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Justine de Reyniès  : 

Rus in urbe: promenades pittoresques dans le Paris de la fin du XVIIIe siècle

Résumé

Le présent article se propose de mettre en lumière un déplacement, parallèle à la diffusion du jardin paysager à partir des années 1770, dans la manière de se représenter l’expérience de la promenade publique. S’il est vrai que celle-ci constitue, dès le XVIIe siècle, le lieu d’une mise en scène de soi réglée par les codes sociaux, cette fonction tend à s’effacer au profit d’une appropriation personnelle de l’espace mettant en jeu la sensibilité, en particulier la sensibilité au pittoresque des tableaux rencontrés en chemin. S’invente alors une nouvelle aesthesis de la promenade dans laquelle le regard, jusque-là concentré sur la composante humaine du décor, s’ouvre sur l’environnement dans lequel évoluent les corps en mouvement ; ce qui est alors visé à travers la déambulation n’est plus tant une galerie de portraits qu’une succession de « scènes » mouvantes formée, dans un équilibre sans cesse recomposé, par la juxtaposition du vivant et à l’inanimé. L’œuvre du graveur Jacques Rigaud, qui témoigne des divertissements de plein air sous le règne de Louis XV, et quelques dessins et gravures illustrant l’apparition du style irrégulier dans le dernier tiers du XVIIIe siècle nous permettront de poser les jalons de cette évolution.

Plan

Texte intégral

1À l’époque moderne, les grandes campagnes d’aménagement par lesquelles le pouvoir monarchique français s’est efforcé d’encadrer l’extension du réseau urbain ont manifesté le souci constant de resserrer le lien entre la ville et son dehors. Spécificité française, les promenades plantées, qui coïncident avec les grands axes de communication et ouvrent des perspectives sur la campagne environnante, sont l’expression la plus éclatante de l’implication de l’Etat dans les embellissements de la cité. Conçues pour le déplacement équestre, ces allées arborées sont depuis le début du XVIIe siècle le théâtre de rassemblements mondains, où la promenade se définit comme une activité hautement ritualisée, répondant à des motivations moins hygiéniques ou sanitaires que symboliques, liée à l’affirmation d’une identité individuelle et d’un rang social. Ainsi, les Champs Elysées, le Cours la Reine ou les Boulevards à Paris, au même titre que les imitations qu’elles ont suscitées en province, ont été le lieu d’une urbanisation des divertissements de Cour. Parallèlement, les familles régnantes, en ouvrant dès le XVIIe siècle les jardins royaux et aristocratiques, au premier chef le Luxembourg, les Tuileries et le Palais-Royal, à un public sélectionné sur son apparence vestimentaire, a offert de nouveaux espaces de parade aux Parisiens. Or dans le dernier tiers du siècle, plusieurs facteurs contribuent à modifier les coordonnées spatiales de la promenade et à faire évoluer les usages relatifs à ce type de récréation citadine : préférence pour le déplacement pédestre à l’origine d’un engouement nouveau pour les jardins publics, désormais préférés aux promenades plantées, ouverture des jardins d’hôtels particuliers sur l’espace public, apparition des premiers jardins-spectacles ou aires d’attraction.

2Ces deux dernières catégories apportent les premiers échantillons urbains du style moderne de jardinage, lesquels ont souvent été dès leur création accessibles aux promeneurs – accès tarifé dans le cas des parcs de loisir, et autorisé sur présentation d’une lettre de recommandation, dans le cas des demeures privées comme la maison de Mme de Thélusson, du duc de l’Infantado, de Mme de Boufflers ou de M. Boutin, pour n’en citer que quelques-unes. Cette implantation du genre paysager au cœur de la cité fut plus précoce qu’outre-Manche. Dans son étude sur les parcs urbains en Angleterre, Jacques Carré a souligné le décalage temporel qui sépare l’invention du nouveau style et son adoption par les villes du royaume un siècle plus tard1. Il analyse les facteurs juridico-administratifs, économiques et sociaux qui expliquent que les promenades, squares, des parcs royaux ou des pleasure gardens n’aient pas constitué un terrain d’expérimentation paysagère, avant de conclure que l’attention portée à l’aspect de ces lieux fut marginale comparée au rôle qu’il jouèrent en tant que théâtre d’une sociabilité très compétitive et véhicule de valeurs consuméristes propres aux élites urbaines2. Dans cette étude, nous voudrions montrer que cette analyse n’est pas applicable au cas français. Nous nous appuierons sur les sources iconographiques qui documentent l’apparition des jardins modernes sur le Continent pour nous demander s’il existe quelque chose comme une expérience esthétique de la promenade urbaine, et surtout quelle part y prend le renouveau pittoresque qui contribue, comme on l’a vu, à renouveler le visage de la ville en cette fin de siècle.

