XVIIe siècle dans Loxias
Articles
Loxias | Loxias 4 (mars 2004) | Identité générique: le dialogue
Aux origines de la presse littéraire française
La mauvaise réputation de la presse et des journalistes ne date pas du XIXe siècle. Si un Balzac et un Maupassant ont peint ce milieu de l’intérieur, les siècles précédents eurent leur lot de caricatures et de portraits au vitriol. Qu’on se souvienne de Voltaire et de son portrait-charge de Fréron. Un Renaudot ou un Donneau de Visé ne furent pas épargnés, le second ayant eu la malencontreuse idée de se quereller avec Molière, de ne pas aimer Racine et d’irriter La Bruyère. Journaux et journalistes français de l’Ancien Régime pâtissent dans l’imaginaire collectif de cette image de serviteurs zélés du pouvoir et de la convention sociale : le théâtre du temps ne fit pas faute de le souligner, avec plus ou moins de discrétion selon les scènes. Dans ses « Conseils à un journaliste », Voltaire leur faisait la leçon et leur indiquait, sans trop d’illusion, comment il fallait faire « pour qu’un tel journal plaise à notre siècle et à la postérité » : belle illusion sur la pérennité d’une écriture dont, précisément, la volatilité faisait le prix relatif. Seule la presse du Refuge, hollandaise, ou des marches - Avignon, Liège, Clèves -, avait cet air de liberté que nos contemporains aiment trouver dans le passé, avec le parfum d’opposition qui l’embellit encore. Les travaux enfin entrepris depuis quelques décennies permettent de nuancer fortement ce jugement.
Loxias | Loxias 10 | I.
L’œuvre offerte : esthétique de la transposition et littérature comparée (traduction, réécriture, illustration)
La transposition permet de passer d’un contexte, d’un domaine ou d’un niveau à un autre. Nous voudrions donner ici quelques points de repère pour évaluer le champ de la transposition aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui constituent une période de transition : ce n’est que progressivement que la propriété intellectuelle et, partant, l’autorité et l’autonomie de l’œuvre littéraire se sont imposées. Nous nous interrogerons sur le statut de l’œuvre d’art elle-même ; elle s’épanouit, au-delà de l’esthétique de la « réception », dans l’approche proprement « comparatiste » de l’art . Deux exemples centraux pour l’époque qui nous intéresse peuvent permettre de prendre la mesure du phénomène : L’Astrée d’Honoré d’Urfé (1607-1610, 1619, quatrième partie et suite de Balthazar Baro, 1632-1633) et Clarissa de Samuel Richardson (1747-1748).
Loxias | Loxias 12 | I.
Fonction et fonctionnement du récit dans Britannicus de Jean Racine
Il s’agit de dégager les traits caractéristiques du récit théâtral dans le cadre d’une pièce particulière, Britannicus. Dans cette tragédie, comme dans l’ensemble du théâtre racinien, le récit est multiple et revêt plusieurs fonctions. L’on se propose dans un premier temps d’établir une typologie du récit dans Britannicus. Cette analyse est à mettre en perspective avec les textes des théoriciens du siècle, et l’on met alors en évidence l’emploi chez Racine d’un récit qui ne trouve pas sa justification dans le respect des règles des unités ou des bienséances. Ce récit que nous nommerons pathétique trouve sa fonction dans l’expression des sentiments. Dans le cadre d’une stratégie des effets, le texte narratif pathétique vient s’inscrire comme la voix de l’intériorité des personnages, et son écriture fondamentalement poétique confère à la narration une densité et une musicalité nouvelle. C’est ainsi que les genres et les discours se combinent pour mieux susciter l’émotion, et que l’on peut parler du récit poétique dans le texte théâtral comme le cœur du « souffle racinien ».
Loxias | Loxias 15 | I. | 2.
Contribution à l'étude de la prose moliéresque : l’exemple de L'Amour médecin (1665)
“Malgré l’ouvrage fondateur de Maurice Pellisson paru dès 1914 et intitulé Comédies-ballets de Molière1, la critique moliéresque consacrée aux pièces avec musique s’est longtemps complu dans un texto-centrisme dévastateur, comme le montre de façon exemplaire l’introduction de L’Amour Médecin dans l’édition de 1965 destinée à l’enseignement secondaire : Un fait est à retenir, c’est que Molière, en dépit des allégations de son Avis au Lecteur, a supprimé dès qu’il l’a pu la partie musicale de l’œuvre, et qu’elle n’a presque jamais été reprise depuis. Cette suppression est significative. Dans ...”
