Loxias | Loxias 6 (sept. 2004) Poésie contemporaine: la revue Nu(e) invite pour son 10e anniversaire Bancquart, Meffre, Ritman, Sacré, Vargaftig, Verdier... |  Autour des poètes 

Valérie Cambon et Ibrahima Bano Diallo  : 

Vers Lionel Verdier : du fragment et de la composition

Résumé

Le recueil de poèmes Nemo donne ici lieu à des interprétations sur les sens de ce mot dans les langues anciennes. Cette analyse à deux voix analyse les notions d’éclat, de fragment et de leur composition.

Index

Mots-clés : fragment , nemo (grec), nemo (latin), souffle, Verdier

Plan

Texte intégral

1(Valérie Cambon)

2Helléniste de formation, Lionel Verdier a publié un recueil de poèmes, Nemo. Son travail poétique est constant comme le montrent les nombreux poèmes publiés dans différentes revues comme Nu(e) ou Rivaginaires. Son intérêt pour les Autres et la poésie s’exprime également à travers des articles sur René Char, Yves Bonnefoy, Francis Ponge ou Jean-Pierre Lemaire.

3Le recueil Nemo est composé de quatre parties intitulées « nemo », fragments d’un paysage, enfances et nemo. Les termes « nemo » ouvrent et referment le recueil. Le premier correspond au « nemo » grec qui signifie : « la loi, la finitude, l’horizon, mais aussi l’errance, la marche obstinée vers cet horizon qui lui donne précisément son sens, le partage, la division, le lot, fragment incoercible de tout chant. »i. Le second « nemo », celui qui clôture le recueil, possède le sens latin : « l’absence qu’on ne peut réduire, le fragment échu de silence en la finitude du chant. ».ii

4Ces deux définitions établies par Lionel Verdier lui-même sont essentielles si nous voulons comprendre et ressentir les poèmesiii. Ce recueil donne à lire une expérience particulière du poète que celui-ci veut transmettre et conserver. Sa démarche s’inscrit dans une volonté de décrypter le réel. Il semble que tout commence par le surgissement de l’éclat. Cet éclat apparaît comme un éclair et symbolise un ressenti de la condition humaine : la précarité de l’existence, sa beauté et sa vanité transpercent le poète, lieu d’idées traversantes. Une autre inquiétude surgit alors : comment transmettre justement et authentiquement cette expérience ? Le travail sur le vers devient un véritable travail sur la matière vivante du langage.

5Lionel Verdier s’inscrit dans une démarche volontaire bien que remplie d’inquiétudes. Il s’agit pour lui de retranscrire un sentiment du réel, de le mettre en vers sans le trahir pour essayer de décrypter. Ce qu’il nous offre à travers Nemo est une main ouverte, vers l’autre, vers nous. Nous voulons essayer ici de vous faire écouter le souffle de ces vers, le souffle de l’inquiétude qui est une preuve d’humilité et de respect. Respect de l’éclat, du dire du vers et de l’Autre dans une quête perpétuelle, toujours nouvelle et recommencée du réel.

6Cette force de l’Altérité dans ses poèmes nous permet d’insister sur le terme « vers » que nous avons choisi de placer dans notre titre. En effet, ce mot n’est pas anodin, comme nous le verrons. Notre cheminement s’inspire du propre « voyage » de Lionel Verdier. Pour essayer de saisir les poèmes de celui-ci, nous voulions tenter de recréer l’expérience particulière du poète. De cette manière, nous espérions l’approcher modestement et rendre compte, en l’insérant dans le titre, de l’importance que possède à ses yeux ce terme « vers ». Nemo fait apparaître plusieurs questions. Comment le poète peut-il retranscrire l’éclat, le sentiment de la perte et du réel ? Comment rester authentique en allant vers l’Autre ? Grâce à l’écriture du fragment, la poésie peut-elle dire le réel ? Quel est le rôle du poète ? 

7La poésie de Lionel Verdier est un langage entre flux et reflux de la prose et du vers, entre absence et présence du vers, entre saisissement et retrait du souffle, entre son incarnation et son dessèchement.

8(Ibrahima Bano Diallo)

9Lionel Verdier déclare dans un entretien avec Rivaginaires :

Lorsque j’essaie d’écrire un poème, ce qui domine en moi, c’est un sentiment d’inquiétude, d’insatisfaction. Je cherche quelque chose que je ne connais pas. Quelque chose qui se dérobe sans cesse. Il y a toujours plus de questions que de réponses.iv

10Au-delà de cette insatisfaction qui pourrait s’expliquer par l’absence ou le déni des réponses dogmatiques, il y aurait d’autres raisons qui justifient l’inquiétude du poète. Ce serait par exemple ce que nous pourrions appeler « l’effroi du beau » et l’inquiétante entreprise de vouloir traduire, de transcrire et de transmettre le réel. Car il y a non seulement le sentiment de la perte qui renvoie à l’aspect fugitif de l’éclat, mais aussi et surtout la précarité du monde et de l’être humain. Le poète est traversé par des sensations contradictoires. Il existe un bonheur et une joie devant la beauté de l’éclat et du passage humain mais l’effroi et l’inquiétude sont également tenaces face à cet aspect fugitif de soi et du monde.

