Loxias | Loxias 30 Doctoriales VII |  Doctoriales VII 

Matthieu Freyheit  : 

Où l’on (s’)échoue : quand l’homme en échec prend la mer

Résumé

Les passions soulevées par les destins victorieux et par les succès inoubliables n’ont d’égales que celles sourdement engendrées par les médiocres gorgés d’insuccès. Les ratés. Une fascination étrange – inquiétante – pour ces personnages qui passent, ou souffrent du sentiment de passer à côté de leur histoire. Et parmi eux, la poignée de ceux qui, prenant acte de leur échec, choisissent de s’exiler en mer. Une manière, peut-être, de se soustraire à la communauté victorieuse, de taire le ratage et, pourquoi pas, le conduire au naufrage. Est-ce condamner le raté ou le ratage que de porter le raté à la mer ? Il importe surtout de questionner ici la stratégie auctoriale que suppose l’usage de l’échec. Car couronner de succès un personnage de raté constituerait pour l’écrivain l’idéale entreprise en vue d’exorciser l’échec ; mais sans doute l’échec lui-même exerce-t-il une fascination telle qu’il soumet nécessairement celui qui s’en approche.

Abstract

Passions raised by victorious destinies and unforgivable success are equals to those generated by below-average men and failure. By duds. An odd and frightening subjugation for these characters who have the feeling of seeing their life pass them by. Some of them acknowledge their failure and decide to go into exile on the sea. Perhaps it is a way to draw themselves back from the victorious community; a way to hush the failure up and, why not to conduct it until the sinking. What do we condemn in leading the failure on the sea: the failure or the man who failed? Moreover, we have to call into question the author’s strategy supposed by the use of failure. As the author turns the dud into a literary success, does it find a way to exorcize the defeat? But failure exerts such subjugation that it submits anyway the ones who approach it.

Index

Mots-clés : échec , mer, personnage, raté

Plan

Texte intégral

1« J’aime tous les hommes qui plongent. N’importe quel poisson peut nager près de la surface, mais il faut une grande baleine pour descendre à cinq milles et davantage1 ». Ces mots célèbres d’Herman Melville, puisés dans D’où viens-tu Hawthorne, engagent notre intérêt pour ceux qui plongent. Entendons là ces personnages dont le destin nous plaît et nous pèse tout ensemble : les ratés. Grandeur de la misère, misère de la hauteur : nombre de ceux qui passent – ou ont le sentiment de passer – à côté de leur existence, de manquer le coche, se décident à affronter leur vertige sur l’immense espace océanique ; lequel réactive tout son imaginaire pour de terribles aventures. De l’écrivain en manque d’inspiration (Jack London, Les Mutinés de l’« Elseneur », 1914) au triste employé de bureau (Michel Chaillou, Jonathamour,1968), du peintre désargenté (Christophe Blain, Isaac le pirate – série commencée en 2001)) aux naufragés incessants (Uderzo et Goscinny et les fameux pirates d’Astérix – série commencée en 1961), de ceux qui se font marins à ceux qui se rêvent pirates, le personnage en échec se désinscrit du monde, se met en marge de la communauté humaine. Autant de Jonas, autant de déçus, d’insatisfaits du sort qui se réfugient dans le ventre de la baleine pour explorer, exploiter ou exorciser leur statut de raté, de malchanceux. Autant de terriens qui, dans la violence de leur ipséité, font leur partie de leur échec jusqu’à le mettre à son tour à l’épreuve : échouer ou s’échouer, une manière, peut-être, de mettre en échec l’échec même ; le naufragé terrestre portant sur mer la possibilité d’un nouveau et ultime naufrage… Et, surtout, autant de figures qui cristallisent notre propre fascination pour l’insuccès. Car la mise en scène de ces héros en mal de victoire éclaire notre manière de nous représenter, nous lecteurs, dans notre certitude de plonger. De même qu’elle souffle au fil des pages les indices d’une réponse à nos angoisses permanentes : est-ce que tout peut toujours être pire ?

2Lire, écrire, dessiner ensemble la défaite et la mer : s’agit-il pour l’aventure de mettre fin à l’échec ou pour l’échec de mettre fin à l’aventure ? Renvoyer au large l’insuccès, n’est-ce pas révéler une tendance à ne vouloir conserver de nous que la partie « présentable », tendance elle-même générée par le culte d’une société à tout prix saine, victorieuse ? Un geste négligé qui consiste à nous débarrasser des indésirables perdants : soit en les perdant définitivement, ce qui tend à les glorifier finalement comme martyrs de la condition humaine, soit en les sauvant des eaux et des tempêtes, ce qui, cette fois, tend à les glorifier comme des héros ayant surpassé cette même condition. Dans les deux cas, il s’agit avant tout de tester l’échec comme mode d’existence, mais également pour un écrivain de tester ses propres désirs, réussites ou insuccès d’écriture – saisi entre son appétit de succès et la ténacité du mythe de l’auteur maudit ou inconnu. Reprenant de ce fait en écho une ancienne question dont le retour dit beaucoup de la manière dont l’homme se saisit aujourd’hui dans le monde : sommes-nous prédestinés à l’échec ?

3London avec John Pathurst, Chaillou avec Jonathan, Blain avec Isaac : pourquoi et comment un écrivain fait-il de son personnage un raté ? Autrement dit, que rate-t-il concrètement et quels en sont les effets en terme de stratégie auctoriale ? En outre, que ressent le lecteur ? Comment fonctionne la lecture de ces romans de l’échec ? Enfin, que devient l’échec quand il est réussi littérairement ou quand il est effectivement un échec ?

