Alliage | n°45-46 - Décembre 2000 Dialogue transculturel 2 

Wang Mingming  : 

Le renversement du Ciel

De l’Empire devenu une nation, et de la pertinence de la compréhension réciproque pour la Chine
p. 65-80

Plan

Texte intégral

Lorsque le grand oiseau, Peng, verra la Terre d’en haut
comme nous autres voyons le ciel de par en dessous,
il cessera de s’élever et commencera à voler vers le sud.
Zhuang ZI

1Il existe un phénomène que nous appelons désormais « l’anthropologie réciproque ».  Notre définition commune de ce phénomène est telle que celui-ci fait partie d’un projet plus large de restructuration de l’espace entre la culture des autres et la « nôtre » — la « nôtre» désignant ici la possibilité pour des Européens ou pour des Chinois ou d’autres de faire allusion à leur tour à « nos » contreparties alternatives respectives. En tant que composantes humaines dans cette nouvelle entreprise intellectuelle, nous employons le terme « anthropologie réciproque » (appellation qui n’existe que depuis une dizaine d’années) pour signifier une vision du monde et une pratique alternatives, consistant principalement à reconnaître la signification ontologique de la conjonction des systèmes de culture et des échanges entre eux, ainsi qu’à respecter les efforts visant à créer une « disposition réciproque » ou « co-présence » parmi les différentes cultures humaines (le Pichon, 1995). Cette forme d’anthropologie met l’accent sur le concept de la « réciprocité », à savoir la réciprocité entre différentes façons de percevoir le monde. Mais peut-on prétendre qu’il s’agit là d’une quête novatrice de la connaissance et des relations interculturelles ?

2Pendant presque tout le XXe siècle, les anthropologues ont cherché à percevoir le soi « à travers l’autre ». À partir de leurs observations, les anthropologues, considérant « les contrastes culturels comme un moyen de connaissance » (Sahlins, 2000), ont cherché à explorer les diverses pistes culturelles afin de réfléchir sur leur propre « connaissance locale » (Geertz, 1983 ; voir aussi Wolker, 1993). Parmi ces anthropologues structurels, nous pourrions citer des auteurs exemplaires tels que Lévi-Strauss, qui a fondé ses théories sur la « théorie de l’alliance » et sur la notion de contraires complémentaires, tout en soulignant le schéma inconscient qui sous-tend la communication trans-culturelle dans « l’esprit primitif ». D’autres anthropologues parlent de mystiques hostiles au marché (Sahlins, 1972), de tribus et de castes opposées à l’individualisme (Dumont, 1986), d’États d’opérette opposés à « l’État substantiel » (Geertz, 1980), et de bien d’autres antagonismes complémentaires en tant que dimensions de notre co-présence réflexive. Plus près de nous, les anthropologues post-coloniaux ou réflexifs ont cherché à réinterpréter les récits des anthropologues qui sont partis de chez eux, en Europe, afin de « classer l’humanité non-européenne de telle manière  que leur interprétation soit en accord avec le mythe européen du triomphe du progrès » (Asad, 1990). Ces chercheurs, quoique parfois en désaccord avec les approches structuralistes et interprétatives antérieures, sont en train de produire des études intéressantes qui se rapprochent aussi de la « disposition réciproque ».

Pour une réévaluation de l’anthropologie

3Cependant, ce constat ne nous amène pas à renoncer à nos efforts. Dans la foulée des traditions anthropologiques moderne et post-moderne, l’anthropologie réciproque exige certaines formes de réciprocité qui ne sont exprimées que de façon implicite chez les anthropologues antérieurs. On a suggéré que nous devrions lier nos recherches à la notion bakhtinienne de « l’imagination dialogique »,  ainsi qu’à un chronotope ou à une « perception particulière du temps, en relation avec l’espace, qui se développe dans les scénarios humains et qui lui attribue un caractère particulier » (Fernandez, 1995). S’inspirant peut-être peu ou prou de la « prestation totale » de Marcel Mauss, une autre proposition avance que nous devrions réaliser un principe découlant d’un postulat qui « présuppose une approche engageant deux sujets ou deux cultures dans un processus égal de connaissance réciproque » (le Pichon, 1995). Les deux propositions soulignent le fait qu’une nouvelle forme de connaissance, telle qu’elle est proposée, n’est concevable que si nous l’abordons comme une pratique alternative impliquant une réévaluation de la formation disciplinaire de l’anthropologie. Mais comment distinguer cette réévaluation des réévaluations structuraliste, interprétative et post-coloniale ?

