Loxias | 54 Doctoriales XIII | I. Doctoriales
Pierre Blanchard :
La querelle du romantisme vue par le prisme satirique (1820-1864)
Résumé
En 1820, quand paraissent les Méditations poétiques, le succès est considérable. Depuis près de deux décennies, ceux qu’on nommait alors les réformateurs attendaient le chef-d’œuvre qui leur manquait pour légitimer le renouveau poétique qu’ils appelaient de leurs vœux : les Romantiques, avec Lamartine, avaient enfin trouvé leur champion. La résistance classique s’organisait cependant : depuis les premiers écrits de Mme de Staël et la popularisation en France des œuvres d’auteurs septentrionaux (anglais et allemands principalement), on n’avait cessé de dénoncer la détérioration des lettres, on n’avait cessé de porter des accusations douteuses sur le manque de patriotisme des thuriféraires de Staël et Schlegel, on n’avait cessé de fustiger la poétique de la nouvelle école. Mais après 1820, alors que les « régénérateurs » s’emparent progressivement du Pinde, la « querelle des classiques et des romantiques », ultime avatar de la querelle des Anciens et des Modernes inaugurée sous Louis XIV et promise à une longue postérité, s’intensifie. Le prisme satirique est un excellent biais pour en appréhender les enjeux.
Index
Mots-clés : classicisme , Romantisme, satire
Géographique : France
Chronologique : XIXe siècle
Texte intégral
1Les anthologies poétiques sont péremptoires : la poésie, après une crise profonde au siècle des Lumières1, parvient à s’extirper du bourbier néoclassique dans lequel elle gisait – la faute aux philosophes, dit-on, davantage portés vers la prose dont ils privilégient le potentiel analytique – pour renaître, au XIXe siècle, sous une forme résolument moderne qu’incarnent alors les prodiges de la jeune génération romantique : Hugo et Lamartine. Presque naturellement, une vague poétique en aurait chassé une autre, unanimement décriée, et se serait imposée dans le paysage littéraire heureux de voir disparaître une poésie qui, vraiment, avait trop longtemps périclité.
2La réalité est plus complexe. Si l’école romantique a réussi l’exploit de s’imposer dans la sphère littéraire, ce n’est qu’après avoir été confrontée à une fougueuse résistance plus importante que ne semble l’indiquer la vulgate scolaire. Certes, on a gardé mémoire de la bataille d’Hernani, érigée progressivement en mythe romantique fondateur. Cependant, loin s’en faut que ce ne fût la seule.
3Dès le tournant du siècle, on dénonçait les « novateurs » en littérature : le satirique toulousain Baour-Lormian avait, très souvent, dû affronter les gloires littéraires de son temps, Marie-Joseph Chénier et Ponce-Denis Écouchard Le Brun2, dont il trouvait les productions poétiques trop lyriques, trop obscures, trop ampoulées – bref, trop romantiques. Marie-Joseph Chénier – celui de la fratrie qui était alors considéré comme le véritable poète de la famille, avant que la gloire de son aîné vienne obscurcir sa notoriété – s’en prenait quant à lui à l’auteur d’Atala, le tout jeune Chateaubriand rentré d’exil, se moquant tout à la fois de son style et de ses thématiques trop religieuses. Le dramaturge Lemercier, auteur d’un Agamemnon qui avait remporté tous les suffrages en 1800, avait ensuite souhaité assouplir le carcan tragique pour donner à ses productions ultérieures un souffle de liberté que comprimait l’austère règle des unités aristotéliciennes : son Pinto, préfiguration du drame romantique, avait ainsi occasionné un vif débat. Si le mot « romantique » n’était pas encore utilisé, les principaux ingrédients de la querelle étaient déjà en germe dès les premières années du siècle, et allaient rapidement trouver matière à irriguer la discussion.
4Entre 1800 et 1820, la popularisation en France des œuvres d’auteurs allemands et anglais (Schiller, Goethe, Young, Novalis, Hölderlin, Byron et Scott notamment) a précipité le renouvellement thématique de la production littéraire : les marginaux (avec Les Brigands de Schiller), le fantastique macabre (lord Byron), l’élégie (avec Young et Macpherson), le romanesque historique et médiéval (avec les romans de Scott – Waverley, en 1814 et, ensuite, Ivanhoé, 1819), la souffrance de l’individu (Werther) et la diablerie (Faust, bien sûr) se sont progressivement imposés comme des sujets privilégiés, jusqu’alors boudés par la littérature nationale. L’ample prose apologétique de Chateaubriand (Le Génie du christianisme, 1802) et les écrits de Madame de Staël allaient quant à eux pourvoir le romantisme français d’un canon théorique et d’applications pratiques. En opposant la littérature du Nord et celle du Midi, Mme de Staël avait fragilisé l’édifice classique (De la littérature, 1800). En célébrant la supériorité du merveilleux chrétien sur le merveilleux païen, Chateaubriand l’avait fait vaciller ; il ne restait plus qu’à le mettre à bas. C’est ce que fit la fille de Necker dans De l’Allemagne (1810) en dissociant soigneusement le lyrisme romantique des productions néoclassiques : « De beaux vers, affirme-t-elle, ne sont pas de la poésie3 ». La poésie, en somme, serait moins affaire de forme que de fond… Victor Hugo s’en souviendra4.
5Même la scène, citadelle des classiques, est disputée à cette période. Benjamin Constant pense un moment à faire représenter son Wallstein5, dans la préface duquel il révèle son désir d’un système dramatique tolérant les entorses aux unités et les intrigues accessoires, tandis que l’entrée à l’Académie française de Népomucène Lemercier, en 1810, témoigne des bouleversements théâtraux qui s’opèrent alors. Poésie, roman, théâtre, essai, le romantisme gagnait du terrain sur tous les fronts, mais n’avait pas encore de grande œuvre populaire à revendiquer : ce furent les Méditations poétiques6 de Lamartine qui cristallisèrent les aspirations de la nouvelle école et donnèrent le véritable signal de départ de la querelle.
6L’année de parution des Méditations poétiques est généralement considérée comme le début de la seconde phase de l’épanouissement du romantisme. Et de fait, le succès fut tel que plus de 10.000 exemplaires se vendirent en sept mois. Une fois la brèche poétique ouverte, ne restait plus pour la jeune garde romantique qu’à s’y engouffrer. L’année 1822 fut ainsi celle de la parution des Odes d’Hugo et des Poèmes antiques et modernes de Vigny. Sur la scène, Alexandre Soumet fit jouer Saül et Clytemnestre, dont le succès lui vaudra l’honneur de l’Académie française deux ans plus tard. L’année suivante, les romantiques se pourvoient d’un organe de presse, La Muse française, qui, malgré ses onze mois d’existence, joua un rôle important dans l’histoire du mouvement, tandis que Victor Hugo, décidément très actif, fait paraître le roman Han d’Islande. L’apport théorique est assuré par Stendhal qui, dans un essai appelé à faire date, Racine et Shakespeare, déclare irréconciliables « le système tragique de Racine et celui de Shakespeare » – il évoque même un « combat à mort » entre les deux esthétiques ! Même l’échec de la Muse française ne parvient pas à gâcher la fête ; les auteurs trouvent un nouvel asile, en 1824, dans le salon de l’Arsenal, Charles Nodier ayant été nommé bibliothécaire du comte d’Artois, et peut alors s’organiser la légende du Cénacle romantique7 : la reconnaissance est très rapide et, en 1825, Hugo et Lamartine sont invités à la cérémonie du sacre par Charles X.
7En somme, en 1825, le romantisme dispose de chefs (Lamartine et Hugo), de revues (le Conservateur littéraire, l’Aristarque, le Globe) et de lieux de sociabilité (Arsenal et le Cénacle de la rue Notre-Dame des Champs). La bonne santé du mouvement ne pouvait qu’inciter les détracteurs classiques à passer à l’action : la satire, forme générique si souvent décriée (poétiquement et éthiquement) et délaissée depuis l’avènement de Napoléon, allait trouver matière à une résurrection remarquée. Ainsi, de 1825 jusqu’à 1864, de nombreuses productions satiriques vont alimenter les discussions polémiques relatives à ce que, de plus en plus, on désigne comme « la querelle des classiques et des romantiques ». Bien sûr, le débat dépassa largement le cadre strict de la littérature satirique : nombre de pièces de théâtre, d’essais et d’articles de journaux s’en firent également l’écho8. Mais la satire, en tant que parole critique délibérément outrancière, est un observatoire privilégié pour saisir la réalité polémique de l’affrontement entre thuriféraires et détracteurs du courant nouveau.
