Loxias-Colloques |  15. Traverser l'espace 

Alessandra Sini  : 

Quand les lieux géographiques et culturels traversent les paysages chorégraphiques

Un regard poïétique sur les pratiques de création de Michele Di Stefano et Fabrizio Favale

Résumé

Les paysages intimes, les expériences de voyage et les lectures d’essais (notamment géographiques et cartographiques) sont à la base des chorétiques de Michele Di Stefano et de Fabrizio Favale. Ces chorégraphes mettent en mots et en gestes la réappropriation fictive des territoires géographiques et culturels qu’ils explorent sur le vif ou par médiatisation. L’intérêt pour les paysages et les cultures extra européennes de Di Stefano s’ouvre, depuis Tourism (2006), à une perspective critique concernant le marché touristique à l’époque de la globalisation. Favale se sert de l’évocation des civilisations géographiquement et temporellement lointaines pour se rapporter aux mythes fondateurs de la culture occidentale à la recherche d’une corporéité archétypale. Au travers d’une approche poïétique, à l’aide des témoignages recueillis et des analyses des enregistrements audiovisuels des pièces de ces chorégraphes, cet article exemplifie les modalités du passage et du partage des espaces littéraires, touristiques et géographiques qui alimentent leurs pratiques artistiques singulières.

Index

Mots-clés : création chorégraphique , Di Stefano (Michele), Favale (Fabrizio), imaginaire géographique, paysage chorégraphique

Géographique : Italie

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

1Michele Di Stefano et Fabrizio Favale sont deux des protagonistes de la transformation de la recherche chorégraphique italienne des années 1990-2000. Dans ce contexte ils ont porté à l’attention de la critique spécialisée et du public une approche novatrice et singulière du mouvement dansé et du format spectaculaire. Le mouvement du danseur et les relations que celui-ci entretient avec les autres éléments constitutifs de la composition chorégraphique tels que le son, l’éclairage et l’agencement de l’espace performatif sont au centre de leurs intérêts artistiques. Cette orientation, qui puise dans la tradition de la post-modern dance américaine1 sans délaisser les expérimentations chorégraphiques de la nuova danza qui ont émergé en Italie pendant les années 19802, prend des trajectoires originales et singulières pour chacun des représentants de cette perspective artistique nommée par ses acteurs danza di ricerca3. Michele Di Stefano et Fabrizio Favale visent à l’élaboration d’une grammaire corporelle qui s’éloigne des techniques de danse apprises lors de leur formation – celles répandues à l’époque dans le milieu chorégraphique italien – afin de transformer les corporéités4 et leur approche cinétique de l’espace d’après un imaginaire créatif personnel. Pour développer leurs pratiques de transmission et rendre en même temps leurs expérimentations accessibles au milieu italien de la danse, ils collectent les images et les imaginaires issus d’expériences personnelles de voyage en les nourrissant de lectures d’essais sur les territoires, les traditions, les us et coutumes et les productions culturelles qu’ils rencontrent.

L’enquête géographique de Michele Di Stefano

2La création en tant qu’enquête géographique, attentive aux paysages et aux cultures non occidentales, est au cœur des pratiques de Michele Di Stefano dès ses premières expérimentations chorégraphiques. Les titres des pièces produites entre 1992 et 1998 sont emblématiques de ce processus : Costadavorio, Burma, Gaiger, Aconcagua, Quartier Mu5. Ces titres évoquent des territoires lointains dans le temps et dans l’espace et convoquent chez le public – qu’il soit informé ou non de ces lieux – un imaginaire personnel. Cette référence géographique est pour le chorégraphe un expédient avec lequel se figurer l’espace et le temps de la danse comme une organisation sociale singulière, et orienter un regard ethnologique sur un groupe allogène d’individus. Ce groupe, c’est celui des performeurs: ce sont leurs comportements et habitudes spécifiques, construits le long du processus de création dans une économie de la contribution, qui sont exposés sur scène au travers d’un système compositionnel particulier. Le chorégraphe conçoit ses dispositifs performatifs en montant des sections différentes, chacune accomplie en soi, où les relations entre les performeurs eux-mêmes et l’espace sont réglées par des tâches spécifiques. À l’intérieur de ces sections, les performeurs ne doivent pas suivre une chorégraphie réglée au détail près, mais ils agissent en situation d’improvisation tout en puisant dans un réservoir gestuel commun. Ils réalisent donc l’hypothèse chorégraphique dans le moment même de la performance, en choisissant leur comportement dans le temps présent des actions. Di Stefano propose au public d’approcher le groupe de performeurs et leurs comportements avec une attitude exploratrice ; le groupe de performeurs est dès lors conçu comme un groupe social, une tribu avec ses habitudes et lois de comportement. Le public est ainsi sollicité à observer un ensemble de personnes, issues de sa propre culture, mais qui devient “autre” par la spécificité que leurs gestes et comportements assument dans leur habitat naturel, voire le contexte performatif.

3Dans l’ébauche d’un texte de présentation de ces pièces, Di Stefano s’exprime en ces termes :

Les chorégraphies6 que nous présentons sont associées à l’idée d’une géographie imaginaire. Elles constituent la tentative de construire un paysage rythmique où l’espace interne au corps, aux corps, trace les coordonnées d’un territoire possible où l’énergie peut s’écouler mystérieusement en étant alimentée par les signes de la danse7.

