XVIIe siècle dans Loxias
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Loxias | 70. | I.
Du combat épique au combat romanesque : Nervèze « imitateur » du Tasse dans la Hierusalem assiégée
Avec la Hierusalem assiégée, Nervèze réalise une imitation de la Jérusalem délivrée du Tasse qui se caractérise par le développement des épisodes sentimentaux, en particulier de l’histoire de Tancrède et Clorinde. Toutefois, Nervèze n’élude pas complètement la guerre dans le processus d’« imitation ». En transposant certains des combats de son modèle dans le récit, mais surtout en exploitant les virtualités romanesques d’un sujet où l’amour et la guerre sont liés, Nervèze accorde une place spécifique à la matière martiale au sein de son roman. Ce faisant, il réalise en outre des choix personnels et signifiants en matière de poétique romanesque. In Hierusalem assiegée — a reworking of Tasso’s Jérusalem délivrée (Jerusalem Delivered) — Nervèze developed and amplified the love stories present in the original work, especially the one of Tancrède and Clorinde. Nevertheless, Nervèze did not omit by any means the topic of the Crusade in his « imitation ». By transposing some of the fights of the original work in his narrative, and by resorting to the many possibilities offered by the virtuality of the novel in a topic that combines love and war, Nervèze gave a particular place to warfare in his novel. By doing so, he also made very personal choices that were significant in the poetics of the novel.
Loxias | 79. | I.
Du poison dans les oreilles : l’interprétation au cœur de l’action dramatique d’Hamlet
Pour reprendre les mots de Shakespeare dans Hamlet, la « chose » théâtrale est là sans être là, elle est une chose et un rien, « thing » et « nothing ». Les paroles des comédiens font seules apparaître ce qui est absent : au théâtre, nous voyons par les oreilles. S’ils sont parfois magie et poésie, les mots peuvent aussi se révéler empoisonnés, comme le suggère la métaphore filée du poison versé dans l’oreille tout au long de la pièce Hamlet. Le prince, qui ne ressemble en rien à son père, se reproche de ne pas agir. Il a pourtant d’autres champs d’action que le champ de bataille ou le heurt des armes : la scène de théâtre, l’écriture, la parole, il pourrait avoir la diplomatie peut-être, ou l’exercice de la justice. Nous défendrons l’hypothèse, contre l’avis du prince lui-même, qu’il s’est trompé d’action, réglant la sienne sur le modèle d’une action archaïque, au terme d’un processus d’interprétation précipité, empoisonné par de vieux mots. Dans Hamlet, l’interprétation est constamment problématique, et la pièce peut être comprise comme l’histoire tragique d’un empoisonnement, le récit d’une hantise culturelle. Cette pièce exceptionnelle nous invite à une attention vigilante à ce qui agit en nous à travers les mots dont nous héritons, y compris les mots aimés du théâtre et de la littérature, ces revenants qui si nous n’y prenons garde déterminent avec tant d’efficacité notre vision du monde. Words can be magical and poetic, but they can also be poisonous, as the metaphor of poison poured into the ear throughout Hamlet suggests. The prince, who is nothing like his father, blames himself for not acting. However, he has other fields of action than the battlefield or the clash of arms: the theater stage, writing, speech, he could have diplomacy perhaps, or justice. We will defend the hypothesis, against the opinion of the prince himself, that his vision of what “action” is has been poisoned by old words. In the play, interpretation is repeatedly problematic, and Hamlet may be understood as the tragic story of a poisoning, the story of a cultural haunting. This exceptional play invites us to a cautious attention to the words we inherit, including the beloved words of theater and literature, those revenants that, unless we carefully examine them, will determine our vision of the world in spite ourselves.