Alliage | n°53-54 - Décembre 2003 Métallurgie - Art - Informatique 

Pablo Jensen  : 

Deux ou trois choses que nous savons d’eux : les physiciens et les métaux

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Texte intégral

Autrefois, la physique était la reine des sciences, et les métaux les rois des matériaux. D’ailleurs, la physique de la matière condensée, branche qui essaye de comprendre les propriétés de la matière à l’échelle humaine, est issue de l’ancienne physique des métaux. La bible du domaine, le manuel Solid State Physics de Neil Ashcroft et David Mermin (1976), garde la trace de cette histoire. Elle débute en effet par ce paragraphe :

« Les métaux occupent une place assez particulière dans l’étude des solides, partageant un grand nombre de propriétés étonnantes que d’autres solides (comme le quartz, le soufre ou le sel de table) ne possèdent pas. Ils sont excellents conducteurs de chaleur et d’électricité, ductiles et malléables, et exhibent un étonnant éclat. Le défi d’expliquer ces caractéristiques des métaux donna l’élan initial à la théorie moderne des solides ».

On s’en doute, le poids économique de la métallurgie à la fin du siècle dernier n’est pas étranger à l’ascendant pris par les métaux...
Aujourd’hui, d’autres têtes couronnées ont remplacé les anciens monarques : la physique est largement supplantée par la biologie, et les métaux par les semi-conducteurs, maîtres de l’électronique. Ces derniers présentent un avantage considérable aux yeux des physiciens : ils sont beaucoup plus faciles à purifier que les métaux. Ainsi débarrassés des « imperfections » du réel, les semi-conducteurs se rapprochent de la perfection mathématique permettant aux physiciens de calculer leurs propriétés et d’inventer des dispositifs efficaces et originaux.

En partant de questions naïves posées par des participants à mai 2003, je vais évoquer quelques facettes du comportement des métaux que les physiciens savent, ou ne savent pas, expliquer. Par ricochet, cela nous permettra de comprendre un peu mieux les forces et les faiblesses de l’approche physicienne du monde.

Qu’est-ce qu’un métal ? Comment s’explique l’éclat métallique ?

Avant de commencer à répondre à ces questions précises, j’ai besoin de donner quelques éléments généraux de la vision qu’ont les physiciens de la matière. Comment peut-on expliquer les caractéristiques des solides en partant des atomes (composés d’un noyau positif et d’un cortège d’électrons) qui les constituent ?

En reprenant le mot du célèbre joueur d’échecs français du XVIIIe siècle, François Philidor, à l’égard des humbles pions qui constitueraient « l’âme du jeu d’échecs », on peut dire que les électrons sont la véritable âme des matériaux. Si les noyaux des atomes définissent la structure géométrique de l’échiquier, c’est bien le mouvement des électrons et leurs interactions qui vont déterminer la plupart des propriétés des matériaux. Ainsi, la conductivité électrique ou l’éclat métallique s’expliquent par les réponses des électrons à des excitations extérieures, champ électrique ou onde électromagnétique respectivement.

Mais comment les électrons immergés dans les solides répondent-ils à une telle sollicitation ? Si dans le vide, par exemple dans un tube de télévision, un électron peut être guidé par un champ électrique, la situation est bien plus complexe dans un solide. En effet, le dense réseau des noyaux (qui, étant chargés positivement, attirent cet électron) et l’ensemble des autres électrons (qui le repoussent) modifient profondément son comportement. Le problème est d’ailleurs tellement complexe que je devrai me limiter ici à des analogies — assez grossières — des véritables réponses, trop mathématiques.

Pour comprendre la spécificité des métaux, partons d’une expérience de pensée. Prenons des atomes éloignés les uns des autres et rapprochons-les jusqu’à la distance observée dans les matériaux (soit quelques angströms, ou une fraction de nanomètre, le milliardième de mètre). Alors que dans beaucoup de solides, les électrons restent confinés au voisinage de leur noyau atomique d’origine (matériaux isolants comme le quartz), ou sont transférés à l’atome le plus proche (solides ioniques, comme le sel de table), leur sort dans les métaux est bien plus complexe. La plupart des électrons restent bloqués au voisinage de leur noyau, mais une élite se délocalise dans l’ensemble du solide, constituant une mer d’électrons, sorte de fluide baignant l’ensemble des atomes. Il s’agit d’un fluide d’une nature très particulière, puisque entièrement dominé par des lois quantiques.