4Dans un entretien personnel que j’ai eu avec lui en 2006, Di Stefano a rendu explicite la connexion entre sa recherche chorégraphique sur les corporéités et leur comportement sur scène et la Birmanie évoquée dans le titre de la pièce. Il dit :

Burma […] est né de l’amour pour les oscillations des troupeaux d’antilopes, il est né du prétexte d’une collision entre les mots paysage et passage. La donnée géographique n’est qu’un système, une action de classification et de combinaison qui donne des caractéristiques d’information super structurelle à des pulsions suspendues entre chaos et organisation8.

5Le travail quotidien des corporéités est motivé, à même leur gestuelle, par les imaginaires qu’évoquent les dynamiques spatiales et interrelationnelles des groupes d’animaux sauvages. Celles-ci, par libre association, portent le chorégraphe et les performeurs à superposer différents paysages géographiques, parfois très éloignés. Ils peuvent travailler soit sur les déplacements des antilopes du continent africain soit sur l’isolement que les animaux vivent dans les régions arctiques. Ces libres associations permettent une diversification gestuelle et rythmique des propositions cinétiques : les performeurs peuvent s’accorder rythmiquement en proximité l’un de l’autre en gardant une autonomie gestuelle et choisir aussi individuellement une distance par rapport au groupe, qui signalerait une rupture dans le continuum des actions.

6En ce qui concerne le public, la référence géographique que désigne « Burma » – l’ancien nom anglais de la République de l’Union du Myanmar – est une manière d’évoquer un ailleurs spatial et temporel distant dans lequel Di Stefano aurait déplacé les actions et les interrelations des corporéités qu’il met en jeu. En 2006 le chorégraphe précise sa démarche compositionnelle toujours engagée à mettre en valeur « les pulsions suspendues entre chaos et organisation », dans sa pièce de l’époque, Tourism. Il écrit :

Notre pari est qu’un corps ainsi occupé – qui ne renvoie à rien d’autre qu’à la redéfinition constante de ses propres intentions – réussit à accrocher le spectateur et le suspendre dans un ailleurs qui ne serait pas encore connu par la cartographie9.

7Dans la construction de ses pièces, il s’agit toujours pour lui de déterminer le territoire apte à accueillir les matières corporelles qu’il prépare en studio : il s’agit de présenter l’espace-temps des actions et des réactions réciproques des corporéités engagées sur scène. Le territoire de la danse, voire le paysage vécu et perçu, se crée alors lors de la présentation des pièces, au moment où les corporéités redéfinissent leurs « propres intentions », puisque c’est grâce à une combinaison d’improvisations structurées que Di Stefano organise la plupart de ses dispositifs performatifs. À l’aide d’un réservoir gestuel, organisé par une grille de repères spatiaux, relationnels et sonores, les performeurs accomplissent pendant l’événement performatif les instructions qui leur sont données. Le territoire que ces dispositifs mettent en place est un « paysage rythmique », un habitat fréquenté et redéfini grâce aux corporéités qui l’agissent ; cependant cette scène serait un paysage encore non inventorié par la cartographie, un territoire à découvrir.

8Ainsi, afin d’accompagner le public italien – lequel est confronté à un dispositif performatif et à une organisation des corps inhabituels par rapport à ce qu’il reconnaît et nomme « danse » à la fin du 20e siècle –, le chorégraphe introduit une « information super structurelle » : le titre des pièces, les quelques lignes de présentations dans les programmes, occasionnellement des mots projetés ou prononcés pour accompagner les performeurs, tous ces éléments donnent une voie d’accès interprétative aux pièces.

Les paysages chorégraphiques de Fabrizio Favale

9Lors d’un entretien récent publié sur la revue Sipario, Fabrizio Favale explique son point de vue poétique au sujet de la création chorégraphique :

La danse ne raconte pas des choses du monde, mais elle est une manifestation et une façon d’apparaître du corps humain (et de celui de plusieurs autres animaux aussi). Elle abandonne ce qui est mondain grâce à la traversée de toutes les formes [physiques] presque à vouloir se projeter au-delà de celles-ci – ou, on pourrait dire, au-delà des astres 10.

10Dans un texte inédit de 2006, il s’exprimait de la même façon :

Le geste dansé n’a pas de destination ; pour cela il est pur, il ne concerne pas les choses du monde et ses gestes habituels, mais il ouvre à chaque fois à des mondes nouveaux, qui sont faits d’un espace et d’un temps nouveau11.

11Si sa danse ne veut pas s’occuper « des choses du monde », c’est cependant aux civilisations géographiquement et temporellement lointaines qu’il se réfère dans sa démarche artistique afin de proposer sur scène une corporéité archétypale. Avec Ganimede show de 1999 et Prodigio del fellatore de 2002, par exemple, il s’appuie sur les récits mythologiques de la Grèce ancienne et sur les iconographies du Moyen-Orient ; puis, avec le projet triennal Mahâbhârata-episodi scelti (2005-2007) qui renvoie explicitement aux récits de l’épopée indienne, il s’aventure en Orient12. Ce seront par la suite les traditions festives et les paysages naturels de la Grèce, de l’Islande et de la Sardaigne (qu’il découvre lors de ses voyages) qui lui offriront des portes d’entrée visuelles pour alimenter son imaginaire et le transposer dans sa production chorégraphique (Se fossero le Alpi13 de 2009, Cartografia disabitata14 de 2012 et Alberi15 de 2013-2014).

