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Guo Tang  : 

Du suicide et de la morale dans L’Orphelin de la maison de Tchao de Ji Junxiang, L’Orphelin de la Chine de Voltaire et The Orphan of China de Murphy

Résumé

Cet article a pour objectif d’étudier la question du suicide dans le domaine théâtral à travers trois pièces emblématiques : L’Orphelin de la maison de Tchao de Ji Junxiang, L’Orphelin de la Chine de Voltaire et The Orphan of China de Murphy. Dans L’Orphelin de Ji Junxiang, les personnages commettent un suicide pour remplir leur obligation de moral. Dans L’Orphelin de Voltaire et The Orphan de Murphy, au moment où les personnages tentent de se tuer ou de se faire trucider, ils empruntent un ton déclamatoire, pour livrer des justificatifs philosophiques de leur acte. Pourtant, il s’agit d’une tentative de suicide, et non d’un suicide effectif. Cette étude essaie de mettre en lumière le phénomène moral dans ces trois tragédies et la situation à l’égard du suicide.

Index

Mots-clés : L’Orphelin de la Chine , L’Orphelin de la maison de Zhao, morale, suicide, The Orphan of China

Géographique : Angleterre , Chine, France

Chronologique : XVIIIe siècle

Thématique : théâtre

Plan

Texte intégral

1Que ce soit en Chine ou en Occident, la représentation théâtrale de la violence et plus particulièrement du suicide, a longtemps déchaîné les passions et a suscité la réflexion. Il s’agit d’un problème assez délicat sur la scène théâtrale ancienne. Le corpus de notre étude, à savoir L’Orphelin de la maison de Tchao de Ji Junxiang traduit en français par le Père Prémare en 1731, L’Orphelin de la Chine (1755) de Voltaire (réécriture de la traduction du Père Prémare) et The Orphan of China (1759) de Murphy (réécriture de ces deux pièces précédentes) est, de ce point de vue, particulièrement riche car les scènes de suicides dans ces trois pièces renvoient au problème plus général des mœurs, de la religion et des lois de la nation. Dans L’Orphelin chinois, nous n’avons pas trouvé d’hésitation métaphysique chez les personnages qui se suicident. En revanche, dans L’Orphelin de Voltaire il y a un débat dramatique concernant le droit au suicide. Et enfin, le suicide est considéré comme immoral et déshonorant dans The Orphan of China. La scène de suicide constitue ainsi un moyen de représentation des mœurs de la société et notre étude est la première qui tente de comparer leurs fonctions et de réfléchir sur les liens idéologiques que les auteurs entretiennent entre eux1. Les différentes représentations de suicide nous amènent à diviser notre analyse en deux parties, d’abord les scènes de suicide accompli, directement représentées sur scène, puis le suicide inaccompli dans les réécritures de Voltaire et de Murphy.

Suicides accomplis : honneur, dévotion et fidélité

2Parmi les trois Orphelins, la pièce de L’Orphelin chinois est certainement la plus sanglante. Elle décrit un cycle de vengeances qui oppose Tching-Poei, l’orphelin de la maison de Tchao, à son ennemi Tou-gnan-cou qui a massacré toute sa famille. Au cours de l’intrigue, de nombreuses scènes de supplices et de massacres sont mises en place pour souligner l’atrocité des personnages, dont la dimension spectaculaire est très frappante. À ces scènes de supplices et de massacres s’ajoute la présence constante d’une autre forme de violence, une violence sur soi : le suicide. Dans cette tragédie chinoise, la démesure de la violence ne se limite pas aux seuls personnages négatifs, les personnages positifs s’y complaisent également. En se suicidant les uns après les autres, les héros montrent leur détermination par leur mort. Alors, de quelle manière le suicide se présente-il chez ces héros pleins de sang-froid ? Quel est son fonctionnement ? Quelle idée l’auteur exprime-t-il à travers ces scènes de suicide ?

3D’abord, esquissons les scènes de suicide dans L’Orphelin chinois. Dans l’acte I, scène 4, la Princesse après avoir confié son fils, l’orphelin de la maison de Tchao, à Tching-ing, se suicide en s’étranglant, car elle veut garder définitivement le secret d’avoir transféré son fils hors du palais pour protéger ce dernier :

Acte I, scène 4

Tching-ing
Madame, levez-vous je vous en conjure. Si je cache mon petit maître et que le traître vienne à le savoir, il vous demandera où est votre fils, vous lui direz que vous me l’avez remis. Moi et toute ma famille nous en mourrons, encore passe : mais votre fils n’en périra point.
La Princesse
C’en est fait. Allez-vous-en. Tching-ing, ne vous épouvantez point, écoutez-moi. Son père est mort par le poignard. (Elle prend sa ceinture.) C’en est fait, sa mère va le suivre et mourir2.

4Dans la scène 7, Han-Kué, général de Tou-gnan-cou, découvre l’enfant caché dans le coffret à médicaments de Tching-ing à la porte du palais. Mais son sens de la justice le conduit à laisser sortir les deux personnages. Et, lui aussi, pour maintenir le secret, se tue à son tour.

Acte I, scène 7

Tching-ing
Seigneur, si je sors de ce palais, on fera courir après moi, je serai pris, et le pauvre Orphelin en mourra. C’en est fait. Qu’on m’arrête. Allez, seigneur recevoir votre récompense. Tout ce que je souhaite c’est de mourir avec L’Orphelin de la maison de Tchao.
Han-Kué
Tching-ing, vous pouvez aisément vous sauver avec l’Orphelin, mais vous n’avez point de confiance. Il chante pour exprimer ses derniers sentiments et se tue3.

5Dans l’acte III, scène 4, Kong-sun élabore avec Tching-ing un stratagème pour sauver le petit orphelin de Tchao. Tching-ing ira accuser Kong-sun d’avoir caché l’orphelin, qui est en fait le fils de Tching-ing. En attendant l’arrivée de la troupe de Tou-gan-cou, Kong-sun se prépare déjà psychologiquement à la mort : « Il faut me résoudre à mourir4 ». Puis dans la scène suivante, après avoir assisté au démembrement de l’enfant par Tou-gnan-cou, Kong-sun se suicide en heurtant sa tête contre une pierre :

Acte III, scène 5

Kong-sun chante, exprime ses regrets.
Tching-ing cache les larmes.
Holà ! Tou-gnan-cou, le plus scélérat de tous les hommes, prends garde à toi ! Sache qu’il y a sur ta tête un Ciel qui voit tous tes crimes, et qui ne te les pardonnera jamais. Pour moi je n’ai nul regret à la vie. Je vais me laisser tomber sur ces degrés de pierre, c’est le genre de mort que je choisis.
Un soldat
Le vieux Kong-sun vient de se tuer5.

