Loxias-Colloques |  4. Camus: "un temps pour témoigner de vivre" (séminaire) 

Eveline Caduc  : 

Postérités d’Albert Camus chez les écrivains algériens de Kateb à Sansal

Index

Géographique : Algérie , France

Chronologique : Période contemporaine , XXe

Plan

Texte intégral

en mémoire vive de Jean-François Mattéi, grand admirateur d’Albert Camus

Je propose de suivre ici l’évolution de la réception d’Albert Camus chez les écrivains de nationalité algérienne ou qui se sont proclamés tels. Mais je ne ferai que mettre en perspective les textes de ces écrivains en relation avec Camus et les travaux des critiques1 qui les ont déjà étudiés de façon bien plus détaillée que je ne pourrai le faire ici.

Je ne traiterai pas des écrivains européens d’Algérie comme Jules Roy, Jean-Pierre Millecam ou Jean Pellegri, ni ne ferai une analyse littéraire des œuvres où seraient comparés procédés romanesques et techniques d’écriture, ni même une étude détaillée des influences, des emprunts ou des contrepoints (ce qui ferait l’objet d’une véritable thèse !). Ce sera l’étude d’une réception qui, depuis 1942 – date de L’Étranger – et en l’espace de quelque 70 années, s’est modifiée en fonction du contexte socio-historique en passant d’une réaction politique (à travers quatre faux procès : le traitement de l’Arabe dans L’Étranger roman symbole de l’absurde, les Arabo-berbères réduits à des silhouettes lointaines dans la ville de La Peste, la déformation de la réponse de Camus à l’étudiant algérien de Stockholm « ma mère avant la justice » et le titre d’Algérien contesté à Albert Camus) en passant donc d’une réaction politique aux propos d’un homme et à deux de ses romans à ce qui s’apparenterait plutôt à un héritage moral, à mesure que s’étend dans le monde entier le rayonnement de l’œuvre et de la pensée de Camus.

Ce qui conduit à distinguer quatre ensembles d’écrits d’inégale importance sur quatre grandes périodes qui peuvent se recouper partiellement :

1) de 1942 (parution de L’Étranger) à la guerre d’Algérie et jusqu’à la mort de Camus en 1960.

2) autour de l’indépendance de l’Algérie en1962 jusqu’à la mort de Boumediene en 1978, puis jusqu’à la fin des années 80 où les textes de Camus apparaissent marqués par « l’inconscient colonial » défini par Edward Saïd.

3) 1994 : parution du Premier Homme qui est lu en Algérie essentiellement à travers la grille de la critique postcoloniale.

4) Pendant la décennie noire (années 90) marquée par l’explosion d’un terrorisme islamiste entretenu par l’apparente impéritie du Pouvoir, les intellectuels, romanciers, poètes, journalistes et hommes de théâtre ont été nombreux à payer de leur vie leur attitude de résistants à la « peste verte ». Et depuis la guerre civile que ce fléau a engendrée – guerre bien plus meurtrière que celle qui avait abouti à l’indépendance – le rapport des écrivains algériens à la pensée, à l’œuvre et à l’homme Albert Camus s’est modifié. Sa condamnation du terrorisme sous toutes ses formes y compris celles, parfois sournoises, du terrorisme d’état se retrouve dans les écrits d’auteurs contemporains comme Boualem Sansal ou les adaptations au théâtre de thèmes traités dans L’Homme révolté tandis que Maïssa Bey consacre un bel opuscule à la mémoire vive d’Albert Camus : L’ombre d’un homme qui marche au soleil2.

1) De 1942 (L’Étranger) à la guerre d’Algérie (1954) et jusqu’à la mort de Camus (1960)

Après L’Étranger paru en 1942 et la féroce répression des émeutes sanglantes de Sétif et de ses environs en mai 1945, Camus sera en relation avec plusieurs écrivains qui revendiquent l’indépendance de l’Algérie et principalement avec Kateb Yacine, Jean El Mouhoub Amrouche, Mouloud Feraoun, Jean Sénac et Mohamed Dib.