4La base de la réponse peut sembler quelque peu contradictoire. Dans le domaine culturologique, l’anthropologie réciproque peut être considérée comme apparentée aux approches interprétatives des récits ethnographiques, et surtout à l’anthropologie interprétative du point de vue des autres (ou des indigènes) (ex. Geertz, 1973). Néanmoins, cette recherche intellectuelle ainsi définie englobe aussi la possibilité de relations transculturelles. Elle s’intègre dans la protestation intellectuelle contre la division du monde en « l’Occident et puis le reste » (« the West and the rest »). Ainsi, devons-nous admettre que nos efforts nous confrontent à une situation ambivalente. D’un côté, l’anthropologie réciproque telle que nous l’avons définie encourage les anthropologues à estimer que les différences culturelles des autres par rapport à « nous » constituent un système de valeurs et de connaissance tout à fait distinct. De l’autre, le sujet lui-même est tellement lié à la réfutation de cette division anthropologique moderne du monde — et de « l’identité temporelle » (« coevalness of time », voir Fabian, 1983) anthropologique qui en découle — qu’elle s’oriente vers une critique de la pratique de « l’altérité » (« othering ») dans l’anthropologie moderne. Le problème-clé qui doit retenir ici notre attention est de savoir comment l’anthropologie réciproque peut assurer la continuité intellectuelle et ontologique au sein du contradictoire.

5La notion enthousiasmante de correspondance développée par le Pichon selon laquelle « l’observation et l’analyse de l’un correspondent à l’observation et l’analyse de l’autre » (le Pichon, 1995) apporte une solution partielle au problème. Par-delà ce concept de la correspondance, il propose également que nous cherchions comment les différentes cultures se voient les unes les autres dans leurs contextes historiques. À la suite de cette proposition, il me semble que, pour créer le type de correspondance désiré, nous devons d’abord éviter la réduction traditionnelle de l’anthropologie réciproque à une vocation euro-centrique. Je veux dire par là que nous avons besoin de communication multilatérale au lieu de la tentative habituelle de la part de la « culture occidentale » de réaliser ses propres identités et d’acquérir des connaissances à son propre sujet (tentative qui aboutit souvent à des distinctions réflexives) tout en instituant les échanges souhaités à égalité entre culture occidentale et cultures non-occidentales. À mes yeux, l’un des problèmes avec le mode de pensée latéral singulier c’est que « l’égalité des échanges » a souvent été traitée comme une critique unilatérale des défauts inhérents au traitement eurocentrique hiérarchique de l’Autre, c’est-à-dire l’Autre en tant qu’objet d’une « haute culture » scientifique et miroir inversé du « progrès » et de l’expansion occidentale (Wallerstein, 1997 ; voir l’argument dans Sahlins, 2000).

Dépasser la poétique de l’innocence

6C’est un fait que l’anthropologie occidentale traditionnelle, qui respecte « les nobles sauvages », par sincérité ou par politesse, a souvent fini par ouvrir la voie à l’impérialisme.  Ainsi, dans le contexte de réciprocité qui est le nôtre, faut-il reconnaître les contributions des anthropologues post-coloniaux à la critique discursive du discours anthropologique. Toutefois, dans le domaine de l’épistémologie comme dans celui de l’ontologie, ce que l’anthropologie réciproque cherche à promouvoir n’est qu’une simple remise en question de la « cosmologie native » de l’Occident. Pour nous, elle constitue une réévaluation plus effective, qui cherche à esquisser une nouvelle approche quelque peu semblable à celle de « l’université emmurée », selon laquelle le savoir universel — y compris le déterminisme du pouvoir et l’économie politique marxiste — propose un système culturel de signification tout aussi ethnocentrique (Sahlins, 1996). Ceci constitue l’expression historique et transculturelle d’un « langage méta-scientifique parfait », de même qu’un retour à l’ordre sémiotique du langage abusivement interprété comme autant de « symboles aveugles » (Eco, 1995). Ceci implique que la compréhension réciproque doit permettre des échanges plus larges, des échanges entre « cette cosmologie-ci » et les autres modes « là-bas » de connaître et de représenter le monde aux hommes, modes qui, pour moi, comprennent l’échange entre « vos » problèmes occidentaux et « nos » problèmes non-occidentaux. Qui plus est, la finalité des échanges a été définie de façon très différente par rapport aux perspectives critiques de la modernité coloniale (et du siècle des Lumières). Nous cherchons à redécouvrir un domaine linguistique et sémiotique parmi nous-mêmes, et entre nous-mêmes et les autres. Nous sommes fort désireux de comprendre les points d’incompréhension mutuelle qui nuisent à notre co-présence transculturelle et à l’existence paisible de différentes cultures dans un « monde en voie de mondialisation » (Eco, 2000).  En un mot, il n’est pas dans notre intention d’apporter de simples rectifications politiques aux politiques euro-centrées fondées sur le socio-économique et sur la dynamique du pouvoir, celle, par exemple du fameux « système mondial moderne ».