6Voilà toutes les scènes concernant les suicides des héros tragiques de cette tragédie chinoise. La pièce devient un déchaînement de violence, consécutif aux sacrifices des héros tragiques. Probablement qu’aux yeux des Occidentaux, l’histoire de L’Orphelin chinois n’était pas celle d’un retournement de situation, mais celle d’un surcroît de malheur, d’un excès démesuré qui frappe les victimes innocentes. Le Journal du Mercure de France de l’an 1734 trouve désagréable de lire tous ces suicides en signalant les sentiments étranges qu’ils suscitent :

Vous serez sans doute un peu blessé, Monsieur, de la brusque résolution que le pauvre Han Kué prend assez légèrement de sortir de la vie, pour ôter toute inquiétude au Médecin, c’est même-là une répétition de ce qu’a fait la Princesse. Il est vrai que ces deux personnages auraient embarrassé dans la suite de la pièce. Mais la façon de s’en défaire me semble un peu singulière. Apparemment que les Chinois, malgré le peu d’opinion que nous avons de leur bravoure, ne regardent pas la mort avec crainte, qu’ils croient au moins spéculativement qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des raisons bien fortes pour se la donner. Leur histoire confirme cette opinion, et je crois d’ailleurs que l’on peut juger du caractère et des opinions d’une nation, du moins jusqu’à un certain point par ses pièces de théâtre6.

7Le Mercure de France prend deux exemples de suicides : celui de la Princesse et celui de Han-Kué. D’après ce journal, les personnages se donnent un peu trop facilement la mort : leur suicide n’a pas de raison de se produire sur le plan de l’intrigue. Alors, afin de comprendre la logique de ces actes, le journal se tourne vers les mœurs chinoises pour en rechercher la cause. Augustin Henry, après avoir lu cette tragédie chinoise, exprime le même sentiment dans son Histoire de la poésie :

En effet, ces sacrifices accomplis si vite et si aisément qu’ils cessent presque de paraître héroïques, ces suicides qui se suivent comme par imitation, tout cela est étrange assurément, et nous avons besoin, pour ne pas trop nous en étonner, de nous souvenir des mœurs du Japon et de la Chine, et de l’inconcevable mépris que ces peuples ont de la vie7.

8Augustin Henry exprime également son étonnement, il ne comprend pas la mentalité de ces personnages suicidaires. Mais il indique malgré tout la nécessité d’inscrire cet acte de suicide dans les mœurs chinoises. Il convient donc de demander ici : quel esprit chinois s’accorde avec la mise en œuvre de ces scènes de suicide ?

9Avant tout, le suicide était un rite très courant et essentiel dans la civilisation chinoise. Alexandre Brierre de Boismont l’observe : « La Chine est une des nations où le suicide paraît se pratiquer, depuis la plus haute antiquité, et les faits actuels prouvent que cette barbare coutume n’a pas cessé d’exister8 ». Cette pratique, universellement en usage dans la vie chinoise, est montrée sur la scène de L’Orphelin pour transmettre le message de l’auteur. Ji Junxiang considère le suicide du héros comme une issue honorable face à certaines situations perçues comme sans espoir. Nous voyons donc un tel paroxysme d’absurdité et de violence dans L’Orphelin chinois : les héros ne meurent pas de la main des autres. Ils sont leurs propres maîtres et se suicident en se soustrayant aux puissances extérieures.

10La Princesse et Han-Kué se donnent la mort l’un après l’autre face à la lourde responsabilité de garder un secret national. Jean-Baptiste de Boyer Argens a bien saisi la raison de cet acte qu’il commente en 1767 dans son Histoire de l’esprit humain ou, Mémoires secrets et universels de la République des lettres : « Il est vrai que la mort de cette Princesse intéresse, elle se la donne parce qu’elle voit que le médecin, qui lui permet de sauver son fils, craint qu’elle ne révèle un jour ce secret, et qu’elle ne le perde par cette indiscrétion. Alarmée du doute du médecin et appréhendant qu’au lieu de cacher son fils, il ne le livre au tyran, elle prend dans le moment une généreuse résolution et se tue pour ensevelir avec elle un secret dont le médecin sera seul dépositaire9 ». Ce critique du XVIIIe siècle a bien saisi le sens de leur geste suicidaire, qui a en réalité pour but de rassurer Tching-ing afin que le secret ne soit pas révélé et le projet de sauver l’orphelin puisse se dérouler sans soucis. Il faut signaler que Tching-ing fait également preuve d’une grande cruauté puisqu’il exige des suicides d’innocents bien qu’ils soient peut-être inutiles. Mais pour le spectateur chinois, il y a une conscience de la fatalité liée au devoir civil. L’acte suicidaire de la Princesse et du général Han-Kué semble nécessaire car il répond bien aux valeurs traditionnelles chinoises : honneur, loyauté et courage10. À cela s’ajoute un autre plan sur lequel intervient le suicide de la Princesse : la preuve de sa fidélité maritale absolue. En dernier, le vieux Kong-sun se tue en se jetant contre les pierres car il sait que le barbare Tou-gnan-cou va l’exécuter dans peu de temps. À la honte d’une exécution par l’ennemi, Kong-sun préfère un suicide à l’aspect sacré qui devient ainsi une manière honorable d’éviter de se rendre.

11Ainsi s’éclairent les différents sens et formes des actes suicidaires dans L’Orphelin de la maison de Tchao. Sur le plan dramaturgique, cet acte d’autodestruction, comme d’autres scènes violentes, donne à voir une mise en scène spectaculaire. D’ailleurs, c’est un moyen efficace pour éliminer définitivement les personnages de l’intrigue. D’un mot, d’une façon résolue, le suicide clôt d’une manière impressionnante une action. Sur le plan idéologique, le suicide permet une analyse de la psychologie chinoise. Dans la pièce, c’est souvent avec dignité que ces héros tragiques annoncent l’accomplissement de leur acte de suicide. Les chercheurs contemporains chinois s’accordent à dire que la violence extravagante dans le théâtre des Yuan n’est pas seulement due à des préoccupations techniques, mais aussi à des raisons sociales. Guo Hancheng souligne à juste titre : « Jamais un théâtre classique dans le monde, pourrait être comme le théâtre des Yuan, ne reflétant aussi réellement, profondément et généralement le conflit de l’époque11 ». Durant la dynastie des Yuan, la Chine a été secouée par des invasions tartares, les autorités mongoles appliquent un règne extrêmement violent, accompagné d’oppression raciale. La violence, compatible avec les pièces théâtrales, a été mise en scène afin qu’elle soit utile à la réflexion ou à la propagande politique, voire à la désobéissance au régime du moment. Il existe donc à l’époque un théâtre spectaculaire et sanglant qui prouve que la tension est extrêmement vive entre les Tartares et les Chinois. De ce fait, les suicides qu’accomplissent ces personnages deviennent aux yeux des spectateurs chinois extrêmement courageux et on se doit de les féliciter pour l’esprit de sacrifice dont ils font preuve. La vengeance, sous couvert de ces rites sacrificiels, se donne alors libre cours.

12S’agissant du théâtre sous la dynastie des Yuan, William Dolby souligne que « the theatre was often highly moral in its teachings, setting good over evil in the most forceful manner12 ». Dans la dimension morale de cette tragédie chinoise, la scène de suicide est inspirée par le sentiment de l’honneur poussé à l’excès et ce sentiment suffit à densifier le dynamisme de la tragédie, à déterminer le sacrifice de soi, et enfin, à poursuivre la justice, l’espérance et l’équité.

13La scène de suicide réapparaît dans la réécriture de L’Orphelin de la Chine de Voltaire mais fondamentalement modifiée. Elle a été recomposée en fonction de ses conceptions religieuses : ce que nous allons étudier maintenant.