Kateb Yacine

La correspondance d’Albert Camus avec Kateb Yacine se place tout entière sous le signe du malentendu ou du non-répondu. Seize années séparent les deux hommes et lorsque Kateb écrit à Camus il s’adresse à un romancier qui connaît déjà le succès. Et c’est naturellement une aide pour une publication de ses poèmes qu’il lui demande dès 1948, d’après la réponse que semble lui faire Camus en date du 24 mars 48 :

J’espérais vous rencontrer à Sidi-Madani3pour vous parler directement de vos poèmes. Puisque cela n’a pu se faire, je vous écris de Paris pour vous remercier de votre envoi et de votre confiance.
Bien que je ne sois pas compétent en ce qui concerne la poésie, j’ai été intéressé par vos poèmes. Je les trouve quelquefois trop concertés, mais le cri perce et (jetons l’âme au feu !) c’est là ce qui me touche.
Ce que je puis faire de mieux pour vous est de communiquer ces poèmes à des revues qui pourraient s’y intéresser. Je les présente donc pour commencer à Présence Africaine en leur demandant de vous tenir au courant des décisions prises et que j’espère favorables.
Je lirai avec intérêt ce que vous voudrez bien m’envoyer. Vous et moi sommes nés sur la même terre. Par-dessus toutes les querelles du moment, cela fait une ressemblance.
Votre dévoué, Albert Camus4.

Les rencontres de Sidi Madani ont eu lieu entre décembre 1947 et mars 1948. La principale réunit le 13 mars 1948 Mohammed Dib, Albert Camus et Emmanuel Roblès autour d’un projet de revue qui n’aura pas de suite. Camus y aura séjourné en compagnie de sa femme entre le 2 et le 13 mars 1948. Or, à ce moment-là, Kateb Yacine était bloqué par la neige et la maladie au village de Lafayette où était repliée sa famille. Il n’a donc pu se rendre à Sidi-Madani où il était invité comme d’autres jeunes intellectuels algériens pour discuter précisément avec les intellectuels français en résidence à ce moment-là.

Avant que Kateb Yacine ne parvienne à publier aux éditions du Seuil (grâce à Albert Béguin qui l’avait introduit auprès de la revue Esprit et peut-être aussi à Casamayor) son roman intitulé Nedjma en 1956, il avait déjà envoyé un premier manuscrit très touffu de 600 pages que l’éditeur lui avait demandé de réduire à 250 environ. Il en avait donc extrait un premier ensemble de textes qui fut publié en 1948 au Mercure de France sous la forme d’un poème intitulé Nedjma ou le poème ou le couteau. Puis il avait fait paraître en 54-55 Le Cadavre encerclé, une pièce de théâtre sur le même thème.

Dans le roman, Nedjma, l’épouse de Kamel, Nedjma l’Andalouse, la fille de la Française et de Sidi Ahmed – ou peut-être du vieux bandit Si Mokhtar, assassin de Sidi Ahmed – symbolisait l’Algérie perpétuellement convoitée. Et ses quatre jeunes amants – Lakhdar, Mourad, Rachid et Mustapha – pouvaient figurer les quatre peuples qui avaient envahi l’Algérie : les Romains, les Arabes, les Turcs et les Français.

Or, si l’on convient avec Charles Bonn5 que le roman de Kateb, composé de fragments écrits entre 1946 et 1955 et appartenant à des genres différents, constitue une sorte d’autobiographie plurielle où Kateb Yacine a mis en scène des personnages aux identités flottantes, il est intéressant de le comparer au Premier Homme dont on sait qu’il est une ébauche de roman écrite entre 1953 (probablement commencée encore plus tôt) et 1959, que ses composantes relèvent à la fois des genres biographique, historique, mythique et symbolique et qu’elle répond aussi à une quête d’identité. Et si, à travers le motif du couteau, il y a au moins une relation d’intertextualité de Nedjma à L’Étranger, il semble qu’il y en ait aussi entre Le Premier homme et Nedjma dans le recours au symbole (lieux emblématiques : Tipasa et le Nadhor) et au mythe (personnel ou collectif) comme dans la revendication de justice pour les pauvres condamnés à l’oubli que sont aussi, pour Camus, les migrants privés de racines et, chez Kateb, la revendication de justice et de dignité pour la tribu humiliée des Keblout, figure de tout le peuple arabo-berbère d’Algérie.