7Il a été postulé que « l’harmonie au sein de différences » (ge er bu tong), pour employer des termes chinois qui ont l’avantage d’être plus frappants, représente le thème central de notre symphonie (Yue et Le Pichon, 2000 ; Fei, 2000). Pourtant, les polyphonies constituées des réflexions réciproques sur les incompréhensions devant être tissées dans la symphonie de la compréhension sont à rechercher avec encore plus d’urgence que ce thème futurologique. Les polyphonies impliquent une approche non-occidentale. Car les théories de la post-modernité ont apporté à beaucoup d’intellectuels non-occidentaux l’espoir d’un renouveau culturel, y compris celui du vieux concept chinois de tong ou « unité ». Maintenant que les pièges présents dans les sciences humaines  au cours de l’expansion occidentale se sont effectivement avérés, nos collègues non-occidentaux commencent à émerger de leur pessimisme à l’égard de leurs propres cultures. En Chine, un appel a été lancé en faveur de « l’auto-conscience de la culture » (wenhua zijue)  correspondant à l’anthropologie auto-réflexive du monde occidental, notamment lors d’un congrès sur le dialogue transculturel à Beijing, où étaient présents certains Occidentaux (par exemple, Fei, 1998). Les événements de cette dernière décennie ont prouvé la justesse d’une description des critiques de l’impérialisme comme débouchant sur un discours rédempteur de la quête d’identité de notre empire-devenu-nation. L’une des tâches de Transcultura est ainsi de comprendre le processus de transmission dans les mondes post-modernes, et de comprendre la transmission en tant que traduction d’un mode auto-réflexif de production culturelle en auto-confirmation d’un renouveau culturel.

8Il se peut que la transmission transculturelle de la connaissance s’opère par des cycles sans fin.1 Mais pour nous, la réfutation post-coloniale du discours et son destin dans des « situations coloniales », devenues autant de « situations nationales », confirment un point important. Ce ne sont pas seulement les Européens, les Américains, et les Japonais (pour les Coréens et les Chinois) qui n’ont pas réussi à comprendre les autres. Ce sont aussi ceux qui, pendant les quelque derniers siècles, se sont manifestés en tant que sujets de l’historicité coloniale. Des terrains de mésentente, aussi bien que d’entente, existent chez diverses tribus et civilisations souvent exclues de notre travail critique, du simple fait que notre réflexion critique ne couvre souvent que le discours des groupements soi-disant « puissants ». Mais, ce faisant, n’a-t-on pas oublié que des exemples d’incompréhension se trouvent également chez des « peuples indigènes » (à l’exception peut-être des Chinois dont la société était tenue pour être « complexe ») considérés comme des « enfants innocents » par les anthropologues traditionnels ?

9À mon avis, la mission de l’anthropologie réciproque ne doit pas se limiter à la récitation d’une poétique de l’innocence. Plus complexe, elle doit appeler notre attention sur la mise au point d’un ensemble de mesures qui nous permettront de déceler nos sujets d’incompréhension réciproque pour pouvoir, on l’espère, les éviter. Afin de fournir un cadre historique, je me suis tourné vers l’histoire de divers aspects de la civilisation chinoise, dont les schémas cosmologiques de la Chine antique et l’anthropologie en tant que discipline où nous percevons des difficultés semblables à ceux qui apparaissent dans les études européennes modernes.2 Cette étude couvre plus de deux mille ans, de l’époque classique à l’ère contemporaine. Ce champ de vision étendu sera une approche utile du « point de vue des autochtones » à l’égard des autres, même si un domaine aussi vaste pose des problèmes en raison même de son importance.

L’empire devenu nation

10Plus précisément, on peut décrire les univers de la cosmologie chinoise en termes de transformation historique d’un « empire devenu nation ». Il s’agit, en un mot, de la transformation de la vision cosmique de « Tout ce qui est sous le Ciel » (tianxia) à l’époque de l’Empire, en une série de récits de la rédemption produits par la nation pendant le XXe siècle (pour des exemples antérieurs, voir aussi Duara, 1995). Jusqu’ici, dans les sciences sociales, aussi bien en Occident qu’ailleurs, il a été largement admis que l’eurocentrisme a déjà suffisamment sévi et nui à notre quête de la connaissance. Puisque bon nombre d’anthropologues occidentaux, à savoir les « anthropologues du Nord », semblent attribuer toutes les idées fausses à l’esprit occidental ainsi qu’à l’économie occidentale, nous sommes bien placés pour nous poser une question différente. Pouvons-nous simplement affirmer que « la vérité existe là-bas quelque part » parmi les peuples non-occidentaux ? Et pour les besoins de notre enquête intellectuelle et dans ce contexte très précis, l’approche chinoise consistant à postuler « la Chine et les autres » — par symétrie avec « l’Occident et les autres » — est-elle différente de, et supérieure à, la cosmologie occidentale native basée sur le « système mondial » ? En d’autre termes, une « convention orientale » distincte peut-elle apporter une solution à notre recherche d’un « espace de réciprocité » où se trouve modifié l’ethnocentrisme de la connaissance ? (…)

