Loxias-Colloques |  16. Représentations littéraires et artistiques de la femme japonaise depuis le milieu du XIXe siècle 

Sandra Schaal  : 

Amorce d’une anatomie d’une satire morale : la garçonne japonaise dans les caricatures de mœurs des années 1920 et 1930

Résumé

Cet article propose une analyse des dessins humoristiques ou satiriques (fûshi-ga ou manga) des années 1920 et du début des années 1930 prenant pour objet la garçonne japonaise (modan gâru), dans l’optique de mettre en lumière certaines de ses représentations les plus emblématiques dans l’imaginaire collectif des Japonais de cette époque. Ce faisant, il pose les premières pierres d’une étude d’une forme spécifique de satire morale, qu’il conviendra de resituer dans l’ensemble de la culture populaire et du discours normatif de ce temps-là.

Abstract

This article provides an analysis of the satirical cartoons (fûshi-ga or manga) of the 1920s and early 1930s depicting the Japanese modern girl (modan gâru). It aims at highlighting some of her most emblematic representations in the Japanese modern collective memory. In doing so, it also lays the foundations for a study of a specific form of moral satire, while resituating the representations of the modan gâru in the popular culture and normative discourse of that time.

Index

Mots-clés : caricature de mœurs , garçonne, représentations féminines

Géographique : Japon

Chronologique : période moderne

Plan

Texte intégral

Introduction

1L’ère Taishô (1912-1926) et le début de celle de Shôwa (1926-1989) furent le théâtre de questionnements nouveaux – et occasionnellement novateurs – au sein des élites intellectuelles nipponnes.

2Parmi eux, la « question de la femme » (josei mondai) polarisa l’attention de journalistes, d’essayistes, de pédagogues ou encore d’écrivains, tout particulièrement dans les liens étroits qu’elle entretenait avec le concept de modernité et la construction d’un État-nation. En effet, un processus concomitant d’invention d’une « tradition nationale » et de construction d’une nouvelle idéologie de genre (s’inspirant notamment de la morale victorienne et de son partage des rôles entre les sexes) étant à l’œuvre dans le pays, des tensions furent promptes à pointer entre des images idéalisées divergentes, voire opposées, du féminin et de la famille. Ceci reflétait sans nul doute les appréhensions à voir les femmes investir toujours plus la sphère publique (bastion masculin par excellence), et mettait aussi en exergue les inquiétudes nourries à l’égard de la modernité et des bouleversements sociaux qu’elle engendrerait nécessairement.

3En effet, comme ce fut le cas dans les pays qui connurent une évolution similaire, la modernité japonaise, à compter de l’ère Meiji (1868-1912), eut pour corollaire un accroissement de la visibilité des femmes dans l’espace public, en particulier urbain, avec la création de possibilités nouvelles d’emploi salarié ouvertes au sexe dit « faible ». C’est ainsi que des ouvrières en usine (jokô), puis des employées de bureaux et autres cols blancs (shokugyô fujin) investirent de manière croissante la ville.

4En outre, du fait de l’essor d’une industrie médiatique de masse rendue possible par l’expansion industrielle et le progrès technologique après la Première Guerre mondiale, et grâce à un élargissement du lectorat dû à la hausse du revenu moyen des ménages ainsi qu’à l’essor de la nouvelle classe moyenne, cette visibilité accrue s’accompagna alors également d’une sur-représentation de leurs images, d’une « iconisation » de nouvelles formes de féminité modernes « dans la production mécanisée des images populaires et des conventions de l’étalage au sein de la culture marchande1 ». Cette culture marchande fut, d’ailleurs, de plus en plus influencée par les États-Unis. Que ce soit par le biais du cinéma hollywoodien, des affiches de cinéma et de spectacle, des publicités ou encore des mannequins dans les grands magasins, la « femme moderne » était désormais partout montrée en spectacle. Mais cette « femme moderne » était loin d’être une : elle formait un ensemble pluriel et hétéroclite, pouvant englober la femme au foyer épouse d’un salarié, la dactylo et la vendeuse, mais aussi des femmes au physique et à l’esprit émancipés de certaines de leurs anciennes servitudes comme l’actrice de cinéma à la mode, la serveuse de café ou la garçonne (modan gâru ou, sous sa forme abrégée, moga). En guise de précision, modan gâru est la transcription phonétique japonaise de l’expression modern girl empruntée à l’anglais. Loin d’avoir été caractéristique du Japon, cette figure de la féminité moderne constitua un phénomène culturel transnational apparu dans les années 1920 dans les métropoles du monde entier. Au Japon, comme partout ailleurs, elle devint une icône médiatique dans les années suivant le grand tremblement de terre du Kantô du 1er septembre 1923, qui frappa lourdement Tôkyô en ravageant quarante et un pourcent de la ville et qui fit office de catalyseur facilitant l’introduction et le développement en milieu urbain de nouvelles pratiques du quotidien modan (modernes) qui s’inspiraient du modernisme et de la culture de consommation de masse américaine. Symbole d’un choc des cultures et des valeurs liées à l’avènement du modernisme nippon dans les mœurs, elle suscita d’âpres débats et critiques en raison de son apparence et de son mode de vie décrits comme libres, émancipés, avant-gardistes et sexuellement provocateurs.

5En conséquence, certaines de ces déclinaisons modernes du féminin – et, en premier lieu parmi elles, la modan gâru – engendrèrent fréquemment des réactions ambivalentes quant au sens à donner à leur prégnance. Pour certains, elles étaient susceptibles de mettre à mal la mythologie persistante de la figure monolithique de la femme japonaise, soumise et discrète gardienne du foyer, autrement dit de « la bonne épouse et mère avisée » (ryôsai kenbo) louée par les élites bien pensantes. Et, à terme, elles risquaient de miner les fondements de la famille traditionnelle, voire de la nation dans son ensemble.

6Dans ce contexte, rien de surprenant, alors, si la modan gâru suscita nombre de réactions et de commentaires de la part de ses contemporains qui lui consacrèrent moult écrits. Mais qu’en fût-il de ses représentations iconographiques ?

7Comme le souligne Peter Duus à propos des dessins humoristiques ou satiriques (fûshi-ga ou manga2) politiques, si les historiens rechignèrent longtemps à entrevoir les dessins humoristiques comme une source historique digne de ce nom, les reléguant au mieux au second plan comme simples illustrations, personne ne contesterait aujourd’hui leur valeur documentaire. Reflets de la société et de l’opinion, ils constituent même une source essentielle pour les chercheurs, parce qu’ils permettent de combler les espaces négligés ou laissés vacants par les sources historiques plus « classiques », à commencer par l’archive écrite :

Les historiens, d’autre part, ont souvent utilisé les manga comme illustrations, mais les ont rarement pris au sérieux en tant que textes. Pourquoi chercher des preuves dans les dessins humoristiques alors que des kilomètres d’étagères de documents demeurent non lus dans les archives ? Mais c’est précisément sa banalité qui nous donne envie de banaliser le manga – la simplicité de son langage, l’immédiateté de son message, et le caractère mécanique de sa production – , qui fait qu’il a tant de valeur pour ceux qui étudient l’histoire, la culture et la société. Comme de vieilles photos ou des films d’actualités, les manga révèlent un côté de la culture politique que l’on ne trouve pas dans les mémorandums officiels, les discours publics et les éditoriaux de journaux, les tracts théoriques et les pamphlets idéologiques.3

8Témoignages directs du passé, ils fournissent non seulement des informations de détail et de forme rarement accessibles par l’écrit, mais révèlent également, de par leur nature intentionnellement exagérée et déformée, une dimension historique et socioculturelle qui peut renseigner sur la teneur des débats dans une société à une époque donnée, sur la diffusion des idéologies et de leur critique, sur la circulation d’idées ou de stéréotypes.

