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Frédéric Calas et Anne-Marie Garagnon  : 

« Une princesse entre deux mondes » : portrait de la princesse de Nassau

Résumé

Dans ce commentaire stylistique du portrait de la Princesse de Nassau, nous nous sommes penchés sur la composition du portrait, qui sert d’exemplification à la théorie du narrateur sur le temps qui passe et qui modifie les êtres que nous sommes, êtres dont il cherche à percevoir, comme dans un palimpseste, l’identité et la rémanence sous la patine du temps : « Et combien de fois ces personnes étaient revenues devant moi au cours de leur vie, dont les diverses circonstances semblaient présenter les mêmes êtres, mais sous des formes et pour des fins variées », dit le narrateur quelques pages avant notre extrait (p. 278). Le portrait de la Princesse de Nassau, qui forme une unité compositionnelle, thématique et typographique, illustre parfaitement cette analyse, que la narration expérimente et exemplifie, cherchant la paradoxale permanence de l’être sous les changements physiques dus aux effets du temps. La Princesse de Nassau entre dans la catégorie des « simple[s] relation[s] mondaine[s] » (p. 279), à la différence des grandes figures qui accompagnent fidèlement la mémoire du narrateur comme le Baron de Charlus, les Verdurin, Odette, les Guermantes. Comme la quasi-totalité des portraits de La Recherche du temps perdu, celui de la Princesse de Nassau se fait par le biais de la focalisation et du point de vue du narrateur, seul ici sur le seuil de la salle avec le personnage qu’il rencontre et observe, au cours de la matinée à laquelle il participe. L’essentiel du portrait relève de la prosopographie : en effet c’est le corps et l’apparence qui sont soumis à l’examen « archéologique » auquel se livre le narrateur pour « retrouver » sous le fard et les rides l’être connu naguère. Quelques éléments constitutifs de l’éthopée du personnage se dégagent de son comportement dans le but de créer, non sans quelques traits d’humour, un effet de contraste entre la futilité des (pré)occupations de la Princesse et la fragilité de la vie humaine soumise au temps et à la mort. Grand maître dans l’art du portrait, Proust dresse ici une peinture où visée esthétique et visée morale apparaissent indissociables, où l’extrême particularisation sert l’universalité du propos.

Abstract

In this stylistic analysis of the portrait of the Princess of Nassau, we have looked at the composition of the portrait, which serves as an exemplification of the narrator’s theory of the passage of time and which modifies the beings that we are, beings of which he seeks to perceive, as in a palimpsest, the identity and the remanence under the patina of time: “And how many times these people had come back to me during their lives, whose various circumstances seemed to present the same beings, but in different forms and for various purposes”, says the narrator a few pages before our excerpt (p. 350). The portrait of the Princess of Nassau, which forms a compositional, thematic, and typographical unity, perfectly illustrates this analysis, which the narration experiences and exemplifies, seeking the permanence of being, like a palimpsest, under the physical changes due to the effects of time. The Princess of Nassau falls into the category of “simple worldly relationship[s]” (p. 351), unlike the great figures who faithfully accompany the narrator’s memory such as the Baron de Charlus, the Verdurins, Odette, and the Guermantes. Like almost all the portraits in La Recherche du temps perdu, that of the Princess of Nassau is done through the focus and point of view of the narrator, alone here on the threshold of the room with the character he meets and observes, during the morning in which he participates. The essence of the portrait comes from prosopography: indeed, it is the body and the appearance which are subjected to the “archaeological” examination, to which the narrator devotes himself to “find” under the make-up and the wrinkles the being previously known. Some constituent elements of the character’s ethos emerge from her behavior to create, not without a few strokes of humor, an effect of contrast between the futility of the Princess’ (pre)occupations and the fragility of human life, subject to time and death. A great master in the art of portraiture, Proust paints here a painting where aesthetic and moral aims appear inseparable, where extreme particularization serves the universality of the subject.

Index

Mots-clés : personnage , Proust (Marcel), temps, Temps retrouvé

Géographique : France

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

Une dame sortit, car elle avait d’autres matinées et devait aller goûter avec deux reines. C’était cette grande cocotte du monde que j’avais connue autrefois, la princesse de Nassau. Si sa taille n’avait pas diminué, ce qui lui donnait l’air, par sa tête située à une bien moindre hauteur qu’elle n’était autrefois, d’avoir ce qu’on appelle un pied dans la tombe, on aurait à peine pu dire qu’elle avait vieilli. Elle restait une Marie-Antoinette au nez autrichien, au regard délicieux, conservée, embaumée grâce à mille fards adorablement unis qui lui faisaient une figure lilas. Il flottait sur elle cette expression confuse et tendre d’être obligée de partir, de promettre tendrement de revenir, de s’esquiver discrètement, qui tenait à la foule des réunions d’élite où on l’attendait. Née presque sur les marches d’un trône, mariée trois fois, entretenue longtemps et richement, par de grands banquiers, sans compter les mille fantaisies qu’elle s’était offertes, elle portait légèrement sous sa robe, mauve comme ses yeux admirables et ronds et comme sa figure fardée, les souvenirs un peu embrouillés de ce passé innombrable. Comme elle passait devant moi en se sauvant à l’anglaise, je la saluai. Elle me reconnut, elle me serra la main et fixa sur moi les rondes prunelles mauves de l’air qui voulait dire : « Comme il y a longtemps que nous ne nous sommes vus ! Nous parlerons de cela une autre fois. » Elle me serrait la main avec force, ne se rappelant pas au juste si en voiture, un soir qu’elle me ramenait de chez la duchesse de Guermantes, il y avait eu ou non une passade entre nous. À tout hasard elle sembla faire allusion à ce qui n’avait pas été, chose qui ne lui était pas difficile puisqu’elle prenait un air de tendresse pour une tarte aux fraises, et mettait si elle était obligée de partir avant la fin de la musique l’air désespéré d’un abandon qui ne serait pas définitif. Incertaine d’ailleurs sur la passade avec moi, son serrement de main furtif ne s’attarda pas et elle ne me dit pas un mot. Elle me regarda seulement comme j’ai dit, d’une façon qui signifiait « Qu’il y a longtemps ! » et où repassaient ses maris, les hommes qui l’avaient entretenue, deux guerres, et ses yeux stellaires, semblables à une horloge astronomique taillée dans une opale, marquèrent successivement toutes ces heures solennelles du passé si lointain qu’elle retrouvait à tout moment quand elle voulait vous dire un bonjour qui était toujours une excuse. Puis, m’ayant quitté, elle se mit à trotter vers la porte, pour qu’on ne se dérangeât pas pour elle, pour me montrer que si elle n’avait pas causé avec moi c’est qu’elle était pressée, pour rattraper la minute perdue à me serrer la main afin d’être exacte chez la reine d’Espagne qui devait goûter seule avec elle. Même, près de la porte, je crus qu’elle allait prendre le pas de course. Et elle courait en effet à son tombeau.

Marcel Proust, Le Temps retrouvé, À la recherche du temps perdu,
préface de Pierre-Louis Rey et Brian G. Rogers,
Paris, Gallimard, « Folio », 1989, p. 285-286.

