Loxias-Colloques |  13. Lettres d'exil. Autour des Tristes et des Pontiques d’Ovide |  Traductions, adaptations et réécritures 

Odile Gannier  : 

Lettres d’exil : un long chemin des Tristes et des Pontiques, d’Ovide à Marie Darrieussecq

Résumé

L’étude comparée des traductions des Tristes et des Pontiques montre l’évolution de la lecture de ces textes longtemps peu goûtés sur un plan stylistique mais bien connus comme modèle littéraire des plaintes des bannis. L’adaptation de Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, permet aujourd’hui, malgré son apparente désinvolture, de redécouvrir le sens profond de ces lettres d’exil. Le délaissement qui le frappe engage Ovide à une nouvelle formule poétique que les admirateurs de son ancienne manière n’ont en effet plus reconnue. Mais les lecteurs y ont trouvé une inspiration qui s’est progressivement amplifiée au point de susciter plusieurs réécritures.

Abstract

The comparative study of the translations of Tristia and Epistulae ex Ponto shows the reading of these texts is submitted to variations: for a long time, they had little success due to their style, but were well known as a literary model for complaints of banished writers. Marie Darrieussecq's adaptation, Tristes Pontiques, makes it possible today, despite its apparent casualness, to rediscover the profound meaning of these letters of exile. Neglected as he is, Ovide had to create a new poetic formula that readers fond of his previous style have no longer recognized. But concerned readers liked this particular way of writing and gradually used Tristia as a basis for rewriting.

Index

Mots-clés : adaptation , épistolaire, littérature d’exil, Ovide, Pontiques, traduction, Tristes

Plan

Texte intégral

1Si les Métamorphoses restent sans doute le fleuron des œuvres d’Ovide, les Tristes et les Pontiques inaugurent une veine importante dans la littérature personnelle. Exilé par Auguste sur les bords de la mer Noire, où il sera retenu jusqu’à ce que mort s’ensuive, il tente de conserver par des lettres, essentiellement envoyées à ses proches, le contact avec Rome et, peut-être parvenir à y rentrer en grâce. Moins brillantes, dépourvues de l’esprit un peu audacieux de l’Ars amatoria, moins colorées que les Métamorphoses, plus modestes que les Héroïdes, les épîtres envoyées du fin fond de l’empire romain, paradoxalement, nous parlent peut-être davantage aujourd’hui.

2Et pourtant la critique n’a pas été tendre avec les lettres plaintives ou insistantes dont la récurrence a fatigué la patience des lecteurs qui entreprenaient de lire toutes à la suite – situation qui n’était pas censée correspondre au mode de lecture prévue, puisque les chapitres étaient expédiés un à un et que les Pontiques en particulier étaient censées s’adresser nommément à des destinataires différents. Pour le lecteur de la collection complète des lettres d’exil, privé de la correspondance de retour, la répétition des mêmes demandes peut paraître fort lassante, avec sa métrique au rythme imperturbable, forme de ressassement incessant dont l’issue est désespérée – ce que sait le lecteur depuis deux mille ans : le prince restera inflexible, le pouvoir magique des carmina n’opérera pas. Cet échec qui semble déjà contenu dans le texte même rend pourtant ces vers poignants. Banni de Rome, il est exilé loin de ses affections, de ce qui motivait sa poésie jusqu’alors, de lui-même enfin – avant que le temps ne lui fasse accepter l’amertume de ce renoncement. Il se voit oublié, muet, perdu par sa propre poésie – au moins comme prétexte.

Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle !1

3Comme le dit en préambule son traducteur l’abbé de Kervillars (1723) :

Mais, dira quelqu’un, vous ne nous présentez ici que des objets bien lugubres, & peu propres à intéresser des Lecteurs qui d’ordinaire ne lisent guères que pour se divertir. Il est vrai qu’on ne connaît ici Ovide que par ses larmes, ses gémissemens, ses regrets […]. Mais il faut avouer aussi qu’Ovide gémit & soupire avec tant de grace qu’il est plus doux de pleurer avec lui que de rire avec les autres2.

4Il existe en effet, depuis l’Âge classique, au moins une dizaine de traductions accessibles des Tristes et des Lettres du Pont, depuis celle de Jean Binard en 1625 pour les premières œuvres et celle de l’abbé de Marolles en 1661 pour les secondes. En prose, en vers, avec gloses, avec notes et glossaires, avec préface ou sans, savantes ou familières – ces traductions se veulent pour la plupart fidèles au texte – à la lettre du texte. L’une des dernières traductions en date, celle de Marie Darrieussecq, est l’œuvre d’une romancière, qui ne se contente pas de déchiffrer le texte latin et le rendre avec application dans la langue française, mais l’adapte, plus radicalement que ses prédécesseurs, au goût de ses contemporains, donnant à redécouvrir les lettres qu’Ovide expédie – en vain, et de plus en plus « pour la forme » – à ceux qui étaient ses proches, et dont il est définitivement éloigné. Projet que Salim Bachi explique ainsi, sous le titre L’Exil d’Ovide (novembre 2018) :

C’est d’ailleurs à sa femme et à ses amis qu’il s’adresse dans les Tristes et les Pontiques, ses lettres poétiques, destinées à la postérité, où il se plaint constamment de sa relégation, cherchant à mouvoir sur sa condition. C’est la modernité de ces textes que ce mélange subtil entre poésie, récriminations et missives pathétiques. J’ai l’impression en les lisant aujourd’hui, traduites par Marie Darrieussecq, qu’Ovide s’adresse à moi comme à un frère et, souvent, j’ai le désir de le consoler. Je souffre avec lui du même éloignement, de la même douleur maintenant que je suis en France. J’ai ressenti aussi cette même peine en Algérie comme si la patrie ne faisait rien à l’affaire. On peut ainsi être exilé deux fois, chez soi et les autres3.

5C’est cette familiarité renouvelée, après une longue série de traductions, par la version de Darieussecq, dont nous voulons étudier les caractéristiques et la portée, en ce qu’elle donne un écho plus audible à la nostalgie (au sens étymologique) du banni et à sa propre métamorphose poétique.

I. Les choix de traduction

6Le traducteur Michel Volkovitch remarque :

J’ai repéré une douzaine de traductions à travers les siècles, dont six seulement avant 1900, ce qui est étonnamment peu, et quatre ces vingt dernières années, ce qui est étonnamment beaucoup4.

7Entre les différentes traductions disponibles, on retrouve des caractéristiques communes : le respect du texte, la fidélité – avec de grandes différences cependant.

- Jean Binard, Les Regrets, Sara, 1625
- Abbé de Marolles, Les Pontiques, 1661
- Étienne-Algay de Martignac, Les Tristes, 1697
- Jean-Marin de Kervillars, Les Élégies d’Ovide pendant son exil, 1723/1738/n. éd. 1756/1799
- Armand-Balthasard Vernadé, Théodose Burette, Les Tristes, coll. Panckouke, Garnier frères, 1834
- Charles Nisard, Les Tristes, Dubochet, Le Chevalier & Garnier frères, 1838/1843/1850/1861/1864/1869/1876/1881
- A.-B. Vernadé, Th. Burette, revu par Émile Pessonneaux, Les Tristes, Garnier frères, 1861, 1867
- Émile Ripert, Les Tristes, Garnier frères, 1957
- Jacques André, Tristes, Les Belles Lettres, « Budé », 1968
- Dominique Poirel, Les Tristes, La Différence, 1989
- Chantal Labre, L’Exil et le Salut, Arléa, 1998
- Danièle Robert, in Lettres d’amour, Lettres d’exil, Actes Sud, 2006
- Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, P.O.L, 2008
- Jean-Luc Lévrier, Tristesses, Sables, 2017

8Tous les traducteurs sentent la différence de ces deux recueils avec la veine brillante des contes des Métamorphoses.