9L’objectif de cet article consistera à analyser des manga des années 1920 et du début des années 1930 prenant pour objet la modan gâru. Cette analyse nous permettra de mettre en lumière certaines de ses représentations les plus emblématiques dans l’imaginaire collectif des Japonais de cette époque. Ce faisant, nous jetterons les premières pierres d’une étude d’une forme particulière de satire morale, qu’il faudra resituer dans l’ensemble de la culture populaire et du discours normatif de ce temps-là.

10Notre corpus se compose d’environ trois cent quatre items produits par près de quatre-vingt-dix manga-ka ou caricaturistes (des hommes uniquement, ce qui est significatif), publiés entre décembre 1922 et juin 1938 – pour la grande majorité entre 1928 et 1931. Pour assurer une diversité mais également une cohérence des représentations, nous nous sommes attachée à ne prendre comme objets d’étude que des caricatures publiées, à une ou deux exceptions près, dans des supports visant le grand public, au sein desquels des caricaturistes de tous bords – y compris ceux d’obédience marxisante – faisaient paraître leurs œuvres : les grands quotidiens, les hebdomadaires féminins, des compilations de caricatures d’époque (ou parfois plus récentes, mais renfermant des dessins publiés dans la presse à l’époque qui nous intéresse) qui facilitent la recherche d’items dont le nombre est pléthorique, des ouvrages ou recueils de caricatures d’un artiste spécifique et, surtout, la presse satirique (Manga man, Jiji manga ou Caricatures de notre temps, Yomiuri sandê manga (Yomiuri sunday manga), etc. – sans oublier la revue de manga grand public la plus célèbre de l’époque moderne, Tôkyô pakku (Tokyo puck) qui tirait déjà à plus de cent mille exemplaires un an après sa fondation en 19054, et que nous avons plus particulièrement investiguée).

Un physique anticonformiste et provocateur

11Le caractère novateur et singulier de la modan gâru s’exprimait en premier lieu dans son apparence physique anticonformiste et provocatrice.

12Ses cheveux portés courts, spectaculaires et équivoques, que l’on trouve sans exception dans tous les dessins de notre corpus, constituaient un de ses traits distinctifs. À la fin de l’ère Taishô, des pionnières adoptèrent le style mimi kakushi (le « cache-oreilles », qui désigne des cheveux légèrement ondulés et relevés pour arriver jusqu’au bas des oreilles). Au début de l’ère Shôwa, la mode évolua : les modan gâru portaient désormais les cheveux coupés au carré, à la garçonne (danpatsu), raides ou légèrement ondulés, dans le style des actrices hollywoodiennes en vogue dans l’archipel telles que Clara Bow (1905-1965) ou Mary Pickford (1892-1979). Puis, avec l’introduction en 1931 au Japon du fer à friser électrique, les cheveux courts permanentés (denpatsu) furent un temps populaires, jusqu’à ce que des campagnes officielles poussent les Japonaises à plus de modération et finissent par bannir l’indéfrisable avec l’arrivée de la guerre5.

13La modan gâru se distinguait encore de l’archétype de la discrète et sage « bonne épouse et mère avisée » par un maquillage prononcé et une tenue hétérodoxe, sinon tape-à-l’œil. Sa bouche était soulignée de vermillon, ses joues lourdement fardées de rouge et ses sourcils parfois rasés et peints d’un fin trait de crayon à la manière de Gloria Swanson (1899-1983). Très apprêtée, elle préférait souvent aussi – mais non nécessairement – au kimono assorti de socques de bois les vêtements et accessoires à l’occidentale : une robe ou une jupe courte s’arrêtant au-dessus du genou, portée sur des bas fins dévoilant – ô provocation – ses jambes ainsi que des chaussures de cuir à petits talons.

14Les caricaturistes de l’époque ne manquèrent pas de relever avec force piquant l’allure extravagante de la modan gâru ainsi que son goût démesuré pour la toilette.

La piquée de mode

15Kitazawa Rakuten (1876-1955), qui fonda en 1905 son propre mensuel de manga, en couleur, le célèbre Tôkyô pakku s’inspirant du Puck américain et qui fut le premier manga-ka professionnel japonais, croqua dès 1922 la nouvelle toquade capillaire féminine du cache-oreilles dans « Les souffrances qu’induit de suivre la mode » (Ryûkô o ou kurushimi) (Caricature 1) en faisant dire à une toute jeune femme en kimono :

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Caricature 1 : « J’aime beaucoup cette coiffure, mais ce serait terrible si elle tombait en désuétude maintenant, quand bien même il fait froid : j’ai l’habitude d’avoir les oreilles gelées. » 6

16Okamoto Ippei (1886-1948), connu pour ses dessins humoristiques assortis d’un texte d’explication au ton léger (manga-manbun)7, publia en 1929-1930 « La mode du cache-oreilles » (Mimi kakushi ryûkô)8, un dessin figurant deux Japonaises en kimono arborant chacune cette coupe, assises sur un banc. L’une soulève la mèche de cheveux recouvrant l’oreille de l’autre et lui souffle confidentiellement dans le pavillon : « Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur cette histoire ? ».

17La différence des modan gâru, attestée par leur mise occidentalisée, pouvait les rendre suffisantes, voire méprisantes à l’égard de leur culture d’origine, comme en atteste le texte accompagnant le dessin « Progrès dans l’apparence de la moga » (Moga no taimen kôjô, 1928) de Hosokibara Seiki (1885-1958) :

« Ma fille s’est coupé les cheveux. Elle en est venue à détester les vêtements japonais. Elle ne veut plus se promener en compagnie de ses amies en kimono lorsqu’elle sort 9 ».

18Ces modan gâru faisaient des émules parmi les fraîches jeunes filles issues des campagnes qui trouvaient, notamment dans les revues féminines proposant des photos de mode ou de modan gâru prises dans les rues tôkyôïtes, une sorte de « fenêtre sur la modernité ». « Le rêve d’une jeune villageoise » (Mura musume no yume, 1930)10 d’Asada Hisao (?-?), l’illustre avec beaucoup d’humour. Deux jeunes femmes se font face. L’une, à droite, est une véritable modan gâru, tandis que l’autre est une campagnarde rêvant de lui ressembler. Cette dernière, faute de moyens financiers suffisants, utilise une passoire servant généralement à diluer la pâte de miso (soja fermenté) dans l’eau chaude en guise de chapeau, un essuie-main comme foulard, un sous-vêtement japonais comme chemisier, un pagne comme jupe, un énorme champignon comme ombrelle et un bout de ficelle passé dans le trou d’une pièce de monnaie en cuivre pour figurer une montre. Enfin, deux radis blancs servent à donner l’illusion qu’elle a des jambes fines et sveltes.

Hollywood comme référence ultime

19La fascination qu’exerçaient les stars du septième art hollywoodien sur nombre de modan gâru et la propension que ces dernières avaient à les imiter est une thématique que l’on trouve naturellement aussi dans les caricatures. Ainsi, « Le catalogue des moga » (Moga no katarogu, 1928)11 de Nakajima Rokurô (?-?), représente l’intérieur d’une salle de cinéma, comble de spectateurs, parmi lesquels des moga. L’une, ravie et arborant un large sourire, tourne le dos à l’écran qu’elle pointe du doigt. Sur l’écran, en gros plan, s’affiche le visage de Clara Bow, les cheveux courts et permanentés, la bouche soulignée de rouge, arborant une mine sensuelle, le regard langoureux –– un modèle pour les moga. Un autre de ses dessins, « Les efforts de la modan gâru » (Modan gâru no kushin, 1928)12, montre une moga plutôt laide et un peu enveloppée dans l’intimité de sa chambre. En déshabillé, assise à côté d’un brasero devant un petit miroir, elle s’échine à faire frisotter ses cheveux avec le fer à friser qu’elle vient d’acheter et songe au plus pressé à retourner au cinéma Musashinokan de Tôkyô avec ses quelques sous restant. Sa robe, son chapeau et son ombrelle sont suspendus au mur situé derrière elle, sur lequel sont accrochées deux photos représentant vraisemblablement deux de ses actrices fétiches, l’une blonde aux cheveux courts et ondulés, l’autre aux cheveux de jais coupés à la Louise Brooks. Le commentaire qui clôt le court texte qui accompagne le dessin dit : « La salle de cinéma est pour elle une école sacrée (shinseinaru gakkô) ».