Introduction

1Ce passage à la dominante descriptive et réflexive prend place dans le dernier quart du Temps retrouvé. Il entre dans la succession des figures qui jalonnent le long voyage que constitue La Recherche, depuis les premières pages de Du Côté de chez Swann jusqu’aux derniers portraits du Temps retrouvé. Ces figures et le portrait qui est fait d’elles participent à la réflexion du narrateur sur la question de l’identité, d’une paradoxale permanence de l’être en dépit des effets du temps : « Et combien de fois ces personnes étaient revenues devant moi au cours de leur vie, dont les diverses circonstances semblaient présenter les mêmes êtres, mais sous des formes et pour des fins variées », dit le narrateur quelques pages avant notre extrait (p. 278).

2Tel un palimpseste, l’un de ces anciens parchemins dont on a fait disparaître l’écriture pour y surimposer un autre texte, le portrait de la Princesse de Nassau, « une princesse entre deux mondes1 », qui forme une unité compositionnelle, thématique et typographique, illustre parfaitement le questionnement proustien, que la narration expérimente et exemplifie, cherchant à saisir la persistance de l’être sous les changements physiques dus au passage du temps. C’est le problème posé par les grandes figures qui accompagnent fidèlement la mémoire du narrateur comme le Baron de Charlus, les Verdurin, Odette, les Guermantes ou Swann2. C’est aussi le problème que pose ici la princesse de Nassau, qui, à la différence des personnages précédents, entre dans la catégorie des « simple[s] relation[s] mondaine[s] » (p. 279). Comme la quasi-totalité des portraits de La Recherche du temps perdu, celui de la princesse de Nassau se fait par le biais de la focalisation et du point de vue du narrateur, seul ici sur le seuil de la salle de réception avec le personnage qu’il rencontre et observe.

3Dans une première partie, nous étudierons la technique du portrait, forme estampillée de la rhétorique traditionnelle progressivement devenue élément organique et ressort dynamique du roman. Ce sera pour nous l’occasion de revenir d’abord sur des notions essentielles de la forme ou du sous-genre. L’analyse des composantes du portrait permettra de dégager la façon dont l’œil extrêmement attentif du narrateur passe le modèle aux rayons X pour retrouver la figure initiale sous l’apparence actuelle, et s’ingénie à démêler les « fils3 » ou les traits que le temps a accumulés, pour dire une vérité plus générale sur le caractère inéluctable de la mort : un basculement de la description à la réflexion, qui s’accompagne d’une délicieuse ironie, cette forme élégante de distanciation et de « plaisir dans la tristesse », double ici puisqu’elle est à la fois ironie de l’esprit et ironie du sort, face à un personnage totalement ignorant du tragique de sa situation.

4Dans une seconde partie, nous essaierons d’interroger les zones de fracture et le symbolisme propre de cette peinture. La notion de « portrait palimpseste » nous permettra d’examiner le vacillement identitaire qui affecte le personnage, fait de multiples reconfigurations, de saisir les procédés de la révélation du temps, d’appréhender enfin un monde qui se défait.

I. La technique du portrait proustien : de la scène au tableau

5Le portrait est une description de personne réelle ou fictive, devenue incontournable dans les attentes du roman, mais antérieurement définie comme réponse à une série de sept questions : Quis (persona), Quid (factum), Cur (causa), Ubi (locus), Quando (tempus), Quemadmodum (modus), Quibus adminiculis (facultas). La réponse aux cinq premières s’appelle une description.

6- Quis ? : la princesse de Nassau ;

7- Quid ? : une rencontre furtive dans un salon parisien ;

8- Cur ? : une réflexion sur le passage du temps (topique littéraire) ;

9- Ubi ? : lors d’une matinée, où le narrateur retrouve beaucoup de personnes antérieurement connues ;

10- Quando ? : dans une époque avancée de la vie du narrateur, où un nombre suffisant d’années se sont écoulées pour que les personnages apparaissent vieillis.

11Sans s’éloigner de ce canevas, Proust renouvelle complètement la perspective, en jouant sur plusieurs plans. En effet, ce portrait tardif dans La Recherche n’est destiné ni à présenter un énième personnage (rappelons que l’œuvre en compte cinq cents, sans compter ceux qui sont nommés sans apparaître), ni à fixer l’horizon d’une rencontre, encore moins d’une péripétie, mais joue un rôle épistémique de vérification d’une loi mondaine et philosophique : la fragilité de l’être et de ce qui le définit.

I.1. Les opérations de présentation du personnage portraitisé

I.1.a. Opération d’ancrage référentiel

12Une première opération isole le personnage sur lequel l’attention va se focaliser et auquel le portrait sera consacré : c’est l’opération d’ancrage référentiel. La séquence descriptive s’ouvre au moyen d’un thème-titre (cette grande cocotte du monde) et constitue à l’initiale du paragraphe une périphrase désignative du personnage saisi d’abord par sa caractéristique sociale et comportementale4, avant même que son nom et son titre (la princesse de Nassau) ne soient donnés, en apposition au syntagme désignationnel. Le traitement choisi par Proust met en tension un verbe d’action (sortit), qui laisse croire, grâce au passé simple, à une action de premier plan, coupée d’une pause descriptive : or, l’ensemble du paragraphe n’est occupé que par le portrait, statique du point de vue narratif, de la princesse. Cette tension s’ouvre par le passage de l’indéfini au défini, mimant le temps nécessaire au narrateur pour reconnaître et identifier le personnage : une dame sortit… cette grande cocotte du monde… la princesse de Nassau. Entre l’indéfini une et le défini la s’intercale, grâce au démonstratif simple cette, l’idée que narrateur et lecteur partagent un univers commun de valeurs et de connaissances, que la notoriété du personnage est identique pour l’un comme pour l’autre.

13- L’exorde ou ouverture du portrait occupe deux phrases complexes, la première par coordination, la seconde par subordination pour présenter les circonstances de la « rencontre ». On notera la jolie anticipation qui montre à quel point le narrateur de La Recherche est un narrateur omniscient et démiurgique, créant le personnage avec ses mots comme un peintre son tableau. En effet, lui seul peut savoir les raisons du départ de la princesse (car elle avait d’autres matinées et devait aller goûter avec deux reines), ce qui forme une métalepse au sens rhétorique (Fontanier) comme au sens narratologique (Genette). Les causes de son départ anticipent sur la pure et simple nomination pourtant plus attendue : c’est un indice métonymique qui aurait toute sa place dans les Caractères de La Bruyère : anticipation, fuite, bousculement de l’ordre du temps. On notera aussi la discrète hyperbole deux reines, dont la mention fonctionne autant comme signe social que comme dénonciation de la boulimie existentielle de la princesse, qui cherche à « caser » plusieurs journées en une, ce que montre le pluriel quelque peu évasif d’autres matinées5. C’est alors moins le nom du personnage qui importe, car c’est une « utilité » ou un hapax, que son comportement, qui va attirer l’attention du narrateur : un narrateur réaffirmant sa présence épistémique (que j’avais connue autrefois), ce qui relie le portrait d’une part à la continuité temporelle et existentielle de celui qui dit je, d’autre part à la durée interne de la fiction, que creuse et approfondit l’adverbe de temps.