9Le titre en français des Tristia a changé : Jean Binard en 1625 intitule sa traduction Les Regrets (après ceux de Du Bellay en 1558), Kervillars en 1723 Les Élégies d’Ovide pendant son exil, Vernadé en 1834 passe à la version littérale de Tristes ou Les Tristes, généralement adoptée ensuite – sauf par Jean-Luc Lévrier qui propose un titre plus abstrait avec Tristesses, et Marie Darrieussecq, qui tente le jeu de mots en traduisant, regroupées, les œuvres d’exil et s’explique en préface du choix de cette alliance, Tristes Pontiques : de fait, cette juxtaposition, ou plutôt cette translation de ‘tristes’ en une épithète qualifiant les missives du Pont, sur le principe exactement inverse de l’hendiadyn, montre l’unité du propos et de la philosophie qui ont motivé ces recueils de lettres, envoyées lors de son déplacement aux marges du monde. Pour les Tristia et Epistulae ex Ponto, on pourrait aussi proposer de faire suivre les Mélancolies (ou Nostalgies ?) par les Lettres de la mer Noire, expression qui redonnerait sens à l’alliance de l’humeur dépressive et de la mer – dont les bords éloignés et le climat rude entraînent chez le citadin relégué un noir désespoir.

10Curieusement, les commentaires sur les élégies d’exil voient dans ces textes une écriture douce et maniérée, presque mièvre. On félicite Jean Binard de sa traduction, pour avoir fait revivre Ovide. Le père Jean-Marin de Kervillars, dans sa préface de la traduction de 1723, justifie ses choix :

Il ne nous reste plus qu’à dire un mot de la Traduction & des Remarques qu'on y a jointes. Dans la Traduction on a suivi les règles que nous en ont données nos meilleurs Traducteurs ; on a voulu qu’elle fut assez fidèle pour ne rien perdre, s’il étoit possible, des beautez de l’original, & assez élégante pour se faire lire avec quelque sorte de plaisir : on s’est surtout étudié à bien prendre l’esprit & le génie de son Auteur. Il est pourtant vrai qu’on risque toujours beaucoup de se trouver côte à côte & comme de niveau avec un aussi bel esprit qu’Ovide, & il est moins aisé qu’on ne pense, de réussir à le bien traduire : plus son expression naïve & délicate semble faite pour la notre, plus on doit craindre un latinisme qui a l’air si françois. Au reste on a eu soin d’adoucir quelques métaphores un peu trop fortes ; & dans les répétitions qui sont assez fréquentes chez ce Poète. On s’est appliqué aussi bien que lui à donner aux mêmes choses un tour neuf & de nouvelles expressions pour ne pas se copier servilement soi-même. Enfin le Traducteur a pris garde que son ouvrage n’eût point trop l’air d’une Traduction, mais d’un ouvrage de premiere main5.

11Charles Nisard, un siècle plus tard, croit observer plus finement la caractéristique d’Ovide :

Un de nos autres avantages de derniers venus est d’avoir pu donner une traduction non-seulement plus exacte, perfectionnement où nos devanciers nous ont été d’un secours que nous aimons à reconnaître, mais plus strictement fidèle au tour d’esprit du poëte. Ce tour d’esprit, qu’on n’a peut-être pas assez remarqué, est un mélange de familiarité presque vulgaire et d’élégance presque précieuse […]. Rien n’a été négligé pour que la traduction que nous publions reproduisît ce mélange caractéristique, en demeurant toutefois dans les conditions de toute traduction française, c’est-à-dire en ne poussant pas la familiarité jusqu’à la bassesse ni le précieux jusqu’à la pointe. L’identité de l’original et de la traduction est une chimère ; sacrifier le génie de la langue qui traduit à celui de la langue traduite, c’est prouver qu’on ne sait ni l’une ni l’autre6.

12« Naï[ve] et délicat[e] », familière et élégante, ou plutôt claire non sans recherche, la langue d’Ovide dans ses lettres versifiées semble être restée assez classique. Pourtant le genre de l’élégie ne semble avoir été pratiqué auparavant pour exprimer des souffrances personnelles et sincères sur un autre motif que le chagrin amoureux – et fort conventionnel. Pour Marie-Claire Chatelain,

Quelle que soit la thématique, et qu’il s’agisse des déplorations des poèmes de l’exil ou des grâces et des soupirs des pièces amoureuses, les qualités élégiaques d’Ovide sont les mêmes : la douceur, la facilité, le naturel, la tendresse ou la délicatesse. Ce sont les caractéristiques d’un art d’écrire qui cultive, à la différence de la grandeur épique, la simplicité dans le style. Celui-ci, aisé et fluide, doit donner l’impression d’être sans apprêt, loin des tours d’une rhétorique maniérée, pour peindre une vérité du cœur. L’élégie, dans sa diversité même, s’attache en effet à l’expression des passions et se présente comme une éloquence du cœur7.

13Cependant, cette interprétation de sa manière semble un peu superficielle et peu convaincante pour les Tristes et les Lettres de la mer Noire. La forme des épîtres amoureuses des Héroïdes comportait aussi quelque afféterie : en somme cette littérature était encore mondaine. Les missives écrites pour les raisons les plus naturelles de l’éloignement relèvent désormais pour Ovide d’une autre facture.

les vers sont peut-être boiteux
à cause de la fatigue et des chagrins (Tristes III, 1)8 

14L’écriture n’est plus frivole ; les bagatelles du poète de cour aux distiques élégiaques bien rodés, ont perdu de sa légèreté.

15La comparaison des traductions montre, sans surprise, que chaque époque s’approprie ces textes à sa façon. Les traductions proposées au cours des siècles reflètent donc à cet égard la lecture qui en est faite et l’écho dans sa sensibilité. Le père de Kervillars, en 1723, explique :

Enfin ce qui doit nous rendre plus agréable la lecture de cette partie des ouvrages d’Ovide qui peut orner l’esprit sans intéresser les mœurs, c’est que de, tous les Poëtes anciens, il est celui qui pense le plus à la maniére Françoise ; on diroit presque qu’il est né parmi nous : ce tour fin , mais naïf & gracieux qu’il fait doner à ses pensées, ces mouvemens tendres & délicats qui animent tous ses sentimens, sont tout-à-fait du goût de la nation : en un mot tout ce qu’Ovide pense, tout ce qu’il exprime, quelque sujet qu’il manie, pouroit être avoué de nos maîtres dans l’Art d’écrire, & je ne sai à qui cela fait plus d’honeur, ou à Ovide de nous avoir prévenus dans une maniére si exquise de tourner ses pensées, ou à nous d’avoir si bien rencontré la maniére d’Ovide9.

