Loxias-Colloques |  11. Corps, son et technologies entre théories et pratiques |  Première partie : Les scènes du corps sonore 

Violaine Anger  : 

Le gaz et le diorama : la pensée sonore du corps et la technologie de la première révolution industrielle

Résumé

Les nouvelles technologies du XIXe siècle sont, au théâtre, le gaz et le diorama. Par le réalisme qu’ils permettent, ils transforment le rapport à la scène. Celle-ci doit promouvoir une expérience audio-visuelle nouvelle, dans laquelle le corps des chanteurs doit trouver une nouvelle place. L’article s’attache à évoquer le contexte dans lequel ces technologies émergent et cherche ensuite à situer ce rapport à la scène dans une histoire plus longue, du baroque au numérique. Il pose enfin quelques pistes pour appréhender l’impact du style d’un compositeur sur sa conception du corps.

Abstract

Gaz and diorama are the new technologies at the beginning of the XIXth century. They allow a new realism on stage and oblige the artists to think a new visual and auditive experience. There, the body of the singer receives new features. The paper evokes the historical context in which these technologies emerge. Moreover, it tries to situate them in a larger history, from baroque to digital. Then, it tries to situate the musical style in relation to the implicit conception of the body that is thus constructed.

Index

Mots-clés : Meyerbeer (Giacomo) , opéra, réalisme, scène, symbolisme

Géographique : Allemagne , France

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

1La technologie transforme l’expérience subjective. Ni élément neutre qu’il suffirait de bien utiliser, ni évolution nécessaire que l’on doit assimiler sous peine de périr, la technologie est d’abord le fruit d’un imaginaire, d’un rapport au monde et d’une anthropologie. En retour, elle transforme le monde, la société et le sujet humain : la manière dont ce dernier appréhende son corps est une façon privilégiée de le comprendre. L’expérience artistique, et musicale en particulier, partage ces caractéristiques avec la technologie.

2La première révolution industrielle, au tournant du xixe siècle, a vu, entre autres nouveautés, la maîtrise technique du gaz et sa diffusion pour l’éclairage des villes, ainsi que le contrôle des effets chimiques de la lumière. Nous ne chercherons pas ici à inscrire ces évolutions dans un imaginaire historiquement situé mais à en détecter quelques conséquences sur la constitution de la subjectivité. L’opéra, toujours avide d’utiliser les nouveautés technologiques, est un lieu privilégié pour apprécier la façon dont elles résonnent avec la musique. Nous chercherons donc ici à comprendre ce que les nouvelles technologies du début du xixe siècle transforment du sujet humain et de son corps à l’opéra, c’est-à-dire au sein d’une expérience musicale. Il faudra d’abord préciser de quelles technologies il s’agit, avant de comprendre comment, face à ce tournant culturel, les différents compositeurs proposent des réponses stylistiques différentes, chaque style travaillant un choix anthropologique, une conception de l’homme, c’est-à-dire une pensée sonore du corps.

Une nouvelle technologie

3Dans les années 1830-1840, le Grand opéra et en particulier l’œuvre de Giacomo Meyerbeer se déploie sur un fond technologique tout à fait nouveau. Deux orientations différentes peuvent être relevées, quant à l’ouïe et à la vue. La première, essentielle, touche ce que l’on voit. À partir des années 1820 en effet, on cherche par tous les moyens à donner l’impression d’un réalisme maximal à ce qui est représenté sur la scène, réalisme qui va de pair avec l’attention grandissante pour les sujets historiques, c’est-à-dire des histoires qui se sont « vraiment » déroulées. On connaît la fameuse restitution de bataille de Fernand Cortez de Gaspare Spontini en 1809, où 17 chevaux évoluaient sur la scène de l’Académie impériale de musique. Si cela ne fait pas appel à une innovation technologique à proprement parler, en revanche, cela montre d’emblée une exigence : lorsque l’intrigue prévoit une bataille, on veut que la représentation scénique s’approche au plus près de ce qu’elle aurait pu être. C’est ce même souci qui oriente l’utilisation des innovations technologiques dans l’opéra. Le gaz est introduit à Paris en 1822 pour Aladin ou la lampe merveilleuse, opéra-féérie de Nicolò, au théâtre de l’Odéon1. Afin de se remettre dans l’atmosphère de l’époque, une longue description, bien que postérieure, permet de se faire une idée de la complexité technologique que cela suppose :

Sur la scène, les choses sont plus graves et plus difficiles encore. On sait que l’espace est divisé à diverses profondeurs, par des plans parallèles laissant entre eux ce qu’on nomme des rues. C’est là que se fixent les portants, et que l’on descend des toiles toujours prêtes, suspendues et serrées l’une contre l’autre dans les hauteurs. Tous ces intervalles sont éclairés à leur sommet par des rampes de 20 mètres de longueur contenant chacune 130 becs. Ce sont les herses, il y en a neuf, ce qui fait monter à 1170 le nombre des foyers disponibles dispersés dans ces espaces inconnus du public, et si rapprochés de toiles, de planchers de bois à claire-voie, de cordes, de tuyaux, d’engins de toute sorte, de combustibles de toute nature, qu’on se demande par quel miracle le jeu n’y prend point à chaque moment, et qu’on frémit à la pensée de ces incendies, dont on connaît la redoutable gravité. Cela ne suffit point encore : il faut une rampe. Placée entre la salle et la scène, habilement dissimulée au spectateur, mais lançant obliquement vers les artistes sa lumière et le feu de 60 lampes alignées, la rampe est enfermée dans un coffre vitré, le gaz y brûle de haut en bas entraîné par une ventilation énergique, afin de préserver les jupes de la flamme et de diminuer, s’il se peut, son énorme chaleur ; elle est placée dans un corridor long et étroit qui s’échauffe jusqu’à 50 degrés, jusqu’à devenir inhabitable : séjour mortel où personne ne résiste longtemps. C’est là qu’est accumulée toute sa machinerie, là qu’arrive le gaz par le conduit unique et énorme qui doit tout alimenter, c’est de là qu’il part pour se distribuer par des robinets proportionnés, pour se rendre au lustre, à la rampe, aux herses. C’est là que se tient le gazier ; comme le musicien à son pupitre, il a sa partition étalée sous ses yeux, qui lui commande à des moments précis, suivant les besoins de la mise en scène, d’augmenter, de modérer, d’éteindre ou de colorer la lumière dans chacune des parties de ce vaste ensemble2.