Mais au delà de ce rapprochement que l’on peut faire entre leurs œuvres, c’est sur le plan des idées et de l’engagement politique que Kateb Yacine s’opposera à Camus à partir de 1956-1957 en raison du silence qui aurait répondu à la question posée dans sa lettre à Albert Camus :

Mon cher compatriote,
Exilés du même royaume, nous voici drapés comme deux frères ennemis dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour n’avoir pas à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinées jusqu’aux ombres de la Famille ou de notre Verbe pourtant unique. On crie dans les ruines de Tipasa et du Nadhor.
Irons-nous ensemble apaiser le spectre de la discorde, ou bien est-il trop tard ? Verrons-nous à Tipasa et au Nadhor les fossoyeurs de l’ONU déguisés en Juges, puis en commissaires-priseurs ?
Je n’attends pas de réponse précise et ne désire surtout pas que la publicité fasse de notre hypothétique coexistence des échos attendus dans les quotidiens. S’il devait un jour se réunir un Conseil de Famille, ce serait certainement sans nous.
Mais il est peut-être est urgent de remettre en mouvement les ondes de la communication, avec l’air de ne pas y toucher qui caractérise les orphelins devant la mère jamais tout à fait morte.
Fraternellement.
Kateb Y

Cette lettre figure dans les archives du Centre Albert Camus à Aix-en-Provence. Entre crochets une date lui est attribuée au crayon : 1956.

Dans la première publication qu’en avait faite l’IMEC en 1994 avec d’autres écrits de Kateb Yacine sous le titre Éclats de Mémoire (p. 33) une autre date lui avait été attribuée – 1957 – probablement par référence à la parution, cette année-là, de L’Exil et le Royaume.

Mais Camus n’avait-il pas déjà implicitement répondu à l’invitation de Kateb en lançant à Alger, le 22 janvier 1956, son appel à la trêve civile dont les expressions « combat fratricide », « procès de famille », « notre terre commune » font écho à celles de Kateb ? On sait qu’après son échec, Camus avait pris la décision de ne plus s’exprimer. Ce qui ne l’empêchait pas, si désespéré qu’il fût, de continuer à agir pour tenter de réconcilier les « frères ennemis ».

Jean El Mouhoub Amrouche

Durant ses différents séjours à Paris, Albert Camus eut plusieurs fois l’occasion de rencontrer Jean El Mouhoub Amrouche qui était né à Ighil Ali en 1906 dans une famille berbère christianisée. Le fils de la merveilleuse conteuse kabyle Fadhma Aïth Mansour6 avait hérité de l’art peu commun de l’oralité et, au fil du temps, ses émissions à la radio – comme les Mémoires Improvisées de Paul Claudel qu’il enregistra en 1951 –, étaient devenues une véritable référence littéraire.

Mais la lecture de son journal7 témoigne d’une relation avec Camus qui s’apparenterait plutôt à un complexe d’infériorité par rapport à un écrivain reconnu. Et ce, depuis l’immédiat après-guerre, au moment du grand camouflet qu’il reçoit lorsque le Figaro lui refuse, en juillet 1945, la publication de son article intitulé « L’Algérie restera-t-elle française ? », il note en bas de page de son journal : « un Algérien ne s’adresse pas aux Français » et il prend douloureusement conscience d’être une sorte de renégat, de « m’tourmi ».

Le 15 février 1946, il écrit dans son journal : « Remarquable assurance de Camus. La réussite est une forte nourriture ». Un peu plus tard, après le refus de Jean Paulhan d’entrer à la Revue L’Arche qu’il avait fondée à Alger en 1942 avec l’aide d’André Gide, il écrit, le 28 décembre 1946 : « je devrais provoquer un long entretien avec Camus mais la timidité me retient. »

Le 1er janvier 1947, au moment où Camus commence L’Homme Révolté, il note : « je m’aperçois de mes efforts pour paraître aux yeux de Camus » ; ou bien encore le 3 janvier 1947 : « Micha remarque que chaque fois que Camus s’adressait à moi il y avait dans son accent une nuance particulière d’affection. C’était sans doute vrai. Pourtant je ne me suis pas encore tout à fait à mon aise avec lui. Mon œuvre est de trop peu de poids. »

Et un peu plus tard le 18 novembre 1947 : « on s’accoutume au mépris de soi-même. On s’y enfonce. On s’y vautre… Si Camus a rompu avec moi, si Paulhan aussi, c’est que l’un et l’autre m’ont percé à jour et décelé mon imposture. »

