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Wafae Karzazi  : 

L’écriture du corps chez Leïla Sebbar

Résumé

Je me propose d’étudier la représentation du corps féminin dans Fatima ou les Algériennes au square et Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts. Ces deux textes sont centrés sur des adolescentes placées dans une situation de crise et dans des relations d’interaction avec des adultes ou des jeunes gens de leur âge, et mues par le désir de vivre pleinement, hors de toute contrainte parentale ou sociale.  La thématique de l’émancipation est très importante et est essentiellement illustrée à travers les personnages de Dalila et de Shérazade, jeunes beures en rupture de ban, censées représenter l’antithèse de la femme traditionnelle, incarnée par Fatima, aliénée, soumise à l’homme et respectueuse des règles sociales et religieuses qui la confinent à un rôle d’épouse et de génitrice.

Index

Mots-clés : corps féminin , domination, quête de liberté, tradition, violence

Plan

Texte intégral

Écrivaine algérienne, Leïla Sebbar a participé de façon active au mouvement de libération de la femme avant de s’intéresser  à une réalité sociale spécifique, celle de l’immigration maghrébine en France. C’est ainsi que l’écriture sur les femmes entreprise depuis son engagement féministe en 1974, se focalise, à partir de 1980, d’une part, sur la condition des femmes immigrées qui, du fait de leur confrontation avec un espace occidental étranger, assistent, impuissantes, à la remise en question d’une identité collective basée sur des traditions ancestrales et, d’autre part, sur les préoccupations de la jeune beure qui, née ou éduquée en France, entend s’affranchir de la domination patriarcale à laquelle la condamne son groupe d’appartenance pour œuvrer à la réalisation de son autonomie.

Je me propose d’étudier la représentation du corps féminin dans Fatima ou les Algériennes au square et Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts. Ces deux textes sont centrés sur des adolescentes placées dans une situation de crise et dans des relations d’interaction avec des adultes ou des jeunes gens de leur âge, et mues par le désir de vivre pleinement, hors de toute contrainte parentale ou sociale. La thématique de l’émancipation est très importante et est essentiellement illustrée à travers les personnages de Dalila et de Shérazade, jeunes beures en rupture de ban, censées représenter l’antithèse de la femme traditionnelle, incarnée par Fatima, aliénée, soumise à l’homme et respectueuse des règles sociales et religieuses qui la confinent à un rôle d’épouse et de génitrice.

J’ajouterai que le discours romanesque, basé sur des intrigues pauvres en événements mais riches en significations, ne présente pas la situation de Shérazade et de Dalila comme spécifique aux deux héroïnes, mais comme emblématique de toute une génération. Cette généralisation est matérialisée et renforcée sur le plan du récit par l’évocation de multiples personnages exposés aux mêmes épreuves : révolte, fugue, marginalité, délinquance, prostitution,…

Le thème de la violence s’exprime sans réserve dans les textes de Sebbar mais c’est surtout dans Fatima ou les Algériennes au square que le corps féminin est montré comme un corps opprimé, prisonnier d’un système où il est constamment en butte à la discrimination, aux abus de toute sorte. Fatima ou les Algériennes au square est un récit romancé où fiction et peinture sociale se mêlent et se confondent. Si la part de fiction y est importante, ce récit a surtout une fonction de témoignage dans la mesure où l’accent est mis sur les problèmes sociaux et psychologiques liés à l’immigration : déracinement, perte des repères identitaires, relations intergénérationnelles placées sous le signe de l’affrontement, humiliations physiques et psychologiques infligées aux jeunes filles.

Le texte est construit autour de deux personnages centraux et antagoniques, – la tradition littéraire est ainsi respectée –, Fatima et sa fille Dalila, âgée de quinze ans. L’histoire se résume à peu de choses : battue par son père pour avoir réintégré tard un soir  le domicile familial, Dalila s’enferme volontairement dans la chambre de ses frères qu’elle quittera huit jours après pour une destination inconnue. Ces faits, en apparence banals, ont leur importance dans la mesure où ils confirment une rupture du dialogue entre la jeune fille et ses parents, sa mère surtout. Cette dernière n’ose plus adresser la parole à sa fille, murée dans un silence hostile et méprisant. L’autre élément capital est que durant la claustration de Dalila, le passé prend progressivement le pas dans l’esprit de l’adolescente, le traumatisme subi favorisant ainsi la résurgence de souvenirs enfouis dans les profondeurs de la mémoire du personnage et centrés notamment sur les réunions que tenaient sa mère et ses voisines algériennes  dans le square voisin.  Ainsi, sur l’histoire de Dalila se greffent plusieurs histoires secondaires, évocations de conversations, de récits féminins décousus, d’une parole débridée à laquelle l’adolescente tente de redonner sens, « sorte de feuilleton qu’elle voulait tenir à jour dans sa tète1 », où le lecteur relève le thème récursif de la violence. Violence vécue à l’intérieur de la structure familiale (coups, injures, mariages arrangés, retours forcés en Algérie) ou violence extérieure (marginalité, viol, prostitution), la récurrence du propos révèle son caractère à la fois obsessionnel et choquant.

Selon Gérard Genette, la répétition est un procédé très important dans la composition d’un thème :

La « répétition » est en fait une construction de l’esprit qui élimine de chaque occurrence tout ce qui lui appartient en propre pour n’en conserver que ce qu’elle partage avec toutes les autres de la même classe et qui est une abstraction2.  