16La succession et l’évolution des traductions montre l’appropriation évolutive des deux recueils d’Ovide, dans les époques et les lieux différents, comme l’illustre la lecture par Christoph Ransmayr dans Die letzte Welt (1988) qui superpose les temporalités italiennes et en prolonge le sens historique dans la perpétuation des méthodes de la dictature par-delà les siècles ; ou comme l’hypothèse d’une conversion à une foi pré-chrétienne dans le roman du Roumain Vintila Horia Dieu est né en exil (1960)10. Les suites ou les réécritures ne peuvent se concevoir en dehors des conditions d’interprétation qui les sous-tendent.

17Selon Starobinski,

La mémoire littéraire projette un reflet de l’événement collectif légendaire sur la vie privée d’un citoyen romain que la volonté du prince condamne à fuir précipitamment. Pour émouvoir ses lecteurs lettrés, le poète fait appel à leur complicité culturelle11.

18Cette complicité est donc variable dans le temps et selon l’érudition des lecteurs : autrement dit, on ne peut lire les Tristes de la même façon du temps d’Ovide, au début du XVIIe et aujourd’hui : en plus des choix personnels des traducteurs, chaque époque doit donc retraduire.

19L’examen des premiers vers du premier livre, par exemple, en dit long sur le lecteur qui les aborde et le public plus ou moins savant auquel il s’adresse, voire sur les conditions de publication, académiques ou généralistes. Cela explique aussi la nécessité de nouvelles options de traduction.

Parve — nec invideo — sine me, liber, ibis in Urbem,
     Ei mihi, quo domino non licet ire tuo !
Vade, sed incultus, qualem decet exulis esse ;
     Infelix habitum temporis hujus habe.
Nec te purpureo velent vaccinia fuco —
     Non est conveniens luctibus ille color (Tristes, I, 1, v. 1-6)

1. « Hélas, petit Livret, vray tableau de mes tristes pensées, encore que tu sois sur le poinct de faire un voyage à Rome sans moy, ie ne suis point jaloux de ce bien qui pourroit faire souhaitter à ton Maistre d’y aller aussi, & de joüir du privilège que tu possedes. Mais puis que ce bon heur m’est desnié, ie te conseille de te mettre en chemin en pauvre esquipage comme tu es, portant les livrées propres à tesmoigner ton infortune, & la condition miserable d’un homme banny de son pays. Pour cet effect ne sois point curieux de te parer proprement de quelque belle couverture de Iacynthe qui retire sur le pourpre ; car ceste couleur est trop voyante, & n’est pas bien seante à faire le dueil. »
– traduction de Jean Binard (1625)12

2. Tu veux donc aller sans moi à Rome, mon Livre ? Je n’envie point ton bonheur. Hélas, que n’est-il permis à ton maître de t’accompagner. Vas-y, mais sans ornement comme doit être un banni. Couvre-toi selon l’état où ton malheur t’a réduit, non pas d’une couverture teinte en pourpre et en violet, car cette couleur sied mal au deuil. »
— traduction d’Étienne-Algay de Martignac (1697)13

3a. « « Ainsi donc, (1) mon livre, vous alez à Rome, & vous alez à Rome sans moi : je n’en suis point jaloux ; mais hélas, que n’est-il permis à votre maître d’y aler lui-même. Partez, mais sans apareil, comme il convient au Livre d’un Auteur exilé. Ouvrage infortuné ! que votre parure soit conforme à l’état où nous sommes. Ne soyez point couvert d’un maroquin (2) de couleur de pourpre ; tout ce brillant ne sied pas bien dans un temps de deuil & de larmes. »
traduction du père Jean-Marin de Kervillars (1723)
(2) Vaccinium étoit une espéce d’hiacinte dont la couleur étoit rougeâtre ; cette fleur étoit fort recherchée pour la teinture rouge : d’autres prétendent que vaccinia sont des mures de haie dont on se servait à Rome pour teindre les habits des Esclaves. La couverture des livres étoit une peau ou parchemin ordinairement peinte en rouge ou en jaune […]

3b. « Mon livre, vous irez à Rome, et vous irez à Rome sans moi : je n’en suis point jaloux ; mais hélas ! que n’est-il permis à votre maître d’y aller lui-même. Partez, mais sans appareil, comme il convient au livre d’un auteur exilé. Ouvrage infortuné ! que votre parure soit conforme au temps où nous sommes. Ne soyez point couvert d’un maroquin de couleur de pourpre ; tout ce brillant ne sied pas bien dans un temps de deuil et de larmes. »
— traduction du père Jean-Marin de Kervillars (1756)14

4. « Petit volume, je ne m’oppose pas à ton bonheur : tu iras à Rome sans moi, à Rome, hélas ! où ne peut aller ton père. Pars, mais sans ornement, comme il convient à l’œuvre d’un exilé ; infortuné, garde la livrée du malheur : point de vaciet pour te revêtir de sa teinture de pourpre ; cette riche nuance sied mal à la tristesse »
— traduction d’Armand-Balthasard Vernadé (1834)

5. « Petit livre, je ne m’oppose pas à ton bonheur : tu iras à Rome sans moi, à Rome, hélas ! où ne peut aller ton père. Pars, mais sans ornement, comme il convient au fils d’un exilé ; infortuné, prends la livrée du malheur : point de vaciet pour te revêtir de sa teinture de pourpre ; cette couleur sied mal à la tristesse »
– traduction d’Émile Pessonneaux reprenant Armand-Balthasard Vernadé, Garnier (1861)

6. « Va, petit livre, j’y consens, va sans moi dans cette ville où, hélas ! il ne m’est point permis d’aller, à moi qui suis ton père ; va, mais sans ornements, comme il convient au fils de l’exilé ; et malheureux, adopte les insignes du malheur. Que le vaciet* ne te farde point de sa teinture de pourpre ; cette couleur n’est pas la couleur du deuil »
— traduction de Charles Nisard (1838)
* Nom d’un arbrisseau qui porte des baies fort recherchées des Anciens pour la teinture rouge.

7. « Petit livre, je le veux bien, sans moi tu t’en iras dans la ville où, moi, ton maître, hélas ! je ne peux pas aller. Va, mais sans ornement, comme il sied à un fils d’exilé. Malheureux, prends l’habit des jours où tu vis. Point de vaciet pour te farder de pourpre : cette couleur ne convient pas au deuil. »
— traduction d’Émile Ripert (éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, 1937)

8. « Petit livre — je n’en suis pas jaloux — tu iras sans moi à Rome. Hélas ! il est interdit à ton maître d’y aller. Va, mais sans ornement, comme il convient au livre d’un exilé. Malheureux, prends l’habit de circonstance ! Point de myrtilles pour te farder de leur teinture pourpre — cette couleur sied mal à la tristesse »
— traduction de Jacques André (éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, 1968)

20Pour cette traduction, notons le commentaire de Michel Volkovitch : « Ne comparons pas cette version universitaire avec ce qui va suivre. Nous sommes sur une autre planète. Le but principal ici n'est pas la poésie, mais la compréhension du texte. Pas franchement vilaine d'ailleurs, cette version Budé, on a vu pire dans cette collection, mais elle ne fait guère vibrer non plus15. »