Étranges hybridités

20Au demeurant, toutes les modan gâru ne prenaient pas le parti de se vêtir à l’occidentale : certaines continuaient à porter le kimono. Toutefois, celui-ci était bien souvent de facture plus modan dans ses couleurs et ses motifs, de type meisen13 par exemple, portant la patte d’un designer influencé par des courants venus d’Occident tels que l’Art Nouveau ou encore l’Art Déco. De plus, un certain nombre d’entre elles lancèrent la mode, plutôt incongrue, de l’obi (ceinture de kimono) portée plus haut que de coutume – une lubie qui n’échappa pas à l’œil acéré des caricaturistes, tel Yoshioka Torihei (1893-1933) dans son dessin « La progression de l’obi » (Obi no kôjô, 1929) (Caricature 2) :

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Caricature 2 : L’obi que les femmes nouaient autrefois autour du ventre s’est, avec le temps, peu à peu déplacée vers le haut ; aujourd’hui, à l’ère Shôwa, elle sert à compresser les seins. Si cette tendance persiste, elle s’élèvera de plus en plus pour assurément se transformer en châle en l’an cinquante de la même ère, et poursuivant sa progression, finalement en chapeau en l’an cent. 14

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(Caricature 3) 3 : Okamoto, Ippei, Satire de la beauté féminine d’une nouvelle époque , 1929.

21En définitive, le mélange des genres (japonais/occidental ou Caricature « traditionnel »/moderne) que pratiquaient les modan gâru pouvait leur conférer une apparence hybride, ridicule, voire étrange. L’un des dessins les plus frappants que signa Okamoto Ippei est intitulé « Satire de la beauté féminine d’une nouvelle époque » (Shin-jidai no fujin bi ni taisuru hiniku, 1929-1930)15.

22À la manière d’un montage d’inspiration dadaïste, il dépeint de manière mordante et schématique le visage composite d’une beauté féminine mi-japonaise mi-occidentale, si modan dans son hybridité qu’elle en devient confuse et illisible. Les yeux démesurément grands, les traits anguleux taillés en losange et encadrés par des cheveux coiffés pour moitié à la japonaise et pour autre moitié à l’occidentale forment une beauté féminine figurant un ensemble disparate et discordant, plutôt cocasse. Par ailleurs, l’appétence supposée de la femme moderne pour les plaisirs charnels est, quant à elle, également marquée : comme le précise le texte du dessin, la lèvre inférieure, épaisse, a pour vocation principale les baisers – nous y reviendrons.

Un manque patent de profondeur

Une vie jouée aux dés

23Le côté aventureux de la modan gâru est un autre type de reproche qui affleure dans les caricatures des années 1920 et 1930.

24Ono Saseo (1905-1954), un contributeur régulier à Tôkyô pakku qui s’illustra tout particulièrement dans la représentation des mœurs féminines au travers de dessins ero-guro-nansensu (« érotiques, grotesques, absurdes », relatifs aux mœurs décadentes urbaines de l’entre-deux-guerres et prenant plus particulièrement pour objet les femmes) très accrocheurs mais parfois aussi empreints d’une touche prolétarienne16, nous présente ainsi dans « Une vie jouée aux dés » (Daisu no jinsei, 1934)17 une modan gâru très sexy, sans limites, qui joue – témérairement ou inconséquemment – sa vie comme s’il s’agissait d’une simple partie de dés, alludant peut-être au nihilisme ambiant en ce temps-là où seul comptait pour certains l’instant présent et vécu par le biais de ses sens (Caricature 4) :

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Caricature 4

Une fille aux préoccupations frivoles

25La frivolité, la légèreté de la modan gâru, dont l’esprit était, disait-on, occupé uniquement à des préoccupations futiles, à des occupations divertissantes ne nécessitant aucun effort et accessibles immédiatement, est un autre motif récurrent dans la caricature de mœurs des années 1920 et 1930.

26Shimura Kazuo (?-?), qui appartenait très probablement à la mouvance prolétarienne18, dénonce cette insouciance mâtinée de désinvolture de la modan gâru dans « La pause-cigarette d’une moga » (Moga no ippuku, non daté)19. On y voit une moga aux traits grossiers, plutôt laide, assise dans un confortable fauteuil, les jambes croisées, qui réfléchit tout en allumant une cigarette. Le contenu de ses pensées, tournées uniquement vers le cinéma, la danse occidentale, un rendez-vous galant, une flânerie à Ginza – le quartier à la mode durant la période modan –, une partie de mahjong, un « patron » (un homme susceptible de l’entretenir), s’affiche au-dessus de sa tête.

Une critique de son embourgeoisement

27Fujiyama Tempo (?-?), quant à lui, dans un dessin également à caractère social intitulé « Ses larmes – elle pleure face à une illusion, mais ignore la réalité » (Kanojo no namida – gensô ni naki genjitsu ni usobuku, 1931)20, raille son hypocrisie tout en dénonçant sa nature bourgeoise et superficielle. Ce dessin en deux parties nous présente, à l’arrière-plan, une moga, les cheveux coupés au bol, qui assiste à une représentation de théâtre figurant une femme âgée mendiant dans la rue, devant laquelle passent d’innombrables personnes dont on ne voit que les jambes et qui se désintéressent visiblement de son sort. La moga pleure à chaudes larmes à la vue de cette scène. Au premier plan, on retrouve la même moga, marchant dans la rue, qui porte une robe allant jusqu’aux genoux, laissant entrevoir de manière translucide ses cuisses. Chapeautée, très maquillée, portant un collier avec un médaillon en forme de croix et tirant sur son fume-cigarette, elle passe devant une vieille mendiante et sa petite fille sans même leur jeter un regard.

Une inversion des attributs et des rôles genrés

28Si les exemples qui précèdent ironisent sur le caractère hégémonique du cinéma hollywoodien, de la culture du paraître ou encore du manque patent de profondeur de la modan gâru, d’autres dessinateurs s’interrogèrent sur l’inversion des attributs et des rôles genrés qui semblait affecter celle-ci et son alter ego, le modan bôi (ou mobo, de l’anglais modern boy).

Un physique équivoque et androgyne

29Cette inversion pouvait s’observer dans leur apparence physique, par exemple dans des cheveux coupés très courts soulignant le caractère masculin, tout du moins androgyne, de la modan gâru. Hosokibara Seiki illustre ce phénomène de manière encore plus parlante en dépeignant dans « Homme ? Femme ? » (Otoko ? Onna ?, 1928)21 un couple représentatif de moga et mobo (Caricature 5) :

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Caricature 5

30Tout en soulignant le côté fantasque voire grotesque de leur mise, il met bien en valeur l’antinomie entre une moga avec une coupe à la brosse très masculine et un mobo dont les cheveux longs, le large et délicat nœud de soie ainsi que le pantalon bouffant et évasé donnent un air efféminé de minet.

Une femme forte et dominatrice

31D’autres allèrent au-delà des attributs purement physiques pour mettre en avant chez les modan gâru qu’ils croquaient des tempéraments ainsi que des comportements habituellement propres à la gent masculine. Dans « Ne sous-estimez pas les femmes ! » (Onna nari anadoru na !, 1930)22, Ono Saseo recourt à l’humour pour figurer une modan gâru à poigne, capable de se défendre avec brio contre deux malfrats ayant voulu la molester. « La formation de la moga » (Moga no shûyô, 1928)23 d’Ikebe Hitoshi (1886-1969) dépeint une moga dominatrice et despotique attablée dans un café, un lieu trouble où les hommes se faisaient servir de l’alcool occidental par des serveuses (Caricature 6) :

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Caricature 6 (détail)

32La légende explique que « de la longueur d’un pouce, le serpent se sent déjà l’envie de gober les hommes » (ja wa sun ni shite, hito o nomu ki ari) dans un lieu qui ne seyait en aucune façon à une jeune fille de bonne famille, sous-entendant sans doute que la moga faisait dès son plus jeune âge déjà preuve de détermination et de fermeté. En effet, la serveuse de café nipponne, payée au pourboire, se transforma progressivement dans l’entre-deux-guerres en une séductrice professionnelle dont le service était caractérisé par des jeux de séduction et l’érotisme préfigurant l’hôtesse de bar de l’après-guerre24.

