Loxias-Colloques |  6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900 

Fanny Robles  : 

De la pierre à la page, de la scène aux savants : Fixer l’identité des ‘Aztec Children’, 1851-1901

Résumé

Dans son livre à succès Incidents of Travel in Central America, Chiapas, and Yucatan, publié en 1841, l’explorateur américain John Lloyd Stephens (1805-1852) décrit sa découverte des ruines mayas en Amérique centrale et son rêve de les faire parvenir à un musée américain. Une dizaine d’années plus tard, deux explorateurs, inspirés par son récit de voyage, déclarent avoir trouvé une cité perdue, dans laquelle ils auraient capturé deux enfants prêtres appartenant à une « race » antique aux traits anatomiques très spéciaux. Connus sous les noms de Maximo et Bartola, ces enfants sont exhibés en tant qu’ « Aztec Children » ou « Aztec Lilliputians », d’abord aux États-Unis en 1851, puis en Angleterre en 1853, avant de partir pour la France et l’Allemagne. La durée de l’exposition des enfants et les débats qu’ils ont suscités en font un cas d’étude unique, témoin des premières décennies de l’ethnologie en tant que discipline : ils permettent de comprendre les rapports entre cette dernière et l’art, l’archéologie, l’empire et, de façon peut-être moins attendue pour le lecteur d’aujourd’hui, le monde du spectacle.

Abstract

In his best-seller, Incidents of Travel in Central America, Chiapas, and Yucatan, published in 1841, the American explorer John Lloyd Stephens (1805-1852), described his discovery of the Maya ruins in Central America and his dream of shipping them off to an American museum. A decade later, two explorers, inspired by his travelogue, allegedly found a lost city, in which they captured two child priests of an ancient “race” who displayed very specific anatomical features. Known as Maximo and Bartola, the children were exhibited as the “Aztec Children” or “Aztec Lilliputians”, first in the United States in 1851, and then in England in 1853, before going to France and Germany. The length of the children's exhibition and the debates they generated make them a unique case study which runs parallel to the first decades of the discipline of ethnology : they help understand the latter’s relationship to art, archaeology, empire and, maybe less expectedly for the modern reader, showmanship.

Index

Mots-clés : archéologie , empire, ethnologie, littérature de voyage, phrénologie

Plan

Texte intégral

1L’histoire des « Aztec Children », également appelés « Aztec Lilliputians », commence en 1851, lorsqu’ils sont exhibés dans l’American Museum de P.T. Barnum (1810-1891) à New York. Ils viennent alors compléter la galerie de monstres de foire constituée par l’entrepreneur américain. Leur histoire est intrinsèquement liée à celle des ruines mayas d’Amérique centrale qui viennent à l’époque d’être étudiées par l’explorateur John Lloyd Stephens (1805-1852). Dans le cadre d’une réflexion générale sur les rapports entre la littérature de voyage et les sociétés savantes, cet article propose une étude de la réception scientifique de ces enfants qui fait suite à la réception savante des ruines mésoaméricaines. Il convient au préalable de se pencher sur deux ouvrages de John Lloyd Stephens, Incidents of Travel in Central America, Chiapas and Yucatan (1841) et Incidents of Travel in Yucatan (1843), avant d’aborder l’exposition des « ruines humaines » qui y a fait suite.

Ruines oubliées et fantasmes d’appropriation

2Né en 1805, Stephens est un avocat engagé dans la vie politique qui publie en 1838 ses premiers récits de voyage Incidents of Travel in Egypt and Arabia Petrae, suivi en 1839 par Incidents of Travel in Greece, Turkey, Russia and Poland. Grâce à ses connections politiques, il obtient du Président Martin Van Buren (1782-1862) de se rendre en Amérique centrale en tant que « Minister of the United States to the Central American Republic ». Dans cette région1, indépendante de l’Espagne depuis 1821, Stephens redécouvre les ruines de la civilisation maya, dont l’existence est déjà connue, mais au sujet desquelles rien n’a encore été écrit. Accompagné de l’artiste britannique Frederick Catherwood (1799-1854), dont il a fait la connaissance lors de son voyage en Europe, Stephens rend compte d’un espace qu’il envisage comme anachronique (pour reprendre l’expression d’Anne McClintock2), comme si le temps s’y était arrêté :

The countries in America subject to the Spanish dominion have felt less sensibly, perhaps, than any others in the world, the onward impulse of the last two centuries, and in them many usages and customs derived from Europe, there long since fallen into oblivion, are still in full force3.