12Il élabore un monde fictif en collectant expériences, visions, lectures, sensations et images hétérogènes du monde ordinaire qu’il sélectionne, assemble et remanie en fonction de la scène. En revenant sur son solo Il gioco del gregge di capre16 de 2009, Favale précise que tout discours qu’il produit sur son activité artistique, qu’il soit emprunté à l’expérience vécue ou littéraire, n’est qu’un support interprétatif pour une vision intuitive et intime qui ne peut se traduire en mots, mais seulement en d’autres images et situations, plus précisément chorégraphiques.

J’ai élaboré les dynamiques des troupeaux de chèvres, des paysages archaïques et paysans que j’ai observés entre l’Italie et la Grèce ainsi que celles que j’ai imaginées. Cependant, il n’est pas possible de distinguer ce que j’ai observé de ce que j’ai imaginé, car avant d’être géographique, un paysage est un paysage de l’âme17.

13Le chorégraphe revient sur l’expression « paysage de l’âme » lors d’un entretien l’année suivante où il précise de quelle manière les paysages et les cultures qu’il fréquente influencent sa production artistique et notamment Alberi, sa pièce de l’époque.

L’Islande a influencé en profondeur plusieurs de mes pièces (probablement toutes) avant même que je m’y rende. Elle a toujours été dans mon monde imaginaire. Chaque paysage avant d’être géographique est un paysage de l’âme. Il n’est donc pas rare de trouver ici l’Islande et ce qui est ici en Islande18.

14Cette attention qu’il porte à la nature végétale et animale lui donne l’élan pour apprendre aux corps à saisir en profondeur les sensations expérimentées en contact avec les éléments de la nature et les reproposer. Il insiste sur ce vécu sensoriel afin d’élargir la sensibilité corporelle à des situations imaginées, telles que celles requises par le projet chorégraphique, et de façonner une mobilité non habituelle aux danseurs. Pendant ses pratiques d’entraînement et de transmission, il insiste sur la création de paramètres posturaux, pondéraux et cinétiques singuliers qui modifient les corporéités de ses danseurs professionnels. Il travaille, par exemple, sur le flux du mouvement continu en essayant de faire émerger une modulation tonique fluide. Les suspensions ou le nouvel élan du mouvement n’arrivent pas où ils seraient attendus, car il force la propagation du flux du mouvement soit au travers d’un excès énergétique, soit en ralentissant l’accomplissement de l’action. La succession des séquences du mouvement résulte ainsi d’une ligne dynamique unique, quoique non pas monotone, où l’acmé cinétique est toujours procrastiné. Un travail spécifique du souffle et sur la propagation de l’impulsion jusqu’aux points plus périphériques du mouvement dilate les gestes dans l’espace.

15Dans le même temps, avec sa pratique chorégraphique Favale façonne les interrelations entre les corporéités et l’espace afin de donner substance à son paysage intérieur. Agissent en ce sens ses stratégies compositionnelles qui superposent objets, accessoires et gestes ordinaires à une pratique gestuelle détaillée et fine, issue de l’expertise du mouvement dansé.

16Pour résumer, le paysage perçu, les traditions festives de différents territoires, les mouvements des animaux et de la nature vont nourrir un paysage imaginaire intérieur – ce que le chorégraphe nomme « paysage de l’âme ». Les pratiques chorégraphiques de Favale, se détachant elles aussi des techniques de danse habituellement répandues sur les scènes nationales, demandent au spectateur une approche immersive, où la mémoire associative et l’imagination personnelle jouent un rôle fondamental pour une réception que le chorégraphe désire singulière.

Stratégies d’interprétation

17Si Di Stefano se sert d’« informations super structurelles » pour orienter l’interprétation du public, Favale utilise ce qu’il appelle une « dramaturgie de la perception19 » en articulant des « stratégies rythmiques et émotionnelles20 » pouvant agir sur l’approche empathique du spectateur. Il écrit :

Dans la contemplation d’un panorama très vaste [voire le paysage sans limites que son projet chorégraphique proposerait], l’on risque le vide. Pour cela, on a parfois besoin d’une « diversion » de l’attention, d’un signe qui permet de ne pas laisser seul le public à la merci de sa propre fantaisie21.

18Ces stratégies varient d’un projet chorégraphique à l’autre. Les titres des pièces, les programmes et les communiqués de presse agissent en ce sens au même titre que pour Di Stefano. Ce qui distingue Favale est par contre, le choix de fournir au public des repères dans l’aménagement visuel des performances. Parfois les éléments à l’œuvre sont assez minimaux, il s’agit de costumes22 et d’accessoires23, en d’autres occasions il utilise plusieurs objets sur la scène (tels que des étendards, des bâtons, des branches vertes, des tissus, des casseroles), installe des écrans où il projette des phrases24, construit des masques et camoufle ses danseurs25. Il juxtapose ainsi à la dramaturgie du mouvement celle du figuratif : les danseurs changent leurs vêtements ou se disposent à introduire, déplacer et construire des objets sur la scène – tel qu’explicité plus haut – en modifiant d’une section chorégraphique à l’autre leur rôle dans l’action performative. L’image de la pièce Alberi de 2014, qui suit, donne un aperçu de la transposition que le chorégraphe fait sur scène des suggestions issues de ses recherches anthropologiques en complément de son imaginaire26.

