Odile Gannier


Odile Gannier est professeur de littérature générale et comparée à l’Université Côte d’Azur, CTEL, co-responsable de l’axe « Écritures de l’altérité et de la singularité » et dans la MSH Sud-Est du thème « Discours du voyage ». Elle travaille sur la littérature de voyage, la littérature maritime, les littératures insulaires et l’anthropologie culturelle. Outre de nombreuses contributions, elle a publié La Littérature de voyage (2001, rééd. 2016), Les Derniers Indiens des Caraïbes (2005), Le Roman maritime. Émergence d’un genre en occident (PUPS, 2011) ; elle a co-dirigé des collectifs commeVariations et répétitions dans le récit de voyage (L’Analisi litteraria e linguistica, 2020), Écrire le voyage centrifuge : actualité de la littérature migrante (L’Entre-deux, 2020), Lieux de mémoire et océan. Géographie littéraire de la mémoire transatlantique aux XXe et XXIe siècles (Classiques-Garnier, 2022), Frontières de la définition dans le récit de voyage (Classiques-Garnier, avril 2023). Elle a aussi co-édité Le Voyage du capitaine Marchand (1791) : les Marquises et les Îles de la Révolution (Au vent des îles, 2003), ainsi que le Journal de bord d’Étienne Marchand. Le Voyage du Solide autour du monde (1790-1792), (CTHS, 2005).

Articles de l'auteur


Loxias-Colloques | 4. Camus: "un temps pour témoigner de vivre" (séminaire)

Poétique des lieux : Camus, ancrages et voyages

Les textes des Carnets, des Journaux de voyage, ou les Premiers écrits d’Albert Camus sont restés un peu ignorés par la critique. Or s’y démontrent l’influence de Gide et surtout celle de Jean Grenier, particulièrement manifeste dans Les Îles : Camus y puise une certaine attitude face au monde, un ancrage dans des paysages privilégiés, une appréhension attentive de la nouveauté. Dans les récits de voyage qui suivront, cette poétique des lieux déjà en germe dans les Carnets et les Journaux de voyage se manifeste ensuite dans les textes plus élaborés, comme Noces, L’Été, L’Exil et le Royaume ou « Pluies de New York ».

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Loxias-Colloques | 6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900

L’expédition Baudin et les instructions « anthropologiques » : de la physionomie aux sciences humaines ?

Les instructions du voyage de Baudin concernant les sciences de l’homme ont été rédigées d’une part par Cuvier (« Note instructive sur les recherches à faire relativement aux différences anatomiques des diverses races d’hommes »), et de l’autre par De Gérando (« Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages »). Dans les deux cas, ces indications émanaient de la Société des observateurs de l’homme et s’adressaient à des hommes de science. Dans les descriptions faites par Baudin, Bory de Saint-Vincent ou Péron, ces instructions ont-elles eu un impact, induit un bouleversement des regards, une approche systématique plus scientifique ? François Péron avait proposé lui aussi, dans le but d’être recruté pour cette expédition, un programme d’« Observations sur l’anthropologie ou l’histoire naturelle, la nécessité de s’occuper de l’avancement de cette science, et l’importance de l’admission sur la flotte du capitaine Baudin d’un ou de plusieurs naturalistes, spécialement chargés des recherches à faire sur ce sujet. » Il s’agissait alors bien davantage de procéder à des mesures, des observations de la « physionomie », morphologiques et anatomiques, en relation avec le climat et les modes de vie. Ces théories anciennes étaient sous-tendues par les principes des idéologues de leur époque. Cependant, dans cette « anthropologie » des individus et des groupes humains, on essaie de déterminer la part de la morphologie et de l’écologie (comme s’il s’agissait d’espèces animales, ce qui peut conduire à des considérations raciales) – autrement dit de la nature –, et la part de ce qui devait s’appeler l’ethnologie, susceptible de conduire à la connaissance des différentes sociétés humaines – la culture.