3Les habitants actuels de la région sont présentés comme les descendants dégénérés d’une civilisation supérieure, incapable aujourd’hui de comprendre la richesse patrimoniale de monuments laissés à l’abandon. Cet abandon est précisément ce qui pousse Stephens à envisager la possession de ces ruines qui viendraient enrichir les collections nord-américaines à un moment où les jeunes États-Unis d’Amérique écrivent leur histoire :

To buy Copán! remove the monuments of a by-gone people from the desolate region in which they were buried, set them up in the ‘great commercial emporium,’ and found an institution to be the nucleus of a great national museum of American Antiquities4!

4Frederick Catherwood va dans le même sens lorsqu’il souligne le manque de curiosité des Indiens pour leurs propres monuments, qui justifie précisément le pillage de ces derniers: « Unfortunately for the antiquarian they are totally without historic traditions, nor is their curiosity excited by the monuments amongst which they live, to more than an indistinct feeling of religious romance and superstitious dread5. » Stephens prendra finalement possession de nombreuses ruines qu’il installera d’abord à New York dans un nouveau bâtiment voué à l’exposition de panoramas construit par Catherwood, mais les pièces sont malheureusement détruites par un incendie quelques semaines plus tard. L’explorateur récupère quelques pierres arrivées tardivement d’Amérique centrale, qu’il donnera à son ami John Church Cruger afin qu’il les expose dans sa propriété, sur une île du fleuve Hudson. L’American Museum of Natural History de New York achètera ces quelques reliques en 19196.

5Les récits de voyages de Stephens en Amérique centrale connaissent un grand succès aux États-Unis et en Angleterre. Les projets politiques de l’explorateur sont ainsi repris de l’autre côté de l’Atlantique par le ministre des affaires étrangères Lord Palmerston (1784-1865), qui s’inspire des idées du Président de la Society of Antiquaries of London, le vicomte Mahon, Philip Henry Stanhope (1805-75). Il décrit son projet dans une lettre diplomatique envoyée à Frederick Chatfield, son chargé d’affaires au Guatémala :

I enclose herewith a copy of a letter [24 June 1851] which I have received form Viscount Mahon suggesting that it would be desirable to obtain for the British Museum some specimens of the sculptures from the ruined cities of Central America, and stating that the principal sculptures to which he refers are to be found at a place called Copan […]
I have accordingly to instruct you to make inquiries [into] the practicability of obtaining specimens of the sculptures referred to in L[ord] Mahon’s letter to me and to report the result, together with any additional information which you may be able to collect respecting those sculptures. The sculptures are described in pages 134 to 144 of the first volume of an account of travels in Central America by Mr Stephens, a citizen of the United States of America who visited those ruins in 1839-1840. […]
It appears from Mr. Stephens’s account that these ruins are overgrown with trees and other vegetation and are held in little or no estimation by the natives of the country, and it seems probable therefore that the chief difficulty to be encountered in removing specimens of the sculptures would consist in providing means for transporting them to any place of embarkation. You will be careful therefore that in making any enquiries in pursuance of this instruction you don’t lead the people of the country
to attach any imaginary value to things which they consider at present as having no value at all7.

6Enthousiasmé par l’acquisition des ruines mésopotamiennes de Ninive par Austen Henry Layard (1817-1894) quelques années plus tôt et leur exposition monumentale au British Museum à la fin des années 1840, l’Angleterre envisage ainsi le pillage de l’Amérique centrale à partir de 1841, avant de renoncer définitivement au projet en 1855.

Des ruines mayas aux « enfants aztèques »

7Dans un passage d’Incidents of Travel in Central America, Stephens revient sur un épisode marquant de son périple qui laisse entrevoir l’idée d’une redécouverte possible de l’Amérique chère aux intellectuels états-uniens. Un religieux lui raconte en effet l’histoire d’une cité perdue habitée par des Indiens qui n’ont pas été conquis par les Espagnols et subsistent donc dans un état semblable à celui qui a précédé la conquête (« precisely in the same state as before the discovery of America ») : sans monnaie, sans troupeaux, sans animaux domestiques, ils ne parlent que la langue maya. Ils constitueraient ainsi la clé ethnologique permettant le déchiffrage archéologique qui fait défaut à l’explorateur :

If he is right, a place is left where Indians and an Indian city exist as Cortez and Alvaro found them; there are living men who can solve the mystery that hangs over the ruined cities of America; perhaps who can go to Copan and read the inscriptions on its monuments. No subject more exciting and attractive presents itself to my mind, and the deep impression of that night will never be effaced8.