Jean Amrouche, qui s’était identifié à l’éternel Jugurtha, le prince numide rebelle à l’Imperium romain, s’est donc éloigné de Camus après la publication dans Combat de l’ensemble des articles qu’il a écrits à la suite de son voyage en Algérie du 18 avril au 7 mai sous le titre de « Crise en Algérie ». Et quand Camus dit, le 15 juin 1945, « C’est la force de la justice et elle seule qui doit nous aider à reconquérir l’Algérie et ses habitants », Jean Amrouche, comme les dirigeants nationalistes, lui fait grief de ce mot « reconquérir » et, comme eux, il lui reprochera de rêver à l’« utopie fédéraliste » lorsque, reprenant ses articles dans Chroniques Algériennes en 1958, il y ajoutera une série de propositions pour construire une Algérie fraternelle et respectueuse des droits légitimes de toutes ses composantes. Il n’y aura donc pas eu de véritable dialogue entre ces deux Algériens.

Mouloud Feraoun

Mouloud Feraoun, né comme Albert Camus en 1913, est fier d’appartenir au peuple kabyle et à ce titre il souhaite naturellement l’indépendance de l’Algérie mais il souhaite aussi que les différentes communautés qui la peuplent puissent y cohabiter en paix dans le respect de leurs différences. Or il ne verra rien de tout cela puisqu’avec cinq de ses collègues il est assassiné par un commando de l’OAS le 15 mars 1962 à El Biar.

Dans le Journal qu’il tient de 1955 jusqu’au 5 février 1962 (date de la remise du manuscrit à l’éditeur) mais auquel, jusqu’à la veille de sa mort, il semble avoir voulu donner une suite, il fait une analyse lucide et triste du fossé qui se creuse de plus en plus entre les deux communautés à partir de ce constat initial en novembre-décembre 1955 : « il y a un impératif désiré par tous, un idéal à atteindre, être libre. Se sentir libéré, l’égal de tous les hommes8. »

Et Mouloud Feraoun explique comment s’est forgé cet impératif à partir d’un déni de dignité :

Les Français sont restés à l’écart. Dédaigneusement à l’écart. Les Français sont restés étrangers. Ils croyaient que l’Algérie c’était eux. Maintenant que nous nous estimons assez forts ou que nous les croyons un peu faibles nous leur disons : non messieurs, l’Algérie c’est nous. Vous êtes étrangers sur notre terre.
Ce qu’il eût fallu pour s’aimer ? Se connaître d’abord, or nous ne nous connaissons pas. […] Le mal vient de là. Inutile de chercher ailleurs. Un siècle durant, on s’est coudoyé sans curiosité, il ne reste plus qu’à récolter cette indifférence réfléchie qui est le contraire de l’amour9.

Directeur de cours complémentaires à Fort-National il dit son désarroi à mesure que s’intensifie la terreur exercée sur les populations de la Kabylie tant par l’armée française que par les maquisards de l’ALN. Le 29 novembre 1956 :

À chaque exécution de traître ou de prétendu tel, l’angoisse s’empare des survivants. Personne n’est sûr de quoi que ce soit, c’est véritablement la terreur. Terreur du soldat, terreur des hors-la-loi. Terreur qui plane mystérieuse et inexplicable. Les nerfs sont à bout10.

Et il prédit la suite : « pauvres montagnards, pauvres étudiants, pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain seront pires que ceux d’hier11 » et, à sa façon, il partage le déchirement de Camus sur l’autre rive. Le 18 février 1957

J’aimerais dire à Camus qu’il est aussi algérien que moi et tous les Algériens sont fiers de lui mais aussi qu’il fut un temps, pas très lointain, où l’Algérien musulman, pour aller en France, avait besoin d’un passeport12. C’est vrai que l’Algérien musulman, lui, ne s’est jamais considéré comme Français. Il n’avait pas d’illusions. (p. 205)

Et toujours lucide il écrit le 14 août 1957 :

Nous sommes à un moment où seul le désespoir nous tente. Dussions-nous souffrir davantage une fois arrachée l’indépendance, dussions-nous subir la dictature des ambitieux ou des fanatiques, nous sommes vraiment prêts à nous jeter dans les bras du tyran pourvu que ce tyran soit en même temps le libérateur. (p. 242)

À la rentrée scolaire de1957, Mouloud Feraoun installe femme et enfants à Alger où il est nommé directeur d’un collège au clos Salembier. Et, souvent en compagnie de son ami Emmanuel Roblès, il rencontre Camus :