Fuite et élan : l’aveu d’échec

4L’impératif qui accompagne la nouvelle donne démocratique est désormais aisément identifiable, et ne cesse d’être rappelé à chacun des stades de notre existence. Il tient en cette formule simple et éculée : réussir sa vie. Là demeure l’essentiel dans un siècle qui aime à discourir sur la chance donnée à chacun d’employer son soi comme il l’entend, laissant à l’individu le soin de trouver en lui les forces nécessaires pour le faire. Une quête, à l’infini renouvelée, du bonheur et de l’accomplissement, qui tend à soumettre chacune et chacun au jugement, propre et extérieur, de ce qui est, de ce qui n’est pas et de ce qui, enfin, pourrait être. Et la vie elle-même de dire : « […] je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même2 ». Une forme spinozienne de persévérance dans l’être, inlassable, qui requiert de l’homme qu’il ne faillisse dans le combat ni dans l’effort. C’est là une violence constamment adressée à soi, une ipséité agressive dont la pesanteur, souvent, soumet l’homme et le plie. Car ils sont légion, ceux qui courbent l’échine, qui pensent vaine la lutte et qui, face au constat d’échec, préfèrent se retirer. Lâcheté supposée qui, sous son apparence de fuite, signale tout autant un élan. « Les romans d’aventures contiennent le récit du refus de demeurer l’objet passif d’une angoisse et de l’élan qui porte vers la source de la hantise3 ». Il s’agit d’appréhender des figures qui, selon ce modèle, refusent une angoisse liée à l’échec : pris d’un élan soudain, c’est l’échec même qu’ils envisagent dans l’aventure maritime. Non seulement Jack London est de ces « hommes qui plongent », mais encore leur donne-t-il voix au chapitre. Au centre des Mutinés de l’Elseneur, John Pathurst introduit pour nous les figures de l’échec et rappelle, d’emblée, que celui-ci n’est pas nécessairement matériel. « Depuis quelques temps, la vie avait perdu toute saveur pour moi ; ce n’était pas que j’étais surmené ou simplement ennuyé – non ! mais simplement le zeste des choses s’en était allé4 » : l’échec est sentiment, sensation d’échec ; c’est une perte d’appétit qui prive le personnage du désir de persévérer dans l’existence. Il importe, en ce sens, d’observer que le passager est précisément, en grande partie, grisé par son succès d’auteur :

Mon impression est que le point culminant de ce malaise a coïncidé avec le succès de ma pièce – la première que j’avais écrite, ainsi que l’on sait. Ce fut précisément un succès tel qu’il éleva un doute dans mon esprit, tout comme la réussite également grande de mes volumes de poèmes l’avait fait aussi en son temps5.

5L’artiste se voit incapable de savourer la réussite, ainsi qu’elle ne saurait qu’être le fruit d’une erreur, d’une appréciation, tronquée sans doute, de la réalité. Denis Ferraris insiste sur le caractère subjectif de ce type :

Le raté est celui qui décide que « tout finalement manque furieusement d’importance ». […] Il est un raté parce qu’il s’autoproclame ainsi et c’est pour nous l’élément nécessaire de sa définition : il est un raté subjectif, quelqu’un qui, un beau jour, pour des raisons parfois complexes, a cessé d’accorder du prix aux idéaux et aux valeurs qui, en soutenant le monde où il vivait, lui permettaient de se situer plus ou moins respectablement et d’avoir ce qu’on est convenu d’appeler une position6.

6Adoptée par Pathurst, cette attitude tend à placer le doute au centre de toute réalisation humaine, comme si l’échec appartenait davantage au réel, au possible, que le succès. London cède à Pathurst ses propres références dans le souvenir d’un mot du journaliste et essayiste De Casseres : « L’instinct le plus profond, chez l’être humain, est d’entrer en conflit avec la Vérité, c’est-à-dire finalement le Réel. Il fuit les faits dès son enfance, sa vie est une évasion perpétuelle7 ». De fait, Pathurst se décide à fuir un succès qui, pourtant réel, ne saurait être considéré par lui comme tel. Et, alors même que l’échec lui apparaît comme la seule réalité possible, il s’engage sur la voie de la souffrance dans un voyage qui, dès le départ, lui semble placé sous le signe de l’échec, s’engouffre dans un monde qui, au contraire, porte continuellement les marques de l’irréalité. En un mot, l’auteur refuse la réalité du succès, mais s’efforce d’accepter, envers et contre tout (y compris ses propres pressentiments), l’irréalité de la violence. Il est sensiblement plus aisé de sympathiser avec ses difficultés qu’avec ses réussites, de se satisfaire dans la difficulté et la dureté de l’épreuve. Cette forme de violence réflexive révèle une pensée latente et obscure, exprimable en peu de mots : le personnage ne se trouve vraiment que dans l’échec. Réussir, c’est – une pensée qui témoigne d’une vision profondément pessimiste de l’être – aller à l’encontre de sa nature humaine, c’est échouer dans la construction de son humanité. Dans son journal, Jan Zabrana (un homme qui plonge, lui aussi) note : « Qui a réussi, de son vivant, à se dégager de sa tombe, récolte la haine. Jamais on ne lui pardonnera cette insolence opiniâtre. Jamais8 ». Le succès lui est à la fois contre-performance et contre-réalité, lesquelles se paient d’un voyage vers des terres qui doivent lui être plus proches. Une violence de l’homme faite à l’homme et qui – elle ! – réussit si bien que l’individu en vient à s’affliger lui-même. Des terres plus proches, disions-nous : Pathurst s’inflige lui-même la punition en s’exilant, pour sa part, sur l’espace maritime. Une fuite – peut-être ? En tout cas une destination pour ceux qui, à l’instar de Pathurst, se sentent, à leur manière, en échec.