11Que signifient ces considérations du point de vue de l’anthropologie générale ? Tant en Europe qu’aux États-Unis, de récentes études, à l’intérieur et à l’extérieur de la discipline, ont amené nombre d’anthropologues à réviser certains aspects arbitraires d’un discours culturel contradictoire. Ainsi, dans le travail de Marcus et Fischer sur le « moment expérimental » (1986) et dans celui de Rabinow sur l’« anthropologie de la raison » (1997), est-il fait appel à une « repatriation de l’anthropologie ». Dans ces deux perspectives, l’expansion du système mondial occidentalo-centré au sein de « petites communautés » (xiao shequ) de l’Autre, et l’universalité ou la globalisation de la raison occidentale sont vues comme les formations politico-économique et discursive de la modernité qui ont entraîné la disparition de l’Autre. La tâche de l’anthropologie, telle que la dessinent ces deux réflexions, est de séparer la discipline de ses formes spécifiquement associées à la réflexion sur la différence culturelle et donc aussi la réflexion sur le supposé progrès universel de la raison et de l’histoire. Cependant, la question des méthodes capables de développer des visions du monde et des pratiques sociales alternatives depuis le lointain, ou, en tout cas, depuis l’extérieur des propres sociétés et visions du monde des anthropologues, reste le problème central du discours anthropologique. Pour moi, l’avantage de l’anthropologie sur les autres sciences sociales et humaines se trouve précisément dans le fait que cette discipline a cultivé des formes aussi élaborées de connaissance. C’est en voyant le Soi culturel dans le miroir de l’Autre, ou, autrement dit, en cherchant une humanité commune dans des formes de vie plurielles, que les anthropologues occidentaux ont pu transcender les cosmologies ethnocentriques et faciliter la connaissance transculturelle réciproque (Wang, 2000).

12Participant depuis plusieurs années aux débats universitaires en Chine, j’ai développé une « conscience incarnée » (tihui) de la préoccupation locale  permanente d’une prise de conscience culturelle et de ses « progrès » futurs en Chine. Pour les partisans de l’« anthropologie du Sud », le développement national représente peut-être une entreprise à encourager, une alternative à l’« anthropologie du Nord », qui se concentre principalement sur la réflexivité. Comme le laisse entendre Quinlan parlant de la « recherche anthropologique appliquée », « les soucis des anthropologues du Sud concernant la logique et la pratique du développement débouchant sur le problème de savoir comment l’axiome de réflexivité, et la discipline elle-même, peuvent être intégrés dans les pratiques des métiers relevant de l’ingénierie. » (Quinlan, 2000) Pour moi, cette préoccupation locale, qu’elle se traduise au niveau de l’ingénierie, du développement national, ou de l’expression d’une politique de civilisation, a été le produit de l’histoire particulière des contacts interculturels et des influences réciproques. Nos discussions sur ce sujet devraient être encouragées, afin de créer une prise de conscience à l’égard des relations transculturelles qui n’a pas été clairement définie dans le système planétaire contemporain.3

En quête d’un troisième espace

13Au XXe siècle, les débats anthropologiques en Occident se sont focalisés sur le problème de l’Autre. De diverses façons, ce qui est désormais connu sous l’appellation d’« anthropologie moderne » a été décrit grosso modo comme un espace ou une discipline dans lesquels des cultures contemporaines et coexistantes sont examinées en tant qu’équivalents ou miroirs réflexifs les uns des autres. Dans un tel espace intellectuel, les cultures qui ont « survécu » dans différentes parties du monde ont été vues comme un patrimoine précieux de l’humanité, et le travail de l’anthropologue a consisté en de bonnes traductions de cultures autres que la sienne. Ainsi, toute recherche anthropologique de qualité ouvre une échappée qui permet aux chercheurs professionnels de se libérer des contraintes du pouvoir et de l’économie politiques qui ont entravé notre quête de la connaissance.  

