Loxias-Colloques |  3. D’une île du monde aux mondes de l’île : dynamiques littéraires et explorations critiques des écritures mauriciennes 

Emmanuel Bruno Jean-François  : 

De l’ethnicité populaire à l’ethnicité nomade : Amal Sewtohul ou la ‘fabrique’ d’une nouvelle mauricianité

Résumé

L’ethnicité participe depuis longtemps à structurer l’imaginaire littéraire mauricien. La rupture apportée par la littérature postcoloniale aura toutefois permis d’ébranler certaines représentations essentialistes et statiques de cette thématique, et d’interroger le modèle politique multiculturel mauricien qui entretient une définition à la fois compartimentée et linéaire de l’ethnicité. Ainsi, dans leur tentative de penser ‘autrement’ le rapport entre identité ethnique et mauricianité, nombre d’écrivains rendent compte, d’une part, de la superposition des clivages en contexte mauricien (appartenances ethnique, socio-économique, sexuelle, etc.) et interrogent, d’autre part, les dimensions essentialistes généralement associées à l’ethnicité à Maurice. Cet article propose d’analyser l’œuvre du romancier mauricien, Amal Sewtohul, qui, représentant stratégiquement les dimensions populaire et nomadique de l’ethnicité, remet en question l’idée même d’une mauricianité (voire d’une nationalité) qui serait celle d’un ancrage définitif de l’appartenance ethnique au sein du modèle national.

Abstract

Ethnicity has since long been inspiring Mauritian literature. Yet, the change brought about by postcolonial generations of authors has undermined essentialist and static representations of ethnicity and questioned the multicultural political model of Mauritius which perpetuates a compartmentalized and linear definition of ethnic identity. In their attempt to rethink the correlation between ethnicity and Mauritianness, several writers have tried, on the one hand, to represent the complexity of overlapped forms of discrimination and cleavages in force in the Mauritian society (divisions related to ethnicity, social class, gender, etc.) ; and to challenge, on the other hand, essentialist views generally associated to ethnicity in Mauritius. This paper presents and analyses the works of the Mauritian novelist Amal Sewtohul who, strategically representing the popular and nomadic dimensions of ethnicity, questions the very concept of Mauritianness (and nationality) as the anchoring and fixing state of ethnic belonging within a national model.

Index

Mots-clés : ethnicité nomade , ethnicité populaire, mauricianité, mondialisation, Sewtohul (Amal)

Géographique : Maurice

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

Mise en contexte : Lectures de l’ethnicité

1La représentation de l’ethnicité participe depuis longtemps à structurer l’imaginaire littéraire mauricien. Les attributs culturels très particuliers de la nation mauricienne, qui arbore fièrement son multiculturalisme et sa pluriethnicité, constituent également, depuis longtemps, un véritable objet de fascination pour plus d’un. Or, si le projet politique de la petite île, dès son accès à l’indépendance en 1968, est bien celui de la construction d’un état multiculturel, fondé sur les principes de fraternité1 (donc de cohabitation et de partage), de représentativité et de reconnaissance des différentes communautés ethniques présentes sur le territoire, la préoccupation de la littérature pour la question de l’ethnicité et du vivre-ensemble remonte à aussi loin que Bernardin de Saint-Pierre, et aura connu, de Charles Baudelaire à Ananda Devi, en passant par Loys Masson, Arthur Martial, Marcel Cabon, Marie-Thérèse Humbert ou encore Carl de Souza, des traitements fort hétérogènes. Ces derniers se rapportent bien évidemment aux différentes périodes de l’histoire de l’île, ainsi qu’à la relative évolution des statuts, des positionnements, des négociations identitaires et possibilités de mobilités (horizontales et verticales) des nombreux groupes ethniques de l’île cherchant plus ou moins à se trouver une place – voire à défendre sa place – dans le constitution du paysage culturel, mais également dans la hiérarchie des pouvoirs politiques et socio-économiques de l’île. Il semble alors légitime que la critique ait voulu s’intéresser à la manière dont cette représentation de l’ethnicité a également évolué au cours de l’histoire littéraire mauricienne.

2Dans un article intitulé « Roman et ethnicité : voix et voies de l’identité à Maurice2 », Michel Beniamino proposait de suivre cette évolution thématique, mais éthique aussi, à travers trois grandes étapes : l’ethnicité triomphante, l’ethnicité bloquée, et enfin l’ethnicité ébranlée. Avec l’ethnicité triomphante, Beniamino postule que « [l]es écrivains enregistrent et glosent, avec le maximum de précision, des identités immuables – et donc descriptibles ethnographiquement3 ». Pour ce qui est de l’ethnicité bloquée, l’« on assiste à la persistance de la segmentation ethnique qui apparaît comme un blocage social4 ». Enfin, l’ethnicité ébranlée renverrait plus ou moins à la rupture postcoloniale et à la représentation beaucoup plus subversive, notamment depuis Humbert et son très célèbre roman À l’autre bout de moi5, de la question ethnique en littérature.

3Bien évidemment, Beniamino propose ici un découpage opératoire plus ou moins diachronique de l’histoire littéraire mauricienne, qui comporte aussi bien des avantages et des limites. Il nous apparaît alors clairement que le traitement isolé et linéaire de ce même paradigme ethnique ne peut être que réducteur pour un contexte comme Maurice. La superposition des clivages dans l’île donne lieu à des complexités socio-culturelles qui engendrent des logiques d’appartenance, de discrimination et, par conséquent, d’exclusion emboîtées et qui ne peuvent être réduites à un unique paradigme, aussi important soit-il. Ces complexités risquent malheureusement d’être ignorées par le critique qui chercherait à aborder la seule thématique de l’ethnicité sans tenir compte du fait qu’elle est prise également dans des interactions permanentes multi-modales avec des paradigmes aussi bien endogènes (la classe sociale, la sexualité, la langue, le pouvoir politique, etc.) qu’exogènes (la mondialisation, l’exposition à Internet, les effets de mode et l’influence de la culture globale, l’accès aux voyages, etc.). Les textes littéraires mauriciens problématisent en effet toutes les complexités engendrées par ces interactions non-linéaires et certains critiques de la littérature locale l’auront bien compris.

4Ainsi, dans son ouvrage Rainbow Colours. Literary Ethnotopographies of Mauritius6, Srilata Ravi réinvestit la métaphore insulaire et géographique de Maurice pour s’interroger sur la manière dont l’imaginaire littéraire local s’articule – et se construit aussi – autour de la conscience des « ethnisles ». Elle analyse ainsi la pluralité des espaces ethnoculturels (se constituant métaphoriquement elles-mêmes comme des îles), qui sous-tendent le concept de la nation arc-en-ciel, et remet ainsi en question la définition même d’une littérature mauricienne homogène, lui préférant l’idée d’« ethnotopographies » littéraires multiples qui se construisent dans la dynamique d’interactions complexes entre ces « ethnisles ». Ce n’est donc pas tant la pluralité d’espaces isolés et compartimentées qui intéresse Ravi que les interactions et les nombreuses dynamiques identitaires rendues possibles par cette pluralité, et précisément grâce à des paradigmes transculturels qui font remonter à la surface des enjeux tels que le nationalisme (ou le post-nationalisme), la race, la mémoire, l’ancestralité, le genre (gender) et la violence. Si la démarche de Ravi tient compte de l’imaginaire (littéraire) comme espace, non seulement d’expression, mais aussi de territorialisation d’expériences historiques, anthropologiques et communautaires (et ici ethno-insulaires), elle rappelle aussi la fluidité des interactions :

This critical concept of ethnisles based on an island metaphor suggests the co-presence of fixity (land) and fluidity (ocean) in interethnic relations. It echoes the marine metaphor of « amarre » or anchor that Vergès and Marimoutou employ to write a creolized india-océanique identity. My use of ethnisles imagery parallels what they call « une dynamique d’altérité où nous ne voyons pas d’aliénation, soumission mais créativité d’un monde soumis à une permanence d’apports conflictuels7 ».