Aux yeux des physiciens, les métaux sont donc définis comme des solides possédant une certaine quantité d’électrons mobiles. Les conséquences de cette liberté furent tirées par l’un des premiers modèles relativement satisfaisants des propriétés des solides. Il s’agit du modèle des électrons « libres », proposé par Paul Drude au tout début du 20e siècle (Annalen der Physik, vol. 1, 1900). Drude eut l’idée de conjuguer deux avancées scientifiques récentes : la mise en évidence des électrons comme particules chargées négativement par Joseph Thompson (1897), et la théorie cinétique des gaz (autour de 1850), qui expliquait les propriétés des gaz en partant du mouvement incessant des atomes. Il supposa que les électrons se promènent librement à l’intérieur des métaux, tout comme les atomes le font dans une pièce. Pourtant, on savait bien que les électrons étaient repoussés par les autres électrons, et attirés par les noyaux. La véritable justification de la tentative de Drude est que ce modèle simpliste représentait le seul espoir d’arriver à des prédictions théoriques. Quand on ne dispose que d’un marteau, il faut faire comme si tout ressemblait à un clou !

Toujours est-il que Drude, en copiant les résultats obtenus par Boltzmann pour les gaz parfaits, parvient à un résultat qui fait sensation parmi les physiciens : la justification microscopique d’une loi expérimentale fort connue mais inexpliquée, établissant que les métaux bons conducteurs électriques sont aussi de bons conducteurs thermiques. Physiquement, le modèle de Drude explique cette loi en supposant que le transport du courant et de la chaleur est assuré dans les deux cas par les électrons libres.

Pour ne pas laisser le lecteur avec l’impression d’un miracle théorique, ou d’un tour de passe-passe, il me faut éclaircir cette idée d’électrons libres. En fait, ces particules ne sont pas les électrons ordinaires, ceux que l’on sait manipuler dans le vide. Il s’agit d’entités autrement plus complexes, que les physiciens appellent des « quasi-particules ». Très sommairement, chacune de ces quasi-particules comprend un « vrai » électron, auquel on ajoute (que l’on « habille » par, en jargon) une charge positive prélevée sur les noyaux. On obtient du coup un objet plus neutre, qui interagit peu avec son environnement. Mais les quasi-particules ne sont pas des entités statiques : ce sont, en fait les corrélations dynamiques entre le mouvement d’un électron et les autres particules proches (électrons et ions du réseau) qui créent cette entité un peu fantomatique et très difficile à construire rigoureusement, à l’aide des mathématiques.

On pourra donc assimiler un métal à un gaz parfait, non pas d’électrons mais de quasi-particules, justifiant a posteriori l’intuition de Drude. Bien sûr, il ne faut pas espérer ces particules auront les mêmes propriétés que des électrons. Ainsi, elles ont une masse (dite effective) souvent différente de celle du véritable électron : pour l’arséniure de gallium, matériau très utilisé dans l’industrie électronique, elle n’en vaut que le dixième. Pour certains composés un peu exotiques, les quasi-particules peuvent même être mille fois plus lourdes que les électrons habituels — de vrais hippopotames —, bonne indication du pesant habillage auquel il faut les soumettre pour les rendre indépendants !

Le modèle des électrons libres est cependant toujours utilisé comme une première étape dans la compréhension des caractéristiques des métaux. Testons-le sur les deux questions posées : l’éclat des métaux par rapport aux autres matériaux, et l’explication de cet éclat.

N’en déplaise au physicien, qui n’aime pas ce type de complications, la réflexion de la lumière ne dépend pas seulement des qualités intrinsèques du matériau, mais aussi de l’état de la surface. Ainsi, les métaux peuvent-ils paraître ternes suite à des réactions chimiques de surface (ah, l’argenterie), et d’autres matériaux rendus plus ou moins brillants en polissant suffisamment leur surface (chaussures cirées). De plus, si tous les métaux peuvent être rendus brillants, ils ne sont pas les seuls, comme ont pu le vérifier ceux qui ont vu des gaufrettes (wafers) de silicium, véritables miroirs. En réalité, toute surface suffisamment lisse réfléchit une partie de la lumière incidente.

