Loxias-Colloques |  14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance 

Odile Gannier  : 

Marges de tolérance : pourparlers aux frontières de l’Intangible et du Négociable

Résumé

La tolérance peut se définir comme l’« État d’esprit de quelqu’un ouvert à autrui et admettant des manières de penser et d’agir différentes des siennes » (cnrtl), qui suppose l’acceptation de ce que l’on pourrait éventuellement empêcher ; c’est-à-dire comme une qualité positive (ou passive). Or l’étymologie du mot renvoie plutôt à l’endurance, qui suppose que l’on accepte une gêne, un poids : ainsi – au lieu de s’ouvrir généreusement à l’autre – on consent à prendre sur soi, à supporter de voir son propre domaine envahi, ses convictions bafouées, ses certitudes ébranlées, son confort menacé. On peut émettre l’hypothèse qu’il en va ainsi des opinions d’autrui : elles ne sont acceptables que dans la mesure où elles ne remettent pas fondamentalement en cause les siennes propres. De la sorte, la tolérance connaît sa ligne de frontière entre ce qui est négociable (où les pertes sont négligeables) et l’intangible, qui constitue le noyau dur des convictions personnelles ou communautaires. La tolérance cesse lorsque l’on se place en situation de défense de sa propre forteresse investie (avec ses valeurs individuelles ou collectives). Il peut en aller ainsi de la réaction du voyageur surpris par l’altérité : il « tolère » tant que son intégrité n’est pas menacée. On pourra s’appuyer dans un premier temps sur l’opposition entre Thevet et Léry tous deux outre-atlantique vers 1550, face à un peuple de Tupinambas un peu cannibales…

Abstract

Tolerance can be defined as the "state of mind of someone who is open to others and admits ways of thinking and acting that are different from his own" (cnrtl), which implies the acceptance of what could possibly be prevented; i.e., as a positive (or passive) quality. However, the etymology refers to endurance, which implies that one accepts an embarrassment: to see one's own domain invaded, one's moral comfort threatened. Opinions of others are only acceptable if they do not fundamentally challenge one's own. In this way, tolerance lies within a boundary line between what is negotiable (where losses are negligible) and what is intangible, which constitutes the hard core of personal or community convictions. This may be the case for the traveller's reaction surprised by otherness: he "tolerates" as long as his integrity is not threatened. We will study the opposition between Thevet and Léry, both in America around 1550, among the Tupinambas.

Index

Mots-clés : Léry , politique, sociabilité, Thevet, tolérance, voyages

Keywords : tolerance

Plan

Texte intégral

1« Tolérance, tolérance… Mais il y a des maisons pour ça ! » aurait dit en substance Paul Claudel – qui en effet n’est pas un modèle en la matière. D’emblée, cette boutade signale que la tolérance est tout sauf naturelle et généralement répandue. Cette forme de « tolérance » est elle-même admise, faute de pouvoir réellement être interdite, dans certaines circonstances, en certains lieux et à certains effets : en l’occurrence la possibilité de « fermer les yeux » sur des opinions ou pratiques considérées comme regrettables est une concession à la faiblesse humaine, selon un principe de réalité. Il se situe à la limite de ce que l’on peut accepter entre l’ordre social et le débordement individuel – à condition que celui-ci reste discret.

2La tolérance comme valeur positive, comme objectif de paix sociale, est prônée par Bossuet, et probablement la révolution sémantique s’est-elle faite dans le cadre du militantisme humaniste, laïque et politique par les philosophes, dont Voltaire, particulièrement dans l’article « Tolérance » du Dictionnaire philosophique :

Qu’est-ce que la tolérance ? C’est l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs ; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature. […]
Il est clair que tout particulier qui persécute un homme, son frère, parce qu’il n’est pas de son opinion, est un monstre : cela ne soutire pas de difficulté ; mais le gouvernement, mais les magistrats, mais les princes, comment en useront-ils envers ceux qui ont un autre culte que le leur ?1