8Un des protagonistes majeurs de la querelle, le futur académicien Jean-Pons-Guillaume Viennet9, classique parmi les classiques, s’était déjà muni, bien avant 1825, du fouet satirique pour dénigrer les « novateurs ». Dramaturge et poète, Viennet avait consacré plusieurs de ses satires et épitres à dénoncer la propagation du venin romantique, dès les premières années du siècle10. En 1806, dans l’Epître à Kotzebue, il révélait son aversion pour la littérature nordique que promouvaient alors Schlegel et Mme de Staël. Il reprochait aux « hardis novateurs » de la scène de ne pas faire suffisamment cas des règles aristotéliciennes et faisait le procès de « la muse romantique » en en condamnant le fond – le goût prononcé pour les sujets macabres – et la forme – il raillait les « vers vaporeux11 » des pseudo-poètes.
9L’air de rien, se trouvaient déjà réunis dans cette satire les principaux griefs que les classiques retiendront contre les romantiques au plus fort de la querelle, deux décennies plus tard. Une note ajoutée à cette production dans une édition tardive de ses œuvres (en 1845) permet à Viennet de vanter sa lucidité et d’exprimer son désarroi :
Que de pas a faits cette Muse depuis 1806 ! Pour le coup j’ai été prophète, l’extravagance a même été plus loin que je ne l’aurais cru ; et je ne réponds pas encore de notre guérison. (p. 36)
10Conscient des progrès accomplis par les novateurs, Viennet avait réitéré ses avertissements dans une Épitre à M. le comte de Fontanes, sur l’université et la littérature du jour, quatre ans plus tard. Là encore, il s’attaquait frontalement au lyrisme romantique et à ses thématiques antipoétiques :
C’est un tissu grossier d’absurdes aventures,
Des spectres, des caveaux, des brigands, des tortures. (p. 96)
11Ce n’est cependant qu’en 1824 qu’intervient la critique la plus féroce, dans une satire virulente intitulée Aux Muses, sur les Romantiques12. Viennet, estimant qu’inexorablement le mal se propage, et contraint de prendre acte de l’inanité de ses avertissements antérieurs, décide d’adopter un style plus franchement polémique. L’exorde est éloquent :
Allons, Muses, debout, faisons du romantique,
Extravaguons ensemble et narguons la critique. (p. 201)
12Plus loin, il ridiculise le fameux « feu créateur » romantique qu’il associe, jouant de la polysémie, à un plus trivial « délire » relevant bien davantage du trouble mental que du paradigme pindarique :
Que la raison, fuyant aux accords de ma lyre,
De mes sens emportés respecte le délire. (p. 202)
13Viennet touche juste : dès 1822, Hugo a fait paraitre la préface de ses Odes et Ballades, dans laquelle il critique la « froideur » de l’ode classique et, plus largement, l’esthétique des grands poètes du siècle précédent :
Il a semblé que la cause de cette monotonie était dans l’abus des apostrophes, des exclamations, des prosopopées et autres figures véhémentes que l’on prodiguait dans l’ode ; moyens de chaleur qui glacent lorsqu’ils sont multipliés et étourdissent au lieu d’émouvoir13.
14Contre l’excès rhétorique, Hugo met en avant « l’émotion » – ce sera le crédo de toute la génération romantique – que le polémiste classique traduit par « délire » : car tous les « moyens de chaleur » que condamne le jeune poète sont précisément ceux qui font, selon Viennet, la poéticité d’une œuvre. Les principales revendications des novateurs sont ensuite pointées par le sévère critique qui ne fait pas mystère de sa désapprobation. Et contre Hugo qui, en 1824, chante les louanges de Mme de Staël, Viennet, en dépit d’un zeste de misogynie topique qui impose normalement de faire preuve de galanterie à l’égard du beau sexe, s’empresse de l’égratigner poliment mais fermement et parle d’elle comme l’un des « chefs de la propagande » romantique, même s’il en disconvient, non sans ambigüité, en note :
Je n’attaque en rien le mérite de Madame de Staël, je rends hommage à son génie ; j’honore sa mémoire, et ne la considère ici que comme l’une des plus ardentes instigatrices d’un genre de littérature que repousse la sévérité du goût français14.
15En 1824, le satirique sait que le courant romantique, travaillé par les dissensions internes et par la carence de théorie définitive, reste confus aux yeux de beaucoup de lecteurs. En bon polémiste, il ne peut que profiter de la situation ; le trait est savoureux :
Dormez-vous sur le Pinde ! et faut-il que j’explique
Ce qu’on nomme aujourd’hui le genre romantique ?
Vous m’embarrassez fort ; car je dois convenir
Que ses plus grands auteurs n’ont pu le définir.
Depuis quinze ou vingt ans que la France l’admire,
On ne sait ce qu’il est, ni ce qu’il veut nous dire. (p. 202)
16Le travail de sape bat son plein dans cette énergique production et Viennet s’offre un plaisir mesquin en passant au miroir de la typification satirique un « auteur romantique » : c’est un « beau jeune homme » dont le « front à demi-chauve » et l’« air tendre et mélancolique » révèlent la souffrance et le profond mal-être. Pourtant, tout n’est qu’apparence et dissimulation :
Tout en lui décelait une peine de cœur
Que de son teint fleuri démentait la fraicheur. (p. 203)
17Bien sûr, le poète est atteint de métromanie et veut faire lecture d’une de ses productions : « C’était un feu roulant d’énigmes, d’hyperboles ; / J’y cherchai vainement le sens de ses paroles15. » Et lorsque le satirique pose la question de la signification de l’œuvre, il se retrouve immédiatement taxé de « classique », appellatif devenu infamant par un renversement inattendu :
Je voulus sur un vers essayer ma critique ;
Je fus apostrophé du surnom de classique. (p. 203)
18Viennet, décidément bien mesquin, se fait chantre de l’école romantique et en énonce l’art poétique :
Au pied des vieux châteaux et des vieux monastères,
Chante en vers ampoulés des maux imaginaires […].
Qu’un aveugle, un boiteux, un sourd, un cul de jatte,
Un héros, dont le cou se perd sous l’omoplate,
Dans un drame bien noir s’introduise à propos ;
Le parterre attendri poussera des sanglots. (p. 206-207)
19Goût pour les lieux déserts et mystérieux, dilection pour les formulations énigmatiques et l’expression du mal-être, attrait pour les héros humains, trop humains et relevant même d’une humanité défaillante apparaissent comme les marqueurs les plus significatifs d’un abâtardissement de la tragédie et de l’épopée, patrons poétiques de Viennet, lequel ne conçoit pas, en bon élève éduqué aux tragédies raciniennes et aux vers boiléviens, qu’on puisse trouver un quelconque intérêt à l’esthétique romantique qu’il perçoit comme un succédané dégénéré, au sens étymologique, de la grande littérature classique. Pour lui, comme le dira plus tard Hegel dans une optique différente, le roman n’est qu’une épopée terriblement dégradée, et le drame une tragédie manquée.
20Viennet est un personnage important dans la querelle : il pose les jalons de l’argumentaire classique, fort d’une constance sans équivalent, ses positions n’ayant pas varié depuis le début du siècle. D’autres satiriques lui emboiteront le pas entre 1825 et 1830, et développeront les mêmes thématiques. Une satire anonyme, datée de 1825 et intitulée Le Parnasse moderne, ou les classiques et les romantiques16, s’en prend aux « petits Catilina de la littérature17 » – Chateaubriand, Lemercier, Soumet et Hugo – et déplore les métamorphoses du dieu de la poésie dont le « trône fantastique » repose désormais bien « loin du Pinde », « Au sommet d’un vieux mont » hanté par « de funèbres oiseaux18 ». Le satirique s’amuse, comme Viennet, à versifier le « catéchisme » des romantiques :
Pleurez surtout, pleurez lorsque renaît l’aurore ;
Pleurez le jour, pleurez ; la nuit, pleurez encore ;
Que le cours de vos ans ne soit plus qu’un long deuil ;
Qu’on vous trouve toujours triste et la larme à l’œil (p. 7)
21Toujours comme Viennet, qu’il démarque avec originalité et même avec un certain talent, il adresse à « messieurs les régénérateurs19 » des objections relatives à l’assouplissement des unités tragiques :
Prouvez-nous, s’il se peut, qu’il est bien vraisemblable
De se voir transporté, par la course étourdi,
De l’aurore au couchant et du nord au midi :
D’admirer un héros, sur la scène inexacte,
Vieillissant de vingt ans dans le cours d’un entracte. (p. 14 -15)
22Cependant, en cette année 1825, les productions satiriques les plus importantes sont celles de deux individus méconnus aujourd’hui mais célèbres en leur temps, Baour-Lormian et Latouche. Pierre-François-Marie Baour-Lormian, membre de l’Académie toulousaine des Jeux floraux et de l’Académie française, fut le traducteur reconnu de la Jérusalem délivrée du Tasse, des Nuits d’Young et des chants du barde apocryphe Ossian, tandis que le jeune Henri de Latouche connut, en 1819, son heure de gloire pour avoir donné, le premier, une édition des œuvres poétiques d’André Chénier20, unanimement salué par la jeune génération romantique alors en quête de modèle qui vit en lui « un romantique parmi les classiques », au mot du jeune Hugo.