L’effet est cependant plus marqué dans les métaux, grâce à l’une de leurs caractéristiques intrinsèques, le coefficient de réflectivité le plus important de tous les matériaux. Cela peut se comprendre grâce à notre modèle. La lumière est une onde électromagnétique, et les électrons libres des métaux peuvent osciller pour suivre l’excitation de l’onde. Ce faisant, ils absorbent la lumière puis la re-émettent, en lui conservant les mêmes caractéristiques, car leur mouvement n’est pas perturbé par le reste du solide. Dans les autres matériaux, les interactions des électrons avec les autres électrons ou les noyaux affectent leur mouvement. Du coup, une partie de la lumière incidente est transformée en chaleur ou en lumière diffuse, le corps renvoie une plus faible fraction de la lumière incidente et ne paraît pas aussi brillant.

Pourquoi y a-t-il, parmi les éléments chimiques,  si peu de non-métaux ?

Quand on considère la table de Mendeleev, ou sont classés tous les éléments, on constate que ce sont des métaux dans leur très grande majorité. Seuls quelques

éléments (non des moins importants certes : azote, oxygène, chlore, etc., et les gaz rares) échappent à toute forme de métallicité. Pour comprendre cet état de choses, il faut aussi comprendre pourquoi autant d’espèces atomiques donnent naissance au fluide électronique, dont nous avons vu qu’il caractérisait les solides métalliques.

Examinons de plus près la manière dont les électrons sont affectés par la proximité des atomes. Dans un atome isolé, les électrons sont assignés à des niveaux d’énergie précis, l’analogue (très approximatif) des orbites planétaires. L’existence de niveaux précis rend compte d’un étrange phénomène. On pourrait en principe accélérer légèrement la Terre à un moment donné, la plaçant sur une orbite un peu plus éloignée du Soleil. Rien de tel n’est observé dans les atomes isolés : l’électron est bloqué dans son orbite, et il est impossible de l’accélérer faiblement. Pour changer son état, il faut le propulser sur le niveau d’énergie disponible supérieur, ce qui demande en général beaucoup d’énergie.

Revenons maintenant au solide. Si l’on rapproche les atomes, les électrons de l’un vont être tentés de partir vers le noyau de l’autre, qui les attire aussi. Du coup, les électrons les plus faiblement liés pourront sauter d’un atome à l’autre. Au niveau quantique, cela se traduit par la transformation des niveaux atomiques en un grand nombre de niveaux d’énergie très rapprochés. Quand les électrons sont poussés par un champ électrique, on comprend qu’ils soient en principe capables, de proche en proche, de se propager d’un bout à l’autre du solide. Cependant, comme dans le cas atomique, une condition nécessaire est qu’il existe des niveaux d’énergie disponibles, juste au-dessus des derniers niveaux occupés, sur lesquels pourraient être transférés les électrons ainsi accélérés. Si oui, alors les électrons pourront accepter le surplus d’énergie fourni par le champ électrique et conduire le courant, sinon le corps sera isolant.

Nous sommes maintenant capables de répondre à la question. En effet, un point crucial est que l’examen des états disponibles doit s’effectuer dans toutes les directions de l’arrangement cristallin des atomes. Il est très peu probable que toutes soient bloquées, autrement dit que dans toutes les directions, l’état disponible le plus proche soit très distant en énergie, et donc inaccessible. Cela ne se produit que pour quelques éléments situés tout à droite du tableau périodique, pour des raisons assez complexes.

En poussant la question un peu plus loin, on peut se demander pourquoi il existe dans la nature aussi peu de composés métalliques. C’est que les atomes ont la liberté de réagir chimiquement pour stabiliser au mieux leurs électrons en les combinant avec ceux d’autres espèces complémentaires (la fameuse « règle de l’octet »). Les électrons ont alors moins tendance à se propager dans l’ensemble du solide. De plus, les atomes de la plupart des substances naturelles ne sont pas ordonnés sur de longues distances, ce qui perturbe énormément la propagation des électrons. Pour d’autres explications plus rigoureuses et relativement simples, je renvoie le lecteur à l’excellent livre de Goodstein.

Il est amusant de noter que cette omniprésence des métaux au sein des éléments constitua, au XIXe siècle, un argument contre la théorie atomique. Sir Humphry Davy, qui le premier isola sodium et potassium, soutenait non sans raison que vingt-six métaux parmi les quarante éléments connus à ce jour, cela faisait trop pour ne pas imaginer un principe commun de métallicité. Cela contredisait à ses yeux la théorie de Dalton d’espèces atomiques aux propriétés spécifiques, irréductibles. Nous avons vu comment la structure interne des atomes, semblable d’un élément à l’autre, permet de réconcilier les deux points de vue.