Il ajoute aussi que l’on peut nommer « récurrence du même événement 3» les événements semblables et considérés dans leur seule ressemblance. Effectivement, les récits féminins recréés par la mémoire de Dalila sont l’expression d’une situation critique itérative, à la fois personnelle et collective. Ils projettent sur l’histoire du personnage un éclairage tout à fait particulier dans la mesure où elle apparaît comme le prolongement d’expériences similaires.

L’espace textuel est polarisé sur un univers essentiellement féminin symbolisé par le square, lieu traditionnellement réservé aux femmes et aux enfants, et qui est lui-même partie intégrante d’un espace plus grand, celui de la cité HLM, synonyme de marginalisation et de ségrégation. Le récit conduit d’ailleurs le lecteur à saisir la réalité des rapports sociaux dans les banlieues françaises dans toute leur brutalité : racisme, délinquance, combats de rues, viols collectifs,… Néanmoins la violence dans Fatima ou les Algériennes au square apparaît comme s’exerçant essentiellement contre le corps de la jeune beure par des parents dépeints comme des personnes prisonnières de leurs traditions, de leurs convictions, et qui tentent, dans l’exil, de reproduire le même schéma de vie qu’au Maghreb, en faisant abstraction de l’environnement français considéré comme irrémédiablement étranger et hostile. Le texte de Sebbar dépeint des immigrés qui, murés dans leurs certitudes, refusent de se laisser corrompre par les usages occidentaux mais qui, du fait du déracinement et de conditions de vie très médiocres, n’ont plus de modèle culturel à offrir à leurs enfants. Le respect des règles par la sauvegarde des coutumes est alors difficile à imposer. L’exil fragilise particulièrement le rôle du père. La dépréciation des pratiques qui le valorisent normalement dans son pays d’origine se répercute sur son image de chef de famille, liée traditionnellement à une autorité et une intransigeance inconditionnelles. Le père de Dalila est décrit comme un homme renfermé et solitaire, peu communicatif, s’occupant très peu de sa nombreuse progéniture, mais obsédé par l’idée de sa mort en terre infidèle. Quant à sa relation avec Fatima, elle est conforme au schéma classique du couple maghrébin, c’est-à-dire qu’elle est fondée sur un rapport de domination/soumission et caractérisée par une absence quasi-totale de communication. Fatima, de son coté, répond au cliché de la femme arabe traditionnelle, analphabète, respectueuse des lois et coutumes et soumise à la domination du mari qu’elle renforce par son silence et sa résignation. Elle n’extériorise ni n’exprime guère ses sentiments, ses pensées, s’enfermant ainsi elle-même dans une image qui n’est pas tout à fait la sienne puisque édifiée sur des normes sociales imposées, des désirs non réalisés, des besoins soigneusement contrôlés. Bien que consciente de son aliénation, elle demeure néanmoins conservatrice. Fatima incarne un univers auquel Dalila, sa fille, refuse d’adhérer.

Il faut souligner que le personnage de l’adolescente chez Sebbar se définit toujours par rapport à la mère et que la représentation de cette dernière est ambivalente dans le texte. L’image de la mère est reconstituée à travers les remémorations de Dalila. Fatima y apparaît sous un double aspect, à la fois positif et négatif. Travailleuse, épouse et ménagère accomplie, vivant dans le respect des lois de la société patriarcale mais ouverte au changement, c’est-à-dire à l’idée d’une certaine libération de la femme par l’instruction, elle est également complice, ne serait-ce que du fait de sa passivité et de son mutisme, de la violence exercée sur Dalila. Cette ambivalence se reflète dans la relation mère-fille, relation  étroite qui oscille sans cesse entre l’affection complice et la mésentente radicale, conséquence d’une incompréhension réciproque générée par un écart culturel difficile à combler. L’attitude conformiste de Fatima s’oppose ainsi à l’exigence d’émancipation de Dalila qui refuse de reproduire l’exemple maternel. Progressivement, dans le récit, l’image sécurisante de la mère tendre et protectrice se transforme en image conflictuelle.

L’incompréhension découle aussi et surtout de deux conceptions différentes de la relation au corps. Lorsque Sebbar évoque dans ses textes la génération des mères, elle la représente toujours dans un espace cloisonné, celui du foyer ou du square, le corps recouvert de vêtements amples qui dissimulent sa féminité aux regards masculins. Rappelons que dans la tradition musulmane, la féminité est dévalorisée, niée par un système patriarcal attaché, avant toute chose, à la sauvegarde de l’honneur, d’où l’oppression que subit la femme dans son corps et la division – et cela Sebbar le démontre fort bien dans Fatima ou les Algériennes au square – de l’espace urbain et domestique, selon des règles tacites qui limitent considérablement la mobilité féminine. Avec la génération des filles, les données diffèrent complètement puisque l’on assiste à une rupture des barrières spatiales, érigées par la tradition, et à une appropriation de l’espace public, attitude jugée subversive et énergiquement réprimée, principalement par la mère. Dalila évoque ainsi l’un des multiples récits féminins du square :

C’était l’histoire d’une Algérienne très respectueuse de la tradition et des coutumes, très religieuse aussi, qui avait appris par des bruits qu’elle n’avait pu vérifier que sa fille – une gamine de huit ou neuf ans – avait été surprise avec un garçon à des jeux de mains que la loi morale et le Coran réprouvent,  comme elle. Au retour de sa fille, sans rien dire, elle l’avait saisie et presque attachée pour lui passer du piment rouge sur le sexe. La petite fille avait hurlé. Les femmes se doutaient de ce qui se passait, mais aucune n’avait cherché à empêcher le geste qui châtiait la débauche d’une petite fille assez délurée pour avoir, en public, dans la rue, parlé à un garçon et joué avec lui. Le piment ardent lui ferait passer ses envies coupables, lui éviterait d’être une putain4.