4C’était de la lumière oxhydrique, beaucoup plus douce et régulière que celle que l’on obtient avec le gaz de houille. Le gaz permettait l’éclairage de rampe comme des portants, mais surtout une luminosité appropriée à une seconde invention technologique, le diorama. Celui-ci se substitue parfois aux toiles peintes pour des effets réalistes encore plus époustouflants. Le but du diorama est de :

Trouver et réunir les moyens de rendre, par l’imitation, les aspects de la nature, tels qu’ils se présentent à la vue, c’est-à-dire, avec les impressions des changements divers qu’y apportent pendant un temps donné les vents, la lumière, les vapeurs et leurs modifications3.

5Avant d’être introduit sur le théâtre, le diorama était proposé dans une salle spéciale, où l’on pouvait faire une sorte d’expérience d’immersion totale, comparable à celle des installations en réalité augmentée ou en 3D que nous connaissons :

La salle du diorama reçoit, d’un mécanisme ingénieux, la faculté d’un déplacement nécessaire pour passer d’un aspect à l’autre. Elle tourne sur elle-même sans que le spectateur s’en aperçoive autrement que par l’observation d’altérations successives dans les couleurs des ornements du dôme de la salle4.

6La technologie utilisée faisait appel à la chimie, domaine dans lequel Louis Daguerre excellait, avec son associé Nicéphore Niepce, mort en 1833. Louis Daguerre en donne une description complète, à des fins de brevetage5.

7Cinq opérations sont nécessaires à partir des feuilles d’argent plaquées sur du cuivre : 1. Polir et nettoyer la plaque ; 2. Appliquer cette couche sensible ; 3. Soumettre, dans la chambre noire, la plaque préparée à l’action de la lumière, pour y recevoir l’action de la nature ; 4. Faire apparaître cette image qui n’est pas visible en sortant de la chambre noire ; 5. Enlever la couche sensible qui continuerait à être modifiée par la lumière et tendrait nécessairement à détruire tout à fait l’épreuve.

8Il décrit très précisément les opérations, la température de la pièce etc., le plus difficile étant d’apprécier le temps d’exposition, ce qui demande de l’habitude et est difficilement quantifiable de façon exacte.

9L’intérêt de ces dioramas était évidemment la reproduction quasi exacte de la réalité, ou du moins celle-ci est l’impression qu’il en donnait. Mais s’est vite ajoutée la possibilité d’effets liés au changement de ce que l’on voyait, d’abord des effets de jour et de nuit, puis des décompositions de forme : « Dans la Messe de minuit par exemple, des figures apparaissaient où l’on venait de voir des chaises, ou bien, dans La vallée de Godau, des rochers éboulés remplaçaient l’aspect de la riante vallée6. »

10Joint au gaz sur le théâtre, le diorama, prenant des dimensions monumentales, était accompagné d’une toile, peinte des deux côtés et éclairée par réflexion et par réfraction, très sensible, par cet interstice, aux effets de relief que l’éclairage au gaz y apportait. Daguerre précise l’huile à utiliser, le tissu, qui doit être très transparent et le plus égal possible. Cela permet de réussir « une infinité d’autres effets semblables à ceux que présente la nature dans ses transitions du matin au soir et vice versa7 ». Le gaz, par sa douceur modulable, était en effet totalement approprié à des éclairages diffus, tels que la brume, la lune, les mouvements de la mer, etc. L’attention aux changements naturels (vents dans les arbres, lever de la lune, etc.), totalement disparue de nos théâtres aujourd’hui, était le grand apport de cette double technologie qui précédait la séparation entre théâtre et cinéma. Ce bouleversement va en effet de pair avec la construction des panoramas dont quelques exemples sont conservés en Europe8.

11Les panoramas sont des constructions rondes dans lesquelles on entre ; l’ensemble a pour but de « recréer la physionomie de telle ou telle localité », de parvenir « à produire l’illusion du vrai9 ». Aux illusions assurées par le genre du panorama, on peut ajouter les prodiges de l’animation, qui n’appartiennent qu’à la mécanique, que le diorama permettait dans une certaine mesure10.

12Daguerre le dit en quelques mots : il faut « bien observer la lumière ». Le phénomène est objectif, technologique, alors que « les peintres attribuent faussement ces changements à leur manière de voir. ». La place de la subjectivité en sort transformée, à l’échelle de tous les arts et de toutes les pratiques. Au théâtre, ce sera le corps du personnage, qui pourra évoluer dans un monde dont le réalisme est incomparable par rapport à ce qui se faisait cinquante ans plus tôt. Il sera donc lui-même l’objet d’un effet de réel qu’il nous faut déterminer.