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Loxias-Colloques | 9. Entre Haïti et ailleurs. Louis-Philippe Dalembert

Retour au « pays-temps » de Grannie
(Louis-Philippe Dalembert, Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, L’Autre Face de la mer, Les dieux voyagent la nuit)

L’œuvre de Louis-Philippe Dalembert est pour une grande part narratologiquement orientée vers la réactivation d’un « pays-temps » (Les dieux voyagent la nuit, 29) qui donne vie à un lieu en partie réel, en partie fictionnel, Port-aux-Crasses ou Salbounda (alternant dans Le Songe d’une photo d’enfance), hanté par la présence de la grand-mère. Ce n’est pas pour autant toujours le lieu de l’enfance puisqu’il s’agit, pour le narrateur, d’y retrouver son être propre dans un autre contexte. Comme pour l’enfant dans Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, l’histoire est dans le rétroviseur – comme un souvenir est derrière soi, sans doute ; mais seule l’attention que l’on y porte permet de continuer à se conduire dans le présent et aller de l’avant. Grannie est restée sur place (le narrateur lui tient compagnie jusqu’à la fin dans L’Autre Face de la mer), elle fait toujours partie de l’univers du narrateur dans Les dieux voyagent la nuit et ce n’est qu’en la ressuscitant que le héros peut expliquer sa personnalité présente. Les récits ne sont donc pas des souvenirs d’enfance, au sens d’un passé révolu, mais l’enrichissement de la personne des multiples histoires qui le composent.

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Loxias-Colloques | 10. Figures du voyage

Figures et représentation du monde

“Du point de vue strictement littéraire, le récit de voyage peut s’identifier plus immédiatement par sa thématique ou les conditions de sa rédaction, que par un ensemble de caractéristiques d’écriture qui seraient définitoires du genre. Autrement dit, un voyage se reconnaîtrait d’abord à son objet : un pays, un itinéraire, des impressions – tandis que la forme serait secondaire et contingente. La relation de voyage peut aussi entrer dans des cadres génériques plus précis, comme un compte rendu éphéméride itinérant suivant une ligne narrative chronologiquement fluide. La caractéristique du voyage est de renvoyer à une réalité existante (ou prétendument existante), la relation se fixant pour tâ...”

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"J’en aime la battologie…". Figures de répétition et légitimation auctoriale

Par nature un récit de voyage, passé le premier temps des découvertes, use de la répétition : répétition liée à la fréquence du carnet de notes ou du journal de bord ; au passage dans des lieux déjà décrits, ce qui implique citation et renvois ; au « second voyage », entre autres motifs de répétition. Cette obligation de répétition peut aussi prouver le sérieux ou la véracité. Dans ce schéma contraint, comment se démarquer ? Comment éviter l’ennui et le plagiat ? Comment parer à la reprise des stéréotypes ? La variatio peut passer par les ressources stylistiques permettant d’éviter la reprise formelle, mais aussi par l’exagération, l’humour, et le pied de nez…

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Loxias-Colloques | 12. Le Diversel
Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre dans la fiction caribéenne contemporaine
 | "L'intraitable beauté" du Diversel

Les hommes qui parlaient au vent, aux arbres et aux pierres : Romancero aux étoiles (J.S. Alexis), Rosinha, minha canoa (J. Mauro de Vasconcelos), L’empreinte à Crusoé (P. Chamoiseau) ; et Derek Walcott

La fable semble être réservée à l’enfance, comme le conte merveilleux. Or la littérature caribéenne ou brésilienne s’accommode fort bien du merveilleux, de cette fiction assumée qui ne s’embarrasse même pas du souci d’être vraisemblable, un réel qui se satisfait de sa seule apparence et qui redonne une vie autonome aux éléments, aux choses, aux animaux, qui existent sans les hommes mais que ceux-ci peuvent entendre, s’ils ont l’oreille universelle, à l’écoute du « diversel ». Dans Romancero aux étoiles, c’est le Vieux Vent Caraïbe qui est la mémoire des îles, Rosinha, le canoë qui parle, détient la vérité contre la folie des hommes, et ne se fait connaître que de Zé Oroco ; Crusoé doit entendre le monde pour survivre. Le rapport au monde qui est réputé inanimé dévoile bien des perspectives « alternatives » qui ne sont pas réservées à l’enfance. La philosophie en est tirée par exemple dans « L’Atelier de l’empreinte » : « pas d’existence sans l’expérimentation permanente d’une infinité de possibles. […] C’est dans ses rapports à l’impensable et à l’impossible que toute pensée trouve sa vibration et sa justesse la plus profonde. »

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Loxias-Colloques | 13. Lettres d'exil. Autour des Tristes et des Pontiques d’Ovide

Lettres d’exil.

