temps dans Loxias


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Loxias | Loxias 2 (janv. 2004) | Genèses. Interactions entre différents champs: réciprocité amorcée d'une intertextualité. Imaginaire et transferts culturels

La vie mythique des concepts d’histoire littéraire : surgissement, éclipses et résurgences du couple classique/baroque

Si l’on veut en effet ne retenir du couple classique/baroque qu’un seul des partenaires, chacun d’eux est réduit à l’impuissance. On n’a plus entre les mains qu’une définition close, avec ses tiroirs fermés, carcasse sans organes, un substantif auquel s’accroche une armature de qualificatifs, un coffre-fort empli à l’intérieur, mais sans clé. Classique et baroque ne se mettent véritablement à parler que lorsqu’ils sont ensemble. Séparément, ils ne font que catégoriser et grammatiser, ce qui n’est pas parole de vivant. Ma communication proposera donc quelques brèves réflexions sur le mode de réunion (ou de séparation) des concepts d’histoire littéraire, et sur leur mode d’évolution d’après deux conceptions différentes, mais aussi complémentaires, du temps.

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Épistémologies croisées de l’Imaginaire : les traditions françaises et roumaines

L'imaginaire obéit à des invariants et à des variations qu'on peut décrire, mesurer et évaluer et dont l'étude peut donner lieu à des combinatoires d'une grande richesse. Les recherches sur l'imaginaire disposent de programmes chargés si l'on veut bien prendre en compte le jeu entre les œuvres et leurs modèles d'intelligibilité sur fond d'une pluralité de registres socio-culturels. On observera un cas typique, celui du couple France-Roumanie, ouvrant ainsi la porte à un vaste chantier phénoménologique et épistémologique de comparaison des imaginaires.

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Loxias | Loxias 21 | Frédéric Jacques Temple, l'aventure de vivre

Frédéric Jacques Temple, aventure de la mémoire et porosité de l’être au monde dans La Chasse infinie

Le poème de Frédéric Jacques Temple a rapport au temps, au sens de mémoire. Il effectue un retour à l’aletheia, l’ancienne vérité, mémoire du mage et du poète, célébration qui rapporte le mot à un temps mythique où la chose simple était là sans traduction. Memorandum immémorial. Laisser une trace comme celle des menhirs des brandes celtiques ou bien des oeufs de granit de l’Aubrac. Le poète est celui qui traverse les strates du temps et témoigne du monde et de l’homme. Solitude, immutabilité, les caractères matériels des poèmes de Temple, comme des stèles, définissent une posture face au temps. Mais la réminiscence elle-même est reviviscence. Tout est émouvant enchevêtrement des fils de la vie, aventure de vivre, car « à chacun son aventure », ce qui fait que cette poésie taillée dans la pierre est aussi celle de la précarité, de l’évanescence, de la légèreté duveteuse d’une aile irisée de papillon.

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L’art d’évoquer les minutes heureuses

Dédoublé entre Frédéric-Florestan et Jacques-Eusébius, F. J. Temple est voué à l’évocation des bonheurs passés, dont ses poèmes tirent leur existence en suspendant le temps pour faire advenir l’accord entre tous les règnes qui est le signe d’élection par excellence de cette poésie. Une vibration perpétue le bonheur par échos prolongés qui révèlent l’épaisseur du temps et favorise la « rumination des siècles ». « Poèmes-voyages » ou « poèmes-stations » s’allient dans un dispositif de commémoration singulier : s’y exprime ce qui émeut au plus vif et pourtant le poète se tient dans la distance d’un point de vue inscrit au futur antérieur. « Ce qui aura été » est consigné dans le poème pour y être partagé. De là le nombre élevé d’intercesseurs, de compagnons de voyage et d’aventure, qui ponctuent cette œuvre de leur présence amie. De là aussi le goût de Temple pour les dictionnaires et la « chasse infinie » des vocables. De là ce « temps ample » qui scelle ici le bonheur.

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Célébrer le vivant, amen, alleluia !