3L’homme étant faillible, versatile, il convient en effet de prévoir pour sauvegarder la paix civile une marge de manœuvre : comme la liberté finit là où commence celle des autres – ce qui est la base du contrat social – la tolérance commence où s’achève celle des autres. L’histoire de la tolérance semble un cheminement vers le bien commun, ou plus exactement un progrès vers les bonnes intentions, car cette forme d’acceptation bénigne est une posture plus qu’une disposition aux impératifs précis. Il s’agit, plutôt que d’accueillir indifféremment toutes les croyances et toutes les convictions – ce qui n’est le cas nulle part, peut-être même pas en utopie – de s’abstenir d’en faire grief aux autres ; cela sans doute, d’ailleurs, dans l’espoir de voir ses propres errements passés sous silence. Ainsi considérée, la tolérance est une qualité qui s’assimile au pardon plus qu’à l’amour du prochain. D’ailleurs l’Église catholique qui avait reconnu pour l’un des sacrements la confession, en en faisant la première condition du pardon – Dieu passant l’éponge sur les péchés dont le fautif se repent –, parle plutôt désormais de sacrement de la réconciliation, ce qui semble plutôt l’étape ultime du processus, lorsque le forban a lui-même renoncé volontairement à ses écarts. On suppose ainsi que Dieu, comme le feraient des hommes bien intentionnés envers leur prochain, « tolère » les écarts à condition que le pécheur revienne sur le territoire du licite. En quelque sorte, l’entorse aux prescriptions religieuses, lieu emblématique de la tolérance en péril, se négocie désormais avec la transcendance.

4Si la faiblesse est bien en partage pour tout le genre humain, il n’en va pas de même, malgré Voltaire, pour la tolérance. Plutôt que l’inverse, c’est l’intolérance qui serait une disposition naturelle que seuls amoindrissent un effort sur soi et le réfrènement des pulsions auxquelles on se laisserait spontanément aller ; la tolérance n’est l’apanage de l’humanité que parce qu’elle seule peut mettre un frein à ses inclinations naturelles. La tolérance peut être envisagée comme un idéal – ce qui prouve qu’elle n’a rien de spontané et ne s’obtient que par un effort, guidé par la raison.

Cette horrible discorde, qui dure depuis tant de siècles, est une leçon bien frappante que nous devons mutuellement nous pardonner nos erreurs : la discorde est le grand mal du genre humain, et la tolérance en est le seul remède.
Il n’y a personne qui ne convienne de cette vérité, soit qu’il médite de sang-froid dans son cabinet, soit qu’il examine paisiblement la vérité avec ses amis. Pourquoi donc les mêmes hommes qui admettent en particulier l’indulgence, la bienfaisance, la justice, s’élèvent-ils en public avec tant de fureur contre ces vertus ? Pourquoi ? C’est que leur intérêt est leur dieu, c’est qu’ils sacrifient tout à ce monstre qu’ils adorent2.

5La tolérance est ici conçue dans une acception politique au sens large, car son opposé, l’intolérance, est dicté par le fanatisme religieux, par nature totalitaire, et est source de discordes, d’agressivité, voire de « monstruosité ». La tolérance est une main tendue vers l’autre, mais son exercice impose d’en rabattre considérablement dans le champ de ses propres convictions.

6Ainsi la valeur positive de la définition que l’on adopte après Voltaire, comme l’« État d’esprit de quelqu’un ouvert à autrui et admettant des manières de penser et d’agir différentes des siennes3 », suppose l’acceptation de ce que l’on pourrait éventuellement empêcher ; c’est-à-dire comme une qualité positive (ou passive). Or l’étymologie latine du mot, tolerantia, formé sur le verbe tolerare dérivé de la même racine que tollere, renvoie plutôt à l’endurance, qui suppose que l’on accepte une gêne, un poids : le terme est d’abord employé, au XIVe siècle, pour désigner l’« action de supporter vaillamment des maux4 ». Si le mot s’est ensuite essentiellement spécialisé dans le domaine religieux, il garde le souvenir de la douleur : on souffre les inconvénients moraux infligés par ses voisins. Ainsi – au lieu de s’ouvrir généreusement à l’autre – on consent plutôt à prendre sur soi, à supporter de voir son propre domaine envahi, ses convictions bafouées, ses certitudes ébranlées, son confort menacé. On peut émettre l’hypothèse qu’il en va ainsi des opinions d’autrui : en fait elles ne sont acceptables que dans la mesure où elles ne remettent pas fondamentalement en cause les siennes propres.

7On se demandera donc si la tolérance n’est pas plutôt une forme d’indifférence, qui ne consiste qu’à accepter ce qui ne nous remet pas fondamentalement en cause. Que la tolérance soit une qualité positive ou une acceptation passive, elle se situe dans la zone intermédiaire du négociable. L’intolérance commence, donc, aux frontières de l’intangible, qui est le noyau dur de ses convictions morales, religieuses, politiques… L’exemple de deux voyageurs envoyés au Brésil, dans un XVIe siècle troublé par les oppositions religieuses – Thevet, clerc et géographe du roi, et Léry, artisan parti tenter l’aventure œcuménique outre-Atlantique – permettra de mettre à l’épreuve la capacité du voyageur à rester dominé par ses convictions ou à s’accommoder au contraire de la différence.