13Cette technologie visuelle bouleverse l’aspect des décors : les contemporains ont l’impression de « vraiment » voir les lieux imaginaires où se déroule le spectacle. Mentionnons quelques inventions technologiques des années 1850 qui viennent compléter, voire bouleverser la donne : l’électricité, inventée par Ampère, semble avoir été utilisée pour la première fois en 1846 pour Les Pommes de terre malades de Clairville. Mais dans le monde musical, la date qui reste est celle de 1849 où, pour Le Prophète, on prévoit une lampe à arc et des miroirs, c’est-à-dire qu’on introduit sur la scène, grâce à Léon Foucault, la technologie des phares dont les côtes européennes se couvrent à l’époque : son rôle était de figurer le lever de soleil sur le champ de bataille de Münster.

14Ce qui intéresse notre propos est que ces inventions technologiques ont pour but quelque chose que nous apprécions aussi aujourd’hui avec la 3D et le numérique : une reconstitution réaliste des lieux où se déroule le spectacle11. À cela s’ajoute toute une recherche sur les costumes, dont la précision historique est exigée et discutée dans les journaux, ainsi que des innovations dans l’espace scénique lui-même : les trappes dites « anglaises » sont utilisées, trappes à ressort qui permettent des apparitions et disparitions très rapides. Robert le diable en fait grand usage, bien qu’elles soient d’un maniement dangereux12. Là encore, le dispositif transforme le corps des acteurs : les revenants peuvent ainsi acquérir un réalisme encore jamais entrevu. Avec toutes ces innovations, le décor devient autonome. On le décrit et on vend les descriptions de la mise en scène dans des petits carnets qui sont publiés. Robert le diable invente aussi le ballet blanc, c’est-à-dire un mode de présence du corps des revenants sur la scène. Avec le ballet blanc et le réalisme des décors, c’est bien l’imaginaire du corps qui évolue.

La musique et la scène

15La musique est le complément essentiel de ces évolutions : à ces effets visuels, il faut évidemment du son. Or la musique instrumentale connaît au tournant du xixe siècle une évolution majeure, représentée notamment par la musique des Viennois et en particulier celle de Beethoven : le travail de développement s’affirme, c’est-à-dire une manière de construire le discours musical à partir d’idées précisément isolées que le compositeur fractionne, colore de toutes les façons possibles (instrumentation, tonalité, rythme, superposition, etc.). Il permet de comprendre une autre dynamique discursive, dont la logique peut reposer sur les caractéristiques internes de l’élément sonore lui-même et moins sur un impératif rhétorique langagier ou imitatif extérieur. À cela s’ajoute le fait que l’on commence à considérer le bruit, c’est-à-dire des sons sans fréquence précise, comme faisant partie de la musique. Beethoven et Haydn écrivent ainsi des œuvres qui intègrent, certes à des fins spectaculaires, des tirs de canons. Plus largement, commence à faire son chemin l’idée que le monde sonne mais que la musique du monde n’est pas celle des proportions puisque le monde n’est pas le lieu des analogies numériques exactes. L’attention au timbre comme lieu d’expressivité propre est renforcée et dans la même logique, le timbre « parlé » s’intègre petit à petit au timbre « chanté » : l’opposition entre les deux relève désormais moins d’une question de genre (la déclamation théâtrale opposée à celle de l’opéra) que d’une question de modes expressifs (le mélodrame, la chanson, etc.), et, évidemment, de réalisme.

16Il serait trop long dans ce contexte d’essayer de mettre en relation le travail de cette autonomie sonore avec les changements technologiques de l’époque pour montrer qu’évolutions technologiques et musicales vont de pair. Disons qu’une telle entreprise devrait s’intéresser à l’idée d’autonomie d’une façon générale ; celle-ci s’affirme dans le domaine politique à la fin du xviiie siècle autant que dans le domaine technologique. Pensons par exemple à la mise au point de systèmes produisant de l’énergie en ignorant un apport mécanique extérieur, qu’il s’agisse du moteur à vapeur ou de toute la recherche sur la matière dont l’éclairage au gaz est l’une des applications. « Autonomie » signifie « rapport différent à la loi », ce que l’on trouve déjà dans les travaux de Newton13.

17Nous n’entrerons pas dans cette démonstration : l’important ici est d’insister sur cette nouvelle expressivité musicale symphonique, au moment où la technologie permet aussi de construire des effets visuels très réalistes. Beethoven, Carl Maria von Weber, à la suite de Jean-François Lesueur voire François-Joseph Gossec, sont joués en France dans les années 1825-1830, au moment justement de l’élaboration du Grand opéra.

18Or, le Grand opéra n’est pas le théâtre : on y chante au lieu de parler. Il faut donc déterminer à quoi sert l’orchestre, à quoi sert la musique, dans l’effet que l’on cherche à construire. Giacomo Meyerbeer est celui qui s’en est le plus préoccupé.

Meyerbeer et le « système » d’écriture adéquat à la nouvelle technologie

19La grande différence entre Meyerbeer et Berlioz ou, plus tard, Verdi ou Wagner, est que Meyerbeer ne conçoit pas la musique instrumentale comme un lieu qui suscitera des images individuelles par la seule magie de l’assemblage des sons, à la manière dont un roman suscite des scènes par le seul assemblage des mots. Bien que remarquable symphoniste (en témoignent sa musique de scène pour la pièce de théâtre de son frère, Struensee, de même que son ouverture du Prophète, écartée car trop longue et trop symphonique), il conçoit d’abord sa musique comme un accompagnement sonore des effets visuels. Il s’agit donc un peu de ce que nous appelons aujourd’hui le « bruitage » au cinéma. En travaillant les timbres de l’orchestre comme on ne l’a jamais fait avant lui, le condisciple de Carl Maria von Weber auprès de l’abbé Vogler découvre comment travailler le son de sorte à accompagner un timbre de voix et à en transformer la couleur, ou à donner l’impression d’espace dans ce qui est vu, ou encore, à accompagner les gestes des personnages et à les souligner : ce que nous appelons aujourd’hui l’art de la prise de son et du bruitage.