“Le 7 et 8 mars 2019 un groupe de chercheurs très aguerris provenant de différentes universités françaises et italiennes s’est réuni à Nice, à la double invitation du CTEL et du CEPAM, pour parler de l’un des poètes les plus intéressants, les plus fascinants et les plus controversés de l’Antiquité. Nous avons voulu célébrer en fait le bimillénaire de la mort d’Ovide par un colloque international, « Lettres d’exil. Autour des Tristes et des Pontiques d’Ovide », ne se limitant pas à explorer une partie de sa production poétique, mais s’étendant aussi à quelques étapes de sa réception dans les littératures européennes. « Exulis haec vox est… » Les Tristes et les Pontiq...”

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Loxias-Colloques | 13. Lettres d'exil. Autour des Tristes et des Pontiques d’Ovide | Traductions, adaptations et réécritures

Lettres d’exil : un long chemin des Tristes et des Pontiques, d’Ovide à Marie Darrieussecq

L’étude comparée des traductions des Tristes et des Pontiques montre l’évolution de la lecture de ces textes longtemps peu goûtés sur un plan stylistique mais bien connus comme modèle littéraire des plaintes des bannis. L’adaptation de Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, permet aujourd’hui, malgré son apparente désinvolture, de redécouvrir le sens profond de ces lettres d’exil. Le délaissement qui le frappe engage Ovide à une nouvelle formule poétique que les admirateurs de son ancienne manière n’ont en effet plus reconnue. Mais les lecteurs y ont trouvé une inspiration qui s’est progressivement amplifiée au point de susciter plusieurs réécritures. The comparative study of the translations of Tristia and Epistulae ex Ponto shows the reading of these texts is submitted to variations: for a long time, they had little success due to their style, but were well known as a literary model for complaints of banished writers. Marie Darrieussecq's adaptation, Tristes Pontiques, makes it possible today, despite its apparent casualness, to rediscover the profound meaning of these letters of exile. Neglected as he is, Ovide had to create a new poetic formula that readers fond of his previous style have no longer recognized. But concerned readers liked this particular way of writing and gradually used Tristia as a basis for rewriting.

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Loxias-Colloques | 14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance

Tolérance(s)

“Ce numéro spécial correspond à la publication d’une journée d’études qui s’est tenue à la MSHS-SE de Nice le 28 juin 2019 et qui s’intéressait aux Regards croisés sur la tolérance. La journée s’inscrivait dans un programme de recherche plus vaste, associant plusieurs laboratoires d’Université Côte d’Azur (BCL, CTEL, CMMC, URMIS), l’Université de Stockholm et la Fondation Nobel de Stockholm ; plusieurs chercheurs en littérature et sciences humaines y ont analysé le concept de tolérance, ses évolutions au fil du temps et certaines de ses applications dans différents espaces d’Europe et d’ailleurs. Cette journée marquait ainsi le point de départ d’une série d’événements scientifiques consacrés ...”

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Marges de tolérance : pourparlers aux frontières de l’Intangible et du Négociable

La tolérance peut se définir comme l’« État d’esprit de quelqu’un ouvert à autrui et admettant des manières de penser et d’agir différentes des siennes » (cnrtl), qui suppose l’acceptation de ce que l’on pourrait éventuellement empêcher ; c’est-à-dire comme une qualité positive (ou passive). Or l’étymologie du mot renvoie plutôt à l’endurance, qui suppose que l’on accepte une gêne, un poids : ainsi – au lieu de s’ouvrir généreusement à l’autre – on consent à prendre sur soi, à supporter de voir son propre domaine envahi, ses convictions bafouées, ses certitudes ébranlées, son confort menacé. On peut émettre l’hypothèse qu’il en va ainsi des opinions d’autrui : elles ne sont acceptables que dans la mesure où elles ne remettent pas fondamentalement en cause les siennes propres. De la sorte, la tolérance connaît sa ligne de frontière entre ce qui est négociable (où les pertes sont négligeables) et l’intangible, qui constitue le noyau dur des convictions personnelles ou communautaires. La tolérance cesse lorsque l’on se place en situation de défense de sa propre forteresse investie (avec ses valeurs individuelles ou collectives). Il peut en aller ainsi de la réaction du voyageur surpris par l’altérité : il « tolère » tant que son intégrité n’est pas menacée. On pourra s’appuyer dans un premier temps sur l’opposition entre Thevet et Léry tous deux outre-atlantique vers 1550, face à un peuple de Tupinambas un peu cannibales… Tolerance can be defined as the "state of mind of someone who is open to others and admits ways of thinking and acting that are different from his own" (cnrtl), which implies the acceptance of what could possibly be prevented; i.e., as a positive (or passive) quality. However, the etymology refers to endurance, which implies that one accepts an embarrassment: to see one's own domain invaded, one's moral comfort threatened. Opinions of others are only acceptable if they do not fundamentally challenge one's own. In this way, tolerance lies within a boundary line between what is negotiable (where losses are negligible) and what is intangible, which constitutes the hard core of personal or community convictions. This may be the case for the traveller's reaction surprised by otherness: he "tolerates" as long as his integrity is not threatened. We will study the opposition between Thevet and Léry, both in America around 1550, among the Tupinambas.