Le tournant pittoresque de la promenade publique

3Pour guider la lecture de ces images, un détour préalable par l’écrit s’impose. Reconnaissons tout d’abord que, dans l’esprit des chefs de file de la révolution pittoresque, la promenade publique demeure généralement associée au style régulier. Ce rapprochement s’appuie sur des arguments d’ordre pragmatique, la configuration du jardin « à la française » étant jugée plus adaptée aux exigences de l’urbanité. On s’accorde à reconnaître que les larges allées découvertes offrent un cadre propice à l’exercice de la sociabilité et à l’éthos urbain du paraître, mais aussi à la police des comportements, les lieux de rassemblement étant par nature suspects d’être le théâtre d’activités plus ou moins licites. Ainsi, en 1776, Jean-Marie Moreldit du parc urbain : « c’est là enfin qu’il faut que la disposition soit telle, que les promeneurs de l’un et de l’autre sexe, dont le but est de se montrer, voient tout du même coup d’œil et paraissent avec avantage ; parce qu’ils sont tout à la fois et spectateurs et spectacle3 ». Et d’ajouter que « le plus grand ornement de ces lieux existe dans le concours général ; l’ennui qu’ils font éprouver, quand ils sont peu fréquentés, en est la preuve ». Autrement dit, l’unique beauté de ces parcs est une beauté d’emprunt, celle de la foule endimanchée qui le peuple et l’anime. Cette idée est illustrée par un passage d’Angola (1746), conte de La Morlière. Évoquant l’animation de l’un des parcs de la capitale du royaume, le narrateur note « la perspective charmante » que forment « une foule diversifiée de personnes des deux sexes, les habillements du goût le plus riche et les différentes sortes de parures »4. Il célèbre la bigarrure et l’éclat des vêtements, des coiffes et des bijoux, l’heureux concours des élégances individuelles. Mais le regard qui recueille ces notations visuelles est d’abord celui du satiriste : occupé à déchiffrer la signification éminemment humaine des détails vestimentaires et des postures, à sonder les apparences pour mettre au jour une physionomie morale, il ne prête pas attention aux agréments qui naissent de la réunion de l’habit et du végétal, du mouvement des figures s’enlevant sur le fond d’un décor. Sensiblement différent est le point de vue adopté, une vingtaine d’années plus tard, par Watelet et Delille sur la vie des parcs urbains. Chez ces deux auteurs, le regard porté sur les décors traditionnels du divertissement urbain s’enrichit d’une sensibilité nouvelle qui contient les éléments de ce qu’il conviendrait d’appeler une nouvelle aesthesis de la promenade publique. Ainsi, dans l’Essai sur les jardins (1774), Watelet dépasse sa réticence à l’égard des « parcs anciens » condamnés au même titre que la société féodale dont ils sont l’émanation5 et envisage les conditions dans lesquelles « les jardins publics des villes, et même ceux des principales maisons » pourraient être accommodés au goût du jour. Qu’on se figure, nous dit-il, les arbres de ces allées élancer librement leurs frondaisons dans les airs, réunir leurs branches en une voûte naturelle ; alors, « une foule d’acteurs de tous rang, de tout âge, vêtus d’habillements variés, rempliront ces galeries, et donneront le mouvement à la scène, par une pantomime animée ». Dans son poème Les Jardins (1782) l’abbé Delille évoque en des termes assez similaires le plaisir de la flânerie dans les parcs des métropoles parisienne ou londonienne, « vaste et brillante scène, où chacun est acteur/Amusant, amusé, spectacle et spectateur » :

Il est des lieux publics où le peuple s’assemble,
Charmé de voir, d’errer et de jouir ensemble ;
Tant l’instinct social dans ses nobles désirs
Veut comme ses travaux partager ses plaisirs !
Là nos libres regards ne souffrent point d’obstacle.
Ils veulent embrasser tout ce riche spectacle ;
Ces panaches flottants, ces perles, ces rubis,
L’orgueil de la coiffure et l’éclat de l’habit ;
Ces voiles, ces tissus, ces étoffes brillantes,
Et leurs reflets changeants, et leurs pompes mouvantes :
Tels, si dans ces jardins où la fable autrefois
A caché des héros, des belles et des rois,
Dans la tige des lis, des œillets et des roses,
Les dieux mettaient un terme à leurs métamorphoses,
Tout à coup nous verrions, par un contraire effet,
S’animer, se mouvoir l’hyacinthe et l’œillet,
Le lis en blancs atours, la jonquille dorée,
Et la tulipe errante en robe bigarrée6.