Du vice à la vertu : analyse sémantique et énonciative de l’impertinence dans Le Malade imaginaire.
Les termes « impertinent » et « impertinence » reviennent fréquemment sous la plume de Molière dans Le Malade imaginaire, et superposent les deux isotopies, classique et moderne, de l’absence de raison et de l’insolence. La double énonciation théâtrale en général, et les emboîtements énonciatifs vecteurs de dialogisme en particulier, permettent d’analyser les mécanismes de conversion de l’impertinence, qui passe de vice à vertu, et que Molière revendique dans la célèbre mise en abyme de l’acte III scène 3.
Loxias | Loxias 19 | Programme d'agrégation
Le monologue dans le théâtre sérieux de Rotrou. L'exemple d'Antigone, Le Véritable Saint Genest et Venceslas
Affirmer que Rotrou n’aime pas le monologue dans le théâtre sérieux serait inexact car la forme monologuée y acquiert la valeur irremplaçable d’une trace ou d’un rêve. Trace d’un temps d’avant la faute, où la raison humaine était le lumineux reflet du divin ; et rêve nostalgique, à la fois d’un possible dialogue avec soi-même et d’une volonté conduisant l’impulsion héroïque, mais rêve que le dramaturge sait transformer en espoir. Le monologue dans le théâtre de Rotrou inscrit, grâce à l’ironie subtile qui l’habite, en même temps que les vains efforts de la raison corrompue, la clarté et la plénitude que lui apporte la transcendance.
Commentaire composé du chapitre II, 28 de Don Quichotte
Ce chapitre (tome 2, de la page 243 à la page 248 en collection « folio » Gallimard) présente une discussion, ou dispute, ou explication, entre Sancho Pança et son maître. De ce point de vue, il est à rapprocher de beaucoup d’autres chapitres du roman. Chevalier et écuyer devisent tout en cheminant lentement, le tempo « andante » favorisant l’échange de paroles. C’est un des nombreux passages aussi où le couple s’apprête à passer la nuit à la belle étoile, dans un petit bois. Ce qui se passe pendant la nuit est conté ici en une phrase seulement. Sancho Pança est moulu et gémissant parce qu’il a été roué de coups. Mais la différence, ici, avec les autres épisodes de ce type, c’est que Don Quichotte n’a pas partagé l’infortune de son valet, ce qui est un cas assez rare dans le roman. Sancho vient de faire l’expérience que son chevalier ne s’est pas comporté comme un chevalier, et Quichotte aura fort à faire, dans la discussion, pour rétablir dans son autorité l’idéal et l’immuable du code contre l’expérience sensible (et douloureuse) de l’écuyer ; dialogue ou affrontement du code et de l’expérience. La confiance de Sancho en Quichotte semble ébranlée. Pourtant les deux protagonistes ne se quittent pas, pas plus ici qu’ailleurs. Ce qui les unit d’une façon plus indéfectible que le lien d’argent ou le service féodal, c’est le désir, toujours renouvelé, du dialogue.
Loxias | Loxias 29 | II.
André Mareschal, Tragi-comédies, La Généreuse Allemande (tome 1)
“La présente édition donne accès à une œuvre importante de l’âge baroque, publiée une seule fois en 1631 et jamais rééditée depuis, La Généreuse Allemande d’André Mareschal. Tragi-comédie pleine de fantaisie, elle présente un personnage principal toujours en mouvement, à mi-chemin entre Francion et Don Juan, qui accumule conquêtes et combats au cœur d'une scénographie complexe. À l’image de sa célébrissime préface, la pièce constitue un véritable manifeste en faveur de la dramaturgie irrégulière. ...”
Loxias | Loxias 30 | Doctoriales VII
Le son du sonnet au XVIIe siècle
Face à l’extraordinaire essor que la poésie en musique connaît au XVIIe siècle, le statut du sonnet pose problème : en tant que forme originellement musicale, il devrait bénéficier de l’intérêt dont le siècle se prévaut pour la poésie lyrique. Toutefois, les contraintes morphologiques qui le rigidifient ne permettent plus de tirer partie de ses potentialités sonores. Quelques pratiques isolées nous rappellent néanmoins qu’il est avant tout son.
Loxias | Loxias 33 | I.
