Loxias-Colloques |  6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900 

Sandhya Patel  : 

Editorial: Les sociétés et académies savantes-Voyages et voyageurs, Exploration et explorateurs, 1600-1900

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Mots-clés : voyages scientifiques

Texte intégral

1Les sociétés et académies savantes, parfois royales, phénomènes culturels1 paneuropéens, ont entretenu des rapports privilégiés avec les voyageurs. Périples maritimes, expéditions et traversées terrestres, explorations fluviales, ont tous été considérés comme source inépuisable de connaissances. Les travaux récents2 sur les instructions de voyage publiées à partir de 1665 dans la revue de la Royal Society, Philosophical Transactions, font état de cette préoccupation des sociétaires, de canaliser et maîtriser les propos et les comportements du voyageur pour lui permettre de fournir des données exploitables aux philosophes naturels.

2Huerta3, dans le cas particulier de l’outre-Atlantique, souligne que « les revues savantes peuvent être considérées comme des vecteurs majeurs » de la démarche exploratrice et discursive : en effet « … l’importance de l’édition de revues est à la fois liée à l’évolution des techniques de reproduction, à la mécanisation des presses à imprimer mais aussi au développement d’une sociabilité érudite contenue par les sociétés dites savantes : […] de grandes institutions scientifiques comme les académies ont vu le jour aux XVIIe et XVIIIe siècles avant que n’apparaisse au début du XIXe siècle une forme nouvelle d’association dont l’action commune n’aura d’autre ambition que celle de ‘cultiver les sciences’ ». Tandis que Huerta centre son étude détaillée sur le XIXe siècle, nous nous intéresserons plus largement lors de ce colloque aux discours sur le voyage et le voyageur que relayaient les directeurs de publication, les auteurs d’articles et les artistes dans les revues spécialisées publiées entre 1600 et 1900. Silvia Collini et Antonella Vannoni ont montré que durant cette période en effet, le nombre des instructions était très important, et décisif pour les progrès des sciences ; ces guides et formulaires étaient de deux sortes : ceux que les voyageurs instruits par leur expérience proposaient à leurs successeurs, et ceux que les scientifiques ou les institutions soumettent aux expéditions en partance, dans le but de récolter des connaissances plus facilement exploitables4.

3Withers5 propose une typologie des sociétés et académies savantes européennes mais précise que ces collectivités étaient tout de même singulières en termes de positionnements idéologique et discursif. Des différences fondamentales séparaient des associations créées dans des pays maritimes, protestants et « démocratiques », de celles des régions catholiques possédant des régimes politiques plus autoritaires.

4Se fondant sur les caractéristiques de Withers et dans une perspective comparative, ce colloque organisé dans le cadre du 14e « Rendez-vous du Carnet de Voyage » par Sandhya Patel les 15 et 16 novembre 2013 à Clermont-Ferrand a abordé les questions suivantes : comment le voyage et l’exploration sont-ils représentés dans ces publications ? Sont-ils signalés comme étant des outils d’empire et d’emprise ? Le voyageur et l’explorateur inspirent-t-ils confiance et/ou méfiance ? Peut-on identifier une évolution dans les représentations et tisser des liens entre ces mutations et les contextes politiques fluctuants ? Les approches au voyage diffèrent-elles selon le pays et les structures organisatrices mises en place ? À quel moment le voyageur devient-il un « professionnel » de la connaissance ?

5Learned societies and academies, sometimes royal, have been understood as pan-European cultural phenomena with humanist antecedents originating in the Renaissance period6. These groups variously developed into institutions responding to political or social pressures whilst promoting learning and knowledge. In all cases, the societies and academies in question developed particularly close relationships with travel and travellers of all kinds who were considered as significant conduits for epistemological progress.

