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Laura Singeot :
Cook et la découverte de l’indigénéité : entre utopie et dystopie coloniale
Résumé
Cet article s’attache à démontrer que la construction imaginée des populations autochtones rencontrées lors des voyages de Cook se développe conjointement à la création d’une « communauté imaginée » britannique mais aussi européenne. En effet, la première conséquence des descriptions des populations alors rencontrées pour la première fois était de construire la communauté de l’observateur par ricochet. Paradoxalement, la comparaison avec l’utopie ‒ tout comme avec celle de son contraire, la dystopie ‒ appelle à l’affirmation en parallèle de l’identité nationale. En effet, il n’est tout d’abord pas tant question de construire l’autre que de s’affirmer en tant que nation dominante, puissante et moderne, à la pointe du progrès.
Abstract
When James Cook explored the Pacific, the populations he met were living in a seemingly prelapsarian state, but their encounter with the Europeans marked their fall into a world dominated by the craving for progress. Indeed, the Enlightenment was founded on humanist principles which encompassed the belief in progress and its emancipatory dimension. However, questions and criticism arose : progress also dehumanized individuals, enslaving them to the machines. As a consequence, another school of thought, led by Rousseau, looked into the discoveries made during the voyages and focused on the encounter with native populations : these were truly happy and free, whereas progress and its consequences debased European society. Thus, this article aims at showing that the first encounters with the Indigenous peoples took place in a context in which British society also craved for self-definition : indeed, the first descriptions of the populations indirectly led to the creation of the community of origins of the explorers who were relating those encounters. Paradoxically, the analogy between this new world and utopia ‒ as well as its contrary, dystopia ‒ called for a simultaneous demand for national identity. Such narratives did not merely stage the construction of the Other but they also led to creation of a dominant and powerful nation.
Index
Mots-clés : construction de la nation , indigénéité, James Cook, voyages d’exploration
Keywords : construction of the nation , encounter with Indigeneity, James Cook, voyages of discovery
Géographique : Pacifique
Chronologique : XVIIIe siècle
Plan
- De l’état prélapsaire à la chute : la construction culturelle et eurocentrée de « l’État de Nature »
- Paradigmes du progrès : industrialisation et vision temporalisée
- Construction de l’ethos de la nation
- Conclusion
Texte intégral
1Dès leurs premiers ancrages dans les eaux polynésiennes et leur premier contact avec la population de ces îles, les explorateurs sont tombés sous le charme du mode de vie qu’ils ont décrit comme paradisiaque. Bougainville par exemple a nommé Tahiti la « Nouvelle Cythère », car il la percevait comme une île rêvée, tandis que son naturaliste, Philibert Commerson, avait déjà commencé à appeler l’île « Utopie » dans le journal qu’il écrivait. De l’utopie1, elle en a apparemment les attributs si ce n’est le nom, rappelant l’île créée par Thomas More (1516) où une société autarcique vit en bonne entente, prospère et satisfait ses besoins simplement. C’est ce à quoi les Européens s’attendent donc en explorant le Pacifique, et c’est ce qu’ils y découvrent selon les premières descriptions qu’ils en font. Cette construction, imaginaire tout d’abord, se développe ensuite conjointement à la création d’une « communauté imaginée » pour reprendre l’expression de Benedict Anderson2, puisque la première conséquence de telles descriptions était de construire la communauté de l’observateur par ricochet. Il ne s’agit plus tant de s’intéresser à l’objet du regard (les populations autochtones) qu’à la communauté géographique et culturelle3 du sujet-observant, tout en effaçant les mécanismes subjectifs ayant amené à une telle représentation. En effet, il n’est tout d’abord pas tant question de construire l’Autre que de s’affirmer en tant que nation puissante et moderne, à la pointe du progrès.
2Il s’agit donc de se demander comment la construction de l’Autre a été corrélée à la construction des sujets-observants, mais aussi et surtout comment la construction de la nation s’est finalisée conjointement à celle de l’Empire. En effet, construire l’Autre selon une typologie précise permet en filigrane de réaffirmer ses propres valeurs, en un genre de construction extra-territoriale de la société d’origine. Par conséquent, il conviendra de se demander dans quelle mesure les premières descriptions des populations autochtones étaient régies par une vision euro-centrée de « l’État de Nature ». L’arrivée des Européens dans des contrées « intactes » ont permis d’y introduire une vision temporalisée, tournée vers le progrès. Enfin, comment de tels récits ont également permis de construire la nation britannique.
De l’état prélapsaire à la chute : la construction culturelle et eurocentrée de « l’État de Nature »
3Dès le xviiie siècle, les philosophes européens ont commencé à examiner la société et les différents états de l’homme pour en expliquer l’évolution, des tribus primitives vers la civilisation telle qu’elle est connue à l’époque. Cette pensée, dont les prémices sont apparues avec Hobbes et Locke à la fin du xvie, connaît un autre développement au siècle des Lumières avec la réflexion de Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de 1755. Il y mentionne cet état primitif, dit prélapsaire, car d’avant la chute, et tente de décrire l’homme « naturel4 » ou « originel5 », qui selon lui était bon (mais sans être moral) avant d’être corrompu par la société et de devenir l’homme « civil ». En effet, il attribue à cet homme naturel deux principes primordiaux, « antérieurs à la raison », qui sont « [l’intérêt] à [son] bien être et à la conservation de [soi-même] » et « la répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement [ses] semblables6 ». Cet état de nature d’avant la chute est associé à l’idée d’utopie par Rousseau qui, dès la Préface du Discours, le décrit comme « un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais7 ». Dès l’arrivée des Européens, ce type de société tel qu’il est imaginé par Rousseau ‒ et dont les principaux attributs semblent être le bonheur et la tranquillité ‒ n’existe pour ainsi dire plus, et devient par définition « utopique ».