14Néanmoins, comme nous venons de nous en rendre compte, le travail entrepris par les anthropologues a scindé le monde en Occident d’un côté, et reste du monde de l’autre (West and the rest). Ainsi, pour certains post-modernistes, l’anthropologie serait la légitimation de la division entre le centre (Soi) et la périphérie (l’Autre) dans le système mondial moderne. L’anthropologie de la réciprocité a participé à la tentative qui vise à transcender cette division. Partisans de cette approche, nous ne réfutons pas nécessairement et en bloc le travail de nos prédécesseurs. Cependant, nous sommes très désireux de savoir si certains « espaces tiers » existent que nous pourrons découvrir et exploiter. C’est pour satisfaire ce désir que nous avons fait entrer la civilisation chinoise dans le rayon de nos intérêts. Mais un problème demeure car, s’il existe depuis plus d’un siècle des études anthropologiques sur la Chine, elles n’ont pas appelé l’attention de ceux que l’on nomme les « anthropologues généralistes » (voir aussi un cas semblable pour l’Inde du Sud dans Appadurai, 1984). Ce n’est pas que les anthropologues qui se sont penchés sur la Chine ont écrit des études ethnographiques médiocres ou mis en place des cadres théoriques inadéquats. Aux yeux de beaucoup de théoriciens de l’anthropologie, la civilisation chinoise   n’était pas une culture suffisamment « tribale et bizarre » pour faire avancer nos « connaissances réciproques » (Wang, 1997). Vue sous un angle  plutôt opposé, dans l’anthropologie de la réciprocité, la Chine a été hautement considérée, pour les mêmes raisons qui ont provoqué l’échec des anthropologues sinologues occidentaux quand ils cherchaient à se présenter comme des anthropologues généralistes. Notre souhait, c’est que la cosmologie chinoise et les modèles chinois de la vie sociale puissent proposer un « troisième espace » entre civilisation européenne et « mentalité sauvage » et que, de cette manière, ils nous fournissent des outils efficaces pour repenser nos relations culturelles.

15Cette quête d’un « troisième espace » nous a amené à esquisser plusieurs transformations importantes dans l’histoire de la vision chinoise du monde et de l’humanité. Notre projet initial était de tracer les trajectoires historiques par lesquelles ont été transmises en Chine les théories anthropologiques, afin d’illustrer notre argument concernant la compréhension et la correspondance culturelle multilatérale. L’approche cosmologique historique, à son tour, nous a permis de voir comment un empire-devenu-une nation a reconstruit ses rapports avec lui-même et avec les autres. En fin de parcours, nous sommes moins à l’aise avec l’idée sous-jacente que notre réflexion anthropologique doit être définie comme le seul reflet de « situations coloniales ». Au contraire, nous avons trouvé que s’il existe dans la cosmologie et dans la vision mondiale de la Chine une relation Soi-Autre distincte, nous pourrons dire alors qu’un tel système de connaissance a subi les changements suivants qui ne doivent pas être considérés comme un modèle alternatif  prêt à porter de la co-présence transculturelle :

16 — 1. Le système a vu le jour pendant les périodes classiques en tant que système englobant des visions du monde diverses, selon lesquelles les hiérarchies et les conjonctures des humains, des humains inférieurs, et des non-humains, étaient disposées en accord avec l’ethnocentrisme chinois, et dans lesquelles une « disposition réciproque » n’était discernable que dans les demeures de montagnes et dans les chants campagnards.
— 2. Pendant les dynasties impériales ultérieures des Tang, Song, Yuan, Ming et des Qing, une percée a été rendue possible par le voyage-pèlerinage du moine Tang en Inde ; mais celle-ci a rapidement cédé le pas à une cosmographie basée sur un système tributaire sinocentrique  et dans lequel l’empire chinois définissait aussi bien « le commerce mondial » et la civilisation.
— 3. À partir du milieu du XIXe siècle, les savants chinois avaient déjà compris qu’il y avait eu des équivalents de leur empire ailleurs dans le monde, et que certains d’entre eux étaient plus puissants que le « royaume du centre ». Alors, ils ont fait d’immenses efforts pour revigorer leur vision du monde traditionnelle grâce à laquelle ils espéraient insuffler à la Chine une nouvelle force vitale.
— 4. Quoique le darwinisme social ait été perçu par la Chine, vers la fin du XIXe siècle, un peu comme un Autre vertueux, pendant les décennies qui ont suivi, s’est progressivement imposée une forme d’anthropologie centrée sur la nation qui n’a pas laissé beaucoup de place depuis pour la réalisation d’une anthropologie transculturelle.

17Nous avons adopté en partie l’argument avancé par Cai Yuanpei et d’autres anthropologues chinois antérieurs et nous avons cherché à redécouvrir les racines (fondations) cosmologiques de l’Altérité dans les classiques descriptions chinoises du monde ou dans ce qui était représenté sous l’expression « Tout ce qui est sous le Ciel ».4 Si l’on compare nos contemporains à nos ancêtres de l’époque antique, on trouve, à l’ère antique, que certaines représentations de l’Autre ont effectivement eu un impact sur l’idée  que se faisaient les Chinois d’eux-mêmes. Le zonage de l’univers, les expéditions des Tang, Song et Yuan et les découvertes du monde, de même que les voyages des Ming vers les océans de l’Occident apportent des preuves de ce que Joseph Needham a appelé « les géographies anthropologiques chinoises » (Needham, 1992). Qui plus est, si nous sommes d’accord avec les critiques de l’impérialisme intellectuel pratiqué par l’Occident, nous pouvons également ajouter que les géographies anthropologiques chinoises ressemblent aux représentations occidentales de l’Autre.