La mère est en effet, – et les exemples abondent dans le récit –, à la base de l’inculcation et de la reproduction des prescriptions et des comportements qui répondent aux attentes du groupe et dont le principe fondamental est un contrôle sévère du corps féminin, seul capable d’assurer la valorisation et la reconnaissance sociales. Pierre Bourdieu, analysant la société algérienne, affirme à cet égard :

La supériorité des hommes a pour conséquence paradoxale l’existence d’une société féminine relativement autonome qui, vivant dans un univers clos, demeurant exclue des responsabilités essentielles, et même, dans la majorité des cas, des enseignements religieux, exerce, sur la société masculine, une influence profonde, tant à travers la prime éducation qu’elle donne aux enfants et par laquelle se transmettent les croyances magiques et les pratiques rituelles, que par la résistance souterraine et secrète, mais non moins efficace, qu’elle oppose à toute modification d’un ordre traditionnel dont elle est apparemment la victime 5

La mère, ne concevant la féminité qu’en termes de dépendance par rapport à l’homme, apprend à sa fille à avoir honte de son corps et à le dissimuler. Ainsi, si l’enfermement est imposé par l’homme, il est exécuté par la femme qui exerce la fonction de gardienne de l’honneur et de la tradition et perpétue, de façon souvent abusive, la domination patriarcale sur sa fille. L’un des récits rapportés par Dalila le démontre amplement :

Elle n’avait pas laissé à sa fille le temps de parler; elle était sur elle, la frappant partout où sa main s’abattait, sur la tête, le visage, le dos. Elle s’était arrêtée quand elle l’avait entendue crier. […]. L’amie de sa mère avait poursuivi : Je me suis arrêtée…j’avais frappé comme une folle vraiment je ne sais pas pourquoi. Elle saignait du nez. Ses cris et le sang sur ma main…ça m’a arrêtée. Je l’aurais tuée. Elle n’obéit jamais. […]. Je lui dis qu’elle va mal finir…ça la fait rire. Elle se moque de tout. Elle est très dure. On ne se parle pas. Je ne sais plus quoi faire6.

La violence parentale est considérée dans le milieu arabe traditionnel comme une méthode éducative ayant pour objectif la prévention de toute indiscipline, désobéissance ou subversion. Les actes de violence perpétrés contre les jeunes filles prennent racine dans une violence ancestrale autorisée contre les femmes et destinée à les dresser, c’est-à-dire à leur apprendre, au besoin par la force, les règles sociales, dans la négation de leur individualité. Le plus impressionnant dans le récit est le détachement et l’insensibilité marquée des amies de Fatima par rapport aux sévices perpétrés contre leurs filles et celles des autres. Cette impassibilité vient de ce qu’elles sont convaincues que les filles se doivent d’accepter leur infériorité comme un fait naturel et de manifester leur totale soumission et dépendance aux mâles de la famille, comme en témoigne cet exemple :

Chaque jour, l’une des filles lavait les pieds du père, à tour de rôle. Jamais les fils. Elles étaient habituées. C’était une coutume dont la charge revenait aux filles et aux femmes7.

Dans le récit, les adolescentes sont considérées par les membres de la communauté comme une source d’angoisse permanente et font l’objet d’une suspicion constante liée à la crainte du déshonneur qui tourne à l’obsession. Cette idée revient constamment dans les histoires rapportées par Dalila qui toutes mettent en lumière une agressivité née de l’appréhension de voir les jeunes filles échapper au contrôle familial, aidées en cela par le système jugé permissif du pays d’accueil. Dalila, se remémorant son amie marocaine, raconte l’étroite surveillance dont elle était l’objet :

Son père l’avait obligée à quitter le lycée […]. Elle s’était laissé faire; comme depuis toujours elle avait obéi. On la chronométrait du lycée à la maison et elle n’était jamais en retard. Lorsqu’elle allait chez des copines ou à la bibliothèque, un frère la surveillait. Elle n’avait jamais quitté les cités de la région parisienne où elle était arrivée à l’âge d’un an […]. Elle n’avait jamais pris le métro ni le train […]. Elle n’allait pas au cinéma. […]. Elle avait dix-sept ans8.

Sortir sans raison valable est considéré comme une infraction et une prédisposition à la débauche. La méfiance et la désapprobation des compatriotes restés au pays sont encore plus fortes vis à vis de celles que l’on nomme « bnet-baris », qui signifie littéralement « filles de Paris », avec tous les sous-entendus que l’expression suggère, c’est-à-dire filles légères, faciles et donc coupables en puissance :

On doutait un peu de la virginité des filles de Paris, Bnèt-Baris, comme on les appelait toujours, d’un bout à l’autre de l’Afrique du Nord et ça voulait toujours dire des filles élevées comme des Françaises, à la française, pas des filles de chez nous, des filles qui sortent et qui ne font rien dans la maison, presque des putains9.