20Cette attention au timbre instrumental est bien connue. Berlioz a été l’un des premiers à le relever et il lui consacre plusieurs articles, notamment celui, célèbre, de 1833, sur l’instrumentation de Robert le diable14. Mais ce travail de Meyerbeer s’accompagne aussi d’une dimension technologique, sonore cette fois. Elle vient en complément de la dimension visuelle déjà apportée par les nouvelles technologies : par exemple, pour faire les voix caverneuses des habitants des enfers, il imagine d’utiliser des porte-voix. La technologie est pensée comme moyen d’amplifier le son, ou, à l’inverse, le son est entendu comme amplification de la technologie. Ainsi, les sons bouchés de l’ophicléide accompagnent à d’autres moments la voix du diable (« Fortune ou non propice ») ; de même, la soprano est, elle, doublée par les flûtes, ce qui rend son timbre beaucoup plus grêle pour Alice (« Mon cœur s’élance et palpite ») ou, dans son duo avec Bertram (« rien, rien »). Meyerbeer est le premier à introduire l’orgue à l’opéra, à des fins réalistes là encore, dans le dernier acte de Robert le diable. Lorsqu’Adolphe Sax invente le saxophone, il l’introduit immédiatement dans son orchestre… Vivant à une époque qui ne connaît pas encore l’usage de l’électricité dans le travail du son, Meyerbeer utilise pleinement et complètement toute la technologie de son époque à cette fin.

21Donc d’un côté, Meyerbeer invente la musique qui conviendra aux évolutions technologiques du spectacle visuel, et de l’autre, il s’ouvre à toutes les technologies qui transforment le son et permettent de « psychologiser » si l’on peut dire ainsi, la voix de chaque personnage. Il s’agit d’un travail qui est totalement conscient et revendiqué : le compositeur, dans l’une de ses lettres va même jusqu’à parler de son « système » de composition15. Il est célèbre pour la minutie de ses ajustements sonores, exigeant un nombre hors du commun de répétitions et testant sans arrêt ses effets.

22Par ailleurs, il conçoit la musique instrumentale comme ce qui ouvre le spectacle à un autre mode d’existence, un peu comme le cinéma épique d’aujourd’hui (Star wars, Le Seigneur des anneaux) qui utilise sans arrêt le mélodrame (parlé sur fond instrumental) pour magnifier et dramatiser ce qui est dit. Dans le réalisme scénique de l’image et du corps, la musique orchestrale a pour fonction d’amplifier les gestes et les actions. Les personnages deviennent donc extra-ordinaires et le moment où la musique cesse, c’est-à-dire la cadence, est le moment où les applaudissements sont ménagés, de sorte à ne jamais perdre de vue le fait qu’il s’agit d’un spectacle imaginaire et que l’illusion dramatique n’est qu’une illusion.

23C’est ainsi que, dans les moments dansés notamment, la musique « colle » à tous les gestes qu’elle souligne et amplifie : le ballet des patineurs dans Le Prophète, où chaque saut est figuré par des fusées de la musique, en atteste. Cela induit donc un corps scénique très singulier, extrêmement réaliste mais aussi très fin dans les affects qu’il ressent et décuplé dans le caractère grandiose de ce qu’il peut accomplir.

24Le Grand opéra a souffert de sarcasmes totalement déplacés. Il est clair qu’il s’agit de l’un des laboratoires du cinéma. Il instaure un dispositif audio-visuel dans lequel le corps du personnage acquiert une certaine qualité : c’est sur elle que nous devons revenir à présent.

Les dispositifs

25On peut approcher la question en situant historiquement le dispositif du Grand opéra parmi quelques dispositifs scéniques ou audio-visuels.

26Dans le cinéma, qu’il soit muet ou parlant, le corps est réduit à l’état de projection lumineuse. La synchronisation (des bruitages et des paroles) constitue un effet réaliste. Toutefois, un « vrai » corps devient plus pesant, plus « réel », face à son double lumineux et imaginaire : beaucoup d’utilisations théâtrales de la vidéo, aujourd’hui, travaillent ce rapport entre le vrai corps, pesant, limité, et son extension lumineuse qui paraît infinie, surtout lorsqu’elle est accompagnée de musique16 . Il y a un écart entre le corps réel et sa reproduction réaliste, dans une image travaillée, et cet écart est le creuset de toute créativité. Aujourd’hui, dans les jeux-vidéos, même lorsque le corps des protagonistes peut avoir une agilité, une apesanteur extraordinaire mais réaliste, il ne fait que renforcer la lourdeur et l’opacité d’un « vrai » corps qui lui serait juxtaposé. Au cinéma, selon les esthétiques, la musique a du mal à se différencier du bruitage ou, au contraire, constitue un élément franchement à part : le travail de l’image du corps va de pair avec celle du son pour constituer un monde cohérent.