23Baour et Latouche, initialement proches des romantiques, s’éloignent de leurs anciens amis en cette année 1825 et le Toulousain fit paraître une pochade dialoguée joyeusement féroce intitulée Le Classique et le Romantique21. Le caractère théâtral de la satire est garanti par une indication didascalique : un classique se promenant dans le jardin du Luxembourg aperçoit un « individu qui tantôt marche à précipités, tantôt s’arrête, regarde le ciel, gesticule et pousse de profonds soupirs ». Il reconnaît « Nicaud », mais ce dernier a changé de patronyme – ce que faisaient d’ailleurs certains poètes romantiques :
[…] Ce nom n’est plus le mien ;
Il était fort vulgaire, et ne rimait à rien ;
J’avais besoin d’un nom vaporeux et sonore ;
On m’appelle à présent Monsieur de Silphicore. (p. 6)
24Le classique s’inquiète de la santé de son interlocuteur en proie à l’agitation, ce qui donne lieu à un savoureux dialogue :
Le classique :
Vous avez l’air malade !
Le romantique :
Ah ! cet aveu m’enchante.
Je dois à mes travaux cette langueur touchante,
Et par tous les amis à qui je suis voué,
Si j’avais le teint frais, je serais bafoué.
Schiller, Byron, portaient sur leur face amaigrie
Le cachet du malheur et de la rêverie. (p. 10)
25La suite du propos de l’interlocuteur romantique comporte plusieurs singularités alors considérées comme des caractéristiques de la nouvelle école. Les expressions les plus audacieusement lyriques – donc confuses et impropres, dans l’esprit de Baour – sont soulignées par des italiques, et le satirique s’émeut du manque de cohérence de la tirade de son interlocuteur :
Le classique :
Avez-vous donc, mon cher, perdu tout jugement ?
Quel diable de jargon !
Le romantique :
C’est la langue nouvelle
Que l’inspiration à ses enfants révèle. (p. 16)
26Plus loin, le romantique suscite l’ire du classique en parlant des auteurs antiques avec un évident mépris : « Notre empire est bien jeune, on ne peut le nier ; / Car vous datez d’Homère et nous d’André Chénier22. » Dans une très longue note infrapaginale, Baour-Lormian déplore la constitution du défunt André Chénier en « patron » du romantisme, lui dont les productions, parfois, « semblent le fruit d’un cerveau malade » :
C’est là qu’ils ont trouvé le germe de leurs compositions nébuleuses ; mais ils ont encore renchéri sur le néologisme et l’obscurité de leur patron. On trouve en effet dans le recueil d’André Chénier, plusieurs pièces de vers où respire la sensibilité la plus touchante, et qui sont écrites, à quelques tâches près, dans une langue intelligible pour tous les lecteurs. Ses autres productions semblent le fruit d’un cerveau malade. (p. 38)
27Dans cette même satire, c’est la récupération romantique de la thématique de « l’inspiration » que le Toulousain dénonce avec vivacité. Car la redéfinition de l’inspiration, désormais perçue comme intérieure, intime, permet aux novateurs de penser pouvoir faire l’économie d’une solide culture littéraire. C’est alors, dit Baour, que commence « l’ère du poétisme » :
L’ère du poétisme en ce siècle commence :
C’est l’inspiration, dont la sainte démence
Nous verse nos accords, bouillonne en nos écrits ;
Et par elle on sait tout sans rien avoir appris. (p. 17-18)
28En note, le satirique montre la communauté idéologique qu’il existe entre les inspirés romantiques et les « illuminés » lecteurs de Swedenborg :
L’inspiration est la colonne sur laquelle s’appuie tout l’édifice du romantisme. […] Or, il faut savoir que cette inspiration ressemble à celle de nos illuminés. (p. 41)
29Rompu à l’exercice satirique qu’il pratique depuis déjà près de trente ans lorsque paraît cette production, Baour s’amuse même à pasticher le goût hugolien pour les entorses métriques. Alors que le romantique parle de son chef-d’œuvre en préparation, il mentionne sa stratégie de diffusion dans une langue qui fait bien peu de cas de la règle malherbienne :
J’en retiens, pour ma part, les cinquante premiers
Exemplaires : alors le cercle sur nos traces
S’arrondit. (p. 22)
30En fin de satire, Baour laisse éclater sa colère ; les accents deviennent accusateurs et c’est par une généreuse recension des thèmes macabres alors à la mode chez les romantiques – sous l’influence du germanophile enthousiaste Charles Nodier23 notamment – que le satirique, après avoir dénoncé la forme des productions de l’école nouvelle, en condamne également le fond :
Et que sont vos écrits ? l’opprobre du Parnasse.
Qu’y trouve-t-on ? Des mots vides, ou boursoufflés,
Tout honteux de se voir l’un à l’autre accouplés ;
De lourds enjambements, de grotesques lubies,
Des non-sens éternels, des phrases amphibies ;
L’amas incohérent de spectres et de charmes,
D’amantes et de croix, de baisers et de larmes,
De vierges, de bourreaux, de vampires hurlant,
De tombes, de bandits, de cadavres sanglants,
De morgues, de charniers, de gibets, de tortures. (p. 27)
31L’intransigeance de l’académicien Baour à l’égard de la jeunesse romantique est problématique et doit pouvoir s’expliquer par des considérations d’ordre psychologique : lui qui a chanté avec insistance les Bourbon est finalement écarté par le pouvoir qui lui préfère des concurrents plus jeunes conviés au sacre. Lui qui a participé au renouveau de l’inspiration poétique française avec ses traductions d’Young et de Macpherson se voit finalement taxé de conformisme pour avoir conservé, en dépit de son incontestable modernité, une « mimésis d’apparence classique » sous-tendue par « un idéal de convenance et d’harmonie24 ». Dépassé par sa droite comme par sa gauche, certainement habité par un sentiment d’injustice et acculé à l’autojustification, il est contraint de s’enfermer dans une posture rigide qui ne correspond en rien à la réalité de son œuvre25.