19Les danseurs se transforment avec des fourrures et des masques en toile de jute en évoquant les personnages mythiques propres à différentes traditions populaires. Dans ces travestissements l’on pourrait reconnaître l’Urs (l’homme-ours habillé avec des fourrures de chèvre) et le Rumit (l’ermite, qui se déguise en arbre avec des branches vertes27) de la tradition du carnaval de Satriano en Basilicate, les Mamuthones de Sardaigne ou encore les Kukeri de Bulgarie. Au-delà de son expérience en Sardaigne, je suppose que Favale a enrichi son imaginaire au travers des images du photographe Charles Fréger qui, à peine quelques années auparavant, avait recueilli les costumes des rituels religieux et païens d’Europe dans sa série Wilder Mann ou la figure du sauvage28 (2012).

20Avec ces images, largement répandues sur internet, Favale entre en relation avec des traditions autochtones liées à un monde rural qui induisent une sensation de distanciation par rapport au présent quotidien. Il incorpore ces images aux éléments hétérogènes qui peuplent son imaginaire chorégraphique afin de mieux cerner la figuration de l’être archétypal qu’il a toujours cherché, loin de vouloir représenter l’homme ordinaire.

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Fabrizio Favale, Alberi 2014, Compagnie Le Supplici, © Cristina Crippi

21Si Favale a puisé son inspiration dans ses expériences de loisirs et de lectures de voyages, Michele Di Stefano décide en revanche d’interroger la culture qui lui appartient et cible sa recherche sur le dévoilement des mécanismes d’homologation de la culture eurocentrée avec une pièce, Tourism, qui représente un tournant significatif de sa poétique. Cette pièce l’amène vers une perspective critique du marché touristique à l’époque de la globalisation en inaugurant une piste de recherche sur la question de la circulation des gens et des savoirs à l’époque postcoloniale29. Tourism a été commanditée par la Biennale de la Danse de Venise de 2006 qui portait sur la recherche neuroscientifique sur le corps humain et sa perception. Pour cela, Di Stefano construit un projet chorégraphique en collaboration avec le philosophe des sciences Stefano Osnaghi sur l’approche de l’individu à ce qui l’entoure30. Le chorégraphe met en acte des stratégies chorégraphiques afin d’expérimenter la perception des variantes interrelationnelles des dynamiques extemporanées accomplies par les performeurs et comprises dans le dispositif performatif. Il expérimente les degrés de connaissance proprioceptive, cognitive et relationnelle auxquels le performeur parvient lors de l’expérience performative. Il met en relation ses intentions chorégraphiques avec l’expérience corporelle partagée avec sa compagnie, car c’est à partir de ce travail d’échange entre sollicitations et propositions que le dispositif performatif prend sa forme.

22L’enregistrement audiovisuel de Tourism31 nous permet d’entrer en relation avec le travail gestuel et interrelationnel qui y est poursuivi. Le chorégraphe introduit la pièce avec ces mots :

Durant le travail préparatoire au spectacle, lorsque les corps cherchaient sans cesse à sortir de leurs schémas de mouvement afin de se disposer à la rencontre avec les autres, a émergé l’image du touriste en tant qu’agent d’un parcours de connaissance socialement assisté et protégé. À bien voir, il s’agit d’une activité [touristique] assez prédéterminée et conditionnée par notre organisation sociale et territoriale. Celle-ci est insérée dans un système de plans et de parcours dont il est de plus en plus difficile de sortir. Ainsi, nous nous mouvons trop souvent pour voir ce que nous connaissons déjà et le fait de reconnaître [quelque chose] est le facteur qui nous donne plaisir. De même, les plans de notre réactivité corporelle répondent principalement à des schémas conditionnés au préalable, cela pour une question d’efficacité certainement, mais par convention aussi. Ces danseurs ne se reconnaissent pas entre eux, ils s’organisent pour se connaître. Pour le faire, ils doivent s’immerger dans le mystère de la fonctionnalité du mouvement et essayer d’en redessiner les bornes de façon à ce que la proximité de l’autre puisse alimenter un dépaysement continu32.

23La réflexion sur le marché des voyages organisés, qui fixe les imaginaires et les attentes des touristes par rapport aux lieux où ils se rendent en empêchant un véritable accès aux cultures puisque l’approche individuelle à l’autre est inhibée, est le point de départ pour un travail sur les dynamiques motrices des corps en relation entre eux. Les capacités cognitives du touriste sont conditionnées par le marché tout comme sa possibilité de profiter d’une expérience de connaissance lors du voyage. En réfléchissant avec Osnaghi sur ce que le philosophe définit comme la proposition « représentationnaliste33 de la conscience, c’est-à-dire l’idée que la conscience s’épuise dans une description mot à mot du monde34 », Di Stefano décide de placer les performeurs dans un environnement vide qu’il faut construire au fur et à mesure des actes d’appropriation de l’espace, hors de constructions imaginatives établies a priori.

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Michele Di Stefano, Tourism 2006, Compagnie MK, © Luca Frontini (dans la photo Biagio Caravano et Laura Scarpini)

Conclusions

24L’approche du mouvement dansé, les sources imaginaires, les pratiques chorégraphiques et les réalisations performatives de Di Stefano et Favale sont assez distinctes, comme mes analyses et les images de leurs travaux le montrent. Cependant, chacun à sa façon vise à manifester la configuration et l’activité des corporéités qu’il forge au travers de sa perspective poétique.

25L’attention qu’ils portent aux aspects anthropologiques des sociétés se décline en différentes facettes : néanmoins, elle nous permet d’associer ces deux chorégraphes et leur parcours artistiques autonomes. Cette prédilection pour les paysages naturels, pour les récits de voyage, pour les interrelations culturelles, puise dans des racines différentes : Favale est captivé par les histoires et les figures archétypales des mythes grecs et indous avec le désir de proposer une nouvelle cosmogonie comme soutien de la société dansante qu’il met à l’œuvre sur la scène ; Di Stefano cherche à nourrir sa chorétique à l’aide des sciences qui concernent la communication non verbale (kinésique et proxémique35) en expérimentant des situations interrelationnelles entre les performeurs.