5Aussi, la lecture ethnographique de la littérature mauricienne va au-delà d’une interprétation réaliste du temps, de l’espace et de la culture, mais permet de saisir la manière même dont l’ethnicité, en tant que paradigme, a donné forme à l’imaginaire collectif. Dans son ouvrage Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Gilbert Durand postule l’existence, chez l’homme, de modèles symptomatiques qui, se fondant sur une réalité archétypale et générale, formeraient un « Régime de l’imaginaire8 », soit un « groupement de structures sémantiques » intégrant des logiques de signification fonctionnelle et participant activement à la manière dont l’homme appréhende le monde. Si ces modèles symptomatiques sont fondamentalement les mêmes, à travers le temps, l’espace et la culture, leurs contenus restent variables, suivant ces mêmes catégories. Aussi, pour en revenir à la littérature mauricienne, nous pensons que les auteurs et critiques qui cherchent à ‘(re)penser’ les complexités de la superposition des clivages, en décrivant les interactions entre ethnicité et autres paradigmes socioculturels, économiques, ou politiques – dans une société où l’appartenance ethnique est souvent perçue comme une identité unique –, sont également engagés dans une démarche de déconstruction de ces structures linéaires qui enferment l’imaginaire collectif dans des représentations essentialistes et statiques de l’ethnicité.

6Pour sa part, Kumari Issur, dans son article intitulé « Communalisme, classe sociale et capitalisme : représentation en littérature mauricienne », postule que « la grille d’analyse mettant l’accent sur l’ethnicité seule comme marqueur de différence sociale est fortement située car la discrimination de classe et d’argent est vue comme allant de soi9 ». Elle met ainsi en avant l’existence d’une « double logique en termes de différenciation sociale : la classe sociale et l’appartenance raciale/ethnique10 » et s’intéresse aux mécanismes et logiques de constitution et d’identification des différents groupes repérables dans « la société mauricienne [qui] s’est vite organisée en ethnoclasses, c’est-à-dire que les catégories d’ethnicité et de classe sociale y fusionnent pour constituer l’identité du groupe11 ». En prenant pour exemple littéraire la pièce de Dayachand Napal, La Ligue des ancêtres trépassés12, elle démontre ainsi comment, dans l’imaginaire collectif local, les identités ethniques sont si fortement liées à la hiérarchie socio-économique, que pour le lecteur, « l’esclave est forcément un Noir, l’engagé un Indien et l’administrateur, c’est-à-dire celui qui détient le pouvoir, un Blanc », alors qu’« il y a eu à Maurice des esclaves indiens, des engagés africains et chinois ou encore des propriétaires de plantations indiens13 ».

7Pour notre part, nous avons avancé, dans une précédente communication intitulée « Identités communautaires, identités violentes : pour une lecture ethnographique de la littérature mauricienne contemporaine14 », et en reprenant l’idée d’ethnicité ébranlée de Beniamino, que les perspectives et stratégies de rupture adoptées par les auteurs postcoloniaux, de Humbert à Devi, en passant par de Souza, sont très hétérogènes. Ce qu’elles ont toutefois en commun, c’est que nombre d’entre elles échappent aux pièges de représentations linéaires de l’ethnicité, remettant en question la stabilité du modèle multiculturel mauricien, mis à rude épreuve à divers moments de l’histoire nationale. En effet, si Beniamino dit bien que « l’intérêt de l’Île Maurice est qu’elle constitue ‘un terrain’ où s’expérimentent différentes solutions tendant à parvenir à un ‘vivre ensemble’ construit sur/contre les évidences du poids historique de l’ethnicité15 », il ne précise pas nécessairement les expérimentations littéraires qui contournent le piège de la vision unique sans toutefois ignorer l’importance de la question. Ainsi dans Le Su et l’incertain, Françoise Lionnet souligne que :

The challenge of Mauritian creators is to represent differently a space that has been thoroughly entangled with an array of global clichés that homogenize and flatten local specificities. A focus on those specificities can help to resituate the global within the local and to expose the false dichotomies that construct as passive the local of ‘authentic’ and ‘enigmatic’ cultures that are then presumed to absorb externally produced globalisms without discrimination or agency16.

8Parallèlement, il nous paraît essentiel que soient forgés de nouveaux outils terminologiques qui tiennent compte des complexités de la lecture ethnographique en contexte mauricien. Nous estimons, en ce sens, que l’œuvre du romancier Amal Sewtohul nous en offre une occasion inestimable puisqu’elle met en place des stratégies à la fois intéressantes et inédites dans le traitement des ‘ethnicités mauriciennes’ en littérature. Si certains auteurs, comme Devi, de Souza ou encore Nathacha Appanah ont à maintes reprises représenté les violences engendrées par les logiques d’affrontement communautaires au sein de la société mauricienne17, il nous semble que les romans de Sewtohul – bien qu’ils n’ignorent pas la question de la violence – proposent de nouvelles représentations de l’ethnicité qui marquent une fois encore une rupture éthique. En effet, l’auteur ébranle les représentations jusqu’ici pratiquées dans la littérature francophone mauricienne, en exploitant, comme l’a certes fait de Souza dans La Maison qui marchait vers le large18, une vision populaire (donc fortement dynamique) de l’ethnicité, mais en l’inscrivant cette fois, non plus seulement dans les limites géographiques du territoire insulaire mauricien, mais plutôt dans une situation d’errance, de nomadisme qui dépasse les frontières de l’île (à la fois dans le temps et dans l’espace) et se traduit par l’idée du déplacement, d’une non-permanence, d’un éclatement de l’insularité et d’une narration polyvocale. Ce mouvement est d’ailleurs hautement symbolisé par le conteneur de Laval dans le dernier roman de Sewtohul, Made in Mauritius19 – un conteneur qui, non seulement suit le personnage, mais s’emplit et se vide au gré de ses voyages et expériences. Cette non-permanence constituerait alors, selon nous, le lieu de fabrique d’une nouvelle mauricianité : déconstruite, imprévisible et dynamique.

9En partant de l’ethnicité populaire, l’œuvre de Sewtohul nous confronte ainsi graduellement à une ethnicité nomade, qui voyage, se déplace, s’adjoint à la politique certes, mais aussi à l’art, au surnaturel, au mystique, à l’humour, pour mieux aborder la question de l’altérité ethnique en contexte global. L’écriture de Sewtohul, « made in Mauritius », mais ouverte sur le monde, repense alors l’idée même de la mauricianité, à travers une écriture du trans-quelque-chose qui est celle d’une nouvelle trans-gression...

De l’ethnicité populaire...

10Si les textes de Sewtohul s’intéressent effectivement à la question de l’ethnicité, c’est en la situant, souvent, dans un contexte populaire où les interactions communautaires prennent une toute autre dimension que la tragique et brutale confrontation représentée dans nombre d’autres textes mauriciens. Le milieu populaire, bien que nourri de nombreux clichés, constitue en effet l’espace par excellence d’interactions à la fois dynamiques et imprévisibles que le romancier exploite pour illustrer les nombreuses potentialités du vivre-ensemble chez le peuple – potentialités qui échappent à la rigidité des cloisonnements des modèles multiculturels pour laisser la place aux expériences fortuites des espaces d’interactions populaires. Il s’agit là, tout au moins, d’un traitement particulièrement frappant dans deux des trois romans publiés de Sewtohul : Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance20 et Made in Mauritius. Le premier d’entre eux raconte le parcours et l’évolution de quatre jeunes Mauriciens d’appartenances ethniques différentes : Ashok, Faisal, Vassou, et André, chacun d’eux engagé, à sa manière, dans une quête de la réalisation personnelle. Ainsi Ashok, comptable raté et personnage en quête de sens et d’expérience, se laisse graduellement entraîner dans une relation perdue d’avance avec Priya, puis dans un parti politique par lequel il n’est même pas convaincu, et finit par développer un certain cynisme face à la vie à Maurice. Faisal, le petit artiste bourgeois musulman de Beau-Bassin, est, lui, en quête de sens et de représentation. Révolté par les images idéalisantes de l’île, il travaille à penser une œuvre d’art qui dirait à la fois le malaise social et politique du pays. Quant à Vassou, il est lui aussi engagé dans une quête de sens, mais à travers la mémoire : l’âme de son grand-père, Manikom, qui revient le visiter, l’amène à traverser le temps et l’espace, l’entraînant dans une découverte de l’identité qui dépasse les simples identifications spatio-temporelles et ethniques. Enfin André, qui appartient à la bourgeoisie créole, est l’exemple même du jeune privilégié qui se démarque par son goût pour le raffinement (la musique classique, par exemple) et les grandes idées : « Moi, je suis violoniste. Moi et mes copains on est le seul groupe de musique de chambre du pays [...] Bach, Schumann, Liszt, Grieg, tout le paquet. On est les derniers des Mohicans. On garde la flamme intacte21 ». Bien qu’il s’engage lui aussi dans le parti où va le ‘suivre’ Ashok, André finit par adopter la posture de l’élite et de la bourgeoisie à laquelle il voudrait ressembler ; comme ceux qui ailleurs disent défendre l’idée de la mauricianité mais qui, en fin de compte, sont « récupérés par leurs familles respectives » et « en leur for intérieur de nouveau jur[ent] loyauté absolue à leur clan [...] ce ne serait pas eux qui changeraient le paysage social de Maurice22 ».