32L’autre personnage clé de cette année 1825, c’est le jeune Henri de Latouche. Comme Baour, sa position est très ambiguë. Éditeur des œuvres de Chénier, compagnon de Marceline Desbordes-Valmore, intime de Chateaubriand et ami de Balzac et Vigny, Latouche a tout pour s’entendre avec les membres du Cénacle. Des considérations politiques vont néanmoins l’éloigner des romantiques dès 1825 même si la véritable rupture n’intervient qu’en 1829. Républicain convaincu, il ne pardonne pas à Nodier d’avoir accepté une place de fonctionnaire à l’Arsenal, et imagine même, paraît-il, le provoquer en duel pour sa compromission. Il reproche en fait à ses anciens amis de s’être fourvoyés en se rapprochant du régime monarchique. C’est donc sans véritable conviction qu’il critique ses pairs en littérature dans une trilogie satirique intitulée L’Académie, le Romantique et la Charte26. Dans la première satire, il s’attaque notamment à Lamartine qu’il imagine propulsé à l’Académie pour sa flagornerie – il ne lui pardonne pas d’avoir célébré le roi dans le Sacre de Charles X – et néologise pour l’occasion – il invente alors le verbe « niaiser » :
Chut ! encor vaut-il mieux qu’il radote et qu’il niaise,
Que de le voir assis sur la fatale chaise ;
Ses Méditations l’y pourraient bien porter,
Et pendant que l’on bâille on ne peut pas chanter. (p. 14)
33Une deuxième satire permet à Latouche d’aborder le problème théorique fondamental qui cristallise les antagonismes, et l’imagination est ainsi définie comme une « Puissante enchanteresse ! … Ou plutôt vieille folle27 ». L’épanorthose polémique, renforcée par l’armature binaire de l’alexandrin dans laquelle elle se déploie, révèle la prise de distance que tente d’opérer Latouche vis-à-vis de ses anciens amis qu’il juge responsables de la perte du « bon goût » :
Tandis qu’en son absence, usurpant tous ses droits,
Le romantique règne, et le Pinde est sans lois ! (p. 25)
34Maniant le paradoxe avec l’audace que lui confère un esprit vif et revanchard, il retourne aux romantiques les accusations que ceux-ci portent contre le langage classique : la recherche du lyrisme est ainsi poussée à de telles extrémités chez les novateurs que « l’on encourt un très mauvais renom, / En nommant aujourd’hui les choses par leur nom28. » Ailleurs, il puise dans l’arsenal mythologique pour régler ses comptes :
Le romantique… Fi ! Je t’ai dit mille fois
Que ce nouveau Pégase est un cheval de bois. (p. 26)
35Latouche est cependant mal à l’aise dans cet exercice ; il est trop proche des romantiques pour être convaincant dans ses critiques, et la palinodie attendue a lieu dans une autre satire, Les Classiques vengés29, publiée la même année. L’énonciateur, un classique, feint de défendre la citadelle malmenée par les rénovateurs mais un vocabulaire trop convenu et un excès d’allusions mythologiques révèlent assez tôt le caractère ironique de cette position :
Prêtres des dieux de Rome et de la Grèce antique,
Étouffez au berceau le monstre romantique. (p. 6-7)
36La défense des unités tragiques est trop molle, celle de l’atticisme trop attendue, celle de l’imitation trop appuyée :
Des plaisirs du passé que l’avenir s’amuse :
Que l’ardeur d’imiter soit la dixième Muse ;
C’est peut-être la seule ! Imiter, c’est le goût ;
Copier, le génie. (p. 10)
37Le talent satirique de Latouche apparaît plus franchement lorsqu’il donne clé en main aux militants classiques l’argumentaire antiromantique :
Dîtes que, si le soir, sous des porches gothiques,
L’angélus réunit deux auteurs romantiques,
Le plus naïf des deux dit à l’autre innocent :
« - Monsieur a-t-il goûté l’eau des mers et le sang ?
« A-t-il pendu son frère ? […]
« - Non, mais du patient, malgré ses plaintes vaines,
« Parfois d’un plomb brûlant j’ai rafraichi les veines,
« J’écorche les enfants, j’en ai mangé tout vifs » (p. 13)
38La conclusion bouffonne de cette séquence d’anthologie – « Voilà le romantique et ses gouts exclusifs. » – dévoile le leurre énonciatif et impose de reconsidérer son anti romantisme des premières satires. D’ailleurs, en note, Latouche se qualifie lui-même de « novateur » et dénonce « la puissance des préjugés littéraires » en dénigrant le « culte de l’imitation » qui stérilise les arts30. Sa position, tout comme celle de Baour, est très inconfortable : contraint de caricaturer l’esthétique d’un mouvement duquel certaines de ses productions relèvent incontestablement et engagé dans un combat littéraire pour des questions politiques, Latouche est, en 1825, empêtré dans des contradictions que rend bien visibles l’utilisation de la forme satirique.
39Les choses s’accélèrent en 1826, avec la mort du comédien Talma, atout majeur des classiques grâce au talent duquel ils avaient encore la mainmise sur la scène. Baour, vigilant, maintient son activité satirique : une production intitulée Encore un mot31 – le titre renvoie à ses Trois Mots, ses satires de jeunesse qui lui avaient valu quelque notoriété et de nombreuses inimitiés lors de son arrivée à Paris – lui donne ainsi la possibilité de recenser les marques d’hostilité qu’a suscitées sa satire Le Classique et le Romantique. Significativement, Latouche est cité parmi ses détracteurs :
« Allons, s’est écrié Latouche gros de rage,
Quoi ! l’assassin du Tasse ose nous faire outrage ? » […]
L’autre, se promettant de me tuer d’un mot,
Y rêve quinze jours, et puis m’appelle un sot… (p. 1-2)
40Comme à son habitude, il délègue ensuite la responsabilité de l’énonciation à un romantique qui, au moyen de l’allégorie, prend part au débat en donnant sa définition du sublime en poésie :
Fort bien, me direz-vous ; mais la grammaire ! eh quoi !
Pouvons-nous, sans faiblesse, obéir à sa loi ?
Si notre genre est neuf, notre style doit l’être.
Nous ne reconnaissons qu’un seul guide, qu’un maître,
Le Génie. Il méprise, en son vol négligent,
De vos mots décrépits le trésor indigent.
L’espace, l’Infini, voilà notre domaine. (p. 14)
41La critique du génie tel que le définissent les romantiques se prolonge en note : « chaque fois qu’ils se trouvent dans l’impossibilité de justifier les non-sens, les solécismes et le galimatias de leurs écrivains favoris, ils ne manquent pas de mettre sur le compte du génie toutes ces absurdités32. » Pourtant, et même s’il se montre prescriptif, Baour ne demeure pas figé dans des positions conventionnellement classiques et exclut d’apparaître comme un « Absurde champion de la mythologie33 », souscrivant tacitement aux thèses de Mme de Staël qui justifie le caractère intime, réaliste ou philosophique de la littérature « du Nord » par l’absence de tradition mythologique aussi fermement établie que dans la littérature méridionale34. Nonobstant, dès lors qu’il s’agit de définir la nature du merveilleux, le satirique ne parvient pas à s’affranchir de ses présupposés classicisants :
Que votre merveilleux, puisé dans la nature,
Soumette vos lecteurs à sa douce imposture,
D’un beau ciel poétique étende l’horizon,
Flatte ensemble le goût, l’oreille et la raison. (p. 18)
42Outre ce Mot qui approfondit les positions théoriques de Baour et en révèle la complexité, une curiosité mérite d’être signalée pour 1826 : la seule satire en vers signée d’un romantique paraît cette année-là, sous la plume de Gaspard de Pons, membre du Cénacle. Son titre – Encore un mot, le même que Baour – est accompagné d’un sous-titre qui révèle la supercherie : satire crue de Baour-Lormian35. Dans l’avant-propos, Pons savoure la réussite de la mystification :
Quelques extraits de cette satire ont paru dans le Pandore, qui les a attribués à Baour : nous sommes intimement persuadés que celle-ci est la véritable satire du grand poète toulousain. Notre principale raison est que nous la trouvons beaucoup meilleure que l’autre. (p. 3)
43De même que Baour délègue souvent l’énonciation à ses cibles, Pons laisse s’exprimer l’avatar satirique du Toulousain, dont on rappelle qu’il fut un temps compagnon de route des romantiques. La genèse mi-sérieuse mi-bouffonne de la brouille est mise en vers : un soir où il devait recevoir les auteurs romantiques, il aurait refusé de leur ouvrir sa maison pour un motif certes louable, mais fort impoli : il était, parait-il, en train de finir un de ses poèmes auquel manquait une rime36 ! Les attaques deviennent plus franchement personnelles lorsque Pons, non sans perfidie, rappelle aux lecteurs l’origine du nom de l’académicien :
Avez-vous oublié qu’en mon adolescence,
Lorsque je m’adjugeai le nom de Lormian,
Ce fut pour bien rimer avec mon Ossian ? (p. 8-9).
44Car Baour, aussi appelé Baour-Lormian, doit son second patronyme à « un petit pré possédé par son père, transformé ainsi, par le fils, en terre seigneuriale », comme le précise la Biographie des quarante de l’Académie française37. Certaines sources pamphlétaires indiquent même que c’est parce qu’il trouvait son patronyme peu euphonique qu’il le modifia, ce qui n’est pas sans rappeler les accusations de l’académicien contre « Monsieur de Silphicore » :
Il est très vrai que c’est M. Baour qui s’est surnommé lui-même de Lormian, à l’exemple de plusieurs hommes de lettres très connus, tels que MM. Arouet de Voltaire, Damis de l’Empirée et Nicaud de Silphicore. (p. 15)
45Plus loin, Pons se plaît à railler l’intransigeance de Baour en en parodiant le caractère excessif :
Qu’avec plaisir Molière entendrait Lamartine
Parler si purement le français de Martine !