14- À partir de cette opération d’isolement, le texte avance sur le mode de la progression à thème constant. Le même thème (la princesse de Nassau) apparaît dans des phrases successives pourvues de rhèmes différents. Le SN générique d’ouverture (cette grande cocotte) est repris par des liaisons référentielles systématiques et dépourvues d’ambiguïté. Le pronom personnel féminin de troisième personne se trouve quasi-systématiquement à l’ouverture des phrases ou des propositions pour désigner l’une des qualités ou des actions de la Princesse : Elle restait une Marie-Antoinette, sur elle, elle portait les souvenirs. Ce paragraphe central renferme une forte concaténation, qui tient, en grande partie, au rôle des anaphoriques. Cette opération première d’isolement déclenche un effet d’attente chez le lecteur, et vient remplir l’une des fonctions du portrait : isoler d’abord, puis identifier, le personnage soumis à l’examen, faire de lui le centre d’une unité thématique et compositionnelle.

I.1.b. Opération d’aspectualisation

15Il s’agit cette fois de donner les divers aspects constitutifs d’une personne. C’est la base même de la description. L’opération d’ancrage a mis en évidence la globalité de la personne ; cette grande cocotte, la princesse de Nassau peuvent se concevoir comme des termes généraux, des catégories, très fréquentes dans La Recherche, des sortes d’hypéronymes, alors que l’opération d’aspectualisation tend à opérer une fragmentation.

16Cette fonction incombe largement aux adjectifs qualificatifs, dont trois traits se dégagent :

17- d’une part, les qualificatifs qui dénotent les caractéristiques physiques, très importantes, et qui sont des adjectifs classifiants, notamment de forme et de couleur : lilas6, mauve, ronds, fardée, prunelles mauves, yeux stellaires7, qui frappent par l’omniprésence d’une seule couleur (le mauve) et par la mention répétée du regard ;

18- d’autre part ceux qui connotent, positivement ou négativement, son rang et son passé prestigieux, quoiqu’entaché de quelques infractions ou fautes : nez autrichien, regard délicieux, expression confuse et tendre, passé innombrable, heures solennelles, grande cocotte ;

19- enfin ceux qui connotent négativement son caractère, car le portrait se rapproche des portraits-charges, eux aussi particulièrement fréquents dans La Recherche : embaumée, mille fards, embrouillés, désespéré, définitif, incertaine, furtif, si lointain. On note dans cette troisième catégorie davantage de participes passés en emploi adjectival, qui conservent la capacité aspectuelle d’évoquer le temps et ses changements et qui relèvent plus de l’éthopée que de la prosopographie.

20L’union de ces caractéristiques élabore la « mythologie de la cocotte », grande dame du demi-monde plus encore que du monde : belle, figée, superficielle. L’éthopée du personnage est en harmonie avec sa physionomie. À la dichotomie traditionnelle (prosopographie et éthopée) Proust ajoute comme une diagonale qui traverserait tous les termes, le sème /temps qui passe/ qui réunit alors le portrait physique et le portrait moral en une allégorie de la mort.

21On relève les jeux en sourdine sur les mentions aspectuelles antithétiques, celles du temps passé, portées par les temps composés du passé (elle avait diminué, elle avait vieilli) en tension avec les mentions aspectuelles duratives (elle restait, conservée, embaumée) faisant de la princesse une sorte d’être irréel (le narrateur est fasciné par les êtres magiques, le surnaturel, le « songe ») : lors de son apparition, la princesse a quelque chose de spectral, de carnavalesque, d’indécis entre vie et mort.

I.1.c. Opération de mise en relation

22Le personnage est situé dans l’espace, dans le temps et, sociologiquement, par rapport aux autres actants (car il est difficile de parler de « personnages » pour ceux qui ne sont que des silhouettes, les maris et amants de la princesse de Nassau, dont, tout au plus, le narrateur peut avoir entendu parler).

23- Par rapport aux participants de la matinée : la princesse est isolée et mise en valeur par sa « sortie » de scène, théâtrale et fortement théâtralisée, alors qu’elle se veut, ou du moins se prétend, discrète : une dame sortit, elle passait devant moi en se sauvant à l’anglaise, elle se mit à trotter vers la porte pour qu’on ne se dérangeât pas pour elle, près de la porte, elle courait à son tombeau. On notera la présence des verbes d’action et de mouvement, dont les sémantismes perfectifs contrastent fortement avec ceux, imperfectifs ou accomplis, des participes (embaumée, conservée, vieilli). Qui plus est, le mouvement est ici saisi selon un principe d’accélération en auxèse, qui le discrédite en le rendant comique : sortir > passer > trotter > courir. On dirait la lanterne magique où la princesse de Nassau rejoindrait Golo, pour des actions moins héroïques. Avec un effet de couperet, en cadence mineure, en fin de portrait et de paragraphe, le complément circonstanciel à son tombeau sonne le glas du terrible baisser de rideau de ce théâtre, devenu un théâtre d’ombres.

24- Par rapport au narrateur surtout, qui reste le centre de la focalisation et de la perception, comme en témoigne le pronom personnel de première personne (j’avais connue, devant moi, je la saluai, elle me reconnut, comme j’ai dit, je crus). La plupart des verbes dont le narrateur est le sujet sont des épistémiques attestant d’une compréhension, sinon d’une connaissance et d’une intimité, avec ces habitués, très romanesques, des salons mondains de la capitale. Le portrait présente une forme d’approfondissement temporel et événementiel par l’évocation, diluée, de la « passade », dont seul le point de vue de la princesse est donné sur cet événement, pour la rendre et ridicule de s’être offerte, et coupable de ne pas s’en souvenir. C’est le seul moment du texte, placé cependant sous saisie négative, où le pronom nous semble réunir les deux personnages (ne se rappelant plus au juste si… il y avait eu ou non une passade8 entre nous).

I.2. La composition proprement dite du passage

25Après un bref exorde de deux phrases, le portrait commence par la prosopographie qui va de « Si sa taille n’avait pas diminué » à « ce passé innombrable », où l’on distingue deux sous-mouvements : l’évocation physique, taille, tête, pied (Proust joue avec les règles compositionnelles héritées de l’Antiquité, voulant que le portrait soit orienté de haut en bas, mais ici le pied est dans la tombe9, superbe image revitalisée, et soulignée par l’italique polyphonique et dialogique), puis l’évocation biographique de sa naissance, insistant sur les tensions entre aristocratie et arrivisme.

26Ensuite, le temps se resserre sur l’épisode de la rencontre au sortir de la matinée, par une subordonnée temporelle de concomitance, technique déjà éprouvée par Flaubert dans L’Éducation sentimentale, au moment de la rencontre de Frédéric et de Mme Arnoux : « comme elle passait devant moi en se sauvant à l’anglaise10, je la saluai », mais qui va faire de cette scène une pseudo-scène de rencontre amoureuse, un faux souvenir, bref, un épisode bien superficiel à l’image de la princesse, « qui file à l’anglaise » autre qualificatif péjoratif, mis en italique pour souligner le figement proverbial et une certaine familiarité, en décalage avec la noblesse de l’air « royal » de la princesse.

27Mais le principal effet que retient le lecteur, à la première lecture, est celui d’un tourbillon, d’une sortie très rapide de la salle, ce qui est dû au choix du passé simple affectant les principaux verbes de mouvement qui encadrent le portrait. De ce fait, le cœur du texte semble, selon un procédé cinématographique, un ralenti11, au cours duquel l’œil attentif du narrateur scrute chaque détail vestimentaire ou gestuel de la princesse, dans sa tentative de fixer ce qui fuit, les effets du temps, dont la Princesse de Nassau devient presque l’allégorie. De ce tourbillon, on ne semble pouvoir dire, dans un premier temps, qu’une chose, c’est qu’il est mauve, comme si la couleur demeurait le seul élément saisissable dans cet être pressé qu’est la princesse de Nassau.