11Le texte postule ainsi clairement une opposition entre idéologie bourgeoise et espace populaire, en particulier à travers le personnage de Faisal – ce « petit artiste bourgeois » qui cherche pourtant à se libérer des carcans et des représentations complaisantes de l’île, pour aller vers une œuvre qui permette de repenser l’image de soi. Le roman laisse ainsi entendre que c’est loin de la représentation bourgeoise, donc dans la représentation populaire, que le regard sur l’île est le plus authentique. Dans Made in Mauritius, Sewtohul s’intéresse plus particulièrement au personnage de Laval – un ‘Sino-Mauricien’, dirons-nous – dont l’histoire personnelle aura emprunté des directions différentes, à travers le temps et l’espace. Véritable parcours généalogique de l’expérience populaire, c’est d’abord en Chine que le récit prend sa source : le père de Laval fuit la Chine pour Hong Kong où il se marie avant de venir à Maurice avec sa femme. Né à Maurice, Laval fait, en grandissant, la rencontre d’autres personnages (Feisal et Ayesha) et finit par se retrouver avec eux, des années plus tard, en Australie – un nouvel espace où il fonde sa propre famille, avant de se séparer de sa femme, et de rencontrer Frances.

12La question de l’identité ethnique, en particulier lorsque confrontée à celle de l’identité nationale, est souvent traitée, à Maurice, à un niveau macrosocial, ce qui rend (volontairement) difficile la prise en compte de l’expérience non-linéaire de l’ethnicité au quotidien, notamment dans les interactions entre individus. La lecture des textes de Sewtohul nécessite toutefois une compréhension de l’ethnicité sur les deux plans. Or, la sociocritique de la littérature mauricienne aura en ce sens beaucoup contribué à une vision à la fois partiale et partielle des textes littéraires locaux. Si nous insistons ici sur l’importance de la représentation de l’ethnicité populaire, c’est parce que les deux romans (et d’une certaine façon aussi Les Voyages et aventures de Sanjay, explorateur mauricien des Anciens Mondes23) mettent en place un certain nombre de stratégies de représentation de l’ethnicité que l’on peut certes retrouver chez d’autres auteurs mauriciens – comme de Souza, Dev Virasawmy ou encore Jan Maingard –, mais qui prennent un caractère très marqué dans l’œuvre de Sewtohul. Le titre même du premier roman, avec ces « personnages de moindre importance », traduit non seulement une démarche de s’intéresser aux gens de peu, qui n’ont pour ainsi dire pas d’existence officielle, mais aussi de réhabiliter ces situations d’interactions multiples jugées ‘insignifiantes’ qui renvoient pourtant à un vécu plus authentique, comme l’amitié des enfants dans Made in Mauritius, qui surpasse leurs appartenances ethniques différentes, sans pour autant les ignorer. Or, c’est précisément dans ces expériences quotidiennes que se construit, chez Sewtohul, l’expérience mauricienne – qui est d’abord une expérience populaire.

13Parmi les motifs du populaire, on retrouve dans les deux textes, des espaces de la périphérie urbaine. Dans Made in Mauritius, par exemple, sont associés aux faubourgs ou banlieues de Port Louis une série de sèmes ethnographiques, l’espace populaire étant quadrillé par des occupations ethniques :

L’homme qui avait parlé à Feisal était Popol, un des chefs du redoutable gang Texas, l’un des deux réseaux qui menaient en ce temps-là une lutte sourde pour contrôler les bas-fonds de Port Louis. Texas était un gang créole, qui opérait dans les quartiers créoles pauvres de Port Louis, comme Roche Bois et Sainte Croix, et son rival était le gang Istanbul, un gang musulman de Vallée Pitot, et, comme dans toute guerre de gangs, il s’agissait de s’assurer la mainmise sur les vices lucratifs de l’homme – le sexe, la drogue et les jeux24.

14C’est donc dans ces espaces hybrides et interstitiels – pour reprendre la pensée d’Homi Bhabha dans The Location of Culture25 –, ces lieux catalyseurs de rencontre et de confrontation, que vont prendre forme les expériences des différents personnages, notamment celle de Laval qui apprend à décoder l’espace populaire en fonction de la territorialisation ethnique, et à y trouver sa place, bien que toujours dans un sentiment de marginalisation :

« Alors comme ça, ceci est mon pays, me suis-je dit, à un moment. Mais personne ne me ressemble. » À Port Louis, il y avait plein de Chinois. Mais, à la campagne, on était bien chez les Indiens. On voyait des vieillards à la démarche cassée, avec sur la tête un foulard et autour des reins leurs drôles de pantalons bouffants, les dhotis, comme ils les appelaient. Beaucoup de femmes étaient en sari26.

15De plus, si les textes mettent en scène cette question de l’ethnoclasse dont parle Issur, l’ethno-politique est aussi très importante ici – une ethno-politique directement rattachable au modèle multiculturel mauricien. Ainsi, dans ces mêmes espaces, l’on prend connaissance des préoccupations politiques, non pas des dirigeants, mais bien du peuple. Sont alors posées, derrière les discours exprimant ces préoccupations, les questions de justice sociale et de pouvoir populaire. Une fois encore s’opposent l’idéologie politique bourgeoise et celle du peuple. Tandis qu’André préfère la musique de chambre, les autres personnages préfèrent le séga, mais pas n’importe lequel : le séga engagé, « [l]a musique recommandée par le parti progressiste27 ». Si Markus Arnold, dans son article intitulé « Les hiérarchies socio-économiques et ethniques à l’Île Maurice28 », est particulièrement sensible à cette question, soulignant la présence invisible, mais bien palpable, du modèle et de la réussite franco-mauriciens que voudrait imiter André, nous sommes plus sensible, pour notre part, à cet autre d’André, c’est-à-dire non pas au modèle ethnique à imiter, mais à la présence de l’ethnicité populaire avec laquelle précisément le personnage contraste.

16Dans Made in Mauritius d’ailleurs, le parallèle établi par l’auteur avec la référence au peuple chinois qui subit les décisions du gouvernement, ou encore aux Aborigènes d’Australie, victimes de l’exclusion et de la marginalisation, marque bien le fait qu’il existe une expérience politique populaire qui est autre que celle du discours officiel, et qui se construit en marge de celle-ci et de l’idée du nationalisme unitaire véhiculée par les gouvernements. Il semble alors évident, par exemple, que, dans Made in Mauritius, la démarche de Feisal de se retrouver chez les Aborigènes constitue une tentative de rapprochement de cette ethnicité populaire dont l’authenticité et les dynamiques culturelles lui correspondent mieux, parce que se rapprochant précisément de son expérience à lui. C’est aussi quelque part cette même quête qui anime le personnage d’Ashok, tiraillé entre sa propre identité d’Hindou et sa fascination pour les idées du célèbre politicien créole, Gaëtan Duval : « Il voulait être comme Gaëtan Duval, mais un reste d’hindouisme conservateur en lui le défendait de trop prendre ce créole exubérant pour modèle29 ».