9. « Allons, j’y consens, petit livre : sans moi tu iras à la Ville,
Là où ton maître, hélas ! n’a point le droit d’aller.
Va, donc, mais négligé, tel qu’il convient à mon exil ;
Revêts, infortuné, la livrée de mon sort.
Point de myrtille afin de te farder de pourpre —
Ce n’est pas la couleur qui sied à ma détresse »
— traduction de Dominique Poirel (éd. La Différence, coll. « Orphée », 1989)

10. « Petit livre, je ne dis pas non : tu iras à Rome sans moi, à Rome, hélas, où ton maître n’a plus le droit d’aller ! Vas-y, mais mal vêtu, comme il sied au livre d’un exilé. Prends, malheureux, la tenue de cette triste saison de ma vie. Je ne te veux pas fardé de la teinture pourpre des airelles : un tel éclat ne convient pas au deuil. »
—traduction de Chantal Fabre (éd. Arléa, 1998)

11. « C’est sans moi, petit livre (et je ne t’en veux pas), que tu iras à Rome ;
Hélas ! à moi, ton maître, il n’est pas permis d’y aller !
Vas-y, mais sans apprêts, comme il convient aux exilés ;
Revêts l’aspect, infortuné, de ma situation.
Pas d’airelles pour te couvrir d’une teinture pourpre :
Cette couleur ne convient pas à l’affliction »
— traduction de Danièle Robert (Actes Sud, coll. « Thesaurus », Arles, 2006)

12. « petit livre
hélas
va sans moi dans la ville où je suis interdit

va tout simple
sans ornements savants
comme il sied aux exilés

un habit de tous les jours
les déshérités ne portent pas la pourpre
le deuil ne se fait pas en rouge »
— traduction de Marie Darrieussecq (P.O.L, 2008)

21Il est aisé de repérer les variantes de plusieurs ordres :

22- le respect exact de l’adresse au livre, avec le vouvoiement adopté au XVIIIe siècle, tranchant avec la familiarité du père pour son fils, du maître pour sa créature, rendue par le tutoiement respecté par l’ensemble des traductions.

23- le respect du sens : « il parle à son livre, étant résolu de l’envoyer à Rome, et l’instruit des particularités qu’il doit observer en ce voyage16 », disait Binard.

24- les rondeurs ou les enjolivures plus ou moins développées – progressivement sacrifiées au profit d’un décalque plus étroit du texte original, presque une « version latine » au style contraint ; ou au style dépouillé de la plus récente. Le recueil composé par Chantal Fabre (L’Exil et le Salut) choisit de traduire scrupuleusement les pièces retenues mais opère une coupe d’un autre ordre en ne sélectionnant que certains textes.

25- la composition, conséquente, d’une forme versifiée, peu usitée avant 1989 mais trois fois après – vers presque réguliers ou vers blancs enfin pour Marie Darrieussecq.

26- le choix du vocabulaire : en particulier pour la traduction de vaccinia, qui a d’abord donné son sens (pourpre, violacé), puis s’est traduit entre le XIXe et le début du XXe par « vaciet », si rare qu’une note explicative est nécessaire (il ne figure pas dans les dictionnaires modernes, mais il est dans le Littré), et a été remplacé très raisonnablement par « airelle » ou « myrtille ». Dans la traduction de Marie Darrieussecq, l’image est à nouveau escamotée pour laisser seulement place à son effet.

27Pour Michel Volkovitch, qui commente cette dernière, aux choix radicaux :

C’est la première fois qu’on lit un texte latin sous cette forme et c’est un choc. Le poème d’origine, porté par la houle régulière du vers, se trouve ici passé à la moulinette, déchiqueté. On a le droit de juger ce traitement arbitraire, de recenser tout ce qui manque et de s’indigner. Mais si en lisant cette chose aux allures de poème contemporain, je suis séduit peu à peu malgré moi, c’est que la formule adoptée est astucieuse, et plus respectueuse qu’elle n’en a l’air17.

II. Interprétation, translation, transposition, transmutation

28Si la traduction ne suit pas à la lettre le modèle métrique, elle conserve du texte original d’autres traits. Quelle est la place des images dans le processus de traduction ? Selon Jean Starobinski,

Au vrai, la mythologie entière est source de comparaison dans les Tristes, comme elle l’est dans cette autre variété du même genre, l’élégie amoureuse, dont Ovide a été aussi le grand praticien. Il est orfèvre en la matière. Il sait que toute ressemblance avec les héros et les situations du mythe permet d’introduire dans l’élégie les couleurs du merveilleux18.

29Mais est-ce bien de ce merveilleux qu’il peut être question ici ? Les Tristes et les Pontiques sont artificiellement peuplés de ces figures communes, cette monnaie d’échange avec le monde romain. Or il y renonce progressivement, comme s’il avait cessé de croire à leur pouvoir. On peut rejoindre ici Starobinski :

Le répertoire de la mythologie n’est qu’un magasin de costumes pour d’ingénieuses prises de rôle, au gré des diverses légendes évoquées. Dans les cinq livres des Tristes, Ovide se souvient des couples illustres que le destin a séparés. Sa vie renouvelle de grands exemples. Les noms ne lui manquent pas, celui d’Ulysse principalement, mais aussi de Capanée, d’Hector, etc., et il attribue à son épouse Fabia, demeurée à Rome, les rôles analogues correspondants : Pénélope, Évadné, Andromaque… Ainsi, au long des cinq livres des Tristes et dans les Pontiques, Ovide compare le décret d’exil – la « colère de César » – à la foudre de Jupiter. C’est un compliment pour le prince persécuteur en même temps qu’un motif d’orgueil pour lui-même19.

30Jusque-là, le recours à la panoplie et au personnel mythologique a pu servir à la réminiscence des liens culturels avec la métropole ; mais Ovide se lasse, entre les Tristes et les Pontiques, de ces accessoires qui ne lui ont pas servi à renouer le lien avec sa culture ; et l’illustration de ses capacités à encore en user n’intéresse plus personne. En fait ce ne sont pas tant les personnages mythologiques, les héros ou les dieux issus du panthéon des Métamorphoses qui sont proposés comme exempla dans les textes de la mer Noire ; ce sont plutôt les figures illustres du récit homérique, les guerriers valeureux ou les femmes bien humaines qui se sont sacrifiées pour leur époux, foudroyés– pour reprendre cette image de la punition venue d’en haut :

Nunc quoque ne pudeat, quod sis mihi nupta, tuusque
     Non debet dolor hinc, debet abesse pudor.
Cum cecidit Capaneus subito temerarius ictu,
     Num legis Euadnen erubuisse uiro?
Nec quia rex mundi compescuit ignibus ignes,
     Ipse suis Phaethon infitiandus erat.
Nec Semele Cadmo facta est aliena parenti
     Quod precibus periit ambitiosa suis.
Nec tibi, quod saeuis ego sum Iouis ignibus ictus,
     Purpureus molli fiat in ore pudor.
(Tristes, IV, 3, 61-70)

pense à ces femmes de foudroyés
Évadné
Sémélé
qui ne rougirent pas du sort de leur époux
sois forte toi aussi comme ces héroïnes
tiens bon plaide pour moi et n’aie honte de rien20

31Or Marie Darrieussecq, faisant fi des conventions de la traduction (la formule du bandeau « Ovide traduit par Marie Darrieussecq » a hérissé quelques poils), élude beaucoup des allusions mythologiques, ou les rassemble sous une formule très brève : quel lecteur moderne connaît encore Cadmus, ou les foudroyés Capanée, Phaéton, et leurs épouses ? L’avantage de cet allègement extrême en matière poétique permet de mettre l’accent, par sa légèreté et le parallélisme de son rythme, sur l’assonance musicale des prénoms. Pour le lecteur moderne, le message, au lieu d’être enfoui sous des noms obscurs, des parallélismes pesants, s’éclaircit.