26Ce qui apparente leurs approches est le fait qu’ils visent à disposer l’environnement spécifique où les corporéités respectives peuvent trouver leur espace d’élection. Leurs pièces différentes représentent des étapes dans leurs parcours artistiques respectifs déployés à partir d’un noyau central que l’on peut déjà identifier aux débuts de leurs recherches et qu’ils n’ont jamais véritablement délaissé.

27En effet, entre 1992 et 1993, Di Stefano esquissait ses intentions programmatiques dans le champ de la danse avec un texte inédit titré « Cartographie rituelle, méthodes de fondation pour la danse contemporaine36 » où il définissait ses objectifs dans ce domaine : établir une pratique de mouvement et de gestion de l’espace-temps performatif où le corps du performeur permet la construction d’un monde à découvrir dans lequel le mouvement même dessine à chaque fois une topographie différente. La scène serait l’espace donné où les comportements déclenchés par les instructions chorégraphiques s’enchaînent. Les performeurs et leurs réactions réciproques seraient les éléments de l’expérimentation à observer.

28En 2013, en reconsidérant son parcours artistique, Favale rédige le scénario pour une lecture performée où, à l’aide d’une voix enregistrée, il explicite sa posture par rapport au milieu de la recherche chorégraphique et montre en solo des extraits issus de ses réalisations performatives. Il explique que sa recherche vise à mettre en évidence un « monde au-delà du monde37 », ce qu’il appelle un « oltremondo », puisque, je le cite :

La danse ne résulte pas du monde que nous percevons, sentons, souffrons, pensons, etc. […] la danse ressemble toujours moins à nous et bien plus à une évocation sans objet. L’évocation d’un ailleurs que nous désirons ardemment, mais dont nous ne connaissons pas la nature38.

29L’approche géographique des deux chorégraphes – l’une conceptuelle pour Di Stefano, l’autre émotionnelle pour Favale – est un expédient plutôt inédit pour traiter du rapport du danseur à l’espace – ce dernier étant une des thématiques centrales de la pratique chorégraphique. Dans les deux cas, ces chorégraphes établissent des paysages personnels avec un acte de fondation qui part de l’activité sensori-motrice du corps et de l’imaginaire qui la soutient. Cet imaginaire interculturel contribue au façonnement des pratiques de transmission et d’incorporation qui marquent de manière unique les corporéités à l’œuvre dans les productions respectives en mettant en évidence la signature chorégraphique singulière à chacun.

Notes de bas de page numériques

1 L’expérience à la Duke University of North Carolina avec Jeff Slayton, danseur de la compagnie Cunningham en 1990 et celle vécue dans le cours de spécialisation en chorégraphie à Reggio Emilia avec Alwin Nikolais, Luise Burns (compagnie Cunningham), Irene Hultman (compagnie Trisha Brown) en 1992 ont marqué la formation en danse de Favale. Des lectures telles que : Ernestine Stodelle, Dance Technique of Doris Humphrey and Its Creative Potential [1965], Princeton, Princeton Book Co Pub, 1990 ; Merce Cunningham, Jacqueline Lesschaeve, The Dancer and the Dance, Londres, EDT, Marion Boyars, 1985, Sally Banes, Terpsichore in Sneakers, the Post-Modern Dance, Hougthon Mifflin Company, 1980 ; Silvana Barbarini, Donatella Bertozzi, New York, nuova danza-new dance, Rome, Di Giacomo, 1982 ; Leonetta Bentivoglio, La danza contemporanea, Milan, Longanesi, 1985, ont influencé l’approche au mouvement de Di Stefano.

2 La chorégraphe Lucia Latour (compagnie Altroteatro) a été pour Di Stefano une figure de référence pendant ses premières années (1992-1998), tandis que Fabrizio Favale a travaillé longtemps (1991-2000) avec la compagnie Virgilio Sieni danza en incorporant le processus de transmission du chorégraphe dont la compagnie prend le nom. Lucia Latour et Virgilio Sieni sont deux des chorégraphes qui ont contribué au développement et à la diffusion de la nuova danza en Italie à partir des années 1980.

3 Il s’agit d’une définition émique, utilisée à l’époque de leurs exordes par les trois chorégraphes concernés : Michele Di Stefano, Fabrizio Favale et moi-même.

4 Le concept de « corporéité » est mis à l’œuvre dans les études en danse par le philosophe Michel Bernard afin de donner sa spécificité au corps travaillé par le mouvement dansé et la création chorégraphique. Michel Bernard, De la création chorégraphique, Pantin, Centre National de la Danse, 2001, p. 17-24. L’acception de ce concept dans les études en danse est bien expliquée par Julie Perrin et Alban Richard : « Le terme “corporéité”, à connotation plastique, entend traduire une réalité mouvante, mobile, instable, traversée de réseaux d’intensités et de forces. On ne peut parler de la pratique du danseur sans évoquer le travail de la sensation qui déborde sans cesse les limites mêmes du corps. Aussi, la corporéité dansante inventée par une œuvre chorégraphique est-elle autant le reflet d’un dialogue avec le lieu que celui d’un certain travail du corps faisant naître une organisation spécifique du danseur et de l’espace ». Julie Perrin, Alban Richard, « Disperse, une chronologie d’évènements spatiaux », 2010, p. 2, accessible sur https://hal-univ-paris8.archives-ouvertes.fr/hal-00793745 (consulté le 12 septembre 2018).