II. Zones de fracture et symbolisme

II.1. Princesse de Nassau ou Princesse d’Orvillers ? le vacillement identitaire ou les paradoxes de « l’effet-personnage »

28Éminemment reconnaissable, le personnage proustien est pourtant fait de contradictions, selon la thèse bien connue du moi multiple12. Pour la princesse de Nassau, dont c’est ici l’unique apparition, le vacillement identitaire tient à la ressemblance avec la princesse d’Orvillers, rencontrée jadis par le narrateur chez la princesse de Guermantes (Sodome et Gomorrhe, p. 118) et qui peut-être aurait fusionné avec elle, si Proust avait eu le temps de réviser son texte.

Pendant que nous descendions l’escalier, le montait, avec un air de lassitude qui lui seyait, une femme qui paraissait une quarantaine d’années bien qu’elle eût davantage. C’était la princesse d’Orvillers, fille naturelle, disait-on, du duc de Parme, et dont la douce voix se scandait d’un vague accent autrichien. Elle s’avançait, grande, inclinée… elle posait çà et là ses regards doux et charmants, d’un bleu qui, au fur et à mesure qu’il commençait à s’user, devenait plus caressant encore… Elle avait l’air de faire allusion à des complications de vie trop longues à dire, et non vulgairement à des soirées, bien qu’elle revînt en ce moment de plusieurs… Pour moi, j’avais reconnu en Mme d’Orvillers la femme qui, près de l’hôtel Guermantes, me lançait de longs regards langoureux…mais je ne devais plus jamais, quand je la rencontrerais, recevoir d’elle une seule de ces avances où elle avait semblé s’offrir.

29Les analogies13 touchent autant la scénographie (rencontre dans un lieu de passage, porte ou escalier, échange sans paroles14) que la narration (complexité allusive des éléments biographiques, analepse vers une tentative de séduction antérieure), la description (avec reprise du même adjectif autrichien ou grand, ou de qualificatifs équivalents pour le même support nominal regards doux et charmants / regard délicieux) ou encore la dénonciation de la vacuité mondaine grâce à l’exagération (plusieurs soirées pour la princesse d’Orvillers, d’autres matinées… la foule des réunions d’élite pour la princesse de Nassau). Les deux princesses relèvent de cette sous-catégorie de gens qui portent bien leur âge (une femme qui paraissait une quarantaine d’années bien qu’elle eût davantage / on aurait à peine pu dire qu’elle avait vieilli) et partagent les mêmes couleurs (ses regards… d’un bleu qui, au fur et à mesure qu’il commençait à s’user, devenait plus caressant encore / mauve comme ses yeux admirables). Il est possible enfin que le portrait de Mme d’Orvillers serve d’« étymon », à la fois matériel et spirituel, pour celui de Mme de Nassau : ce serait alors, non reprise mais encore présente à la mémoire du lecteur, l’allusion au duc de Parme, qui véhicule, outre sa couleur de violette, une mention de l’occupation du duché italien par la famille des Habsbourg d’Autriche.

II.2. Le vieillissement

II.2.a. La thèse et son expérimentation

30Le Temps retrouvé s’est ouvert sur le portrait fortement narrativisé et dialogisé de Saint-Loup, de jeune blondin devenu discoureur et doctrinaire, soucieux d’offrir le moins de surface possible, comme on monte à l’assaut (p. 4) ou comme on cherche à dissimuler une conduite que réprouverait la bonne société. Le livre s’est poursuivi par le portrait de Charlus, à la fois double et opposé de son neveu Saint-Loup. Les pages qui précèdent la rencontre avec la princesse de Nassau n’ont cessé d’explorer de toutes les manières possibles la thématique prépondérante du « bal de têtes » : « cette action destructrice du temps » (p. 237), que déplore à maintes reprises la Correspondance, une destruction accélérée par la séparation des années de guerre et ressentie plus douloureusement encore « au moment même où, dit le Narrateur, je voulais entreprendre de rendre claires, d’intellectualiser dans une œuvre d’art, des réalités extratemporelles » (p. 237).

31De multiples procédés ont convergé vers la démonstration :

32- une galerie de portraits, dont l’effet de liste est savamment gommé du fait qu’alternent personnages identifiés (le prince de Guermantes, le petit Fézensac, le duc de Chatellerault, M. d’Argencourt…), anonymes (une jeune femme, son frère, un jeune homme, un de mes anciens camarades…) et presque anonymes (Madame X, le jeune comte de ***) ; que le singulier de l’individu glisse parfois vers le collectif du type (certaines figures, des hommes et des femmes jadis insupportables…) ; que se mêlent à plaisir les personnages de premier plan (Bloch, la duchesse de Guermantes, Legrandin…) et les figures plus épisodiques (Monsieur de Cambremer, le prince d’Agrigente, la vicomtesse de Saint-Fiacre…).

33- une évocation des ravages du temps sous trois angles différents : la transformation physique des visages et des silhouettes, dans une sorte de « zoologie » moins sévère à l’égard des modèles que profondément mélancolique ; la modification sociale et morale, souvent conditionnée par des différences « physiognomoniques ou corporelles », l’altération des traits se faisant alors altération du caractère ; la variation du point de vue de l’observateur, ce que Proust appelle « vue optique15 ».

34une forte rhétorisation de la peinture, où se multiplient :

35-- les antithèses entre avant et après (La sèche et maigre jeune fille était devenue une vaste et indulgente douairière, p. 232, ou, plus marqué et grotesque encore, le contraste entre la légère blonde et ce maréchal ventripotent, p. 247), seules capables de dessiner « la perspective déformante du temps » (p. 232), et le paradoxe d’un être « reconnaissable » sans être « ressemblant » pour reprendre les qualificatifs choisis par l’écrivain16. L’antithèse prolifère souvent dans une dynamique accélérée (jeune fille, épaisse matrone, vieille branlante et courbée, p. 243) et se mue parfois en oxymore pour traduire la coexistence des contraires (pas des vieillards, mais des jeunes gens de dix-huit ans, extrêmement fanés, p. 242). Structurée terme à terme (ingénue / douairière de théâtre, p. 247 ; viveur / moine, p. 251), elle traduit avec violence « l’écartement d’un invisible compas » (p. 234).

36-- une métaphorisation de l’humain, qui peut être chosifié (un guignol à la fois scientifique et philosophique, p. 230 ; des fantoches ou des poupées extériorisant le temps, p. 231), animalisé (quelque vieux poisson sacré, p. 233) ou assimilé au végétal (ceux-là en vieillissant semblaient avoir une personnalité différente, comme ces arbres dont l’automne, en variant leurs couleurs, semble changer l’essence, p. 243), le vivant prenant même de temps à autre une sorte de supra-nature qui le déshumanise (un pâle et songeur petit fantôme de Legrandin, p. 242).