Un champ de neige derrière la haie
s’amenuise, disparaît peu à peu,
distance asséchée soudain
jusqu’à l’eau réfractaire.
Mes pas s’inclinent
à ce lieu qui nous resserre,
à cette heure
où se clôt le silence.v

11En lisant ces vers, l’image d’un homme conscient de n’être que de passage dans un monde de passage se dessine clairement. L’éloignement progressif du champ de vision jusqu’à son effacement ou sa disparition complète se fait en même temps que l’être avance inexorablement vers ce lieu ultime qui n’est rien d’autre que la tombe. Alors, c’est la nostalgie de l’enfance, des personnes qui lui sont chères, la perte de l’innocence et le deuil.

Ces visages nommés et qui furent fragiles d’être aimés, quand chaque jour ramène l’effroi.vi

12Tout commence avec l’éclat, l’épars, qui fait penser à un surgissement inattendu, à une apparition soudaine d’éléments éparpillés.

L’éclat, c’est quelque chose qui a été arraché avec violence et qu’on ne peut réparer.vii

13La peur et l’instantanéité de l’éclat dans l’obscurité sont saisissantes dans les vers suivants :

Obscure inquiétude
où le vent révèle
l’orage
retient immobile
le silence
et la distance qui nous resserre.
Horizon ajouré soudain
la clarté nous fût- elle passage,
quand l’obscure partage le monde
en sa plus juste mesure.viii

14Le poète avance en tâtonnant à la recherche d’une issue incertaine.

La blancheur rompue, l’errance, la fureur des retours épuisent le lieu. A présent, ce ne sont plus les faveurs de la halte, mais la faiblesse du pas. L’ombre pèse à notre épaule. […] En amont, les désarrois qui nous irriguent. La marche forcée vers l’horizon limpide et qui peut-être n’existe pas, le chemin que l’on perd, l’oubli d’une clarté, et déjà, loin de l’allégresse des sources […]ix

15L’atmosphère est pesante, inquiétante. La marche haletante, suffocante du poète vers un but qu’il ignore lui-même accentue davantage le sentiment de frayeur et de perte. Le premier sens de l’éclat pouvant être assimilé à ces « petits éclairs, non accompagnés de tonnerre » qui surgissent en mer  lorsque « la chaleur est retombée », le poète devient dans cette circonstance le lieu où surgit du silence, le sentiment du réel. Cette clarté qui apparaît de façon brusque, subite, comme un flash, est d’autant plus précieuse qu’elle aide à saisir furtivement le réel et qu’elle constitue en même temps un certain obstacle.

… Accepter l’éclatement pour écrire l’éclat, l’épars. L’éclat était à la fois ce qui faisait obstacle, ce qui aveuglait et le seul espoir pourtant d’avancer.x

16L’éclat en effet comme son nom l’indique permet de percevoir en un clin d’œil un paysage mais aussi implique un aveuglement. Et cette sensation de vision furtive qui engendre le « saisissement-dessaisi » du poète se comprend parfaitement dans les vers suivants :

et je demeure, dessaisi,
en mon ajournement.xi

17et plus loin :

Soudain
le jour nu, intact, parmi les pierres,
et qui rétablit la présence du chemin
brume bleue du vertige,
la clarté rompue.xii

18Notation d’un moment de surprise, rencontre comme instant, comme Kairos, monde qui se donne à voir, comblant comme une offrande le champ du regard, présence là qui se dit, avènement comme écriture de l’événement, tout fait événement jusqu’à une chute de fleurs dans un jardin. Mais même l’écriture de l’éclat peut générer l’angoisse. Le principal problème qui se pose serait comment dire le réel tel qu’il apparaît lors de ces éclairs, tel qu’il défie le langage ? Comment trouver la parole juste qui ne serait pas celle que livre en aveugle l’inspiré ? Autrement dit, comment éviter, en dépit de toutes les contraintes, ce que Yves Bonnefoy appelle « excarnation » : c’est-à-dire une parole toute désincarnée ? Car dans une situation d’éblouissement, ce n’est pas tout simplement le regard qui est perturbé mais aussi le langage. Le poète, professionnel de la parole et de l’articulation, si éloquent qu’il puisse être, reste pétrifié, aphasique. D’où l’inquiétude, la peur de la perte de cette vision fragmentée du réel. A partir de ce moment précis où le poète a l’impression de saisir cette vision parcellaire, fragmentée grâce à l’éclair de l’épars, s’installe progressivement le sentiment de perte.