1. La tolérance : une valeur positive ?

8L’objectif proposé par Voltaire est la pacification et l’acceptation positive d’autrui, au motif que si l’on supprime la cause religieuse, la cité s’épargnera les causes de discorde ; la tolérance pourrait être suite ou cause de la fin des religions (entre géomètres, affirme-t-il, on ne se bat pas – il était peut-être optimiste), sans que cette formulation n’apparaisse. Soupons donc amicalement tous ensemble, à condition que personne ne fasse de prosélytisme.

9Il semble qu’ainsi la tolérance ne soit une valeur en soi que parce qu’elle évite de plus grands maux, et comme un instrument de paix civile. En réalité, il ne s’agit pas pour Voltaire de décréter un attrait réel pour la religion du Chinois, de l’Indien ou de n’importe laquelle de celles qui ne sont pas la sienne – quoiqu’il n’en fasse pas expressément mention, son « nous » est indubitablement chrétien. Il prône une tolérance qui ne représente que l’absence d’investissement symbolique dans le domaine religieux et l’abstention de pratiques expansionnistes de la part des croyants comme des athées. L’ambition de cette forme de tolérance est donc le statu quo et la paix par indifférence volontaire.

10L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert dans son article « Tolérance » l’assimile à l’indulgence pour les erreurs d’autrui.

Qui peut donc voir, sans douleur & sans indignation, que la raison même qui devroit nous porter à l’indulgence & à l’humanité, l’insuffisance de nos lumieres & la diversité de nos opinions, soit précisement celle qui nous divise avec plus de fureur ? Nous devenons les accusateurs & les juges de nos semblables ; nous les citons avec arrogance à notre propre tribunal, & nous exerçons sur leurs sentimens l’inquisition la plus odieuse ; & comme si nous étions infaillibles, l’erreur ne peut trouver grace à nos yeux. Cependant quoi de plus pardonnable, lorsqu’elle est involontaire, & qu’elle s’offre à nous sous les apparences de la vérité ? les hommages que nous lui rendons, n’est-ce pas à la vérité même que nous voulons les adresser ? Un prince n’est-il pas honoré de tous les honneurs que nous faisons à celui que nous prenons pour lui-même ? Notre méprise peut-elle affoiblir notre mérite à ses yeux, puisqu’il voit en nous le même dessein, la même droiture que dans ceux qui mieux instruits, s’adressent à sa personne ? Je ne vois point de raisonnement plus fort contre l’intolérance ; on n’adopte point l’erreur comme erreur ; on peut quelquefois y persévérer à dessein par des motifs intéressés, & c’est alors qu’on est coupable. Mais je ne conçois pas ce qu’on peut reprocher à celui qui se trompe de bonne foi, qui prend le faux pour le vrai sans qu’on puisse l’accuser de malice ou de négligence ; qui se laisse éblouir par un sophisme, & ne sent pas la force du raisonnement qui le combat. S’il manque de discernement ou de pénétration, ce n’est pas ce dont il s’agit ; on n’est pas coupable pour être borné, & les erreurs de l’esprit ne peuvent nous être imputées qu’autant que notre coeur y a part. Ce qui fait l’essence du crime, c’est l’intention directe d’agir contre ses lumieres, de faire ce qu’on sait être mal, de céder à des passions injustes, & de troubler à dessein les loix de l’ordre qui nous sont connues ; en un mot, toute la moralité de nos actions est dans la conscience, dans le motif qui nous fait agir.

11Dans les deux cas, il s’agit d’être compréhensif avec l’erreur ou la différence d’opinion dès lors qu’elle n’a pas de conséquence fâcheuse immédiate pour la société, mais adopter une tout autre position avec les principes pernicieux, s’ils sont avérés. La tolérance prend un sens très fort dans la mesure où elle se situe dans un contexte où le contraire de la tolérance est la persécution violente. Dans le contexte classique, la raison est d’abord religieuse, elle n’est civile qu’ensuite. Et encore cette distinction est-elle infime :

INTOLÉRANCE, s. f. (Morale) Le mot intolérance s’entend communément de cette passion féroce qui porte à haïr & à persécuter ceux qui sont dans l’erreur. Mais pour ne pas confondre des choses fort diverses, il faut distinguer deux sortes d’intolérance, l’écclésiastique & la civile.
L’intolérance écclésiastique consiste à regarder comme fausse toute autre religion que celle que l’on professe, & à le démontrer sur les toîts, sans être arrêté par aucune terreur, par aucun respect humain, au hasard même de perdre la vie. […].
L’intolérance civile consiste à rompre tout commerce & à poursuivre, par toutes sortes de moyens violens, ceux qui ont une façon de penser sur Dieu & sur son culte, autre que la nôtre.

