Nora Galland


Agrégée d’anglais, Nora Galland est ATER à l’université Côte d’Azur, Nice, membre du CTEL. Docteure en études du monde anglophone, elle est spécialiste du théâtre anglais des XVIe et XVIIe siècles. Ses champs d’investigation sont la race dans la culture et le théâtre de la première modernité anglaise, aux XVIe et XVIIe siècles, la dialectique de l’identité et de l’altérité, l’injure et la violence verbale ainsi que les adaptations et appropriations des pièces de William Shakespeare. Elle a publié ses recherches dans Cahiers Élisabéthains, Arrêt sur Scène/Scene Focus, Les Cahiers Shakespeare en Devenir, Multicultural Shakespeare : Translation, Appropriation and Performance et L’Œil du spectateur.

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Loxias | 80. | I.

Editorial
le blackface ou la représentation de l’identité raciale dans les arts de la scène

Cette introduction présente les actes d’un séminaire de recherche intitulé « Le blackface ou la représentation de l’identité raciale dans les arts de la scène » du CTEL UPR 6307 qui a eu lieu à l’Université Côte d’Azur à Nice le 16 juin 2022. Elle s’attache tout d’abord à définir la race et le racisme comme une question viscérale qui est trop souvent mal conceptualisée. Cet article se propose ensuite de contextualiser le « blackface », considéré comme le reflet d’une société qui tolère l’intolérable. Enfin, nous nous poserons la question du « blackface » dans les arts vivants en prenant les exemples de la scène contemporaine française et allemande ainsi que le monde du ballet classique en soulevant la problématique du théâtre de la suprématie blanche. This introduction features the proceedings of a research seminar entitled « Blackface or the representation of racial identity in the living arts » of the research center CTELA UPR 6307 that took place at University Côte d’Azur in Nice on 16 June 2022. It first focuses on the definition of race and racism as a visceral issue that is too often poorly conceptualized. Blackface on stage will then be contextualized and considered as the reflection of a society that tolerates the intolerable. Eventually, this article explores blackface in the living arts taking the examples of French and German contemporary stages as well as the world of ballet to raise the question of the theater of white supremacy.

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Le blackface ou la saturation sémiotique du corps noir dans les mises en scène d’Othello de Shakespeare

La représentation du corps noir fait l’objet de nombreuses investigations, notamment la pratique culturelle du blackface qui permet à l’acteur blanc de subir une transformation raciale pour incarner un personnage afro-descendant. Dans quelle mesure le blackface est-il une pratique négrophobe qui repose sur la saturation sémiotique du corps noir sur la scène de théâtre ? Par « saturation sémiotique », j’entends la façon dont le corps noir est chargé de symbolique à connotation négative. Nous étudierons cette question dans les mises en scène d’Othello de Shakespeare en remontant aux pratiques théâtrales de la première modernité anglaise et en les mettant en résonnance avec le théâtre contemporain. La déconstruction du blackface permet de l’identifier comme une pratique à la longue tradition théâtrale dont la connotation négative ne fait aucun doute, du théâtre religieux médiéval au théâtre anglais de la première modernité et jusqu’aux spectacles des ménestrels raciaux américains. Le blackface est à l’origine d’une esthétique raciale qui mobilise l’acteur et le spectateur et leur fait vivre une expérience scopique qui leur donne un pouvoir de définition de la représentation de l’identité raciale sur la scène de théâtre. C’est enfin une pratique polémique qui ne fait toujours pas consensus aujourd’hui et qui fait l’objet d’interprétations parfois contradictoires, notamment si l’on oppose l’intention du metteur en scène à l’impact de la mise en scène. The representation of the black body has been widely studied, for instance through the cultural practice of blackface which enables the white actor to undergo a racial transformation to embody a character of African descent. To what extent is blackface a negrophobic practice which relies on the semiotic saturation of the black body on stage? With the phrase « semiotic saturation », I mean the way the black body is loaded with a negative symbolic. We will analyse this issue by going back to early modern English theatrical practices and by creating a dialogue between them and contemporary theatre. The deconstruction of blackface leads us to identify it as a practice with a long theatrical history the negative connotation of which leaves no room for doubt – from the religious medieval drama to the early modern English drama and to the American racial minstrel shows. Blackface is the source of a racial aesthetics that involves the actor and the spectator making them experience a scopic performance which gives them a power of definition of the representation of racial identity on stage. Eventually, it is a polemical practice that is still controversial today, for instance if we oppose the director’s intention and the impact of performance.

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