7Une fuite, peut-être. Poétique, en tout cas, celle de Jonathamour. Du héros de Michel Chaillou, qui n’est pas sans rappeler Bartleby, on ne reçoit que d’infimes bribes, quelques échos lointains qui n’évoquent qu’une figure sans histoire – là réside entre autre la similitude avec le scribe récalcitrant de Melville. Sans histoire donc : tout juste sait-on sa naissance à Auxerre, sa résidence à Paris, son statut de chômeur, puis celui d’employé de bureau. A l’instar de Pathurst, Jonathan entre instinctivement en conflit avec le réel. « J’ai trop de voyages dans les veines pour accepter une naissance à Auxerre9 ». En refusant sa naissance, Jonathan entre en conflit avec la réalité de son existence même. L’enjeu se situe dans le statut et la construction de la notion de personnage, et de sa capacité à devenir ou non un héros. Le mot, sans doute, offre une résistance manifeste dans un héros qui se refuse à être. L’assertion de Robbe-Grillet, « Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l’apogée de l’individu10 », a été largement commentée. Cependant, Jonathan n’illustre pas tant une péremption du personnage qu’une nouvelle dimension de sa production : ce n’est pas qu’il ne peut plus être, c’est qu’il veut désormais refuser et participer de son être. Il veut. Le ratage appartient aussi bien au personnage qu’à l’auteur, qui se perd dans le dialogue impossible qu’il s’impose avec sa création. Des deux côtés, le refus de taire totalement l’autre, mais aussi le refus de définitivement lui céder place. Philippe Hamon évoque le cas d’un dédoublement du vouloir :

Le cas ultime de dépossession du personnage de son vouloir sera donc une intériorisation doublée d’une dépossession et d’une intermittence : le personnage est, lui-même, dédoubléen deux volontés contradictoires dont l’une l’inconsciente, est aussi la plus intermittente et la plus méconnaissable par la conscience. Le personnage, alors, est habité d’un deuxième sujet animé d’un vouloir contradictoire et doté de programmes antagonistes11.

8Ici, la fêlure est d’autant plus inhérente au héros qu’elle provient de l’hésitation même de son créateur. Si bien que la dépossession devient le fait non plus seulement du personnage, mais également d’un auteur qui limite, de lui-même, son vouloir. Un dialogue opiniâtre dans lequel l’auteur permet au personnage de s’opposer sans relâche aux desseins d’une existence qui, jamais, ne le satisfait. Sans emploi, Jonathan évoque un entretien d’embauche :

Offre d’emploi. […] La pièce était vaste. Je déchiffrais déjà les algues de la tapisserie lorsque son souffle vint sur moi. Je transposais sa conversation, ses gestes. Il écrivait sur une autre portée. Ma formation, mes diplômes étaient marins. Il m’offrait des compartiments, une vie sèche. La tiédeur de collègues conservés par des routines sans embarras. J’ai remercié. J’ai reculé. Il s’est éteint dès la rue12.

9I would prefer not to13. Il finit cependant par accepter le travail, « enfermé dans une salle rousse14 ». Sans emploi, ou pourvu d’une place qui l’ennuie, qui l’éteint, Jonathan tente de fuir : comme Pathurst, il choisit de prendre la mer. Mais lorsque le premier se fait marin, le second, quant à lui, ne fait que se rêver pirate. Un cap que franchit Isaac, le héros des aventures écrites et dessinées par Christophe Blain. Heureux en ménage, Isaac vit un échec professionnel : il est un peintre désargenté qui, fasciné par la représentation maritime, rêve de voyages et s’engage comme peintre officiel à bord d’un navire dont le capitaine se révèle être un pirate parti en exploration. L’échec d’Isaac n’a pas la poésie pessimiste et quelque peu désespérée des deux précédents. L’engagement en mer revêt pour lui un aspect palliatif censé combler le vide avant tout matériel de son existence. Pourtant, au-delà de la seule situation pécuniaire – n’allons pas en diminuer l’importance – le départ d’Isaac est motivé par deux impératifs. Le premier demeure très matériel et tient à son rapport à Alice, sa maîtresse. Celle-ci pourvoit financièrement au ménage et fait front à l’échec professionnel de son amant ; une situation que celui-ci n’accepte que difficilement et qui lui apparaît comme un cuisant échec. Davantage que d’amant à maîtresse, Isaac est face à Alice comme l’enfant face à l’adulte : « Pourquoi est-ce que tu me dis toujours ce que je dois faire ? Comme si j’étais un gamin ! Je ne sais pas travailler, je ne sais pas avoir de l’argent, je ne sais pas me comporter comme un adulte ! Je me conduis comme un gosse ! C’est ce que tu penses, n’est-ce pas ?15 » Sur ces paroles, Blain représente Isaac en train de s’habiller, ainsi qu’un enfant contraint par sa mère. A ce déséquilibre relationnel s’adjoint une considération artistique. S’il rêve de grandes compositions marines, il ne gagne quelque nourriture qu’en peignant une enseigne, ou se voit rétribué d’une paire de bottes pour avoir peint… des bottes ! Il acquiert sur de longues économies une étude de celui qu’il considère comme son maître, Duffon, spécialiste de scènes marines et, de plus, « fameux marin16 » ; une formule intimée par Henri, chirurgien rencontré dans les rues de Paris qui propose au jeune artiste d’embarquer avec lui sous les ordres de son riche capitaine. Fameux marin. Une idée qui emporte l’imagination et l’ambition d’Isaac : faut-il être fameux marin pour être fameux peintre de marine ? Pour qui peint la mer, prendre la mer c’est en quelque sorte passer de l’autre côté, entrer dans la toile. C’est, artistiquement, un acte qui se rapproche de la fusion, qui propulse le peintre au rang de créateur, de fondateur des éléments : une réussite en perspective pour qui ne vécut, jusque là, de son art.