Giacomo Lubrano, un exemple d’« éloquence muette »
Il s’agit d’analyser une partie de l’œuvre en prose et en vers, en italien ou en latin, du poète-prédicateur baroque Giacomo Lubrano (1619-1693), dernier représentant du Baroque littéraire italien, en tant qu’expérience d’un silence poétique, par quoi le texte devient méditation de la lettre, apparition énigmatique d’un langage de chiffres, qui n’est rien d’autre qu’une invitation à l’écoute de la disparition de la langue. L’expérience de son « éloquence muette », pour reprendre un titre d’un de ses sermons (« La muta eloquenza… »), relève d’une part de l’esthétique baroque du ‘concetto’ et de la ‘meraviglia’, et, d’autre part, d’une vision moderne du langage poétique encore actuelle.
Loxias | Loxias 36 | I.
Le « sens de l’humour » dans Les Aventures de Dassoucy
Les Aventures des voyages du sieur Dassoucy, annoncées dès 1670 et publiées en 1677, constituent le testament d’un poète et musicien dont les œuvres ont été reléguées durant trois siècles au « cimetière des livres oubliés », et y sont demeurées ensevelies longtemps encore après l’éloge vibrant de sa prose par Louis Aragon : « Avez-vous lu Dassoucy ? ».
Loxias | Loxias 38. | Doctoriales IX
Morales de la faim et stratégies d’écriture
La nourriture, vitale ou métaphorique, est un thème essentiel dans les Fables de La Fontaine, La Faim de Knut Hamsun, Si c’est un homme de Primo Levi, Mangeclous et Les Valeureux d’Albert Cohen. À travers ces œuvres, nous proposons de mettre au jour différentes problématiques du rapport entre faim, morale et écriture. Morals of hunger and writing strategies. Food, be it vital or metaphorical, is a key theme in the Fables of La Fontaine, Hunger by Knut Hamsun, Primo Levi’s If This is a Man, and Nailcruncher by Albert Cohen. Through these works, we shall bring to light various issues concerning the relationship between hunger, moral and writing.
Loxias | Loxias 43. | I. Questions de Littérature comparée à l'agrégation de Lettres modernes
Thalie au miroir : héroïsme féminin et métathéâtralité
Cet article fait l’hypothèse d’une métathéâtralité spécifique à la comédie dans laquelle la question du genre revêt une importance significative. Induite par les conditions concrètes de la représentation sur la scène antique et élisabéthaine où les rôles féminins sont joués par des hommes, la part de jeu inhérente à la comédie interfère avec le topos du théâtre du monde, dont les incidences sur la métathéâtralité ont été soulignées d’emblée par l’inventeur de la notion de métathéâtre. Lorsque des protagonistes féminins occupent le devant de la scène, l’interrogation sur le jeu de l’acteur semble l’emporter sur la lecture métaphysique de la métaphore qui privilégie les fonctions de l’auteur et du spectateur, confondues en Dieu dans la lecture chrétienne du topos. Sous le signe du féminin, la comédie semble plutôt interroger les rôles sociaux et remettre en question la naturalité du genre.
« Kalein ». Éléments et notes pour un commentaire composé de Lysistrata, v. 1 à 139
À côté du destin tragique qui s’abat sur un essentiellement, la fortune comique ou heureuse est affaire de tous, de rassemblement, de changement, déguisement, l’un pour l’autre et avec l’autre, de versabilité ou mutabilité universelles ; elle a partie liée avec la démocratie, et la démocratie avec la fête et l’utopie. Cela se dit, dans le premier temps de cet article à partir du mot grec « kalein » et du mot anglais « atone ». Ensuite, et dans cette perspective, sont proposés, dans les deuxième et troisième parties, des éléments en vue d’un commentaire composé du début de Lysistrata (v. 1 à 139).
Loxias | Loxias 46. | Doctoriales
Tout est bien qui ne finit pas (toujours) bien… Violence et désillusion dans les contes de fées de Madame de Murat
Participant de la vogue des contes de fées mondains de la fin du XVIIe siècle, les textes de Mme de Murat se distinguent dans ce vaste corpus éditorial, non par le style, les décors ou les personnages qui reprennent les topoï du genre, mais par une mise en scène singulièrement négative des intrigues héroïques. Si la plupart des contes de la période présentent des opposants nécessaires qui contrarient le parcours héroïque pour mieux en révéler la réussite, les récits merveilleux de la conteuse annoncent fréquemment l’échec des protagonistes et les adjuvants traditionnels que sont les fées ne parviennent pas systématiquement à (r)établir in fine une situation heureuse. Les dénouements et les commentaires auctoriaux volontiers pessimistes affichent alors la désillusion d’une femme sur le mariage et l’amour à son époque. Taking part in the popular fairy tales of the seventeenth century, the tales of Madame de Murat can be distinguished in this vast editorial corpus, not by the style, the scenery or the characters that take up again the topoï of the genre, but by a remarkably negative performance of the heroic plots. While most of the tales of that period show necessary opponents who impede the heroic route in order to reveal better the outcome, the wonderful accounts of the story-teller frequently herald the failures of the protagonists and the fairies, the traditional adjuvants, do not systematically manage in fine to establish a happy situation. The willingly pessimistic endings and comments of the author then display the disillusionment of a woman on marriage and love in her time.