Il y a dans l’éclat, dans le fragment, dans l’épars, quelque chose qui se situe du côté de la marge, du « contre-ordre », de la résistance à l’unité et à toute vision totalisante.xiii

19La perte pourrait être comparée à cette violence, à cette rapidité extrême à laquelle quelques motifs semblent arrachés par le passage furtif de l’éclat. L’objectif du poète dans son rôle de traducteur, de passeur de ces perceptions est rendu complexe dans la mesure où, lui-même, est conscient que l’« on n’invente rien ». Il lui faudra alors trouver le moyen de rendre avec le plus de fidélité possible cette précarité telle qu’elle se présente et l’aspect irréversible de la perte qui en découle. C’est en fait une véritable gageure que le poète se propose à travers son écriture, c’est-à-dire concilier l’inconciliable. Lionel Verdier précise dans Rivaginaires que la série de quinze poèmes illustrait ou s’inscrivait dans deux voies qu’il cherche à concilier : « écrire l’éclat, l’épars et explorer la mesure »xiv. Il faudra faire ressurgir à la fois « l’effroi du beau » et l’énigme que le lecteur doit éprouver en lisant le poème. Le tremblement, la souffrance devant l’inachevé et le combat du poète demeurent les points fondamentaux de jonction qui doivent captiver le lecteur. Le poète s’efforce, par la force du vers, d’embrasser comme un lasso cette « sombre épiphanie »xv.

20Mais ce n’est qu’un semblant de saisie, une illusion de capture. L’impact du mirage sur un homme assoiffé en plein milieu du désert serait comparable à la situation du poète dans ce contexte précis. Pour prendre, le poète se déprend, il ne saisit au vif que dans le dessaisissement. Le réel qu’il entrevoit et cherche à cerner s’éloigne au fur et à mesure qu’il a l’impression de s’en approcher. Le visage caché des choses qui ne cessent de se dérober et que le poète cherche obstinément à voir et à faire voir constitue à la fois le début et la fin de toute sa démarche. Nous avons en effet le « nemo » grec du début qui renvoie au « nemo » latin et vice-versa. C’est ce qui justifie

l’errance, la fureur des retours [qui] épuisent le lieu.xvi

21La question fondamentale qui reste toujours posée est en fait celle de l’écriture, de la transcription de l’éclat et du réel. Le poème est rencontre, oxymore, tout un monde en deux mots, grand écart qui déchire la poésie et dans cette déchirure se donne l’éclat de la chose :

l’ombre égale, la nuit
et presque les mêmes mots
où le silence affleure.xvii

22(Valérie Cambon)

23Après l’instant du surgissement de l’éclat et l’or de ses brisures, le poète se trouve confronté au moment de l’écriture. L’éclat ne peut être seulement vécu ; il doit être retranscrit, traduit. L’écriture de l’éclat apparaît – au-delà de la démarche poétique – comme un « besoin »xviii, une impérieuse et « obscure nécessité ». Seule l’écriture permet au poète de « tenir debout » face à l’ébranlement de l’éclat. C’est le « désir d’une forme qui prolonge l’émotion, l’éclat. »xix. Cette forme doit devenir un « espace » où l’épars peut apparaître dans tout son bouleversement, dans la force et la fugacité de l’éclair, dans son « tremblement ». La poésie devient le lieu où les idées traversantes, où l’éclat, pourraient être fixés. La recherche du poète consiste à trouver le verbe apte à rendre compte de la fulgurance de l’éclat. Le vers semble être l’aboutissement de cette recherche formelle dans la mesure où il est le prolongement de l’éclat.

Le vers simplement s’est imposé comme une nécessité, un moyen de penser la tension entre la mesure et l’éclat, entre le poème et l’effacement.xx

24Cependant, ce besoin et cette nécessité de l’écriture qui cherche la juste forme et la juste parole, n’aboutissent pas à une éclosion spontanée du mot. Après avoir vécu le tremblement de l’éclat à l’instant de son surgissement, Lionel Verdier sent le tremblement de l’écriture, la fragilité de la démarche, voire sa vanité. Comment écrire ce qui est du domaine de l’indicible et de l’irréparable ? Comment traduire cet

Instant
éclair immobile, peut-être,
avant l’assèchement [?]xxi

25L’écriture ne peut advenir que dans une profonde inquiétude. Celle-ci n’est pas singulière mais plurielle. Le problème formel se pose en premier lieu puis, surviennent des doutes quant à l’authenticité et à la responsabilité de la démarche. Comment rester authentique, ne pas trahir l’éclat, ne pas perdre de vue l’origine de la démarche, l’origine de la marche vers l’horizon du sens ? Le poète doit travailler rigoureusement la forme mais