Prisonniers du passage

10Trois échecs donc, mais une façon unique d’en prendre acte. John Pathurst, Jonathan et Isaac s’éloignent des terriens et gagnent, d’une manière ou d’une autre, la mer. Une désinscription du monde dont le caractère fascinant révèle bien des aspects du rapport du personnage à l’échec. La communauté sociale, portée par l’idée – ou davantage encore l’espérance – d’un progrès, se veut un corps sain, puissant. Foucault insiste suffisamment sur l’enfermement symptomatique prescrit par notre civilisation : asiles, hôpitaux, instituts, prisons puisent dans le vivier sans limite de ceux que l’on considère commeen échec, social ou psychologique. La mer n’est pas en reste dans l’exil des indésirables. Les prisonniers comme les mendiants sont envoyés travailler sur les navires, les criminels comme les prostituées sont expédiés au loin peupler les nouvelles colonies. L’espace maritime et les îles et navires qu’il suppose participe, au même titre que les asiles, prisons et hôpitaux, de cette quête collective : rendre invisible l’échec, quel qu’il soit. C’est en ce point précis que se rencontrent deux tendances fondamentales, l’horreur et la fascination. Horreur de la défaite, fascination pour le succès – et inversement. Face à cette tension, il ne reste à celui qui s’engage en mer qu’une alternative. Confirmer l’échec, s’échouer, ou mettre, par un effort miraculeux – perçu comme tel en tout cas –, l’échec à mal. L’image la plus terrible de l’échec confirmé reste probablement celle du non moins terrible capitaine Achab. Déjà battu, mutilé, la raison vacillante, ne subsistant (quelle défaite pour l’existence !) que pour tuer, le marin vengeur appartient à la chronique d’un naufrage annoncé, sa tragique destinée égalant en force celle des héros grecs soumis aux puissances d’un funeste fatum. La défaite, au sein d’une telle œuvre, est portée en monument. La fascination pour l’échec, en réalité, n’est pas moindre que pour son contraire : Achab, sinistre présage d’une humanité qui n’a de cesse de s’imaginer, elle aussi, plonger, sombre en martyre de la condition humaine. Monument : le mot n’est pas vain chez London qui, pour scène de son roman, choisit un navire auquel il donne le nom d’Elseneur, lieu de la sanglante tragédie d’Hamlet. Une toponymie au sémantisme puissant, considérant que « le territoire n’est pas à côté ou autour du personnage, il constitue l’effet-personnage17 ». Le personnage se lance ici en quête de tragédie : car s’il dédit sa condition d’homme dans le succès, il lui semble bien qu’il saura y satisfaire, au contraire, dans la tragédie. « Les héros grecs sont parmi nous18 », titre Jacqueline de Romilly ; c’est bien ce dont il s’agit ici : tenter la tragédie, être un héros au prisme du tragique. Et atteindre ainsi la grandeur. Mais le raté n’est-il pas celui qui échoue à échouer ? Car la chute de Jonathan n’a pas la grandeur de celle du capitaine Achab. De fait, son aventure s’inscrit dans l’esthétique vingtiémiste d’un effacement, d’un retrait. Jonathan échoue à l’existence même en se révélant incapable de se construire une histoire. Il n’est pas. Incapable de se construire, il tente, en contrepartie, de se produire.

D’habitude dans les cafés, je commence ainsi. Voilà : « J’ai voyagé, les femmes étaient bavardes, les tilleuls plus sauvages le long du mail. Sur les fortifications, trente gredins surgirent et l’or fut roulé vers les cales. Le capitaine trouvait la réplique spirituelle pour expédier des dignitaires. J’avais un hamac sous la dunette et les côtes que nous abordions paraissaient au ras de vagues, rouges et sombres, avec un homme sur les hauts d’une plage qui, brusquement, détalait. L’histoire de nos aventures est mêlée de cris d’égorgement : aucune ripaille sans la procession des incendies et les meurtres dans les tavernes. J’arrive de Davenport… » Jamais je ne parviens beaucoup plus loin, soit que les buveurs s’éloignent, soit que la poussière tombe sur ma mémoire ; j’ai même alors de la peine à m’exprimer de façon claire. Comme si la poussière chargeait aussi ma langue19.