La vamp provocatrice et décadente

33Cet espace du café ou encore celui du dance hall (salle de danse à l’occidentale) sont présents dans d’autres caricatures où la moga fait montre de conduites jugées inconvenantes pour une femme, tantôt séductrice se mêlant ostensiblement au sexe opposé, tantôt provocatrice et décadente buvant de l’alcool et fumant la cigarette. En 1925, Kitazawa Rakuten signa l’un des premiers – si ce n’est le premier – manga figurant la modan gâru25 : « La femme aux cheveux courts et aux vêtements à l’occidentale » (Danpatsu yôsô no onna)26 (Caricature 7).

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Caricature 7

34Celui-ci fait référence à une affaire qui avait défrayé la chronique à l’automne de cette année : la fille d’un capitaine de vaisseau, âgée de dix-sept ans (seize, d’après le texte figurant à côté du dessin), Fukaya Aiko, avait fait feu sur son amant, un aristocrate italien nommé Ricci, après qu’il l’avait abusée dans une affaire impliquant la vente d’une bague de diamants. Le jour de sa comparution au tribunal, Aiko se présenta devant le juge en vêtements à l’occidentale, les cheveux coupés courts27. Le dessin montre, au premier plan, la modan gâru Aiko, insouciante, adoptant une pose affectée. Elle porte une robe à l’occidentale allant probablement jusqu’aux genoux. Ses cheveux sont coupés courts et surplombés d’un chapeau cloche. En bas à droite, un couple de respectables Japonais – un homme portant un costume trois pièces et une femme en kimono à l’allure très sobre – semblent s’offusquer de sa mise. Une bulle au-dessus de leurs têtes vient renforcer cette impression : elle illustre, semble-t-il, l’aspect répréhensible de mœurs trop dévoyées en représentant un couple vêtu à l’occidentale (dont l’homme serait occidental ?) qui danse dans un dance hall aux côtés d’un autre couple dessiné en forme d’une bouteille de champagne et d’une coupe. Autrement dit, ce dessin porte en lui un message d’avertissement contre certains des périls posés par la modan gâru aux yeux de ses contemporains : la fréquentation des dance halls, la consommation d’alcool, une promiscuité trop grande avec les hommes (qui plus est étrangers) et le spectre d’une sexualité libre et débridée. En bref, un mode de vie malsain et décadent, surtout pour une femme.

35Car, dans ses amours également, la modan gâru bousculait les rôles établis entre les sexes et menait la danse. Ainsi le célèbre Shimokawa Hekoten (1892-1973)28 signa-t-il en 1929 une série de cinq dessins consacrés à la modan gâru, « Cinq déclinaisons de la moga » (Moga go dai). Parmi eux, trois ont trait à la modan gâru japonaise. Le premier a pour titre « La moga professionnelle » (Puro moga)29. Il représente une jeune femme vêtue à la japonaise. Celle-ci, la tête légèrement penchée en avant, lance une œillade à un agent de police qui s’en trouve visiblement courroucé. À la lecture du texte explicatif, on comprend qu’il fait référence lui aussi à l’affaire Fukaya Aiko précédemment citée : celle-ci, en tant que « moga professionnelle », avait amadoué et séduit par son ingénue rouerie le président du tribunal qui l’avait jugée. Par contraste, une ouvrière en usine – la jeune femme du dessin – aurait tenté de mettre en œuvre le même stratagème envers un policier pour s’introduire dans la salle d’audience, mais aurait échoué. N’est pas « moga professionnelle » qui veut.

Une femme à la sexualité débridée et compulsive

36Mais le motif qui domine et qui revient sans cesse dans les caricatures de la modan gâru est la nature débridée et compulsive de sa sexualité.

Désinhibée, elle est une grande consommatrice d’hommes…

37Impudique et désinhibée, à la fois sujet et objet, elle s’offre en spectacle aux passants, comme dans « Fraîcheur » (Ryômi, 1929)30 d’Ono Saseo (Caricature 8) :

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Caricature 8

38Boulimique et insatiable, elle multiplie les partenaires. Elle s’adonnerait à l’amour, si on en croit Imoto Suimei (1893-1953), « plus de vingt-six heures par jour » (Caricature 9) :

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Caricature 9

Le siècle de l’amour (Ren.ai seiki). Les amours classiques que constitue l’amour platonique sont entièrement démodées. Et les modernes (kindaijin) s’adonnent à l’amour plus de vingt-six heures par jour, à un rythme trépidant, comme s’ils cherchaient à jouir intuitivement même des amours d’autrui [s’affichant] sur l’écran. Dans les grands magasins, les cafés, les salles de danse, les gares, les théâtres, les cinémas, les automobiles, les ascenseurs, etc., etc. 31

39Insaisissable, elle mène ses partenaires par le bout du nez. Comme on le constate par exemple dans « Magie de la fumée » (Kemuri no majutsu, 1933) d’Ono Saseo32, l’homme est tout au plus un objet sexuel avec lequel elle se plaît à jouer, le consommant sans vergogne (Caricature 10) :

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Caricature 10

40Un dessin anonyme, « L’étang de pêche » (Tsuribori, 1930)33, l’illustre de manière frappante dans une scène burlesque où la gent féminine fait état de son entière domination sur le sexe opposé, puisqu’il figure deux modan gâru qui harponnent – au sens propre tout comme au sens figuré du terme – des hommes minuscules et quémandeurs de faveurs, comme dans un grossier jeu de foire, pour ensuite les consommer sans vergogne. La conversation des deux femmes est rapportée dans la légende :

« – Ces poissons, nous devrions tous pouvoir les attraper à l’aide d’une ligne.
– Regarde-moi (ore) : j’en ai à nouveau pêché un (ippiki) ! »

41Le vocabulaire utilisé ici est tout sauf anodin. Ainsi ore est-il un pronom personnel signifiant « je » ou « moi », mais il est généralement réservé aux hommes. Ensuite, le spécificatif numérique hiki (transformé dans le cas présent en piki, par euphonie) sert d’ordinaire à dénombrer des animaux. L’effet voulu par le dessinateur consiste, par conséquent, à viriliser les modan gâru de la caricature tout en ôtant toute humanité aux hommes dépeints. Ceux-ci sont réduits au statut de bêtes, de numéros pour lesquels elles n’éprouvent manifestement aucune empathie. D’autres dessins de la série « Cinq déclinaisons de la moga » de Shimokawa Hekoten mettent en avant la même chose. C’est par exemple le cas de « La moga de gare – station » (Teishajô – sutêshon – moga), dont le texte dit :

Alias la moga de style Junko. Elle prend les hommes pour des gares et passe de l’un à l’autre. Un train rapide express ne s’arrête que dans une ou deux gares, mais la moga de gare va jusqu’à stopper dans celles insignifiantes, enchaînant cinq, huit, dix hommes. Elle n’agit évidemment ainsi que dans ses jeunes années, se voyant éconduite en prenant de l’âge.34

42Le manga dépeint en gros plan une modan gâru vêtue d’un kimono, mais aux cheveux légèrement ondulés et coupés courts. Un de ses bras est levé. Sa bouche maquillée est entrouverte, lui conférant un air lascif. Derrière elle sont représentés deux hommes, l’un en kimono et l’autre en costume, tous deux portant une petite pancarte autour du cou – comme s’ils n’étaient que de simples marchandises. Le texte mentionne ironiquement une « moga de style Junko », une véritable mangeuse d’hommes, qui enchaîne les amants comme un train local enchaîne les petites gares, y compris les plus « insignifiantes ». Elle se comporte avec eux comme avec des marchandises au sein d’une société de consommation – qui était alors, rappelons-le, en plein essor au Japon – : elle les jette une fois repue.