17En plus de la politique, la religion, telle que représentée dans les textes de Sewtohul, constitue également une de ces marques de l’ethnicité populaire. En effet, c’est souvent avec une certaine dérision que les personnages en parlent, moins sans doute pour remettre en cause le caractère sacré de la religion, que pour souligner l’absurdité de la surenchère religieuse pratiquée par des groupes qui affichent leur piété à outrance. Ainsi, dans Made in Mauritius, le père de Laval « a l’impression que les gens ont comme une fièvre de la religion, ils en parlent avec passion et, lors des fêtes, ils arborent des visages graves, vont à l’église, ou au temple ou à la mosquée, et semblent plongés dans une croyance intense en leur dieu. Ça [lui] donne la chair de poule30 ». Cependant, plutôt que d’adopter un ton grave par rapport à la question de la religion, qui a beaucoup contribué et contribue encore à la division du pays, Sewtohul préfère encore le ton de l’humour, comme dans la scène suivante où les enfants se querellent à propos des divinités associées aux différents groupes ethniques à Maurice :

« Ta Sinois, pas trop cause Hanuman, Hanuman li conne laguerre, pas couma to bondié. – Ki éna are mo bondié ? – Ki éna are to bondié ? Nek li assizé, enne zourné li manze pistasse boui, gato la cire, gato cravate. Li couma dire enn gros boudin [...]. »
J’ai haussé des épaules : « Mo faire foute. Mo catholique moi [...]. »
Ma mère avait entendu les propos de mon oncle Lee Song Hui, comme quoi le dieu des chrétiens était un bon dieu [...]. Et elle avait remarqué que la plupart des Chinois de l’île étaient des catholiques31.

18L’on sait en effet qu’à Maurice, ethnicité et religion sont intrinsèquement liées. Pourtant, ce que Sewtohul souligne bien ici, c’est que les expressions religieuses en contexte populaire sont beaucoup plus syncrétiques que pourraient le laisser entendre les représentations ethno-religieuses du modèle multiculturel mauricien. Tous les Sino-Mauriciens ne sont pas bouddhistes, bien que nombre d’entre eux restent attachés à certains rites ou fêtes culturels, mais la plupart d’entre eux sont catholiques – un phénomène qui évolue encore avec la nouvelle génération qui est moins engagée dans la religion. Mais la confusion ici exprimée vient bien du fait que chaque groupe ethnique est ici associé à une religion précise, ce qui justifie que l’on utilise souvent aussi dans l’île le terme ‘catholiques’ pour se référer aux Créoles.

19Plus loin dans le texte, la querelle des enfants se poursuit :

« Bondié créole ? [...] » dit Gopal, avec un rire méprisant, et il cracha dans l’eau. « Plis bèze encore. Créole so bondié li maigue couma baton zalimette, créole enne faire foute casse li pena, nek li donne so bondié la fimée la bouzie pou manzé. [...] »
Mais ça ne fit qu’exciter Gopal, et il cria : « Lascar so bondié plis bèze ki tout. Li même pas maige, li invisible. Sa même banne la monte lor mosquée cinq fois par zour, zotte crie li. Zotte pé rode li dans le ciel, pas konné kotte li été32. »

20La description des divinités ne fait dans le discours des enfants l’objet d’aucune censure, ce qui participe directement au caractère populaire et subversif de leurs propos. L’idée de la culture et de l’ethnicité populaires n’est pas sans nous rappeler la pensée du carnavalesque de Mikhaïl Bakhtine33. Sewtohul nous confronte ainsi à la complexité et au syncrétisme de l’expérience ethnique chez le peuple insulaire. S’il met en scène la dynamique identitaire qui est bien celle de la créolisation, il n’occulte pour autant en rien la gravité de certaines situations, notamment la manière dont les cycles de marginalisation et de stigmatisation de l’altérité se reproduisent, même dans les discours des enfants. Il rappelle ainsi que, derrière ces propos, se cache une réalité tragique, la querelle des enfants faisant écho aux bagarres raciales qui ont aussi divisé le pays : « C’était une vraie bagarre, pas les brèves joutes des enfants, et ils s’écorchaient en roulant et se cognant contre les rochers, alors qu’ils essayaient de plonger la tête de l’autre sous l’eau34 ».

... à l’ethnicité nomade

21L’autre stratégie d’ébranlement de représentations essentialistes et fixistes de l’ethnicité mise en place dans l’œuvre de Sewtohul renvoie, selon nous, à la proposition d’une ethnicité nomade, qui évoluerait et se déplacerait, sans jamais s’enraciner véritablement dans le temps ou l’espace, mais qui au contraire s’enrichirait et se définirait par le mouvement et la mutation permanents. Cette proposition formule ainsi que l’ethnicité, bien que renvoyant, à la base, à un ensemble d’éléments culturels, dont certains sont hérités à la naissance, est aussi une catégorie dynamique, sujette à l’évolution et susceptible d’être déterritorialisée. Bien évidemment, lorsque l’on parle d’ethnicité nomade, l’association des deux termes pourrait paraître surprenante, voire antithétique, puisque le terme ‘ethnicité’ est généralement utilisé pour désigner une forme d’appartenance précise et déterminée, le plus souvent associée, à Maurice, au paradigme d’une ancestralité donnée ; tandis que le terme ‘nomadisme’, lui, renvoie au contraire à l’idée d’une non-fixité, d’une imprécision permanente, d’une déterritorialisation – notion que nous empruntons ici volontiers à la pensée de la nomadologie de Gilles Deleuze. Trudy Agar-Mendousse précise en effet que, pour ce dernier « le nomade est : le Déterritorialisé par excellence35 ». Au terme ‘nomade’, il est d’ailleurs également possible d’associer le terme ‘errance’, qui dit bien la désappartenance des personnages, l’impossibilité d’un ancrage, dans l’histoire, la mémoire, le passage du temps, mais aussi et surtout dans l’espace et l’expérience insulaires. Or ce que formule en effet l’œuvre de Sewtohul, c’est une définition de l’ethnicité qui ne se territorialiserait pas et ne s’essentialiserait pas dans l’espace multiculturel national mauricien, mais qui, au contraire, serait ouverte sur le monde, tout en tenant compte du passé, du présent et de l’avenir.

22Dans un article co-écrit avec Evelyn Kee Mew et intitulé « La littérature mauricienne contemporaine : pour une nouvelle poétique de l’insularité », nous évoquons le parcours d’une littérature mauricienne postcoloniale « placée sous le signe de la rupture36 », notamment parce que représentant des « personnages sembl[a]nt entretenir avec l’île une relation ambivalente » et faisant l’expérience de » l’impossible ancrage dans l’espace insulaire37 ». Si dans certains textes littéraires, la nostalgie de l’ailleurs place les personnages en situation d’ex-île – que nous entendons comme un exil dans l’île – (voir Le Silence des Chagos de Shenaz Patel38) ; si d’autres personnages cultivent le fantasme du départ (comme Clélio dans Ève de ses décombres de Devi39) ; si d’autres encore font face au vide existentiel (comme dans Bénarès de Barlen Pyamoootoo40 ou L’Homme qui penche de Bertrand de Robillard41), l’œuvre de Sewtohul concrétise et met en scène, pour sa part, l’affranchissement de ses personnages des frontières de l’île, sans pour autant rejeter ou nier l’importance de celle-ci aussi bien dans la construction de leur identité ethnique que dans l’évolution dynamique de leurs identités individuelle et culturelle. Dans Les Voyages et aventures de Sanjay, explorateur mauricien des Anciens Mondes et Made in Mauritius, l’île reste, cela dit, une étape, un passage qui façonne les personnages, mais les prépare à la découverte du monde. La question du voyage et du déplacement dans les deux textes est en effet absolument déterminante dans la manière dont les personnages évoluent et vivent leur propre ethnicité, puisque celle-ci est en permanence soumise tant à la subjectivité du lieu, que de l’espace et du contexte culturel qu’ils sont appelés à ‘traverser’.