27Le décor baroque tel qu’il s’invente autour de 1600 est comparable : par le jeu de la toile peinte en perspective et l’inclinaison de la scène, il s’agissait de créer, avec les moyens technologiques de l’époque, une illusion mimétique totale du réel. Nous ne reviendrons pas ici sur le bouleversement épistémologique qu’il a fallu surmonter pour penser faire entrer le corps de l’acteur à l’intérieur du tableau en perspective : si l’on considère que la technique de la perspective est mise au point au début du xve siècle, ce sont deux siècles d’essais et de tentatives diverses qui, contemporaines de bouleversements politiques, religieux et esthétiques majeurs, ont permis d’y arriver. Au début, on mettait dans le fond une toile peinte représentant des rues en perspectives, ce qui contraignait les acteurs à jouer sur le devant de la scène, le plus loin possible du point de perspective puisque, plus ils s’en rapprochaient, plus ils détruisaient l’illusion réaliste, et plus ils rendaient évident l’écart entre le corps et son image, cette « lourdeur » mentionnée plus haut. Il a donc fallu aménager la scène, percer la toile et y construire de « vraies » rues comme en témoigne encore le teatro al antiqua de Sabbioneta17. Mais il a fallu aussi reconsidérer ce qu’était un corps humain, ce à quoi se sont employés Vésale, la médecine et toute la science expérimentale de l’époque. Ces évolutions utilisent au théâtre les avancées de la technologie de pointe, celle qui permettent aux bateaux de traverser l’océan.. Anne-Marie Christin a montré comment l’invention de la perspective et la technologie de l’imprimerie étaient liées18. Toute la théorie de l’imitation, complémentaire de l’émergence de ce théâtre imitant le réel à s’y méprendre, transforme aussi le corps pour constituer ce que l’on pourrait appeler le « corps représentatif », celui que Balthazar Castiglione19 et bien d’autres imaginent à la même époque. La musique « représentative » de Monteverdi et de l’opéra en est le complément logique. Ainsi, le corps scénique du xviie siècle doit être compris dans sa cohérence totale avec ce que l’époque travaille.

28Faire entrer le corps dans le jeu informatique en 3D a pris moins de temps, mais constitue une aventure intellectuelle comparable : il a fallu concevoir la possibilité d’une image en mouvement du corps humain par des capteurs posés sur la peau, sur l’enveloppe extérieure du corps : ceux-ci permettent alors de constituer une image numérique des contours que la technologie numérique peut alors travailler20. On pourrait appeler le travail sur cette enveloppe le « corps numérique » : c’est lui que toute notre époque cherche à apprivoiser21.

29Le corps du Grand opéra doit être situé dans cette évolution : après le réalisme des décors en perspective baroques qui constitue le corps imitatif et représentatif, la technologie du Grand Opéra permet de travailler un autre réalisme du corps scénique, celui qui pourra évoluer de manière beaucoup plus libre sur la scène : les corps ne représentent pas des types comme dans le théâtre baroque, ils ne sont pas des images, comme dans le cinéma ou le jeu vidéo, mais de vrais corps humains que l’on veut expressifs et non pas représentatifs, au plus près de ce que l’intrigue attend d’eux. De fait, si le Grand opéra invente le ballet blanc (le Ballet des nonnes de Robert le diable22), c’est pour montrer un nouveau mode d’apparition des revenants en scène : ces vrais corps n’ont pas de pesanteur et ils ne parlent pas ni ne chantent ; leur mode d’expression, leur « parole » est la danse et la pantomime, danse très nouvelle que La Sylphide puis Giselle devaient approfondir. Le corps des chanteurs est aussi, évidemment, transformé : on leur demande des gestes beaucoup plus réalistes. Le sillage du célèbre comédien anglais David Garrick entre dans le mélodrame et dans le Grand opéra meyerbeerien qui s’en inspire.

30Ainsi Raimbaut saute de sa gondole dans la première scène de Robert le diable, une gondole qui était tirée sur la « mer » de Sicile par des roulettes devant un diorama bougeant dans l’autre sens (un peu comme lorsqu’au cinéma, dans les scènes tournées en voiture, on voit le paysage défiler). Il peut arriver aux chanteurs de tourner le dos au public, lorsqu’ils ne chantent pas, ce qui n’avait encore jamais eu lieu. Ces corps sont ceux de personnages, donc ils parlent : la manière de « parler » et donc de chanter va être transformée. Toute l’évolution de l’air au xixe siècle doit être comprise dans cette logique.

31La musique symphonique devient ainsi un problème : étant donné qu’elle a une autonomie expressive en elle-même, elle permet de dire l’intériorité des personnages, comme s’ils devenaient transparents en quelque sorte. Il faut donc inventer des manières de la rendre compatible avec le réalisme extrême de ce que, grâce aux nouvelles technologies, l’on voit. Là, dans la dichotomie entre l’hyper-réalisme de la scène et l’accès complet à l’intériorité des personnages par la musique, indépendamment de ce que l’on voit, se trouve l’écart dynamique qui explique toutes les évolutions stylistiques du xixe siècle : selon la musique qui est écrite, c’est bien un autre corps qui est mis en scène. Berlioz, Wagner vont s’affronter au problème en essayant d’intégrer la musique symphonique au théâtre, donc en y ajoutant la pesanteur des vrais corps incarnant les personnages. Meyerbeer, lui, n’écrit pas de longs passages symphoniques et se contente de demander à la musique instrumentale de souligner la voix ou les gestes des personnages, comme un bruitage.

32Ainsi, les nouvelles technologies obligent chaque compositeur à repenser à nouveau ce qu’est un corps, et un corps parlant, en fonction évidemment des œuvres et des mondes qu’il souhaite représenter. Nous esquisserons ici quelques orientations.