Le 1er avril 1958

Ce soir nous avons fait un tour à Alger. Par hasard nous avons rencontré Camus qui a été content de me voir et que peut-être je reverrai. J’aimerais assez parler avec lui. Je crois que c’est ce qu’il souhaite de son côté. (p. 268)

Le 11 avril 1958 :

Camus est venu hier. Je me suis senti avec lui aussi directement à l’aise qu’avec E. Roblès. Il y a en lui cette même chaleur fraternelle qui se moque éperdument des effets et des formes. (p. 271)

Et le 23 avril, lorsqu’un de ses élèves lui annonce qu’il va rejoindre l’ALN il note simplement : « Je lui ai dit que je suis contre la violence. »

Le 12 juillet 1959 :

Vive l’Algérie ! Gloire à ceux qui sont morts pour elle afin que d’autres puissent lever la tête et crier leur délivrance à la face de l’humanité honteuse et complice mais quand l’Algérie vivra et lèvera la tête je souhaite qu’elle se souvienne de la France et de tout ce qu’elle lui doit. (p.297)

En 1960, Mouloud Feraoun est nommé inspecteur des Centres sociaux nouvellement créés sur le conseil de Germaine Tillion, mais bientôt la terreur s’intensifie des deux côtés après la création de l’OAS en février 1961 : prolifération des attentats, enlèvements, lynchages, ratonnades. Terreur et contre-terreur, c’est le règne de la violence aveugle.

Dans « un pays désolé, indifférent à la douleur des hommes et insensible à ses propres ruines »13, un commando de l’OAS tuera froidement le 15 mars 1962 Mouloud Feraoun qui, fils de pauvre14 sauvé par l’école de la République comme Albert Camus, aura témoigné d’un grand sens de la mesure, d’un même respect de l’autre dans sa différence, d’une même exigence de justice et de liberté.

Jean Sénac

Jean Sénac, né à Beni Saf en 1926, est d’abord un grand admirateur de Camus dont il se sent proche du fait de ses origines : né de père inconnu, il est très attaché à sa mère, une fille d’émigrés espagnols qui lui donne un père d’adoption lorsqu’elle épouse Edmond Sénac. Mais à Paris, où il vit, Jean Sénac s’engage pour l’indépendance de l’Algérie en 1954.

Et la force de ses convictions le détache de Camus dont il continue cependant d’admirer l’œuvre. En 1957, dans Le Soleil sous les armes il écrit :

Il ne s’agit pas de défendre un nationalisme étroit et refermé sur ses cactus mais d’affirmer sans équivoque notre présence à la réalité de cette terre qui est indiscutablement nationale.

Mais le 26 septembre 1971, dans un poème qu’il intitule « Description d’un cauchemar », Jean Sénac écrit :

J’ai vu ce pays se défaire
Avant même de s’être fait.
Lâcheté, paresse, délation,
Corruption, intrusion constante,
Dénigrement systématique, méchanceté, vulgarité
– Les pires pieds-noirs 100 fois battus15

C’est la désillusion. Il est assassiné le 24 décembre 1973 à Alger.

 

La disparition accidentelle de Camus le 4 janvier 1960 fait l’effet d’un coup de tonnerre en France et en Algérie. Mohamed Dib témoigne de ce qu’il perd avec ce compatriote, de 13 ans son aîné, qu’il avait rencontré en 1948 à Sidi Madani et qui avait dansé de joie devant lui sur une plage, lors d’une belle journée d’été à Tipasa. Il écrit dans le numéro de spécial de la revue Simoun16 qui paraît en juillet 1960 :

Camus est arrivé dans un monde en ruines, au goût de cendre et de soleil où l’homme n’est même plus un survivant mais l’ombre déjà de l’homme d’Hiroshima. Et d’un bout à l’autre, son œuvre a refusé d’apporter la moindre atténuation à ce sentiment ; elle a assumé entièrement cette aveuglante réalité, l’imposant comme la seule patrie de l’homme. Oui Camus est allé, en ce qui le concerne, au-delà de la découverte dostoïevskienne : Dieu est mort. C’est l’homme lui-même qui est mort, et tout espoir est interdit. Telle est la leçon de cette œuvre, qui fait sa sombre grandeur et sa faiblesse.