37- une théâtralisation au travers de saynètes où les acteurs se perçoivent autres qu’ils ne sont, d’utilisations humoristiques de clichés retournables en leurs contraires ou susceptibles d’interprétations défavorables (vous restez toujours jeune, p. 235, formule apparemment aimable qui accuse l’âge de l’interlocuteur ; vous qui êtes un vieux parisien, p. 234, compliment qui exhibe moins le parisianisme que la lourdeur des années ; votre petit ami, p. 234, où le juvénile correspondant emploie à l’égard du Narrateur l’expression qu’employait autrefois ce dernier pour s’adresser à un personnage de trente ans de plus que lui). Parmi les phénomènes langagiers intervient l’épanorthose (un jeune homme…ou plutôt un vieil homme, p. 237), équivalent rhétorique de l’expérience déstabilisante qu’offre au Narrateur son invitation à la matinée de la princesse de Guermantes.

II.2.b. Le vieillissement dans le portrait de la princesse de Nassau

38Comme les portraits qui l’ont précédé, celui de la princesse de Nassau illustre l’axiome posé au départ (p. 231) : « Le Temps qui d’habitude n’est pas visible, pour le devenir, s’empare des corps et, partout où il les rencontre, s’en empare pour montrer sur eux sa lanterne magique ». Il est une révélation de « la vieillesse qui de toutes les réalités est peut-être celle dont nous gardons le plus longtemps dans la vie une notion purement abstraite » (p. 238). C’est ainsi que le réseau lexical du temps repose ici sur une amorce de datation externe de type événementiel (deux guerres, celle de 1870 et celle de 1914-1918), et sur de vagues étapes de la chronologie objective (un soir qu’elle me ramenait, avant la fin de la musique, à tout moment), d’ailleurs moins temporelles qu’aspectuelles, et capables de donner à l’action des caractéristiques semelfactives (un soir), terminatives (avant la fin), itératives ou répétitives (à tout moment). La biographie demeure aussi accélérée qu’allusive, sous forme d’énumérations ouvertes (Née, mariée…, entretenue d’une part, ses maris, les hommes qui l’avaient entretenue, deux guerres, d’autre part).

39Plus que du temps des horloges, il s’agit du temps vécu de l’intérieur par le personnage et rappelé à un lecteur censé le connaître (ce passé, toutes ces heures solennelles d’un passé si lointain), parfois même simplement supposé ou construit par la seule imagination (ce qui n’avait pas été). Le tout orchestré par deux adverbes qui se répondent en écho : autrefois (que j’avais connue autrefois, à une bien moins grande hauteur qu’elle n’était autrefois) et longtemps, lequel appartient aussi bien à la strate narrative (entretenue longtemps et richement) qu’à la strate dialogique d’un dialogue qui se résume à un échange silencieux de regards (« comme il y a longtemps que nous ne nous sommes vus », d’une façon qui signifiait « qu’il y a longtemps ! »). Que Proust préfère autrefois à ses synonymes (jadis, anciennement, dans le temps), ajoute à la profondeur de champ, à la plongée dans une époque qui n’est plus, la notion primordiale d’altérité et de changement.

40Dans son recensement des figures altérées par le temps, Proust a isolé la sous-catégorie de celles qui semblent au premier abord avoir été épargnées et nécessitent de l’observateur un regard plus affiné : une boiterie révélatrice d’une attaque, des rides ou des taches imperceptibles, une mutation de la voix… C’est à cette sous-catégorie qu’appartient la princesse (on aurait à peine pu dire qu’elle avait vieilli, elle restait…), d’où le caractère progressif de la révélation, au long d’une sorte de consultation de médecine gériatrique, où le regard du praticien isolerait un à un les symptômes de sa patiente :

41- d’abord une sorte de déséquilibre entre la tête et le corps (par sa tête située à une bien moindre hauteur qu’elle n’était autrefois) : notation en apparence banale pour l’inévitable tassement de l’âge, que l’étrangeté de sa formulation rend originale, et qui fait d’ailleurs écho à un commentaire antérieur17. L’anticipation de la subordonnée hypothético-concessive sur la principale (Si sa taille n’avait pas diminué), prolongée par une relative périphrastique (ce qui lui donnait l’air … d’avoir …), avec deux groupes expansés antéposés (par sa tête située… ce qu’on appelle…), propose d’intéressants jeux mélodiques contrastés pour attirer l’attention sur un phénomène anodin en apparence. L’acmé affectant le mot-clé tombe, souligne l’indice de ce vieillissement indéniable, et la cadence mineure vient le dramatiser « en sourdine ».

42- ensuite une préservation, qui tient soit de l’artifice et du travestissement, soit d’une pratique magique, thanatopraxie ou momification, destinée à enrayer la décomposition naturelle (conservée, embaumée), mais dont l’hyperbole mille fards souligne l’importance du camouflage et le prix à payer pour garder un air de jeunesse ;

43- puis une « couleur » de la mort à venir : tandis que dans presque tous les cas, le blanc de la pilosité remplace le noir18, que le rose de la carnation se fait rouge, rougeâtre ou très pâle, c’est le mauve qui définit la princesse (une figure lilas19, en accord avec ses yeux et sa robe). C’était déjà la couleur mortuaire qui avait empêché le Narrateur de reconnaître Charlus20, rencontré dans le Paris en guerre.

44- enfin des intermittences de la mémoire (les souvenirs un peu embrouillés, ne se rappelant pas au juste si…, incertaine d’ailleurs sur la passade avec moi).

45Restent deux temps forts du portrait, l’un qui frappe par un décrochage énonciatif du côté d’une familiarité assumée (avoir un pied dans la tombe), l’autre par le décrochage inverse vers une poésie soucieuse d’hermétisme ou de préciosité (ses yeux stellaires, semblables à une horloge astronomique taillée dans une opale).

46L’histoire de la locution a fait l’objet d’un bref rappel dans la note 8. À noter que Proust l’avait déjà utilisée, non sans précaution, p. 244 : « Certains hommes boitaient dont on sentait bien que ce n’était pas par suite d’un accident de voiture, mais à cause d’une première attaque et parce qu’ils avaient déjà, comme on dit, un pied dans la tombe ». Dans cette occurrence, il avait d’ailleurs revivifié l’image en la paraphrasant : « certaines femmes semblaient ne pas pouvoir retirer complètement leur robe restée accrochée à la pierre du caveau, et elles ne pouvaient se redresser, infléchies qu’elles étaient, la tête basse, en une courbe qui était comme celle qu’elles occupaient actuellement entre la vie et la mort, avant la chute dernière ». L’usage courant comme la réminiscence d’un contexte antérieur préparent la chute finale.

47Quant à la comparaison, elle évoque une fluorescence ou une phosphorescence du regard de la princesse par un double détour de forme et de matière : d’une part, l’horloge astronomique qui, ancienne ou moderne, géocentrique ou héliocentrique, à Prague ou à Padoue, rappelle la forme sphérique du globe oculaire, le renflement de la cornée, la rondeur et les variations chromatiques de l’iris percé de sa pupille ; d’autre part, l’opale21, pierre des jeux de lumière.