12Il semble que ces deux cas de figure entrent dans le domaine que les Français attribuent à la religion, maintenant que l’Église et l’État sont nettement séparés. Dans cette perspective, prôner la tolérance signifie respecter le droit des autres à avoir une autre foi, et à les laisser pratiquer librement, si seulement leur culte est privé et qu’ils ne tentent pas de l’imposer autour d’eux.

13Aujourd’hui la tolérance est de mise comme signe de bienséance humaniste (comme l’intolérance affichée est l’indice d’un certain penchant politique, adepte de l’ordre moral). Étant l’expression d’une volonté politique ou d’un vœu pieux, la tolérance a donc ses limites : elle est constamment en danger d’être balayée. Le seul progrès sensible, comme l’affirme le même Voltaire dès 1772, est que l’intolérance n’est plus politiquement correcte : « Il y aura toujours des barbares et des fourbes qui fomenteront l’intolérance ; mais ils ne l’avoueront pas ; et c’est avoir gagné beaucoup5. » Cette certitude héritée des Lumières est hélas ébranlée lorsqu’on entend des dirigeants politiques actuels affirmer vouloir appliquer une « tolérance zéro », puisque l’objectif d’un gouvernement devrait être l’harmonie de la vie commune. En fait, cette curieuse expression périphrastique de l’intolérance est suspecte, car elle contrevient à tous les principes de la cohabitation démocratique, et claironne ce que les philosophes avaient pensé assez honteux pour être tu. La tolérance s’exerce à deux niveaux : individuel et collectif. La tolérance comme acceptation des particularités laisse le « jeu » possible entre les territoires individuels, et est le corollaire obligé de la forme de la république et de la liberté individuelle. La « tolérance zéro » est l’exact contraire de l’égalité supposée entre les citoyens.

14Cependant, l’Encyclopédie commence son article « tolérance » par une autre affirmation :

TOLÉRANCE, (Ordre encyclop. Théolog. Morale, Politiq.) la tolérance est en général la vertu de tout être foible, destiné à vivre avec des êtres qui lui ressemblent.

15Si c’est une vertu, c’est aussi la marque de la faiblesse – et pas celle de la bonté, de la magnanimité ou de l’empathie. Parler de « tolérance zéro » est ainsi la rodomontade de ceux qui veulent se montrer décidés à déployer la force pour s’imposer. On retrouve Voltaire, prompt à déplacer la question du religieux au politique :

Ils ont d’autres puissants sous eux, et ceux-ci en ont d’autres encore, qui tous s’enrichissent des dépouilles du pauvre, s’engraissent de son sang, et rient de son imbécillité. Ils détestent tous la tolérance comme des partisans enrichis aux dépens du public craignent de rendre leurs comptes, et comme des tyrans redoutent le mot de liberté. Pour comble, enfin, ils soudoient des fanatiques qui crient à haute voix : « Respectez les absurdités de mon maître, tremblez, payez, et taisez-vous. »6

16Si la tolérance est le recours du faible, on rejoint ici l’étymologie du terme : tolerantia renvoie à ce qui se supporte : toler-are (sur la racine tole-s) : « endurer, supporter » ; dans le domaine militaire : « nourrir, sustenter, entretenir par obligation (des troupes) ». Ce sens était d’abord celui de tollo (tollis, tollere, tuli, latum). Le grec talas renvoie à la patience au sens fort, la capacité à souffrir, endurer. Le sens connote très clairement l’état de faiblesse ou de passivité forcée, qui oblige à supporter avec constance – ce que l’on ne peut empêcher. Ce n’est donc pas une vertu mais une nécessité. Et l’on fait de nécessité vertu.

17Le sens ancien n’est donc ni positif ni enviable.

18Ainsi, au mieux, la tolérance est indifférence – on laisse faire ce que l’on pourrait peut-être empêcher, mais on n’y accorde pas une si grande importance : que les uns pratiquent une religion acceptée en vertu d’un « édit de tolérance », parce qu’ils y croient à titre privé (même si l’on considère qu’ils se trompent) ; que certains se rendent dans des maisons « de tolérance » (parce que là est leur penchant, même si l’on n’est pas soi-même tenté de le faire) ; que d’autres enfin pratiquent des rituels que l’on ne comprend pas… Par libéralité, la tolérance laisse faire parce que là est la personnalité manifestement irréductible de son voisin. En ce seul sens elle procède de la générosité, puisque l’on accepte un comportement potentiellement contraire à ce que l’on croit, à moins qu’il ne s’agisse d’une forme de renonciation prudente aux fatigues et à l’inconfort d’un conflit pour une cause à laquelle, finalement, on n’est pas viscéralement attaché.