Plus tard, dans un entretien avec Salim Jay, en mai 1997, il reconnaîtra à son œuvre « la qualité d’algérienne » « dans ce qu’elle a de profondément original : à la fois une forme de sensualité mais surtout le sens du tragique qui était très fort chez Camus et qui nous rapproche, nous Algériens, en tant que méditerranéens, d’une certaine disposition grecque, à l’antique. Il y a de ça chez Camus : ce côté du tragique en pleine lumière, ensoleillé17. »

Dans un bel article intitulé « Albert Camus et Mohamed Dib, les héritiers enchantés » Naget Khadda a montré comment « les rapports humains et professionnels que les deux hommes entretenaient » permettaient de définir une

dialectique patente dans les relations entre Camus et ses autres interlocuteurs algériens, éclatante dans les rapports entre les œuvres des deux « héritiers enchantés » d’une histoire malheureuse et pourtant riche. Dialectique fragile en contexte colonial et qu’il reste toujours impératif de consolider, de réactiver avec la radicale vigilance de l’homme révolté, afin qu’à jamais le dilemme « la justice ou ma mère » soit dépassé par l’exigence « la justice et ma mère18.

Ainsi la guerre d’Algérie aura été un déchirement pour l’homme Albert Camus et l’histoire d’un échec pour l’artiste et l’intellectuel qui n’est pas parvenu à se faire entendre

- quand il en était encore temps (lorsqu’il dénonçait en 1938 dans Alger républicain l’injustice et le déni de dignité fait au peuple de Kabylie),

- ni quand cela devenait urgent (lorsqu’il dénonçait l’injustice et la violence dans les articles de Combat sur la crise en Algérie en 1945),

- ni enfin lorsque subsistait un mince espoir de trouver une solution qui aurait permis à toutes les communautés qui constituaient le peuple d’Algérie de vivre ensemble dans un état respectueux de la justice et de leurs spécificités culturelles (dans les articles de l’Express et l’appel à la trêve civile de 1956).

C’est principalement l’écriture journalistique qui aura porté ses trois cris d’alarme mais, après 1956, Camus renoncera à la scène publique du journal pour l’écriture silencieuse du Premier Homme où se retrouveront ses aspirations, son déchirement, ses rêves, ses doutes et ses angoisses jusqu’à ce que la mort le prenne alors que continuait la guerre en Algérie.

2) Autour de l’Indépendance jusqu’à la mort de Boumediene et la fin des années 80

1962. Deux ans après la mort de Camus, l’Algérie est devenue indépendante. À partir de ce moment-là, Camus – l’homme et l’œuvre – semble catalyser tous les ressentiments des Algériens envers l’ancien colonisateur.

Comme on en a vu précédemment l’origine, ils peuvent être compréhensibles pour ce qui concerne Kateb Yacine qui, dans une lettre à un étudiant, Hocine Menasseri, écrit le 22 août 1968 :

Je préfère la violence créatrice de Faulkner au moralisme de Camus. Dans les romans de Camus, il n’y a pas d’Algériens. Dans Lumière d’août, le héros, Christmas, est un nègre. Pourtant Camus et Faulkner étaient tous deux dans une situation fausse vis-à-vis du pays où ils vivaient. Mais Faulkner a crié. Il s’est débattu. II a fait vivre le peuple de son pays et sa haine des Noirs n’est pas si loin de l’amour. Rien de tel chez Camus et c’est bien dommage. […]
Dans sa manière de se débattre avec les Noirs, Faulkner a créé des personnages plus vrais, il n’a pas escamoté le problème, il n’a pas voulu le noyer dans les bons sentiments… Dans Lumière d’août, on voit Faulkner aux prises avec son ombre noire.

Kateb est ainsi le premier à souligner le fait que, s’il y a un arabe dans L’Étranger, il constitue comme un type de « l’Arabe avec le couteau » (auquel – par dérision ? – renverra Lakdar dans Nedjma) et que, dans La Peste, ils ne sont que silhouettes lointaines. Soit ! mais ni L’Étranger ni La Peste ne sont des romans réalistes. Dans l’un comme dans l’autre, c’est le problème philosophique qui commande le choix et le traitement des personnages.

Quelques années plus tard, dans une conférence qu’il fit à Alger en 1967, un ancien délégué des étudiants musulmans de France, Ahmed Taleb Ibrahimi, rapporta les propos qu’avait tenus Albert Camus en le recevant à Paris avec un groupe de délégués, et qui seront repris dans son livre De la décolonisation à la révolution culturelle19 :

Si la violence continue, le devoir, même pour un homme comme moi consistera à retourner à sa communauté parce qu’il sera impossible de rester neutre ou en dehors.