11Dans cette tentative continuelle se situe le dialogue entre personnage et auteur. La défaite de Jonathan est complète en ce qu’il échoue autant dans sa construction existentielle que dans sa production imaginaire. Incapable d’être, il se révèle également incapable d’inventer – refusant d’être, il se voit opposer le refus d’inventer. On ne sait guère plus qui de l’auteur ou du héros guide l’écriture du livre. « L’identité de l’expérience est brisée, la vie continue et articulée qui seule autorise l’attitude du narrateur20 », affirme Adorno à la suite de Benjamin. Pour Jonathan sont brisées à la fois identité de l’expérience, soit son statut de narrateur, et expérience de l’identité, soit son statut de personnage. « La pauvreté en expérience : cela ne signifie pas que les hommes aspirent à une expérience nouvelle. Non, ils aspirent à un environnement dans lequel ils puissent faire valoir leur pauvreté, extérieure et finalement aussi intérieure21 ». Là réside le désenchantement inhérent à l’œuvre de Michel Chaillou. Gorgé de toute la poésie de la mer, Jonathan n’en demeure pourtant pas moins incapable de concrétiser son désir narratif : impuissant, le protagoniste ne parvient pas à porter l’expérience sur terre, et atteste définitivement de cet échec en se montrant impropre à conduire l’expérience sur un espace traditionnellement voué à l’aventure, la mer. Il reste que l’employé, pris entre deux discours, régresse en un langage parcellaire, elliptique, qui semble à la fois relever d’une perte de lucidité ou de raison et d’un cheminement vers la révélation de cet échec définitif de l’être. « De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par le fou22 » : sans doute le chemin de la mer est-il tracé dans ces méandres de l’esprit qui, dans une quête inconnue, traversent des gouffres proches de la folie. Le cas de Pathurst est explicite. À bord de l’Elseneur, c’est dans la crainte et l’incompréhension que l’écrivain observe l’équipage. Si bien qu’il finit par saisir le caractère à la fois inquiétant et absurde de sa situation et de son aventure : « Allons donc jusqu’au bout de cette aventure, si l’on peut qualifier d’aventure le fait de faire voile autour du cap Horn sur un navire chargé d’abrutis et de fous23 ». Violemment, la grande aventure se métamorphose aux mouvements d’un navire qui lui-même se transfigure en avatar du Hollandais Volant. Un entourage de créatures agressives, décharnées, impulsives, un équipage de damnés qui tend à dessiner un nouvel univers – davantage une nébuleuse – physique et psychologique autour du personnage qui, avant de s’embarquer, avait atteint « un sommet intellectuel et artistique ainsi qu’un apogée dans [sa] vie24 ». Un sommet qui se paie de la mer, le personnage s’infligeant la chute qu’il croit nécessaire.Lui-même, esprit et corps sains, se laisse contaminer par l’irréalité de la vie menée à bord du voilier :

Cette existence à bord de l’Elseneur constitue une étrange expérience. Je dois confesser que je n’arrive pas à m’orienter tant il me semble que je suis là depuis de longs mois et tellement chaque petit détail du cercle restreint qui m’entoure m’est devenu familier. Mon esprit n’arrête pas de s’égarer, allant de choses incompréhensibles à d’autres que l’on ne peut appréhender. Cela va du Samouraï avec sa voix d’airain d’archange Gabriel qui ne se manifeste que dans la tourmente et au milieu du tonnerre, jusqu’au Faune faible d’esprit, maltraité, aux yeux brillants, humides et remplis de douleur, en passant par les trois bandits qui imposent leur loi au gaillard d’avant et séduisent le lieutenant – ou O’Sullivan et son pépiement incessant, enfermé dans sa cage de fer avec Davis, ce dernier toujours à se plaindre et prêt à lui casser la tête à coups de gourdin, ou encore Christian Jespersen englouti quelque part dans l’immense océan, entraîné par son sac de charbon. Dans de tels moments, la vie sur l’Elseneur devient aussi irréelle que le paraît la vie elle-même au philosophe25.

12L’étrange lui est devenu familier. Le voyage entrepris par Isaac se présente lui aussi, d’emblée, sous de sombres augures. A son insu, il rejoint un équipage de pirates dans une expédition vers les terres gelées du Sud, encore inexplorées. Ce que Jean Mainbasse, le capitaine pirate, propose à Isaac, ce n’est pas autre chose, selon ses propres dires, que d’entrer dans l’histoire : « Toi, tu vas ramener des images de ce nouveau monde, et l’on me croira. Cette terre portera mon nom. Voilà trois ans que je prépare cette aventure. C’est dans l’histoire que tu rentres !26 » C’est en puissance neutre de témoignage que la peinture d’Isaac est invoquée. Au premier portrait qu’Isaac trace de Mainbasse, les pirates forcent pourtant leur imagination pour retrouver dans ces traits ceux de leur capitaine : la pose, semble-t-il, ne révèle pas le talent. C’est dans l’action au contraire qu’Isaac signe sa première victoire. Alors qu’une altercation dégénère, Isaac saisit son crayon pour dresser une esquisse des pirates en pleine bagarre ; lesquels se reconnaissent, séduits autant que surpris. Le peintre s’accomplit dans la violence de l’action, dans l’affirmation virile et la vie qui dégénère : il se révèle dans la révélation même de la nature humaine. La scène présage de la suite des aventures : à mesure que le voyage se poursuit, le navire bascule dans l’irréalité physique – les marins tantstupéfaits qu’effrayés au spectacle d’une aurore boréale (t. 2, Les Glaces) – et psychologique – dans un accès de violence, les pirates assassinent un équipage suédois qu’ils avaient secouru avant de s’entretuer (t. 3, Olga). L’inquiétant, le bizarre, l’effrayant, deviennent un mode d’existence. L’esprit s’égare, capable soudain d’appréhender ce que « l’on ne peut appréhender ». Stultifera navis. « Enfermé dans le navire, d’où l’on échappe pas, le fou est confié à la rivière aux mille bras, à la mer aux mille chemins, à cette grande incertitude extérieure à tout. Il est prisonnier au milieu de la plus libre, de la plus ouverte des routes : solidement enchaîné à l’infini carrefour. Il est le Passager par excellence, c’est-à-dire le prisonnier du passage27 ». Pathurst, Isaac et Jonathan sont, de cette même manière, des êtres de passage, de transition, de carrefour.