4Watelet et Delille attribuent à ces lieux de loisir anciens une beauté particulière, issue de la double sublimation opérée par le temps et l’animation humaine, et dans laquelle il est difficile de ne pas reconnaître l’empreinte de Watteau : c’est un décor de fêtes galantes que l’on décèle dans ces allées et ces bosquets dont le tracé géométrique s’est assoupli sous l’effet des ans, où l’ouvrage de la nature est venu couronner l’œuvre humaine en lui conférant un air noble et champêtre, où l’habit déploie sa poésie florale. Or, dans ces décors du siècle passé retrempé dans un imaginaire pictural récent, les deux auteurs installent une forme de cérémonie du regard, qui participe d’un nouveau type de sensibilité emblématisé par la révolution paysagère des années 1650-1780. La thématique de l’échange oculaire, si essentielle à l’espace théâtralisé du jardin public, se renouvelle ici par combinaison avec la notion de « scène », dont la fortune au XVIIIe siècle est liée à l’émergence du mouvement pittoresque. Dans l’acception particulière qu’il revêt à partir de la publication de la série d’essais publiés en 1712 par Addison sous le titre des Plaisirs de l’Imagination, le terme renvoie à l’activité de l’imagination qui extrait des fragments du continuum sensoriel, et emmagasine ce matériau perceptif dans la mémoire où il devient disponible pour les manipulations inventives de l’esprit. Cette intériorisation des impressions visuelles, dans laquelle s’enracinerait l’activité créatrice, consiste en un travail d’esthétisation du réel qui suppose que l’individu adopte à l’égard de la réalité la position du spectateur : celle-ci s’offre alors sous l’espèce du « coup d’œil » ou de la « scène », c’est-à-dire d’une image, dont l’unité repose sur un double principe, de distance à l’objet et de clôture du regard (de délimitation du champ perceptif). Les vers que Delille consacre au jardin public rendent compte de l’expérience qu’il procure en articulant la théorie addisonnienne au schéma de la réciprocité caractéristique du mode d’existence sociale. Poids d’une tradition bien vivante qui situe la promenade parisienne dans le décor des parcs royaux créés au siècle précédent, influence du modèle des fêtes galantes, affinités du style régulier avec les mœurs dénaturées de l’homme des villes : autant de facteurs qui expliquent la référence au jardin classique comme cadre privilégié des loisirs urbains ou périurbains. Les nouvelles expériences paysagères réalisées dans la capitale étaient, de surcroît, trop récentes7, pour que Watelet ou Delille songent à y appliquer ces considérations sur les heureux effets chorégraphiques et picturaux nés de l’alliance du champêtre et des figures humaines en mouvement. Pourtant, la composition des jardins modernes, distribués en une séquence de scènes, offrait une opportunité intéressante pour l’esthétisation de la promenade, et même un terrain idéal pour l’exercice d’une forme de loisir collectif fondée sur l’échange des rôles de spectateur et d’acteur, et résultant dans la création de tableaux vivants, de pantomimes spontanés.

Vers une approche scénographique du jardin : Jacques Rigaud et les Maisons royales de France (1729-1763)

5Le fonds iconographique apporte, à cet égard, un précieux complément aux sources écrites. Le témoignage apporté par les gravures est d’autant plus précieux qu’il permet de restituer la dimension esthétique de la promenade publique, alors qu’elle tend à devenir souvent, dans la littérature, un simple prétexte à une galerie des types sociologiques et à une chronique des mœurs du temps dont elle offre un condensé. Avant de proposer une lecture de quelques-unes de ces estampes, il n’est sans doute pas inutile de dire quelques mots du rapport que l’imagerie hortésienne entretient avec l’histoire des techniques de représentation topographique. Au XVIIe siècle, deux modes de restitution graphique des demeures seigneuriales et princières et de leurs environs sont privilégiés par les ingénieurs géographes et les architectes : d’une part les vues « à vol d’oiseau », d’autre part, des cartes combinant la projection horizontale et la représentation en élévation des bâtiments, hybridation qui configurait un espace paradoxal, mais qui offrait le double avantage d’une information synthétique mettant en évidence la distribution générale du domaine seigneurial et son inscription dans le pays, et d’une visualisation réaliste, par essence limitée mais conforme au sens commun [fig. 1 et 2].

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1. J. Badeslade et J. Rocque, « One of the Seats of the Duke of Dorset and Middlesex », Vitruvius Britanicus, t. IV, 1739

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2. Le château de Pontchartrain, vue à vol d’oiseau, Archives nationales,N III S et 056

6Dans un cas comme dans l’autre, le regard embrasse un espace sans lieu d’observation précis. À partir de 1750, la scission entre une écriture de type scientifique et une écriture de type artistique du lieu est consommée : les cartes s’en tiennent désormais au plan masse, réservant la figuration perspective aux élévations et vues architecturales, qui tendent de leur côté à abandonner le point de vue surplombant8. Or, s’il est vrai que les cartes horticoles qui témoignent de la diffusion du style irrégulier dans la France du dernier tiers du XVIIIe siècle conservent un système de figuration mixte (où subsiste, à côté des éléments cartographiques, toute un lexique iconographique constitué d’arbres, de rochers, de fabriques en élévation)9, il est aussi vrai que l’apparition des premiers parcs irréguliers coïncide avec l’abandon précoce des vues cavalières ou aériennes au profit de vues de plain pied, qui localisent précisément le regard. Dans l’édition de 1739 du Vitruvius Britannicus, le contraste est frappant, du point de vue des choix d’expression graphique, entreles vues qui illustrent des ouvrages de style classique, et celles qui accompagnent les plans des demeures ayant fait l’objet de récents aménagements paysagers. Alors que ces derniers sont illustrés par des perspectives à vol d’oiseau ou des élévations des façades, John Rocque propose pour les parcs d’Esher, de Claremont, de Chiswick ou de Richmond récemment embellis par Charles Bridgeman puis William Kent, un ensemble de vues des différentes fabriques nouvellement édifiées. L’œil du dessinateur s’abaisse et se rapproche de son objet pour adopter très précisément le point de vue d’un spectateur placé dans une corbeille de théâtre, position en parfaite cohérence avec la structure scénographique de l’espace. Fidèles à l’esprit des créations de Kent10, les gravures de Rocque témoignent d’une conscience claire des potentialités scénographiques du landscape garden de la première heure. On y observe un patron architectonique récurrent, dans lequel la fabrique forme la toile de fond d’un plateau délimité latéralement par des éléments végétaux, et occupé par un ou plusieurs personnages [fig. 3]11.