18Néanmoins, nous avons également relevé que ces perceptions de l’Altérité sont quelque peu différentes des représentations occidentales. À l’exception du récit de voyage du moine Tang, tous les rédacteurs d’index géographiques dans la Chine antique ont cherché, en parlant des « sauvages », à décrire une civilisation universelle et un système tributaire qui ne relèvent pas de la « relativité culturelle ». On observe la présence dans les géographies anthropologiques chinoises d’un certain sens du temps diachronique. Mais l’opposition n’était pas de nature à traduire une rétrospection intersubjective ni à servir l’objectif consistant à « opposer pour mieux connaître ». Au contraire, l’orientation principale a été fournie par un mode tributaire de matériaux et de production culturelle, ou bien par ce qui, depuis les années quatre-vingt dans le langage de l’idéologie réformiste du régime actuel, a été nommé les « deux civilisations » (liangzhong wenming). Le résultat à long terme a été, pendant le siècle écoulé, un manque d’intérêt de la part des Chinois, pour d’autres cultures que les leurs. Même si l’Afrique, l’Europe, les Amériques et l’Océanie ont été les cibles de la politique et de la diplomatie chinoises, elles n’ont pas été sérieusement étudiées en tant qu’éventuelles sources de visions alternatives du monde. Depuis quelques années, il est vrai, les débats sur des problèmes liés à la mondialisation et aux différences culturelles ont donné lieu à des ouvrages intéressants surtout lorsque ceux-ci juxtaposent le Soi et l’Autre dans le domaine des contacts culturels. Cependant, ils ont été limités soit par la notion de « progrès », de « changement institutionnel », et de « réformes », soit par l’idée d’indépendance nationale, et ceci à tel point que le problème du respect des différences culturelles, aussi bien à l’intérieur de la Chine qu’avec l’extérieur, n’a guère été l’objet d’études sérieuses.

19Cette caractéristique tellement spécifique de l’anthropologie chinoise peut être illustrée  dans le contexte des anthropologies de la Chine élaborées en Chine comme à l’étranger. Les anthropologues sinologues occidentaux ont abordé la Chine sous des angles divers.5 Tous cependant cherchent à découvrir une région ethnographique. Et si peu d’entre eux voient dans la Chine une « leçon de culture » pour leurs propres cultures, certains ont du respect envers les grandes et les petites traditions de la Chine en ce qu’elles jettent de la lumière sur les institutions et les idéologies centrées en l’Occident. D’ailleurs, ils s’y sont pris comme d’autres anthropologues régionalistes qui ont étudié des tribus en tant que formations sociales différentes de celles qui existent en Occident (Beteille, 1998). Le problème est qu’en mettant au point une vision « sino-centrée » de la culture, les anthropologues sinologues ont également été liés par leurs propres préoccupations épistémologiques et idéologiques. Certaines de ces préoccupations trouvent leur origine dans la quête d’un « langage parfait » pour décrire la Chine. Au cours de la quête, de nombreuses confusions locales ont été créées, de telle manière qu’elles n’ont plus rien à voir avec les sujets de leurs travaux, à savoir les « Chinois ».

La poétique de l’hospitalité

20En Chine, la quête d’une identité spécifiquement chinoise a mis à contribution bien des concepts occidentaux. Par exemple, un groupe d’anthropologues mené par Wu Wenzao, a cherché pendant les années trente et quarante à formuler une école chinoise de sociologie. Ils écrivaient en anglais comme en chinois. Ainsi, en appliquant la démarche ethnographique de Malinowski  ainsi que ses vues sociologiques sur la communauté, ce groupement de sociologues chinois a voulu fonder une école chinoise, mais sans avouer qu’il s’agissait en fait d’un pot-pourri de sociologie anglo-américaine moderne. Il est clair que là où les anthropologues sinologues occidentaux sont prêts à découvrir une vision culturelle sino-centrée, les anthropologues originaires de la Chine sont prêts à absorber une telle vision dans leur propre pensée sociologique.6 La différence entre l’anthropologie sinologique occidentale et l’anthropologie en langue chinoise a  tout simplement réitéré la différence entre les démarches anthropologiques pratiquées par  ceux qui abordent le sujet de l’extérieur et celles qui l’abordent de l’intérieur. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de connexions possibles entre les deux. Par exemple, après la publication de mon livre, certains de mes collègues m’ont fait remarquer qu’il donnait une bonne illustration de la « nativisation de l’anthropologie en Chine ». En revanche, d’autres collègues ont observé que je faisais trop appel aux théories occidentales pour prétendre être un érudit chinois. Les deux points de vue partagent néanmoins un point de vue commun, le caractère spécifiquement chinois de l’anthropologie.