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Loxias-Colloques | 19. Autour d’Henri Bosco : voyageurs et expatriés en Afrique du nord. Textes et images

« Guide pour le voyageur », « Un guide pour celui qui sait ». Edith Wharton, Voyage au Maroc (1920), Henri Bosco, Des sables à la mer (1950)

Plusieurs voyageurs, militaires ou fonctionnaires coloniaux, ont décrit le Maroc entre la fin XIXe et 1950. Leurs descriptions ont servi de compte rendu de leurs activités et de référence aux voyageurs qui ont marché sur leurs traces. Charles de Foucauld (Reconnaissance au Maroc, 1888), Pierre Loti (Au Maroc, 1890) René de Segonzac (Au cœur de l’Atlas. Mission au Maroc, 1904-1905, 1910) Edmond Doutté (En tribu. Missions au Maroc, 1914), Augustin Bernard (Le Maroc, 1916), par exemple, sont cités par la voyageuse Edith Wharton (1862-1937), invitée dans ce pays par le général Lyautey en 1917. Elle « commence ce livre en affirmant qu’il n’existe pas encore de guide du Maroc », et racontant son propre périple, elle se propose aussi de procurer des éléments d’art, d’histoire, de géographie, et en quelque sorte de servir de guide de voyage culturel à son tour. C’est l’occasion pour elle de réfléchir aussi au processus de colonisation selon son regard de voyageuse. Ce point de vue porté sur un itinéraire rapide est nécessairement différent chez Henri Bosco (1888-1976), dans les Pages marocaines, publiées en 1948 et reprises chez Gallimard en 1950 sous le titre Des sables à la mer : il y présente des réflexions poétiques sur le Maroc où il a longtemps vécu, en y marquant en particulier sa méfiance vis-à-vis du touriste. « Guide pour le voyageur », « Un guide pour celui qui sait » sont deux chapitres du volume : mais ils sont aussi représentatifs de ce genre hybride, cette forme d’essai à tendance lyrique que peut prendre la relation de voyage lorsqu’elle est inspirée par ce que la critique appellera ensuite la « géopoétique ». Dans les deux cas, les récits illustrés (photographies ou dessins) montrent leurs auteurs en correspondance avec les paysages, respectueux des habitants, et désireux de conserver au Maroc son authenticité : même si Wharton chante les louanges de Lyautey, dans le contexte de l’affrontement avec l’Allemagne, on comprend que l’emprise coloniale – qu’elle s’exprime par la force, l’organisation ou le tourisme – n’est pas le meilleur moyen d’y parvenir. Several travellers, military or colonial officials, described Morocco between the end of the 19th century and 1950. Their descriptions were used as an account of their activities and as a reference for the travellers who followed in their footsteps. Charles de Foucauld (Reconnaissance au Maroc, 1888), Pierre Loti (Au Maroc, 1890) René de Segonzac (Au cœur de l'Atlas. Mission au Maroc, 1904-1905, 1910) Edmond Doutté (En tribu. Missions au Maroc, 1914), Augustin Bernard (Le Maroc, 1916), for example, are quoted by the traveller Edith Wharton (1862-1937), who was invited to this country by General Lyautey in 1917. She “begins this book by stating that there is no guide to Morocco yet”, and recounting her own journey, she also proposes to provide elements of art, history, geography, and in a way to serve as a cultural travel guide in her turn. It is also an opportunity for her to reflect on the process of colonisation from her perspective as a traveller. This point of view on a rapid itinerary is necessarily different in Henri Bosco’s (1888-1976) Pages marocaines, published in 1948 and reprinted by Gallimard in 1950 under the title Des sables à la mer (From the Sands to the Sea): he presents poetic reflections on Morocco, where he lived for a long time, in which he expresses his distrust of the tourist in particular. “Guide pour le voyageur” (A Guide for the Traveller) and “Un guide pour celui qui sait” (A Guide for the the one who knows) are two chapters in the volume: but they are also representative of that hybrid genre, that form of essay with a lyrical tendency that the travel report can take when it is inspired by what critics will later call “geopoetics”. In both cases, the illustrated accounts (photographs or drawings) show their authors in correspondence with the landscapes, respectful of the inhabitants, and eager to preserve Morocco’s authenticity: even if Wharton praises Lyautey, in the context of the confrontation with Germany, one understands that colonial control - whether expressed by force, organisation or tourism - is not the best means to success.