La menace de suicide chez Voltaire : une revendication du droit à disposer de sa vie

14En France, le suicide qui a longtemps représenté une offense à Dieu, est un sujet polémique. C’est notamment au XVIIIe siècle que nous avons vu s’engager les plus virulents débats sur la représentation du suicide sur la scène théâtrale. Ainsi, lorsque la scène chinoise de suicide est reprise par Voltaire dans L’Orphelin de la Chine, elle révèle son idéologie liée à sa lutte contre les autorités religieuses.

15La lutte de Voltaire contre le catholicisme est reconnue dans ses écrits. Au nom de la revendication de la religion naturelle, Voltaire traite à plusieurs reprises de cette question du suicide. En 1729, il intercalait dans ses Lettres philosophiques une lettre nommée « Du suicide ou de l’homicide de soi-même », analysée par René Pomeau dans son article « En marge des Lettres philosophiques. Un essai de Voltaire sur le suicide13 ». Ce travail peut nous aider à saisir la position de Voltaire sur la légitimité du suicide et nous inspire ces interrogations : que signifie la tentative de suicide d’Idamé, la femme de Zamti14, dans L’Orphelin de la Chine ? Quel potentiel philosophique Voltaire peut-il exploiter dans la conversation entre les deux héros suicidaires Idamé et Zamti ? Et pourquoi au dernier moment, Voltaire sauve Idamé de son poignard suicidaire ?

16S’inspirant de l’histoire de vengeance de L’Orphelin de la maison de Tchao, Voltaire décrit la conversion du tyran tartare Gengis-Kan à la religion confucianiste chinoise ainsi que son amour non partagé pour Idamé. Contrairement à L’Orphelin chinois où les héros se suicident volontairement et glorieusement, les héros de L’Orphelin de la Chine sont désespérés face à la vie et vont jusqu’au suicide. Au cinquième acte, Idamé, cette héroïne martyre s’élance hardiment sur le poignard de son mari Zamti pour tenter un suicide. À travers cette scène, Voltaire, à la fois dramaturge et philosophe, a un message à transmettre :

Acte V, Scène 5

Idamé
La mort la plus honteuse est ce qu’on te prépare.
Zamti
Sans doute ; et j’attendais les ordres du barbare :
Ils ont tardé longtemps.
Idamé
Eh bien ! Ecoute-moi :
Ne saurons-nous mourir que par l’ordre d’un roi ?
Les taureaux aux autels tombent en sacrifice ;
Les criminels tremblants sont traînés au supplice ;
Les mortels généreux disposent de leur sort :
Pourquoi des mains d’un maître attendre ici la mort ?
L’homme était-il donc né pour tant de dépendance ! 15

17Commençant par le vers « La mort la plus honteuse est ce qu’on te prépare », Idamé exprime sa pensée sur le suicide. Au lieu d’être fait prisonnière et torturée par les Tartares, Idamé préfère affronter la mort avec honneur et bravoure, c’est-à-dire, se suicider dans la dignité. Néanmoins, pour un Français au XVIIIe siècle, l’idée d’utiliser le suicide comme une arme, comme cela est le cas de l’Idamé dans L’Orphelin, est difficilement compréhensible. Par la parole d’Idamé, Voltaire tente d’exprimer sa conception personnelle de la liberté humaine, liberté de disposer de sa vie.

18Au siècle des Lumières, le suicide est une question très délicate autour de laquelle se développe une série d’arguments. Pierre Fortin résume trois positions différentes dans son ouvrage sur Le suicide, interventions et enjeux éthiques : la première dont Rousseau est un exemple, ne semble pas clairement se prononcer sur cette question ; la deuxième selon Kant, considère ce geste comme un acte immoral et un crime contre la personne, au nom des devoirs auxquels l’homme est soumis ; la troisième selon Hume, approuve le suicide en prouvant que ce dernier est une solution à nos maux16. En France, il faut aussi citer Montesquieu qui prend nettement position contre la doctrine de l’Eglise17. À travers ces discussions, Pierre Fortin signale que le siècle des Lumières ouvre la porte à la justification de cet acte depuis longtemps condamné par les doctrines religieuses. Cette idée est aussi confirmée par Albert Bayet dans son ouvrage Le Suicide et la Morale qui souligne qu’au XVIIIe siècle » Les philosophes ne craignent plus d’attaquer la morale trop simple qui confond tous les suicides et le droit qui les punit18 ».

19De son côté, Voltaire qui est un penseur de la condition humaine, s’engage également vivement dans ce débat et il ne condamne pas le suicide. Nous n’allons pas reprendre ce sujet qui a été étudié d’une façon minutieuse par les chercheurs19. Nous ne citerons que quelques réflexions de Voltaire en faveur du suicide. D’abord, le suicide n’est pas contraire à la religion, car « ni l’Ancien Testament ni le Nouveau n’ont jamais défendu à l’homme de sortir de la vie quand il ne peut plus la supporter20 ». Quant au droit, « aucune loi romaine n’a condamné le meurtre de soi-même ». Du point de vue éthique, voici quelques réflexions de Voltaire : « Si le suicide fait tort à la société, je demande si ces homicides volontaires et légitimés par toutes les lois, qui se commettent dans la guerre ne font pas un peu plus de tort au genre humain21 », « Philosophiquement parlant, quel tort fait à la société un homme qui la quitte quand il ne peut plus la servir ?22 ». À l’instar de beaucoup d’auteurs de l’Antiquité et du siècle des Lumières, Voltaire semble pourtant admirer le suicide de Caton en le considérant comme « l’éternel honneur de Rome » : « Il paraît qu’il y a quelque ridicule à dire que Caton se tua par faiblesse. Il faut une âme forte pour surmonter ainsi l’instinct le plus puissant de la nature.23 »

20En un mot, la position de Voltaire est claire, la croyance religieuse n’empêche pas une certaine libération d’âme, comme le résume René Romeau à juste titre : selon Voltaire, « La religion n’est pas ce qui empêche les chrétiens de se suicider24 ». Dans sa tragédie de L’Orphelin, nous trouvons quelques ressemblances entre le suicide d’Idamé et le cas de Caton que Voltaire a beaucoup apprécié : « C’est, je crois, parce que l’âme de Caton fut toujours égale, et qu’elle conserva jusqu’au dernier moment le même amour pour les lois et pour la patrie, qu’il aima mieux périr avec elle que de ramper sous un tyran ; il finit comme il avait vécu25 ». Pour renforcer cette idée dans sa pièce, Voltaire évoque ensuite dans l’acte V scène 5 la nation japonaise car dans la civilisation japonaise les hommes se suicidaient souvent dans le même esprit, défendant leur patrie et ôtant le plaisir au vainqueur de jouir de ses prisonniers.

Acte V scène 5

Idamé
[…] Le hardi japonais n’attend pas qu’au cercueil
Un despote insolent le plonge d’un coup d’œil.
Nous avons enseigné ces braves insulaires ;
Apprenons d’eux enfin des vertus nécessaires ;
Sachons mourir comme eux26.

21Le suicide n’est pas stigmatisé sur un fond de culture chinoise. Voltaire trouve probablement que la France est très loin derrière la Chine en ce qui concerne le suicide, car, en France, le sujet est tabou à cause de la religion chrétienne. Enfin, faisant appel à l’esprit des autres nations, Voltaire écrit par la voix de son héroïne : « Apprenons d’eux enfin des vertus nécessaires ; / Sachons mourir comme eux27. »

22Zamti approuve le choix d’Idamé : un homme peut se tuer pour éviter la douleur.