La forme ne doit pas prendre le pas sur le surgissement, sur l’éclat.xxii

26Dans cette écriture qui va et vient entre forme et éclat, qui cherche la bonne distance entre l’un et l’autre, la parole poétique se révèle être au bord du vertige :

…et le chant et l’espoir étaient
une même attente, une même errance,
une même usure, une même parole,
faibles présages, réduisant l’aube,
désespérant le lieu.xxiii

27Attente et errance, usure et parole forment les deux premiers couples ; mais il y a aussi attente et parole, errance et usure : le poète est celui qui cherche et attend le juste vers pour dire l’éclat dans l’inquiétude. L’écriture est toujours un double mouvement, double postulation, polarités d’attraction et de répulsion, statique et dynamique, aller-retour, boustrophédon.

28En ce sens, le terme d’assèchement prend toute son ampleur. Cette attente active du poète, ses doutes quant à la bonne distance à trouver entre le vers et l’éclat sont rendus plus difficiles encore car la création des vers ne doit pas se faire tardivement, sous peine de perdre l’intensité de l’éclat et de s’éloigner de l’instant du surgissement. Le souffle du vers doit s’accomplir dans l’instant d’une voix qui s’exprime dans le présent du surgissement. L’assèchement survient si l’instant du vers s’éloigne trop de l’instant de l’éclat. Le poète doit être à une bonne distance de la source sinon, il se situe dans le domaine de l’écriture :

Les mots que j’écrivais se desséchaient, se désincarnaient, au sens physique du terme. J’étais dans un travail qui n’était plus que de l’ordre de l’écriture.xxiv

29Dans ce cas, c’est la forme qui a soumis l’éclat. Le verbe ‘dessécher’ signifie littéralement « rendre sec ce qui contient naturellement de l’eau. » mais aussi « rendre insensible » ou « devenir insensible ». L’éclat est la source à laquelle s’abreuvent les vers, si le vers s’en éloigne trop, l’émotion ne sera plus perceptible. Les vers se désincarneront, ils ne représenteront plus rien. Il s’agit donc pour le poète de se trouver à une bonne distance de la source c’est-à-dire de l’éclat. Le vers doit être dans un silence où est encore perceptible le bruissement de la source ; il doit être un

Moment où l’on dirait
Que la terre se change en sourcexxv

30Nous retrouvons le « nemo » grec : le poème est une marche vers l’horizon du sens, vers ce qui pourra dire le réel. Le thème de la distance à parcourir se lit de manière récurrente dans les poèmes : « avancée, rejoint, distance, lointain, traversé….». Mais c’est aussi une marche à bonne distance de la source. Le sentiment de la perte est l’émotion éprouvée face au passage humain, mais cette perte peut aussi être celle de l’éclat qui aurait pour conséquence l’abandon et l’absence du vers.

31Le travail sur le vers est un travail tout en paradoxes : c’est une marche vers l’horizon du sens, vers le réel mais, celle-ci doit respecter la distance avec l’éclat. C’est une inquiétude constante mais c’est aussi une émotion quand le vers surgit dans sa plus juste mesure. C’est une attente du mot apte à dire la fulgurance de l’éclat mais ce n’est pas une attente passive. Au contraire, nous pouvons insister sur le caractère profondément humain du travail de Lionel Verdier. Celui-ci refuse ainsi toute sacralisation de la poésie : elle est un travail journalier sur le rythme, le son et le sens.

Parler de la poésie, oui, mais à condition de ne pas donner à l’article défini sa valeur générique. LA Poésie, non ; la poésie oui, en tant qu’art, travail sur le langage […]xxvi

32Pour que le langage ne trahisse pas le réel et la force de l’éclat, il doit rester humble et vrai. Lionel Verdier utilise la métaphore du ‘journal’ au sens premier du terme :

Le journal, c’était la surface de terre qu’un paysan pouvait travailler dans sa journée. C’est de cela qu’il s’agit désormais pour moi et de rien d’autre. J’ai un travail journalier […].xxvii

33Cependant, ce travail sur le vers n’est pas un ‘simple’ travail sur l’écriture mais sur du souffle, du son :

Un poème, c’est de la voix, du souffle, une respiration.xxviii

34Le lecteur doit entendre le vers. Le travail du poète consiste à trouver la mesure, le juste silence qui entoure le mot comme dans une partition. 