Les multiples interdits combinés au contact avec une culture autre conduisent ainsi la jeune beure à la recherche d’une plus grande autonomie. Sebbar met en lumière, dans Fatima, la tension vécue par un corps féminin écartelé entre les pressions exercées par la communauté d’origine et les valeurs de la société d’accueil. Nous relevons ainsi un clivage entre la conduite prescrite par les parents de Dalila et les aspirations personnelles de celle-ci. Le personnage exprime, par son attitude, un rejet total des normes traditionnelles de différenciation et de séparation des sexes, soutenu en cela par l’image du couple parental institué sur un rapport hiérarchique de domination masculine perçu comme une oppression insupportable. La construction de l’identité se fait désormais en référence à des modèles étrangers, en opposition avec les stéréotypes et les conduites du groupe d’appartenance. La réceptivité aux valeurs occidentales s’exprime à travers les visées émancipatrices mais aussi les goûts musicaux, les tenues vestimentaires. L’affirmation identitaire suppose en effet préalablement une libération et donc une reconquête du corps féminin, revendication audacieuse qui expose le personnage à la violence. Les sorties non autorisées de Dalila finissent ainsi par susciter la fureur du père, homme généralement calme et apathique :

Il ne parlait pas beaucoup. Elle le trouvait triste; il criait lorsqu’il la battait, il changeait à ce moment là; il lui faisait peur, elle ne pensait plus que cet homme furieux était son père – ses gestes fous, ses hurlements contre elle, ses injures qui faisaient pleurer sa mère. La ceinture sifflait ; la boucle l’atteignait au bras, au dos, à la cuisse ; elle ne  criait pas, ne pleurait pas ; elle essayait d’échapper aux coups mais la pièce était petite. Sa mère s’interposait, recevait un coup sur deux ; ça durait jusqu’à la fin de la colère du père lorsqu’il s’effondrait en sueur sur une chaise proche. Il restait là seul, abattu… 10  

Le registre de la violence est très étendu dans le récit. Insultes, coups, séquestration, mariage arrangé, constituent autant de moyens utilisés pour contrôler le corps féminin et l’empêcher de s’affirmer. Toute revendication d'autonomie est automatiquement réprimée, ce qui génère chez les adolescentes qui peuplent le texte un sentiment d’exclusion, de rejet, vécu de façon plus ou moins tragique. Le mariage forcé, en particulier, est décrit comme une source de souffrance et d’humiliation. Dalila rapporte le récit d’une de ses amies qui, obligée d’épouser un homme choisi par sa mère, dépeint cette union comme une forme de viol légalisé et condamnée à l’échec dans la mesure où, dès le départ, la relation conjugale est biaisée par la brutalité, l’égoïsme et le machisme de l’homme. A cette violence dirigée contre le corps féminin, la jeune beure réagit par l’incompréhension, le repli sur soi et une révolte qui est en contradiction totale avec le comportement traditionnel féminin basé sur l’effacement, la dépendance et le sacrifice :

Elle ne voulait pas qu’il lui touche même le bout du pied nu avec ses pieds à lui. […]. Sa femme était à lui. Il la força une fois de plus, mais elle se défendit. Ils se battirent, il la frappa jusqu’à l’étouffement d’une crise d’asthme où il pensa l’avoir presque tuée11.  

La fugue est l’un des aspects que revêt la révolte féminine dans les textes sebbariens. Dans tous les cas de jeunes maghrébines problématiques mis en scène par l’écrivaine, la fugue apparaît comme devant fatalement survenir. Elle est considérée, en effet, comme une rupture essentielle et une étape fondamentale dans la quête de l’émancipation. Elle traduit l’espoir de perspectives nouvelles et l’affranchissement de conventions sociales et de préceptes que les personnages ne se sentent aucunement tenus de respecter. Dalila, révoltée par la brutalité paternelle, est ainsi conduite à refuser son identité musulmane :

Les coups de son père la forceraient un jour à s’enfuir, peut-être à se suicider, mais elle n’y avait jamais pensé vraiment ; on lui avait dit que chez les musulmans on se suicide peu. Son père et sa mère étaient musulmans. Son père lui disait souvent « Toi, une musulmane  » mais elle ne faisait pas la prière comme son père, elle ne connaissait pas les versets du Coran que sa mère récitait aux petits le soir; […]. Algérienne, oui, elle pouvait le dire ou on le disait pour elle, mais musulmane, elle ne pensait pas qu’on pouvait la croire musulmane parce qu’elle était algérienne12.

La fugue doit également être comprise à la fois comme l’expression même de l’impasse où se trouve placée l’adolescente refusant toute domination, et comme une soif d’aventure et d’évasion. Sebbar, dans l’un de ses essais, On tue les petites filles, l’explique ainsi :

La fugue, c’est une forme de désobéissance civile. La fugueuse est une insoumise. Elle part sans autorisation de la mère ou du père. Elle déserte la maison tout  d’un coup,  comme ça… sur un coup de tête… sans avertir personne, sans dire pourquoi, comme si elle n’avait plus de comptes à rendre, comme si elle n’était pas mineure et soumise à l’autorité parentale13.