32Parfois des ajouts de la traductrice, au contraire, sont plus parlants : le dernier vers du Tristes livre II s’enrichit d’une conclusion explicative :

J’implore ma part de paix romaine21

33Ou Tristes III, 9 :

Tomes vint du verbe découper22

34Ou encore Tristes III, 5 : un vers est ajouté, avec une image complémentaire, particulièrement parlante, mais très familière :

Vsus amicitiae tecum mihi paruus, ut illam
     Non aegre posses dissimulare, fuit,
Nec me complexus uinclis propioribus esses
     Naue mea uento, forsan, eunte suo.
Vt cecidi cunctique metu fugere ruinam,
     Versaque amicitiae terga dedere meae,
Ausus es igne Iouis percussum tangere corpus
     Et deploratae limen adire domus:
Idque recens praestas nec longo cognitus usu,
     Quod ueterum misero uix duo tresue mihi

nous étions amis depuis peu
tu aurais pu faire mine de ne pas me connaître
mais quand ma barque a sombré
quand les rats quittaient le navire
tu es venu
tu m’as pris dans tes bras
tu as osé toucher le corps marqué par Jupiter
tu as osé entrer dans une maison en deuil
ami récent ami mal connu
tu as fait pour moi ce que n’ont pas fait les vieux amis
(j’en excepte deux ou trois)

35Le vocabulaire utilisé est familier, ordinaire, il s’adresse au lecteur pour « qu’Ovide soit lu couramment, sans timidité due à l’antique, en entendant cette voix qui fait appel à tous23. »

Faut-il moderniser un texte à la rhétorique forcément ancienne ? J’ai parfois réduit l’ampleur de la prosopopée, et j’ai un peu délatinisé : plutôt qu’un littéral « cultiver l’Hélicon », je préfère traduire par « faire de la poésie ». J’ai toutefois conservé certains mots typiquement romains24.

36Les périphrases incompréhensibles aujourd’hui, ou précieusement surchargées, disparaissent donc de la transposition de M. Darrieussecq. En « délatinisant un peu », elle universalise les tournures ou ces « accessoires » qui fonctionnent habituellement comme des embrayeurs ostensibles de la référence ovidienne dans la littérature qui s’en inspire : Mandelstam par exemple dans ses Tristia (1922) accentue au contraire le rappel de sa poésie vers l’universel par des références antiquisantes. Mais pour entrer dans le texte par la traduction, la « délatinisation » moderne peut s’adresser à un lectorat plus large.

37Le rythme extrêmement régulier, que certains ont tenté de reproduire par des vers suivis, est ici adapté en vers libres, plus familiers aujourd’hui.

J’ai traduit en vers blancs, à l’oreille. […] J’avais d’abord imaginé alterner alexandrins blancs et octosyllabes : douze, huit, douze, huit… pour rendre sur la page ce décrochement claudicant […]25.

38Ce changement de rythme donne à la poésie d’Ovide l’allure d’un poème moderne, regroupant en strophes inégales et aléatoires le distique élégiaque trop sage et formel.

Iam mihi deterior canis aspergitur aetas
Iamque meos uultus ruga senilis arat,
Iam uigor et quasso languent in corpore uires
Nec iuueni lusus qui placuere iuuant
Nec, si me subito uideas, agnoscere possis,
Aetatis facta est tanta ruina meae
(Pontiques I, 4, v. 1-6)

rides et cheveux blancs
fatigue de mon corps jadis plein d’énergie
tout ce qui m’amusait autrefois m’indiffère
j’ai vieilli

tu tomberais sur moi à l’improviste
tu ne me reconnaîtrais pas
ces dernières années m’ont métamorphosé
en ruine26

39Sur le même thème de la vieillesse qui vient dans l’impuissance de l’exil, la lettre à Perilla :

Ista decens facies longis vitiabitur annis
     Rugaque in natiqua fronte senilis erit,
Iniciet manum formae damnosa senectus,
     Quae strapitus passu non faciente venit
(Tristes, III, 7, v. 33-36)

tu es jolie
tu changeras
la main de la vieillesse empoignera tes traits
elle fermera les doigts en silence
et plissera ton front27

40N’entend-on pas aussi « Marquise, si mon visage… » ? Comment traduire aujourd’hui, en tenant compte de l’épaisseur intertextuelle qui s’est glissée entre les premières années du précédent millénaire et nos jours ? L’esthétique en outre a évolué. « Pas de ponctuation : il n’y en a pas en latin. » dit la traductrice. Surtout, il semble que la poésie depuis Apollinaire puisse s’accommoder parfaitement de l’absence de ponctuation, des vers approximatifs : n’entend-on pas ici l’intertexte qui dénie la facilité de la simple transparence fidèle au traducteur actuel (si le mot de traducteur reste exact) d’une telle œuvre si chargée d’histoire et de reprise ; n’exclut-il pas une naïveté trop docile ?

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l’Euripe

Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
     Te souviens-tu (Apollinaire, « Le Voyageur », Alcools, 1920)

41Ainsi l’adaptation, grosse de son histoire, est aussi un palimpseste des traductions passées.

III. Lettres d’exil

42Quelle est finalement la conséquence d’une telle adaptation, faite avec la version de Ripert d’un côté et le Gaffiot de l’autre ?

43La principale est qu’elle dénude le texte de l’accessoire et le rend aujourd’hui immédiatement sensible.

44Elle transpose aussi l’essentiel de son propos dans un autre régime interprétatif. Ce ne sont plus des demandes sans fin, c’est le désespoir de l’abandonné qui doit trouver d’autres raisons de vivre. De l’expatrié qui doit se reconstituer un espace à son usage où il sera seul de son espèce, sans racines.

45Elle revisite l’écriture de l’exil. Les lettres sont la forme « naturelle » de l’écriture voyageuse ; l’élégie relève de l’écriture intime. Si le voyage peut prendre la forme de l’épopée – comme celle, fondatrice, d’Enée, c’est qu’il est orienté vers un projet nouveau : ce n’est guère le cas de la déréliction à laquelle Ovide est condamné. Pas de voyage aventureux non plus, dont les arabesques passionnent les auditeurs de sa relation, comme celles de l’Odyssée. « Il faut ajouter que la poésie de l’exil gagne en évidence quand elle prend à rebours la poésie du voyage fondateur28 », souligne Starobinski. Les lettres d’exil n’ont pourtant ici rien à voir avec celles d’Ulysse quoiqu’il soit souvent présent – et ce ne sont plus les Héroïdes. Bien qu’ils cherchent tous deux à rentrer, l’expatriation n’est pas la même. Ulysse était hors de chez lui, mais Ithaque restait son port d’attache, origine et destination ultime. L’exil d’Ulysse est un chemin semé d’escales : il est parti pour Troie et rentre par une voie certes longue mais circulaire. Au contraire la demeure d’Ovide est l’ailleurs inimaginable, les limbes de l’hétérotopie romaine.