5 Costadavorio (Côtedivoire) est la première expérimentation chorégraphique de Di Stefano. Elle sera jouée seulement une fois en 1992 par un groupe de performeurs non encore professionnels à l’époque. Burma (1993) est une pièce pour six performeurs. Gaiger, pour quatre performeurs, créée en 1994 était conçue en tant que projet site specific pour le musée du Palais de la Dogana dei Grani à Atripalda (Avellino). Elle a évolué au fur et à mesure des occasions performatives. Aconcagua, conçu en tant que trio en 1994 est une pièce transformée en duo en 1997. Quartier Mu est une pièce de 1995 originairement pour quatre danseurs, elle sera remaniée pour devenir un duo joué en 1998 par le chorégraphe même et Biagio Caravano lors de la constitution de la compagnie MK.

6 Le pluriel est justifié par le fait que cette note est écrite pour la possible présentation d’Aconcagua et de Quartier Mu dans la même soirée. Pourtant la note réunit dans une seule argumentation les deux pièces qui d’ailleurs se distinguent radicalement quant à la mise en scène et aux choix gestuels et relationnels des performeurs.

7 Di Stefano Michele, notes de Quartier Mu, 1995. Archive privée du chorégraphe. « Le coreografie che presentiamo sono collegate all’idea di una geografia immaginaria, sono cioè il tentativo di costruire un paesaggio ritmico in cui lo spazio interno del corpo, dei corpi, tracci le coordinate di un territorio possibile, dove l’energia possa fluire misteriosamente alimentata dai segni della danza ». Toute traduction de l’italien est aux soins de l’auteure.

8 Conversation personnelle en 2006 transcrite dans les annexes de mon mémoire de maîtrise : Alessandra Sini, Dopo la nuova danza. Modalità fuori formato nella coreografia italiana contemporanea, maîtrise en Arts et Sciences du Spectacle, dirigée par Luisa Tinti, Università degli Studi La Sapienza, Rome, année 2005/2006, p. 198. « Burma […] è nato da un amore per le oscillazioni dei branchi di antilopi, è nato sulla pretestuosa collisione tra le parole paesaggio e passaggio. Il dato geografico è dunque soprattutto un sistema, un’azione classificatoria e combinatoria, che conferisce caratteristiche di informazione sovrastrutturale a pulsioni sospese tra caos e organizzazione ».

9 Michele Di Stefano, notes de présentation pour Tourism sur le site de la compagnie : www.mkonline.it/Archivio/Archivio.html# (consulté le 12 septembre 2018). « La nostra scommessa è che un corpo così occupato – che non rimanda ad altro se non alla propria continua ridefinizione di intenti – possa agganciare lo spettatore, tenerlo sospeso in un altrove non ancora riconosciuto dalla cartografia ».

10 Fabrizio Favale, in Michele Olivieri, « Intervista a Fabrizio Favale », Sipario, [en ligne] 2018, accessible sur http://sipario.it/attualita/dal-mondo/item/11268-intervista-a-fabrizio-favale-a-cura-di-michele-olivieri.html (consulté le 8 juin 2018). « Per me la danza non narra delle cose del mondo, ma è una manifestazione e un modo dell’apparire del corpo umano (ma anche di molti altri animali), che abbandona la mondanità mediante l’attraversamento di tutte le forme, per scagliarsi al di là, verso gli astri, potremmo dire ».

11 Fabrizio Favale, texte inédit, 2006, document numérique, archive privée du chorégraphe. Il s’agit probablement d’une première ébauche de son article « Tra panico e meraviglia » édité en 2006 sur le numéro 73 de la revue Lo straniero, où ces lignes n’apparaissent pas. « Il gesto danzato è senza destinazione, per questo è puro, non è applicato alle cose del mondo e ai suoi gesti abituali, ma apre ogni volta nuovi mondi, fatti di nuovo spazio e nuovo tempo ». Je souligne.

12 Pour un approfondissement de ce projet, je renvoie à mon article « L’archaïsme fécond dans la recherche gestuelle de Fabrizio Favale : Mahâbhârata-Episodi scelti (2005-2007) », Loxias-Colloques, [en ligne] 2016, accessible sur http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=862

13 En revenant sur les intuitions initiales de Se fossero le Alpi (Si c’étaient les Alpes, pièce présentée seulement le 12 et 13 décembre 2009 dans la programmation du théâtre San Martino à Bologne), le chorégraphe décrit le moment où l’idée du titre de la pièce lui est arrivée : « Le titre même du projet prend son origine dans l’association de deux paysages lointains. L’idée de la pièce naît dans un contexte complètement étranger à celui alpin : j’étais sur le bateau qui relie Pozzuoli à Ischia, ce jour-là le ciel était tellement chargé de nuages qu’on ne pouvait pas distinguer l’horizon. J’avais l’impression d’être immergé dans une masse grise sans bornes. Cependant, une mince ouverture laissait passer un rayon de soleil qui se reflétait de façon extrêmement intense sur la mer. Cela m’a rappelé l’éclat de la neige et de la glace en montagne. Ainsi, je me suis demandé : et si c’étaient les Alpes ? Voici d’où vient le titre du projet. En réalité, Se fossero le Alpi ne naît pas à l’impromptu, il est une sorte d’éclosion d’un processus très lent ». Fabrizio Favale, in Alessandra Cava, « Il corpo e il paesaggio. Conversazione con Fabrizio Favale », Culture teatrali. Studi interventi e scritture sullo spettacolo, 2009, p. 1-2 [en ligne]. Accessible sur http://www.cultureteatrali.org/images/pdf/Favale_intervista.pdf (consulté le 26 mars 2018).