Ce désir d’émancipation peut cependant déboucher sur l’exploitation sexuelle de l’adolescente, c’est-à-dire la prostitution. Dans Fatima ou les Algériennes au square comme dans Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts, la prostitution est souvent consécutive à une entreprise de séduction menée par des individus peu scrupuleux, souvent charmeurs, qui profitent de la naïveté et de la vulnérabilité de la jeune beure, fragilisée moralement par sa rupture avec le milieu familial et cherchant à compenser un manque d’affection dans un univers urbain impersonnel. Paradoxalement, son idéal de liberté la conduit à l’aliénation de son propre corps puisqu’elle finit toujours par devenir dépendante des exigences du proxénète et des fantasmes du client. Le corps féminin est alors une fois de plus réduit au rôle passif d’objet, livré en pâture, emprisonné, abusé.

La prostitution est parfois un choix délibéré, l’adolescente n’ayant pas les moyens économiques de s’assumer. Elle est envisagée comme un moyen facile de gagner sa vie et donc de s’affirmer. Sebbar n’hésite cependant pas à condamner une telle attitude par le biais de l’un ou l’autre de ses personnages. Ainsi l’expression « sac à sperme » utilisée par une amie de Dalila, par sa crudité même, donne une image répulsive de la prostituée. Le corps féminin se transforme en objet rebutant tandis que l’accent est également mis sur le comportement abject du proxénète :

Elle (l’amie de Dalila) ajouta qu’elle n’entretiendrait pas un salaud avec son cul, qu’elle n’était pas « un sac à sperme » et si ça lui arrivait ce serait pour un magot à elle et à personne d’autre. […]. Elle ne pouvait pas les « encadrer ces Arabes qui faisaient marcher leurs sœurs pour leur compte » et il fallait les entendre parler d’Allah, de leur foi…C’est tout juste s’ils ne faisaient pas leurs cinq prières par jour dans le studio de passe de leurs putes14.

C’est à travers des histoires de vie disparates et une multitude de personnages que l’écrivaine brosse le portrait d’une jeunesse féminine déboussolée, que la quête de liberté conduit paradoxalement à la marginalité, à une existence où l’exclusion, la violence et la précarité se vivent au quotidien. Dans Fatima ou les Algériennes au square, le désir d’affirmation de soi débouche presque immanquablement sur la dépendance et/ou l’oppression. Le récit met l’accent sur cette ambivalence entre la quête d’émancipation et l’incapacité à l’atteindre. L’indépendance demeure illusoire et trompeuse dans la mesure où les personnages demeurent prisonniers de leur position d’objet sexuel. L’échec de l’entreprise libératrice signifie l’impossibilité pour la jeune beure d’accéder au statut de sujet puisque même en dehors de la tutelle parentale ou conjugale, elle ne peut échapper à la domination masculine. Pour l’auteure, manifestement, l’oppression de la jeune maghrébine, présentée comme victime d’une violence systémique, est imputable autant à son appartenance de sexe qu’à son appartenance sociale.

Si Fatima ou les Algériennes au square est le récit de la violence corporelle sous toutes ses formes, Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts, roman relatant les aventures d’une jeune fugueuse en quête de liberté et à la recherche de son identité, met par contre l’accent  sur un certain culte du corps. Le roman est celui de la mise en valeur et de l’idéalisation du corps féminin illustrées à travers le narcissisme des personnages et le regard masculin.

Le narcissisme, comme exposition et valorisation du corps, fait partie du processus de construction identitaire du personnage sebbarien. La construction identitaire passe d’abord par une appropriation de l’espace. Dans Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts,  la nécessité de la fugue est une fois de plus affirmée. Cependant, elle n’est plus conçue comme une façon de fuir l’autoritarisme parental mais comme le moyen de se créer son propre territoire, son propre espace en marge de toutes les institutions familiales, étatiques, espace qui reste cependant limité à des lieux symboles de délinquance et de marginalité comme le squat, ou reflets d’un modernisme décadent comme certains salons parisiens.

La construction identitaire passe également par la conscience d’une différence ethnoculturelle fondée sur une identité double, métissée, désormais assumée, valorisée et imposée. Les personnages de Sebbar sont en effet à la croisée de deux mondes : le milieu originel et une société française de plus en plus américanisée. Ce biculturalisme imprègne leurs gestes, leurs comportements. Les tenues vestimentaires, en particulier, sont un mélange harmonieux d’éléments disparates, empruntés à différentes cultures. Ainsi Shérazade apparaît, au début du récit, comme l’image type de la jeune occidentale : « Shérazade, en jean, Adidas et blouson de cuir n’évoquait pas immédiatement les odalisques ou les Algériennes15 ». Ce qui la distingue toutefois est le port d’un foulard arboré traditionnellement par les femmes arabes et dont les couleurs et la texture sont révélatrices d’une certaine esthétique vestimentaire orientale. Ce « foulard à franges brillantes, comme les aiment les Arabes de Barbès et les femmes du bled », elle l’exhibe avec « une sorte de joie perverse16 », dans la mesure où il est la marque de son identité autre et symbole à la fois de sa différence en tant qu’Algérienne mais aussi d’une volonté de rompre l’uniformité de l’habit occidental par la déstabilisation de la conception vestimentaire classique. Le rapport entre apparence et identité est très clair dans le roman. Il est indissociable de l’image que Shérazade entend projeter d’elle-même, celle d’une personne qui réussit à concilier arabité et modernité.