Corps réaliste et hors scène

33Le corps d’un acteur est une chose extrêmement complexe : tout d’abord, c’est le corps quotidien, immédiat, pesant, limité, support et lieu de la parole, soumis à l’altération et à la mort de chacun d’entre nous. Un acteur est avant tout un être humain. Mais une fois sur la scène, il devient autre chose – autre être humain, être surhumain, être non-humain, etc. – selon les aléas du spectacle. Sa parole est transformée, il est placé dans des lieux dont le statut est lui-même variable. On pourrait dire que l’écart entre ces deux corps, qui n’en font qu’un, est le sujet même de toute représentation théâtrale.

34La technologie du Grand opéra cherche une illusion de présence maximale, c’est-à-dire, d’une certaine façon, la négation la plus grande possible de cet écart. Toutefois, elle est accompagnée de musique et de chant (c’est-à-dire de parole stylisée), ce qui rétablit immédiatement la distance qui existe entre le corps imaginaire et le corps réel. À cela s’ajoute le jeu sur ce que l’on ne voit pas, ce que la musique va permettre de faire entendre et de suggérer.

35Le corps sur scène va pouvoir être appréhendé, selon les styles et les œuvres, par rapport à un corps imaginaire supposé hors scène, dont les bruits donneront une idée sans que l’on ait à voir ses limites. Au xixe siècle et de manière étroitement liée à cette recherche de réalisme, la coulisse devient habitée, lieu où évoluent des corps imaginaires. On comprend alors le rôle fondamental de la musique dans l’accompagnement de ces nouvelles technologies, et le fait que le style de chaque compositeur aura un impact direct sur le réalisme de la scène, c’est-à-dire sur ce qu’elle peut nous montrer d’un corps. Nous nous contenterons ici de quelques pistes de réflexion.

36Meyerbeer utilise dès qu’il le peut, le hors-scène et le bruit à des fins dramatiques. Ainsi, dans Les Huguenots, la dernière scène se déroule dans le cimetière jouxtant une église où sont réfugiés femmes et enfants. Les personnages présents dans le cimetière entendent fusiller les prisonniers de l’église, au moment où ils chantent, de plus en plus aigu et de plus en plus rapide, le choral huguenot. L’imagination du spectateur est ainsi stimulée par la reconstitution musicale du bruit (comme les bruitages de cinéma). Les corps des personnages hors scène acquièrent beaucoup plus de présence que si on les voyait.

37D’une manière générale, concernant le corps, l’un des points extrêmes en effet est la mort. Si on représente la mort sur scène, on ne tue jamais réellement : il s’agit bien de morts imaginaires, c’est-à-dire de corps imaginaires. Ici, le fait de ne pas voir les corps et de n’entendre que les bruits qui les entourent leur donne la présence, la réalité la plus pleine qui soit.

38Dans cette recherche générale d’un corps immédiatement expressif, loin de la représentation typée de l’ère baroque, le hors-scène trouve toute sa raison d’être et donne au son le rôle essentiel de nous faire croire à la réalité des corps. C’est par l’imagination et par le son que le corps advient finalement dans toute sa complexité.

39Il y aurait beaucoup à dire sur Berlioz, et notamment sur la manière dont il permet l’évocation des morts sur la scène. Il est intéressant de souligner que chez lui, le recours à la technologie réaliste en œuvre sur la scène du Grand opéra ne se fait que très tardivement, avec Les Troyens et Béatrice et Bénédict. Dans cette dernière œuvre, il imagine même des dioramas de la plus magnifique réalisation, en demandant qu’ils représentent le golfe de Messine, la nuit, sous la lune et qu’ils réussissent à faire passer le décor du panoramique au gros plan tout au long du premier acte. Berlioz rêve donc la technologie : il ne semble pas que le diorama aurait permis cet effet à son époque. Ce faisant, il préfigure aussi une autre technologie, celle du cinéma.

40Si Béatrice et Bénédict23 imagine le diorama se rapprochant en gros plan, Lélio24 invente la coupure entre le corps et sa voix, qui est en fait la préfiguration de la coupure entre la bande-son et la bande image : dans cette œuvre en effet, le héros Lélio est placé sur le devant de la scène, où il parle et rêve au « Lélio » qu’il pourrait être : celui-ci fait des interventions chantées derrière le rideau. Il y a donc ici une opposition entre le personnage avec un corps visible qui parle, de façon réaliste, et le personnage sans corps qui chante et n’existe que dans son imagination. Berlioz, enfin, est l’un de ceux qui va le plus loin dans la réflexion sur la voix du personnage ainsi construit : doit-il chanter ? Doit-il parler ? Que doit-il chanter ?

41De Lélio, sa première œuvre dramatique, à Béatrice et Bénédict, sa dernière, il teste différentes manières de mélanger le timbre parlé et le timbre chanté. S’il n’y a pas à proprement parler de technologie ici, la réflexion sur le rapport entre la musique et le réalisme du personnage en scène fait préfigurer à Berlioz une conception du corps parlant qui aura beaucoup d’avenir.