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3. J. Rocque, Temple et grotte à Esher, Vitruvius Brittanicus, t. IV, 1739

7En France, ce glissement d’une représentation topographique vers une approche scénographique du jardin se manifeste dans quelques-uns des travaux que Jacques Rigaud réalisa dans les années 1740 et 1750. Spécialisé dans les vues, ce dessinateur et graveur marseillais publia un ensemble d’estampes recueillies dans un recueil intitulé Maisons royales de France12 qui s’inscrivait dans la lignée de l’œuvre d’Israël Silvestre13 et d’Adam Pérelle. Les contacts que l’artiste eut sans doute l’occasion d’établir lors d’un séjour effectué en Angleterre entre 1733 et 1736, ainsi que la renommée acquise en 1730 par la publication des premières planches des Maisons royales lui valurent sans doute de participer à l’élaboration d’un ensemble de vues de Stowe que la veuve de Charles Bridgeman fit publier en 1739, en même temps que les plans de son mari. Selon son propre aveu, l’artiste réalisa ses dessins « sur les lieux »14 ; de fait, ses vues de Versailles, qui constituent un document intéressant sur le loisir des élites urbaines sous Louis XV, donnent l’impression de scènes croquées sur le vif : la vision, située à proximité de son objet et quasi de niveau avec les promeneurs, propose un regard intimiste et chaleureux sur l’animation du jardin, qui contraste avec le point de vue généralement surplombant et éloigné des gravures de Silvestre ou de Pérelle. Certes, ces images en disent long sur les enjeux mondains de la promenade, sur la manière dont ces lieux conçus initialement pour être le théâtre et le décor de la pompe royale, se transforment en salon de plein air, multipliant les occasions de rencontre et de conversation. La fonction sociale de la promenade est clairement mise en évidence par la densité de la fréquentation, la prédominance des groupes, les gestes et les expressions dénotant la conversation en acte [fig. 4].

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4. Jacques Rigaud, vue de la Salle du Bal à Versailles, Les Maisons royales de France, vers 1730. Eau-forte et burin

8Principale activité des promeneurs, celle-ci est favorisée par la distribution des lieux, qui multiplie les possibilités d’interaction visuelle et de croisement des corps en mouvement. Plus encore que les vastes étendues découvertes que forment les larges avenues se coupant en étoile, les amphithéâtres constituent des panoptiques qui permettent d’optimiser la surface de contact oculaire. Dans les allées principales et secondaires comme dans les salles des bosquets, la déambulation des promeneurs selon un mouvement circulaire ou pendulaire augmente les occasions de rencontre. Pourtant, le tournant pittoresque de la promenade publique évoqué par Watelet ou Delille commence à s’esquisser, dans la mesure où la contemplation des scènes composées par cette alchimie du vivant et de l’inanimé entre à part égale avec l’entretien convivial ou galant dans le plaisir de la promenade. On décèle l’empreinte de Watteau dans l’élégance et la subtilité avec laquelle Rigaud saisit sur le vif les différentes saynètes qui composent ce kaléidoscope. Celui-ci parvient à restituer, sans le secours de la couleur, le sens d’une complémentarité visuelle entre l’homme et son environnement, les heureux accords du vêtement avec l’eau, l’air et les arbres, et en particulier les incrustations florales des crinolines qui émaillent de leurs corolles diaprées et mouvantes le fond des parterres et des allées15.

9En se plaçant à une distance moyenne de son objet, d’où il peut apprécier à la fois un effet global et le détail d’une dramaturgie muette, le dessinateur adopte la position d’un promeneur esthète, comme s’extrayant de la comédie sociale pour en apprécier les effets pantomimiques. Cette posture est, du reste, inscrite à l’intérieur de la scène par la présence de personnages isolés, vus de dos, occupés à observer les beautés ou les curiosités du lieu, qui retiennent par leur attitude de retrait quelque chose du mystère enveloppant les solitaires des fêtes galantes de Watteau16[fig.5].

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5. Jacques Rigaud, Vue de l’Orangerie de Versailles prise du Parterre du Midi, Maisons royales de France, vers 1730

10La distribution irrégulière des groupes dans l’espace, l’aisance et la nonchalance des postures, la suggestion du mouvement, autant d’éléments exprimant l’imprévisibilité de l’âme humaine et la surprise des rencontres, forment un contraste piquant avec la solennité quelque peu sévère des compositions de Le Nôtre. Ainsi, Rigaud représente un moment de transition, où l’esthétique du tableau mouvant si essentielle aux jardins pittoresques commence à s’installer à l’intérieur du jardin classique, dont la distribution, associée dans le cas de Versailles à une éthique de l’ostentation mondaine, conduit cependant à mettre l’accent sur la composante humaine du spectacle. Les commentaires de Morel trouvent ici une parfaite illustration, dans la mesure où l’attrait visuel de la promenade repose essentiellement sur l’agrégation instable des corps, le ballet aléatoire résultant de l’addition de dynamiques particulières.