Acte V, scène 5

Zamti
Je t’approuve, et je crois
Que le malheur extrême est au-dessus des lois.
J’avais déjà conçu tes desseins magnanimes ;
Mais seuls et désarmés, esclaves et victimes,
Courbés sous nos tyrans, nous attendons leurs coups28.

23À ce moment-là, Idamé sort un poignard en demandant à celui qu’elle aime de la poignarder :

Acte V, scène 5

Idamé en tirant un poignard.
Tiens, sois libre avec moi, frappe, et délivre-nous.
Zamti
Ciel29 !

24Il s’agit d’un suicide particulier car Idamé ne se suicide pas par elle-même, mais elle demande à se faire tuer par son mari Zamti. Avant d’étudier ce type de suicide, nous suivons leur échange conversationnel dans lequel Idamé affirme que son acte de suicide est un comportement glorieux prouvant sa fidélité à son époux et à son empereur et se confrontant au tyran :

Acte V scène 5

Idamé
Déchire ce sein, ce cœur qu’on déshonore
J’ai tremblé que ma main, mal affermie encore,
Ne portât sur moi-même un coup mal assuré,
Enfonce dans ce cœur un bras moins égaré ;
Immole avec courage une épouse fidèle ;
Tout couvert de mon sang, tombe, et meurs auprès d’elle.
Qu’à mes derniers moments j’embrasse mon époux ;
Que le tyran le voie, et qu’il en soit jaloux30.

25Le choix du suicide par Idamé est la preuve de son courage et de sa dignité. En effet, cette association du suicide et de la vertu est déjà observée par Édouard-Marie-Joseph Lepan dans les tragédies précédentes de Voltaire : « L’Orphelin de la Chine est la troisième tragédie de Voltaire où le suicide est érigé en vertu. Idamé pense comme Mérope et comme Alzire31. » Derrière cet aspect dramatique, Voltaire veut transmettre cette idée vertueuse : l’on ne doit pas fustiger celui qui se suicide, mais rendre hommage au mort volontaire lorsqu’il s’agit d’une cause honorable. Cependant, Comme Idamé dit ne plus avoir la force de tenir le poignard, elle demande à Zamti de frapper pour elle :

Acte V, scène 5

Zamti
Grâce au ciel jusqu’au bout ta vertu persévère.
Voilà de ton amour la marque la plus chère.
Digne épouse, reçois mes éternels adieux ;
Donne ce glaive, donne, et détourne les yeux.
Idamé, en lui donnant le poignard.
Tiens, commence par moi : tu le dois, tu balances !
Zamti
Je ne puis.
Idamé
          Je le veux.
Zamti
                    Je frémis.
Idamé
                              Tu m’offenses.
Frappe, et tourne sur toi tes bras ensanglantés.
Zamti
Et bien, imite-moi.
Idamé lui saisissant le bras
          Frappe, dis-je…32

26Observons la façon de mourir : au lieu de se suicider elle-même, Idamé propose à Zamti de participer à son suicide en la tuant. Nous sommes dans le cas d’une proposition de meurtre. Il est possible qu’il y ait une limite peu claire pour les spectateurs/lecteurs entre le courage et la lâcheté. Et que lorsqu’Idamé force son mari à la tuer, la limite entre le courage et la lâcheté semble être franchie. L’intention de Voltaire n’est sans doute pas de décrire une Idamé lâche, mais par contre, il souhaite prolonger le processus de suicide pour tenir en haleine la tension de ses spectateurs/lecteurs, car cette offre est très difficile, voire impossible à accepter par son bien aimé. Zamti n’est pas prêt à ôter la vie à sa femme, il n’arrive pas à envisager de pouvoir tuer celle qu’il aime. Le grand écrivain du siècle suivant Flaubert qualifie cette scène de faux suicide. Pour Flaubert, les personnages de Voltaire qui demandent à se faire tuer ne le font que pour attirer l’attention :

« Frappe », s’exclament les héros de Voltaire, à moins qu’ils ne se frappent eux-mêmes. « Observons aussi encore le frappe qui revient si souvent » (L.226). « Toujours la manie de vouloir être frappé ». (L1, 479). […]. Ici on ne trouve que « cet entêtement théâtral de vouloir être tué quand on ne veut pas vous tuer » (L.270). Dans L’Orphelin de la Chine, mari et femme s’offrent tour à tour à la mort – « cela a presque l’air d’un ricochet ». (L.291). Le personnage et le spectateur savent très bien que l’autre ne frappera pas. « C’est pour parler, pour faire de l’effet et ça n’en fait pas ». (LI, 390). « Tout cela émeut fort peu » (L1, 479)33.

27« Frappe » semble un caractère propre du théâtre voltairien. Il s’agit d’un appel au meurtre consenti. Il est vrai que cet appel permet de faire durer le temps pendant lequel Voltaire peut développer son idée philosophique par l’intermédiaire de son personnage. Mais ce processus de « prier de se faire tuer » risque de lasser le spectateur en réduisant l’effet de surprise et la possibilité de mourir. Dans L’Orphelin de la Chine, lorsque la mort arrive, la situation change soudainement. Ici, nous sentons quelques réserves se lever dans l’esprit de Voltaire. Si pour l’auteur chinois, les cadavres sont d’un effet scénique certain, pour Voltaire, le caractère dangereux de la représentation du suicide et de la mort sur scène réside d’abord dans le fait que le théâtre doit impressionner et marquer le spectateur, mais pas le choquer, car selon les règles de la bienséance : « Un cadavre ne peut rester sous les yeux du public34. » De ce fait, Voltaire fait intervenir Gengis-Kan au dernier moment pour désarmer ce couple :

Acte V, Scène 6.

Gengis, Octar, Idamé, Zamti, Gardes
Gengis accompagné de ses gardes, et désarmant Zamti.
                    Arrêtez.
Arrêtez, malheureux ! Ô ciel ! Qu’allez-vous faire ? 35

28Admettons d’abord que Voltaire doit à la tragédie chinoise et plus généralement aux mœurs asiatiques la hardiesse de s’interroger dans son théâtre sur le sens du suicide. Les cultures chinoises insistent sur la finalité propre des hommes : la mort. Le suicide ne trahit pas les valeurs morales surtout à l’issue d’une défaite au combat. Être fait prisonnier constitue tant un échec qu’un déshonneur. Pour éviter de souiller sa dignité, un vaincu préfère se donner la mort. En France, la religion a longtemps été un obstacle au suicide. Mais pour Voltaire la présence de la véritable religion n’empêche pas le suicide car elle doit orienter l’être humain vers une fin de bonheur qui doit prendre la forme d’un accord de l’Homme avec lui-même. En somme, dans la conception de Voltaire, le suicide n’est pas toujours un signe de folie, mais également une manifestation de vertu et d’honnêteté. De ce fait, le sens donné par Voltaire au suicide met de la contradiction entre la religion catholique et la liberté ultime. Voltaire espèce que cet acte peut stimuler les sentiments vertueux des spectateurs/lecteurs et de plus leur tirer des larmes. Pourtant, pour certains spectateurs/lecteurs comme Flaubert, cette scène ne semblant pas du tout touchante, mais grandiloquente, agaçante. Il n’approuve pas la nécessité de cet excès de l’action comme motif central de la tragédie. La demande d’Idamé de se faire trucider leur apparaît trop grandiloquent, trop convaincu de la valeur de la vie humaine. Son acte créé par des artifices, adhère finalement à des invraisemblances.