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Loxias-Colloques | 20. Tolérance(s) III - concepts, langages, histoire et pratiques
Tolerance(s) - concepts, language, history and practices

La tolérance en voyage. Leçons sur le déplacement à la Renaissance

Dans le premier collectif sur la Tolérance (journée d’études de Nice, 28 juin 2019), j’avais proposé de considérer la « tolérance » comme l’abandon de souveraineté sur les marges du territoire résistant que représentent les valeurs personnelles ou collectives considérées comme intangibles. Dans le présent article les variations du concept et de l’actualisation de la tolérance à travers les personnes en déplacement, qui se décrivent ou sont mises en scène par la littérature de voyage ou sur les voyages au XVIe : une ligne de démarcation se dessine ainsi non seulement entre voyageurs et sédentaires, mais aussi entre différents voyageurs, selon qu’ils se transportent entièrement avec eux-mêmes, caparaçonnés dans leurs certitudes – et donc susceptibles de tolérance si elle n’affecte pas leur entité personnelle –, ou qu’ils sont prêts à s’adapter aux manières et croyances locales, moyennant des concessions sur leur territoire intime. Nous prenons pour hypothèse de travail le présupposé que les voyageurs en mission, qui sont conditionnés par les impératifs de leur mandat, ainsi que les voyageurs très imbus de leur propre culture relèvent plutôt de la première catégorie, tandis que le « voyageur » sans but particulier se plaît, au moins en théorie, à entrer dans la seconde. Pourquoi la Renaissance est-elle exemplaire ? parce que les voyages de découverte révolutionnent les conceptions géographiques de l’Ancien Monde, et suscitent des réflexions sur l’étrangeté. On se souvient ainsi de la différence entre Thevet et Léry dans l’Amérique tout juste découverte (Thevet plein de certitudes, Léry friand de découvertes), ou de Montaigne visitant l’Italie sans préjugés… La Renaissance offre à cet égard des exemples significatifs, qui seront repris et amplifiés plus tard. In the first collective volume on Tolerance (Nice, 28 June 2019), I had proposed to consider ‘tolerance’ as the surrender of sovereignty over the margins of the resistant territory represented by personal or collective values considered as intangible. In this paper, variations in the concept and actualisation of tolerance will be explored through people on the move, who describe themselves or are portrayed by travel literature in the sixteenth century: A line of demarcation thus emerges not only between travellers and sedentary people, but also between different travellers, depending on whether they are transporting themselves entirely with themselves, caparisoned in their certainties - and therefore susceptible to tolerance if it does not affect their personal entity -, or whether they are ready to adapt to local manners and beliefs, in exchange for concessions on their intimate territory. We assume that mission travellers, who are conditioned by the imperatives of their mandate, as well as travellers with a strong sense of their own culture fall into the first category, while the aimless traveller is satisfied withfalling into the second, at least in theory. Why is the Renaissance exemplary? Because voyages of discovery revolutionised geographical conceptions of the Old World, and gave rise to reflections on strangeness. This recalls the example of Montaigne in Italy, or the difference between Thevet and Léry in the newly discovered America... The Renaissance offers significant examples in this respect, which will be taken up and amplified later.

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