Le promeneur sensible

11L’examen de l’iconographie illustrant l’introduction du parc à « scènes » en France laisse penser qu’elle a coïncidé avec un changement dans l’esthétique de la promenade publique. Cette évolution se traduit tout d’abord par l’instauration d’un nouvel équilibre entre l’homme et l’environnement naturel. Ce qui frappe, lorsque l’on confronte les cahiers de Lerouge avec les gravures d’Adam Pérelle, c’est d’abord un écart dans lafréquentation des lieux : dans les représentations des nouveaux jardins, y compris dans ces « jardins spectacles » conçus dès l’origine pour accueillir un public nombreux, la population apparaît nettement moins dense que dans celles des jardins anciens. Ce phénomène peut s’expliquer à plusieurs niveaux : on peut y voir le reflet d’une réalité (l’affluence étant moindre dans les jardins modernes), la conséquence du resserrement du champ de l’espace représenté autour de la scène paysagère, l’affirmation d’un programme esthétique, mais aussi la valorisation d’une forme de sociabilité qui trouverait dans le jardin son lieu propre. J’illustrerai ce propos à partir des vues que Carmontelle17 a données du « jardin de Monceau », dans un recueil de gravures qui fut publié à l’issue des travaux d’aménagement dont le duc de Chartres lui avait confié la responsabilité18. La promenade y apparaît comme activité pratiquée à l’intérieur d’une société restreinte (cercle familial ou amical, relation galante). En même temps, les vues montrent clairement comment la structure séquentielle du jardin paysager exclut les effets de réunion et de concentration observés dans les parcs réguliers.

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6. Louis Carrogis de Carmontelle, Jardin de Monceau, Vue de la Salle des Marronniers, 1779

12Dans la gravure représentant la « Salle des Marronniers » [fig.6], il apparaît que les possibilités de croisement et de rencontre sont limitées par l’exiguïté du sentier sur lequel évoluent les visiteurs ; offrant le confort d’une assise, la fraîcheur d’une fontaine et d’un bosquet en retrait du chemin, le salon de verdure invite au repos dans le cadre d’une convivialité intime. Il est significatif que sur la seule image où figure un nombre important de promeneurs, la configuration des lieux vienne conjurer la dynamique de la concentration humaine : dans la représentation du « Bois des Tombeaux », les troncs des arbres interposés entre les individus annulent l’effet de masse, si bien que les groupes sont pris comme des entités séparées [fig.7].

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7. Louis Carrogis de Carmontelle, Jardin de Monceau, Vue du Bois des Tombeaux, 1779

13Sur le plan de la répartition des masses visuelles, cela signifie que l’élément naturel devient prépondérant par rapport à la composante humaine. Bien entendu, la signification de la figure ne peut être interprétée en dehors des contraintes esthétiques ou techniques de la représentation plastique. Dans la tradition des vues topographiques, la figure occupe la double fonction d’ornement et d’instrument herméneutique : elle est au cœur d’une transformation du lieu en « lieu pratiqué » qui permet de mettre en évidence ses fonctions, ses usages habituels (ou d’éventuels détournements de ces derniers) ; mais elle intervient aussi comme unité de mesure, permettant d’apprécier les proportions d’un édifice, la distance qui sépare les différents plans de l’image. En effet, avec l’abandon du dessin géométrique, le corps humain est investi du rôle d’étalon dévolu jusque-là aux repères fixes de la perspective linéaire19. La localisation de la figure devient en elle-même signifiante, dans la mesure où elle indique l’emplacement des différents principaux points de vue du jardin. Le contact oculaire et l’échange des rôles respectifs de spectateur et d’acteur s’effectuent désormais dans le cadre de ces vis-à-vis concertés, ces croisements de point de vue à partir desquels se définit le tracé du chemin dans la genèse du jardin paysager, et qui imprime son dynamisme à la promenade. Dans la « Vue de la hauteur du Minaret », un itinéraire est jalonné par la silhouette des différents personnages et fléché par le geste de ceux qui désignent du doigt un point d’observation distant comme une étape ultérieure du trajet [fig.8].

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8.Louis Carrogis de Carmontelle, Jardin de Monceau, Vue de la hauteur du Minaret, 1779

14Ainsi les critères auxquels obéit la distribution des figures dans le jardin paysager se rapprochent de ceux qui président à la répartition du « groupe » dans la peinture de paysage. En effet, elle impose des règles en tout point opposées à la logique du « remplissage » qui présidait à l’animation du lieu chez Pérelle ou Silvestre, et qui sont fondées sur un principe de dissémination et l’instauration d’un rapport plus étroit, moins abstrait entre l’individu et le décor. Au spectacle de la foule bigarrée, à ces amples effets de chœur qui font, selon Jean-Marie Morel, la principale beauté des jardins urbains de style régulier, s’est substituée une tout autre économie visuelle, qui met en valeur les échanges de l’individu avec le milieu.