43Ce faisant, briseuse de ménages, elle pouvait constituer une menace pour l’institution de la famille, comme la portraiture Ono Saseo dans « Cou ! » (Kubi !, 1930)35 (Caricature 11) :

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Caricature 11

… voire une nymphomane

44Kobayashi Kiyoshi (?-?) laisse même entendre, dans « Les affaires de la moga » (Moga-san no mochimono, 1928)36, qu’elle serait nymphomane. Ce dessin, qui s’inspire très vraisemblablement du caricaturiste allemand George Grosz (1893-1959) tant dans son caractère érotique que dans l’effet de transparence qui dévoile ses seins ainsi que ses possessions : un usuel d’anglais « pour pouvoir prétendre être intelligente », un grigri d’enfant, des lettres d’amour « pour se débarrasser d’un homme trop insistant », un aphrodisiaque, une bande pour les seins, du chocolat, une fausse carte de visite « pour passer pour une jeune fille de bonne famille37 », un préservatif, une reconnaissance de mise en gage. Ono Saseo fait appel au même procédé dans « La modan gâru passée aux rayons X » (X kôsen ni kakatta modan gâru, 1929)38 (Caricature 12).

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Caricature 12

45On y voit une jeune femme assise, vue de profil, les cheveux coupés court à la Louise Brooks, maquillée telle une vamp. Elle porte un très gros solitaire et des boucles d’oreilles. Des hommes, minuscules, se pressent devant elle, déployant un numéro de charme pour la séduire, mais finissent par chuter et dégringoler le long de son bras. À l’intérieur de son corps, un diamant, le signe du dollar, un billet de cent yens. Son estomac, qui contient du whisky, de la patate grillée, du Kuroyaki39 et du Tokkapin, des préparations médicinales prétendument aphrodisiaques – une publicité de janvier 1927 vantait le Tokkapin comme permettant « la régénération de la fonction génitale et l’accroissement de la vigueur »40 –, témoigne d’une vie peu saine. Dans son utérus, la « deuxième génération des Modernes », des fœtus monstrueux, aux yeux de batraciens, d’un mobo et d’une moga.

La femme vénale qui monnaye ses faveurs

46Le matérialisme d’une modan gâru dévoyée par la culture bourgeoise consumériste ainsi que son appétence pour l’argent, que l’on relève d’ailleurs dans la dernière caricature présentée, sont dénigrés par de nombreux dessinateurs.

De la bourgeoise entretenue…

47« Scène d’amour entre ‘lui’ et la modan gâru » (‘Kare’ to modan gâru to no ravu shîn, 192?)41 de Yanase Masamu (1900-1945), une grande figure de la caricature prolétarienne aussi très influencée par les dessins érotiques et grotesques du caricaturiste allemand George Grosz42, propose une critique féroce de la bourgeoise entretenue. Il figure un homme-pantin squelettique et désarticulé, transformé en antenne et haut-parleur de radio par une modan gâru bien en chair et en déshabillé, soupesant d’une main une bourse gonflée d’argent. Elle ne lui conte fleurette que pour mieux le déposséder de son argent (Caricature 13).

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Caricature 13

48Le personnage du bourgeois d’âge mûr, obèse et veule, dont l’opulence attire de fraîches jeunes femmes lui servant de faire-valoir, est un autre motif venant illustrer cette idée. On le retrouve dans « Promenade du bourgeois » (Burujoa no sanpo, 1928)43 de Yagihara Shôichi (1908-1994). Ce dernier représente vraisemblablement une stekki gâru (de l’anglais stick girl, « fille canne ») – une jeune femme qui escortait un homme dans la rue contre rétribution – très sexy, en uniforme de lycéenne, se déhanchant avec afféterie aux côtés de son client. Plus lapidaire et efficace encore est le dessin de Tôgô Seiji (1897-1978) qui dépeint deux modan gâru tenues par la taille par un fier bourgeois. Vu son âge, cet homme pourrait aisément passer pour leur géniteur. Toutefois, le titre du dessin, « Ce ne sont pas des ‘filles accompagnées de leur père’ » (‘Musume to sono chichi’ dewaarimasen, 1931)44, offre un démenti formel et lapidaire. Le lecteur comprend ainsi que Tôgô sous-entend ici que ces jeunes filles aux mœurs légères nouaient (déjà !) des liens proches de ce que l’on nomme aujourd’hui dans la société japonaise des « relations assistées » (enjo kôsai) consistant pour une adolescente à monnayer quelques heures passées en compagnie d’un homme, souvent entre deux âges, contre de l’argent ou des cadeaux plus ou moins somptueux.

… à la fille de joie

49Parfois, la modan gâru est présentée sans ambages ni détours sous les traits d’une prostituée, comme dans « Un frère et une sœur prolétaires » (Aru puroretariya no kyôdai, 1929)45 de Harada Shôzô (?-?). Ce dessin illustre de manière grinçante le dilemme auquel fait face une jeune femme soi-disant « prolétaire », mais surtout intéressée par l’argent. Tandis que son frère aîné, tenant un ouvrage de Marx entre ses mains, prêche la destruction de l’organisation sociale capitaliste, elle, en liquette, assise devant un miroir, se farde lourdement et lui rétorque : « Si les fils à papa bourgeois venaient à disparaître, ce serait la fin de mes affaires ! ». L’on retrouve ce motif dans « La ville reverdie » (Shinryoku no machi, 1929)46 d’Ono Saseo (Caricature 14) ou encore dans « La ville » (Tokai, 1930)47 d’Okamoto Tôkio dit Okamoto Tôki (1903-1986) –– des dessins à caractère érotique et grotesque où l’on sent encore nettement l’influence de George Grosz.

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Caricature 14

50Le dessin d’Okamoto, un des membres fondateurs de la Fédération japonaise des arts prolétariens (Nihon puroretaria bijutsu-ka dômei), figure un couple dans la rue –– un bourgeois, peut-être enrichi grâce à la reconstruction de Tôkyô après le tremblement de terre du 1er septembre 1923, et une prostituée dont on voit les seins et le sexe par effet de transparence –, dans une ambiance rougeoyante et sombre de fin d’époque. Publié en mars 1930, il fait aussi écho de façon critique aux ravages de la crise économique mondiale qui se firent sentirent cette année-là au Japon, en dépeignant en arrière-plan des hommes à terre ainsi qu’une masse de chômeurs, alors même que l’on s’apprêtait à fêter en grande pompe le 24 du mois l’achèvement de la renaissance de la capitale de ses cendres (Teito fukkô sai).

En guise de conclusion

51Au travers de l’étude de ces quelques caricatures mettant en scène la modan gâru, l’on constate que se dessine une image composite de cette figure féminine de la modernité japonaise, mêlant attributs physiques japonais et occidentaux, mais que s’esquisse surtout aussi en arrière-plan une peinture de la société urbaine de l’époque se doublant d’une critique mordante de la philosophie et des mœurs qui la gouvernaient. Cette image composite et ces critiques se retrouvent, en grande part, dans les écrits que produisirent sur elle les contemporains de la modan gâru48.