4Aussi, les premières descriptions du territoire de la Nouvelle-Galle du Sud diffusées par les écrits de Cook illustrent parfaitement les idées de Rousseau, et en réutilisent d’ailleurs le vocabulaire : « this Eastern side is not that barren and miserable country that Dampier and others have described the Western side to be. We are to consider that we see this country in the pure state of nature8. » Les premières descriptions de ces contrées et surtout de leurs populations fonctionnent donc en quelque sorte comme des allégories des débats qui font rage en Europe au xviiie et notamment ceux sur la nécessité du progrès dans la société, ainsi que sa relation conflictuelle avec le bonheur individuel. Les indigènes deviennent l’épitome du Bon Sauvage, à l’état de nature. Ce questionnement quant à la place du progrès dans le bonheur d’une société apparaît très clairement et assez fréquemment dans les récits de Cook. Selon lui, dans cet état de nature, les Aborigènes semblent parfaitement heureux, loin des affres de la civilisation qui engendre les inégalités parmi les hommes :
From what I have said of the Natives of New Holland they may appear to some to be the most wretched People upon Earth; but in reality they are far more happier than we Europeans, being wholy unacquainted not only with the Superfluous, but with the necessary Conveniences so much sought after in Europe; they are happy in not knowing the use of them. They live in a Tranquility which is not disturbed by the Inequality of Condition. The earth and Sea of their own accord furnish them with all things necessary for Life. They covet not Magnificient Houses, Household-stuff, etc. ; they live in a Warm and fine Climate, and enjoy every wholesome Air, so that they have very little need of Cloathing […]9.
5Cette description s’appuie sur une analogie qui fonctionne de façon négative : la description renvoie toujours à la société européenne en montrant ce que ces populations n’ont, ne sont ou ne font pas. Les formulations contiennent toutes des négations, qu’elles apparaissent en préfixe (« unacquainted »), en quantifieur (« very little need ») ou tout simplement par l’usage répété de « not ». C’est donc en parallèle la construction de la société européenne, telle qu’elle est aussi perçue par l’un de ses membres, qui s’offre aux yeux du lectorat, identifiant ainsi son propre mode de vie à celui décrit par l’inversion dans cette description.
6Pour revenir à l’exemple par excellence qui inscrit ces populations dans un état de nature aux yeux des Occidentaux, la référence aux vêtements, ou plutôt à l’absence de vêtements, se retrouve dans tous les récits d’explorateurs et de colons, dont ceux de Cook. Souvent, l’élément perturbateur, la « chute » pour ainsi dire, se voit encore attribuée à l’arrivée des Européens au sein d’un groupe de femmes, qui sans cette intrusion seraient restées nues :
I saw a strong proof that the Women never appear naked, at least before strangers. Some of us hapned to land upon a small Island where several of them were Naked in the Water, gathering of Lobsters and shell fish ; as soon as they saw us some of them hid themselves among the Rocks, and the rest remain’d in the Sea until they had made themselves Aprons of the Sea Weed ; and even then, when they came out to us, they shew’d Manifest signs of Shame, and those who had no method of hiding their nakedness would by no means appear before us10.
7Dans ce texte, le vocabulaire utilisé par Cook insiste également sur la notion de chute, presque biblique, avec par exemple l’évocation du sentiment de honte (« Shame ») qui découle de cette prise de conscience des femmes d’être en présence d’étrangers. Dans une anecdote australienne que Cook raconte dans son journal, cette nudité est même remise en contexte avec les débats de l’époque :
We could very clearly see with our Glasses that the Woman was as naked as ever she was born; even those parts which I always before now thought Nature would have taught a woman to Conceal were uncovered11.
8Dans cet extrait, Cook se voit donc obligé de revoir ses attentes et de se départir de ses préjugés : ce n’est pas la Nature qui a appris aux femmes indigènes à se vêtir, mais l’arrivée des Européens en est la cause et elle symbolise la chute. Cook fait donc plus ou moins implicitement la différence entre Nature et Culture, puisque les vêtements sont bien un attribut culturel dans ce cas, même s’il ne les avait jamais considérés comme tels auparavant. Aussi, même si la différence entre Nature et Culture envahit les récits de Cook, il souligne ici le fait que l’observation phénoménologique de cet événement ponctuel lui a fait changer d’avis quant à l’universalisme de certaines mœurs et coutumes.
9Dans un extrait cité plus tôt, Cook décrit les femmes aborigènes immergées dans la nature, qui pêchent et finissent par se confectionner des tabliers d’algues pour soustraire leur nudité aux yeux des Européens. Ces descriptions concentrées sur la nature rappellent les descriptions qu’en faisait Rousseau à peine deux décennies plus tôt, lorsqu’il soulignait la félicité de ces populations qui connaissaient certes déjà le travail manuel, mais qui utilisaient à bon escient les matériaux bruts fournis par la nature :
Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, […] en un mot tant qu’ils ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature [...]12.