15Ainsi, l’événement humain est toujours au cœur de l’expérience du jardin, mais, loin de se déployer dans un espace propre, séparé du milieu physique, comme c’était le cas chez Pérelle ou Rigaud, il tire désormais sa signification de son ancrage dans l’environnement naturel. L’une des expressions les plus frappantes de cette mutation est l’émergence remarquable de la figure du spectateur dans l’imagerie hortésienne. Parmi les différents types de loisirs de plein air, celle-ci accorde une place particulière à l’activité de contemplation. Bien entendu, cette thématique n’est pas absente des gravures de Rigaud, où elle s’exprime à travers la présence de personnages se tenant en retrait de la comédie mondaine et du jeu des apparences. Cependant, dans bien des cas, eu égard aux limites propres à la poésie muette qu’est le dessin, il est bien difficile de distinguer, dans telle ou telle posture, ce qui dénote le repli rêveur, l’examen attentif des curiosités du site ou la parole échangée. Or il semble que les artistes des années 1750-1780 aient eu à cœur de définir l’activité du regard dans sa dimension proprement esthétique et désintéressée, à travers la représentation du travail de transposition artistique de l’objet de la vision : la figure de l’artiste ou de l’amateur ou dessinant sur le motif est si récurrente qu’elle devient un poncif du genre [fig.9].

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9. Jean Pillement (attr. à), Vue du jardin de Beaumarchais, gouache sur papier

16L’expérience esthétique du jardin pittoresque n’est pas l’apanage du promeneur solitaire. On admire les décors orchestrés par le paysagiste et animées par les visiteurs, et on le fait en groupe. Ainsi, on pourrait dire que l’invention du jardin moderne renouvelle l’expérience de la promenade urbaine, en en faisant l’enjeu et le théâtre d’un nouveau type de divertissement collectif, dans lequel chacun consomme passivement des images défilantes et mouvantes tout en y participant spontanément à titre de figurant, par quoi le jardin s’apparente, selon l’expression de Baldine Saint Girons, à une sorte d’« opéra naturel » : comme dans la salle de théâtre, les promeneurs sont co-spectateurs des scènes changeantes du jardin [fig.10].

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10. Francesco Bettini, « Cascade à Dampierre », in Georges-Louis Lerouge, Jardins anglo-chinois à la mode, Cahier XI, 1784

17Toute vue offerte sur un fragment du monde implique un point de vue, soulève la question du lieu où se situe le regard dans le hors champ de l’image. Nous avons montré une évolution du mode de représentation perspective du jardin, au terme de laquelle le point de vue souverain, qui est celui de l’oiseau, de Dieu ou du géographe, est remplacé, dans les images du jardin moderne, par un point d’observation terrestre, équivalent à celui d’un promeneur spectateur. Ce faisant, le lecteur du recueil d’estampes est invité à adopter la position d’un visiteur virtuel, à regarder le jardin sous la modalité de la scène. Sans en être congédiée, la figure humaine ne s’y impose plus massivement, sous la forme de la foule, mais s’y imprime de façon discrète et disséminée, selon une distribution motivée qui met en valeur les interactions sensibles de l’individu avec l’environnement (la dynamique du lieu, ses potentialités) et associe le bonheur de la pérégrination à celui des liaisons fondées sur la sympathie. Le nouvel équilibre qui s’instaure entre l’élément humain et l’élément naturel dans l’iconographie du jardin urbain témoigne de l’évolution d’une pratique sociale qui se modifie parallèlement à l’émergence de la valeur de la « sensibilité ». L’échange des regards demeure au cœur de la promenade, mais l’interaction visuelle perd son caractère de rituel social, la déambulation sa visée ostentatoire, pour s’inscrire dans une expérience esthétique partagée, fondée sur le principe de la réversibilité des rôles de spectateur et d’acteur. Ni pur cérémoniel, ni communion avec les éléments dans l’oubli de soi (telle qu’elle est décrite par le promeneur solitaire des Rêveries), la promenade dans les jardins urbains ou suburbains à l’ère pittoresque accorde une place privilégiée au cadre naturel sans exclure la dimension collective et la conscience du regard extérieur ; elle instaure un rapport médiat aux éléments, envisagés comme décor d’un drame sans paroles. Pareille conception du plaisir visuel de la flânerie au jardin public trouvera un prolongement dans la réflexion de Karl Gottlob Schelle, auteur de l’une des premières théorisations de la promenade. En 1802, celui-ci déclare : « La nature et le genre humain, la première dans la variété de ses paysages, le second sous son aspect le plus gai, sont tout à la fois le décor et les objets de la promenade20. »

Notes de bas de page numériques

1  « Le jardin urbain en Angleterre au XVIIIe siècle », Bulletin de la société d’études anglo-américaines des XVIIIe et XIXe siècles, n°51, nov. 2000, p. 185-200.

2  Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer le conservatisme formel qui caractérise l’espace vert londonien au XVIIIe siècle, qu’il s’agisse des promenades, squares, des parcs royaux ou des pleasure gardens : absence d’une conception cohérente et unifiée de ce que nous appelons aujourd’hui « jardin public », statut précaire de ces enclos, soumis à la pression de la croissance urbaine ou aux aléas de l’entreprise commerciale, hétérogénéité sociale de leur public. Surtout, les valeurs dont le jardin urbain fut la vitrine, fondées sur le consumérisme et l’ostentation des richesses, étaient radicalement étrangères à l’idéal rural et à l’élitisme culturel des élites foncières, qui ont été les principales actrices du renouveau paysager du début du siècle. La primauté de la fonction de divertissement et d’apparat expliquerait, selon Jacques Carré, que les témoins du temps se soient montrés généralement indifférents à l’aspect des parcs de la capitale.