Shérazade aime ainsi, en compagnie de ses amies France l’Antillaise et Zouzou la Tunisienne, amalgamer des effets vestimentaires hétéroclites pour dérouter les Français, amenés à conjecturer à propos d’une identité, d’une nationalité qui ne sont pas toujours faciles à deviner. Cette recherche de l’effet grâce au vêtement entraîne un véritable travail sur les apparences, l’objectif visé étant d’attirer l’attention par une tenue vestimentaire insolite et provocatrice. Le choix des vêtements, des accessoires, la manière de les porter révèlent non seulement la propension à la rébellion et à la subversion des normes mais soulignent également le caractère unique des jeunes filles. Zouzou et France sont ainsi décrites :  

Elles avaient toujours des boucles d’oreilles ou des broches qui attiraient les gens de la mode, des maquillages surprenants, jamais outranciers, qui arrachaient des petits cris d’admiration et de jouissance à tous ceux qu’elles attiraient autour d’elles17.  

L’attention excessive portée au corps débouche très souvent sur l’exhibitionnisme. Se vêtir et se parer est ainsi un acte significatif de différenciation mais surtout une mise en valeur ostentatoire du corps. Des amies de Shérazade, l’auteure nous dit : « Zouzou et France s’habillaient pour qu’on les remarque18 ».  

Le regard de l’autre est un élément essentiel dans la construction sociale du corps. Sebbar, dans Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts, fait fréquemment allusion au regard porté par certains milieux parisiens, qualifiés de « nouvelle bourgeoisie esthète et cultivée19 », sur les jeunes d’origine maghrébine ou africaine. Shérazade et ses amies s’exposent délibérément au regard très voyeuriste de Français en mal d’exotisme, attirés uniquement par la beauté et la sensualité qui émanent des jeunes filles réduites à l’état d’objet que l’on soupèse, que l’on jauge : « On s’approchait des trois et de Shérazade qu’on reniflait20 ». Sebbar démontre, à travers de nombreux exemples, que les jeunes étrangers ne sont acceptés, tolérés que lorsqu’ils séduisent par leur beauté, leur extravagance : « C’était excitant de les avoir et de les regarder21 ».

 L’écrivaine condamne implicitement ces milieux mondains parisiens qui dévoilent un monde amoral, avilissant et artificiel, où les étrangers sont admis « pour le charme et la grâce dont ils savaient user22 » et où les barrières sociales sont abolies le temps d’une soirée : « On n’exigeait d’eux ni cursus universitaire, ni famille honorable23 ». Elle dénonce un comportement hypocrite qui procure l’illusion  d’une égalité et d’une liberté factices mais qui ne fait en fait que conforter l’idée fondamentale d’un racisme toujours présent. Les personnages ne sont cependant pas dupes de la vanité et de la futilité des bourgeois qu’ils côtoient. S’exhiber est, pour eux, une stratégie d’affirmation de soi au sein d’une société hostile, un bouleversement des normes de la société dominante par le corps et les apparences.  Ainsi, « ils n’ont aucune honte à se plier à ce jeu de la séduction dont ils connaissent les règles et les limites24 ». Une amie de Shérazade n’hésite pas à exploiter délibérément son image de femme exotique et voluptueuse en jouant « les héroïnes hollywoodiennes de jungle, brousse et tropiques, revues et corrigées à sa fantaisie de mulâtresse qui cherchait à séduire Paris25 ».

La dénonciation vaut autant pour cette « génération métisse » dont l’existence est marquée par l’artifice et la vacuité, qui n’a pas d’idéal, incapable d’un quelconque enracinement et pitoyable car complètement perdue dans un monde matérialiste où elle espère trouver sa place. D’ailleurs, la caractéristique principale des représentants romanesques de cette génération dans Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts est leur marginalité : marginalité sociale d’une part puisqu’ils vivent dans un squat et assurent leur subsistance par de petits « boulots » provisoires, des hold-up, des braquages, la prostitution, et marginalité fictionnelle d’autre part car ils sont dépourvus d’épaisseur psychologique, leur fonction étant d’illustrer le contenu thématique de l’œuvre. Seule Shérazade, par ses acquis culturels, sa soif de connaissance, son obsession à rechercher son identité arabe, son détachement à l’égard de tout ce qui l’entoure, échappe à la « stéréotypisation ».

Sebbar mentionne à plusieurs reprises dans le roman la fascination quasi-obsessionnelle qu’exerce Shérazade sur les hommes qu’elle rencontre. Son apparition fait aussitôt ressurgir un discours fantasmagorique érotique, lié à une vision sublimée de la femme orientale. Shérazade est, de par son biculturalisme, un être ambivalent qui tient à la fois de l’Orient et de l’Occident. Elle tire son prestige d’abord du contraste qui oppose son prénom aux consonances exotiques à son apparence de jeune Française libérée. C’est d’ailleurs le prénom de la jeune fille qui, dans un premier temps, subjugue Julien, captivé par sa symbolique légendaire :

– Vous vous appelez vraiment Shérazade ?