10Cet extrait peut rappeler plusieurs courants de pensée et débats de l’époque. Il repose sur le champ sémantique de la nature, et plus précisément celui des matériaux naturels, qui structure tout le texte : « peaux », « épines », « arêtes », « plumes », « coquillages ». Différents domaines naturels sont ainsi mentionnés, que ce soit la faune (gibier, poissons, oiseaux), ou la flore. S’il y a bien des constructions ou des instruments qui sont évoqués, ils sont rudimentaires, « cabanes rustiques » et « grossiers instruments ». D’une part, le bonheur de ces populations semble ne s’appuyer que sur la satisfaction de leurs besoins naturels, comme l’observait déjà Cook à propos des Aborigènes lors de son premier voyage : « being wholy unacquainted not only with the Superfluous, but with the necessary Conveniences so much sought after in Europe […]13 ».
11Cette idée se rapproche d’un autre courant en rapport avec la perception du progrès, celui de l’utilitarisme, théorisé par Jeremy Bentham en 1781 : il s’intéresse au bien-être collectif comme fondé sur l’assouvissement des penchants naturels des individus. Cette vision hédoniste considère donc l’utilité comme fondement du bonheur et rejoint aussi l’intérêt des Lumières pour l’universel. D’autre part, « des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et […] des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains14 » laisse entendre une critique à peine cachée du travail collectif (rappelant « the hands of Industry »), qui laisse présager de la mécanisation du travail dans les années à venir. Cet extrait souligne qu’au lieu de rendre « libres » les indigènes, un travail plus avancé et cadencé les asservit au contraire15. Ainsi, les récits de Cook témoignent de et s’inscrivent dans les débats intellectuels de l’époque, sans forcément vraiment prendre parti puisqu’il hésite entre les bienfaits du progrès qu’il pourrait apporter à ces populations et l’impact néfaste que le contact avec les Européens peut avoir sur les sociétés qu’il rencontre.
Paradigmes du progrès : industrialisation et vision temporalisée
12Le siècle des Lumières a vu se développer la pensée humaniste qui s’appuie sur la croyance en le progrès humain, et sa fonction émancipatrice. D’autres courants de pensée ‒ annexes mais liés ‒ sont venus s’y greffer comme le libéralisme économique d’Adam Smith (1776) ou bien l’utilitarisme de Jeremy Bentham (1781). En Europe c’est donc toute une réflexion sur le progrès, mais aussi sur l’avenir et la direction que va prendre la société occidentale qui occupe les esprits. Cependant, si l’Europe se tourne vers l’avenir et si sa pensée se modèle selon ce nouveau rapport au progrès ‒ galopant en cette fin de xviiie siècle, juste avant la Révolution Industrielle du milieu du xixe siècle ‒, simultanément des questions et des critiques apparaissent : le progrès déshumanise aussi l’individu, tout en le rendant esclave des machines16. Un autre courant de pensée, mené par Rousseau notamment, se tourne alors vers les découvertes des expéditions et s’intéresse surtout à l’étude et à la rencontre des populations autochtones : pour lui, elles seules sont encore libres et heureuses, alors que le progrès et tout ce qu’il amène de superflu avilit les sociétés européennes. Aussi, dès leur rencontre avec les Européens, les populations autochtones intègrent malgré elles leur système temporel linéaire, régi par la course au progrès, alors que leurs rites étaient conventionnellement inscrits dans un temps cyclique ou circulaire17. Les indigènes semblaient donc être figés dans le temps, ou tout du moins ils n’en subissaient pas les assauts, autre caractéristique de l’utopie ‒ le temps qui s’allonge ou qui tout bonnement n’existe plus. Ces lieux utopiques, imaginés, et construits dans l’imaginaire collectif, fascinent d’autant plus qu’ils semblent ainsi abriter en leur sein l’enfance de l’humanité que les Occidentaux vont tenter de civiliser.
13L’universalisme des Lumières prône la possibilité pour les êtres humains de progresser et de se perfectionner. C’est l’un des arguments du débat humaniste qui a lieu au xviiie siècle et qui, selon Suzy Halimi, permet de « réconcilier primitivisme et progrès. À l’origine, la nature est corrompue ou grossière, à l’état brut ; la culture l’améliore peu à peu ; le progrès moral accompagne la civilisation18. » Or s’il y a débat, c’est aussi qu’un autre courant de pensée, dont fait partie Jean-Jacques Rousseau, prend le contre-pied de cet optimisme humaniste quant au bénéfice engendré par le progrès technique, puis industriel. La chute provoquée par l’introduction de ces populations dans un monde dominé par une course au progrès marque le passage de l’utopie à la dystopie. Rousseau s’attache à décrire ce processus et montre un certain pessimisme quant aux conséquences négatives sur les hommes d’un tel progrès : « toutes les commodités que l’homme se donne de plus qu’aux animaux qu’il apprivoise sont autant de causes particulières qui le font dégénérer plus sensiblement19. » Cette chute qui introduit une « dégénérescence » est elle-même due à « quelque funeste hasard20 », c’est-à-dire l’avènement de la métallurgie et de l’agriculture. Ces « deux arts dont l’invention produisit cette grande révolution21 » furent précisément ceux que les Européens tentèrent de faire adopter aux populations autochtones qu’ils rencontraient. Dans son premier rapport général sur l’Australie, Cook réfléchit déjà aux possibles bénéfices que les colons pourraient tirer des terres sur lesquelles ils avaient débarqué s’ils y implantaient l’agriculture :
The Country itself, so far as we know, doth not produce any one thing that can become an Article in Trade to invite Europeans to fix a settlement upon it. […] the Industry of Man has had nothing to do with any part of it, and yet we find all such things as nature hath bestow’d upon it in a flourishing state. In this Extensive Country it can never be doubted but what most sorts of Grain, Fruit, roots, etc., of every kind would flourish here were they once brought hither, planted and Cultivated by the hands of Industry22.