3  Théorie des jardins, Paris, Pissot, 1776, p. 20.

4  Angola [1746], Paris, Desjonquères, 1991, p. 104-105.

5  Sous cette dénomination, Watelet désigne les parcs des domaines correspondant aux anciens fiefs et constituant l’ancrage terrien de la noblesse.

6  Ce passage est ajouté dans l’édition de 1801 (Paris, Levrault frères, p. 76-77).

7  Le « jardin de Monceau » n’ouvrit au public qu’en 1779, lorsque fut achevé le chantier que le duc de Chartres avait confié en 1773 à Carmontelle. Quant au domaine de Bagatelle, propriété du comte d’Artois, il ne fut aménagé en parc anglais qu’à partir de 1778.

8  Cette évolution apparaît nettement lorsque l’on compare deux célèbres recueils de gravures sur les maisons de plaisance anglaises, parus respectivement au début et à la fin du XVIIIe siècle : l’album de Jan Kip et Leonard Knyff, Britannia Illustrata (Londres, 1707) et celui de William Watts, The Seats of the Nobility and Gentry (Londres, 1779).

9  L’atlas routier de Trudaine (1745-1780) constitue un célèbre exemple de ce type d’écriture cartographique.

10  Ce rapport que les compositions de Kent entretiennent avec le modèle théâtral a été mis en lumière par J. D. Hunt (William Kent – Landscape Garden Designer – An Assessment and Catalogue of his Designs, Londres, A. Zwemmer Ltd., 1987, p. 29-32).

11  Notons que cette structure scénographique apparaît déjà dans les peintures des bosquets du jardin de Versailles et du Grand Trianon réalisées par Jean Cotelle. Cette prégnance du modèle théâtral traduisait une réalité : lors des grandes fêtes qui marquèrent le début du règne de Louis XIV, on dressa des constructions éphémères dans certains ronds points pour y donner des représentations de plein air.

12  Jacques Rigaud (1681-1754) : ce peintre et graveur d’origine marseillaise s’illustra principalement par la réalisation de vues topographiques. De 1733 à 1736, il effectua un séjour en Angleterre, principalement à Londres, où il réalisa quatre vues des maisons royales britanniques. En 1729, il entreprit de graver les lieux de résidence des familles de la cour. Son neveu Jean-Baptiste, à qui il avait transmis son fonds de dessins et gravures, se chargera de terminer cet ouvrage après sa mort survenue en 1754 (voir Bruno Bentz et Benjamin Ringot, « Jacques Rigaud et les recueils des Maisons royales de France », Nouvelles de l’estampe, n° 224, mai-juin 2009, p. 23-34). Le recueil des Maisons royales de France constitue un témoignage sur les divertissements de plein air des élites dans le premier XVIIIe siècle, avant que ne se répande la vogue du jardin paysager.

13  Israël Sylvestre (le Jeune, 1621-1691) : formé par son oncle Israël Henriet, ami et éditeur de Jacques Callot, il effectua une partie de sa carrière en tant que dessinateur et graveur du roi. À la demande de Louis XIV, il réalisa des pièces représentant quelques-unes des fêtes données par le souverain à Versailles au début de son règne (Courses de testes et de bagues, 1662 ; Les Plaisirs de l’île enchanté, 1664) ainsi qu’un recueil d’estampes consacré aux demeures royales de France (Les Bâtiments royaux).

14  Bruno Bentz et Benjamin Ringot, « Jacques Rigaud et les recueils des Maisons royales de France », Nouvelles de l’estampe, n° 224, mai-juin 2009, p. 28.

15  Plusieurs procédés permettant d’introduire la polychromie dans l’estampe apparurent au début du XVIIIe siècle en France ; vers le milieu du siècle, la vogue de la gouache amena les graveurs à chercher à fac-similer la peinture et les impressions en couleur se multiplièrent. Il est intéressant de constater que ces méthodes sont souvent exploitées pour les représentations de promenades publiques. Jean Laran cite, comme chef d’œuvre de ce genre mineur de la gravure en couleur, « La Promenade publique », réalisée en 1792 par Debucourt (L’estampe, Paris, PUF, 1979, t. 1, p. 139).

16  Mentionnons en particulier l’héroïne des Deux cousines (vers 1716) qui se détourne de la scène galante au premier plan pour contempler un couple s’entretenant sur l’autre rive de l’étang, près d’une statue et devant une allée d’arbrisseaux ; ou encore la fillette accompagnée d’un épagneul nain qui figure au centre de l’Assemblée dans un parc (1716-1717) : tournant le dos à deux enfants qui jouent, elle regarde vers la pièce d’eau, et au-delà, la trouée de lumière près de laquelle se tient un autre solitaire, également vu de dos.