23À Maurice, l’ethnicité est en effet directement liée non seulement à la question de l’ancestralité, mais à une terre et à une culture ancestrales autres, qui ne sont pas celles du local. Et, parce qu’elle est venue de cette terre ancestrale, qu’elle a traversé l’océan pour se retrouver sur une petite île sans population autochtone, l’ethnicité est perçue comme un bien à protéger, à conserver et à transmettre à tout prix dans l’espace national. C’est ce que préconise le modèle multiculturel mauricien, gardien d’un pluri-ethnisme verrouillé qui perpétue des visions linéaires et essentialistes de l’ethnicité. Or, la situation postcoloniale, dont parle Marie-Claude Smouts42, a tout de même permis de repenser ces modèles. Pour Smouts, en effet, les

espaces d’énonciation critique dans le monde postcolonial se trouvent dans les passages interstitiels entre des représentations fixes, un espace entre-deux, le ‘tiers-espace’. C’est là que les minorités exclues, les migrants, les réfugiés, le ‘peuple’ peuvent commencer à envisager leur histoire et leur culture43.

24L’auteur postcolonial est donc celui qui pense au-delà du modèle essentialiste et formule de nouvelles représentations de soi, en repensant le poids des déplacements et des rencontres dans l’élaboration et l’évolution de la culture ‘populaire’.

25Sewtohul rappelle ainsi pour Maurice, comme l’a fait Raharimanana pour Madagascar, dans son ouvrage L’Arbre anthropophage44, que l’ethnicité en contexte mauricien est à la base, elle-même, le résultat d’une déterritorialisation et d’une reterritorialisation. C’est ce que nous apprend le récit du pandit B, guru du jeune Sanjay, dont l’histoire, le savoir et l’identité religieuse ont traversé l’océan pour se conjuguer à la terre insulaire. Au jeune disciple de nous livrer alors :

je n’avais jamais imaginé que le monde avait tant de passés. Chez nous, à Maurice, je savais seulement qu’autrefois il y avait eu les esclaves et les coolies, avec les Blancs qui les maltraitaient. On a quelques bâtiments en pierre de cette époque, et puis je savais qu’on avait obtenu l’indépendance en 1968, deux ans avant ma naissance, et que maintenant il y a les ministres qui roulent en Mercedes, et qui vous donnent du travail si vous agitez un drapeau à leurs meetings45.

26À son tour, Sanjay, porteur de toutes les histoires et des mémoires que lui a transmises son maître, se déplace pour se rendre en Allemagne, avec Frau Beate dont il apprend aussi l’histoire subjective, vécue en contexte fasciste durant la Seconde Guerre mondiale. Traversé par ces espaces et les récits de toutes ces expériences subjectives, le personnage se rend ensuite au Tibet.

27C’est ce même motif du déplacement permanent que l’auteur renouvelle dans Made in Mauritius, comme si l’intérêt du voyage n’était pas tant la destination mais le déplacement lui-même, l’errance à laquelle il donne lieu, la rencontre qu’il favorise, et ce que le personnage accumule et transporte avec lui. C’est ce qui rend le conteneur de Laval aussi symbolique. Soulignons que le personnage y voit lui-même le jour et que sa famille va y vivre pendant de nombreuses années. Lourd de son histoire et de son parcours familial et ethnique, le conteneur représente l’ensemble des identités accumulées qu’il n’est pas toujours facile d’assumer :

Eux qui avaient toujours eu l’habitude de ne pas se faire remarquer, pour tant de raisons. Et le conteneur, ce conteneur dont il avait si souvent eu honte – quel genre de famille étaient-ils donc pour vivre dans un conteneur, alors que tout le monde avait une maison bien comme il faut, en béton –, voilà donc que maintenant les yeux de toute la ville étaient braqués sur cette boîte jaune, avec, sur le coin supérieur gauche de la façade avant les marques qu’il connaissait par cœur : « GWRJ1410751 TransAmerica line46. »

28En contexte mauricien, la problématique de l’ethnicité, héritée du passé et de l’ancestralité, provient justement du fait qu’elle est perçue comme devant se plier à une reterritorialisation définitive dans une conscience nationale, un acte d’adaptation qui rompt le parcours d’une ethnicité nomade et transculturelle. Dans son article cité plus haut, Issur rappelle que :

Megan Vaughan s’attache à montrer comment les esclaves venus d’Afrique, de Madagascar et de l’Inde sont déjà inscrits avant même leur arrivée sur l’île dans des structures ethniques complexes, héritage de leurs sociétés respectives. Ces structures vont s’adapter au nouveau contexte, évoluer mais non disparaître avec le temps. Les différents groupes jalousent, méprisent et se méfient les uns des autres47

29Or, c’est précisément la stabilité de ces repères culturels locaux qui sont interrogés dans les textes de Sewtohul. Made in Mauritius représente ainsi la confrontation du local et du global et redéfinit ce qui les lie l’un et l’autre, non seulement en racontant l’avant-Maurice mais aussi l’après-Maurice. En ce sens, le roman aborde la question de la dimension culturelle de la frontière, ce qui rappelle évidemment The Location of Culture de Bhabha qui théorise les nombreuses potentialités de l’enchevêtrement, voire de l’emmêlement, du local et du global.

30Ainsi, d’une fermeture étouffante dans Port Louis, de cette idée d’exiguïté de la prison insulaire qui fixe les identités ethniques, Sewtohul passe à l’ouverture sur le monde et envisage la globalisation comme une possibilité de libération, par les identités multiples. C’est précisément ce que l’on constate avec le personnage de Laval dont le fils, né en Australie, s’y mariera lui-même et aura un enfant. Avec le nomadisme, la fluidité et la renégociation des frontières de l’ethnicité, plutôt que leur dissolution, sont ainsi mises en place dans les textes. C’est ce qui nous permet de comparer la démarche de l’auteur avec celle de Devi qui joint à la question de l’ethnicité, celle de la sexualité ou du genre, comme le fait Issur avec l’ethnoclasse, l’idée étant de dissoudre la linéarité du paradigme éthique en le problématisant de manière composée avec d’autres enjeux généralement présentés de manière binaire : le capitalisme, le patriarcat, et ici l’opposition global/local, pour ne pas dire mondial/insulaire. D’ailleurs, l’espace australien, cette ‘île continentale’, dans Made in Mauritius, souligne bien cette problématisation.

31Dans un texte intitulé Transpoétique. Éloge du nomadisme48, Hédi Bouraoui rappelle que la pensée du nomadisme se manifeste nécessairement dans une poétique du ‘trans-’. Selon nous, ce trans-quelque-chose est d’abord celui de la transgression qui remet en question un ordre ou des frontières établi(es) dans un contexte donné. En transgressant les frontières géographiques de l’île, en libérant ses personnages de leur prison insulaire, mais en rappelant aussi l’avant- et l’après-Maurice, qui devient l’espace et la nation transitoires (l’espace et la nation du transitoire également), Sewtohul fait de ses personnages des êtres dont l’identité ethnique est en permanence redéfinie. L’ethnicité, pour les parents de Laval, dont le père est Chinois et la mère Hongkongaise, n’a du coup pas la même fonction ou valeur en Chine et à Hong Kong qu’à Maurice. D’ailleurs la frustration de sa mère une fois arrivée sur le sol mauricien l’exprime très justement. Laval, inconscient de son avenir, le dit à Maurice :

[...] qu’étions-nous d’autre que des produits ratés de la grande usine de l’histoire ? Canaille venue des tripots de Bretagne, coolies du Bihar, prisonniers des guerres tribales du Mozambique et de Madagascar, hakkas fuyant les guerres et les impôts de l’empereur de Chine. Nous étions les rebuts de l’humanité, venus à Maurice dans des cales de bateau pour être achetés ou pour pourrir à tout jamais sur des étagères de boutiques misérables49.

32La situation insulaire est ici effectivement perçue comme un lieu de pourrissement lorsqu’elle s’enferme sur elle-même. Ce qui permet à Laval d’y échapper, c’est son ouverture sur le monde, et son départ pour l’Australie, non pas dans la logique du rejet de l’île, mais dans celle de l’acceptation du monde. Selon Danielle Tranquille, c’est en effet

avec de nouvelles notions telles que celle de l’interespace de Bhabha, de ethnoscapes de Arjun Appadurai, de travelling cultures de James Clifford qu’il faut chercher la représentation d’un monde livré, d’une part, aux soubresauts d’une mondialisation difficilement vécue et d’autre part, à une recherche d’identité et de dialogue entre les cultures50.