A la barbe de Han, je dis à mons Victor,
Que de naître plus tôt il aurait eu bien tort,
Car avec son Spladgest et ses sombres chimères38,
Il aurait fait sans doute avorter mes grands-mères. (p. 10)
46Les classiques, en 1826, ont trouvé en Baour un héraut satirique : l’existence de la satire de Pons témoigne de son statut d’icône antiromantique, qu’il convient dès lors de malmener. Mais le Toulousain a la peau dure, et sait parfaitement qu’il faut se venger d’une agression satirique par une nouvelle satire – elle verra le jour l’année suivante !
47De leur côté, les romantiques comptent bien profiter de la mort de Talma pour imposer leur esthétique au théâtre. Les manifestes s’accumulent pour donner au mouvement la cohérence théorique qui lui fait défaut : en 1827, la préface de Cromwell ; en 1829, celle aux Pensées de Joseph Delorme de Sainte-Beuve et celle des Orientales : Hugo y réaffirme que « tout a droit de cité en poésie » et que « Le poète est libre ». Des courants jusqu’alors divergents s’unifient grâce au rapprochement de Victor Hugo et Sainte-Beuve, et Lamartine obtient son élection à l’Académie, comme l’avait prédit Latouche. L’année 1829 fut donc particulièrement favorable aux romantiques, qui tentent de s’affirmer sur les planches (Le More de Venise de Vigny suscite un vif débat), ce qui ravive la flamme de la contestation. Cinq satires paraissent en 1829 : deux de Baour, une de Viennet, une du baron d’Ordre et une d’un obscur poète, Côme. Cette recrudescence témoigne de l’importance symbolique de l’année 1829 dans la querelle. Baour, dans une satire pourtant politique, laisse passer une allusion antiromantique – « À bas les radoteurs de Virgile et Homère ! / Vive le hugotisme et mort à la grammaire39 ! » – tandis que dans une autre satire plus franchement littéraire, il prend acte de la victoire du romantisme et constate qu’ « Avec impunité les Hugo font des vers40 ». Soudainement nostalgique, il se rappelle ses premières querelles avec Marie-Joseph Chénier et Le Brun, et cette pensée réactive sa fougue polémique :
On m’a vu, jeune encore, et d’un bras vigoureux,
éfier des rivaux, certes plus dangereux […]
Comme un autre Nestor, je puis leur dire à tous :
« J’ai combattu des gens qui valaient mieux que vous41 ».
48Une rime heureuse vient clore le développement :
Je me borne à chasser du Parnasse en émoi
Un petit bataillon de rimailleurs barbares,
Qui pensent être neufs et ne sont que bizarres42.
49Le poète T.-J. du Wicquet, baron d’Ordre, dans une satire intitulée Les classiques et les romantiques43, tente quant à lui de jouer la carte de la conciliation, et déplore la disjonction entre les « lumières du siècle » et la violence des querelles littéraires. Mais l’apparence de neutralité ne résiste pas totalement à l’examen de la satire : les clichés vont bon train – les classiques aiment le rossignol, les romantiques lui préfèrent le hibou, les classiques ont un « style exact et pur », les classiques ont « plus d’élévation44 » – et le poète retrace des oppositions isotopiques qui révèlent la vision stéréotypée qu’il a des deux courants, sans parvenir à dissimuler sa partialité ; parlant du « romantique », il concède en effet que « S’il était moins bizarre, il plairait davantage45 » et insiste assez lourdement sur sa fascination morbide pour les lieux inquiétants :
La nuit, un cimetière, où la mort tient sa cour,
Est pour le romantique un ravissant séjour. (p. 9)
50La péroraison de la satire est également significative : le baron finit par une apologie des classiques « Qu’on ne relit jamais sans un plaisir nouveau » – il parle de Molière, La Fontaine, Racine et Boileau – et évoque même leur « perfection46 ». En somme, et malgré toute la bonne volonté conciliatrice de son auteur, cette satire montre comment la force des préjugés l’emporte sur une génération de poètes trop largement conditionnés par une éducation et une culture classiques.
51Le cas de Viennet est différent : dans une satire Aux convenances47, il essaye de métamorphoser l’objet de la querelle et en fait une question éminemment politique :
Ce débat littéraire est moins vain qu’on ne pense.
La gloire du vieux Pinde est celle de la France.
Un parti la menace, et contre l’étranger
C’est encore mon pays que je dois protéger. (p. 272-273)
52La stratégie de Viennet est particulièrement perfide, et renvoie aux accusations dont était la cible, entre 1810 et 1815, Mme de Staël. On suspectait que son goût prononcé pour la littérature du nord provînt d’un vil désir de vengeance contre Napoléon, lequel l’avait exilée de Paris48, et on imaginait alors, chez les folliculaires, que son attrait pour la littérature allemande pouvait s’entendre comme un aveu déguisé de ses sentiments pro-prussiens. En recyclant les vieilles stratégies de l’arrière-garde antiromantique, Viennet, qui l’année suivante fera son entrée à l’Académie – donc après Lamartine ! – semble bel et bien témoigner de la victoire des jeunes réformateurs du Parnasse en cette année 1829.
53C’est pourtant cette année-là que le jeune Henri de Latouche, à la tête du Mercure depuis 1826, prit définitivement ses distances avec ses anciens amis du Cénacle en dénonçant leurs pratiques douteuses dans un article de la Revue de Paris qui fit sensation, « De la camaraderie littéraire », paru le 11 octobre. Dans cet article, Latouche inaugure ce que l’histoire littéraire a retenu sous le nom de « querelle de la camaraderie littéraire » – un ouvrage récent d’Antoine Glinoër lui est consacrée49. Il reproche aux romantiques de pratiquer ce que Stendhal nomme le puff :
Une congrégation de rimeurs bizarres est devenue un complot pour s’aduler, et quelques confidences d’écoliers qui s’essaient, une conspiration flagrante contre des gloires consacrées.
54Bien avant l’article de 1829, le rôle primordial des journaux dans la querelle de la camaraderie littéraire, aussi nommée querelle de la camaraderie critique, était dénoncé par Baour :
La Muse, journal romantique, était une sorte de sanctuaire où les illuminés se déifiaient tour à tour et lançaient leurs foudres contre les pauvres classiques qui ont attendu patiemment la chute du Temple et la dispersion de ses ministres. Cette grande catastrophe a eu lieu au bout de quelques mois50.
55Dans une autre note, il évoquait « l’usurpation des journaux » et les « fabrications d’articles où les auteurs se canonisent eux-mêmes51 ». Mais l’article de Latouche vient donner à ces accusations un poids supplémentaire et apporte à l’affaire une médiatisation importante. D’ailleurs, l’unique satire qui paraît en 1830, Nébulos ou les don quichotte romantiques52, y fait allusion à de multiples reprises ; l’épitre aux camarades qui ouvre la production ne laisse pas place à l’ambiguïté et Castel, ironiquement, prétend vouloir profiter lui aussi de l’« enthousiasme mutuel » dont s’entourent les auteurs :
Vous me comblerez de gloire en m’ouvrant le nuage d’encens dont vous êtes sans cesse enveloppés !
Car hors de la camaraderie, point de salut !
56Dans cette longue production, le poète retrace le parcours d’un jeune romantique, Nicodème, lequel bénéficie de l’éducation romantique que lui dispense le grand Nébulos – entendons Hugo. Les lieux fastes de son apprentissage sont la Grève, les cimetières, les abattoirs même, et Castel parvient à insérer dans sa longue épopée parodique des pastiches de productions des grandes gloires romantiques, notamment Hugo et Musset, dont la Ballade à la lune est tout particulièrement soignée :
« Te voir et soupirer ! t’idolâtrer, ô ma
Lune ! ont pris moins de temps qu’il n’en fait pour dire : Ah ! […]
Tac ! pour tic ! tic ! pour tac ! et qu’un amant chéri
Sois toujours près de toi comme un point sur un i.
Que dis-je ? point sur i ? modèle de ton sexe,
Que j’y sois bien plutôt comme accent circonflexe. » (p. 71)
57Mais à part Castel, nul satirique, en cette année pourtant cruciale restée célèbre dans la légende romantique en raison de l’affrontement autour du drame Hernani, ne s’engage dans le combat antiromantique. Ainsi, après 1830, la frénésie satirique des années 1825-1829 s’estompe progressivement, les classiques ayant définitivement perdu la partie.