46Le voyage n’est pas l’exil ou la relégation : le voyage commence par une attente projetée sur le futur de l’arrivée ailleurs, et s’accomplit par l’expérience : Ulysse est retourné plein d’usage et raison vivre entre ses parents le reste de son âge… Alors que l’exil selon Ovide est une expérience brutale qui arrache le banni à ses racines et le met sur la route à reculons, tel Orphée perdant son Eurydice. Commence alors l’attente désespérée du retour. Voilà pourquoi la figure d’Ulysse ne peut être réconfortante : même si Fabia l’attend comme Pénélope, c’est en vain : le banni a tout perdu. Sauf s’il accepte que sa poésie soit assourdie, et que Narcisse se fasse Écho avant de se taire.

47Pourtant cette métamorphose déconcerte. Il a beau tenir encore à tout ce qui faisait son identité romaine, sa virtuosité, son rang, la lettre pontique III, 9 révélait déjà le sentiment de ses destinataires – sa lucidité n’est pas obscurcie par l’amertume d’une sévérité excessive, de la trahison des siens, du chagrin de devoir renoncer à voir sa famille.

Quod sit in his eadem sententia, Brute, libellis,
Carmina nescio quem carpere nostra refers,
Nil nisi me terra fruar ut propiore rogare
Et quam sim denso cinctus ab hoste loqui.
O ! quam de multis uitium reprehenditur unum!

il paraît qu’il y en a qui se plaignent
que j’écris toujours la même chose

« un séjour moins affreux »
« des hordes de barbares »
je n’aurais paraît-il que ces mots à la bouche

Allons
tant de défauts et on ne voit que ça29

48L’agacement des lecteurs n’est pas limité à ses amis, qu’il harcèle en effet pour leur demander d’intercéder pour lui. Les demandes réitérées dans les Tristes peuvent encore être appréciées du fait qu’elles recèlent malgré tout une certaine variété dans le ton et l’objet, et que l’absence de noms rend général et fait du désarroi une métaphore : la vedette déchue est désormais une ombre errante, sans sa femme et ses amis, loin de ses Pénates, loin du prince et de sa cour, écarté des cercles littéraires, privé de ses admirateurs, arraché au ciel de Rome ; injustement traité, exclu, et oublié. L’espoir seul d’un retour le fait vivre, mais peu à peu, les deux recueils dessinant une forme de journal marqué par les saisons et les années, l’espoir l’abandonne de ne pas être oublié.

49Les Pontiques n’apportent à vrai dire plus grand chose de très neuf quant au contenu en regard des Tristes : la forme explicitée par la forme des « Epistulae », les images de catastrophe (naufrage, foudroiement, déréliction) s’accumulant, les destinataires de ses lettres dorénavant nommément interpellés, tout cela donne un tour plus pragmatique et plus tristement réaliste à ses doléances. Gémissements, plaintes incessantes, répétitivité du propos de lettre en lettre, peuvent exaspérer si on les considère du point de vue thématique mais aussi d’un point de vue artistique – alors qu’il s’agit en fait de l’obsession d’un désespéré. La critique s’est en effet fatiguée : Jacques André (en 1987) ne peut s’empêcher, Ovide en Tristes III, 2 se plaignant d’être abandonné dans « une mer sans port », écrit peu charitablement en note : « Ce sont des jérémiades. La Méditerranée n’est pas privée de ports et il a énuméré lui-même ceux de la côte occidentale du Pont-Euxin30 ». De toutes façons, « les thèmes des deux recueils sont d’une égale monotonie31 » conclut-il manifestement fatigué de son travail. Kervillars dès 1723 avait déjà avoué tenter de ne pas se répéter pour éviter l’ennui. Cette lecture lassée semble affectée d’une myopie que, peut-être, les images poétiques ressassées ou la forme répétitive peut masquer. À quoi sert de se répéter, même si l’objet de l’écriture s’affirme aussi comme le moyen d’enchanter son ennui.

50Ovide se lamente certes d’avoir tout perdu : la distance spatiale et affective de ses lecteurs lui fait craindre d’avoir perdu tout accès à la postérité dans les temps futurs ; il a perdu toute créance dans les valeurs qui l’ont fait vivre en tant que Romain : en sa patrie, qui ne reconnaît pas son statut civique ; le prince et sa clémence, et perd ainsi toute transcendance puisqu’il insiste sur l’assimilation divine de l’empereur. D’où la surprise des Gètes, devant qui il fait son éloge : les Gètes sont ici les « Hurons » qui s’aperçoivent de l’imposture du pouvoir ; aussi la veine encomiastique est-elle ruinée par le regard extérieur candide.

J’ai lu entièrement mon poème aux barbares […]
Et leurs bouches gétiques firent entendre un long
Murmure d’approbation

« puisque tu écris ça de César
Dit l’un d’eux
Il faut qu’il te reprenne32 […] » (Pontiques, IV, 13)

51La lamentation répétée et la doléance masquent peut-être une critique beaucoup plus radicale. La Pontique II, 9 au roi Cotys est sévère (en filigrane, contre César) :

on admire la puissance on l’admire surtout
quand elle ne laisse pas les prières sans réponse33

52Ainsi les Pontiques sont le lieu de métamorphose des valeurs, et inaugurent une nouvelle formule poétique :

Sic ego constanter studium non utile seruo
et repeto nollem quas coluisse deas.
Quid potius faciam? Non sum qui segnia ducam
otia: mors nobis tempus habetur iners.
Nec iuuat in lucem nimio marcescere uino
nec tenet incertas alea blanda manus. (Pontiques
I, 5, v.  41-46)

je suis du même bois
je m’applique à ma perte
je reviens aux déesses qui m’ont fait tant de tort
que puis-je faire de mieux

je ne suis pas du genre à rester bras ballants
l’inaction c’est la mort
et m’abrutir d’alcool ou m’étourdir aux dés
captiver par le jeu mes pauvres mains tremblantes
y consumer mes nuits
cela n’est pas mon genre34

53Auparavant, il était connu, aimé et fêté par son entourage et au-delà – mais « ce sont amis que vent emporte » –, l’exil le dépèce et le tue (figure d’un nouvel Actéon, peut-être, après avoir vu ce qu’il ne devait pas voir ?) : si ses livres voyagent entre les deux espaces, devenus pour lui deux mondes étanches, son nom et sa réputation de poète sont (il le souhaite) restés vivaces dans le monde romain, tandis que sa personne languit à l’écart, « dessus le vert tapis d’un rivage écarté » – comme morte… il s’aperçoit que son œuvre est considérée comme achevée et l’ennui supposé de ses lettres vient de l’incompréhension de cette forme inédite. Les Tristes Pontiques sont devenus de Tristes Poncifs. Selon Vintila Horia :

Trop de lettres à écrire, à ma femme, aux amis lointains, pendant l’année qui vient de finir. Je n’ai jamais oublié pourtant ces pages cachées, mais j’ai vécu avec émotion l’espoir du retour et ce sentiment d’orgueil extérieur m’a empêché d’être juste envers moi-même, c’est-à-dire de reconnaître la vérité et de l’écrire. Pendant de longs mois, je lui ai préféré le mensonge, l’ancien, le fidèle, le familier mensonge. Revenir à la réalité que je me suis obligé de dire dans ces pages, c’eût été me donner pour vaincu, accepter le désespoir avec stoïcisme et renoncer à l’illusion du retour, pour consacrer de nouveau mon attention aux personnages et aux faits réels qui m’entourent, à ma vie telle que le destin l’a voulue35.