Sans succès, sans échec : la défaite de l’in-fini

13Au cœur de sa mutation, Pathurst parvient à se défaire du succès qui, précisément, causait son sentiment d’échec. En pleine tempête, sous les rafales et les tourbillons du vent, la fille du capitaine l’entraîne dans l’ascension du mât de hune ; un acte déraisonnable, insensé, à l’accomplissement duquel Pathurst est pris d’un délire grandiloquent (« Je sais maintenant que mes lointains ancêtres étaient les Vikings […]. Je suis Hengist et Horsa, je suis issu des héros qui étaient déjà légendaires pour eux […]28 ») ponctué de ces mots, de ce cri à l’attention des livres qu’il chérissait tant : « Qu’ils aillent au diable, maintenant, avec tous les malades mentaux et les cinglés du monde entier qui les ont écrits !29 » C’est un renversement complet qui se réalise. Celui qu’il était devient le fou de celui qu’il est désormais. Une manière de transformer le succès passé en échec et, inversement, de faire de la traversée présente, maintes fois perçue comme un désastre et un échec, un nouveau et véritable succès. « La confrontation avec un danger extérieur est salutaire, précise Isabelle Guillaume. […] L’aventure procède d’abord d’un refus, et s’affirme d’emblée comme une délivrance par rapport à un malaise […]30 ». Dans la tempête, Pathurst n’accomplit pas la tragédie comme Achab vaincu par la baleine. Et l’hubris ne perd pas le personnage comme il perd le héros grec : il le réalise et, ce faisant, le conduit – confirmant notre intuition première – à échouer à l’échec.

14Fasciné par la pensée de Nietzsche, London ne cesse de s’y accrocher, cherchant à réaliser, dans une production littéraire, ce que le philosophe appelle le surhumain. « Voyez, je vous enseigne le surhumain : c’est lui, cet Océan, en lui peut s’abîmer votre grand mépris. Quel est le plus grand moment que vous puissiez vivre ? C’est l’heure du grand mépris. L’heure où votre bonheur aussi devient dégoût comme votre raison et votre vertu31 ». Pathurst parvient à l’heure de ce grand mépris au terme d’une ascension physique et morale – une démesure – qui, paradoxalement, constitue un déclin voulu et nécessaire ; qui fait de lui l’être moyen, le raté. Une désaffection partagée par Isaac qui, au terme de son aventure maritime, tourne le dos à son ancienne ambition : « Je veux plus dessiner de bateaux. J’en ai marre, des bateaux. Je veux plus voir de bateaux »32. Nietzsche poursuit : « […] ce que l’on peut aimer dans l’homme, c’est qu’il est une transition et qu’il est un déclin33 ». Parvenu en haut du mât, l’écrivain de London accompli ce surpassement de soi par le rejet définitif du succès passé. Et, de fait, cet acte ne constitue pas en soi un aboutissement, mais davantage une transition. La pleine conscience de l’ancien échec conduit le protagoniste, malgré lui, à une découverte nouvelle, et d’une ampleur insoupçonnée. Insoupçonnée, ou plutôt inattendue, au vu d’un discours tenu au début du voyage ; un discours pessimiste – pour lui – et violent – pour les intéressées – dans lequel il reprochait aux femmes à la fois leur inconstance, leur inconsistance et leur avidité. C’est pourtant là que siège le secret de son accomplissement. Au contact de Margaret, la fille du capitaine, il se prend à abandonner ses vieilles appréhension, à les voir sombrer, tandis que s’allume en lui une flamme nouvelle.

J’ai trouvé ce qui faisait que tous mes livres me paraissaient soudainement devenus bien ternes ; j’ai fini par découvrir aussi ce qui fait que toute ma philosophie n’aboutit qu’à une seule conclusion, la plus définitive qu’un homme puisse faire. En un mot, j’ai découvert l’amour pour une femme sans que je sache d’ailleurs s’il est partagé. Là n’est pas tellement l’important, non ! L’essentiel est que, moi-même, je sois parvenu au sommet ultime que l’animal humain mâle puisse atteindre. […] L’Amour est le mot ultime […]. Il est la justification de l’Être34.