58Quelques productions apparaissent sporadiquement et rythment la vie littéraire jusqu’en 1864, date de la dernière satire faisant allusion au romantisme. Ainsi, le jeune juge lyonnais Édouard Servan de Sugny, poète d’occasion et fervent soutien de Louis-Philippe, fait paraître en 1832 un recueil de satires53 dont deux sont consacrées à la querelle. La première, intitulée Le Romantique, permet à son auteur de ridiculiser à son tour le coté profondément hermétique d’une poésie qui semble devoir n’être comprise de personne :
Les féaux chevaliers, suivant son étendard,
Pour se mieux signaler ont un langage à part,
Langage inaccessible au profane vulgaire
Qui doit, sans le comprendre, admirer et se taire. (p. 98)
59Travail de la mémoire ou coïncidence, il exploite lui aussi les potentialités outrancières de la rime de « barbares » à « bizarre » – « Et nos valets-auteurs, nos copistes barbares / Pensent être nouveaux et ne sont que bizarres54 » – et poursuit son travail de sape dans une deuxième satire intitulée Les deux Muses, ou le classique et le romantique.
60Après s’être consacré à des travaux plus sérieux, Viennet, désormais fort de son autorité d’académicien, renoue avec le genre satirique en 1834. Dans une féroce satire prononcée devant ses pairs et intitulée Au public de l’Institut, il revient sur la querelle de la camaraderie, sur l’épisode d’Hernani et prend congé de l’auditoire avec un dernier mot d’humeur parfaitement irrévérencieux ; et quoique déjà âgé pour l’époque (il approche des soixante ans), il n’a pas l’intention de contenir sa fougue et de brider sa verve antiromantique :
Laisse-les s’épuiser en drames gigantesques ;
En vers de Lycophron, en prose de Cathos,
Au public étourdi débiter leur pathos,
Prendre pour Apollon l’inceste et l’adultère,
Violer tout le monde, et même la grammaire. (p. 314)
61Sa dernière production satirique, datée significativement de 1843, l’année du triomphe au théâtre de la Lucrèce de François Ponsard et, concomitamment, de l’échec – relatif – des Burgraves de Victor Hugo, semble néanmoins traduire un certain optimisme. Ultime chiquenaude à ses ennemis de toujours, il imagine déjà une littérature repentie et guérie des excès des novateurs :
La jeunesse, en chemin laissant ces avortons
Reviendra d’elle-même aux dieux que nous fêtons55.
62La satire ne fut pas le seul biais générique qu’utilisa Viennet pour combattre l’ennemi romantique ; dans son Journal56 également se perçoit l’acrimonie de l’académicien qui, jour après jour, retrace les principales étapes de la querelle. Ainsi, à la date du 18 novembre 1829, on peut lire l’acerbité du dramaturge qui vient d’assister à la représentation du More de Venise : « il ne restera de ce Vigny qu’un sot et qu’un fat dont la postérité se moquera ». Sur « le Stendhal », qui avait eu des mots discourtois à son encontre, il indique, entre autres amabilités, qu’« Une attaque d’apoplexie nous en a délivrés le 24 mars ». De Victor Hugo qui, à plusieurs occasions, a critiqué ses pièces, Viennet se plaît à rapporter la visite de circonstance pour l’élection à l’Académie. En position de force, il rapporte avoir fait la leçon à l’impétrant en lui disant qu’il le croyait « capable de bien faire, qu’il se fourvoyait à dessein, par calcul, par système, et que, lorsqu’il le voudrait, il serait un de nos meilleurs écrivains ». Un commentaire malicieux conclut l’anecdote : « Ce futur conditionnel ne lui plaisait pas trop, mais il a dévoré la leçon en silence57 ».
63Sa dernière satire, en 1843, pourrait marquer le terme cohérent de la querelle. C’est sans compter sur un satirique bien postérieur, Beaumont, qui, presque dix années plus tard, prit curieusement le relais de Baour et Viennet pour s’opposer aux romantiques dont le chef de file, depuis 1841, siégeait à l’Académie française. Dans un ouvrage au titre curieux58 figurent huit satires très franchement antiromantiques ; le satirique y déplore le « grand naufrage » littéraire d’une époque éclairée en tous points sauf, étrangement, « dans le premier des arts59 » et réactualise les poncifs antiromantiques. Le représentant en chef du « charlatanisme » littéraire est évidemment Hugo dont il critique la germanophilie :
Mais qui l’empêche au moins de parler en français ?
Aux lois d’un seul langage il ne s’est point plié,
Et chez lui l’allemand au français est lié. (p. 16)
64En note, c’est l’inversion des valeurs littéraires qu’il déplore, regrettant le temps béni ou les Allemands eux-mêmes prenaient la littérature française pour modèle :
J’aime beaucoup qu’on parle allemand, mais en Allemagne où je ne compte pas aller. Quant à la littérature allemande, si je dois m’en rapporter aux imitateurs de ses écrivains, je ne sais trop qu’en penser. Elle me paraît nébuleuse, ennuyeuse et de mauvais goût : je comprends que le grand Frédéric aimât tant la nôtre. Aurait-il cru que la France en viendrait à chercher des modèles chez les écrivains de son froid pays ? (p. 31)
65Un Code romantique, sous-titré art poétique moderne60 figure à la fin du recueil. Les constats – « Plus vous écrirez mal et mieux ce sera dit61 » – côtoient les conseils polémiques, dont celui-ci qu’on jurerait destiné à Victor Hugo :
Sur les plus vils détails épuisez votre verve :
Et ne parlez jamais de rien avec réserve.
Accablez le lecteur sous vos digressions. (p. 215)
66Hugo, alors, est devenu le chef incontesté d’une école à bout de souffle qu’il porte à bout de bras. Sa récurrence dans le corpus satirique témoigne de son nouveau statut : c’est vers lui que convergent désormais les attaques des antiromantiques.
67Louis Veuillot, journaliste catholique et ultime participant satirique à la querelle, publie tardivement, en 1864, un conséquent recueil qui obtint un certain succès – il fut réédité trois fois la même année62. Veuillot et Hugo ont un lourd passif : le poète romantique raille notamment les origines modestes du premier dans ses Châtiments – « Ce Zoïle cagot naquit d’une Javotte » – pour se venger des nombreuses critiques du journaliste. Mais en 1864, lorsque paraissent ses satires, Veuillot se plaît à rappeler qu’il assiste aux « spectacles d’une vilaine fin de règne63 » et c’est à Hugo qu’il attribue – sans le nommer : vengeance suprême – la responsabilité du naufrage :
La poésie a ambitionné d’autres besognes ; et durant un bon quart de siècle, sa prétention de diriger le genre humain s’est déclarée ailleurs que dans les préfaces. Je ne crois pas qu’elle y ait gagné. Relues à quinze ou vingt ans de distance, préfaces et œuvres semblent avoir eu tort de se promettre l’immortalité64.
68Car le romantisme, devenu, selon l’expression de José-Luis Diaz, « humanitaire » dès 1833 et partageant l’idée, avec le Victor Hugo de la préface à Lucrèce Borgia que « le poète a charge d’âme65 », s’est fourvoyé dans un périlleux sentier qui l’a considérablement éloigné de la littérature. Hugo, avec sa « poétique de l’effraction prophétique66 », cristallise bien des rancœurs et apparaît comme le coupable idéal de la détérioration des lettres – coupable d’autant plus facilement désigné qu’il n’est pas physiquement présent pour se défendre ! Louis Veuillot, ennemi intime, s’en donne donc à cœur joie et, dans une satire plaisamment intitulée Marsyas, parodie la mélancolie romantique des « Vingt bâtards de Byron croisés de Lamartine » :
« Je réussis à tout, sans peine et sans étude ;
Je suis aimé des grands, cher à la multitude :
J’ai vin et blé sur terre, avec un rang d’honneur :
Il ne me manque rien… que ma part de bonheur. » (p. 54-55)
69En fin de satire, Veuillot exacerbe son nationalisme linguistique par un épiphonème qui semble servir de point final à la querelle : « Le beau, c’est le bon sens qui parle bon français67 ». Ainsi s’achève une querelle satirique, inaugurée par Viennet en 1806 et prolongée le long du siècle durant près de six décennies.