14L’idée d’une colonisation éventuelle ne semble pas étrangère à Cook, comme le démontre la première phrase de la citation, où il se pose la question du commerce entre les deux peuples, « to invite Europeans to fix a settlement upon it. » La nature trouve son pendant dans la Culture, en tant qu’agriculture ici, « cultivated by the hands of Industry », bien qu’originellement l’homme n’en soit pas l’instigateur, « nature hath bestow’d ».
15L’industrialisation, loin de concerner seulement le progrès lié à la mécanisation des tâches qui s’opère principalement lors de la Révolution Industrielle du milieu du xixe siècle, doit d’abord être comprise dans ce contexte comme tous les changements liés à l’activité et au travail humain. C’est dans ce sens que, dans l’extrait cité ci-dessus, Cook emploie par deux fois le terme « industry ». Tout comme ce dernier dessine déjà la relation entre industrialisation et visées commerciales, Mary Louise Pratt va plus loin en considérant le progrès promis par l’industrialisation comme l’une des bases de l’entreprise impériale :
It was their own competition with each other that bound European powers together in finding new forms for Euroimperial interventions, and new legitimating ideologies: the civilizing mission, scientific racism, and technology-based paradigms of progress and development23.
16Ainsi dans la hiérarchisation qui apparaît pour légitimer « l’intervention euro-impérialiste », les Européens sont considérés comme les plus évolués, alors que les indigènes ne sont vus que comme vivant à un stade d’avant le progrès, tourné vers le passé. Cette toute nouvelle co-présence des populations indigènes et des Européens fait partie intégrante du concept de « contact zone », souvent considéré comme synonyme de celui de « colonial frontier »24 et défini ainsi par Pratt :
[It is the] space of colonial encounters, the space in which peoples geographically and historically separated come into contact with each other and establish ongoing relations, usually involving conditions of coercion, radical inequality, and intractable conflict. […] A ‘contact’ perspective emphasizes how subjects are constituted in and by their relations to each other. It treats the relations among colonizers and colonized, or travelers and ‘travelees’, not in terms of separateness or apartheid, but in terms of copresence, interaction, interlocking understanding and practices, often within radically asymmetrical relations of power25.
17Les indigènes ne sont connus qu’au travers de leurs interactions, leurs actions et leurs réactions envers les Européens, et la comparaison, plus ou moins implicite, mais en tout cas toujours latente, permet de placer les indigènes sur un axe temporel par rapport aux Européens, ce qui dénote simultanément leur positionnement sur l’échelle du progrès.
18En effet, cette notion de progrès doit être rapprochée de celle de « temporalisation » des sociétés, d’après Johannes Fabian dans Time and The Other, entre celles dites primitives, décrites comme passéistes, et celles développées, tournées vers l’avenir26. La chute souligne le passage du temps cyclique au temps linéaire, synonyme de progrès, ce qui implique que sur un axe temporel, le futur soit associé à un stade plus avancé, plus civilisé. Les explorateurs eux-mêmes opèrent ce rapprochement entre degré de civilisation et développement temporel, puisque l’image très souvent utilisée pour illustrer cette vision temporalisée est celle des âges de la vie, auxquels Johann Reinhold Forster assimile différents degrés de « sauvagerie ». Dans ses journaux publiés pour la première fois en 1778, ce naturaliste, compagnon de voyage de Cook à bord de la Resolution27, explique ainsi :
If we consider the progress of man as an individual, from birth to manhood, we find it very slow and gradual […]. [T]he approach towards civilization, must be left to time […]. From animality nations ripen into savages, from this state they enter into that of barbarism, before they are capable of civilization […]28.
19Le passage d’un état de nature à un état plus civilisé repose sur un processus de maturation, lent et graduel, aux étapes duquel on ne peut se soustraire. Celles-ci sont décrites avec une rigueur presque anthropologique : de l’animalité à l’état sauvage, puis la barbarie et enfin la civilisation, respectivement illustrés par les âges de la petite enfance (« infancy »), l’enfance (« childhood »), l’adolescence (« adolescence ») et l’âge adulte (« manhood »)29. Dans cet extrait, on peut aussi remarquer le transfert du singulier de la nation civilisée au pluriel des nations qui ne le sont pas encore. En effet, selon Tzvetan Todorov dans Les Morales de l’Histoire :
‘la civilisation’ est toujours au singulier dans les écrits de cette époque […] ; ce qui n’est pas dit, mais qui est lourdement sous-entendu, est que notre civilisation est la civilisation, et qu’il n’y en a qu’une ; ne pas être comme nous c’est ne pas être civilisé ; c’est ne pas être30.
20Alors que Todorov parle de la relation de la Bulgarie avec la France, à l’époque des explorateurs, et jusqu’au xixe siècle, on ne parle de la civilisation, ainsi que du monde civilisé, qu’au singulier : ces termes se réfèrent ainsi uniquement à l’Occident et donc à l’Empire. Il s’agit de se construire une fois encore comme un groupe unifié, une nation, qui plus est civilisée.