33Par ailleurs, un autre exemple nous sert à dire que le déplacement et le voyage sont certes géographiques mais que cette géographie ne se définit pas toujours, comme on pourrait le penser, dans la positivité de la science : elle peut aussi être symbolique. Nous pensons ici, pour ne citer que cet exemple, au récit de l’âme de Manikom, le grand-père de Vassou dans Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance. Dans un chapitre intitulé « L’esprit marron », Sewtohul ébranle une fois encore l’ethnicité bloquée en nous confrontant à une histoire du marronnage qui n’est plus seulement celle des Noirs et des esclaves, mais qui est aussi le fait de l’Indien, puisqu’il y a eu également des esclaves indiens :

Tu es un manaf. Tu es un marron. Comprends bien que ce n’est pas seulement parmi les créoles qu’on devenait marron. Il y avait des indiens, marrons, aussi. Des blancs marrons, des chinois marrons, toutes sortes de marrons, qu’il y a. Tous ceux qui cherchent leur liberté sont marrons51.

34Cette poétique du marronnage – qui est celle de la fuite certes, mais aussi de la libération par l’errance – rappelle en effet que la créolisation est d’abord le fait de l’expérience commune, de la rencontre et de la Relation dont parle Édouard Glissant52, puisqu’ici le marronnage est transculturel : il concerne tous ceux qui d’abord fuient la domination, mais se révoltent aussi contre celle-ci : « Être marron, c’était fuir. Mais il vient un moment où on ne peut plus fuir et où il devient nécessaire de se révolter53 ».

La ‘fabrique’ d’une nouvelle mauricianité

35Il est évident que les textes qui amènent à repenser l’ethnicité en tant que catégorie, amènent aussi parallèlement à repenser la question de la mauricianité, puisque, comme le démontrent les travaux de l’anthropologue Thomas Eriksen, le lien très fort entre ethnicité et identité nationale54 ne peut être ignoré dans le cas mauricien. En effet, comme mentionné dans notre introduction, le projet politique même de la nation mauricienne se construit sur l’idée de la cohabitation multiculturelle, de ce « distinct Mauritian way of life » dont a parlé Sir Seewoosagur Ramgoolam et que Lionnet souligne à très juste titre dans son analyse de la situation politique et culturelle de l’Île Maurice55. Or, dans sa thèse de doctorat, intitulée Les Impasses du multiculturalisme. Politiques, industries et tourisme culturels à Maurice56, Julie Peghini démontre clairement les limites de cette politique culturelle en vigueur qui, consolidant des repères ethniques se voulant essentialistes, laissent peu de place au dialogue transculturel. En ce sens, le défi des créateurs et écrivains mauriciens consistent bien, non seulement à démanteler les catégories fixes de l’ethnicité, mais à articuler de nouvelles visions de soi qui proposent de nouvelles représentations auto-ethnographiques. Dans un article intitulé « Indo-Mauritians: National and Postnational Identities », Srilata Ravi insiste elle aussi sur l’importante corrélation, dans le contexte mauricien, entre identité, ethnicité et nationalité et démontre, comme Beniamino, que la littérature mauricienne d’expression française constitue un espace discursif fort intéressant pour l’analyse de l’évolution des représentations mettant en scène ces trois éléments. Elle soutient toutefois que, si les œuvres francophones mauriciennes participent de l’ébranlement de l’ethnicité en tant que catégorie essentialiste, elles n’en formulent pas d’alternative véritable, qui prendrait les traits d’un ensemble de grands récits mettant en scène le métissage ethnique ou culturel :

This study argues that Mauritian literature in French is a discursive space where both competing and interlinking interpretations of past and present co-exist, painting different images of ethnicity, nation, and identity on this Indian Ocean island. It argues that contemporary Mauritian writings subvert nationalist narratives of ethnic distinctiveness, but the process of dismantling is not accompanied by a replacement with another set of grand narratives of racial and cultural hybridity57.

36Si nous partageons l’idée de Ravi à propos de l’absence de propositions de ‘grands’ récits nationaux et mémoriels alternatifs chez les écrivains mauriciens postcoloniaux, au profit de récits intersubjectifs qui contribuent à l’émergence d’une certaine sensibilité postnationale, nous estimons tout de même que l’espace mauricien ainsi que les dynamiques ethniques et identitaires à l’œuvre dans cet espace – qui est bel et bien celui de la Relation et de la créolisation – continuent de préoccuper les textes, mais autrement. Ainsi, repenser les catégorisations ou les situations de l’ethnicité, comme l’ont fait des auteurs comme Devi ou Sewtohul, c’est d’une certaine manière repenser aussi la mauricianité elle-même et le modèle sur lequel le nationalisme local s’est construit jusqu’ici. Parler de ruptures dans la représentation de l’ethnicité en littérature mauricienne, c’est en effet, d’une manière ou d’une autre, parler d’une nouvelle mauricianité, qui n’est pas celle du national replié sur lui-même, mais du postnational, ouvert sur le monde. C’est précisément pour cette raison que nous proposons ici le sous-titre « fabrique d’une nouvelle mauricianité », en nous inspirant librement du titre du troisième roman de Sewtohul, Made in Mauritius, qui signifie littéralement « Fabriqué à Maurice ». L’ouvrage exprime en effet clairement l’interrogation suivante : qu’est-ce qui fait le Mauricien, ou le produit mauricien ? Une marque de fabrique dont le texte propose une toute nouvelle définition, puisque cette mauricianité-ci ne se limite pas aux frontières de l’île, mais se définit aussi et surtout hors de l’île. La démarche engage évidemment une autre vision de l’île que celle donnée par les cartes postales : une vision qui se traduira dans l’expression du trans-quelque-chose, donc de la trans-gression, comme nous l’avons déjà dit. Si l’on aura beaucoup parlé de l’Île Maurice comme d’un laboratoire culturel, sorte de préfiguration de la mondialisation, il est évident que le personnage de Laval se présente comme l’incarnation même de cette mondialisation, ce qui n’empêche toutefois – voire ce qui nécessite même – qu’il soit aussi Mauricien.

37Le roman Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance nous offre une illustration très intéressante de ce propos. Dans ce texte, tout comme dans Made in Mauritius, l’art occupe une place centrale dans la manière dont les personnages repensent leur rapport à la fois à l’ethnicité et à la nation. Or, ce regard que portent les personnages sur l’identité mauricienne et qu’ils cherchent à exprimer à travers l’art, traduit un désir profond de se distancer des perspectives habituellement adoptées sur Maurice, pour proposer une nouvelle vision de l’île et de la société. Dans sa quête de l’âme du pays, l’artiste Faisal rejette en effet les images stéréotypées de l’île :

Quelle belle image typique ! – sa même l’establishment artistique conservateur ti pou dire. L’establishment artistique conservateur li eternelman pé produire banne zimaze typique : bann aquarelle bane lacaze coloniale, bann femme hindoue pé lave linze lor bord larivière, ou soi pé sarié lherbe lor zotte la tête, banne pesser pé risse zotte pirogue lor disab, ène soular kine assize enba lavarange ène laboutik en tole. Dans tou lendroit chic cotte ou allé – dans biro banne gran firme, dans salle d’attente bane doctère ki pran Rs 400 pou consiltation, dans bane galerie d’art bien repectable – ou trouve sa lile Maurice typik, foklorik, exotik, touristik la ine acrossé lor miraye li pé gette ou. Péna aucène tourment intérière dans lâme bane dimoune ki peine sa bane tableau la : sa pas zeine zotte pou produire ad nauseam bane cartes postales. Non, mo pa pou fère couma zotte : Faisal, ti artiste bourzwa en rebelyon pé rode l’âme so pays, et li pa pou laisse li tenté par bane solition fassile58.