II.3. Un monde qui se défait

II.3.a. Le déclassement

48Loin de viser la perfection fermée du morceau de bravoure ou de l’exercice d’école, le portrait de la princesse de Nassau fait signe vers l’amont comme vers l’aval du Temps retrouvé. Vers l’amont, il s’agit de la thématique du bouleversement social, d’autant plus perceptible que pareil changement semblait exclu22. Faisant alterner réflexion générale et exemplification (Mme Verdurin devenue princesse de Guermantes, Bloch désormais connu sous le nom de Jacques du Rozier, un président du conseil réélu alors qu’il était autrefois l’objet de poursuites judiciaires, Mme de Forcheville, tardivement retournée à son statut de « cocotte tellement Second Empire », p. 321…), les pages précédentes conduisent naturellement à ce personnage hybride, saisi dans l’opposition princesse / cocotte , plutôt oxymore de coexistence des contraires qu’antithèse ouverte : un personnage dont la « pureté » aristocratique est doublement entachée par une naissance illégitime, peut-être suivie d’une légitimation, ce qui reste discrètement allusif (Née presque sur les marches d’un trône) et par un mode de vie galant a priori incompatible avec son ascendance royale (entretenue longtemps et richement, par de grands banquiers).

49Caractéristique de « cet univers mouvant, entraîné par le temps23 », la princesse de Nassau tend à rejoindre la duchesse de Guermantes, elle aussi « créature mal définie » (p. 266), mais pour d’autres raisons qu’une vie dissolue. Pour cette « Guermantes-Guermantes », « la seule d’un sang sans alliage » (p. 310), le métissage tient au point de vue : « personnage extraordinaire » pour les anciens, connaisseurs des arcanes du milieu ; mais pour les nouvelles générations, ne jugeant que sur certaines fréquentations des milieux politiques ou artistiques, « une sorte de défroquée du faubourg Saint-Germain » (p. 266), un « demi-castor24 qui n’avait jamais été tout à fait du gratin » (p. 299), « une Guermantes d’une moins bonne cuvée, d’une moins bonne année, une Guermantes déclassée » (p. 310).

50Qu’ils viennent de certains épisodes de la biographie fictive ou du regard différencié d’autrui, ces disparates, ces hétérogénéités, ces mélanges sont autant de manifestations concrètes du « temps incolore et insaisissable » (p. 336), seul apte à rebattre les cartes, à remanier ce qui semblait définitif.

II.3.b. L’approche de la mort

51L’imminence de la mort a hanté la « Matinée chez la princesse de Guermantes », et métamorphosé son salon « illuminé, oublieux et fleuri, comme un paisible cimetière » (p. 255). La mort traverse, en diagonale, ce grand portrait en pied, qui pourrait presque constituer une ekphrasis, reliant l’expression lexicalisée et revivifiée ici elle avait un pied dans la tombe … elle courait en effet à son tombeau, avec la grâce inattendue que l’isolexisme et le cinétisme des constructions verbales confèrent à cette brutale entrée dans la mort. Ce motif sert de clausule au portrait (Et elle courait en effet à son tombeau), l’insistance tenant à une conjonction de procédés : l’effet de cadence mineure en couperet, le et flaubertien à l’initiale de phrase, un emploi particulier de en effet, moins simplement explicatif que synonyme de « en réalité, effectivement ». Cet en effet cautionne et renforce l’assertion du narrateur, qui dévoile alors le tragique sous les apparences futiles et légères de la mondanité. Cette dernière phrase, phrase sans subordination, est la plus courte du portrait et contraste ainsi davantage avec les volumes plus longs, consacrés à la peinture physique et morale, qui l’ont précédée. Sa cadence mineure renforce, par le rythme et la prosodie, l’effet de chute recherché.

52Un détail toutefois prépare l’épisode suivant : la mention du goûter, puisqu’à la même heure que la réception courue du tout Paris, la Berma voit son invitation négligée, la mort se profiler pour Phèdre autant que pour la comédienne qui l’incarne, et les petits fours se muer en « gâteaux funéraires », ces offrandes comestibles que les Grecs de l’Antiquité offraient rituellement aux Dieux.

Pour conclure

53« En effet, “reconnaître” quelqu’un, et plus encore, après n’avoir pas pu le reconnaître, l’identifier, c’est penser sous une seule dénomination deux choses contradictoires, c’est admettre que ce qui était ici, l’être qu’on se rappelle n’est plus, et que ce qui y est, c’est un être qu’on ne connaissait pas ; c’est avoir à penser un mystère presque aussi troublant que celui de la mort dont il est, du reste, comme la préface et l’annonciateur » (p. 246). À quarante pages environ du portrait de la princesse de Nassau, cette réflexion de Proust donne la clé philosophique et stylistique du passage : une scène de rencontre furtive, symboliquement située sur le seuil d’une porte et toute en mouvance. Une scène où, demeurant dans l’imposture de la mondanité, dans la déploration de la « minute perdue » par rapport à d’autres minutes tout aussi dénuées d’importance, le personnage tente de lutter contre l’oubli par le regard, le silence, le demi-aveu d’un bref « serrement de main », tandis qu’habité par le caractère inéluctable de la mort, l’omniscient narrateur décide de ne livrer que certaines bribes de son savoir pour privilégier l’impression, la sensation et leur plus exacte retranscription par la métaphore : « ses yeux stellaires, semblables à une horloge astronomique taillée dans une opale », une phosphorescence, une lueur céleste et infiniment précieuse, qui permettent de ressaisir « les heures du passé » (p. 352), d’atteindre le « temps incorporé » (p. 351), de comprendre le mystère du temps « si distant et pourtant intérieur » qui conclut le dernier volume de La Recherche.

Notes de bas de page numériques

1 Pour pasticher le titre du célèbre ouvrage d’Antoine Compagnon, Proust entre deux siècles, Paris, Le Seuil, 1989.

2 Un questionnement qui permet à l’œuvre de Proust de survivre au Nouveau roman et à l’ère du soupçon, et que l’écrivain formule dès les premières pages : « Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n’a qu’à aller prendre connaissance comme d’un cahier des charges ou d’un testament ; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres » (Du côté de chez Swann, p. 28). Perceptible dans la simultanéité temporelle et le miroitement des regards, la variation de l’être s’accuse encore sous les effets du temps : c’est ce second aspect de la métamorphose que privilégie le passage.

3 Cette image artisanale du tissage se retrouve par exemple page 279 : « Une simple relation mondaine, même un objet matériel, si je le retrouvais au bout de quelques années dans mon souvenir, je voyais que la vie n’avait pas cessé de tisser autour de lui des fils différents qui finissaient par le feutrer de ce beau velours inimitable des années… ». Elle réintervient page 335 : « Mais il est encore plus vrai qu’elle [la vie] entrecroise ces fils, qu’elle les redouble pour épaissir la trame, si bien qu’entre le moindre point de notre passé et tous les autres un riche réseau de souvenirs ne laisse que le choix des communications ».

4 Cocotte est un mot expressif, formé sur l’onomatopée du cri de la poule. Son premier sens « fille ou femme de mœurs légères, entretenue, galante », « prostituée de luxe », synonyme de « courtisane » ou « demi-mondaine » se greffe sur la valeur hypocoristique du terme comme nom enfantin de la poule. Très usuel au XIXe siècle et en concurrence avec poule (de niveau de langue populaire), il tend à vieillir à partir des années trente, tandis que tend à disparaître en parallèle le système qui consiste à entretenir à grands frais une maîtresse, et cela de manière notoire. Cocotte traîne donc dans son sillage l’allusion à certaines célébrités plus ou moins contemporaines (La Belle Otero, Liane de Pougy, Cléo de Mérode, Émilienne d’Alençon) et des réminiscences littéraires balzaciennes (l’Esther de Splendeurs et misères des courtisanes) ou zoliennes (la Nana du roman éponyme).