70Quelques conclusions s’imposent, et notamment sur le rôle de la satire dans cette querelle du romantisme. Proportionnellement, les satires ne représentent qu’une infime partie de la littérature qui, pendant un demi-siècle, alimenta le débat. Cependant, son fonctionnement singulier et sa marginalité poétique en font un lieu privilégié pour percevoir la virulence d’auteurs parfois animés par une véritable fureur de nuire. C’est justement parce qu’elle est propice aux débordements qu’elle est intéressante pour appréhender cette période agitée de l’histoire littéraire.
71Les spécificités des satires de la querelle du romantisme méritent d’être rappelées ici : contrairement aux fameux satiriques du Grand Siècle (Boileau et Régnier) que démarquent d’ailleurs très largement les satiriques du siècle suivant (Clément, Gilbert, Baour et Chénier), ceux qui nous préoccupent recourent assez peu aux stratégies traditionnelles de légitimation de leur pratique. Conventionnellement, les auteurs justifient leur engagement satirique en invoquant leur indignation, ils condamnent la satire en général mais justifient la leur au nom d’une pureté morale de l’intention qui en garantirait le caractère éthique, ils réfléchissent à des stratégies posturales et endossent des éthos supérieurs (juge, magistrat, prince, philosophe, prophète) pour donner à leurs dénonciations satiriques le soubassement juridique qu’évidemment elles n’ont pas. Rien d’identique n’est observable dans le corpus que nous découvrons ici, ce qui révèle une véritable mutation de la satire littéraire après une période napoléonienne particulièrement défavorable au genre. Les satiriques ne recherchent pas la dimension parrêsiastique68 que l’on retrouve, à la même période, dans les satires politiques de Barbier, Méry et Barthélémy notamment. Si les procédés sont parfois identiques (la charge satirique, souvent, repose sur une « esthétique de la dévaluation » et une « rhétorique du rabaissement69 »), il n’y a pas dans les satires de la querelle l’âpreté topique du moraliste militant qui se perçoit parfois ailleurs. Les satires sont moins méchantes que drôles ; le bon mot est souvent bon, pas seulement perfide ; les attaques ad hominem sont rares, et rarement infamantes. En somme, on ne perçoit plus guère la « bipolarisation intragénérique70 » entre Juvénal et Horace qui caractérise traditionnellement la satire en vers. Les participants, très majoritairement, s’inscrivent dans la veine comique horatienne plus qu’ils n’exploitent la fureur bilieuse juvénalienne.
72Autre enseignement à retirer de l’analyse, la très large prépondérance de satires antiromantiques : c’est que la satire, historiquement, est un genre réactionnaire et conservateur. Cette querelle le confirme : tous ses participants militent pour une restauration d’une esthétique classicisante, et le débat fonctionne comme une réactualisation de la querelle des Anciens et des Modernes dont il constitue l’un des nombreux avatars. Cependant, les trois personnages emblématiques que sont Baour, Viennet et Latouche rendent bien compte de la complexité des positionnements ; si tous condamnent les romantiques, tous ne sont pas, au sens restreint du terme, des classiques : Latouche a été véritablement romantique, et le basculement de Victor Hugo vers des positions républicaines « sera le triomphe des idées cohérentes de Latouche, vaincu de la première bataille71 ». Certaines productions du Toulousain ont quant à elles ouvert la voie, par le renouvellement thématique et formel que ses traductions d’Young et de Macpherson ont imposé sur la scène littéraire, aux auteurs romantiques qui n’ont fait somme toute qu’aller plus avant dans la modernité. Viennet, poète de talent, incarne véritablement la résistance classique : l’analyse qu’il fait du succès transitoire – sic – du lyrisme romantique débridé condamné à la gloire éphémère – re-sic – apparaît a posteriori comique, et révélatrice d’un réel conservatisme français qui empêcha un certain public lettré d’apprécier à leur juste valeur les productions romantiques.
73Dernier constat, corrélé au précédent : si presque aucun romantique n’a souhaité affronter les pourfendeurs classiques sur le même terrain générique, il serait hâtif d’en conclure qu’ils méprisent la satire – le génial Hugo des Châtiments l’a bien démontré. Cependant, lorsque les romantiques se munissent du fouet, c’est moins pour châtier les classiques que pour se moquer d’eux-mêmes72. Car sans donner dans la satire en vers réservée aux classiques, il y a chez les romantiques des stratégies d’autodénigrement qu’expliquent les divergences et tensions internes73. Musset, par exemple, se moque de la théorie romantique énoncée par Hugo dans la préface de Cromwell dans ses Lettres de Dupuis à Cotonet et les deux protagonistes, après avoir vainement éprouvé leur sagacité pour trouver l’essence du romantisme, concluent, après douze ans de réflexion, que cela consiste en l’abus d’adjectifs74. Vigny, quant à lui, renvoie dos à dos les « Classiques bien rasés, à la face vermeille » et les « Romantiques barbus, aux visages blêmis75 » qu’il juge également dépassés et caricaturaux. Rien, en somme, que n’aurait pu assumer le plus obtus des classiques !
Notes de bas de page numériques
1 Sur la crise de la poésie au XVIIIe siècle, voir l’ouvrage fondamental de Sylvain Menant, La chute d’Icare : la crise de la poésie française, 1700-1750, Paris et Genève, Droz, 1981.
2 Sur ces deux figures majeures de la poésie du tournant du siècle, voir les nombreux articles qui leur sont consacrés dans les différentes livraisons des Cahiers Roucher–André Chénier publiés par la SAPRAC.
3 Germaine de Staël, De l’Allemagne [1810], Paris, Garnier, 1968, p. 150.
4 Sa formule est restée célèbre : « la poésie, c’est tout ce qu’il y a d’intime dans tout » (préface aux Odes et Ballades, 1822).
5 Voir Pierre Frantz, « Le Wallstein de Benjamin Constant, entre dramaturgie des Lumières et Romantisme », Revue italienne d’études françaises, en ligne, 3/2013 [https://rief.revues.org/240].
6 Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, Paris, 1820.
7 Voir Vincent Laisney, L’Arsenal romantique. Le salon de Charles Nodier (1824-1834), Paris, Champion, 2002.
8 Plus d’une dizaine de comédies, au moins vingt essais et un nombre bien plus important d’articles de journaux, dont nous ne citons pas les titres pour ne pas allonger démesurément cette note.
9 Sur Viennet, voir P. Jourda, Un ennemi du romantisme, Viennet, Toulouse, Privat, 1935, R. Trousson, « J.P.G. Viennet : les romantiques au tribunal du dernier des classiques », Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 2007 [http://www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/trousson140505.pdf] et J.-N. Pascal, « Visite posthume à quelques écrivains des années 1770-1810 : Viennet au Père-Lachaise », dans Orages, littérature et culture, 1760-1830, n° 8, 2009, pp. 231-244.
10 Nous citons d’après Viennet, Épîtres et Satires, Paris, Gosselin, 1845.
11 Viennet, Épîtres et Satires, Paris, Gosselin, 1845, p. 36.
12 Épître aux Muses sur les romantiques, Paris, Ladvocat, 15 pages. Nous citons d’après le texte qui figure dans les Épîtres et satires de Viennet, pp. 201-209.
13 V. Hugo, Préface aux Odes et Ballades, in Œuvres de V. Hugo, Paris, Furne et Cie, 1840 [1822], t. I, p. XII.
14 Viennet, Épîtres et Satires, Paris, Gosselin, 1845, p. 201.
15 Viennet, Épîtres et Satires, Paris, Gosselin, 1845, p. 203.
16 Le Parnasse moderne ou les classiques et les romantiques, satire, Paris, Méquignon-Havard, 1825.
17 Le Parnasse moderne ou les classiques et les romantiques, satire, Paris, Méquignon-Havard, 1825, p. 5.
18 Le Parnasse moderne ou les classiques et les romantiques, satire, Paris, Méquignon-Havard, 1825, p. 6.
19 Le Parnasse moderne ou les classiques et les romantiques, satire, Paris, Méquignon-Havard, 1825, p. 14.
20 Œuvres complètes d’André de Chénier, Paris, librairie constitutionnelle de Baudouin frères, 1819.
21 Le Classique et le Romantique, dialogue par P.-L.-M. Baour-Lormian, de l’Académie française, Paris, Canel et Roret, 1825.
22 Le Classique et le Romantique, dialogue par P.-L.-M. Baour-Lormian, de l’Académie française, Paris, Canel et Roret, 1825, p. 17.