38Ainsi, ce qu’il finit par peindre, c’est une maison coloniale de la capitale, certes, mais prise au piège des flammes – une œuvre d’art qui s’inscrit dans une démarche postcoloniale et qui marque bien, non seulement le désir de rupture, mais le travail que l’art peut faire dans la construction d’un nouveau regard porté sur l’île. Peghini dira d’ailleurs que :

Chercher, comme Faisal le fait, à dégager son œuvre d’une représentation fausse et idéalisée de l’île Maurice, c’est aussi s’exposer à l’indifférence du public. Présenter une image trop réaliste de l’île, nécessairement mêlée d’évocations symboliques, marquant la corruption ambiante, est une transgression majeure. C’est pourquoi la création artistique stéréotypée joue un rôle si important au sein même des communautés culturelles. Faisal s’insurge contre ce type de productions artistiques et cherche l’âme de son pays en produisant autre chose qu’une image convenue et généralement admise par l’establishment local59.

39L’imaginaire artistique devient ici source et forme de libération, et ce n’est ainsi que par l’art que Faisal peut enfin être mauricien.

40L’importance de pouvoir se représenter autrement constitue l’une des caractéristiques majeures de la lecture auto-ethnographique postcoloniale dont parle Lionnet dans son ouvrage Autobiographical Voices : Race, Gender, Self-Portraiture60. Or, il est intéressant de voir que Laval aussi fait de même avec son œuvre qu’il intitule ‘Made in Mauritius’, qui lui permet non seulement d’être Mauricien enfin, mais aussi de se rendre en Australie et d’emmener avec lui son ami Feisal. La symbolique de cette œuvre ‘mauricienne’ qui lui ouvre les portes du monde est d’autant plus importante que l’on comprend alors que c’est en se comprenant soi-même que l’on peut aller vers l’autre et s’inscrire dans la démarche de la rencontre avec le global et avec l’altérité. Sewtohul montre ainsi qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre ethnicité, nationalité et globalité, aussi longtemps qu’aucune de ces trois instances n’est hégémonique. Sans reprendre ici nécessairement tout le débat de Benedict Anderson sur les communautés imaginées61, il nous paraît nécessaire de rappeler que la nation reste un phénomène qui se veut très puissant, que le concept même de l’État-nation est marqué par une violence fondamentale. Or, le modèle national mauricien ne s’est toujours que superficiellement articulé avec la question de l’ethnicité, de sorte que se dire mauricien s’oppose souvent au fait de se dire Hindou, Créole, Musulman, etc., alors que le modèle multiculturel lui-même contribue à des formes des reconnaissances ethniques linéaires. Or, le mauricianisme ne devrait pas être l’occultation de l’histoire des origines, sinon, il se résumerait à un nationalisme aliénant pour toutes les minorités ethniques (tant sur le plan culturel qu’économique) de la population. Par contre, au lieu d’être en permanence tourné vers le passé, il devrait aussi s’inscrire dans la Relation véritable.

41Il nous semble que c’est là précisément une proposition de l’œuvre de Sewtohul. Comme le conteneur qui s’adapte et change de visage d’une destination à une autre, les personnages aussi s’enrichissent et évoluent au contact de l’altérité. D’ailleurs ‘Made in Mauritius’ changera elle aussi de visage une fois en Australie, suivant l’intervention de Feisal. L’œuvre se débarrassera ainsi graduellement des repères historiques fixistes du passé pour s’ouvrir au monde :

Un matin Feisal prit un de mes pinceaux et, dans un moment d’inspiration peignit « Made in Mauritius » en grande lettres orange sur le paysage tropical, au-dessus des palmiers et du soleil couchant. De mon côté, j’ai brisé l’île flottante, et j’ai mis dans un coin les photos de mes parents et de Chacha, ainsi que les statuettes de Guan Gong et de Guan Yin, et je suis parti jeter à la poubelle les boîtes en carton crevées, les poupées aux drapeaux MMM, et le réveille-matin à l’effigie de Mao. Ce faisant, j’eus l’impression de tourner la page sur mon passé62.

42Le travail de l’artiste, aussi amateur soit-il, est donc particulièrement important dans l’œuvre de Sewtohul, en ce sens où il a le potentiel d’échapper aux logiques cartésiennes pour s’inscrire dans le symbolique. Xavier Crettiez dit bien dans son texte Violence et nationalisme que

[d]ans les ethnocraties – entendues comme des régimes où les valeurs ethniques, dont la promotion devient la finalité de l’État, sont affirmées contre les valeurs libérales –, la violence s’épanouira dans les tentatives de purification ethnique et d’extermination des autres communautés dites nuisibles63.

43Dans le cas du modèle multiculturel mauricien, ces ‘communautés nuisibles’ sont moins celles des minorités ethniques, mais plutôt des ethnicités populaires et nomades qui évoluent dans des logiques de métissage ou de créolisation à l’œuvre dans la mondialisation. Ce sont précisément ces logiques qui représentent, selon Tranquille, à la fois une déviance et une défiance64 face à la pluri-ethnicité nationale.

Conclusion

44En guise de conclusion, nous voudrions simplement rappeler et rendre hommage au travail important que peut faire la littérature, et que fait, à notre sens, l’œuvre de Sewtohul – mais aussi d’autres auteurs mauriciens postcoloniaux – en mettant en relation les espaces, les histoires et les subjectivités culturelles, dans un pays comme Maurice. C’est donc bien la question de l’altérité, du ‘otherness’ qui est posée dans l’écriture, mais pour rappeler une fois encore que « je est un autre », c’est-à-dire que l’espace de l’île n’est plus celle de l’enfermement et de la solitude mais celle de la Relation et de la rencontre. Certains critiques, comme Ailbhe O’Flaherty, ont à juste titre interprété les textes d’auteurs comme Appanah comme des récits de systèmes concentriques qui enferment les personnages : « communities within one island space are separated from one another, thereby creating the sense of islands within islands, such as in Blue Bay Palace, by Nathacha Appanah (2004) for example65 ». Cela dit, une œuvre comme celle de Sewtohul propose bien autre chose – pas dans le sens de l’opposition mais de la complémentarité. Ce que cette œuvre exprime, ce ne sont pas tant des îles dans l’île, mais cette Relation permanente, non seulement entre les différentes communautés ethniques présentes sur le territoire, mais entre l’île elle-même et le monde. Peut-être ne sommes-nous plus alors, avec une œuvre comme celle de Sewtohul, dans la représentation de l’ethnicité, mais bien plutôt dans celle de la post-ethnicité dont parle Eriksen66 ? Une post-ethnicité qui serait la marque de l’ébranlement postcolonial et de ce que Glissant appelle dans son Traité du tout-Monde67 la transrhétorique non universalisante...

Notes de bas de page numériques

1  Voir Françoise Lionnet, « Introduction: Mauritius in/and Global Culture: Politics, Literature, Visual Arts », International Journal of Francophone Studies, vol. 13, no 3-4, 2011, pp. 374. Lionnet rappelle en effet les propos du premier Premier ministre mauricien dans son discours du 12 mars 1968, date de l’indépendance de l’île : « Today we are a nation dedicated to the ideals of peace and brotherhood and it will be the constant objective of my Government to ensure that every Mauritian, no matter his creed or class enjoys alike the privileges accruing to him as a citizen ».

2  Michel Beniamino, « Roman et ethnicité : voix et voies de l’identité à Maurice », Francofonia, n° 48, Olschki Editore, 2005.

3  Michel Beniamino, « Roman et ethnicité : voix et voies de l’identité à Maurice », p. 63.

4  Michel Beniamino, « Roman et ethnicité : voix et voies de l’identité à Maurice », p. 65.

5  Marie-Thérèse Humbert, À l’autre bout de moi, Paris, Stock, 1979.

6  Srilata Ravi, Rainbow Colours. Literary Ethnotopographies of Mauritius, Plymouth (UK), Lexington Books, 2007.

7  Srilata Ravi, Rainbow Colours. Literary Ethnotopographies of Mauritius, p. 10.

8 Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, [1969], Paris, Bordas/Dunod, 1983, p. 66.

9  Kumari R. Issur, « Communalisme, classe sociale et capitalisme : représentation en littérature mauricienne », Alizés, no 36, juillet 2012, pp. 97.