5 Alors qu’en doublant matin au sens de « partie de la journée qui se situe entre le lever du jour et midi », matinée insiste expressément sur la durée (dans la matinée, une matinée de travail) et entre surtout dans la locution faire la grasse matinée, le terme prend curieusement le sens second d’« après-midi » par opposition à soirée, donc de moment qui sépare le déjeuner du dîner. Il correspond à un usage de la vie mondaine au XIXe siècle et ne tarde pas à décliner sauf dans le contexte du spectacle, où il désigne une représentation ayant lieu avant le dîner (« J’allai enfin entendre la Berma en matinée dans Phèdre »). C’est donc un terme spécifique de la vie mondaine de l’époque renvoyant à une réunion qui a lieu dans l’après-midi (matinée musicale, littéraire, dansante). À mettre en regard des « jours » qu’avaient les mondaines de l’époque, des « cartes » ou bristols qu’on corne ou qu’on dépose, des coteries et des clans de la société parisienne… Le terme est important chez Proust, en tant que désignation d’un épisode fondamental dans Le Temps retrouvé, « la matinée chez la princesse de Guermantes », initialement intitulé « Le bal de têtes ».

6 Lilas est emprunté à l’arabe lilak venu lui-même du persan lilak / nilak « bleuté », lequel dérive de nil « bleu indigo » : c’est une lointaine racine arabo-persane, qu’on retrouve dans anil et aniline, initialement un produit chimique de décoction de l’indigo. Comme substantif, lilas désigne un arbrisseau ornemental à fleurs en grappes ou bouquets, au fort parfum, dont une variété est bleutée ou violacée. Comme adjectif de couleur invariable (1757), parfois substantivé (1867) comme dans l’opposition « le lilas clair / le lilas foncé », il renvoie au violet tirant sur le rose ou au mauve de la plus commune des fleurs de lilas.

7 C’est ici un adjectif qui a repris le sens du bas latin stellaris (« d’étoile, d’astre ») et sert d’adjectif à étoile (du latin classique stella), même si l’évolution phonétique, plus déformante pour le nom commun ordinaire que pour l’adjectif tardif, relationnel et scientifique, tend à masquer la communauté d’origine. Stellaire désigne depuis le début du XIXe siècle (1812), ce qui est en forme d’étoile, disposé en rayons (adjectif qualificatif) et ce qui est relatif aux étoiles (adjectif relationnel ou déterminatif, synonyme d’astral ou sidéral).

8 Dérivé à l’aide du suffixe -ade, passade a d’abord renvoyé à une « partie de jeu » et à un « passage », deux acceptions qui ont disparu du langage courant et ne survivent que dans les vocabulaires spécialisés de l’escrime et de l’équitation. Ne s’est conservé que le sens figuré de « goût passager pour une chose » et surtout l’emploi pour désigner une « aventure amoureuse de courte durée », dont la première attestation remonterait aux Mémoires de Saint-Simon.

9 Avoir un pied dans la tombe est une expression figurée synonyme de « être très âgé, très malade, sur le point de mourir ». L’image parle d’elle-même, puisque n’avoir qu’un pied, et non tout le corps, dans la tombe manifeste qu’on est près de mourir, pas tout à fait mort. L’expression semble dater de 1845, et remplacer la locution classique avoir le pied dans la fosse (1660).

10 Avec sa variante filer à l’anglaise, se sauver à l’anglaise signifie « fuir discrètement, filer en douce, en catimini et sans se faire voir ». C’est à l’époque de Proust une expression récente (dont l’italique souligne l’aspect de néologisme), pour laquelle plusieurs interprétations ont été proposées : une déformation de anguille, un poisson particulièrement difficile à attraper ; une réutilisation du vieux verbe anglaiser qui signifiait « voler », donc « s’enfuir comme un voleur » ; une mise en cause des Britanniques, qui se servent de l’expression to take the French leave, soit « prendre la fuite à la française ». L’expression à l’anglaise (abréviation de à la manière anglaise) entrerait alors dans une série d’expressions qui maintiennent dans la langue des traces de vieux conflits et de rivalités de toujours (voir par exemple les appellations mal français, mal de Naples pour une maladie vénérienne comme la syphilis). Mise en italiques, elle introduit un effet de polyphonie, comme si le narrateur utilisait ici une expression imagée, qui ne fait pas partie de son vocabulaire, ou, qui par son caractère prosaïque et familier, annonçait par anticipation un élément dissonant dans la conduite de cette Princesse.

11 Ce que Gérard Genette a étudié dans Figures III sous la forme d’une distorsion entre le temps du récit et le temps de l’événement raconté : les « anisochronies » internes au portrait contribuent à transformer la description en narration et à déployer le temps interne, autre contraste paradoxal entre le temps de la vie et le temps de la littérature, Figures III, Paris, Le Seuil, 1972, p. 122 sqq.

12 Voir, par exemple, pour Swann et Cottard, l’article d’Anne-Marie Garagnon et Jacqueline Zinetti, « Jules Cotard et (?)Cottard : de la mélancolie à la mémoire », Bulletin Marcel Proust, n° 71, 2021, p. 71-78.

13 Des « parcelles d’analogie » pour reprendre la formule de Proust, qui permettent aussi d’établir un parallèle déformant avec le portrait d’Oriane de Guermantes, lors de la première rencontre entre Marcel et la duchesse dans l’église de Combray : « une dame blonde avec un grand nez, des yeux bleus et perçants, une cravate bouffante en soie mauve, lisse, neuve, brillante, et un petit bouton au coin du nez » (Du côté de chez Swann, p. 209). Les deux portraits, unis par la reprise du motif de la couleur mauve brillante, entrent en résonance. Le mauve d’un simple accessoire de la Duchesse devient constitutif, par une même saisie métonymique, du portrait de la Princesse de Nassau, où il touche simultanément la robe, les yeux, la « figure lilas ». Autre « parcelle d’analogie » étroitement liée à la couleur mauve, un mélange de hauteur et de timidité réelle ou feinte, que développait déjà la suite de l’épisode de Du côté de chez Swann (p. 212-213) : « je revois encore, au-dessus de sa cravate mauve, soyeuse et gonflée, le doux étonnement de ses yeux auxquels elle avait ajouté, sans oser le destiner à personne, mais pour que tous pussent en prendre leur part, un sourire un peu timide de suzeraine qui a l’air de s’excuser auprès de ses vassaux de les aimer ». Comme si le mauve reliait la copie (la princesse de Nassau) à l’original (la duchesse de Guermantes), laquelle cependant, tout en décevant d’abord le jeune narrateur, reste dans la légitimité de sa classe et de son rang.