21Cook se positionne tantôt comme un digne représentant de la Couronne et des bienfaits qu’elle peut dispenser autour d’elle, tantôt comme un virulent critique de l’impact négatif du contact de ces populations indigènes avec les Européens, dont il fait partie :
such are the consequences of a commerce with Europeans and what is still more to our Shame civilized Christians, we debauch their Morals already too prone to vice and we interduce among them wants and perhaps diseases which they never before knew and which serves only to disturb that happy tranquillity they and their fore Fathers had injoy’d31.
22Cook a donc conscience des conséquences néfastes que peuvent avoir les relations entre populations autochtones et Européens, d’où un sentiment de gêne qui transparaît régulièrement dans ses récits. Ces relations n’engendreraient que flétrissure et dégénérescence de ces populations, ternies par le contact avec le progrès, qui induit nécessairement ici de nouveaux besoins, mais aussi de nouvelles maladies. La dégénérescence n’est pas seulement morale ou éthique (avec les exemples de vol et de prostitution) mais se fait aussi physique. L’idée que ces populations sont en voie d’extinction est déjà très prégnante lorsque Cook écrit ces lignes dans les années 1770 ; nul scientifique n’aurait pu prédire que c’est précisément l’arrivée de leurs congénères qui précipiterait ces populations vers un déclin inéluctable pour certaines32. De même, l’un des aspects les plus marquants du Discours sur l’inégalité est l’amalgame que semble faire Rousseau entre progrès et dégénérescence de l’individu dans le contexte des rencontres aux antipodes : « tous les progrès ultérieurs ont été en apparence autant de pas vers la perfection de l’individu, et en effet vers la décrépitude de l’espèce33. » La dystopie devient parfois génocidaire.
Construction de l’ethos de la nation
23Bien que les relations de voyage des explorateurs soient d’abord considérées pour ce qu’elles disent des choses vues et des populations rencontrées selon les observations empiriques et phénoménologiques de leurs auteurs ‒ qui sont d’ailleurs plutôt perçus comme de simples rapporteurs ‒, une autre dimension a quant à elle été peu étudiée, celle qui se concentre sur ce que ces mêmes récits dévoilent de la société européenne de l’époque. Ces récits construisent finalement l’ethos d’une nation, dont l’identité se construit en regard du contact avec les Autres. L’idée d’État-Nation34 commence à apparaître en Europe au xviiie mais elle ne s’imposera qu’au xixe siècle. Néanmoins, ces États-Nations se construisent aussi grâce à leurs contacts avec l’extérieur, que ce soit par la conquête de nouveaux territoires pour affirmer leur puissance, ou par des ambassadeurs de facto que sont les explorateurs et premiers colons, dont le but est de faire connaître et diffuser leur culture d’origine. De manière indirecte, selon leurs commentaires, ils mettent en lumière ce qui définit selon eux leur propre culture, ses valeurs fondamentales, puisqu’ils tentent de les répandre largement. Jean-Stéphane Massiani résume cette situation ainsi :
Dans ses trois voyages, [Cook] reste au niveau des enquêtes de terrain et n’est jamais dans la position d’un observateur complètement détaché, ayant fait abstraction de sa propre culture, de ses habitudes ou de ses préjugés, à la manière des ethnographes modernes35.
24Même aux antipodes, Cook conserve un pied en Europe, puisqu’il est envoyé par la Couronne pour rapporter des récits et des preuves matérielles de ce qu’il voit. Massiani souligne le « caractère profondément subjectif du regard » que Cook pose sur les objets qu’il observe :
Car Cook, comme tous les autres voyageurs, ne voyage jamais seul. Il emporte avec lui ses préjugés et ses catégories mentales préétablies qui viennent, d’une certaine manière, modéliser le réel qui se dévoile peu à peu sous ses yeux36.
25Bien que les récits de Cook se veulent objectifs, sa perception reste malgré tout eurocentrée : sa culture apparaît toujours en filigrane au détour de comparaisons et d’analogies, éléments récurrents dans tous les récits d’explorateurs qui viennent ainsi « modéliser le réel ».
26La modélisation évoquée par Massiani repose sur la mise en relation de l’inconnu des nouveaux territoires au connu européen. Cet inconnu se transforme ainsi par le biais d’une comparaison en familier : si l’on ne peut le dompter, on peut au moins tenter de le représenter et de le décrire de cette façon. Le lectorat peut ainsi goûter l’Ailleurs qui paradoxalement a une saveur tout européenne comme l’explique François Hartog lorsqu’il définit la comparaison, procédé fréquemment utilisé dans les récits de voyage, comme « une manière de réunir le monde que l’on raconte et le monde où l’on raconte et de passer de l’un à l’autre37 » :
Pour que la comparaison ramène quelque chose, il convient en effet que le deuxième terme appartienne au savoir partagé des gens à qui s’adresse le voyageur. […] Quand le premier terme n’a pas d’équivalent direct dans le monde où l’on raconte, ou que le monde où l’on raconte ne peut fonctionner directement comme référence, la traduction doit alors se faire transposition38.