10  Kumari R. Issur, « Communalisme, classe sociale et capitalisme : représentation en littérature mauricienne », p. 98.

11  Kumari R. Issur, « Communalisme, classe sociale et capitalisme : représentation en littérature mauricienne », p. 98.

12  Dayachand Napal, La Ligue des ancêtres trépassés, Beau-Bassin (Île Maurice), chez l’auteur, 1978.

13  Kumari R. Issur, « Communalisme, classe sociale et capitalisme : représentation en littérature mauricienne », p. 98.

14  Emmanuel Bruno Jean-François, « Identités communautaires, identités violentes : pour une lecture ethnographique de la littérature mauricienne contemporaine ». Communication présentée au 25e Congrès International du CIÉF, Aix en Provence, 29 mai-5 juin 2011.

15  Michel Beniamino, « Roman et ethnicité : voix et voies de l’identité à Maurice », p. 61.

16  Françoise Lionnet, Le Su et l’incertain. Cosmopolitiques créoles de l’océan Indien, Maurice, L’Atelier d’écriture, 2012, « Essais et Critiques Littéraires », pp. 103-104.

17  Voir Emmanuel Bruno Jean-François, « L’expérience de la violence dans le roman mauricien francophone de la nouvelle génération », International Journal of Francophone Studies, vol. 13, no 3-4, 2011, pp. 513-529.

18  Voir Emmanuel Bruno Jean-François, « Dire l’ethnicité populaire par l’humour : statuts socio-économiques, possessions territoriales et croyances religieuses dans quelques textes mauriciens », in Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo et Mar Garcia (dir.), Pou fé ri la boush / Fer gagn riye ? Rires amers dans les littératures et productions filmiques réunionnaises et mauriciennes, Paris, K’A, 2013 (à paraître).

19  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, Paris, Gallimard, 2012, « Continents Noirs ».

20  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, Paris, Gallimard, 2001, « Continents Noirs ».

21  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, p. 29.

22  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, pp. 93-94.

23  Amal Sewtohul, Les Voyages et aventures de Sanjay, explorateur mauricien des Anciens Mondes, Paris, Gallimard, 2009, « Continents Noirs ».

24  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 83.

25  Homi K. Bhabha, The Location of Culture, London/New York, Routledge, 1994.

26  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 159.

27  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, p. 89.

28  Voir Markus Arnold, « Les hiérarchies socio-économiques et ethniques à l’Île Maurice », Nouvelles Études Francophones, vol. 26, no 2, 2011, pp. 125-141.

29  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, p. 51.

30  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 48.

31  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 103.

32  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 104.

33  Voir Mikhaïl Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970, « Tel » (pour la traduction française).

34  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 105.

35 Trudy Agar-Mendousse, Violence et créativité de l’écriture algérienne au féminin, Paris, L’Harmattan, 2006, « Critique Littéraire », p. 163.

36  Emmanuel Bruno Jean-François et Evelyn Kee Mew, « La littérature mauricienne contemporaine : pour une nouvelle poétique de l’insularité », Palabres, vol. XI, n° 2, 2010, p. 61.

37  Emmanuel Bruno Jean-François et Evelyn Kee Mew, « La littérature mauricienne contemporaine : pour une nouvelle poétique de l’insularité », p. 69.

38  Shenaz Patel, Le Silence des Chagos, Paris, L’Olivier, 2005.

39  Ananda Devi, Ève de ses décombres, Paris, Gallimard, 2006.

40  Barlen Pyamootoo, Bénarès, Paris, L’Olivier, 1999.

41  Bertrand de Robillard, L’Homme qui penche, Paris, L’Olivier, 2003.

42  Marie-Claude Smouts (dir.), La Situation postcoloniale, Paris, 2007, « Science Po/Mondes/Références ».

43  Marie-Claude Smouts (dir.), La Situation postcoloniale, p. 46.

44  Raharimanana, L’Arbre anthropophage, Paris, Joëlle Losfeld/Gallimard, 2004.

45  Amal Sewtohul, Les Voyages et aventures de Sanjay, explorateur mauricien des Anciens Mondes, p. 132.

46  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 12.

47  Kumari Issur, « Communalisme, classe sociale et capitalisme : représentation en littérature mauricienne ».

48  Hédi Bouraoui, Transpoétique. Éloge du nomadisme, Québec/Montréal, Mémoire d’encrier, 2005.  

49  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 126.

50  Danielle Tranquille, « Réflexion sur la francophonie mauricienne », Lianes, n° 2, 2006 : http://www.lianes.org/Reflexion-sur-la-francophonie-mauricienne_a109.html .

51  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, p. 160.

52  Voir Édouard Glissant, Poétique de la Relation. Poétique III, Paris, Gallimard, 1990.

53  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, p. 166.

54  Voir Thomas Hylland Eriksen, Ethnicity and Nationalism: Anthropological Perspectives, London, Pluto, 1993.

55  Voir Françoise Lionnet, « Introduction: Mauritius in/and Global Culture: Politics, Literature, Visual Arts », p. 374.

56  Julie Peghini, Les Impasses du multiculturalisme. Politiques, industries et tourisme culturels à Maurice, Université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis, École doctorale en Sciences sociales, 2009.

57  Srilata Ravi, « Indo-Mauritians: National and Postnational Identities », L’Esprit créateur, vol. 50, n° 2, 2010, pp. 29-30.

58  Amal Sewtohul, Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance, p. 24.

59  Julie Peghini, « Narrations de l’altérité à l’Ȋle Maurice », International Journal of Francophone Studies, vol. 13, n° 3-4, 2011, p. 447.

60  Voir Françoise Lionnet, Autobiographical Voices: Race, Gender, Self-Portraiture, Ithaca/London, Cornell University Press, 1989.

61  Benedict Anderson, L’Imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 2002.

62  Amal Sewtohul, Made in Mauritius, p. 250.

63  Xavier Crettiez, Violence et nationalisme, Paris, Odile Jacob, 2006, pp. 13-14.

64  Voir Danielle Tranquille, « Inscriptions of Dev/Defiance: Métissage in Mauritian Literature », International Journal of Francophone Studies, vol. 8, no 2, 2005, pp. 199-218.

65  Ailbhe O’Flaherty, « Islandness and ‘Otherness’: Representations of the Island in Contemporary Mauritian Fiction », Journal of Mauritian Studies, New Series, vol. 4, n° 1, 2007, pp. 1-2.

66  Voir Thomas Hylland Eriksen, « Tensions Between the Ethnic and the Post-Ethnic. Ethnicity, Change and Mixed Marriages in Mauritius », in Hans Vermeulen et Cora Govers (dir.), The Politics of Ethnic Consciousness, London, Macmillan, 1997, pp. 250-276.

67  Voir Édouard Glissant, Traité du tout-monde. Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997.

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Pour citer cet article

Emmanuel Bruno Jean-François, « De l’ethnicité populaire à l’ethnicité nomade : Amal Sewtohul ou la ‘fabrique’ d’une nouvelle mauricianité », paru dans Loxias-Colloques, 3. D’une île du monde aux mondes de l’île : dynamiques littéraires et explorations critiques des écritures mauriciennes, De l’ethnicité populaire à l’ethnicité nomade : Amal Sewtohul ou la ‘fabrique’ d’une nouvelle mauricianité, mis en ligne le 27 mai 2013, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=411.


Auteurs

Emmanuel Bruno Jean-François

Emmanuel Bruno Jean-François est chargé de cours au Mauritius Institute of Education où il enseigne le français, les littératures francophones et le Kreol Morisien. Il est l’auteur d’une thèse de doctorat intitulée La Poétique de la violence dans le récit francophone contemporain. Ses travaux de recherche s’articulent principalement autour des questions touchant à la représentation de la violence, aux problématiques identitaires et transculturelles et aux littératures postcoloniales. Il dirige depuis 2012 la collection « Essais et critiques littéraires » des éditions de L’Atelier d’écriture (Île Maurice) et est vice-président de l’Association Internationale des Études Francophones et Comparées sur l’Océan Indien (AIEFCOI). Il est l’auteur de plusieurs articles sur les littératures contemporaines de l’Océan Indien.