14 Cartografia disabitata (Cartographie inhabitée) est une pièce pour cinq danseurs, elle réunit des matériaux chorégraphiques repris d’Un ricamo fatto sul nulla avec de nouvelles sources imaginatives issues de la lecture des œuvres du cartographe Gian Domenico Cassini (1625-1712) spécialiste en astronomie.

15 Alberi (Arbres) est une pièce qui a été développée en 2013 en tant qu’introduction au projet (jamais concrétisé) The Invisible Season – Traces Experiment qui devait se construire au travers d’expérimentations performatives différentes. Les expérimentations réalisées n’ont conduit qu’à la forme théâtrale définitive d’Alberi en 2014 pour Danae Festival à Milan.

16 Il gioco del gregge di capre (Le jeu du troupeau de chèvres) est un bref solo de 2009 qui se base sur les mouvements des troupeaux d’animaux observés en Grèce sur le flanc d’une colline, que le chorégraphe incorpore et combine aux gestes ultérieurement alimentés par son imaginaire. Cette pièce a intégré la structure chorégraphique de Se fossero le Alpi.

17 Fabrizio Favale, Fantasmata, 2013, scénario de la lecture performée. Document numérique, archive privée du chorégraphe. « Ho elaborato le dinamiche osservate, ma anche immaginate, nei greggi di capre, in paesaggi arcaici e contadini, fra l’Italia e la Grecia. Ciò che ho osservato e ciò che ho immaginato non è però distinguibile, perché un paesaggio, prima d’essere geografico, è un paesaggio dell’anima ».

18 Fabrizio Favale, in Lisa Cadamuro, « Conversazione con Fabrizio Favale » [en ligne], accessible sur http://www.nidplatform.it/intervista/conversazione-con-fabrizio-favale/ (consulté le 12 septembre 2018). « L’Islanda ha profondamente influenzato molti di miei lavori (forse tutti), perfino da prima che la visitassi. Nel mio mondo immaginativo c’è sempre stata. Ogni paesaggio prima d’essere geografico è un paesaggio dell’anima. Non è dunque raro trovare l’Islanda qui e il qui in Islanda ». Le mot « ici » dans ce contexte me questionne : est-ce que le chorégraphe l’utilise en se référant à l’Italie ? À ses pièces en général ou à la pièce Alberi en particulier ? Probablement Favale se réfère à la pièce Alberi qui est au cœur de l’interview dont la citation est extraite, mais le fait même qu’à distance d’une année il utilise la même formule verbale pour proposer la question du paysage de l’âme montre que celle-ci est centrale dans tout son processus chorégraphique.

19 Fabrizio Favale in Jacopo Lanteri, « Il mito, la danza e l’impossibilità di tradurre. Conversazione con Fabrizio Favale/Le supplici », Art’O, n° 22, hiver 2006-2007, p. 44. « Drammaturgia della percezione ».

20 Fabrizio Favale in Jacopo Lanteri, « Il mito, la danza e l’imposibilità di tradurre », Conversazione con Fabrizio Favale/Le supplici », Art’O, n° 22, hiver 2006-2007, p. 44. « Strategie ritmiche ed emozionali ».

21 Fabrizio Favale in Jacopo Lanteri, « Il mito, la danza e l’imposibilità di tradurre », Conversazione con Fabrizio Favale/Le supplici », Art’O, n° 22, hiver 2006-2007, p. 44. « Nella contemplazione di un panorama vastissimo si rischia il vuoto, per cui ogni tanto c’è bisogno di una “sterzata” della direzione dell’attenzione, di un segno che permetta di non lasciare completamente il pubblico in balia della propria fantasia ».

22 Favale habille les danseurs de Prodigio del fellatore (2003) avec des tuniques du Moyen-Orient qu’il avait achetées lors d’un de ses voyages.

23 Par exemple, Favale utilise des chapeaux, des bandes en tissu, des couettes dans la pièce IIH (2002) et des couronnes en papier, des manteaux, des bracelets en laine dans la pièce Se fossero le Alpi (2010).

24 La conception chorégraphique du projet triennal Mahabharata-episodi scelti (2005-2007) s’appuie sur la construction d’espaces grâce à la présence et l’interaction des danseurs avec ces nombreux éléments scéniques.

25 Dans la pièce Ossidiana de 2015, le chorégraphe dispose la construction d’un masque et d’un vêtement fabriqués avec des matériaux recueillis en Islande pour donner forme à une sorte de figure totémique.

26 Un extrait du spectacle est consultable sur https://vimeo.com/70547763.

27 Ces masques, l’Urs et le Rumit ont changé de signification après la deuxième Grande Guerre. Au lieu de représenter les figures connexes avec la nature qui appartiennent au rite arboré ancestral de Satriano assez peu étudié, elles représenteraient le paysan émigré qui revient au pays d’origine après avoir trouvé sa fortune ailleurs (Urs) et celui qui en revanche, en restant au pays près des traditions agricoles, est pauvre et a besoin du soutien de la communauté pour vivre. Plus récemment le Rumit est associé au message écologiste qui voudrait rétablir un rapport ancestral et plus proche avec la terre.