52S’il s’agissait d’identifier des constantes parmi elles, la première qui affleurerait à notre esprit serait le caractère insolite, voire profondément perturbant de la modan gâru. Insolite, car elle jurait physiquement par rapport à la Japonaise « traditionnelle ». Perturbante, ensuite, dans la propension qu’elle avait, obstinément, à bousculer l’ordre et la morale établis que ce soit en inversant, sciemment ou non, les codes entre les sexes et les rôles leur étant ordinairement associés, ou tout simplement dans la liberté et la hardiesse nihilistes dont elle faisait preuve. L’on relève à cet égard, dans nombre de dessins, un parfum de scandale dans son sillage, laissant sourdre comme une insondable angoisse. En effet, cette femme est fréquemment dépeinte comme envisageant l’espace public comme un lieu où, pleinement actrice de sa vie, elle pouvait sans retenue laisser cours à ses désirs tout en suscitant le désir, dangereusement proche des hommes, à la fois artificielle et autre dans son apparence et sa conduite. Or, et c’était là tout le problème, sa sexualité n’était ni maintenue dans le cadre marital ni même bridée : en conséquence, la modan gâru, fleur superbe mais vénéneuse, constituait un risque pour l’ordre établi comme le devint une Fukaya Aiko poussée au crime par ses vils instincts. Ceci était d’autant plus vrai que la modan gâru suscitait la fascination et pouvait faire office de modèle à suivre. Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard, d’ailleurs, si certains dessinateurs la croquèrent arme au poing et menaçante.

53Dans le même temps, à la fois spectatrice et attraction du spectacle de la vie modan, elle était en elle-même aussi un objet de la concupiscence masculine susceptible d’engendrer de fortes réponses pulsionnelles, son image oscillant dans la représentation fantasmée que la société avait d’elle entre celle de la femme modan et de la prostituée de rue. À cet égard perce également parfois dans les dessins une forme de réquisitoire d’inspiration marxiste ou anarchiste dénonçant un corps chosifié et marchandisé, symbole de la décadence du capitalisme ou alors vulgaire poupée servant à assouvir les ardeurs masculines, ce qui révèle assurément une intéressante accusation de convergence des intérêts capitalistes et patriarcaux dans la construction de la féminité moderne : une féminité moderne inféodée et manipulée.

Notes de bas de page numériques

1 CONOR Liz, The Spectacular Modern Woman - Feminine Visibility in the 1920s, Bloomington, Indiana University Press, 2004, p. 7.

2 Le terme manga est fréquemment utilisé dans un sens plus général au Japon, englobant à la fois le dessin de presse, la caricature et la bande dessinée. Dans le présent travail, ce sont les deux premières acceptions du mot que nous retiendrons. De manière à simplifier notre propos et à éviter une trop grande répétition des mêmes termes, nous utiliserons indifféremment les termes « manga », « caricature », « dessin humoristique » ou encore « dessin satirique ».

3 DUUS Peter, « Presidential Address : Weapons of the Weak, Weapons of the Strong – The Development of the Japanese Political Cartoon », The Journal of Asian Studies 60 (4), November 2001, p. 995.

4 ISHIKO Jun, Nihon manga shi (Histoire du manga japonais), premier volume, Tôkyô, Ôtsuki shoten, 1979, p. 84. Nous ne disposons pas de chiffres plus récents, la tâche du chercheur étant compliquée par les réticences des éditeurs de l’époque à révéler les chiffres réels des tirages de leurs revues.

5 L’indéfrisable, considéré comme appartenant à la catégorie des « vêtements et toilette ostentatoires » (fuka naru fukusô keshô), fut interdit en 1939. Des associations féminines conservatrices de ce temps-là promouvaient en outre tout bonnement l’abandon des cheveux ondulés par les femmes. D’après SHIMIZU Isao (éd.), Manga ni egakareta Meiji – Taishô – Shôwa (Meiji – Taishô – Shôwa décrits dans les manga), Tôkyô, Kyôikusha, 1988, p. 197.

6 Source : Jiji shinpô, décembre 1922, réimprimé dans SHIMIZU Isao (éd.), Manga ni egakareta Meiji – Taishô – Shôwa (Meiji – Taishô – Shôwa décrits dans les manga), Tôkyô, Kyôikusha, 1988, p. 147.

7 Ce style, qui connaîtra un vif succès auprès du public, sera repris par nombre de caricaturistes de l’ère Taishô et du début de celle de Shôwa (SHIMIZU Isao (éd.), Okamoto Ippei manga manbun shû (Recueil de manga-manbun d’Okamoto Ippei), Tôkyô, Iwanami shoten, [1995] 2005, p. 8, p. 12). En conséquence, cela élèvera pour beaucoup de Japonais le dessin populaire satirique – qui sera désormais communément désigné sous le terme de manga – au rang d’art à part entière (Ibid., p. 13).

8 Source : OKAMOTO Ippei, Ippei zenshû 5 (Œuvres complètes d’Ippei 5), Tôkyô, Senshinsha, 1929-1930, p. 227.

9 Source : YODA Shûichi (éd.), Gendai manga taikan : gendai sesô manga (Encyclopédie du manga contemporain 1 : manga sur les mœurs contemporaines), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1928, p. 30.

10 Source : Manga man, mai 1930, réimprimé dans SHIMIZU Isao (éd.), Manga zasshi hakubutsukan 10 : Manga man (Musée de revues de manga 10 : Manga man), Tôkyô, Kokusho kankôkai, 1987, p. 48.

11 Source : YODA Shûichi (éd.), Gendai manga taikan : gendai sesô manga (Encyclopédie du manga contemporain 1 : manga sur les mœurs contemporaines), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1928, p. 3.

12 Source : YODA Shûichi (éd.), Gendai manga taikan : gendai sesô manga (Encyclopédie du manga contemporain 1 : manga sur les mœurs contemporaines), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1928, p. 36.

13 Le meisen est une étoffe de soie grossière, utilisée pour façonner des kimonos, des haori (manteau ample et court porté au-dessus d’un kimono) ou encore des tissus d’ameublement. Relativement bon marché, elle fut très populaire parmi les femmes et les enfants des classes populaire et moyenne dans le Japon de l’époque moderne. La production de ce type de tissus connut une petite révolution vers le milieu de l’ère Taishô suite à l’invention de la technique de tissage hogushi-ori, équivalente à celle du tissage chiné, qui consistait à teindre les motifs sur des tissus où les fils de trame étaient mis provisoirement pour fixer les fils de chaîne, puis de retirer ces fils de trame provisoires pour les remplacer par des fils définitifs. Cette technique permit de réaliser des motifs bien plus complexes, bigarrés et d’inspiration occidentale – ceux qu’affectionnaient notamment les modan gâru. Pour plus de précisions sur les kimonos en meisen, voir par exemple ASHIKAGA SHIRITSU BIJUTSUKAN (Ashikaga Museum of Art) (éd.), Vivid Meisen. Kimono Avant-Garde in the Early 20th CenturyVivid meisen. Kirameki kimonotachi ‘Taishô roman’ kara ‘Shôwa modan’ e (Le meisen vif. Kimonos chatoyants du ‘romantisme de Taishô’ au ‘modan de Shôwa’), Tôkyô, Seigensha, 2016.

14 Source : TAGUCHI Kyôjirô (éd.), Gendai manga taikan : onna no sekai (Encyclopédie du manga contemporain 9 : le monde des femmes), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1929, p. 97.

15 Source : OKAMOTO Ippei, Ippei zenshû 5 (Œuvres complètes d’Ippei 5), Tôkyô, Senshinsha, 1929-1930, p. 126, réimprimé dans SHIMIZU Isao, Okamoto Ippei manga manbun shû (Recueil de manga-manbun d’Okamoto Ippei), Tôkyô, Iwanami shoten, [1995] 2005, p. 150-151.