29Comme en France, le suicide est encore sur la liste des crimes dans la cour anglaise au XVIIIe siècle. La pièce de The Orphan of China, réécriture anglaise de Murphy à partir de celles de L’Orphelin de la maison de Tchao et de L’Orphelin de la Chine offre une occasion pour comprendre comment les personnages arrivent à prendre la décision de se suicider et comment interpréter cette volonté de suicide.

Le suicide inaccompli : le soutien de Murphy à la monarchie

30Empruntant le contexte historique et les personnages de Voltaire ainsi que l’intrigue de vengeance de Ji Junxiang, l’auteur anglais décrit la lutte des mandarins chinois contre le vainqueur tartare Timurkan. Comme Idamé de L’Orphelin français, Mandane de L’Orphelin anglais tente elle aussi de se suicider. Mais contrairement au Zamti de Voltaire qui approuve le choix de son épouse mais qui ne peut s’y résoudre, le Zamti de Murphy tente de l’empêcher. Murphy cherche à capter l’attention du public, d’un côté par de forts effets scéniques, de l’autre par une résonance sur l’esprit.

31D’abord, la scène de suicide est le produit d’une actualisation du dynamisme théâtral shakespearien. Pourtant, à part un questionnement esthétique sur la violence au théâtre, nous retrouvons dans cette scène la réflexion de Murphy sur le droit au suicide. Autour de cette question, Mandane et Zamti alimentent un débat spectaculaire. Pour quelle raison Mandane veut-elle se suicider ? Pourquoi Zamti reproche-t-il avec véhémence à Mandane son acte ? Qu’impliquent leurs choix ?

32Par rapport à l’Orphelin français, Murphy modifie les circonstances de la mort du couple héroïque Zamti et Mandane. Dans cette scène de suicide, Mandane se lamente sur son destin car elle pense avoir perdu son enfant et son prince et bientôt son mari. Elle n’attend que la mort. Cependant, après que Zamti lui ait demandé si elle pouvait supporter les supplices mortels, elle sort un poignard en songeant à mettre fin à ses jours :

Act V

Scene, the palace.
Enter Octar, Zamti and Mandane, following him.
[…]
Mandane
For me death wears no terror on his brow ---
Full twenty years hath this resounding breast
Been smote with these sad hands, these haggard eyes
Have seen my country’s fall ; my dearest husband,
My son, --- my king, -- all in the Tartar’s hands :
What then remains for me ? – Death, - only death.
Zamti.
Ah ! Can thy tenderness endure the pangs ?
[…]
Thy decent limbs be strain’d with cruel cords,
To glut a ruffian’s rage ? –
Mandane.
Alas ! This frame,
This feeble texture never can sustain it.
But this – this I can bear -- Shows a dagger36.

33Nous sentons déjà une légère différence dans la cause de suicide entre L’Orphelin français et L’Orphelin anglais. Dans L’Orphelin français, Idamé tente de se tuer pour ne pas être déshonorée par les tortures du tyran. Mais dans L’Orphelin anglais, Mandane veut se tuer parce qu’elle ne peut pas supporter les souffrances morales qu’elle endure. Ensuite, Zamti ôte immédiatement le poignard à Mandane :

Act V

Zamti
Ha !
Mandane
Yes ! – This dagger ! –
Do thou but lodge it in this faithful breast ;
My heart shall spring to meet thee. –
Zamti
Oh !
Mandane
Do thou,
My hunour’d lord, who taught-st me ev-ry virtue,
Afford this friendly, this last human office,
And teach-me now to die ---
Zamti
Oh ! Never --- never ---
Hence let me bear this fatal instrument ----
Takes the dagger.
What, to usurp the dread prerogative
Of life and death, and measure out the thread
Of our own beings ! –‘Tis the coward’s act,
Who dares not to encounter pain and peril
37

34Contrairement au Zamti de Voltaire qui loue la vertu d’Idamé, le Zamti de Murphy appelle le suicide de Mandane ‘acte de lâcheté’ et le dit dénué de fondements solides. Selon lui, il faut avoir le courage d’affronter les souffrances et savoir se mesurer au péril. Cependant, Zamti ne peut convaincre Mandane, le dialogue continue :

Act V

Mandane
Must we then wait a haughty tyrant’s nod,
The vassals of his will ? – No—let us rather,
Nobly break thro’the barriers of this life,
And join the beings of some other world,
Who’ll throng around our greatly daring souls,
And view the deed with wonder and applause. ---
Zamti
[…], - oh ! – it is not
When the distemper’d passions rage ; when pride
Is stung to madness, when ambition falls
Can justify the low, it is when virtue
Has nothing left to do, -- when liberty
No more can breathe at large ; - ‘tis with the groans
Of our dear country when we dare to dire
38.

35Mandane trouve le suicide courageux, mais Zamti pense que le suicide est un coup de folie, et la folie est une faiblesse. L’idée de Murphy est donc de s’opposer à Voltaire. Pour lui, la vraie vertu est d’affronter avec intrépidité les pires épreuves comme la mort, surtout pour une cause nationale.

36Comme dans L’Orphelin français, Timurkan apparaît sur scène pendant la conversation suicidaire de ce couple. Néanmoins, au contraire de Gengis-Kan qui les gracie, Timurkan les condamne à la mort :

Act V

Enter Timurkan and Octar
Timurkan
Now then, detested pair, your hour is come –
Drag forth these slaves to instant death and torment.
I hate this dull delay, I burn to see them
Gasping in death, and weltr’ing in their gore
39.

37Après avoir subi des supplices incroyables, Zamti et Mandane n’échappent pas à la mort. À la fin de la pièce, Hamet et Zaphimri s’empressent pour les sauver, mais il est trop tard. Les deux cadavres sont exposés aux yeux du spectateur dans une ambiance horrible :

Act V

Hamet
Oh ! Agonizing scene !
The corps is brought forward, Zamti lying on the couch, and clasping the dead body40.

38En ce sens, la scène de suicide s’est notablement transformée dans la réécriture de Murphy. Goldsmith constate que Murphy « flétrit le suicide alors que le poète français semble en parler sans aversion41. » Chez Murphy, le suicide est une tentation qui reste, comme chez Voltaire, inaccomplie. C’est le meurtre, l’assassinat qui se substitue finalement à ce projet qui n’est pas mis en scène, alors pourquoi Murphy évoque-t-il le suicide ? Précisément pour s’opposer à Voltaire.

39Du point de vue idéologique, la question du suicide est aussi, dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, un thème qui donne lieu à maintes réflexions chez les intellectuels. La scène de suicide dans The Orphan of China manifeste clairement la position de Murphy pour cette thèse à la fois religieuse et politique. Au XVIIIe siècle, outre la cause religieuse, une autre cause intervient pour définir le suicide comme un acte criminel, que Franck Mclynn explique comme suit : « To the eighteenth century mind the suicide was a criminal on two counts. In the first place, he offended again the King. […] In the second, he blasphemed against the law of God42 ». Geste irrévérencieux pour Dieu autant que pour le roi, le suicide est encore considéré comme un péché grave dans ce siècle des Lumières en Angleterre. Chez Murphy, la passion littéraire se trouve souvent en accord avec le conservatisme monarchique dont il reste très proche tout au long de sa vie. En ce sens, la condamnation du suicide par le roi anglais influence d’une façon certaine l’écriture théâtrale de Murphy. Pour lui, la loyauté dépend de l’intrépidité et le suicide est à ses yeux un comportement lâche. Dans le dernier acte de son Orphan, Zamti donne sa vie pour la vengeance de son pays, contrairement à Zamti voltairien, qui devient un ministre pour le nouveau roi. C’est ainsi que Murphy met en cause la loyauté du Zamti voltairien dans sa lettre adressée à Voltaire : « I do not see what can be answered by Zamti’s loyalty43. »

Conclusion

40Le suicide, acte dramatique éminemment spectaculaire, inspire depuis longtemps les dramaturges de différents pays. Nous avons vu que les particularités du suicide dans les trois Orphelins présentent des multiples enjeux dramaturgiques et surtout idéologiques des auteurs.

