Ioana Manea


Ioana Manea a enseigné à l’Université de Bucarest la littérature française du XVIIe siècle. Elle a soutenu en 2008, sous la direction de Gérard Ferreyrolles, à Paris-IV Sorbonne, une thèse sur « La Pensée de l’autorité chez F. de La Mothe Le Vayer » et a publié plusieurs articles sur cette période.

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L’Espagne chez La Mothe Le Vayer ou comment utiliser les stéréotypes de la littérature politique pour exprimer des opinions libertines

Cet article prend comme point de départ l’image de l’Espagne qui se dégage des ouvrages publiés par La Mothe Le Vayer au cours des années 30 du XVIIe siècle. Parus sous pseudonyme ou à paternité reconnue et dédiés parfois au cardinal de Richelieu, ces écrits voient le jour à une époque où l’Espagne est perçue comme un pays qui dissimule ses ambitions impérialistes sous une fausse piété. Comme le montre Étienne Thuau dans son livre intitulé Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu (1966, rééd. 2000), à l’origine de cette perception de l’Espagne se trouve la propagande menée pour servir les intérêts politiques de Louis XIII, que la guerre oppose au souverain espagnol. Dans des ouvrages comme En quoi la piété des Français diffère de celle des Espagnols, La Mothe Le Vayer ne se contente pas de s’attaquer à l’usage intéressé que les Espagnols font de la religion ou aux méthodes qu’ils utilisent pour évangéliser les Amérindiens. À travers les Espagnols notre auteur vise l’arrogance de tous les soi-disant bons chrétiens qui, d’une part, refusent de reconnaître les qualités morales des païens et qui, d’autre part, prétendent connaître, voire accomplir les desseins que la divinité a sur les hommes. Instrumentalisant le culte de Dieu pour dominer le monde et aspirant au statut de monarchie universelle, la couronne d’Espagne permet à La Mothe Le Vayer d’illustrer une autre idée qui lui tient à cœur : le succès en politique relève du hasard et non pas de la mise en pratique d’une science particulière. Tout en invoquant des lieux communs qui ont pour objet soit l’habileté politique, soit l’hypocrisie religieuse de l’Espagne, La Mothe Le Vayer exprime des opinions qu’il continuera à développer dans des œuvres ultérieures et qui rappellent le credo qu’il expose dans l’avant-propos de son premier écrit, publié sous le couvert de l’anonymat : fier du libertinage de sa plume, La Mothe Le Vayer alias Orasius Tubero n’accepte de se soumettre qu’à l’autorité de sa raison.

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