Comme tremble la voix.xxix

35Cette voix qui tremble rappelle l’inquiétude du poète lorsqu’il compose son vers, le chant qui doit être dans la juste mesure, à bonne distance de la source, c’est-à-dire de l’éclat. Les assonances le font entendre : « que la terre se change en source »xxx. Le son [s] est le bruissement du sens et de l’éclat. Mais le vers s’exprime aussi à travers le silence qui l’entoure, comme l’épars :

l’oragexxxi
nocturnexxxii

36Cette idée que le vers s’apparente à du souffle pourrait être un écho à l’apparition de l’épars, ces éclairs qui apparaissent en mer sans être annoncés par le bruit du tonnerre. En effet, comme eux, la voix sort du silence et peut même avoir le silence pour paysage. Le souffle du vers incarnera alors à la fois le passage de l’éclat mais également le passage humain et donc, le sentiment de la perte.

37La création des vers représente une souffrance continue entre distance et rythme, entre son et mot, entre temps présent et temps qui passe.

38Dans le recueil de Lionel Verdier, ce sont les passages, les instants en prose qui nous font découvrir l’« obscure inquiétude »xxxiii qui s’exprime face au surgissement du vers.

Là-bas, en quelque lieu que nous n’approchons pas. Douceur échue, faiblesse   de ne pas savoir quelle est la source exacte du vent. Ma voix remonte simplement à sa nuit, préservant la plus infime clarté, comme le feu faiblit, qui est silence et absence.xxxiv

39Plusieurs instants comme celui-ci se croisent dans le recueil avec des moments, des lieux en vers. Ces textes épousent le cheminement du poète, sa recherche et son travail patient. Ils participent pleinement à la recherche formelle qui occupe le poète : ils sont ce qui précède le surgissement des autres lignes, celles du vers. Ils sont un passage obligé avant l’instant du vers. La prose est l’espace de l’entre-deux, entre l’épars, l’éclat et le surgissement du vers.

40Ces lignes peuvent nous rappeler la notion de « dispars » que développe Gilles Deleuze. Le dispars est le « précurseur du ‘sombre’ (renvoyant au latin fuscum subnigrum) qui décrit la teinte du fond du ciel sur lequel se détache la lueur de l’éclair, de la fulguration qui métamorphose. »xxxv. Les différentes proses présentes dans Nemo sont cette obscurité qui permet à l’éclat du vers de se révéler.

41De plus, elles permettent au poète de s’interroger :

Et toutes ces terres que tu as franchies. Mais, le seuil seulement est-il plus proche, un lieu fut-il plus pauvre d’être partagé ? Le jour s’est soudain resserré, les arbres alentours se sont réduits. Et tu demeures, plus seul, devant la mer.xxxvi

42Les proses permettent ainsi de témoigner d’une parole qui se cherche et d’une démarche qui oscille constamment entre « saisissement et retrait ».xxxvii

43Lorsque surgit le vers, celui-ci se rapproche du cri, « parole de fracture, de brisure, une parole qui doit faire éclater, qui doit poser la question du je sous la forme de l’éclatement […] »xxxviii. C’est dans les « fissures » du mot juste, sa place entre parole et silence que le poète peut parvenir à la meilleure mesure, à la meilleure distance.

ma main fissure à peine
l’étendue, l’éclat.xxxix

44et plus loin :

Ces mots, sombres fissures,
quand ils excèdent
la faiblesse du jour xl

45et encore :

Je demeure
dans la faille du jourxli

46Le je qui éclate est la trace du poète tiraillé entre saisissement et retrait, entre ouverture et fermeture.

et je demeure, dessaisi,
en mon ajournement.xlii

47Lionel Verdier nous dit qu’il essaie

d’être attentif à ce que chaque vers soit éclat, fragment, puisse surgir et disparaître comme un éclair dans la nuit […] xliii

48Le lecteur peut être attentif à cela : le recueil peut s’ouvrir au hasard, le vers surgira, apparaîtra dans toute sa force. Le fragment représenté est signe de connaissance : il approche le réel. Cependant, il ne donne pas du sens mais plutôt ce que Lionel Verdier qualifie de « signifiance ». En effet, le fragment constitué par le flux du recueil entre prose et vers, doit rester porteur de mystère. Dans la mesure où le poète ne peut qu’approcher le réel et non l’élucider, l’idée de sens perd de sa valeur ; seule l’idée de signifiance peut rendre compte de cette impossibilité, part de mystère à travers des lignes qui ne finissent pas, qui restent en suspens, ajournées, comme le poète lorsqu’il est dessaisi.

Le jour cède.
Un pas encore
vers la source du soir.xliv

49Les trois lignes surgissent comme des éclats fragmentés mais rendent compte ensemble d’une certaine signifiance. Ces lignes fragmentées contiennent en essence toute la totalité du recueil : le travail journalier qui s’achève, la marche vers l’horizon, la démesure du vers qui dans le même poème apparaît à travers les trois lignes différentes, le saisissement d’un fragment accompagné de son retrait, comme l’indique l’adverbe « encore ». La parole est un commencement, une origine et un aboutissement en perpétuelle naissance car dans le jour qui suivra, un autre pas sera franchi. Peut-être que ce nouveau jour sera placé sous le signe de l’assèchement ; peu importe au fond, seule la marche compte. Les silences contenus dans ces quelques vers permettent de ressentir l’énigme et la signifiance dans un même mouvement. Ce paradoxe du vers permet de rester sensible « à ce silence qui est à la fois beauté et effroi. »xlv.