La poésie de Frédéric Jacques Temple est pétrie de la matière du monde : minéral, végétal, animal, tout le règne du vivant s'y exprime. Mais cette fusion spontanée avec la nature s'ancre dans l'expérience mortelle de la guerre : « sachez que je suis déjà mort », écrit le poète. Cette perte primordiale et définitive est au coeur de sa célébration du vivant. Elle a comme arrêté le temps pour lui. D'où l'importance de la mémoire, qui recrée les paradis perdus du passé, tout autant qu'elle creuse le présent pour y sentir la densité de « l'immémorial ». On peut ainsi lire son chant solaire, son art de connaître tous les êtres vivants par leur nom, comme une perpétuelle re-création du monde.

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Loxias | 79. | I.

« Une princesse entre deux mondes » : portrait de la princesse de Nassau

Dans ce commentaire stylistique du portrait de la Princesse de Nassau, nous nous sommes penchés sur la composition du portrait, qui sert d’exemplification à la théorie du narrateur sur le temps qui passe et qui modifie les êtres que nous sommes, êtres dont il cherche à percevoir, comme dans un palimpseste, l’identité et la rémanence sous la patine du temps : « Et combien de fois ces personnes étaient revenues devant moi au cours de leur vie, dont les diverses circonstances semblaient présenter les mêmes êtres, mais sous des formes et pour des fins variées », dit le narrateur quelques pages avant notre extrait (p. 278). Le portrait de la Princesse de Nassau, qui forme une unité compositionnelle, thématique et typographique, illustre parfaitement cette analyse, que la narration expérimente et exemplifie, cherchant la paradoxale permanence de l’être sous les changements physiques dus aux effets du temps. La Princesse de Nassau entre dans la catégorie des « simple[s] relation[s] mondaine[s] » (p. 279), à la différence des grandes figures qui accompagnent fidèlement la mémoire du narrateur comme le Baron de Charlus, les Verdurin, Odette, les Guermantes. Comme la quasi-totalité des portraits de La Recherche du temps perdu, celui de la Princesse de Nassau se fait par le biais de la focalisation et du point de vue du narrateur, seul ici sur le seuil de la salle avec le personnage qu’il rencontre et observe, au cours de la matinée à laquelle il participe. L’essentiel du portrait relève de la prosopographie : en effet c’est le corps et l’apparence qui sont soumis à l’examen « archéologique » auquel se livre le narrateur pour « retrouver » sous le fard et les rides l’être connu naguère. Quelques éléments constitutifs de l’éthopée du personnage se dégagent de son comportement dans le but de créer, non sans quelques traits d’humour, un effet de contraste entre la futilité des (pré)occupations de la Princesse et la fragilité de la vie humaine soumise au temps et à la mort. Grand maître dans l’art du portrait, Proust dresse ici une peinture où visée esthétique et visée morale apparaissent indissociables, où l’extrême particularisation sert l’universalité du propos. In this stylistic analysis of the portrait of the Princess of Nassau, we have looked at the composition of the portrait, which serves as an exemplification of the narrator’s theory of the passage of time and which modifies the beings that we are, beings of which he seeks to perceive, as in a palimpsest, the identity and the remanence under the patina of time: “And how many times these people had come back to me during their lives, whose various circumstances seemed to present the same beings, but in different forms and for various purposes”, says the narrator a few pages before our excerpt (p. 350). The portrait of the Princess of Nassau, which forms a compositional, thematic, and typographical unity, perfectly illustrates this analysis, which the narration experiences and exemplifies, seeking the permanence of being, like a palimpsest, under the physical changes due to the effects of time. The Princess of Nassau falls into the category of “simple worldly relationship[s]” (p. 351), unlike the great figures who faithfully accompany the narrator’s memory such as the Baron de Charlus, the Verdurins, Odette, and the Guermantes. Like almost all the portraits in La Recherche du temps perdu, that of the Princess of Nassau is done through the focus and point of view of the narrator, alone here on the threshold of the room with the character he meets and observes, during the morning in which he participates. The essence of the portrait comes from prosopography: indeed, it is the body and the appearance which are subjected to the “archaeological” examination, to which the narrator devotes himself to “find” under the make-up and the wrinkles the being previously known. Some constituent elements of the character’s ethos emerge from her behavior to create, not without a few strokes of humor, an effect of contrast between the futility of the Princess’ (pre)occupations and the fragility of human life, subject to time and death. A great master in the art of portraiture, Proust paints here a painting where aesthetic and moral aims appear inseparable, where extreme particularization serves the universality of the subject.

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