16 Il rejoignit en 1928 la Fédération des caricaturistes japonais (Nihon manga-ka renmei) d’obédience prolétarienne, formée en 1926 autour de Yanase Masamu (1900-1945) et de Murayama Tomoyoshi (1901-1977) entre autres. Grandement influencé par le peintre français Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), puis par le caricaturiste allemand George Grosz (1893-1959) – il fit l’acquisition de son célèbre album Ecce homo (1923) –, il livra également bon nombre de dessins satiriques à Tôkyô pakku, mais également aux revues Josei ou encore Modan Nihon (Le Japon modan). Il s’illustra tout particulièrement dans la représentation des mœurs féminines au travers de dessins ero-guro-nansensu très accrocheurs mais parfois aussi empreints d’une touche prolétarienne – bien qu’il ne revendiquât jamais publiquement appartenir à cette mouvance –, fusionnant habilement deux tendances a priori incompatibles pour beaucoup d’artistes prolétariens partisans du réalisme socialiste aux yeux desquels l’ero-guro-nansensu relevait d’une tendance bourgeoise et décadente qu’il fallait combattre. Toutefois, retournant sa veste comme un grand nombre de caricaturistes japonais suite aux offensives répétées du pouvoir contre des écrivains et artistes marqués à gauche, il soutint dès la toute fin des années 1930 le régime militariste : il contribua alors à la revue collaborationniste Bakku shô (Back show) fondée en 1940. L’année suivante, il fut envoyé en Indonésie sur l’île de Java en tant que correspondant de presse officiel de l’empire. Une partie de son travail consista également à illustrer des matériaux de propagande. D’après Dejitaruban. Nihon jinmei daijiten (Grand dictionnaire biographique du Japon, édition électronique), Tôkyô, Kôdansha, 2009. Ouvrage accessible en ligne sur le site Kotobank.jp à l’adresse URL : https://kotobank.jp (édition électronique) ; SHIMIZU Isao (éd.), Manga zasshi hakubutsukan 9 : Tôkyô pakku 3 – Shôwa-ki (Musée de revues de manga 9 : Tôkyô pakku 3 : période Shôwa), Tôkyô, Kokusho kankôkai, 1986, p. 212-213 ; ADACHI Gen, « Ono Saseo. Gyakusetsu no manga-ka – kûdan-ka » (Ono Saseo. Manga-ka – doctrinaire paradoxal), dans TÔKYÔ BUNKAZAI KENKYÛJO (CENTRE DE RECHERCHES SUR LES BIENS CULTURELS DE TÔKYÔ) (éd.), Shôwa-ki bijutsu tenrankai (Les expositions artistiques de la période de Shôwa), Tôkyô, Chûô kôron bijutsu shuppan, 2009, p. 329, 331, 332, 337, 338 ; ADACHI Gen, « Puroretaria bijutsu to ero-guro-nansensu » (Art prolétarien et ero-guro-nansensu), dans MEIJI BIJUTSU GAKKAI (Société des beaux-arts de Meiji) (éd.),  Kindai ga setsu (Principes de la peinture moderne), Tôkyô, Meiji bijutsu gakkai, 2006, p. 20-21, 28 ; ADACHI Gen, « Ono Saseo. Imêji no hanpuku ni tsuite » (Ono Saseo. De la réitération de l’image), dans ONO SASEO-TEN JIKKÔ IINKAI – KAWASAKI-SHI OKAMOTO TARÔ BIJUTSUKAN (eds), Moga on parêdo – Ono Saseo to sono jidai (Moga en parade – Ono Saseo et son temps), Tôkyô, Iwanami shoten, 2012, p. 115  ; ADACHI Gen (éd.), « Ono Saseo nenpu » (Ono Saseo. Une chronologie), dans ONO SASEO-TEN JIKKÔ IINKAI – KAWASAKI-SHI OKAMOTO TARÔ BIJUTSUKAN (eds), Moga on parêdo – Ono Saseo to sono jidai (Moga en parade – Ono Saseo et son temps), Tôkyô, Iwanami shoten, 2012, p. 24-25, 39. Sur la réception des œuvres de George Grosz au Japon, voir ISHIDA Keiko, « 1920-30 nendai Nihon ni okeru Jôji Gurosu no juyô o megutte » (Sur la réception de George Grosz dans le Japon des années 1920-30), Kokusai bunkagaku kenkyû 45 (Kôbe daigaku daigakuin kokusai bunkagaku kenkyûka), décembre 2015, p. 1-25.

17 Source : couverture de Tôkyô pakku, février 1934.

18 Nous n’avons pas trouvé d’éléments biographiques précis et sûrs à son sujet, si ce n’est que la graphie originelle de son prénom est Kazuo et qu’il publia une caricature à caractère politique du Premier ministre d’alors, Tanaka Giichi (1864-1929), dans le numéro de juin 1928 de la revue Senki (L’étendard), l’organe de la Fédération artistique des prolétariens japonais ou Nappu. Voir Senki, juin 1928, p. 86.

19 Source : OGI Shinzô – HAGA Tôru – MAEDA Ai (eds), Tôkyô kûkan 1868-1930 3 : modan Tôkyô (Les espaces tôkyôïtes 1868-1930 3 : Tôkyô modan), Tôkyô, Chikuma shobô, 1979, p. 108.

20 Source : Tôkyô pakku, septembre 1931, réimprimé dans SHIMIZU Isao (éd.), Manga ni egakareta Meiji – Taishô – Shôwa (Meiji – Taishô – Shôwa décrits dans les manga), Tôkyô, Kyôikusha, 1988, p. 163.

21 Source : YODA Shûichi (éd.), Gendai manga taikan : gendai sesô manga (Encyclopédie du manga contemporain 1 : manga sur les mœurs contemporaines), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1928, p. 28.

22 Source : SHIMIZU Isao (éd.), Manga zasshi hakubutsukan 9 : Tôkyô pakku 3 – Shôwa-ki (Musée de revues de manga 9 : Tôkyô pakku 3 – période Shôwa), Tôkyô, Kokusho kankôkai, 1986, p. 85.

23 Source : YODA Shûichi (éd.), Gendai manga taikan 1 : gendai sesô manga, op. cit. YODA Shûichi (éd.), Gendai manga taikan : gendai sesô manga (Encyclopédie du manga contemporain 1 : manga sur les mœurs contemporaines), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1928, p. 37.

24 Pour plus de précisions sur ce point, voir par exemple SCHAAL Sandra, « Dramaturgie urbaine et théâtralité dans les cafés du Japon moderne », dans MURAKAMI-GIROUX Sakae – TSAMADOU-JACOBERGER Irini (textes réunis et présentés par), Théâtralité(s) – Tradition et innovation, Arles, Philippe Picquier, 2015, p. 185-216.

25 Les premiers écrits décrivant la modan gâru japonaise remontent à 1925. Nii Itaru (1888-1951), un ancien journaliste devenu critique social, fut le premier à s’intéresser à elle. Il écrivit cette même année un ouvrage sur l’« esprit moderne » intitulé Dissection de l’esprit moderne. L’un de ses chapitres, intitulé « Modan gâru no rinkaku » (Les contours de la modan gâru), sortit dans le numéro d’avril du mensuel féminin Fujin kôron (La tribune des femmes).

26 Source : Jiji manga, octobre 1925, réimprimé dans MAEDA Ai – SHIMIZU Isao (eds), Taishô kôki no manga : kindai manga VI (Les manga de la seconde moitié de Taishô : manga modernes VI), Tôkyô, Chikuma shobô, 1986, p. 80.

27 MAEDA Ai – SHIMIZU Isao (eds), Taishô kôki no manga : kindai manga VI, (Les manga de la seconde moitié de Taishô : manga modernes VI), Tôkyô, Chikuma shobô, 1986, p. 80.

28 Shimokawa Hekoten entama en 1912 une carrière de manga-ka professionnel grâce à l’aide de son « maître » Kitazawa Rakuten et contribua ensuite à de très nombreux journaux et revues, dont le Rakuten pakku que ce dernier venait de fonder, ou encore les quotidiens Chûô shinbun et Yomiuri shinbun. Influencé notamment par le caricaturiste allemand George Grosz, il produisit nombre de dessins satiriques politiques, mais aussi des dessins inspirés par la mouvance ero guro nansensu. Par ailleurs, il est également célèbre pour avoir conçu en 1917 le premier film d’animation japonais. L’usage veut d’ailleurs que son prénom se lise Hekoten lorsque l’on évoque sa carrière de caricaturiste et Ôten lorsque l’on parle de son travail en tant que créateur de films d’animation. D’après SHIMIZU Isao, « Shimokawa Hekoten (1892-1973) », dans MAEDA Ai – SHIMIZU Isao (eds), Taishô kôki no manga : kindai manga VI, (Les manga de la seconde moitié de Taishô : manga modernes VI), Tôkyô, Chikuma shobô, 1986, p. 76-77 ; SHIMIZU Isao, Manga no rekishi (Histoire du manga), Tôkyô, Iwanami shoten, 1991, p. 196 et p. 10 du glossaire de notices biographiques des personnes liées aux manga qui figure dans le même ouvrage ; ITÔ Ippei, Nihon shinbun manga shi (Histoire du manga de presse japonais), Tôkyô, Zôkeisha, 1980, p. 85-97.