54L’inspiration dérange parce qu’elle remplace la convention admirable, calquée sur un imaginaire grec savant, de récits mythologiques, par la mise en scène de ses propres malheurs, personnels, réels, déplorables, et dont la durée « ad perpetuum » est reprochée à l’incurie ou la maladresse de ses proches, qui n’ont rien pu, ou rien su, faire pour le sauver. Les paysages merveilleux – grottes, fontaines, vertes prairies, forêts36 – qui abritaient les héros des Métamorphoses, se sont transformés en un désert : pas de labours, pas de fruits, mais la mer mauvaise et les étendues pierreuses.

55À quel point ces lettres d’exil peuvent encore parler à qui s’en inspire, on le constate à la lecture de l’envoi « À son Livre », qui ouvre Les Regrets de Du Bellay, en 1558 :

Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux)
Tu t’en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
Qu’un heur pareil au tien fût permis à mes yeux !
37

56Ce premier quatrain est l’adaptation transparente des premiers vers d’Ovide.

57Pont-Euxin le favorable, Pont Axin le cruel ? Ces jeux de mots qui relevaient de l’ancienne manière, disparaissent au fil des vers des Pontiques – particulièrement si on les lit dans l’adaptation de Marie Darrieussecq, qui les escamote. La matière en quelque sorte ornementale de la cosmogonie et du monde légendaire n’a plus de sens sur les bords du Pont-Euxin  – sauf à le considérer comme une illustration de l’âge de fer auquel il serait désormais condamné : dans une contrée peu sûre, loin de la paix romaine, assiégée par les ennemis barbares, il se voit entouré par des êtres « incultes », qu’il commence par refuser de toutes ses forces38 par peur et mépris, puis qu’il adopte progressivement, au point de sentir à nouveau quelqu’un aux yeux des Gètes, écouté, couronné dans les dernières pièces des Pontiques. Dans ces dernières pages, il peut renoncer à envoyer des vers – bien fades – pour expédier un carquois et des flèches empoisonnées. Selon la traductrice,

Il y a une évidence à compacter les deux titres, Les Tristes et Les Pontiques, en « Tristes Pontiques », en hommage à Tristes Tropiques. Comme Lévi-Strauss deux mille ans plus tard, Ovide a fait un voyage dans l’espace mais aussi dans le temps. Sauf que chez Ovide, le monde qui va mourir, ce n’est pas celui des « barbares » ou des « primitifs », c’est le sien, c’est la civilisation romaine39.

58Il ne fait pourtant pas vraiment œuvre d’anthropologie, mais avec cette nouvelle sympathie la terreur d’oublier sa langue et la frustration de ne plus l’entendre se concrétise par des affirmations récurrentes selon laquelle la perte de soi passe par la dépossession de sa propre langue où se glissent désormais des tournures sarmates ou gètes :

Saepe aliquod quaero uerbum nomenque locumque,
     nec quisquam est a quo certior esse queam.
Dicere saepe aliquid conanti (turpe fateri)
     uerba mihi desunt dedidicique loqui.
Threicio Scythicoque fere circumsonor ore,
     et uideor Geticis scribere posse modis.
Crede mihi, timeo ne sint inmixta Latinis
     inque meis scriptis Pontica uerba legas.
(Tristes, III, 14, v. 43-50)

souvent je cherche un mot
je veux me souvenir d’un nom ou d’un passage
je l’ai sur le bout de la langue

quelle honte quel aveu
j’ai oublié ma langue
et je ne peux demander à personne
autour de moi ça parle thrace et scythe
je vais finir par écrire en sarmate

ces mots barbares dans ces bouches partout
je crains qu’ils n’envahissent mes livres
et que des mots pontiques surgissent dans mes vers40

59« Trouver une langue nouvelle » ! Il ne peut plus écrire – ou doit changer de manière, pour assouvir une vengeance amère : cette nouvelle incapacité est l’occasion d’un nouvel art poétique. Cet écho paradoxal est repris par Du Bellay :

De la postérité je n’ai plus de souci
Cette divine ardeur je ne l’ai plus aussi
Et les muses de moi comme étranges s’enfuient41

60avec heureusement la postérité paradoxale que l’on sait.

Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs !42

61 

62Ovide a donc engendré une postérité à laquelle il n’avait pas pu même rêver, puisque les Tristes et les Pontiques ont rencontré plutôt tardivement leur public. Si les Métamorphoses ont suscité beaucoup d’œuvres d’art, les lettres engendrées par une bile noire exigent une lecture plus curieuse.

63Écrire encore est le moyen d’assumer ce qui l’a amené à ce point de la mer Noire. Pour la postérité il envoie des « bouteilles à la mer ». Une transmutation comme celle que tente Marie Darrieussecq (qui, rappelons-le, a écrit son premier roman, Truismes, sur l’histoire d’une métamorphose) sauve l’ombre d’un Ovide qui n’a pas renoncé à écrire, mais a renoncé à une forme facile et colorée. Les Tristes et les Pontiques sont le lieu de naissance, dans la douleur, certes, d’un homme nouveau, Le climat plus rude de la mer Noire l’a métamorphosé.

tu ne me reconnaîtrais pas
ces dernières années m’ont métamorphosé43

64C’est donc lui-même, désormais, qui a changé : peut-être cette transformation est-il plus visible si on dépouille les ornements convenus et datés qui nous voilent l’atemporalité de cette aventure. C’était bien le but de l’écrivaine que de se réapproprier à son tour les premiers mots de cette littérature d’exil, et lui donner un nouvel élan :

Je ne comprends toujours pas comment ça marche, cette trace qui me bouleverse : l’écriture, la voix des fantômes. J’ai eu besoin de traduire pour entendre parler en moi cet exil, et pour faire entendre, à nouveau, cette voix.
Qu’un homme ait écrit sur une plage perdue, il y a deux mille ans : ce geste me concerne44 […].

65Si les lecteurs comme Salim Bachi peuvent le lire aujourd’hui, c’est que la transposition a donné un accès épuré à ce qui fait la véritable richesse du texte : une lecture plus profonde, ouverte à la réflexion sur l’exil, sur la manière d’éprouver l’essentiel hors de ses lieux familiers : lieux communs, nouveaux rivages. Autres échos d’exilés, contraints à la réclusion solitaire :

N’immatriculez ce corps nulle part. Laissez-le de tous les horizons. […]
Ni la face cachée du ciel ne sera nommée, ni la géographie du pays dessinée sur les sables.
La nostalgie future me lasse. Ce corps petit et tourmenté s’effiloche. Au lieu de vous conter mon histoire, je vous parle de l’absence ; je vous dis mes manques, mes creux et mes songes. C’est parce que la vie est ailleurs et que cet ailleurs est fissuré par la tristesse ordinaire que je m’accroche – et vous avec moi – aux pans de la folie et du rêve. Alors suivez-moi et renversez la phrase.
Mais toi tu connais les hommes qui peuplent ma mémoire…45

Notes de bas de page numériques

1 Du Bellay, Les Regrets, 9, « France mère des arts… », v. 6-7.

2 Jean-Marin de Kervillars, Les Élégies d’Ovide pendant son exil, traduites en françois avec des remarques critiques et historiques, Le latin à côté, Paris, chez d’Houry, 1723, préface, p. XII. (http://www.notesdumontroyal.com/document/7a.pdf)

3 Salim Bachi, L’Exil d’Ovide, Paris, JC Lattès, 2018, p. 14-15.

4 Michel Volkovitch pages d'écriture n°77, février 2010. http://volkovitch.com/rub_carnet.asp?a=pe77 , cons. 15 octobre 2018.