15Pathurst a conscience de s’être dépassé. Il fait la découverte de l’Amour ; une découverte qui, si elle vaut pour elle-même, vaut avant tout pour le mouvement qu’elle suppose, à savoir une exploration et une révélation de l’Etre, de l’humain – du surhumain ? Or, cette révélation n’a été rendue possible que par l’expérience du ratage qui, seul, conduit à un succès véritable. Tandis que Pathurst, grimpant au mât, s’élève dans les airs, Isaac, au cœur de son aventure en mer, s’enfonce plus profondément dans le navire. « Tu est un salopard, toi. Tu portes la poisse !35 » Ainsi accusé par Jean (puis, une fois ce dernier mort, par ses anciens camarades) Isaac est mis à fond de cale, afin que cesse la malédiction qui doit l’accompagner. Rendu aveugle par l’obscurité, ce nouveau Jonas plongé dans les entrailles d’une baleine de bois est désormais aussi loin de son art que faire se peut. Un aveuglement qui aura pour vertu de faire la lumière sur l’inactualité de son désir maritime. Finalement, de tous ceux qui seront recueillis par un nouveau navire, il sera, avec son compagnon Jacques, le seul survivant. Ensemble, ils regagnent la terre puis, enfin, Paris, point de départ de l’aventure d’Isaac. L’occasion pour le lecteur de mesurer la réussite de l’entreprise : toujours pauvre, toujours méconnu, hors-la-loi, déçu en amour (Alice, entre temps, est partie avec un autre), le peintre, bien qu’ayant survécu à l’aventure, ne jouit pas d’une meilleure situation qu’auparavant. S’il rencontre bien quelques rares individus prêts à l’encourager dans son parcours artistique, l’aventure maritime n’a pas modifié son existence : incapable de retrouver Alice, il signe, après la réussite – mince – que représente sa survie à la mer, un nouvel échec. Cette persistance dans l’échec se manifeste dans les espaces qu’il investit : une majorité de lieux interlopes, de caches, de « planques », de ruelles comme de tavernes sombres et d’appartements secrets. Le cinquième tome le voit accompagné de la bande de voleurs à laquelle il s’est lié, en-dehors de la ville, le chef de la bande ayant « réussi à sauver [leurs] têtes en négociant cette petite retraite36 ». Peu de choses changent pour Isaac auquel le sort du pauvre semble attaché. Peut-être n’est-il pas anodin que, depuis la parution du cinquième volume en 2005, aucune nouvelle du suivant n’ait été donnée… L’échec auquel Isaac paraît voué se transforme-t-il en l’échec d’une entreprise littéraire ? Jonathan lui-même est à l’origine d’une tentative littéraire qui peine à s’accomplir. Ainsi les dernières lignes de l’œuvre :

Je ne pourrais plus te parler, lecteur, le silence au bas de cette page. […] Nous sommes le 8 août. Oui, je pars, je ferme la porte. J’ai rouvert : difficile de quitter les choses, de se taire. Le dernier coup d’œil. Je laisse le manuscrit en évidence sur le lit. Parfois on pousse les papiers sur d’autres, ça se mélange. Puis le besoin de regrimper l’escalier, d’ajouter un mot, une phrase. Mon bateau en Espagne mal précisé. Jef le hurleur est blond. La peur d’oublier quelque chose. Voilà ! cette fois-ci je pars vraiment, je suis en train de partir37.

16Sans qu’aucune existence véritable lui ait été accordée au cours du livre, Jonathamour s’évapore dans une œuvre in-finie. Pathurst, quant à lui, après avoir soumis les mutinés, dirige l’Elseneur vers Valparaiso où il fera emprisonner ceux qui le méritent, puis reprend la mer avec Margaret jusqu’à Seattle, dans l’espoir de profiter de leur amour. Il demeure toutefois étonnant qu’après une telle expérience, le personnage et sa nouvelle compagne se décident à reprendre le large à bord du même navire. Leur récente union signe une nouvelle victoire, un nouveau succès… qui à son tour mérite de défier l’échec. Un appel au naufrage qui, dans l’expression de sa plus complète absurdité, n’est pas sans rappeler les incessants naufragés pirates d’Uderzo et Goscinny. Comme chaque succès appelle l’écho d’un échec, chaque échec demande en canon le succès. L’auteur, en cette aporie, se voit coincé par le ratage : soit il rate l’échec, ce qui lui est insupportable, ou au moins inconfortable, mais a le moindre mérite de réussir son entreprise (à savoir confirmer l’échec), soit il fait de son roman de l’échec une réussite, et ce faisant le fait mentir, le contredit. Chacun parvient à sa manière, à ne pas contredire l’esthétique de son œuvre. Blain, n’ayant pas poursuivi depuis cinq ans – ce qui ne signifie pas, cependant, qu’il les a définitivement abandonnées – les aventures d’Isaac, atteste de la qualité de raté de son héros. Chaillou, quant à lui, manque sa narration en autorisant celle qu’il prête à Jonathamour. Celui-ci lutte en quelque sorte contre une narration qui ne le satisferait guère par une autre narration que l’auteur ne l’autorise à découvrir que partiellement. C’est, finalement, davantage l’auteur qui singe le personnage, livrant au lecteur une œuvre parcellaire. Les Mutinés de l’Elseneur, enfin, se clôt, malgré la victoire de Pathurst sur les mutinés, sur un malaise du lecteur qui le voit reprendre la mer. Comme une rechute qui rappelle que le succès n’est, sans doute, jamais définitif – notamment pour un roman dont l’auteur est tout juste sorti d’une dépression éthylique. London, confirmant l’échec, se suicide. C’est du moins l’une des thèses avancées38 ; car c’est là ce qui distingue le malheureux : à sa mort même manque la narration. Une narration incomplète, une œuvre inachevée, un voyage qui ne cesse : le personnage de raté est celui, sans doute, de l’in-fini. Blain, Chaillou et London signent cependant des œuvres aujourd’hui suffisamment reconnues pour ne pas être consignées parmi les manqués de la littérature : le ratage quant à lui demeure dans les abysses peuplées des héros qui plongent. Mais il est tentant quand on écrit l’échec de vouloir s’en saisir. Juste pour voir. Et les pirates d’Astérix de nous montrer que, comme on s’attache à conquérir le mieux, on se cramponne pour conserver le pire. Car sans doute aimons-nous, tous, les personnages qui plongent, soucieux que nous sommes de nous voir sombrer à notre tour et de dire, comme Jonathamour, avant cette contemplation finale : « J’ai ouvert un livre pour la défaite qui s’y lisait39 ».