27C’est ainsi que les récits de voyage se place dans cette « rhétorique de l’altérité39 » tout en ramenant l’inconnu au connu pour placer devant les yeux des lecteurs ces nouvelles contrées. Le but recherché est donc de rendre familier pour rendre maîtrisable ‒ « homely, domestic » selon Paul Carter40 ‒ ce qui ne l’est pas à première vue, puisque, comme ce dernier l’explique : « in describing novelties, one could not treat language as an objective mirror to reality […]. Even the most objective name was applied by way of analogy […]41 . » L’objectivité scientifique tant recherchée dans ces récits apparaît malgré tout teintée de subjectivité, d’eurocentrisme.
28Or c’est ce retour sur soi qui confère le caractère définitoire d’une telle démarche, qui se veut pourtant à l’origine simplement descriptive. L’Autre n’existe qu’en regard de soi et toute réelle rencontre avec l’Autre devient impossible, puisque :
Cook se contente en effet de replier un système sémiotique sur un autre, et de ramener l’inconnu au connu […]. L’Autre n’a de véritable légitimité que par rapport au Même, c’est-à-dire par rapport au sujet britannique. […] Tout se passe comme si la coutume étrangère n’acquérait sa pleine valeur qu’au regard d’une coutume anglaise similaire […]42.
29C’est donc la culture occidentale qui se construit et revendique ses propres valeurs, dont les explorateurs se font les porte-paroles. Il s’agit d’abord d’une conception culturelle de l’Ailleurs, tel qu’il est perçu a priori par les Occidentaux, selon leurs repères culturels. Parmi les passages les plus commentés, on se rappellera la dénonciation des vols de clous ou d’autres objets aux membres des équipages. De même, lorsque les femmes sont mentionnées, leur description se fait jugement moral, puisque leur nudité semble nécessairement impliquer les poses lascives qui leur sont attribuées ainsi qu’une très grande licence sexuelle.
30Aux dispositions dites « naturelles » des indigènes ‒ bien qu’elles soient souvent une conséquence directe de leur interaction avec les Européens, comme c’est par exemple le cas pour le vol ‒ s’oppose la culture de l’Occident qui apparaît en transparence de ces récits, qui font la part belle à l’opposition entre nature et culture, elle-même au cœur de vifs débats entre intellectuels du siècle des Lumières. Cette distinction se fait presque inconsciemment dans les récits d’exploration, qui se veulent avant tout descriptifs sans pour autant avoir cette volonté de neutraliser son prisme culturel puisqu’il s’agit au contraire de s’affirmer comme puissance culturelle au contact de ces populations mais aussi aux yeux du monde, et des autres puissances européennes. Paul Carter résume d’ailleurs cette tendance comme suit : « Cook preserves the difference between the order of nature and the order of culture43. »
31Les Lumières ont transféré l’intérêt de l’individu à une pensée qui se veut universelle et le peuple britannique commence à se définir comme une nation à part entière selon un processus définitoire en relation avec la découverte et la conquête de nouveaux territoires. À ce titre, les récits de Cook ne sont pas uniquement les récits de ses voyages en terre étrangère mais le récit de la construction de toute une nation qui suit l’odyssée du capitaine et y participe. Même si le récit est centré sur Cook et suit ses pérégrinations, remarques et autres observations, il ne l’impose pas comme le protagoniste. Comme Jean-Stéphane Massiani l’explique encore :
[Cook] n’est pourtant pas le héros. L’adéquation auteur – narrateur – personnage, et le fait que le récit se donne pour authentique, ne sauraient ici conférer au texte de Cook une quelconque dimension autobiographique, tant le personnage Cook demeure à la périphérie du récit qui est entièrement consacré au monde que l’expédition parcourt, et ce en vertu de sa nature même de journal de voyage d’un officier de la Royal Navy. Le cadre officiel dans lequel ce texte est produit, proscrit de fait de parler de soi : là n’est pas le sujet44.
32Au service de la Couronne, il ne peut prendre pour lui toutes ces découvertes et imposer sa figure en tant que héros, puisqu’il n’est que l’intermédiaire en quelque sorte, et il s’efface derrière le commanditaire de l’expédition dont les visées s’avèrent davantage en adéquation avec un épanouissement national que personnel. Paul Carter rappelle ainsi :
The ‘explorer’, properly speaking, is not an interesting personality, whose adventures are ripe for biographical treatment […]. He, the explorer, has no independent existence apart from his exploring45.
33L’explorateur n’a d’autre raison d’exister dans ses récits que ce pour quoi il a été envoyé aux antipodes : faire connaître ce monde à ceux qui n’ont pas pu embarquer avec lui.
Conclusion
34Dès sa publication en 1773, le premier tome des voyages de Cook, édité et entièrement réécrit par Hawkesworth46, connaît en quelques semaines un succès fulgurant : la décision est prise de le rééditer, puis de le traduire et de le diffuser aux États-Unis, en France et en Allemagne. Quant au récit de son second voyage, dirigé par Cook lui-même et publié en 1777, tous les exemplaires ont été vendus en un jour. Le lectorat populaire n’est pas en reste au vu de la large diffusion de ces récits qui sont repris par la presse et autres magazines au prix plus abordable47 que les livres qui en proposent l’intégralité. Un large public peut ainsi rentrer dans le débat intellectuel de l’époque qui n’est plus seulement réservé aux élites lettrées et aux philosophes. Les récits d’explorateurs prennent donc part à la diffusion et surtout à la démocratisation du savoir, mais aussi de la pensée. En cela, ils concrétisent le but de la pensée des Lumières qui a d’abord une visée universelle.