Pourquoi de telles différences de conductivité thermique et de densité entre les métaux ?

Les métaux conduisent chaleur et électricité, mais avec un forte variabilité, ce qui a de quoi surprendre, puisque les caractéristiques de tous les métaux sont déterminées par la mer d’électrons. Mais le nombre de quasi-particules ainsi que leurs caractéristiques (masse effective…) dépendent fortement de la nature chimique de l’atome considéré. Un exemple simple en est donné par la densité des métaux alcalins (première colonne du tableau de Mendeleïev). Le modèle des électrons libres prédit une distance constante entre atomes, car la seule grandeur qu’il intègre est le nombre d’électrons libres par noyau (soit un électron). Pourtant, l’on constate expérimentalement que cette distance est multipliée par deux en passant du lithium au césium. D’évidence, la taille du « cœur » électronique (ces électrons qui restent liés aux noyaux et ne participent pas au fluide de conduction) joue un rôle important expliquer ces différences. La conductivité thermique est aussi influencée par les collisions des porteurs de la chaleur, les électrons, entre eux et avec les autres particules. Il s’agit là d’un phénomène complexe que l’on ne sait pas encore bien modéliser.

Comment aller au-delà du modèle simple des électrons libres ? Les physiciens utilisent actuellement la puissance des ordinateurs pour résoudre directement l’équation de base de la mécanique quantique, l’équation de Schrödinger. Il s’agit d’une approche assez récente, qui valut en 1998 le prix Nobel de chimie à son inventeur, Walter Kohn. Grâce à cette méthode, on peut calculer de manière assez précise les caractéristiques des solides en connaissant uniquement leur composition atomique. Ainsi, des chercheurs danois ont récemment exploré in silico les propriétés de 192 016 alliages ternaires obtenus en mélangeant les trente-deux métaux,1 Cela permet de limiter l’exploration expérimentale, longue et coûteuse, aux meilleurs candidats virtuellement identifiés.

Pourquoi les métaux résistent-ils à la cassure ?

Quiconque a, par un geste malheureux, laissé tomber sur le carrelage une tasse et sa petite cuillère s’est aperçu que les deux objets réagissent fort différemment. Pourquoi la tasse, qui semble aussi solide que le couteau, ne résiste-t-elle pas à une petite chute ? Quelle est la différence au niveau microscopique expliquant la résistance des métaux ?

La question n’est pas simple, et les physiciens ne l’ont pas totalement résolue, même en ayant quelques idées sur la manière dont se passent les choses. Précisons d’abord que la fragilité n’est pas directement liée à la rigidité : un verre épais est aussi difficile à déformer ou à tordre qu’un bout de métal, mais casse bien plus facilement que ce dernier. Pourtant, les liaisons entre les atomes sont à peu près aussi fortes dans les deux cas. Le niveau atomique seul ne permet donc pas de comprendre ces phénomènes, et il faut se pencher sur les mécanismes précis en vertu desquels un solide peut casser. Ces mécanismes sont en fait assez proches de ceux expliquant la malléabilité des matériaux, c’est-à-dire la possibilité de les déformer sans les casser. Ainsi, peut-on tordre ou déformer les métaux (trombone, fil de fer) mais pas le verre ou la pierre : les corps malléables sont en général assez résistants aux chocs, tandis que les indéformables sont fragiles.

La différence cruciale de comportement entre une clé et un verre qui tombent concerne la manière dont l’énergie de l’impact avec le sol va pouvoir être transférée à la tête de fissure essayant de se propager dans le matériau. Dans les verres, toute cette énergie va servir à ouvrir la fermeture éclair constituée par les liaisons atomiques, alors que dans les métaux, cette énergie sera gaspillée à d’autres tâches, rendant du coup très difficile la cassure complète du matériau. Les métaux sont protégés par des défauts appelés dislocations, rangées atomiques décalées par rapport au réseau cristallin. Quand une force est exercée, ce sont d’abord les dislocations qui bougent, car c’est ce mécanisme qui exige le moins d’énergie. Du coup, la fissure dépensera une partie de son énergie à déplacer ces dislocations, provoquant une déformation au sein du matériau. Plutôt qu’à les casser, l’énergie d’un choc sert à déformer les métaux, qui garderont des bosses comme trace de leur mécanisme de défense.