6Recent research on travel instructions in scholarly journals published by these societies and academies has demonstrated this reliance on and possible direct rule of, travel/exploration and travellers/explorers7. Thus, a study of the representation within these periodicals of travel and travellers/explorers, who engage in a “science” defined as “[...] the temporal/spatial completion of human history”8 and the “source of ‘philosophical and secular knowledge”9 seems a particularly fruitful avenue of research if we are to better understand the discursive power of learned groups.

7In her study of the Americas, Huerta discusses the intellectual networks which progressively developed into learned societies creating more widely-recognised channels of knowledge accumulation, transfer and circulation. She considers these groups as building a form of erudite sociability which found expression within scholarly periodicals. These latter became the major vectors in the construction of discourse. She posits a correlation between the degrees of authority these publications exercised and technological advances such as mechanisation in printing processes. Huerta focuses primarily on 19th century French periodicals while this conference will take a wider approach and focus on discourses on travel and exploration within European journals from 1600 onwards.

8How did directors, editors, individual authors and artists represent travel and travellers within these journals? Can we identify the construction of a specific discourse according to place of publication or period? Withers10 suggests a “taxonomy” relating to European societies and academies but this categorisation does not seem to preclude internal and international differences in terms of ideological and discursive positioning. Withers points to fundamental divergence between groups established in protestant maritime countries with relatively democratic political structures and those in Catholic states operating within more restrictive, authoritarian regimes. The conference held in Clermont-Ferrand on the 15th and 16th November, 2013 during the “Rendez-vous du Carnet de Voyage festival” deals with a comparative approach with these characteristics in mind, generating questions as to whether travel and travellers, exploration and explorers were represented as mechanisms of empire and expansion, whether they inspired confidence or bred caution and how these representations changed and evolved over time. Are there identifiable links between fluctuating political contexts and representations? How and when does the traveller/explorer acquire “professional” status?

Notes de bas de page numériques

1 Voir Jean-Pierre Chaline, « Les sociétés savantes en Allemagne, Italie et Royaume-Uni à la fin du XIXe siècle », Histoire, économie et société, n° 1, 2002, pp. 87-96.

2 Voir par exemple Judy A. Hayden, Travel Narratives, the New Science and Literary Discourse, 1569-1750, London, Ashgate, 2012.

3 Voir Mona Huerta, « Le voyage aux Amériques et les revues savantes françaises au XIXe siècle », in Michel Bertrand et Laurent Vidal, À la redécouverte des Amériques. Les voyageurs européens au siècle des indépendances, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2002. pp. 73-97.

4 Silvia Collini & Antonella Vannoni (textes réunis par), Les Instructions scientifiques pour les voyageurs (xviie-xixe siècle), L’Harmattan, 2005, coll. Histoire des Sciences Humaines, pp. 13-51.

5 Charles W. J. Withers, Placing the Enlightenment: Thinking Geographically about the Age of Reason, University of Chicago Press, 2007, pp. 68-70.

6 . James E. McClellan, “Learned Societies”, Encyclopedia of the Enlightenment, ed. Alan Charles Kors, Oxford University Press, 2002, 2005 (e-reference edition: http://www.oxford-enlightenment.com/entry?entry=t173.e388)

7 Judy A. Hayden, Travel Narratives, the New Science and Literary Discourse, 1569-1750, London, Ashgate, 2012.

8 Johannes Fabian, Time and the Other, Columbia University Press, 2002, p. 146.

9 Johannes Fabian, Time and the Other, Columbia University Press, 2002, p. 6.

10 Charles W. J. Withers, Placing the Enlightenment: Thinking Geographically about the Age of Reason, University of Chicago Press, 2007, pp. 68-70.

Pour citer cet article

Sandhya Patel, « Editorial: Les sociétés et académies savantes-Voyages et voyageurs, Exploration et explorateurs, 1600-1900 », paru dans Loxias-Colloques, 6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900, Editorial: Les sociétés et académies savantes-Voyages et voyageurs, Exploration et explorateurs, 1600-1900, mis en ligne le 27 août 2015, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=788.


Auteurs

Sandhya Patel

Maître de conférences en langue et littérature du Commonwealth, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, EHIC