35Dans les récits de tels voyages d’exploration, il s’opère une redéfinition ‒ pour Cook et son lectorat ‒ de la notion et de la portée de la culture dans la société britannique, face à l’état de nature des populations rencontrées qui s’expose au regard. Jean-Stéphane Massiani décrit les récits de Cook comme
dépass[ant] largement le cadre du simple compte rendu d’un voyage motivé par des impératifs politico-commerciaux, pour basculer dans le débat d’idées qui animait les écrits des penseurs de l’époque. […] [L]e texte […] prend les allures d’un dialogue avec un hors-texte, dans lequel les théories existantes et véhiculées par les penseurs européens sont mesurées à l’aune de l’expérience viatique48.
36De tels récits nourrissent les imaginaires européens, et font naître un goût pour l’Ailleurs teinté d’exotisme, un exotisme pourtant construit par les attentes et les débats européens. Comme le rappelle Paul Carter dans The Road to Botany Bay, « travelling was not primarily a physical activity : it was an epistemological strategy, a mode of knowing49 », d’autant que cette « stratégie épistémologique » ne concerne pas seulement les populations rencontrées, mais la nation britannique elle-même.
Notes de bas de page numériques
1 Selon l’étymologie grecque, ce mot insiste sur la négation du mot lieu ‒ « topos » ‒ mais tiendrait aussi une autre origine dans le préfixe « eu » qui voudrait dire « bon ». Ici, on retrouve l’association de ces deux significations : d’un côté un lieu « intact », qui n’existe plus tel quel dès lors que les Européens débarquent de leurs navires, mais aussi un « lieu du bon », associé à un certain état de félicité, qui a entraîné toutes les images idylliques formées dans l’imaginaire européen au xviiie siècle.
2 Voir Benedict Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, London, Verso, 1991.
3 Le xviiie siècle voit en effet apparaître la notion d’État-Nation, qui sera largement diffusée au xixe siècle en Europe.
4 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, [1754], Paris, Garnier Flammarion, 1992, p. 159.
5 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 162.
6 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 161-162.
7 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 159.
8 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, J.C. Beaglehole (éd.), Hakluyt Society, London, 1955-1956, p. 399. Je souligne.
9 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, p. 399. Voir aussi James Cook, The Journals, Philip Edwards (éd.), London, Penguin Books, 1999, p. 174.
10 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, p. 382.
11 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, p. 361.
12 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 231-232.
13 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, p. 396.
14 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 231-232.
15 Les détracteurs de la mécanisation du travail s’appuient aussi sur cette idée d’asservissement et de déshumanisation. Cette peur de la machine apparaît assez tôt en Angleterre, puisque les ouvriers commencent à détruire leurs outils de travail dès la fin des années 1770. Ce mouvement, dont le nom « Luddisme » est inspiré de celui du chef de file imaginaire Ned Ludd (appelé aussi « Captain Ludd » ou « King Ludd »), reprend ensuite de plus belle en 1811 et ne permet pas à la Révolution Industrielle de se faire calmement et sans heurts, contrairement à ce que l’on a pu penser.
16 Certains écrivains se saisissent de ce sujet et deviennent de fervents critiques de cette entrée dans l’ère industrielle, comme Charles Dickens dans Les Temps difficiles (1854).
17 Voir notamment Mircea Eliade, Le Mythe de l’éternel retour, [1969], Paris, Gallimard, « Folio essais », 1989.
18 Suzy Halimi, « Les Voyages de James Cook en Polynésie et leur impact sur l’idéologie anglaise au xviiie siècle », Tréma, no 9, 1984, p. 100.
19 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 181.
20 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 231.
21 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 231.
22 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, p. 399.
23 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, London, New York, Routledge, 2003, p. 74.
24 Pour la différence entre les deux termes, voir Mary Louise Pratt, Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, p. 6.
25 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, p. 6-7.
26 Johannes Fabian, Time and the Other: how Anthropology makes its Object, New York, Columbia University Press, 2002, p. 17 : « It [anthropology] promoted a scheme in terms of which not only past cultures, but all living societies were irrevocably placed on a temporal slope, a stream of Time – some upstream, others down-stream. »
27 Il s’agit du deuxième voyage de Cook (1772-1775).
28 Johann Reinhold Forster, Observations Made During a Voyage Round the World, [1778], Honolulu, University of Hawai’i Press, 1996, p. 199‑200.
29 Johann Reinhold Forster, Observations Made During a Voyage Round the World, p. 200.
30 Tzvetan Todorov, Les Morales de l’histoire, Paris, B. Grasset, « Le collège de philosophie », 1991, p. 28.
31 James Cook, The Journals, p. 277.
32 Par exemple, pour les Tasmaniens, il s’agit d’un véritable génocide que les Européens ont perpétré volontairement ou non, que ce soit par les massacres ou par les maladies.
33 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, p. 231.
34 Dans l’ouvrage collectif L’Idée de réconciliation dans les sociétés multiculturelles du Commonwealth, l’État-Nation est défini de la façon suivante : « à un peuple se reconnaissant comme formant une communauté distincte, de par sa culture, son histoire, sa langue, etc., correspondaient un territoire et un gouvernement. » (Voir Martine Piquet, Jean-Claude Redonnet et Francine Tolron, L’Idée de réconciliation dans les sociétés multiculturelles du Commonwealth, Paris, Armand Colin, 2002, p. 60).