23 Depuis son Jean Sbogar (Paris, Gide, 1818) en 1818 jusqu’à ses contes fantastiques dont plusieurs ont l’Écosse pour cadre, Nodier exploite le merveilleux nordique et l’imaginaire faustien dans beaucoup de ses ouvrages. Le jeune Balzac lui-même succombera à cette mode romantique dans ses premiers romans alimentaires.
24 Éric Francalanza, « Baour-Lormian et le romantisme » in Cahiers Roucher-André Chénier, n° 31-2011, Baour-Lormian, un poète toulousain à l’aurore du Romantisme, p. 206.
25 Sur la complexité du positionnement esthétique de Baour, voir Pascal J.-N. dir., Cahiers Roucher-André Chénier, n° 31-2011, Baour-Lormian, un poète toulousain à l’aurore du Romantisme.
26 Latouche, L’Académie, le Romantique et la Charte, Satires, Paris, Librairie universelle de P. Mongie aîné, 1825.
27 Latouche, L’Académie, le Romantique et la Charte, Satires, Paris, Librairie universelle de P. Mongie aîné, 1825, p. 23.
28 Latouche, L’Académie, le Romantique et la Charte, Satires, Paris, Librairie universelle de P. Mongie aîné, 1825, p. 27.
29 Latouche, Les Classiques vengés, allocution à MM. De l’Académie française, Paris, Ladvocat et Boulland, 1825.
30 Les Classiques vengés, p. 29.
31 Encore un mot, seconde satire [sic] par M. Baour-Lormian, de l’Académie française, Paris, Dupont, Roret et Canel, 1826.
32 Encore un mot, seconde satire [sic] par M. Baour-Lormian, de l’Académie française, Paris, Dupont, Roret et Canel, 1826, p. 29.
33 Encore un mot, seconde satire [sic] par M. Baour-Lormian, de l’Académie française, Paris, Dupont, Roret et Canel, 1826, p. 17.
34 Voir E. Francalanza, Muses et nymphes au XIXe siècle, Eidôlon, n° 90, 2011.
35 Encore un mot, satire crue de M. Baour-Lormian, l’un des Quarante de l’Académie française, Paris, Pélicier, 1826.
36 Encore un mot, satire crue de M. Baour-Lormian, de l’Académie française, Paris, Dupont, Roret et Canel, 1826, p. 13.
37 Biographie des Quarante de l’Académie française, chez les marchands de nouveautés, 1826, p. 20.
38 Le Spladgest est la terre d’origine de Han dans le roman éponyme de V. Hugo.
39 Les Nouveaux martyrs, satire, Paris, Delangle frères, 1829, p. 20.
40 Canon d’alarme, Paris, Delangle frères, 1829, p. 8.
41 Canon d’alarme, Paris, Delangle frères, 1829, p. 9.
42 Canon d’alarme, Paris, Delangle frères, 1829, p. 15.
43 Les classiques et les romantiques, Satire par M. le baron d’Ordre, Paris, Marchands de nouveautés, 1829.
44 Les classiques et les romantiques, Satire par M. le baron d’Ordre, Paris, Marchands de nouveautés, 1829, p. 7.
45 Les classiques et les romantiques, Satire par M. le baron d’Ordre, Paris, Marchands de nouveautés, 1829, p. 8.
46 Les classiques et les romantiques, Satire par M. le baron d’Ordre, Paris, Marchands de nouveautés, 1829, p. 13.
47 Nous citons d’après Viennet, Epîtres et Satires, pp. 269-274.
48 Voir Edmond Eggli, Le Débat romantique en France, 1813-1816, Slatkine reprint, 1972, pp. 257-307.
49 Antoine Glinoër, La Querelle de la camaraderie littéraire : les romantiques face à leurs contemporains, Genève, Droz, 2008.
50 Le classique et le romantique, Satire par M. le baron d’Ordre, Paris, Marchands de nouveautés, 1829, p. 43.
51 Le classique et le romantique, Satire par M. le baron d’Ordre, Paris, Marchands de nouveautés, 1829, p. 44.
52 Nébulos, ou les don quichotte romantiques, poème héroï-comique en quatre chants avec des notes historiques et littéraires, par L. Castel, Paris, Dénain, 1830.
53 Satires contemporaines et mélanges, par Servan de Sugny, Paris, Béchet, 1832. Sur cet auteur, voir notamment L’Éloge historique d’Edouard Servan de Sugny, prononcé par Antoine-Gaspard Bellin et publié chez Vingtrinier, à Lyon, en 1861.
54 Le Romantique, p. 101.
55 Viennet, A Alexandre Duval, sur l’ingratitude, in Épîtres et Satires, p. 323.
56 Mémoires et Journal, 1777-1867, Jean-Pons Guillaume de Viennet, texte établi, présenté et annoté par R. Trousson, Paris, H. Champion, 2006.
57 Tous les extraits du Journal mentionnés ici sont cités par R. Trousson, « J. P. G. Viennet : les romantiques au tribunal du dernier des classiques », Communication à la séance mensuelle du 14 mai 2005.
58 Réaction classique, satires, épigrammes, contes en vers et prose, précédés d’une conversation avec M. de Chateaubriand, par M. de Beaumont, Paris, Amyot, 1852. Peut-être les satires ont-elles été publiées antérieurement. Nous n’avons pas cependant retrouvé ces productions qui furent certainement imprimées séparément pour n’être réunies ensuite qu’en 1852.
59 Réaction classique, satires, épigrammes, contes en vers et prose, précédés d’une conversation avec M. de Chateaubriand, par M. de Beaumont, Paris, Amyot, 1852, pp. 11-12.
60 Code romantique, ou l’art poétique moderne in Beaumont, Réaction classique, pp. 213-225.
61 Code romantique, ou l’art poétique moderne in Beaumont, Réaction classique, p. 214.
62 Satires, par Louis Veuillot, Librairie catholique de Périsse frères, Paris, Lyon, Bruxelles, 1864.
63 Avant-propos, p. I.
64 Avant propos, p. II.
65 José-Luis Diaz, « La satire du poète à l’âge du sacre de l’écrivain », in J.-P. Saïdah et S. Duval dir., Modernités 27, Mauvais genre, la satire littéraire moderne, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, p. 86.
66 J. P. Bertrand et P. Durand, La Modernité romantique, de Lamartine à Nerval, Les impressions nouvelles, 2006, p. 18.
67 Satires, p. 95.
68 Sur le concept de parrêsia, voir Foucault, « La Parrêsia », in Anabase, Traditions et Réceptions de l’Antiquité, n° 16-2012.
69 S. Duval et M. Martinez, La Satire, A. Colin, 2000, pp. 198-199.
70 L’expression est de Pascal Debailly, in L’Esthétique de la satire chez Mathurin Régnier, thèse de doctorat, Paris X, 1993.
71 Frédéric Ségu, Un romantique républicain : Henri de Latouche, 1785-1851, Paris, Les Belles-Lettres, 1931, p. 286.
72 Voir à ce sujet Jean-Pierre Saïdah, « Poétiques de la réflexivité satirique au XIXe siècle : satire de l’écrivain, auto-satire et poésie », in Modernité 27, Mauvais genre, La satire littéraire moderne, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, pp. 77-80.
73 Voir l’article de Mathieu Liouville, « Romantisme et auto-satire », in Modernité 27, Mauvais genre, La satire littéraire moderne, pp. 93-102.
74 Stéphanie Tribouillard, « Musset satiriste, des Lettres de Dupuis et Cotonet à Dupont et Durand », in Modernité 27, Mauvais genre, la satire littéraire moderne, p. 105.
75 Cité par M. Liouville, « Romantisme et auto-satire », p. 95.
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Pour citer cet article
Pierre Blanchard, « La querelle du romantisme vue par le prisme satirique (1820-1864) », paru dans Loxias, 54, mis en ligne le 16 septembre 2016, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=8520.
Auteurs
Pierre Blanchard, professeur de Lettres dans le secondaire, est membre de la Société des Amis des Poètes Roucher et André Chénier (SAPRAC) et fait partie de l’Équipe Littérature et Herméneutique (ELH) de l’Université Toulouse Jean Jaurès. Il a soutenu une thèse sur la satire en vers à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles (La satire poétique de Thermidor à l’Empire : crépuscule d’un genre au couchant des Lumières). Ses recherches portent sur la satire lucilienne (esthétique et éthique), la poésie du siècle des Lumières et les affrontements entre philosophes et antiphilosophes.