Notes de bas de page numériques

1  Herman Melville, D’où viens-tu Hawthorne, Lettres à Nathaniel Hawthorne et à d’autres correspondants, [1850], Paris, Gallimard, 1986, « Du monde entier », p. 82.

2  Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, [1885], Paris, Librairie Générale Française, 1983, p. 141.

3  Isabelle Guillaume, Le Roman d’aventures depuis L’île au trésor, [1999], Paris, L’Harmattan, « Critiques Littéraires », p. 92.

4  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 24.

5  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 72.

6  Denis Ferraris, « L’invention du raté en littérature », Chroniques Italiennes, n°13-14, 1988, consultable sur http://chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/13-14/Ferraris.pdf, p. 9.

7  Benjamin De Casseres, cité dans Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 147.

8  Jan Zabrana, Toute une vie, [1992], Paris, Allia, 2005, p. 55.

9  Michel Chaillou, Jonathamour, [1968], Paris, Gallimard, 1991, « Folio », p. 48.

10  Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, [1961], Paris, Minuit, « Critique », p. 27.

11  Philippe Hamon, Le personnel du roman, [1983], Genève, Droz, 1998, p. 257.

12  Michel Chaillou, Jonathamour, [1968], Paris, Gallimard, 1991, « Folio », p. 27.

13  Ainsi Bartleby formule-t-il inlassablement sa réponse.

14  Michel Chaillou, Jonathamour, [1968], Paris, Gallimard, 1991, « Folio », p. 32.

15  Christophe Blain, Isaac le pirate, t.1, Les Amériques, [2001], s.l., Dargaud, 2009, « Poisson Pilote », p. 9.

16  Christophe Blain, Isaac le pirate, t.1, Les Amériques, [2001], s.l., Dargaud, 2009, « Poisson Pilote », p. 11.

17  Philippe Hamon, Le personnel du roman, [1983], Genève, Droz, 1998, p. 206.

18  Jacqueline de Romilly, Héros tragiques, héros lyriques, [2000], s.l., Fata Morgana, p. 12.

19  Michel Chaillou, Jonathamour, [1968], Paris, Gallimard, 1991, « Folio », pp. 44-45.

20  Theodor W. Adorno, Notes sur la littérature, Paris, Flammarion 1984, p. 38.

21  Walter Benjamin, Expérience et pauvreté, [1933], in Œuvres II, Paris, Gallimard, 2000, « Folio Essais », p. 371.

22  Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, [1961], Paris, Gallimard, 1998, « Tel », p. 649.

23  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », pp. 90-91.

24  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 73.

25  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », pp. 146-147.

26  Christophe Blain, Isaac le pirate, t.1, Les Amériques, [2001], s.l., Dargaud, 2009, « Poisson Pilote », pp. 36-37.

27  Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, [1961], Paris, Gallimard, 1998, « Tel », p. 26.

28  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 268.

29  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 269.

30  Isabelle Guillaume, Le Roman d’aventures depuis L’île au trésor, [1999], Paris, L’Harmattan, « Critiques Littéraires », p. 85.

31  Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, [1885], Paris, Librairie Générale Française, 1983, p. 22.

32  Christophe Blain, Isaac le pirate, t.3, Olga, [2002], s.l., Dargaud, 2007, « Poisson Pilote », p. 30.

33  Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, [1885], Paris, Librairie Générale Française, 1983, p. 24.

34  Jack London, Les mutinés de l’« Elseneur », [1914], Paris, Phébus, 2004, « Libretto », p. 296.

35  Christophe Blain, Isaac le pirate, t.3, Olga, [2002], s.l., Dargaud, 2007, « Poisson Pilote », p. 7.

36  Christophe Blain, Isaac le pirate, t.5, Jacques, [2005], s.l., Dargaud, 2010, « Poisson Pilote », p. 4.

37  Michel Chaillou, Jonathamour, [1968], Paris, Gallimard, 1991, « Folio », pp. 189-190.

38  En effet, le décès de Jack London demeure sujet à controverse. Ainsi Jennifer Lesieur insiste-t-elle dans son étude : « Il n’y aura pas d’autopsie ; quatre médecins se mettent d’accord pour attribuer le décès à une "crise d’urémie consécutive à une colique néphrétique, accompagnée de néphrite interstitielle chronique" et non à un suicide ». Jennifer Lesieur, Jack London, [2008], Paris, Tallandier, « Biographies », p. 344.

39  Michel Chaillou, Jonathamour, [1968], Paris, Gallimard, 1991, « Folio », p. 178.

Pour citer cet article

Matthieu Freyheit, « Où l’on (s’)échoue : quand l’homme en échec prend la mer », paru dans Loxias, Loxias 30, mis en ligne le 08 septembre 2010, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=6357.


Auteurs

Matthieu Freyheit

Matthieu Freyheit prépare actuellement une thèse en littérature comparée à l’Université de Haute Alsace. Dirigé par Frédérique Toudoire-Surlapierre (directrice, Université de Haute Alsace) et Jacques La Mothe (co-directeur, Université du Québec à Montréal), il travaille sur la figure du pirate, principalement dans le genre romanesque du XIXe au XXIe siècle.