50Lionel Verdier révèle ainsi l’ouverture de son travail sur la « matière vivante » du vers. Nemo est un espace où chaque élément devient un écho de l’ensemble. Ces différents échos, oxymoriques comme nous l’avons souligné, engendrent un saisissement du lecteur. L’« effroi du beau » est le sentiment du passage du souffle du vers, celui de la perte mais aussi de l’éclatement devant  la signifiance du réel, du passage humain, de sa beauté qui est nostalgie et espoir, souvenir et oubli. Il n’y a pas dans le recueil d’images impressionnantes ; le saisissement, l’effroi, interviennent grâce à un travail fait de simplicité et d’humilité.

comme tremble la voix,
en son chant insaisi.xlvi

51Ces deux lignes contiennent tous les paradoxes ; le souffle passe, dans une inquiétude constante, ajournée. Si le réel peut être approché, il doit l’être dans une démarche « vers » l’Autre.

comme une main ouvertexlvii

52Lionel Verdier fait une grande différence entre le « réel » et la « réalité ».

Le réel, ce qui échappe à toute représentation, cette part obscure de nous-même qui ne peut surgir sans nous bouleverser, à notre insu.xlviii

53Cependant, cette « part obscure de nous-même » n’est pas une trace du moi biographique ou inconscient de celui qui écrit. En effet, à la lecture du recueil, nous ne pouvons effectuer une critique positiviste ou psychocritique. Nous trahirions la démarche du poète. Lionel Verdier dit qu’il écrit à « distance » de lui-même. Le cas contraire, il resterait dans l’espace de la réalité, contre laquelle il écrit. Sa démarche est une volonté d’ouverture, de « où-vers ». Nous pourrions rapprocher cette volonté de ce que Gilles Deleuze nomme la « déterritorialisation »xlix. A l’origine, ce terme désigne la sortie d’un territoire « qui capte et code les flux qui la traverse. ». Cependant, il peut être utilisé pour les sphères spirituelles. Lionel Verdier effectuerait cette déterritorialisation au moment de l’écriture. Le terme « où-vers » résume parfaitement cette sortie de lui-même. A la juste distance à trouver entre la source et le vers, le poète doit rajouter la bonne distance à parcourir de lui à lui-même pour que ses vers ne soient emprunts que de réel et non de réalité.

54Le terme « vers » ne désigne plus simplement les lignes qui composent le recueil, ni l’écho de l’éclat mais la direction de la démarche. Le mouvement que suit le poète incarne aussi bien la marche vers l’horizon que l’avancée à effectuer hors de lui. La poésie apparaît comme un espace en mouvement.

55La sortie d’un territoire suppose l’entrée dans un autre territoire ; le poète se trouve alors dans un processus de « reterritorialisation ». Il s’approche de l’autre, il écrit vers ce territoire, vers l’autre.

Parce qu’écrire un vers, c’est aller vers l’autre ; c’est ce qui ouvre, c’est l’ouvert mais aussi « l’où-vers », le mouvement, le vers où l’on va.l

56En effet, l’autre est un élément que l’on ne peut réduire, il est une partie fragmentée du réel. Pour Lionel Verdier

Ecrire vers l’autre, c’est la seule chance que l’on ait d’approcher ou de mettre en question le réel.li

57Le poète se situe dans un double mouvement où chaque pôle est indissociable de l’autre : sortir de soi-même c’est aller vers.

58Cependant, ‘aller-vers’ ne signifie pas devenir autre. Dans son mouvement, le poète s’arrête à un « devenir-entre ». Il n’abandonne pas son identité : le je est toujours présent au sein des poèmes. L’autre est un moyen essentiel pour tenter d’approcher le réel, mais, ce qui importe, c’est le devenir en lui-même (le « devenir-entre ») et non l’objet du devenir (c’est-à-dire le « devenir-autre »). Le mouvement d’entrée-sortie, de déterritorialisation et de reterritorialisation, constitue le point d’ancrage du poète.

Ignores-tu
le brusque appel, l’effroi,
le chemin par où l’on vient,
les murs qui s’abattent,
le sillage nocturne ? lii

59Le poète s’inscrit dans son mouvement vers l’autre. Il est dans le devenir-entre : écrivant à distance de lui-même, il interpelle l’autre afin de partager et de comprendre ce qui survient dans le territoire qui n’est pas le sien. L’autre permet au poète de remettre en question l’authenticité de sa démarche. Son inquiétude constante transparaît dans ces lignes, l’autre permet la réconciliation, permet de continuer.