41L’Orphelin chinois offre de nombreux suicides héroïques. D’un côté, l’excès de passion renforce ainsi l’impression pathétique dans la tragédie. D’un autre côté, ces suicides tiennent au fait qu’ils s’inscrivent dans un acte honorable de dévotion à la maison de Zhao. Le suicide du héros est un argument de l’intrigue et le spectateur est invité à pénétrer la conscience du personnage, en passant par l’esprit de sacrifice et de fidélité comme justification de ses pulsions suicidaires. En revanche, la tentative de suicide dans L’Orphelin français manifeste la réflexion de Voltaire sur le droit naturel des êtres humains. Au XVIIIe siècle, la pensée officielle sur le suicide contient plusieurs hésitations et contradictions. Dominique Godineau considère la défense du suicide comme « une idée neuve en Europe au XVIIIe siècle, car ce sont bien des cadavres qui étaient traînés devant les cours de justice, promis par l’Église à la damnation éternelle, et condamnés par les officiers civils, à avoir la mémoire déshonorée, voire supprimée44. » En ce sens, la reprise du suicide par Voltaire dans sa réécriture constitue un acte anticlérical : Idamé tente de se faire trucider au lieu d’accepter d’être prisonnière. Le suicide n’est plus un péché mais devient un acte d’honneur45. Par contre, la scène de suicide est rappelée d’une façon totalement différente dans The Orphan anglais. Zamti empêche sa femme Mandane de se suicider car pour lui, le suicide est un acte de lâcheté. Il s’agit donc d’un suicide inaccompli mais les personnages sont malgré tout condamnés à mort. Zamti trouve ainsi sa gloire à mourir en héros, à mourir pour son roi.

42Ces suicides, accomplis ou inaccomplis, manifestent la recherche des auteurs au croisement de l’effet spectaculaire et de la moralité. La volonté de suicide est transposée de la pièce chinoise à la pièce française pour devenir une volonté de se faire trucider. Voltaire souhaite donner une dimension héroïque au personnage en lui prêtant des qualités morales. Mais la scène devient plus ou moins ironique puisqu’elle ne se réalise pas réellement. Pendant la dispute entre Zamti et Idamé, la situation est détournée au dernier moment et le suicide est avorté. Cela permet de respecter la limite fixée par la bienséance (la mort peut choquer le spectateur) et de promouvoir l’idée philosophique de Voltaire (l’idée du Roi éclairé). En apparence, Murphy décrit également un suicide inaccompli mais le fond est complètement différent. Ce suicide inaccompli manifeste du soutien de Murphy à la monarchie anglaise, qui condamne le suicide comme un acte de lâcheté et qui considère comme une gloire le fait d’être tué au service de son roi. Le degré de spectaculaire reste donc important dans la pièce anglaise de Murphy comme dans la pièce chinoise de Ji Junxiang, qui à travers une souffrance démesurée donnent libre cours aux émotions propres du spectateur.

43Le thème du suicide et sa représentation théâtrale peuvent servir de cadre synthétique pour découvrir les mœurs et leurs pratiques provenant d’horizons culturels multiples. L’Orphelin de la maison de Tchao est la première pièce chinoise introduite en Europe. Intéressés désormais par le théâtre chinois, les dramaturges européens semblent cependant avoir une propension aux déviations idéologiques, ce qui déplacera, sans doute, les limites de l’intertextualité et de l’interculturalité dans les futures adaptations théâtrales.

Notes de bas de page numériques

1 Peu d’études contemporaines sont consacrées aux scènes de suicide dans L’Orphelin chinois, mais quelques commentaires du XVIIIe et du XIXe siècle manifestent les points de vue du public occidental à l’égard de ces scènes. (Par exemple : Augustin Henry (1804 - …), Histoire de la poésie, Paris, Mirecourt, 1858, p. 189. Alexandre Brierre de Boismont (1798-1881), Du suicide et de la folie suicide, Paris, Germer Bailliere, 1865, p. 522. Marquis de Jean-Baptiste de Boyer Argens, Histoire de l’esprit humain ou, Mémoires secrets et universels de la république des lettres, Berlin, Chez Haude de Spener, Tome 11, 1767, p. 26). En ce qui concerne la scène de suicide dans L’Orphelin français et celle dans The Orphan anglais, nous en trouvons rarement des analyses. Mais plusieurs ouvrages mettent en lumière l’opinion de Voltaire sur le droit du suicide (René Pomeau, « En marge des Lettres philosophiques. Un essai de Voltaire sur le suicide », dans Revue des sciences humaines, 1954, p .285-294), et sur la réflexion sur le suicide en Angleterre au XVIIIe siècle (Franck Mclynn, Crime and punishment in eighteenth-century England, London, Routledge, 1989).

2 Ji Junxiang 纪君祥, L’Orphelin de la maison de Tchao (aux alentours de l’an 1274) 赵氏孤儿 Tchaoshi Guer, traduit par Joseph Henri Pémare, Pékin, S.N, 1755, p. 32.

3 L’Orphelin de la maison de Tchao, traduit par le Père Prémare, 1755, p. 39.

4 L’Orphelin de la maison de Tchao, traduit par le Père Prémare, 1755, p. 54. Le Journal étranger de septembre 1755 apprécie beaucoup la mort volontaire de Kong-sun et le sacrifice de Tching-ing : « Après s’être disputé quelques temps la gloire de mourir, Tching-ing se rend enfin aux fermes volontés de Kong-sun. Quel effet n’aurait pas produit sur notre théâtre ce combat de générosité, manié par M. de Voltaire ! Quelle grandeur d’âme ! Quelle élévation de sentiments ! Quel attachement pour leur maître et leur ami dans ces deux personnages ! L’un consent à mourir, et l’autre à sacrifier son fils, ce qui sans doute est un plus grand effort que de mourir soi-même. Mais surtout (et c’est ce que le lecteur ne manquera pas de remarquer) quel noble sang-froid de magnanimité dans cette simple interrogation : quel âge dites-vous que vous avez, et dans le calcul que fait Kong-sun ! », p. 225-226.

5 Ji Junxiang, L’Orphelin de la maison de Tchao, traduit par le Père Prémare, 1755, p. 60.

6 Mercure de France, 1734, p. 359.

7 Augustin Henry (1804 - …), Histoire de la poésie, Paris, Mirecourt, 1858, p. 189.

8 Alexandre Brierre de Boismont (1798-1881), Du suicide et de la folie-suicide, Paris, Germer Bailliere, 1865, p. 522.

9 Marquis de Jean-Baptiste de Boyer Argens soulève cette idée en 1767 dans son Histoire de l’esprit humain ou, Mémoires secrets et universels de la république des lettres, Berlin, Chez Haude de Spener, tome 11, 1767, p. 26.