42On pourrait opposer à ces pensées sonores du corps celle de Wagner, incapable d’imaginer ni le hors scène, ni la dissociation entre le corps et sa voix. Wagner est aussi le musicien, non pas du gaz, mais de l’électricité et de l’évanescence des corps. Le rapport à la mort de Tristan et Isolde25 le montre bien, puisque totalement fantasmé, irréaliste, Wagner y dissout le corps, ses contours et son opacité dans une indistinction des sexes, de la réalité corporelle, qui est aussi la revendication d’une fuite hors du monde. C’est ici une autre anthropologie, une autre conception de l’homme donc de son corps, qui est portée sur la scène. Insistons toutefois sur le fait que Wagner n’écrit pas la musique d’une nouvelle technologie (l’électricité) et que c’est plutôt l’inverse : grâce à Adolphe Appia qui a eu l’intelligence de comprendre les transformations du corps scénique que cette nouvelle technologie allait permettre26, la musique de Wagner a trouvé une sorte de visibilité dans la mise en scène. L’électricité a ainsi été une manière de donner une nouvelle vie à tout ce que l’anthropologie de l’auteur du Judaïsme dans la musique pouvait avoir de glissant27.

43À ces différentes pensées sonores du corps correspondent évidemment des manières d’écrire la musique. Il importe ici de montrer que les nouvelles technologies, avec ce qu’elles apportaient de réalisme, ont permis d’interroger de manière radicale la nature du corps humain par des mises en musique différentes.

Conclusion

44L’opéra est constitué par la dissociation entre le corps du personnage et sa voix, dissociation que le chanteur travaille sans arrêt à surmonter et à unifier dans une seule énonciation : il est donc le lieu, d’emblée, d’une pensée sonore du corps. Mais, justement parce qu’il s’agit de théâtre et de corps vivant, l’opéra est aussi le lieu d’une pensée visuelle pour faire évoluer le corps sonore ainsi constitué. C’est donc un lieu particulièrement complexe et sensible à l’impact des nouvelles technologies. L’utilisation théâtrale des technologies de la première révolution industrielle, transformant le statut du corps scénique, a obligé à penser la musique en fonction de ce que l’on voyait. Le style de chaque compositeur, l’importance qu’il donne à la musique symphonique, aux bruits, au hors-scène, au timbre parlé, permet ensuite de construire un corps scénique bien différent.

45Ainsi, nouvelles technologies, évolution sociétale et pensée du sujet humain (donc de son corps) sont liées. La perspective au xve siècle doit être comprise dans son lien à l’imprimerie, à la science expérimentale comme à l’exploration d’une musique imitative. Les conceptions du corps humain qui l’ont accompagné ont trouvé des expressions artistiques nouvelles, dans la naissance de l’opéra comme dans l’invention du décor baroque réaliste dans le théâtre à l’italienne. La révolution industrielle est un autre moment-clé de l’histoire du sujet et du corps humain. Le Grand opéra est une réponse, et d’autres compositeurs, comme Berlioz ou Wagner, ont été amenés à ré-interroger le corps humain et à construire une anthropologie, non sans risque. Bénéficiant de l’apport de nouvelles technologies, nous sommes aujourd’hui situés à des carrefours comparables.

46Le point commun entre tous ces moments est sans doute l’écart constitutif et instable entre ce qu’est le corps et ce que l’on en voit, ce qu’il dit, ce que l’on peut en entendre. En travaillant à unifier ces différentes images, c’est l’inconnu du corps, si proche et pourtant si mystérieux, qui est sans arrêt réinterrogé.

Notes de bas de page numériques

1 Aladin ou la Lampe merveilleuse est un opéra en cinq actes de Nicolas Isouard et Angelo Maria Benincori, avec le livret de Charles-Guillaume Étienne et les ballets de Pierre Gardel, représenté pour la première fois le 6 février 1822 au Théâtre de l’Académie royale de musique.

2 Jules Janin, « Les essais d’éclairage électrique à l’opéra », Revue des deux mondes, novembre 1881, tome 48, p. 193. Disponible sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35532s/f192.image (cons. le 11 janvier 2018).

3 Anonyme, Notice explicative des tableaux exposés au diorama, Paris, Chantpié, 1823, p. 3. Disponible sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8539162/f1.image (cons. le 11 janvier 2018).

4 Anonyme, Notice explicative des tableaux exposés au diorama, op. cit.

5 Louis Jacques Mandé Daguerre, Historique et description des procédés du daguerréotype et du diorama, Paris, Delloye, 1839. Disponible sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56753837 (cons. le 11 janvier 2018).

6 L. J. Mandé Daguerre, Historique et description des procédés du daguerréotype et du diorama, op. cit., p. 75.

7 L. J. Mandé Daguerre, Historique et description des procédés du daguerréotype et du diorama, op. cit., p. 78.

8 Panorama Meesdag (La Haye), panorama Bourbaki (Lucerne), panorama de Marold pour la bataille de Lipany (Prague), etc.

9 Anonyme, Notice explicative des tableaux exposés au diorama, op. cit., pp. 1-2.

10 Anonyme, Notice explicative des tableaux exposés au diorama, op. cit., p. 3.

11 Cette question est travaillée par Oliver Grau dans l’ouvrage Virtual art, From Illusion to Immersion, Cambridge, MIT Press, 2003.

12 Violaine Anger, Giacomo Meyerbeer, Paris, Bleu nuit, 2017, p. 9.

13 Pour davantage de précisions, je me permets de renvoyer à mon émission « La force et la forme », disponible sur https://soundcloud.com/la-radio-parfaite/violaine-anger-force-forme (cons. le 11 janvier 2018).

14 Hector Berlioz, « De l’instrumentation de Robert le diable », Gazette musicale de Paris, 12 juillet 1833.

15 Giacomo Meyerbeer, « Lettre à Minna, 20 mai 1836 », in Heinz Becker (dir.), Briefwechsel und Tagebücher, II: 1825-1836, Berlin, De Gruyter, 1970, p. 527.