–  Oui.

–  Vraiment ? C’est… c’est tellement… Comment dire ? Vous savez qui était Shéhérazade ?  

–  Oui.   

–  Et ça ne vous fait rien ?

–  Non.

–  Vous croyez qu’on peut s’appeler Shérazade comme ça ?…

–  Je ne sais pas26.

La couleur des yeux de Shérazade ajoute aussi à la séduction du personnage dans la mesure où, évoquant les odalisques immortalisées par les peintres orientalistes du XIXe siècle, ils sont le reflet d’un Orient lointain et fabuleux, exotique et sensuel. Ils étonnent, troublent, émeuvent, provoquant des réactions incontrôlables. Les gestes sont également révélateurs de l’appartenance à une culture autre. Ainsi, regardant Shérazade nouer son foulard, Julien se rappelle le geste des femmes du village de son enfance en Algérie : « Cette fille le nouait devant lui à la manière des femmes arabes qu’il avait vues chez lui, dans ce petit village d’Oranie27 ». Le geste de la jeune fille attachant son foulard fait ressurgir immédiatement l’image de la femme arabe des toiles orientalistes :

 Elle nouait une dernière fois son foulard et Julien pensa seulement alors au tableau devant lequel il aimait rester debout longtemps. […] ces gestes émurent Julien au point qu’il eut à se retenir au bord de la table28.

Par le biais de Julien, l’auteure ne manque pas de souligner la persistance des fantasmes coloniaux et de stéréotypes réducteurs dans l’esprit de l’homme occidental qui perçoit toujours l’Orientale comme une femme énigmatique et étrange. Le comportement de Julien est symptomatique d’une obsession névrotique qui remonte à son enfance et née de son attirance incontrôlable pour les femmes algériennes. Cet engouement irrépressible explique sa passion pour les tableaux orientalistes, comme en témoignent par ailleurs ces propos du personnage relatant une vente aux enchères : « Je me sentais prêt à acheter n’importe quoi, pourvu qu’il y ait une femme algérienne, une femme arabe29 ».

Shérazade paraît, aux yeux de Julien, la réincarnation matérielle et moderne de l’odalisque, femme orientale toujours représentée à demi nue, en position allongée, évoquant, de par son association au harem, l’interdit, le mystère, l'inabordable et symbole d’un certain laxisme sexuel, et qui personnifie, nous dit Sebbar, « pour les peintres de l’Occident, la nonchalance, la lascivité, la séduction perverse des femmes orientales30 ». L’odalisque est toujours peinte dans une posture équivoque et suggestive, et ses attributs sexuels soulignés par des vêtements qui dévoilent plus qu’ils ne cachent. Shérazade, contemplant L’Odalisque à la culotte rouge de Matisse, remarque « la femme allongée, les seins nus. La culotte bouffante rouge  arrive au-dessus du nombril découvert. La chemise  a glissé sur les cotés et dénudé le torse et le ventre31 ».

Comme les peintres orientalistes, Julien tente de s’approprier Shérazade par le biais de l’image, en la photographiant. La photographie lui semble le moyen d’exercer une emprise sur le personnage en l’emprisonnant dans de multiples reproductions, d’autant plus que Shérazade semble insaisissable. La photographie signifie pour Julien la possession, au moins visuelle, d’un corps qui se dérobe continuellement. Consentante au début, Shérazade refuse bientôt de coopérer, son caractère indépendant l’amenant à se rebeller contre ce qu’elle qualifie d’ « exotisme d’artifice32 ». Julien voit en Shérazade son idéal féminin, l’odalisque sensuelle et soumise. Il a une vision très superficielle de la jeune fille. La personnalité réelle de celle-ci lui échappe totalement, ce qui explique les réticences de Shérazade et son refus réitéré de lui offrir d’elle-même une image séduisante mais fausse. Sa résistance à se faire complice de son propre asservissement explique sa fuite perpétuelle.

C’est une critique de l’exploitation exotique du corps féminin qu’entreprend Sebbar par la mise en relief de l’attitude malsaine de Julien qui, lui-même reconnaît la nécessité d’ « en finir avec ce trouble étrange qui lui faisait battre le cœur33 ». Shérazade ne ressemble en rien à l’odalisque recluse, synonyme d’indolence, de docilité et de sensualité, qui inspira peintres et écrivains du XIXe siècle et qui continue à alimenter les fantasmes de l’Occidental. Shérazade est une rebelle, une fugueuse délinquante, inconsciente de sa beauté et de son pouvoir sur les hommes. Par son attitude, elle annihile les restrictions et l’oppression auxquelles la femme est soumise du fait de sa condition même. Ainsi, la vraie nature de la relation qui la lie à Julien est peu claire mais certains propos, malgré leur ambiguïté, amènent le lecteur à penser que l’héroïne a enfreint le tabou de la virginité, ce qui représente une transgression grave par rapport à un des interdits fondateurs du groupe d’appartenance. Cet écart reflète l’esprit d’indépendance de la jeune fille par rapport à la doxa.