2. Le territoire du négociable : la zone égoïste de l’indifférence

19La tolérance serait-elle une manifestation de lâcheté idéologique, ou plutôt l’expansion démesurée de l’individualisme ? Pour l’Italien Raffaele Simone, l’équilibre politique de l’Europe contemporaine serait rompu par la croyance d’une partie de la population au mythe rousseauiste de l’homme naturel « pour moitié catholique et pour moitié de gauche : doux, privé d’intérêts personnels, naturellement enclin à l’égalité et prêt au renoncement et au nivellement7. » Selon sa théorie exposée en particulier dans Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ?, les citoyens croyant benoîtement à la démocratie et à la « douceur » oublient que les enfants et les vieillards ont tendance par égoïsme à se replier sur eux-mêmes et à penser que le soin dont on les entoure leur est dû. L’homme serait donc naturellement « de droite », si l’on peut dire, et ne serait « de gauche » que par idéalisme, au prix d’un effort contraire à ses propres intérêts immédiats. Comme l’acceptation d’autrui ne va pas de soi, Raffaele Simone dénonce la crise de civilisation de l’Europe, qui encourage l’égoïsme et le rejet de l’Autre encombrant – au nom d’une forme de bonheur facile dans une société du divertissement, au nom du droit que revendique désormais chacun d’affirmer de façon décomplexée tous ses choix personnels comme parfaitement valables. « Renoncement, tendance à l’égalité, nivellement, ne semblent pas être des attributs natifs : tout au plus des objectifs occasionnels qui sont atteints lors de situations fortement contrôlées8. » Cette disposition permet, de fait, la montée d’une droite frivole, populiste et xénophobe.

L’auteur développe ici au passage une anthropologie pessimiste qui considère que l’homme est plutôt enclin à la violence. C’est pourquoi la mentalité démocratique et a fortiori la démocratie, si vulnérables, ont besoin d’une mythologie pour les renforcer. Cette croyance rend l’impossible envisageable : la liberté et l’égalité pour tous. Raffaele Simone considère que différentes fictions, notamment l’idée que la représentation par les députés permet l’expression de la volonté populaire, sont ici à l’œuvre. Le terme de fiction pourrait sous-entendre une mise à distance, mais ce relativisme est effacé par une exigence supplémentaire : les citoyens vivant en démocratie doivent tenir pour vraies ces fictions9.

20Au nombre de ces « fictions », figure l’idéal comportemental de tolérance qu’il faudrait inculquer aux jeunes gens. Si cette injonction fleurit aujourd’hui partout, c’est peut-être le signe qu’il faut lutter contre des tendances contraires. Ce mot d’ordre apparemment généreux s’oppose dans les faits aux nouvelles mentalités – on se rappellera à cette occasion que le doux mot de « fraternité » de la devise française est beaucoup plus tardif que les notions de liberté et d’égalité10 nées de l’enthousiasme révolutionnaire. En outre, le visage moderne de l’égoïsme social est doux et avenant, teinté de bien-être, de réalisation personnelle, de narcissisme et de vacances : pour R. Simone, cette nouvelle droite attrayante, hédoniste et astucieuse, exerce une forme de tolérance molle fondée sur l’indifférence tant que le confort individualiste n’est pas entamé. La tolérance moderne ne peut ainsi se bâtir que sur un réel désengagement politique et l’effacement de la notion d’action communautaire.

21La question de la paix sociale était aussi au cœur de la Lettre sur la tolérance de John Locke en 1689 : si la sauvegarde de société civile en est le point le plus important, la tolérance entend aussi défendre le droit à la propriété.

L’État, selon mes idées, est une société d’hommes instituée dans la seule vue de l’établissement, de la conservation et de l’avancement de leurs INTÉRÊTS CIVILS.
J’appelle intérêts civils, la vie, la liberté, la santé du corps ; la possession des biens extérieurs, tels que sont l’argent, les terres, les maisons, les meubles, et autres choses de cette nature.
Il est du devoir du magistrat civil d’assurer, par l’impartiale exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun de ses sujets en particulier, la possession légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu’un se hasarde de violer les lois de la justice publique, établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être réprimée par la crainte du châtiment, qui consiste à le dépouiller, en tout ou en partie, de ces biens ou intérêts civils, dont il aurait pu et même dû jouir sans cela11.