8Stephens ne cherchera pas cette cité perdue qui restera comme un rêve dans l’itinéraire de l’Américain mais, tout comme il s’est dit inspiré par le Voyage pittoresque et archéologique dans la province du Yucatan pendant les années 1834 et 1836 de Jean-Frédéric Maximilien de Waldeck (1766-1875) pour effectuer son voyage en Amérique centrale, les deux explorateurs nord-américains Huertis et Hammond seraient partis sur les traces de Stephens afin de retrouver la cité qui avait excité son imagination. Leur histoire est ainsi racontée en 1850 par un certain Pedro Velasquez qui publie à New York un opuscule d’une cinquantaine de pages au titre interminable : Illustrated Memoir of an Eventful Expedition into Central America : Resulting in the Discovery of the Idolatrous City of Iximaya, in an Unexplored Region ; and the Possession of Two Remarkable Aztec Children, Maximo (The Man) and Bartola (The Woman), Descendants and Specimens of the Sacerdotal Caste (Now Nearly Extinct), of the Ancient Aztec Founders of the Ruined Temples of That Country.

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Fig. 1 Frontispice du livret Illustrated Memoir of an Eventful Expedition into Central America, London, R. S. Francis, 1853, http://brbl-dl.library.yale.edu/vufind/Record/3526805

9Ce livret s’inscrit dans la tradition du freak show en présentant un récit imaginaire qui vient compléter l’exposition et en assurer la légitimité. La brochure se veut une restitution fidèle du journal intime de Velasquez, interprète des deux explorateurs Huertis et Hammond qui, tentant d’imiter Stephens, ont fini par découvrir la cité perdue d’Iximaya. Dans cette cité, à laquelle ils n’accèdent pas sans péripéties, ils découvrent une « race » de prêtres, appelés « Kaanas », qui descendent en droite ligne d’un peuple provenant des plaines assyriennes. Dans des circonstances rocambolesques, les explorateurs enlèvent deux de ces prêtres encore enfants et tentent de s’échapper de la cité. Ils meurent malencontreusement au combat, laissant les prêtres à la charge de Velasquez, lequel les amène en Amérique, où lui aussi finit par mourir9.

10L’origine assyrienne des enfants se double de similitudes entre les ruines aztèques et les ruines égyptiennes et mésopotamiennes, alors que de nombreuses illustrations viennent souligner la ressemblance entre les jeunes aztèques et les bas-reliefs des gravures mayas reproduites par Catherwood. Ces remarques renvoient implicitement aux découvertes égyptiennes du début du siècle et aux formidables expéditions assyriennes de Layard. Elles s’inscrivent au cœur des réflexions ethnologiques sur la dispersion des populations humaines depuis une origine commune, dans la tradition de ce que George Stocking Jr. nomme l’anthropologie « biblico-ethnologique »10. La généalogie « raciale » des enfants se lit du reste sur leur visage, comme le souligne Théophile Gautier (1811-1872) qui, lors de leur passage dans la salle de l’Hippodrome à Paris en 1853, aurait parlé de leur « physionomie de dieux égyptiens à tête d’épervier11 ». Les « enfants aztèques » présentent pourtant un type « racial » unique, et l’opuscule les définit explicitement comme de rares « spécimens » ethnologiques :

[T]he difference is so distinctive, indeed, from the Caucasian, the Mongolian, the African, and Red American races, that the mere glance is sufficient to carry conviction of their separate individuality as a race; and the more careful examination of the ethnologist goes but to strengthen the fact of their perfectly distinct character, physiologically and phrenologically12.