21Pour certains, ce que nous venons de postuler laisserait entendre que, tout comme l’anthropologie occidentale dans des « situations coloniales », les cosmologies  anthropologiques, ainsi que la discipline de l’anthropologie, ont été piégées par les institutions culturelles et politiques qui ont influé sur leurs discours. Cependant, il ne suffit pas de dire cela ; nous devons aussi nous demander où nous conduit cette prise de position critique. S’il est possible de faire des suggestions dans ce domaine, il nous semble alors que l’anthropologie chinoise, tout comme l’occidentale, a besoin de développer la notion de réciprocité. Elle a besoin de s’ouvrir au monde entier et à toutes les cultures qui coexistent. Elle a besoin aussi de mettre au point un système de connaissance et de valeurs dans lequel ce qui existe entre le Soi et l’Autre est abordé avec respect, en tant qu’espace ou arène dans lesquels la compréhension réciproque devient une possibilité.  

22Or, le projet de l’Institut transculturel —partisan le plus éminent de l’anthropologie de la réciprocité — comprend un partenariat avec la Chine ainsi que d’autres avec l’Europe et l’Afrique. Notre rôle a été défini en termes soulignant notre importance en tant que composante de cette perspective multilatérale transculturelle. La raison en est simple, sans doute : tout projet transculturel est voué à l’échec s’il ne tient pas compte d’une civilisation aussi immense que celle de la Chine, dont les conceptions du monde sont si différentes de celles développées par d’autres qu’elles fournissent certains schémas alternatifs et complémentaires par rapport au savoir occidental. Plus précisément, la participation de la Chine à ce projet a été accueillie comme fort désirable puisqu’elle fournit une bonne solution à nos problèmes conjoints dans le domaine des relations culturelles.  De façon pertinente, il est présumé que la « poétique de l’hospitalité » chinoise — la façon remarquable dont les Chinois reçoivent leurs hôtes — peut apporter une bonne solution au problème de notre co-présence transculturelle actuelle (le Pichon, 1995). La « poétique de l’hospitalité » constitue, sans aucun doute, un élément important, même central, de la façon chinoise de voir le monde. Mais l’hospitalité peut être mieux comprise si on l’aborde comme un « rituel de l’invité » faisant partie d’un système plus vaste — celui de l’« ordre  cérémoniel » (lizhi) — que pratiquaient nos ancêtres lorsque, avec leurs « comportements tributaires », ils recevaient les étrangers. Ce que j’ai voulu dans cette communication, consiste tout simplement à faire observer que, tout comme la réification européenne des symboles chinois (Eco, 1995), l’« ordre cérémoniel » chinois est ancré dans l’histoire de la domestication cosmologique, qu’elle soit tributaire ou nationaliste.

23La pertinence de cette analyse pour d’autres anthropologies est un problème dont il faudra discuter. Nous espérons que cette discussion permettra de détecter certains pièges dans notre façon de percevoir les systèmes de connaissance locale dans des contextes non-occidentaux comme des outils conceptuels inadéquats pour permettre la réflexion épistémologique et ontologique dans des contextes occidentaux. Nous espérons aussi que le fait de se familiariser avec les problèmes de l’apprentissage dans un contexte non-occidental fournira  un passage obligé qui mettra notre objectif — la « disponibilité réciproque » — à notre portée. Idéalement, nous ferons de nombreux voyages tous azimuts parmi de nombreuses cultures. Cependant, il est toujours essentiel que les Européens se mettent sur la voie de la réciprocité par un voyage vers l’« Orient » — ou vers le « Sud ». En attendant, il me semble urgent que les Chinois entreprennent un voyage vers l’« Occident » — ou vers le « Nord » — dans le même esprit que les voyageurs qui ont accompagné le moine Tang dans son expédition vers l’Inde. Quand nous nous rencontrerons au cours de nos périples, peut-être découvrirons-nous un espace de compréhension réciproque.

24Traduit de l’anglais par George Morgan

Notes de bas de page numériques

1 . Considérez, par exemple, le sort réservé à Wallerstein et à Said aussi bien qu’à Malinowski en Asie orientale. Or, Wallerstein soutient que toutes les sciences sociales en Occident étaient occidento-centriques et contenaient par conséquent toute sorte de pièges épistémologiques et idéologiques. L’espoir pour l’avenir, tel que certains de mes collègues chinois ont interprété  les prévisions de Wallerstein, était entre les mains des « Orientaux ». Également pertinent par rapport à ce que mes collègues avaient tiré de Wallerstein,  l’orientalisme de Said a été publié en chinois en 1999. Beaucoup de comptes-rendus ont été publiés dans les journaux et dans les périodiques savants. Actuellement, l’orientalisme de Said est perçu comme une forme de « Dongfang Zhuyi » ou « « Orientisme » (« Easternism »), qui renvoie non pas aux discours occidentaux sur les Orientaux  mais à une vision du monde à la fois post-occidentale et oriento-centrique. Ceux qui n’ont pas lu son livre ont vu dans le titre de l’ouvrage un signe positif d’une nouvelle vision alternative du monde, ce qui suggère que l’orientalisme désormais signifie, comme me l’a dit un ami pendant la phase post-coloniale, que « c’est désormais le tour des chercheurs en Orient ». Tout cela me fait penser à ce qu’a dit une fois Mao Zedong : « les vents de l’Orient  l’ont emporté sur les rafales de l’Occident ». Néanmoins, cette notion me rappelle  un grand moment dans l’histoire de l’anthropologie chinoise. Lorsque l’éminent anthropologue chinois, Fei Xiaotong, a publié son premier livre en anglais, intitulé « La vie paysanne en Chine » (1939), son  mentor, Bronislaw Malinowski, qu’il appelait son « oncle », a écrit une préface où il chantait ses louanges pour avoir ouvert un nouveau domaine qui allait permettre aux Orientaux de se prendre eux-mêmes comme sujet d’étude. Or, toutes ces visions post-impérialistes du monde, une fois de plus avec leurs commentaires écrits en des langues étrangères au sujet des sciences sociales, semblent oublier le fait qu’une forme d’encouragement occidental pour l’orientisme existait naguère à Londres.