22Locke semble ainsi s’exprimer sur le plan de l’organisation civile. On est donc plutôt surpris d’un retour plutôt inattendu à l’aspect religieux, les seuls à être bannis de la société étant justement les athées :

Enfin, ceux qui nient l’existence d’un Dieu, ne doivent pas être tolérés, parce que les promesses, les contrats, les serments et la bonne foi, qui sont les principaux liens de la société civile, n’engagent point les athées à tenir leur parole ; et que si l’on bannit du monde la croyance d’une divinité, on ne peut qu’introduire aussitôt le désordre et la confusion générale. D’ailleurs, ceux qui professent l’athéisme n’ont aucun droit à la tolérance sur le chapitre de la religion, puisque leur système les renverse toutes. Pour ce qui est des autres opinions qui regardent la pratique, quoiqu’elles ne soient pas exemptes de toute sorte d’erreurs, si elles ne tendent point à faire dominer un parti, ni à secouer le joug du gouvernement civil, je ne vois pas qu’il y ait aucun lieu de les exclure de la tolérance12.

23Les athées qui ne croient ni à dieu ni à diable seraient donc curieusement la source de discorde générale – sans doute parce que leur liberté de penser va les induire potentiellement à une forme de désobéissance civile encore plus dangereuse. Au contraire, n’importe quelle croyance est acceptée indifféremment ; et le corollaire de cette liberté quant au choix de l’objet de sa religion – et non la liberté de croire ou non –, c’est que l’on accepte cette possibilité d’une multitude confessionnelle de manière théorique parce que l’on ne tient pas tant que cela à son véritable objet.

24La tolérance s’exerce vis-à-vis de ce qui est au fond indifférent, si l’on ne prétend pas assumer à soi seul la défense de la chrétienté tout entière, ou les valeurs de sa société. C’est dans cet esprit que s’est construite la laïcité « à la française » : l’acceptation générale de tous les cultes sans ingérence étatique, sans manifestation publique ni prosélytisme ; ce qui est très différent d’autres formes de laïcité reconnues ailleurs, qui ne prenant officiellement parti pour aucun culte, donnent le droit de se livrer à tous.

3. Le territoire de l’intangible

25En réalité, il est manifeste que l’on ne « tolère » que ce qui n’empiète pas gravement sur ses propres valeurs.

26Accepter les valeurs de l’autre et les considérer comme aussi valables et respectables que les siennes n’est donc possible que s’il s’agit de questions indifférentes. Dans ces conditions on peut négocier. Le recul sur ses exigences est limité nécessairement par la transgression de la limite de la menace pour sa tranquillité ou sa sûreté, ou si les valeurs essentielles sont bafouées. Le dernier territoire qui reste à défendre est celui du non-négociable, de la dernière forteresse intérieure ou collective. Ces valeurs peuvent de plusieurs ordres : par exemple, les Nations européennes ne s’offusquent plus des croyances religieuses de chacun, ni de rituels ou de fêtes (même si on ne les partage pas) ; mais lorsqu’on aborde certaines pratiques dites « culturelles » comme l’excision et autres mutilations génitales féminines, on atteint les limites de l’acceptable, car les valeurs de droit de chacun à l’intégrité corporelle sont attaquées ; ou lors de l’attentat de Charlie Hebdo, les manifestations publiques et collectives de solidarité ont été d’une ampleur impressionnante – alors même que la plupart de ceux qui défilaient n’avaient jamais acheté ce journal – parce que la liberté d’expression en France semble appartenir au panthéon des valeurs supérieures autour desquelles se cristallise l’appartenance à la Nation.

27Dans ces conditions, la tolérance absolue est impossible (sauf à être complètement transparent et vivre en dehors de la société) pour quiconque a au moins une conviction politique ou morale. Tout est affaire d’étendue de son territoire intangible : si l’on imagine une tolérance absolue, elle n’a strictement aucune limite, tout se vaut, aucun territoire « sacré » n’existe ; si l’on brandit la menace d’une tolérance zéro, cette position ne tient pas mieux puisque son territoire est totalisant, voire totalitaire.

28La limite de la tolérance est atteinte lorsque l’autre, avec ses idées ou ses pratiques, envahit le territoire de son voisin, viole ses tabous. S’il s’en vante, il coupe court à toute tolérance avant même la réalisation effective de ses projets. L’intolérance, à ce titre, découle souvent d’une représentation fantasmée ou symbolique.

29Il s’ensuit que la tolérance est unilatérale et du côté de celui qui la pratique, qui juge des domaines intangibles et des marges sur lesquelles il peut revenir. « Tolérer », c’est accepter que sur tel point, la limite se négocie, c’est accepter une concession dans son territoire. Être intolérant au contraire, c’est camper fermement sur ses positions. Et ne faire aucune concession. Même si l’on est tolérant, on garde la conscience de son enclos personnel et on est prêt, en cas d’invasion, à repousser l’envahisseur.