Une infime clarté
non loin de toi,
faible présage
ou avancée précaire liii

60Ces vers incarnent cette possibilité d’approcher le réel à travers l’autre. La clarté est annoncée par cette présence de l’autre. Il symbolise l’espoir d’atteindre un fragment du réel. Cependant, même si elle est précaire, une avancée sera permise. De plus, ces lignes sont présentes dans le premier passage de Nemo, intitulé « nemo » écrit en alphabet grec, ce ‘nemo’ grec qui a plusieurs sens et notamment celui de ‘partage’.

61Le poète fait part d’une expérience qui pourrait être partagée par tous. Il demeure dans une démarche humble et tournée vers l’autre.

62Le poème devient le lieu où une rencontre avec l’autre est possible. Cet espace particulier allie la plus profonde intériorité du poète avec la volonté d’une ouverture la plus large. L’altérité permet cette découverte : si l’éclat peut être fixé, c’est uniquement dans un mouvement.

63Le poète s’inscrit alors dans un « devenir-entre » paradoxal. En effet, il écrit à distance de lui-même tout en étant présent au sein des poèmes. Il est dans un devenir entre absence et présence.

Ma voix remonte simplement à sa nuit, préservant la plus infime clarté, comme le bleu faiblit, qui est silence et absence.liv

64Cette rencontre est signe de partage d’une expérience mais également de continuité. Le mouvement originel du poète en engendre un autre. La finitude du chant indique une fermeture ouverte. Lorsque le souffle du vers s’éteint, lorsque la voix du poète retourne à sa nuit, c’est la voix de l’autre qui doit reprendre le flambeau.

65En écrivant à distance de lui-même et en laissant le souffle aller de lui à l’autre, Lionel Verdier peut approcher le réel. Finalement, ce qu’il va découvrir c’est quelqu’un qui soit en lui plus lui-même que luilv. En cherchant à atteindre le réel en écrivant à distance de lui-même, Lionel Verdier peut faire surgir ce qu’il y a de plus profond en lui, ce qui se rapproche le plus du réel puisque exempt de toute trace de « réalité immédiate », de vie « biographique ». Ainsi, peut-être atteint-il à cet instant ce qu’il y a de plus profond en l’homme. Sa démarche tendrait à l’universalité : en se débarrassant de la « réalité immédiate », il tend vers ce qui serait à tous, ce qui serait le lot de chacun. « Nemo » pourrait signifier « mon nom est personne ». Ce recueil n’a pas de nom car il est à tous.

66(Ibrahima Bano Diallo)

67Veilleur, transcripteur de signes, le poète se présente comme quelqu’un qui cherche à cueillir l’instant. Par sa présence attentive, tous les sens sont tenus en éveil ; le poète, bien qu’agité par une grande inquiétude, s’efforce de saisir le moment précis qui serait passé inaperçu sans lui. Seulement, il ne suffit pas tout simplement d’avoir la disponibilité, cette capacité d’ouverture, que Philippe Jaccottet nomme l’accueillance, mais aussi la parole juste qui serait en mesure de décrypter cette perception. Sachant que l’on n’invente rien, le poète a tout de même le mérite de prendre conscience des choses qui étaient déjà là et de leur donner un sens, une signifiance au regard des autres.

Je creuse une brèche dans l’horizon, espérant un lieu qui fût partage.lvi

68Et plus loin

Horizon ajouré soudain,
la clarté nous fût-elle passage,
quand l’obscur partage le monde
en sa plus juste mesure.lvii

69Le vers paraît alors comme un outil primordial dans le décryptage des signes qui surgissent sous le regard du poète frappé par l’éclat. Il travaille le vers comme un sculpteur le fait d’une matière brute, à la recherche de l’angle juste qui ferait surgir le réel. Le lecteur et l’auditeur sont alors invités à regarder les choses visibles pour y voir les choses invisibles qui y sont peintes.

70Pour bien mettre en évidence ce que Lionel Verdier entend par l’écriture poétique, nous lisons simplement les mots qu’il a empruntés à Bernard Vargaftig :

Souffle, silence, geste, voix [...] c’est vers vous que je vais et non vers ce que j’écris.lviii

71Ainsi, la recherche ultime du poète est le mouvement incessant vers l’autre avec qui, il espère partager l’analyse de l’énigme, de la perte, du fracas et le bonheur de les vivre ensemble harmonieusement.