28 Pour l’approfondissement du projet, voir www.charlesfreger.com

29 Avec notamment : Comfort de 2008, Il giro del mondo in 80 giorni et Quattro danze coloniali viste da vicino de 2011.

30 Stefano Osnaghi, « Complementarity: a road towards semantic inferentialism » in Jan Faye, Hanry J. Folse (dir.), Niels Bohr and the Philosophy of Physics: Twenty-First Century Perspectives, Bloomsbury Publishing, Londres-New York, 2017, pp. 155-178.

31 Un extrait vidéo de la pièce est consultable sur http://www.mkonline.it/video_Tourism.html

32 Michele Di Stefano, Tourism, 2006, texte de présentation de la pièce sur le site de la compagnie, www.mkonline.com/Archivio/Archivio.html (consulté le 12 septembre 2018). « Durante il lavoro preparatorio dello spettacolo, mentre i corpi cercavano incessantemente di uscire dai propri schemi di movimento per rendersi disponibili all'incontro con gli altri, è emersa infatti l'immagine del turista come agente di un percorso di conoscenza socialmente assistita e protetta. A ben veder si tratta di un’attività assai predeterminata e condizionata dalla nostra organizzazione sociale e territoriale, immessa com’è in un sistema di mappe e percorsi dai quali è sempre più difficile uscire, per cui troppo spesso ci muoviamo per vedere ciò che conosciamo già e in questo riconoscere ricaviamo il nostro piacere. Analogamente, le mappe della nostra reattività corporea rispondono perlopiù a schemi preconfezionati, condizionati sì dall'efficienza ma anche dalla convenzione. Questi danzatori non si riconoscono tra loro ma si organizzano per conoscersi; per farlo, devono immergersi nel mistero della funzionalità di movimento e provare a ridisegnarne i confini di modo che la vicinanza dell’altro possa costituire motivo di continuo spaesamento».

33 Pour la définition de représentationnalisme, voir Bruno Ambroise, « La pensée sans ombre : Ch. Travis, critique wittgensteinien du représentationnalisme », communication pour le Séminaire “Usages de Wittgenstein” Bruno Ambroise : Contextualisme et anti-représentationnalisme : usages de Wittgenstein par Charles Travis, avril 2009, Paris, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00528022 (consulté le 12 septembre 2018).

34 Stefano Osnaghi cité dans le catalogue du festival Santarcangelo, « MK. Turismo e apprendimento », Santarcangelo 2006, scritti sulla contemporaneità : « rappresentazionalista della conoscenza, cioè l’idea che la conoscenza si esaurisca in una descrizione termine a termine del mondo ».

35 Diffusées pendant les années 1970 dans le champ des études anthropologiques et sémiotiques à la suite des recherches d’Edward T. Hall et de Ray Birdwhistell respectivement, la proxémique et la kinésique ont renouvelé l’approche à la communication non verbale et aux dynamiques interculturelles.

36 Michele Di Stefano, « Cartografia rituale, metodi di fondazione per la danza contemporanea », 1992-1993, archive privée du chorégraphe.

37 Favale utilise le mot « oltremondo » dans le scénario pour la lecture performée Fantasmata. Fabrizio Favale, Fantasmata, 2013, scénario de la lecture performée, document numérique, archive privée du chorégraphe.

38 Fabrizio Favale, Fantasmata, 2013, scénario de la lecture performée. Document numérique, archive privée du chorégraphe. « il mondo che ci indica la danza non è più la risultanza del mondo che percepiamo, sentiamo, soffriamo, pensiamo ecc.  […] la danza somiglia sempre meno a noi e sempre più a un evocare che non ha oggetto. Un evocare un altrove che desideriamo ardentemente, ma che non sappiamo cos’è ».

Pour citer cet article

Alessandra Sini, « Quand les lieux géographiques et culturels traversent les paysages chorégraphiques », paru dans Loxias-Colloques, 15. Traverser l'espace, Quand les lieux géographiques et culturels traversent les paysages chorégraphiques, mis en ligne le 05 décembre 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1421.


Auteurs

Alessandra Sini

Alessandra Sini est chorégraphe et doctorante en danse à l’Université Côte d’Azur de Nice sous la direction de Marina Nordera. Diplômée de l’Académie Nationale de Danse de Rome, elle obtient sa maîtrise en Arts et Sciences du Spectacle à l’Université La Sapienza de Rome. Son travail porte sur les pratiques chorégraphiques et sur les transformations des corporéités dans la recherche chorégraphique italienne récente (1995-2010). Elle met en œuvre une approche de l’histoire de la danse, de la performativité et de l’esthétique des arts contemporains dans une perspective transdisciplinaire qui enquête sur les pratiques artistiques. Elle s’occupe des activités pédagogiques et de spectacle de la compagnie Sistemi dinamici altamente instabili en Italie. Ses publications récentes sont : « Analyse des pratiques de transmission et d’incorporation lors d’une expérience de recherche chorégraphique », Recherches en danse, n° 5, 2016 ; « L’archaïsme fécond dans la recherche gestuelle de Fabrizio Favale : Mahâbhârata-episodi scelti (2005-2007) », Loxias-Colloques [en ligne], 2016 ; « Pratiche di sopravvivenza e di dissoluzione. Una testimonianza sulle possibilità di ripresa nelle pratiche coreografiche di Altroteatro e Sistemi dinamici altamente instabili », Danza e Ricerca. Laboratorio di studi, scritture, visioni, n° 7, 2015.

Université Côte d'Azur, CTEL