Pourquoi les dislocations défendent-elles les métaux et pas les verres ? Encore et toujours à cause de la mer d’électrons mobiles qui rend les liaisons entre atomes moins directionnelles. Du coup, l’existence des dislocations et leur déplacement sont moins coûteux en énergie. Dans les verres aux liaisons atomiques directionnelles telles de petits bâtonnets, décaler une rangée atomique revient à casser toutes ces liaisons. L’importance du mouvement des dislocations est confirmée par le fait que les métaux deviennent très cassants à basse température : celles-ci ne sont alors plus assez mobiles et la fissure peut alors se propager. Les effets peuvent en être très spectaculaires : pendant la seconde guerre mondiale, les Liberty Ships, bateaux américains en acier, se sont carrément brisés en deux dans les eaux très froides de l’océan Arctique... Les métaux sont aussi sensibles à la fatigue. Si on les soumet à des forces relativement faibles (insuffisantes pour les casser) mais de manière répétitive, les métaux peuvent finir par se fracturer. Voici ce qui arrive au niveau microscopique : chaque petite agression déplace quelques dislocations, qui finissent par s’organiser en réseaux et s’emmêler complètement, ce qui ne leur permet plus de bouger, rendant du coup le matériau fragile. Cette fatigue des métaux peut parfois avoir des conséquences catastrophiques, comme dans le cas des roues du train à grande vitesse allemand qui finirent par casser, entraînant la mort de dizaines de passagers.

Pourquoi le mercure fond-il si exceptionnellement bas et le tungstène si haut ? Et pourquoi le carbone, un non-métal, fond-il encore plus haut ?

Il n’existe pas à l’heure actuelle une théorie satisfaisante de la fusion des solides. On sait que la température de fusion est reliée à la solidité des liens qui unissent les atomes : plus ce lien est fort, plus il résiste à l’agitation thermique entraînant à distendre ces liaisons et à faire fondre le matériau. Mais on n’a pas encore compris comment se fait la transition entre le solide et le liquide.

Il existe néanmoins un critère simple permettant de calculer la température de fusion si l’on connaît la manière dont vibrent les atomes du solide. Il s’agit d’une relation proposée en 1910 par le chercheur anglais Frederick Lindemann. Selon ce critère empirique, la fusion du solide a lieu quand l’amplitude de vibration des atomes est de l’ordre de quinze pour cent de la distance interatomique. Comme la vibration des atomes et sa dépendance en température sont relativement bien connues, on peut calculer assez facilement la température de fusion prédite par le critère de Lindemann. Cependant, la température ainsi calculée est seulement approchée, et le modèle ne rend pas compte de la physique de la fusion. On sait en effet qu’il s’agit d’un phénomène collectif, inexplicable par la vibration d’atomes considérés individuellement.

Notes de bas de page numériques

1 . Mais on n’a pas encore réussi à comprendre toutes les propriétés de l’étrange Alliage ternaire formé par la culture, la science et la technique  

Bibliographie

N. W. Ashcroft et D. Mermin, Solid State Physics, 1976, Saunders College.

J.-M. Dorlot, J. P. Baïlon et J. Masounave, Des matériaux, École polytechnique de Montréal, 1986.

D. Goodstein, States of Matter, Dover, 1975

P. Jensen, Entrer en matière : les atomes expliquent-ils le monde ?, Seuil, 2001.

P. Jensen et X. Blase, « La matière fantôme », La Recherche, avril 2002.

G. H. Jóhannesson & al., « Combined Electronic Structure and Evolutionary Search Approach to Materials Design », Phys. Rev. Lett., 24 juin 2002.

Pour citer cet article

Pablo Jensen, « Deux ou trois choses que nous savons d’eux : les physiciens et les métaux », paru dans Alliage, n°53-54 - Décembre 2003, Deux ou trois choses que nous savons d’eux : les physiciens et les métaux, mis en ligne le 07 août 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3641.

Auteurs

Pablo Jensen

Chercheur au CNRS à l'ENS de Lyon. Il a d'abord étudié la matière, en modélisant la croissance des nanostructures. Il a écrit un livre de vulgarisation sur l'approche physicienne de la matière, "Des atomes dans mon café crème". Depuis quelques années, il se consacre à la modélisation des systèmes sociaux en collaboration avec des sociologues.