16 Voir par exemple Kaija Saariaho, L’Amour de loin ; le travail de Merce Cunningham avec Shelley Eshkar, Daniela Plewe, Ultima ratio, etc. Oliver Grau retrouve quelques fondements historiques évoqués ici, notamment la question des panoramas dans O. Grau, Virtual art, From Illusion to Immersion, op. cit.

17 Voir sur ce point l’excellent livre d’Anne Surgers, Scénographies du théâtre occidental, Paris, Armand Colin, 2005.

18 Anne-Marie Christin, L’Invention de la figure, Paris, Flammarion, 2011.

19 Balthazar Castiglione, Le Livre du Courtisan [1528], présenté et traduit de l’italien d’après la version de Gabriel Chappuys [1585] par Alain Pons [1987], Paris, Éditions Ivrea, 2009.

20 Voir par exemple Marco Grosoli et Jean-Baptiste Massuet, La capture de mouvement ou le modelage de l’invisible, Rennes, PUR, 2014 ; Nicolas Salazar, Motion and Representation: The Language of Human Movement, Cambridge Mas, MIT Press, 2015, ou encore Malt Delbridge, Motion Capture in Performance, an Introduction, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015.

21 Parmi la réflexion philosophique sur le sujet, mentionnons Alberto Diodato, Esthétique du virtuel, traduit de l’italien par Hélène Goussebayle, Paris, Vrin, 2001 ; Marcelle Vitali Rosati, S’orienter dans le virtuel, Paris, Hermann, 2012.

22 Voir la reconstitution proposée grâce aux notes de Bournonville conservées à Copenhague par Arne Kund et Gurt Hutchinson, Robert le diable, The Ballet of the Nuns, Londres, Gordon and Breach, 1997. Rappelons par ailleurs que ce fantastique scénique est tout à fait nouveau à l’époque. L’intrigue de Scribe mettait d’abord en scène un épisode mythologique (donc représentatif, à l’ancienne, dirions-nous). Le fantastique de ces nonnes qui se relèvent de leur tombe marque la nouveauté de ce corps.

23 Créé le 9 août 1862 à Baden-Baden.

24 Créé le 9 décembre 1832 au Conservatoire d’Art dramatique de Paris.

25 Créé le 10 juin 1865 au Théâtre royal de la cour de Bavière à Munich.

26 Adolphe Appia, L’œuvre d’art vivant, Genève, Atar, 1921. Disponible sur https://archive.org/details/loeuvredartvivan00appiuoft (cons. le 11 janvier 2018).

27 Pour un approfondissement de ces questions, je me permets de renvoyer à mon livre Berlioz et la scène, Paris, Vrin, 2016, ainsi qu’à l’article « L’imaginaire comparé du rapport entre le mot, le son et le visible chez Verdi, Wagner et Berlioz », Écriture musicale, écriture picturale et la littérature et des arts, Colloque organisé par Béatrice Bloch, Apostolos Lampropoulos et Pierre Garcia, Université de Bordeaux, 2017.

Bibliographie

ANGER Violaine, Berlioz et la scène, Paris, Vrin, 2016

ANGER Violaine, Giacomo Meyerbeer, Paris, Bleu nuit, 2017

ANGER Violaine, « L’imaginaire comparé du rapport entre le mot, le son et le visible chez Verdi, Wagner et Berlioz », Écriture musicale, écriture picturale et la littérature et des arts, Colloque organisé par Béatrice Bloch, Apostolos Lampropoulos et Pierre Garcia, Université de Bordeaux, 2017

ANGER Violaine, Emission « La force et la forme ». Disponible sur : https://soundcloud.com/la-radio-parfaite/violaine-anger-force-forme (cons. le 11 janvier 2018)

Anonyme, Notice explicative des tableaux exposés au diorama, Paris, Chantpié, 1823. Disponible sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8539162/f1.image (cons. le 11 janvier 2018)

APPIA Adolphe, L’œuvre d’art vivant, Genève, Atar, 1921. Disponible sur : https://archive.org/details/loeuvredartvivan00appiuoft (cons. le 11 janvier 2018)

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SALAZAR Nicolas, Motion and representation: the language of human movement, Cambridge Mas, MIT Press, 2015

SURGERS Anne, Scénographies du théâtre occidental, Paris, Armand Colin, 2005

VITALI ROSATI Marcelle, S’orienter dans le virtuel, Paris, Hermann, 2012

Pour citer cet article

Violaine Anger, « Le gaz et le diorama : la pensée sonore du corps et la technologie de la première révolution industrielle », paru dans Loxias-Colloques, 11. Corps, son et technologies entre théories et pratiques, Première partie : Les scènes du corps sonore, Le gaz et le diorama : la pensée sonore du corps et la technologie de la première révolution industrielle, mis en ligne le 23 juillet 2018, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1110.


Auteurs

Violaine Anger

Ancienne élève de l’École normale supérieure, ancienne élève du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, Violaine Anger est Maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l'Université d'Évry et à l'École polytechnique. Membre de POLART, chercheur au CERCC, Centre d’Études et de Recherches comparées sur la Création. Elle est l’auteur, entre autres, de Le Sens de la musique (Paris, 2006), Sonate, que me veux-tu ? (éditions ENS Lyon, 2016), Berlioz et la scène, penser l’incarnation théâtrale (Paris, Vrin, 2016) et Giacomo Meyerbeer (Paris, Bleu nuit, 2017).