17  Louis Carrogis dit Carmontelle (1717-1806) : fils d’un maître cordonnier établi à Paris, sa formation d’ingénieur topographe lui valut d’être recruté comme aide de camp par le comte de Pons-Saint-Maurice pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Remarqué pour ses talents de portraitiste, il fut nommé lecteur du duc de Chartres, avant d’entamer une carrière d’artiste de salon préposé aux divertissements des membres de la famille d’Orléans, qu’il suivait dans ses villégiatures à Villers-Cotterêts, à Saint-Cloud ou au Raincy, et pour lesquels il réalisa des portraits, composa des chansons, écrivit et mit en scène des comédies. Son nom est également associé à l’aménagement de parcs, en particulier au domaine de Monceau, où il créa l’un des premiers jardins de style « anglo-chinois ». La série de gravures qu’il publia à l’occasion de l’inauguration de cette œuvre, ainsi que le texte qui les accompagne (Jardin de Monceau, 1779), constituent l’un des principaux manifestes de ce qui allait devenir la variante continentale du jardin anglais inauguré outre-Manche dès le début du siècle.

18  Louis Carrogis de Carmontelle, Jardin de Monceau, 1779 (18 planches gravées).

19  Comme l’a montré Elisabetta Cereghini, l’individu et l’élément architectural servent d’unités de mesure dans l’élaboration du plan du jardin pittoresque : « [on procède] d’abord à la définition d’un jardin unitaire et ensuite au repérage des éléments, pris comme références proportionnelles de l’espace. Parmi ces éléments, les fabriques et la silhouette du promeneur se déplaçant dans le jardin jouent un rôle capital. En effet l’emplacement des unes se définit par rapport aux points de vue des autres. De cette façon, la dimension de chaque objet est définie par l’écart existant en le promeneur et la fabrique. Dans la composition du jardin, ces repères en viennent donc à former une sorte de canevas à partir duquel sont tracés les parcours » (« Les Jardins anglo-chinois à la mode, un recueil à l’image des nouveaux jardins du XVIIIe siècle », in : Georges-Louis Lerouge, Jardins anglo-chinois ou Détails des nouveaux jardins à la mode, Paris,1776-1789, rééd. Inventaire des fonds français, graveurs du XVIIIe siècle, BNF, 2004, p. 63).

20  Karl Gottlob Schelle, L’Art de se promener, Paris, Payot, 1996, p. 35.

Bibliographie

La Morlière Jacques Rochette de, Angola : histoire indienne, ouvrage sans vraisemblance, 1746 ; Paris, Desjonquères, 1991

Watelet Claude-Henri, Essais sur les jardins, Paris, Imprimerie de Prault, 1774

Morel Jean-Marie, Théorie des jardins, Paris, Pissot, 1776

Delille Jacques, Les Jardins, ou l’art d’embellir les paysages, Paris, Valade, 1782 ; éd. revue et augmentée, Paris, Levrault frères, 1801

Schelle Karl Gottlob, Die Spatziergänge oder die Kunst spatzieren zu gehen, Leipzig, G. Martini, 1802 ; trad. L’Art de se promener, Paris, Payot, 1996

Addison Joseph, TheSpectator, Londres, 1712 ; trad. Le Spectateur, ou le Socrate moderne, Paris, 1716-1726 ; rééd. Donald F. Bond, Oxford, Clarendon Press, 1965, 5 vol.

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Rigaud Jacques, Les Maisons royales de France,in-fol, vers 1730

Campbell Colin, Vitruvius Britannicus, 3 vol. in-fol, Londres, 1717-1725 (continué par T. Badeslade et J. Roque, 1 vol., 1739, puis par J. Wofle et J. Grandon, 2 vol., 1767-1771)

Kip Jan et Knyff Leonard, Britannia Illustrata, 2 vol., in-fol., Londres, David Mortier, 1708-1713

Watts William, The Seats of the Nobility and Gentry in a Collection of the Most Interesting and Picturesque Views, John and Josiah Boydell, in-4°, Londres, 1779-1786

Rigaud Jacques et Baron Bernard, A general Plan of the Woods, Park and Gardens of Stowe […] with several perspective views in the gardens, Sarah Bridgeman, 1739

Carmontelle Louis Carrogis de, Jardin de Monceau, Paris, Delafosse, 1779

Lerouge Georges-Louis, Jardins anglo-chinois ou Détails des nouveaux jardins à la mode, Paris,1776-1789, rééd. Inventaire des fonds français, graveurs du XVIIIe siècle, BNF, 2004

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Carré Jacques, « Le jardin urbain en Angleterre au XVIIIe siècle », Bulletin de la société d’études anglo-américaines des XVIIIe et XIXe siècles, n°51, nov. 2000, p. 185-200

Bentz Bruno et Ringot Benjamin, « Jacques Rigaud et les recueils des Maisons royales de France », Nouvelles de l’estampe, n° 224, mai-juin 2009, p. 23-34

Pour citer cet article

Justine de Reyniès, « Rus in urbe: promenades pittoresques dans le Paris de la fin du XVIIIe siècle », paru dans Loxias, Loxias 42, mis en ligne le 23 septembre 2013, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=7569.


Auteurs

Justine de Reyniès

Ancienne élève de l’ENS-Ulm, agrégée de lettres modernes et docteur ès lettres (Paris 3-Université d’Edimbourg), Justine de Reyniès a été ATER à l’université de Paris 3 et à l’université Nice Sophia Antipolis. Ses travaux portent sur le conte de fées, l’art des jardins et l’esthétique des Lumières. Elle a récemment participé à l’édition critique de l’Essai sur les mœurs publiée par la Voltaire Foundation (vol. 26 des Œuvres complètes de Voltaire).