Loxias | 47. | I.
Relire les stances de Polyeucte. Du baptême à la confirmation
Hélène Baby propose une relecture des stances de Polyeucte, expliquant la présence de leurs cinq strophes hétérométriques dans une tragédie chrétienne. Renvoyant au mystère de la Pentecôte et à ses effets, elles achèvent et « confirment » à l’acte IV le sacrement du baptême reçu par Polyeucte au début de la pièce.
Loxias | 70. | I.
Dessiller son œil et essayer les lumières ; la propédeutique oculaire de Montfaucon de Villars
À partir de 1660, le renouvellement des paradigmes du savoir, avec le rejet des théories aristotéliciennes et les progrès scientifiques, notamment en astrologie et en optique, modifient la vision du monde et la manière de le regarder. C’est dans ce contexte que Montfaucon de Villars publie Le Comte de Gabalis, récit dans lequel le narrateur rapporte les entretiens qu’il a eus avec un cabaliste. Le jeune curieux plonge volontairement dans les méandres occultistes. Son œil s’essaie à la vue des mystères tout en mettant à distance les absurdités. Propédeutique oculaire, exercice des regards sur le monde, Le Comte de Gabalis est une comédie de l’observation : sur la scène les théories, dans la salle, un lecteur amusé et désabusé par les ridicules. Around the 1660's, a paradigm shift in knowledge, bringing the disavowal of Aristotelian theories and scientific progress, change the perception of the world and the way to look at it. In this context, Montfaucon de Villars published The Count of Gabalis, a narrative in which the narrator reproduces the conversations he had with a cabalist. His curiosity leads him into deliberately following the meanders of the occultist's thought. His eye wanders over mysteries of which absurdities seem to prevail. The Count of Gabalis can be read as an exercice, an eye propaedeutic to read and appreciate the world. It is a comedy in which theories ar on stage, and the derisive reader in the orchestra, enjoying disillusion.
Loxias | 81. | I.
Une lecture du Nerone (1868-1918) « Tragedia Lirica » d’Arrigo Boito au regard d’Il Nerone, ossia l’Incoronazione di Poppea (1642) de Claudio Monteverdi (1567-1643) et des Tragédies en musique (1673-1687) de Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Deuxième et ultime opéra d’Arrigo Boïto librettiste et compositeur, Nerone, Tragedia lirica occupa A. Boïto de 1869 à 1870 pour la rédaction du livret et jusqu’à sa mort pour la composition musicale laissée inachevée. Inspiré des Annales de Tacite, le Nerone de Boïto est marqué par les intrigues politiques, les stratégies amoureuses, les calculs cyniques et l’amoralité, tout comme le fut, 300 ans auparavant, celui de Claudio Monteverdi (1567-1643), fraîchement redécouvert en 1883. Cette lecture en diptyque des deux Nerone posera la question des choix qui président à la rédaction d’un texte écrit pour la mise en musique, tout comme elle montrera ce qui rapproche musicalement les deux compositeurs italiens. Par ailleurs, le Nerone d’A. Boïto créé en 1924 et sous-titré « Tragedia lirica » ne reprend-il pas les idées mises en œuvre dans les tragédies lyriques (1673-1687) de Jean-Baptiste Lully ? Second and last opera of A. Boïto librettist and composer, Nerone, Tragedia lirica occupied A. Boïto from 1869 to 1870 for the writing of the libretto and until his death for the musical composition, although left unfinished. Inspired by the Annals of Tacitus, Boito’s Nerone is marked by political intrigues, amorous strategies, cynical calculations and amorality, just as was, 300 years ago, Cl. Monteverdi’s work, just rediscovered in 1883. This diptych reading of the two Nerone’s will raise the question of the choices that preside over the writing of a text written for music, just as it will show what brings together the two Italian composers musically. Moreover, doesn’t A. Boïto’s Nerone, created in 1924 and subtitled “Tragedia lirica”, take up the ideas implemented in the lyrical tragedies (1673-1687) of J. B. Lully ?