14 On appréciera les différences dans les techniques du portrait entre Diderot et Proust (voir l’étude que nous faisons dans ce même numéro du portrait de la troisième mère supérieure de La Religieuse : « On est très mal avec ces femmes-là” : portrait de la supérieure de Saint-Eutrope »), où Diderot recourt à différents types de paroles rapportées. Proust choisit, lui, une scène muette (et elle ne me dit pas un mot), mais fait interpréter au narrateur les signes de gestuelle de la Princesse au discours direct attribué, reconstituant ainsi une sorte de profondeur sans objet, ce dont témoignent les modalisateurs (de l’air qui voulait dire, une façon qui signifiait). Ce choix renforce la posture du narrateur, expert dans l’art d’interpréter les signes, et même ici en posture d’haruspice. Mais les modalisateurs montrent aussi toute la distance qu’il y a entre le paraître et l’être, toute la « profondeur » des couches du palimpseste sous les mille fards, qu’il faut scruter avec attention pour parvenir à saisir une once de vérité. On notera le choix de répéter l’adverbe longtemps dans ces propos attribués, adverbe dont nous analysons l’importance infra.

15 Comme l’affirme Proust, « la vieillesse …était amenée par le progrès moins des années que dans la vision de l’observateur, du degré de l’échelle » (p. 250). C’est une position que Proust, dès le début du Temps retrouvé, défendait par un paradoxe : « Mais ce qui fait qu’un être est tant d’êtres différents selon les personnes qui le jugent, en dehors même des différences de jugement ». L’évolution liée à l’âge n’est qu’un des aspects de l’universelle métamorphose.

16 « Bref l’artiste, le Temps, avait “rendu” tous ces modèles de telle façon qu’ils étaient reconnaissables mais ils n’étaient pas ressemblants » (p. 241).

17 « … la vie des autres était représentée en lui et quand plus tard il [l’écrivain futur] écrirait, viendrait composer d’un mouvement d’épaules commun à beaucoup, vrai comme s’il était noté sur le cahier d’un anatomiste, mais ici pour exprimer une vérité psychologique, et emmanchant sur ses épaules un mouvement de cou fait par un autre, chacun ayant donné son instant de pose » (p. 207).

18 « Les parties blanches de barbes jusque-là entièrement noires rendaient mélancolique le paysage humain de cette matinée… » (p. 233).

19 Lilas s’emploie surtout dans le vocabulaire de la mode et de la décoration. La fleur et la couleur qui s’y rapporte sont très chargées symboliquement, le symbole changeant, comme l’a montré l’historien Michel Pastoureau, selon les époques et les cultures : amour naissant ou caché pour certains ; deuil, solitude et tristesse pour d’autres ; autorité et sagesse pour le Christianisme, qui en fait la couleur des tenues portées par les évêques. C’est une couleur rare et chère à l’époque de Proust, très appréciée dans la littérature et la peinture fin de siècle qui la voient comme mystérieuse, souvent en rapport avec ce qu’on appelle le demi-deuil ou deuil.

20 « …j’aperçus un homme grand et gros, en feutre mou, en longue houppelande et sur la figure mauve duquel j’hésitai… » (p. 70).

21 Cette pierre se trouve aussi soulignée dans le portrait de Saint-Loup (il semblait que la qualité si particulière de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de sa tournure, qui l’eussent distingué au milieu d’une foule comme un filon précieux d’opale azurée et lumineuse, engainée dans une matière grossière, devait correspondre à une vie différente de celle des autres hommes », À l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 366). Outre le caractère précieux de la pierre, et sa rareté, l’image offre un contraste saisissant entre la « durabilité » des minéraux et la vanité de la vie humaine, que l’homme s’efforce de fixer dans le temps des horloges.

22 Voir par exemple cette citation : « Car ce qui caractérisait le plus cette société, c’était sa prodigieuse aptitude au déclassement. Détendus ou brisés, les ressorts de la machine refoulante ne fonctionnaient plus, mille corps étrangers y pénétraient, lui ôtaient toute homogénéité, toute tenue, toute couleur » (p. 263). Un brutal phénomène de porosité sociale que Proust évoque souvent par le biais d’imageants chimiques (une altération profonde, p. 262), temporels (un crépuscule, p. 283 ; une heure nouvelle sur le cadran, p. 317) ou végétaux (…comme ces jardins où à tout moment des fleurs à peine en bouton, et se préparant à remplacer celles qui se flétrissent déjà, se confondent dans une masse qui semble pareille, p. 276).

23 P. 270.

24 Dans le langage des libertins des siècles classiques le demi-castor est « une femme ou une fille dont la conduite est déréglée, quoiqu’elle ne se prostitue pas à tout le monde » (Trévoux, 1742).

Bibliographie

Texte

Proust Marcel, Le Temps retrouvé, À la recherche du temps perdu, préface de Pierre-Louis Rey et Brian G. Rogers, Paris, Gallimard, « Folio », 1989

Proust Marcel, Du côté de chez Swann, À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2022

Études

Calas Frédéric et Garagnon Anne-Marie, « On est très mal avec ces femmes-là” : portrait de la supérieure de Saint-Eutrope », Loxias, n° 79, 15 décembre 2022

Compagnon Antoine, Proust entre deux siècles, Paris, Le Seuil, 1989

Garagnon Anne-Marie et Zinetti Jacqueline, « Jules Cotard et (?)Cottard : de la mélancolie à la mémoire », Bulletin Marcel Proust, n° 71, 2021, p. 71-78

Genette Gérard, Figures III, Paris, Le Seuil, 1972

Outils

Dictionnaire de Trévoux [Dictionnaire universel françois et latin contenant la signification et la définition tant des mots de l’une et l’autre langue avec leurs différents usages, Nancy, Pierre Antoine, 1740], éd. 1742

Pour citer cet article

Frédéric Calas et Anne-Marie Garagnon , « « Une princesse entre deux mondes » : portrait de la princesse de Nassau », paru dans Loxias, 79., mis en ligne le 20 janvier 2023, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=10118.


Auteurs

Frédéric Calas

Frédéric Calas enseigne la grammaire et la stylistique à l’Université Paul-Valéry, dans le cadre de la préparation aux concours. Ses derniers travaux portent sur la Correspondance de Beaumarchais et sur les Contes (Peau d’Âne et peaux de bêtes. Variations et reconfigurations d’un motif dans les mythes, les fables et les contes, études réunies et présentées par F. Calas, collection « mythographies et sociétés », Clermont-Ferrand, collection du CELIS, 2021).

Anne-Marie Garagnon

Anne-Marie Garagnon a enseigné la grammaire et la stylistique à l’Université Paris-Sorbonne. Elle a publié de nombreux articles de stylistique sur des auteurs classiques, ainsi qu’un livre sur Voltaire (Cinq études sur le style de Voltaire, Orléans, Paradigme, 2008). Avec Jacqueline Zinetti, elle a récemment publié une étude sur Proust (« Jules Cotard et (?)Cottard : de la mélancolie à la mémoire », Bulletin Marcel Proust, n° 71, 2021, p. 71-78).
 
Anne-Marie Garagnon et Frédéric Calas conduisent ensemble des recherches sur l’analyse stylistique depuis de nombreuses années. Outre un ouvrage de grammaire (La Phrase complexe, publié en 2002 chez Hachette), ils ont plus récemment publié plusieurs travaux sur Rousseau (« Étude stylistique de la lettre IV de la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau », Information grammaticale, Paris-Louvain, octobre 2021, n° 171, p. 18-22 ; Cinq études sur le style de Rousseau : de l’image de soi à l’image de l’autre, Édition La ligne d’Ombre, Lisbonne, Portugal, 2020) et sur Voltaire (« “Des nains sur des épaules de géants” : stylistique de la comparaison dans Micromégas », Cahiers Voltaire, n° 21, 2022, p. 29-39).