11La référence à la phrénologie s’explique ici par le fait que la forme de leur tête constitue, avec leur taille, l’étrangeté principale des enfants. Velasquez l’attribue à l’ordination des « Kaanas » qui oblige ces derniers à ne se marier qu’entre eux et à ne jamais quitter leur temple. Ils ont ainsi des caractéristiques biologiques tout à fait particulières dont une taille qui reste fort diminuée, même à l’âge adulte. Leur rareté en fait des trésors ethnologiques à protéger et les enfants profitent ainsi pleinement du courant humanitaire qui prévaut dans l’Ethnological Society of London et qui a ses origines dans l’Aborigines Protection Society. L’un des savants les plus influents de l’ethnologie britannique, James Cowles Prichard (1786-1848), affirme ainsi lors de la réunion de la British Association for the Advancement of Science de 1839, en parlant des « races » en voie d’extinction : « science, as well as humanity, is interested in the efforts which are made to rescue them, and to preserve from oblivion many important details connected with them13 ». Ce sont les prémices de ce que l’on qualifiera plus tard d’«  ethnologie de sauvetage » (salvage ethnology) comme entreprise d’étude et de conservation – une pratique finalement proche de l’archéologie comprise dans sa finalité muséale.

Décryptage scientifique d’énigmes ethnologiques vivantes

12On sait aujourd’hui que les enfants étaient deux métis microcéphales probablement originaires de la région de Belize mais, dès le début de leur exposition, les « Aztec Children » suscitent la curiosité des amateurs de science, et des amateurs d’ethnologie en particulier. Ils sont ainsi examinés par le docteur Warren, à Boston, qui publie ses observations dans l’American Journal of Medical Science en 1851. Warren émet déjà des doutes quant à l’authenticité des Aztèques, doutes qui seront confirmés par le professeur Richard Owen (1804-1892) lors d’une réunion extraordinaire de l’Ethnological Society of London le 6 juillet 1853, après une première rencontre avec les enfants au cours de laquelle le texte de Vélasquez est lu. Owen se livre à un examen approfondi de toutes les caractéristiques anatomiques des deux « spécimens », faisant référence à de nombreuses reprises à l’analyse de Warren. Il finit par conclure qu’il s’agit de deux « idiots », comparant pour ce faire un crâne conservé par le muséum de l’hôpital St Bartholomew avec le profil du jeune Maximo. Owen termine sa réflexion par la mention d’un article du Philadelphia Bulletin daté du 13 juillet 1852, dans lequel un certain Innocente Burgos, Mexicain d’origine espagnole et natif de San Salvador, affirme être le père des enfants qu’il aurait vendus à un entrepreneur. Quant à leur ressemblance avec les hiéroglyphes mexicains, Owen la minimise et l’attribue à des déformations corporelles volontaires effectuées par les anciens Aztèques14.

13Ce discrédit n’empêche pas les enfants de connaître un grand succès à Londres où ils tirent parti de l’engouement général de l’Occident pour les ruines d’Amérique centrale — ruines qui se retrouvent dans les musées, les panoramas et les récits de voyage15. Ils sont ainsi envoyés en représentation à Buckingham Palace, où la Reine Victoria (1819-1901), férue des spectacles de curiosités, les reçoit avec grand plaisir. Leur authenticité est pourtant progressivement mise en doute et, pour fuir la rumeur, les enfants sont envoyés en tournée dans les provinces britanniques avec un passage remarqué au zoo de Liverpool16. Lors de leur retour à Londres à la fin de l’année 1853, ils sont exposés aux côtés de jeunes San d’Afrique du Sud, présentés quant à eux comme des « Earthmen », et divisent généralement leur journée en deux, se donnant en représentation de 11h du matin à 13h pour le public cossu des Queen’s Concert Rooms (l’entrée est à 2 shillings avec 1 shilling supplémentaire pour une place réservée) et de 15h à 17h à la Linwood Gallery, Leicester Square, où ils sont accompagnés sur scène de nombreux autres numéros pour 1 shilling l’entrée debout et 2 shillings assis17. On voit que Bernth Lindfors qualifie à raison ce type de spectacle de « show business ethnologique18 ». L’exposition simultanée des « Aztec Children » et des « Earthmen » vise évidemment à jouer sur le contraste entre l’agilité intellectuelle des Sud-Africains et les poses idiotes des soi-disant Aztèques, qui se tiennent debout sur leurs stèles, adoptant l’attitude dans laquelle les aventuriers disent les avoir « trouvés ».