29 Source : TAGUCHI Kyôjirô (éd.), Gendai manga taikan : onna no sekai (Encyclopédie du manga contemporain 9 : le monde des femmes), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1929, p. 58.

30 Source : dernière de couverture de Tôkyô pakku, août 1929.

31 Source : TAGUCHI Kyôjirô (éd.), Gendai manga taikan : onna no sekai (Encyclopédie du manga contemporain 9 : le monde des femmes), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1929, p. 43.

32 Source : couverture de Tôkyô pakku, octobre 1933.

33 Source : KONDÔ Rikio (éd.), Manga manbun. Sesô hyakutai (Manga manbun. États divers des mœurs), Tôkyô, Shûbunsha, 1930, réimprimé dans YONEMURA Miyuki (éd.), Korekushon modan toshi bunka 39 : Manga (Collection culture urbaine modan 39 : Manga), Tôkyô, Yumani shobô, 2008, p. 162.

34 Source : TAGUCHI Kyôjirô (éd.), Gendai manga taikan : onna no sekai (Encyclopédie du manga contemporain 9 : le monde des femmes), Tôkyô, Chûô bijutsusha, 1929, p. 59.

35 Source : Tôkyô pakku, juillet 1930, réimprimé dans ONO SASEO-TEN JIKKÔ IINKAI (comité d’organisation de l’exposition Ono Saseo) – KAWASAKI-SHI OKAMOTO TARÔ BIJUTSUKAN (musée Okamoto tarô de la ville de Kawasaki) (eds), Moga on parêdo – Ono Saseo to sono jidai (Moga en parade – Ono Saseo et son temps), Tôkyô, Iwanami shoten, 2012, p. 27.

36 Source : SHIMIZU Isao (éd.), Manga ni egakareta Meiji – Taishô – Shôwa (Meiji – Taishô – Shôwa décrits dans les manga), Tôkyô, Kyôikusha, 1988, p. 162.

37 SHIMIZU Isao (éd.), Manga ni egakareta Meiji – Taishô – Shôwa (Meiji – Taishô – Shôwa décrits dans les manga), Tôkyô, Kyôikusha, 1988.

38 Source : Tôkyô pakku, février 1929, réimprimé dans ONO SASEO-TEN JIKKÔ IINKAI – KAWASAKI-SHI OKAMOTO TARÔ BIJUTSUKAN (eds), Moga on parêdo – Ono Saseo to sono jidai (Moga en parade – Ono Saseo et son temps), Tôkyô, Iwanami shoten, 2012, p. 24.

39 Préparation souvent artisanale – mais aussi commercialisée –, qui résulte de l’incinération d’un couple de tritons mâle et femelle dans un récipient en terre cuite. Voir HILDBURGH W. L., « Notes on Some Japanese Majinai Connected with Love (I) », Man 15, 1915, p. 168-172.

40 Une publicité parue dans Tsûzoku igaku (Médecine populaire) de janvier 1927 vantait le Tokkapin comme permettant « la régénération de la fonction génitale et l’accroissement de la vigueur ». Elle est réimprimée dans FRÜHSTÜCK Sabine, Colonizing Sex. Sexology and Social Control in Modern Japan, Berkeley – Los Angeles – London, University of California Press, 2003, fig. 11 p. 171.

41 Source : Tôkyô pakku, décembre 1930, réimprimé dans MAEDA Ai – SHIMIZU Isao (eds), Taishô kôki no manga : kindai manga VI, (Les manga de la seconde moitié de Taishô : manga modernes VI), Tôkyô, Chikuma shobô, 1986, p. 61.

42 Également peintre et poète, Yanase Masamu (Shôroku de son véritable prénom) publia en 1929 un recueil de ses œuvres ayant pour titre Musan kaikyû no gaka Georuge Gurossu (George Grosz, le peintre du prolétariat). D’après Nihon daihyakka zensho (Nipponika) (La grande encyclopédie du Japon (Nipponica)), Tôkyô, Shôgakukan, 1984-1989 (édition pour dictionnaire électronique) ; WEISENFELD Gennifer, « Mavo’s Conscious Constructivism: Art, Individualism, and Daily Life in Interwar Japan », Art Journal 55 (3), Autumn 1996, p. 64, 66 ; ONO Saseo, « Japanese Cartoons Through the Ages », XXth Century 58 (2), 1942, p. 294 ; HAMMOND Jeff M., « The Many Reinventions of Masamu Yanase », The Japan Times, 12 mars 2014. Article accessible en ligne à l’adresse URL : https://www.japantimes.co.jp/culture/2014/03/12/arts/the-many-reinventions-of-masamu-yanase/#.WhVCXkIQ6Qs [consulté le 12 novembre 2017].

43 Source : Tôkyô pakku, juillet 1928, réimprimé dans OGI Shinzô – HAGA Tôru – MAEDA Ai (eds), Tôkyô kûkan 1868-1930 3 : modan Tôkyô (Les espaces tôkyôïtes 1868-1930 3 : Tôkyô modan), Tôkyô, Chikuma shobô, 1979, p. 108.

44 Source : Yomiuri sandê manga, 5 juillet 1931, réimprimé dans SHIMIZU Isao (éd.), Manga zasshi hakubutsukan 12 : Yomiuri sandê manga (Musée de revues de manga 12 : Yomiuri sandê manga), Tôkyô, Kokusho kankôkai, 1987, p. 58.

45 Source : Tôkyô pakku, novembre 1929, réimprimé dans ADACHI Gen, « Manga kara miru puroretaria bunka undô » (Les mouvements culturels prolétariens vus à partir des manga), Ritsumeikan gengo bunka kenkyû, janvier 2011, p. 38.

46 Source : couverture de Tôkyô pakku, mai 1929.

47 Source : dernière de couverture de Tôkyô pakku, mars 1930. Ce dessin n’est pas signé du nom d’Okamoto Tôki, mais de celui de Miura Shun, un autre de ses pseudonymes.

48 Pour plus de précisions sur ce point, voir SCHAAL Sandra, La garçonne japonaise : représentations discursives et fantasmatiques d’une icône moderne, mémoire inédit présenté pour l’Habilitation à diriger des recherches et soutenue le 21 septembre 2018 à l’Université Lyon 3 Jean Moulin.

Pour citer cet article

Sandra Schaal, « Amorce d’une anatomie d’une satire morale : la garçonne japonaise dans les caricatures de mœurs des années 1920 et 1930 », paru dans Loxias-Colloques, 16. Représentations littéraires et artistiques de la femme japonaise depuis le milieu du XIXe siècle, Amorce d’une anatomie d’une satire morale : la garçonne japonaise dans les caricatures de mœurs des années 1920 et 1930, mis en ligne le 21 avril 2020, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1549.


Auteurs

Sandra Schaal

Sandra Schaal est MCF-HDR au Département d’études japonaises de l’Université de Strasbourg. Spécialiste de sociologie et d’histoire culturelle, ses recherches portent sur l’industrialisation et la modernité japonaises, et sur les représentations des femmes du Japon moderne et contemporain. Elle a notamment signé Corps et message. De la structure de la traduction et de l’adaptation (avec S. Murakami-Giroux, P. Picquier, 2019) et Éducations sentimentales. Normes et représentations des relations amoureuses et sexuelles en contextes orientaux (avec M. Bizais-Lillig, PUS, 2019).