10 Citons par exemple le discours d’Han-Kué « Apprends qu’un fidèle sujet ne craint point de mourir, et que qui craint la mort n’est pas un sujet fidèle », Ji Junxiang, L’Orphelin de la maison de Tchao, p. 39.

11 Guo Hancheng, 汉城, Dangdai xiqu fazhan guiji当代戏曲发展轨迹 (Trajectoire de l’évolution du théâtre moderne), Beijing, Wenhua yishu chubanshe, 2008, p. 11.

12 « Le théâtre était souvent très moral dans ses enseignements, en mettant le bien au-dessus du mal de la manière la plus énergique ». William Dolby, A history of Chinese Drama, London, Paul Elek, 1976, p. 67.

13 René Pomeau, « En marge des lettres philosophiques. Un essai de Voltaire sur le suicide », in Revue des sciences humaines, 1954, p. 285-294.

14 Zamti dans la pièce de Voltaire correspond au personnage de Tching-ing dans L’Orphelin de la maison de Tchao.

15 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, Œuvres complètes de Voltaire, Volume 45 A, Writing of 1753-1757, introduction par Basil Guy, Oxford, The Voltaire Foundation, 2009, p. 206-207.

16 Pierre Fortin, Le suicide, interventions et enjeux éthiques, Québec, PUQ, 1998, p. 95-106.

17 Voir l’article de J.M.Goulemot, « Montesquieu : du suicide légitimé à l’apologie du suicide héroïque », in Gilbert Romme (1750-1795) et son temps : actes du colloque tenu à Riom et Clermont les 10 et 11 juin 1965, Jean Ehrard (dir.), Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 168-174. Dans cet article, l’auteur examine le numéro LXXVI des Lettres Persanes de Montesquieu qui contient une tentative de légitimation de suicide. Dans cette lettre, Montesquieu constate d’abord l’absurdité de la condamnation du suicide « Les lois sont furieuses en Europe, contre ceux qui se tuent eux-mêmes : on les fait mourir pour ainsi dire une seconde fois : ils sont traînés indignement par les rues : on les note d’infamie : on confisque leurs biens ». Montesquieu montre ensuite que le suicide est légitime sur tous les plans, humain, social et religieux : « Toutes ces idées (celles de la condamnation du suicide) n’ont d’autres sources que notre orgueil », p. 164.

18 Albert Bayet, Le suicide et la morale, Paris, Ayer Publishing, 1975, p. 617.

19 Citons deux études : Nicholas Cronk, Voltaire éditeur, Paris, PUPS, 2005, p. 333-336. René Pomeau, « En marge des Lettres philosophiques. Un essai de Voltaire sur le suicide », Revue des Sciences humaines, 1954, p. 285-294, repris dans Revue Voltaire, 1 (2001), p. 83-91.

20 Voltaire, « Du suicide ou homicide de soi-même », Dictionnaire philosophique, in Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, Volume 25, 1897, p. 569.

21 Voltaire, « Note sur l’acte V d’Olympie », in Œuvres complètes de Voltaire, Théâtre, 1877, éd. Louis Moland, Volume 5, p. 162.

22 Voltaire, « Remarques sur la pensée de Pascal », Lettres philosophiques, in Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, Correspondance, 1880, p. 186.

23 Voltaire, « De Caton et du suicide », Dictionnaire philosophique, dans Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, Garnier Frères, 1878-79, p. 89.

24 Le siècle de Voltaire. Hommage à René Pomeau, éd. par Christiane Mervaud et Sylvain Menant. Oxford, The Voltaire Foundation, 1987, p. 88.

25 Voltaire, Dictionnaire philosophique, in Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, 1878-79, p. 89.

26 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 207.

27 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 207.

28 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 207-208.

29 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 208.

30 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 208.

31 Édouard-Marie-Joseph Lepan (1767-1836 ?), Commentaires sur les tragédies et les comédies de Voltaire restées au théâtre, Paris, Cour du commerce, 1826, p. 320.

32 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 208.

33 Tanguy Logé, « Le théâtre de Voltaire au crible de Flaubert », in Flaubert et la théorie littéraire, textes réunis par Tanguy Logé, Marie-France Renard, Publication des Facultés universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2005, p. 67.

34 Martine David, Le théâtre, Paris, Belin, 1995, p. 32. Racine dit dans la préface de Bérénice que « ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une Tragédie », Préface de Bérénice dans Racine, Œuvres complètes, éd. par R. Picard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1950, t. I, p. 465.

35 Voltaire, L’Orphelin de la Chine, p. 209.

36 The Orphan of China, p. 73-77. Pour la pièce anglaise de The Orphan of China, il n’existe aucune version traduite française jusqu’à ce jour. Dans ce cas, nous nous permettons de donner nous-mêmes une traduction anglaise-française en notes. Pourtant, comme il s’agit de poésie dramatique et comme nous ne sommes pas expert dans ce domaine, cette traduction, qui garde le sens, reconnaît une certaine liberté pour le style. « Acte V, Scène, le palais. Entrée d’Octar, suivi par Zamti et Mandane : […] Mandane : Pour moi la mort n’apporte pas la terreur – / Vingt années encombrent d’une façon retentissante ce sein / Ces mains tristes frappent, ces yeux hagards / Ont vu tomber mon pays, mon mari / Mon fils, mon roi –, tous dans les mains du Tartare / Ce qui reste alors pour moi ? – La mort, – seulement la mort. // Zamti. Ah ! Ta tendresse peut-elle endurer les affres ? / […] Tes membres décents peuvent-ils être ligotés avec des cordes cruelles / Pour assouvir la rage d’un bandit ? // Mandane. Hélas ! Ce corps / Cette faible constitution ne pourra jamais le supporter / Mais cela – je peux le supporter – elle sort un poignard. »

37 The Orphan of China, p. 74. « Zamti : Ha ! // Mandane : Oui ! - Ce poignard ! / Loge-le dans ce sein fidèle / Mon cœur jouira de te rejoindre. // Zamti : Oh ! // Mandane : Mon seigneur honoré, qui m’a enseigné toutes les vertus / Permet-moi de te demander cette dernière faveur humaine / Apprends-moi maintenant à mourir – // Zamti : Oh ! Jamais jamais – / Ainsi, laisse-moi prendre cet instrument fatal ----Il prend le poignard. / Que, d’usurper la terrible prérogative / De la vie et de la mort, et de mesurer / Nos propres êtres ! C’est l’acte d’un lâche / Qui n’ose pas affronter la douleur et les périls – ».