2 . Voir la version anglaise complète de cet article : Wang Mingming, The Turn of Heaven : Empire to nation and the Relevanceof Reciprocal Understanding in China, Conférence de Bologne, 6-7 novembre 2000.

3 . J’ai étudié l’histoire du point de vue anthropologique afin de faire la lumière sur les moyens par lesquels la nation en tant que culture est devenue une préoccupation majeure en Chine. Par exemple, dans la ville de Quanzhou, sur la côte sud-est, avant la Dynastie Ming, des interactions fréquentes des cultures étrangères et de la culture chinoise locale étaient possibles grâce aux échanges maritimes. Le gouvernement, l’élite, et les gens ordinaires ne se voyaient pas totalement à part des personnes venues de l’extérieur. Au  contraire, ils partageaient la ville, devenue place de marché, où se réalisaient des échanges symboliques avec  des marchands indiens, arabes et européens. À partir de la dynastie Ming, en plus de l’imposition d’une « politique d’interdiction maritime » (haijin zhengce) et de cultes relevant de l’état néo-confucianiste orthodoxe, une politique visant à purifier la civilisation chinoise a transformé cette situation. Le processus nativiste civilisateur a plus tard ouvert la voie à l’émergence du proto-nationalisme et du nationalisme lors des contacts ultérieurs avec les cultures européennes au cours du XIXe siècle (Wang, 1999).

4 . Les anthropologues d’expression chinoise sont depuis longtemps d’accord pour reconnaître que le bref essai de Cai Yuanpei a marqué un tournant dans l’histoire de l’anthropologie en Chine. Alors que Cai était, aux yeux de beaucoup, un grand éducateur et l’initiateur de modes d’apprentissage occidentaux, ce n’est pas simplement en copiant l’anthropologie occidentale que Cai a facilité le revirement de l’histoire intellectuelle. Comme le fait remarquer l’anthropologue français, Jacques Lemoine : « D’un côté, il (Cai Yuanpei) a dénoncé la conscience de classe au cœur de l’ethnologue occidentale, qui était perçue comme une enquête par le colonialiste de peuples subjugués. De l’autre, il a souligné l’importance de lire les documents historiques de la Chine antique du point de vue ethnologique, en introduisant, par exemple, les notions de totem, et de l’antériorité de la filiation utérine, etc (Lemoine, 1989).

5 . Commençant pendant les années cinquante, un anthropologue londonien, Maurice Freedman, a lancé un défi aux études ethnographiques locales et a cherché à créer, depuis l’extérieur, un « paradigme de lignage » pour l’anthropologie sinologique.

6 . Jusqu’à présent, je n’ai pas montré comment les non-Chinois trouvaient un sens à nos traditions natives  et s’en servaient dans leur formulation de l’Autre. Pour ne donner que quelques exemples, en France, le philosophe François Jullien est apparemment en train de développer une approche de la culture chinoise et de dévoiler les défauts de la tradition esthétique et épistémologique européenne. À l’université de Harvard, le professeur Arthur Kleinman a travaillé sur des alternatives chinoises aux institutions médicales occidentales. Bien sûr, l’intérêt porté par  les philosophes et les anthropologues occidentaux à la culture chinoise vise une amélioration de la culture occidentale. Cependant, ces travaux, entrepris par des personnes étrangères à nos traditions natives, ont également enthousiasmé nos collègues chinoi,s qui cherchent actuellement à promouvoir une sociologie chinoise. «La « réciprocité de la connaissance » qui est en train de naître de cette manière mérite que l’on se penche plus longuement dessus. Mais c’est là un sujet différent, à aborder à un autre moment.

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Pour citer cet article

Wang Mingming, « Le renversement du Ciel », paru dans Alliage, n°45-46 - Décembre 2000, Le renversement du Ciel, mis en ligne le 03 septembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3841.


Auteurs

Wang Mingming

Traducteurs

George Morgan