5 P. de Kervillars, Les Élégies d’Ovide pendant son exil, traduites en françois avec des remarques critiques et historiques, Le latin à côté, Paris, chez d’Houry, 1723, préface, p. XIX-XX. Nous soulignons.

6 Charles Nisard, in Ovide, Œuvres complètes, Dubochet, Le Chevalier & comp., 1838, Désiré Nisard éd., avertissement des éditeurs, p. V. Nous soulignons.

7 Marie-Claire Chatelain, « Le modèle ovidien de l’élégie au xviie siècle », Tangence, n° 109, 2015, p. 17-39, ici p. 24. https://doi.org/10.7202/1037383ar (Erudit.org), cons. 4 mars 2019.

8 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, P.O.L, 2008, p. 87. Voir aussi II, 220.

9 Kervillars, Les Élégies d’Ovide pendant son exil, op. cit., préface, p. XVI-XVII.

10 Vintila Horia s’est vu attribuer pour ce roman le prix Goncourt en 1960, mais la réprobation des intellectuels français face à son soutien, dévoilé, du fascisme italien (des articles sur le « Miracolul fascist » dans les colonnes de son journal Sfarmă Piatră) a eu pour conséquence que la récompense ne lui a pas été décernée.

11 Jean Starobinski, « Mémoire de Troie », Critique, Éditions de Minuit, 2004/8 n° 687-688, p. 725-753, ici p. 734. https://www.cairn.info/revue-critique-2004-8-page-725.htm

12 Les Regrets d’Ovide, traduicts en prose françoise, Paris, H. Sara, 1625. Disponible sur le site BnF, gallica.

13 http://www.notesdumontroyal.com/note/7.

14 Les Élégies d’Ovide, Traduction enrichie de notes critiques et historiques, nouvelle édition, Paris, Joseph Barbou, 1756.

15 Michel Volkovitch, loc. cit.

16 Jean Binard, Les Regrets d’Ovide, p. 1.

17 Michel Volkovitch, loc. cit.

18 Jean Starobinski, « Mémoire de Troie », Critique, p. 734.

19 Jean Starobinski, « Mémoire de Troie », Critique, p. 735.

20 Marie Darrieussecq, Tristes pontiques, p. 151.

21 Marie Darrieussecq, Tristes pontiques, p. 84.

22 Marie Darrieussecq, Tristes pontiques, p. 118.

23 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, Préface p. 17.

24 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, Préface p. 17.

25 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, Préface p. 17.

26 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 253.

27 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 111.

28 Jean Starobinski, « Mémoire de Troie », Critique, p. 734.

29 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 359.

30 Traduction de Jacques André, Les Belles Lettres, 1987, p. 67.

31 Traduction de Jacques André, p. XXXI.

32 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 408-409.

33 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 308.

34 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 258.

35 Vintila Horia, Dieu est né en exil, Fayard, 1960, p. 85.

36 Voir Charles Paul Segal, Landscape in Ovid’s Metamorphoses. A study in the transformations of a litterary symbol, Wiesbaden, Franz Steiner Verlag, 1969.

37 Du Bellay, Les Regrets, « À son livre », Gallimard, « poésie/nrf », 1967, p. 67.

38 III, 10 : 1-78 ; III, 12 : 1-54, V, 7 : 1-68, V, 10 : 1-52.

39 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, préface p. 11.

40 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 134.

41 Du Bellay, Les Regrets, 6, « Las, où est maintenant… », v. 12-14

42 Rimbaud, « Lettre à Demeny » [1871], Gallimard, « poésie/nrf », 1973, p. 202.

43 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 253.

44 Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, p. 19.

45 Tahar Ben Jelloun, La Réclusion solitaire, Denoël, 1976, « Folio », 2015, p. 78.

Bibliographie

Traductions

Jean Binard, Les Regrets, Sara, 1625

Abbé de Marolles, Les Pontiques, 1661

Étienne-Algay de Martignac, Les Tristes, 1697

Jean-Marin de Kervillars, Les Élégies d’Ovide pendant son exil, chez d’Houry, 1723/1738/n. éd. Joseph Barbou 1756/1799

Armand-Balthasard Vernadé, Théodose Burette, Les Tristes, coll. Panckouke, Garnier frères, 1834

Charles Nisard, Les Tristes, Dubochet, Le Chevalier & Garnier frères, 1838/1843/1850/1861/1864/1869/1876/1881

Armand-Balthasard Vernadé, Théodose Burette, revu par Émile Pessonneaux, Les Tristes, Garnier frères, 1861, 1867

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Émile Ripert, Les Tristes, Garnier frères, 1957

Jacques André, Tristes, CUF, Les Belles Lettres, « Budé », 1968

Dominique Poirel, Les Tristes, La Différence, 1989

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Danièle Robert, in Lettres d’amour, Lettres d’exil, Actes Sud, 2006

Marie Darrieussecq, Tristes Pontiques, P.O.L, 2008

Jean-Luc Lévrier, Tristesses, Sables, 2017

Autres textes

BACHI Salim, L’Exil d’Ovide, Paris, JC Lattès, 2018

BEN JELLOUN Tahar, La Réclusion solitaire, Denoël, 1976, « Folio », 2015

DU BELLAY Joachim, Les Regrets [1558], Gallimard, « poésie/nrf », 1967

HORIA Vintila, Dieu est né en exil, Fayard, 1960

RIMBAUD Arthur, « Lettre à Demeny » [1871], Gallimard, « poésie/nrf », 1973

Études

CHATELAIN Marie-Claire, « Le modèle ovidien de l’élégie au xviie siècle », Tangence, n° 109, 2015, p. 17-39, https://doi.org/10.7202/1037383ar (érudit.org), cons. 4 mars 2019

SEGAL Charles Paul, Landscape in Ovid’s Metamorphoses. A study in the transformations of a litterary symbol, Wiesbaden, Franz Steiner Verlag, 1969

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VOLKOVITCH Michel, pages d'écriture n°77, février 2010, http://volkovitch.com/rub_carnet.asp?a=pe77 , cons. 15 octobre 2018

Pour citer cet article

Odile Gannier, « Lettres d’exil : un long chemin des Tristes et des Pontiques, d’Ovide à Marie Darrieussecq », paru dans Loxias-Colloques, 13. Lettres d'exil. Autour des Tristes et des Pontiques d’Ovide, Traductions, adaptations et réécritures, Lettres d’exil : un long chemin des Tristes et des Pontiques, d’Ovide à Marie Darrieussecq, mis en ligne le 17 août 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1275.


Auteurs

Odile Gannier

Odile Gannier, professeur de Littérature comparée (et agrégée de Lettres classiques), travaille en particulier sur la littérature de voyage et ses différents aspects, dont la littérature d’exil, les migrations, les représentations et l’imagologie.

Université Côte d’Azur, CTEL