4. Promenade dans les territoires d’autrui

30Si l’on considère que l’intolérance naît de la crainte que d’autres traits culturels venus d’ailleurs ou mal connus soient dangereux, inversons la situation et le point de vue par l’exemple du voyageur.

31Par définition, celui-ci accepte de hasarder son fief, soit par générosité et ouverture spontanée d’esprit ; soit parce qu’il voyage tout rempli de ses idées. Certain type de voyageur (pénible), qui ne peut accepter aucune entorse à ses croyances, va rester attaché à son régime alimentaire, même en chemin ; à son apparence et à son costume ; à ses rituels. Il proteste et devient insupportable ou s’impose par la force.

32C’est aussi la situation du colonial (ou de l’impérialiste) qui, voyageant ou s’expatriant, pense arriver en terrain conquis et pense y importer ses vues, de gré ou de force, piétinant le territoire qui n’est pas le sien au départ ; et s’attire immanquablement la haine ou le rejet. De même le missionnaire, qui pense de son devoir le plus absolu d’évangéliser et donc envahit le territoire sacré des autres. Dans ces cas de figure historiquement attestés, il est évident que le système religieux ou législatif risque fort d’être en opposition plus ou moins déclarée avec la culture dans laquelle il prétend se transposer.

33C’est aussi la situation inverse de l’immigration par rapport au tourisme : certains étrangers acceptent les changements et se plient aux usages locaux, et ils sont alors reçus à condition d’être intéressants financièrement ou symboliquement durant le temps (souvent non négociable) que son hôte décide ; d’autres arrivants manifestent leur refus de changer ou s’installent pour une durée indéterminée : c’est ce sentiment d’un territoire (réel et symbolique) plus ou moins menacé de négociation forcée qui amorce la ligne de fracture et déclenche les réactions de xénophobie.

34Un exemple double illustre l’état d’esprit de deux voyageurs contemporains du milieu du XVIe siècle en Amérique du Sud : André Thevet et Jean de Léry. Les deux Européens ont été, pour le premier, présent sur le sol du Brésil quelques semaines à peine en 1555-1556, cloué au lit et incapable de se renseigner par lui-même ; l’autre installé dans la région de Rio de Janeiro, accueilli neuf mois dans les tribus et partageant leur quotidien. Le regard porté, méfiant ou favorable, est complètement révélateur de l’étendue de leur propre domaine de tolérance. Le premier, catholique, est cosmographe du Roi et le second, simple cordonnier, est un calviniste militant. Presque tout les oppose. Pour Thevet, l’Amérique est habitée

de gens merveilleusement étranges et sauvages, sans foi, sans loi, sans religion, sans civilité aucune, mais vivant comme bêtes irraisonnables, ainsi que la nature les a produits, mangeant des racines, demeurant toujours nus tant hommes que femmes, jusques à tant, peut-être, qu’ils seront hantés des chrétiens, dont ils pourront peu à peu dépouiller cette brutalité, pour vêtir une façon plus civile et plus humaine. En quoi nous devons louer affectueusement le Créateur qui nous a éclairci les choses, ne nous laissant ainsi brutaux, comme ces pauvres Amériques13.

35Son rival en anthropologie des Amérindiens, Jean de Léry, est prêt à justifier toutes leurs actions, faisant état de la saine philosophie naturelle qui les anime (et dont il reproduit des discours fort sensés), ainsi que de leur comportement raisonnable et leur organisation sociale élaborée. De retour, il soupire :

je regrette souvent que je ne suis parmi les sauvages, ausquels (ainsi que j’ay amplement monstré en ceste histoire) j’ay cogneu plus de rondeur qu’en plusieurs de par-deça, lesquels à leur condamnation, portent titre de Chestiens14.

36Ils passent tous deux en revue un certain nombre de questions ethnographiques, dont certaines sont l’objet habituel de tabou. Langage, nudité, mépris de l’argent, culte païen, habitudes alimentaires, cannibalisme, ces catégories portent la marque du rapport à la tolérance. Dans le rapport au jugement il n’y a pas que l’aspect moral : se dessine aussi tout l’arrière-plan colonialiste, le sentiment de la supériorité d’une culture sur une autre. « Ils prennent grand plaisir à parler indistinctement15 » conclut Thevet – ce qui le dédouane de ne pas chercher à les comprendre. Aujourd’hui, signe de la modernité, Thevet est plus ou moins oublié tant ses préjugés et son intolérance éclatent, tandis que Léry est vu comme ouvert et « moderne ». L’importance de leur différend a été grande, car il se trouvait au cœur des débats de la société de leur temps, commotionnée par cette extraordinaire découverte. Au philosophe Montaigne de décréter :

je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n’avons autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l’ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodés au plaisir de notre goût corrompu16.

