Émile Durkheim sur l’unité comme condition par défaut dans la société, comment notre compréhension de la société changerait-elle si nous posions la désunion comme la condition par défaut, sur une gamme allant de la désunion pacifique au divorce hostile ? Une conséquence serait que la société pourrait être comprise comme intrinsèquement instable et la culture comme une tentative continuelle par des gens d’injecter de la stabilité dans leur situation. Qu’est-ce que cela signifierait pour la possibilité de la tolérance ? Enracinant mon analyse dans quarante ans de recherche ethnographique sur la société turque, j’explore la différence et le conflit dans la Turquie contemporaine et ce que cela nous dit de manière plus générale sur les possibilités de créer de l’ordre dans le monde et de tolérer les autres. Moving away from Emile Durkheim’s still seductive focus on unity as the default condition in society, how would our understanding of society change if we posed disunity as the default, on a range between peaceful disunity to hostile divorce? One consequence would be that society might be understood as inherently unstable, and culture as a continual attempt by people to inject stability into their circumstances. What would this mean for the possibility of tolerance? Rooting my analysis in forty years of ethnographic research on Turkish society, I explore difference and conflict in contemporary Turkey and what this tells us in a more general sense about the possibilities for creating order in the world and tolerating others.

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Concordia, humanitas, cultura : l’apport de la pensée et de la figure de Cicéron à une réflexion sur les sociétés contemporaines

La philosophie politique de Cicéron est centrée sur la notion de concordia. À l’époque moderne, ce terme de concorde a été plus volontiers utilisé dans les pays catholiques en se distinguant de celui de tolérance qui a fini par supposer la concession puis la reconnaissance d’un droit civique à la différence religieuse. Les problématiques développées par Cicéron, dont le rayonnement demeure par le fait même qu’il est une des figures fondatrices de l’humanisme et des études humanistes, peuvent éclairer nos débats actuels sur le vivre ensemble. Non seulement parce qu’elles affirment la nécessité d’un compromis politique et social au plan de l’État mais aussi parce qu’elles proposent un fondement philosophique et individuel en articulation avec celui-ci. Un regard historique montre à quel point, selon les époques, les espaces et les sensibilités politiques, Cicéron peut être interprété et imaginé comme un personnage secondaire ou comme référence de premier ordre. Cicero’s political philosophy is based on the concept of concordia. In modern times, this term of concord has been more readily used in Catholic countries, distinguishing itself from that of tolerance which has come to imply the concession and then the recognition of a civil right to religious difference. The issues developed by Cicero, whose influence remains by the very fact that he is one of the founding figures of humanism and humanistic studies, can shed light on our current debates on living together. Not only because they affirm the need for a political and social compromise at the level of the State, but also because they propose a philosophical and individual basis in articulation with it. A historical look shows to what extent, according to the times, the spaces and the political sensibilities, Cicero may be interpreted and imagined as well as a secondary figure or as a first rank reference.

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