38 Murphy, The Orphan of China, p. 75. « Mandane : Faut-il donc attendre le feu d’un tyran orgueilleux / Les serviteurs de sa volonté ? – Non, laisse-nous plutôt / Noblement briser les barrières de cette vie / Et rejoindre les êtres d’un autre monde / Qui restent autour de nos grandes âmes courageuses / Et nous obtiendrons l’admiration et les applaudissements. --- // Zamti : […] Oh ! Ce n’est pas / Quand les passions accentuent les rages ; quand l’orgueil / Est piqué à la folie, quand l’ambition tombe / On peut justifier la faiblesse, mais quand la vertu / Ne peut rien faire, – quand la liberté / Ne peut plus respirer dans son ensemble / Quand nous osons mourir avec les gémissements de notre cher pays. »

39 Murphy, The Orphan of China, p. 76. « Timurkan : Maintenant, couple détesté, votre heure est venue - / Amenez ces esclaves aux supplices et à la mort immédiate / Je déteste ce retard ; j’ai hâte de les voir / Haleter dans la mort, et baigner dans le sang. »

40 Murphy, The Orphan of China, p. 84. « Acte V, " : Oh ! Scène déchirante ! / Le corps est mis en évidence devant le spectateur, Zamti s’allonge par terre en rejoignant le cadavre. »

41 Arthur Lytton Sells, Les Sources françaises de Goldsmith, Paris, Champion, 1924, p. 65.

42 « Pour l’esprit du XVIIIe siècle, le suicide était criminel pour deux raisons. En premier lieu, il offense le roi. […] En second lieu, il blasphème contre la loi de Dieu ». Franck Mclynn, Crime and punishment in eighteenth-century England, London, Routledge, 1989, p. 50.

43 Murphy, Letter to M. Voltaire, in The works of Arthur Murphy, Volume I, London, T. Cadell, 1786, p. 103. « Chez vous, Monsieur, je ne vois pas trop à quoi peut aboutir ce grand zèle (la loyauté) de Zamti », traduction française proposée par François-Thomas-Marie de Baculard d’Arnaud (1718-1805) dans les Variétés littéraires ou Recueil de pièces tant originales que traduites, concernant la philosophie, la littérature & les arts (à Paris, chez Lacombe, libraire, Quai de Conti. M. DCC. LXVIII. Avec approbation & privilège du Roi., 1768, sous le nom de « Lettre adressée à M. de Voltaire par Murphy, auteur d’une tragédie de L’Orphelin de la Chine », p. 285-300), p. 293.

44 Dominique Godineau, S’abréger les jours. Le suicide en France au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2012, préface, p. 1.

45 En 1843, Saint-Marc Girardin remarque dans son article « Du suicide : dans le roman et au théâtre (1) » que dans le théâtre de Voltaire, « le suicide est un signe de courage », Revue de Paris, 1843, p. 260.

Bibliographie

Éditions des Orphelins

JI Junxiang, Tchao-Chi-Kou-Eulh, ou L’Orphelin de la maison de Tchao, tragédie chinoise traduite par Joseph Henri Prémare, éd. Sorel-Desflottes, Pékin, S.N, 1755.

MURPHY Arthur, The Orphan of China, a tragedy, as it is performed at the Theatre-Royal, London, P. Vaillant, 1759.

VOLTAIRE, L’Orphelin de la Chine, tragédie représentée pour la première fois à Paris, le 20 août 1755, éd. Basil Guy, Œuvres complètes de Voltaire, 45A, Voltaire Foundation Oxford, 2009.

Autres textes de Voltaire

VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, dans Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, Volume 25, Garnier Frères, 1878-79.

VOLTAIRE, Note sur l’acte V d’Olympie, dans Œuvres complètes de Voltaire, Théâtre, 1877, éd. Louis Moland, Garnier Frères, 1877.

VOLTAIRE, Lettres philosophiques, dans Œuvres complètes de Voltaire, Correspondance, Volume 5, éd. Louis Moland, Garnier Frères, 1880.

Autre texte de Murphy

MURPHY, Lettre adressée à M. de Voltaire par Murphy, auteur d’une tragédie de L’Orphelin de la Chine, traduction française proposée par François-Thomas-Marie de Baculard d’Arnaud (1718-1805) dans les Variétés littéraires ou Recueil de pièces tant originales que traduites, concernant la philosophie, la littérature & les arts, à Paris, chez Lacombe, libraire, Quai de Conti, M. DCC. LXVIII. Avec approbation & privilège du Roi., 1768, pp. 285-300.

Autres textes des XVIIe et XVIIIe siècles

ARGENS Marquis de Jean-Baptiste de Boyer, Histoire de l’esprit humain ou, Mémoires secrets et universels de la république des lettres, Tome 11, Berlin, Chez Haude de Spener, 1767.

Mercure de France, 1734.

RACINE, La préface de Bérénice, Œuvres complètes, Tome 1, éd. R. Picard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1950.

Études sur le suicide

BAYET Albert, Le suicide et la morale, Paris, Ayer Publishing, 1975.

BOISMONT Alexandre Brierre de, Du suicide et de la folie suicide, Paris, Germer Bailliere, 1865.

FORTIN Pierre, Le suicide, interventions et enjeux éthiques, Québec, PUQ, 1998.

GIRARDIN Saint-Marc, « Du suicide : dans le roman et au théâtre (1) », Revue de Paris, 1843, pp. 297-330.

GODINEAU Dominique, S’abréger les jours. Le suicide en France au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2012.

GOULEMOT Jean-Marie, « Montesquieu : du suicide légitimé à l’apologie du suicide héroïque », dans Gilbert Romme (1750-1795) et son temps : actes du colloque tenu à Riom et Clermont les 10 et 11 juin 1965, Jean Ehrard (dir.), Paris, Presses universitaires de France, 1966, pp. 168-174.

MCLYNN Franck, Crime and punishment in eighteenth-century England, London, Routledge, 1989.

POMEAU René, « En marge des Lettres philosophiques. Un essai de Voltaire sur le suicide », Revue des sciences humaines, 1954, pp. 285-294.

Études générales

AUGUSTIN Henry, Histoire de la poésie, Paris, Mirecourt, 1858.

DAVID Martine, Le théâtre, Paris, Belin, 1995.

DOLBY William, A history of Chinese Drama, London, Paul Elek, 1976.

GUO Hancheng, 汉城, Dangdai xiqu fazhan guiji当代戏曲发展轨迹 (Trajectoire de l’évolution du théâtre moderne), Beijing, Wenhua yishu chubanshe, 2008.

LEPAN Édouard-Marie-Joseph, Commentaires sur les tragédies et les comédies de Voltaire restées au théâtre, Paris, Cour du commerce, 1826.

LOGE Tanguy, « Le théâtre de Voltaire au crible de Flaubert », in Flaubert et la théorie littéraire, textes réunis par Tanguy Logé, Marie-France Renard, Publication des Facultés universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2005.

MERVAUD Christiane et MENANT Sylvain, Le siècle de Voltaire. Hommage à René Pomeau, Oxford, The Voltaire Foundation, 1987.

SELLS Arthur Lytton, Les Sources françaises de Goldsmith, Paris, Champion, 1924.

Pour citer cet article

Guo Tang, « Du suicide et de la morale dans L’Orphelin de la maison de Tchao de Ji Junxiang, L’Orphelin de la Chine de Voltaire et The Orphan of China de Murphy », paru dans Loxias, 50., mis en ligne le 13 septembre 2015, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=8137.


Auteurs

Guo Tang

Actuellement effectuant un post-doctorat à l’Université du Sud-Ouest (Chine) et à l’Université Laval (Canada), Guo Tang est docteur en Langues et Littératures Françaises. Elle a soutenu son doctorat en septembre 2014 sur « La réécriture du théâtre chinois et l’évolution du genre tragique dans l’Europe des Lumières » à l’Université de Lyon III (thèse sous la direction du professeur Régine Jomand-Baudry). Elle s’intéresse particulièrement à l’interculturalité, à l’intertextualité et aux rapports entre la littérature française et sa perception en Chine.