La forteresse intérieure

Mais il est plus clair encore que nous devons nous tolérer mutuellement, parce que nous sommes tous faibles, inconséquents, sujets à la mutabilité, à l’erreur : un roseau couché par le vent dans la fange dira-t-il au roseau voisin couché dans un sens contraire : « Rampe à ma façon, misérable, ou je présenterai requête pour qu’on t’arrache et qu’on te brûle ? »17

37Faire des campagnes éducatives pour faire advenir, enfin, une bonne fois pour toutes, la tolérance et respecter désormais les opinions d’autrui ? On peut le souhaiter, certes, à tout le moins pour éviter les violences dues à une intransigeance armée ; mais le principe de la tolérance n’est pas aussi simple, puisqu’en fait, pour le commun des mortels, les valeurs des autres ne sont acceptables que dans la mesure où elles ne remettent pas fondamentalement en cause les siennes propres. De la sorte, la tolérance connaît sa ligne de frontière entre ce qui est négociable (où les pertes sont négligeables) et l’intangible, qui constitue le noyau dur des convictions personnelles ou communautaires. La tolérance cesse lorsque l’on se place en situation de défense de sa propre forteresse investie, qu’il s’agisse de ses valeurs individuelles ou collectives.

38Il peut en aller ainsi de la réaction du voyageur surpris par l’altérité, ou l’habitant d’un « pays d’accueil » voyant débarquer des étrangers : il « tolère » tant qu’il n’estime pas son intégrité menacée. Tout est affaire de négociation sur les limites de cette frontière intérieure : l’esprit « ouvert » aura une base de repli personnelle réduite et acceptera d’aménager une part de son territoire ; le chauvin, le missionnaire, le conquérant se trouvent dotés d’un espace intangible parfois si étendu qu’il est difficile de faire coïncider avec celui des autres.

Notes de bas de page numériques

1 Voltaire, « Tolérance », Dictionnaire philosophique [1764], éd. René Pomeau, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p. 362-364.

2 Voltaire, « Tolérance », Dictionnaire philosophique, éd. citée, p. 366.

3 cnrtl, https://www.cnrtl.fr/definition/tolerance .

4 Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, t. 3, 2006.

5 Section II dans les Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772.

6 Voltaire, « Tolérance », Dictionnaire philosophique, éd. citée, p. 366-367.

7 Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ? [Il mostro mite, 2008], trad. Katia Bienvenu avec la collab. de Gérald Larché, Paris, Gallimard, 2010, « Le débat », p. 162.

8 Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ? [Il mostro mite, 2008], trad. Katia Bienvenu avec la collab. de Gérald Larché, Paris, Gallimard, 2010, « Le débat », p. 163.

9 http://www.larevuecritique.fr/2017/10/raffaele-simone.html

10 Alexis de Tocqueville l’étudie longuement dans De la démocratie en Amérique, [1835-1840], Paris, Gallimard, « Folio », 1986.

11 John Locke, Lettre sur la tolérance [1686], trad. Jean Le Clerc, 1710, http://classiques.uqac.ca/classiques/locke_john/lettre_sur_la_tolerance/lettre_sur_la_tolerance.html p. 8.

12 John Locke, Lettre sur la tolérance [1686], trad. Jean Le Clerc, 1710, http://classiques.uqac.ca/classiques/locke_john/lettre_sur_la_tolerance/lettre_sur_la_tolerance.html p. 28.

13 André Thevet, Les Singularités de la France Antarctique (1557), éd. Franck Lestringant, Paris, Chandeigne, 1997, p. 122.

14 Jean de Léry, Histoire d’un voyage en Terre de Brésil [1557], éd. Franck Lestringant, LGE, « Le livre de Poche », 1994, p. 508.

15 André Thevet, Les Singularités de la France Antarctique (1557), éd. Franck Lestringant, Paris, Chandeigne, 1997, p. 128.

16 Montaigne, Essais, « Des Cannibales », I, 31, LGF, « Le Livre de Poche », 1972, t. 1, p. 307.

17 Voltaire, « Tolérance », Dictionnaire philosophique, éd. citée, p. 368.

Pour citer cet article

Odile Gannier, « Marges de tolérance : pourparlers aux frontières de l’Intangible et du Négociable », paru dans Loxias-Colloques, 14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance, Marges de tolérance : pourparlers aux frontières de l’Intangible et du Négociable, mis en ligne le 06 octobre 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1308.


Auteurs

Odile Gannier

Odile Gannier est professeur de littérature comparée à l'Université Côte d’Azur, CTEL. Elle travaille en particulier sur la littérature de voyage, l'histoire des représentations et des mentalités, les études  postcoloniales.

Université Côte d'Azur, CTEL