 Moderne et peu conformiste, Shérazade incarne, par sa perpétuelle propension à la transgression, les aspirations d’une génération nouvelle, désireuse d’outrepasser les limites habituellement permises. Forte d’une liberté vagabonde qui ne se conçoit que dans la marginalité, insouciante, insoumise, audacieuse et détachée de tout, elle est l’antithèse de l’Orientale façonnée par le regard occidental et résiste à toute tentative d’appropriation et de modelage. Sebbar, par le biais de son héroïne, combat ainsi les mythes et les fantasmes dépréciatifs qui font de la femme orientale un symbole sexuel.

Fatima ou les Algériennes au square et Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts mettent ainsi en ainsi en relief une révolte qui est un refus de la chosification de la femme. Ils confirment également la rupture de la jeune génération avec son milieu d’origine. L’immigration a en effet rendu problématique la relation intergénérationnelle dans la mesure où elle a généré  une remise en cause du pouvoir et de l’autorité parentaux, avec comme enjeu majeur de ce bouleversement, le contrôle du corps féminin.

Les deux textes mettent particulièrement en avant la déroute des traditions patriarcales et sont un prétexte à la dénonciation d’une réalité sociale effective, celle que vivent les jeunes immigrées, présentées comme des victimes, victimes d’une histoire familiale, d’un idéal de liberté difficile à assumer, de la convoitise des hommes, de leur altérité, et dont le corps idéalisé ou brutalisé n’est jamais perçu autrement que comme objet sexuel. Toutefois, à travers le personnage de Shérazade, qui, par certains aspects peut sembler irréaliste, – en particulier par sa faculté à sortir indemne de situations fort rocambolesques –, l’écrivaine démontre que le corps féminin, s’il est sujet à la domination et à la discrimination, est également porté à la résistance et à la contestation.

Notes de bas de page numériques

1 Leila Sebbar, Fatima ou les Algériennes au square, Paris, Stock, 1981, p. 112.
2 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 145.
3 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 145.
4 Leila Sebbar, Fatima ou les Algériennes au square, pp. 20-21.
5 Pierre Bourdieu. Sociologie de l’Algérie, Paris, P.U.F., 1985, pp. 86-87.
6 Leila Sebbar, Fatima ou les Algériennes au square, p. 67.
7 Ibid., p. 214.
8 Ibid., p. 183.
9 Ibid., p. 186.
10 Ibid., p. 12.
11 Ibid., p. 186.
12 Ibid., pp. 22-23.
13 Leïla Sebbar. On tue les petites filles, Paris, Stock 2, 1978, p. 241.
14 Leila Sebbar, Fatima ou les Algériennes au square, p. 201.
15 Leila Sebbar, Shérazade, dix-sept ans, brune, frisée, les yeux verts, Paris, Stock, 1982, p. 198.
16 Ibid., p. 8.
17 Ibid., p. 122.
18 Ibid., p. 118.
19 Ibid., p. 116.
20 Ibid., p. 123.
21 Ibid., p. 117.
22 Ibid., p. 116.
23 Ibid., p. 116.
24 Ibid., p. 119.
25 Ibid., p. 119.
26 Ibid., p. 7.
27 Ibid., p. 12.
28 Ibid., pp. 12-13.
29 Ibid., p. 98.
30 Ibid., p. 190.
31 Ibid., p. 245.
32 Ibid., p. 75.
33 Ibid., p. 75.

Bibliographie

Textes étudiés :

SEBBAR, Leila, Fatima ou les Algériennes au square, Paris, Stock, 1981.

SEBBAR, Leila, Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts, Paris, Stock, 1982.

Ouvrages consultés :

ABOU, Selim, L’identité culturelle : relations interethniques et problèmes d’acculturation, Paris, Anthropos, 1981.

AFFERGAN, Françis,. Exotisme et altérité : essai sur les fondements d’une critique de l’anthropologie, Paris, P.U.F, 1987.

BAREL, Yves, La marginalité sociale, Paris, P.U.F, 1982.

BERQUE, Jacques, Dépossession du monde, Paris, Seuil, 1978.

BERQUE, Jacques, L’Orient second, Paris, Gallimard, 1970.

BOURDIEU, Pierre, Sociologie de l’Algérie, Paris, P.U.F, 1985.

GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, 1972.

NOIRIEL, Gérard, Le creuset français : histoire de l’immigration, XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1988.

SAID, Edward W, L’Orientalisme : L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980.

SEBBAR, Leïla, On tue les petites filles, Paris, Stock 2, 1978.

Pour citer cet article

Wafae Karzazi, « L’écriture du corps chez Leïla Sebbar », paru dans Loxias, Loxias 22, mis en ligne le 15 septembre 2008, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=2458.

Auteurs

Wafae Karzazi

Wafae Karzazi (wkarzazi@ustboniface.mb.ca) est actuellement professeure au Collège universitaire de Saint-Boniface à Winnipeg (Manitoba, Canada). Elle a enseigné pendant plusieurs années dans des universités marocaines et réintégrera son université d’attache, l’Université Hassan II, (Mohammedia, Maroc), en septembre 2008. Elle a publié des articles sur des auteurs maghrébins comme Assia Djebar, Driss Chraïbi, Leïla Sebbar. Elle s’intéresse à l’ensemble des littératures francophones dans une perspective sociologique inspirée de Pierre Bourdieu et de Jacques Dubois. Elle achève actuellement une monographie sur Leila Sebbar et la marginalisation institutionnelle de l’écrivaine dans les champs littéraires français et francophone.