35 Jean-Stéphane Massiani, Les Journaux de voyage de James Cook dans le Pacifique : du parcours au discours, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015, p. 120. L’ethnographie, au même titre que l’anthropologie et l’ethnologie n’existent pas encore à l’époque de Cook, mais il est certain que les récits de Cook et de ses confrères fournissent de précieux documents vers lesquels ces sciences se tournent lorsqu’elles se développent au xixe siècle.
36 Jean-Stéphane Massiani, Les Journaux de voyage de James Cook dans le Pacifique : du parcours au discours, p. 177-178.
37 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, [1980], Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2001, p. 348.
38 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, p. 349-350.
39 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, p. 348.
40 Paul Carter, The Road to Botany Bay: an Exploration of Landscape and History, Minneapolis (Minn.), University of Minnesota Press, 2010, p. 31.
41 Paul Carter, The Road to Botany Bay: an Exploration of Landscape and History, p. 42.
42 Nathalie Zimpfer, « Domestication de l’Autre et création de soi : The Voyage of the Resolution and Adventure, 1772-1775 by Captain James Cook », De Drake à Chatwin, rhétoriques de la découverte, Frédéric Regard (éd.), Lyon, ENS éd, « Signes », 2007, p. 99‑100.
43 Paul Carter, The Road to Botany Bay: an Exploration of Landscape and History, p. 31.
44 Jean-Stéphane, Massiani, Les Journaux de voyage de James Cook dans le Pacifique : du parcours au discours, p. 190‑191.
45 Paul Carter, The Road to Botany Bay: an Exploration of Landscape and History, p. 83.
46 Cook ne dirigera la publication que du récit de son second voyage, les suivants étant confiés à John Douglas.
47 Pour plus de détails concernant la presse secondaire, voir Jean-Michel Lacroix, « La perception des voyages de Cook dans le Pacifique, à travers les magazines anglais », Tréma, no 9, 1984, p. 103‑118.
48 Jean-Stéphane, Massiani, Les Journaux de voyage de James Cook dans le Pacifique : du parcours au discours, p. 198.
49 Paul Carter, The Road to Botany Bay: an Exploration of Landscape and History, p. 69.
Bibliographie
Récits d’explorateurs
Cook James, The Journals, Philip Edwards (éd.), London, Penguin Books, 1999.
Cook James, The Journals of Captain James Cook on His Voyage of Discovery, vol. 1, The Voyage of the Endeavour, 1768-1771, J.C. Beaglehole (éd.), Hakluyt Society, London, 1955-1956.
Forster Johann Reinhold, Observations Made During a Voyage Round the World, [1778], Honolulu, University of Hawai’i Press, 1996.
Autres textes
Anderson Benedict, Imagined Communities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, London, Verso, 1991.
Carter Paul, The Road to Botany Bay : an Exploration of Landscape and History, Minneapolis (Minn.), University of Minnesota Press, 2010.
Eliade Mircéa, Le mythe de l’éternel retour, Paris, Gallimard, 1989, « Folio essais ».
Fabian Johannes, Time and the Other : how Anthropology makes its Object, New York, Columbia University Press, 2002.
Hartog François, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, [1980], Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2001.
Piquet Martine, Redonnet Jean-Claude et Tolron Francine, L’Idée de réconciliation dans les sociétés multiculturelles du Commonwealth, Paris, Armand Colin, 2002.
Pratt Mary Louise, Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, London, New York, Routledge, 2003.
Rousseau Jean-Jacques, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, [1754], Paris, Garnier Flammarion, 1992.
Todorov Tzvetan, Les Morales de l’histoire, Paris, B. Grasset, « Le collège de philosophie », 1991.
Études sur les voyages de James Cook
Halimi Suzy, « Les Voyages de James Cook en Polynésie et leur impact sur l’idéologie anglaise au xviiie siècle », Tréma, no 9, 1984, pp. 85‑101.
Lacroix Jean-Michel, « La perception des voyages de Cook dans le Pacifique, à travers les magazines anglais », Tréma, n° 9, 1984, p. 103-118.
Massiani Jean-Stéphane, Les Journaux de voyage de James Cook dans le Pacifique : du parcours au discours, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015.
Zimpfer Nathalie, « Domestication de l’Autre et création de soi : The Voyage of the Resolution and Adventure, 1772-1775 by Captain James Cook », in Regard Frédéric, De Drake à Chatwin, rhétoriques de la découverte, Lyon, ENS éditions, 2007, « Signes », pp. 83-106.
Pour citer cet article
Laura Singeot, « Cook et la découverte de l’indigénéité : entre utopie et dystopie coloniale », paru dans Loxias, 67., mis en ligne le 17 décembre 2019, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=9299.
Auteurs
Professeure agrégée d’anglais à l’IUT de Cachan, chercheure affiliée au CREA, Paris Nanterre Université. Laura Singeot a défendu sa thèse intitulée « Savoirs et prismes de l’Indigène : Littérature, muséologie et arts visuels de la zone pacifique à l’ère contemporaine », sous la direction de madame la professeure Françoise Král à l’Université Paris Nanterre. Laura Singeot a publié des articles sur les littératures autochtones d’Australie et de Nouvelle-Zélande et sur les représentations de l’histoire australienne dans les œuvres de fiction. Ses autres champs de recherche s’intéressent à la représentation de l’indigénéité, la muséologie et l’art contemporain du Pacifique.