14Les enfants passent également par la France en 1853, où ils sont examinés par les anthropologues Paul Topinard (1830-1911) et Paul Broca (1824-1880) qui confirment les conclusions de leurs homologues britanniques19.

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Fig. 2. « Les Aztèques à Paris », Le Journal illustré, 6 décembre 1874, n° 49, page de couverture, collection personnelle.

15Vingt ans plus tard, les prétendus Aztèques sont de retour à Paris, où le Journal illustré confirme que la fausse légende est maintenue dans la publicité de leur spectacle, même si la communauté scientifique européenne l’a largement discréditée :

Ces étranges personnages ont été trouvés dans l’Amérique Centrale par des Espagnols et ramenés en Europe. Ils étaient au pouvoir d’Indiens qui les adoraient comme des dieux. Ils ont 92 et 95 centimètres de hauteur. Ils ont été mariés à Londres en 1871. Ils n’ont pas d’enfants… heureusement !…
Les Aztèques, que tout Paris a pu voir avec curiosité à Frascati, sont-ils les descendants dégénérés de ce peuple très avancé en civilisation qui fonda Mexico vers le XIVe siècle et qui fut florissant sous Montezuma ?... Ou bien sont-ce des êtres transitoires entre le singe et l’homme, ainsi que le croient certains naturalistes ? Nous ne cherchons pas aujourd’hui à approfondir cette question. Nous resterons simplement dans notre rôle en offrant à nos lecteurs une gravure d’actualité fort curieuse20.

16Ce retour des enfants est l’occasion pour Ernest Hamy (1842-1908), qui fondera en 1878 le Musée d’Ethnographie du Trocadéro, de faire une longue présentation à leur sujet devant la Société d’Anthropologie de Paris en janvier 1875. Conscient que la microcéphalie des deux spécimens est désormais acquise, il se propose quant à lui de « se mettre à l’étude des deux nains microcéphales en ethnologiste bien plus qu’en anatomiste et qu’en psychologue21 ». Convoquant tour à tour le Voyage aux grands lacs de l’Afrique orientale (Lake Regions of Equatorial Africa, 1860) de Richard Burton (1821-1890) ou les écrits de Johann Baptist Ritter von Spix (1781-1826) et Carl Friedrich Philipp von Martius (1794-1868) sur les métis négro-indiens22, Hamy s’intéresse au métissage complexe dont les enfants sont le produit, s’évertuant à déterminer la part du pathologique et la part du racial, dans la tradition française d’une anthropologie devenue essentiellement physique sous l’égide de Paul Broca. Les « Aztec Children » n’en finissent donc pas de fasciner, même lorsque leur origine littéraire n’est plus source de débat dans les cercles scientifiques. Jusqu’à leur mort au tournant du siècle, Maximo et Bartola incarnent le locus d’un mélange des « races » qui amuse les spectateurs et fascine les savants.

Notes de bas de page numériques

1 Nous nous inspirons ici largement des travaux de Robert D. Aguirre dans Informal Empire : Mexico and Central America in Victorian Culture, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2005.

2 Anne McClintock, Imperial Leather : Race, Gender, and Sexuality in the Colonial Contest, New York & London, Routledge, 1995.

3 John Lloyd Stephens, Incidents of Travel in Yucatan [1843], vol. 1, New York, Cosimo, 2008, p. 111.

4 John Lloyd Stephens, Incidents of Travel in Central America, Chiapas and Yucatan [1841], vol. 1, New York, Cosimo, 2008, p. 115, in Jennifer L. Roberts, « Landscapes of Indifference : Robert Smithson and John Lloyd Stephens in Yucatán », The Art Bulletin, vol. 82, n° 3, September 2000, p. 551.

5 Frederick Catherwood, Views of Central Monuments in Central America, Chiapas and Yucatan, London : Catherwood, 1844, p. 3.

6 Roberts, « Landscapes of Indifference », p. 551. Sur l’histoire du déchiffrage des écrits mayas, voir Michael D. Coe, Breaking the Maya Code, New York, Thames and Hudson, 1992.

7 Lettre de Lord Palmerston à Frederick Chatfield, 17 juillet 1851 in Robert D. Aguirre, « Agencies of the Letter : The Foreign Office and the Ruins of Central America », Victorian Studies, vol. 46, n° 42, Winter 2004, pp. 286-287.