Notes de fin littérales

i Lionel Verdier, Nemo, Editions Cadratins, 2000. Page 2.
ii Lionel Verdier, Nemo, page 2. Le poète explicite ces deux définitions : «  J’avais choisi le titre parce qu’il évoquait – d’une manière trop explicite peut-être – le verbe qui, en grec, signifie la loi, la limite et la finitude, l’horizon, mais aussi l’errance, la marche obstinée vers cet horizon qui lui donne précisément son sens, et le mot qui, en latin, permet de dire l’absence absolue, « l’ab-sens » : Nemo, c’est aussi l’absence que l’on ne peut réduire, le fragment échu de silence en la finitude du chant. » in « Entretiens avec Lionel Verdier », Rivaginaires, Numéro 28, 2003. Page 39.
iii Etymologiquement, le verbe grec « nemo » signifie : « distribuer, partager, diviser, découper, occuper, détenir ». Dictionnaire grec français, A. Bailly. 1950. Paris : Editions Hachette, 1996. /  Le substantif « nemo » est, en latin, le nom signifiant « personne, aucune personne », Dictionnaire latin français, F. Gaffiot. 1934. Paris : Editions Hachette, 1995.  /  Par la définition qu’il donne de ces deux termes, Lionel Verdier témoigne de sa volonté d’aboutir à des vers en ‘partage’ mais également à des vers ‘fragmentés’, ‘découpés’ afin de mieux saisir l’éclat.
iv Rivaginaires, page 36.
v Lionel Verdier, Fragments d’un paysage in Nemo, Editions Cadratins, 2000. Page 27.
vi Lionel Verdier, Enfances in Nemo, Editions Cadratins, 2000. Page 43.
vii Rivaginaires, page 43.
viii Lionel Verdier, « nemo » (grec) in Nemo, Editions Cadratins, 2000. Page 17.
ix Lionel Verdier, « nemo » (grec), pages 14-15.
x Rivaginaires, page 37.
xi Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 29.
xii Lionel Verdier, Fragments d’un paysage, page 34.
xiii Rivaginaires, pages 36-37.
xiv Rivaginaires, page 37.
xv Lionel verdier, « nemo » (grec), page 16.
xvi Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 14.
xvii Lionel Verdier, Nemo, in Nemo, Editions Cadratins, 2000. Page 56.
xviii Rivaginaires, page 37.
xix Rivaginaires, page 38.
xx Rivaginaires, page 42.
xxi Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 19.
xxii Rivaginaires, page 53.
xxiii Lionel Verdier, , « nemo » (grec), page 13.
xxiv Rivaginaires, page 41.
xxv Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 16.
xxvi Rivaginaires, page 45.
xxvii Rivaginaires, page 46.
xxviii Rivaginaires, page 40.
xxix Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 16.
xxx Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 16.
xxxi Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 17.
xxxii Lionel Verdier, Enfances, page 40.
xxxiii Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 17.
xxxiv Lionel Verdier, Enfances, page 28.
xxxv Les Cahiers de Noesis : vocabulaire de la philosophie contemporaine de langue française / CRHI, 1999.
xxxvi Lionel Verdier, Enfances, page 47.
xxxvii Béatrice Bonhomme, « Entre notes, observations et autres inscriptions, les proses de Philippe Jaccottet ou le journal d’une écriture », page 14. Article communiqué par l’auteur.
xxxviii Rivaginaires, page 40.
xxxix Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 19.
xl Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 55.
xli Lionel Verdier, Nemo, page 58.
xlii Lionel Verdier, Fragments d’un paysage, page 29.
xliii Rivaginaires, page 44.
xliv Lionel Verdier, Nemo, page 57.
xlv Rivaginaires, page 44.
xlvi Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 16.
xlvii Lionel Verdier, « nemo » (grec),  page 16.
xlviii Rivaginaires, page 39.
xlix Défini par Gilles Deleuze dans L’anti-Œdipe. 1972. Paris : Editions de Minuit, Collection « Minuit », 2003.
l Rivaginaires, page 51.
li Rivaginaires, page 49.
lii Lionel Verdier, Nemo, page 61.
liii Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 16.
liv Lionel Verdier, Enfances, page 48.
lv Nous reprenons ici le vers de Paul Claudel dans Vers d’exil, VII (La Pléiade, page 18) cité par Georges Poulet (évoquant le critique Charles Du Bos) dans La conscience critique. Paris, Editions José Corti, 1998. Page 102. Paul Claudel citait la phrase de Saint Augustin : Tu autem eras interior intimo meo.
lvi Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 14.
lvii Lionel Verdier, « nemo » (grec), page 17.
lviii Rivaginaires. Vers de Bernard Vargaftig cité par Lionel Verdier, page 49.

Pour citer cet article

Valérie Cambon et Ibrahima Bano Diallo , « Vers Lionel Verdier : du fragment et de la composition », paru dans Loxias, Loxias 6 (sept. 2004), mis en ligne le 15 septembre 2004, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=84.


Auteurs

Valérie Cambon

Université de Nice- Sophia Antipolis

Ibrahima Bano Diallo

DEA de Lettres, Université de Nice