8 Stephens, Incidents of Travel in Central America, Chiapas and Yucatan, London, Murray, 1841, vol. II, p. 196.

9 Voir Richard D. Altick, The Shows of London, Cambridge (Mass.) & London, Belknap Press, 1978, pp. 286-287 et Aguirre, Informal Empire, pp. 103-134.

10 George Stocking Jr., « From Chronology to Ethnology : Prichard and British Anthropology, 1800-1850 », in James Cowles Prichard, Researches into the Physical History of Man, Chicago : Chicago University Press, 1973, p. ciii.

11 Victor Meunier, « Maximo et Bartola à l’Académie de médecine », L’Ami des sciences, n° 30, 29 juillet 1855, p. 1.

12 Illustrated Memoir of an Eventful Expedition into Central America : Resulting in the Discovery of the Idolatrous City of Iximaya, in an Unexplored Region ; and the Possession of Two Remarkable Aztec Children, Maximo (The Man) and Bartola (The Woman), Descendants and Specimens of the Sacerdotal Caste (Now Nearly Extinct), of the Ancient Aztec Founders of the Ruined Temples of That Country, London, R.S. Francis, 1853, p. 35.

13 Charles Darwin et al., « Varieties of human race : Queries respecting the human race, to be addressed to travellers and others. Drawn up by a Committee of the British Association for the Advancement of Science, appointed in 1839 » in Report of the British Association for the Advancement of Science, at the Plymouth meeting (1839), 1841, vol. 11, p. 332.

14 Richard Cull and Richard Owen, « A Brief Notice of the Aztec Race, Followed by a Description of the So-Called Aztec Children Exhibited on the Occasion », Journal of the Ethnological Society of London (1848-1856), vol. 4, 1856, pp. 120-137.

15 Aguirre, Informal Empire, p. 110.

16 Altick, The Shows of London, p. 285.

17 Altick, The Shows of London, p. 286.

18 Bernth Lindfors, Africans on Stage : Studies in Ethnological Show Business, Bloomington & Indianapolis, Indiana University Press, 1999.

19 Altick, The Shows of London, p. 285.

20 « Les Aztèques », Le Journal illustré, 6 décembre 1874, n° 49, p. 2.

21 Ernest-Théodore Hamy, « Quelques observations ethnologiques au sujet de deux microcéphales américains désignés sous le nom d’Aztèques », Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, II° Série, tome 10, 1875, p. 41.

22 Hamy, « Quelques observations ethnologiques », p. 47. Pour Spix et Martius, Hamy donne la référence suivante : Prichard, Histoire naturelle de l’homme (trad. fr., t. I, pp. 27-29 et fig. 1 ; Paris, 1843, in-8°).

Bibliographie

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Anonyme, « Les Aztèques », Le Journal illustré, 6 décembre 1874, n° 49, p. 2.

Anonyme, Illustrated Memoir of an Eventful Expedition into Central America : Resulting in the Discovery of the Idolatrous City of Iximaya, in an Unexplored Region ; and the Possession of Two Remarkable Aztec Children, Maximo (The Man) and Bartola (The Woman), Descendants and Specimens of the Sacerdotal Caste (Now Nearly Extinct), of the Ancient Aztec Founders of the Ruined Temples of That Country, London, R.S. Francis, 1853.

Pour citer cet article

Fanny Robles, « De la pierre à la page, de la scène aux savants : Fixer l’identité des ‘Aztec Children’, 1851-1901 », paru dans Loxias-Colloques, 6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900, De la pierre à la page, de la scène aux savants : Fixer l’identité des ‘Aztec Children’, 1851-1901, mis en ligne le 27 août 2015, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=790.


Auteurs

Fanny Robles

Fanny Robles est ATER au Département d’Anglais de l’Université Nice Sophia Antipolis. Agrégée d’anglais, elle est l’auteure d’une thèse intitulée « Émergence littéraire et visuelle du muséum humain : Les spectacles ethnologiques à Londres, 1853-1859 », pour laquelle elle a obtenu la mention très honorable avec les félicitations du jury. Elle a écrit plusieurs articles et chapitres d’ouvrages sur l’ethnologie, la muséologie et la littérature victoriennes, ainsi que sur la science-fiction anglophone et francophone des XIXe et XXe siècles.