Et Taleb Ibrahimi de conclure :

Camus a été infidèle aux humiliés, Camus a manqué de courage et de lucidité à l’heure des choix décisifs. Les Algériens étaient en droit d’espérer mieux d’un prix Nobel. Le titre de « Camus l’Algérien », Camus ne l’a pas mérité. Il restera donc pour nous un grand écrivain ou plutôt un grand styliste mais un étranger.20

Trois facteurs semblent se conjuguer alors pour que Camus – l’homme et l’œuvre – catalyse tous les ressentiments des Algériens envers l’ancien colonisateur :

- la confiscation du pouvoir par les membres du FLN qui ont intérêt à entretenir la formule tronquée « entre ma mère et la justice, je choisis ma mère » pour détourner l’attention des problèmes réels du pays ;

- le ressentiment des intellectuels de sa génération, et en particulier des universitaires, envers un homme qui tutoie l’universel ;

- l’aura dont Franz Fanon jouit depuis sa mort en 1961 pour avoir embrassé la cause de l’Indépendance : il est devenu pour les Algériens la référence morale et intellectuelle française.

Certains critiques, comme Abdelmajdid Kaoua21, verront cependant une influence des thèmes chers à Camus dès cette époque-là dans quelques romans d’écrivains algériens : ainsi dans L’Opium et le Bâton de Mouloud Mammeri, et plus tard dans Le fleuve détourné de Rachid Mimouni, dans Un été de cendres d’Abdelkader Djemaï et Le Serment des barbares de Boualem Sansal.

3) 1994, parution du Premier Homme, lu en Algérie à travers la grille de la critique post-coloniale

C’est l’époque où l’université algérienne est tout entière marquée par les études postcoloniales et par le concept d’inconscient colonial développé par Edward W. Saïd dans son ouvrage-phare Culture et Impérialisme22 qui a déjà formaté une grande partie de la critique nord-américaine.

Dans son chapitre VII intitulé « Camus et l’expérience impériale française »23, Edward Saïd montre comment, après la guerre franco-prussienne et à partir de 1872, « une doctrine cohérente d’expansion coloniale s’est développée au sommet de l’État français » (p. 248) et il en définit ainsi les effets : « D’un côté, l’œuvre destructrice des Français en Algérie a été systématique. De l’autre, elle a constitué une nouvelle communauté politique française. » (p. 264).

Puis, faisant allégeance au « plus grand historien nord-africain actuel, Abdallah Laroui », il affirme à sa suite que « la politique coloniale française n’avait d’autre but que de détruire l’État algérien ».

Partant de cet a priori, il en arrive très vite à conclure catégoriquement :

En dépit de leurs différences, les représentations françaises de l’Algérie – des cartes postales vulgaires sur le harem qu’a si bien analysées Malek Alloula aux savantes constructions anthropologiques exhumées par Fanny Colonna et Claude Brahimi ou aux impressionnantes structures narratives dont les œuvres de Camus donnent un si brillant exemple – peuvent toutes être ramenées à la mainmise géographique du colonialisme français. (p. 266)

Et il conclut sur l’échec de Camus :

Comparés à la littérature de décolonisation de l’époque, française ou arabe – Germaine Tillion, Kateb Yacine, Frantz Fanon, Jean Genet – ses récits ont une vitalité négative, où la tragique densité humaine de l’entreprise coloniale accomplit sa dernière grande clarification avant de sombrer. (p. 268)

Les critiques universitaires d’Algérie se sont laissé séduire par la vigueur de cette conviction que le pouvoir en place appréciait tout autant parce qu’elle apportait des arguments à son procès contre l’impérialisme. Ce qui lui permettait de détourner l’attention loin des vrais problèmes du pays et en particulier de ceux de la jeunesse algérienne : chômage et absence d’espoir.

En réponse aux critiques à propos des quatre faux procès signalés plus haut, je renverrai à l’excellent article où Charles Bonn fait l’inventaire des aspects positifs, des faiblesses et des contradictions de la critique post-coloniale concernant Albert Camus : « Scénographie postcoloniale et ambiguïté tragique dans la littérature de langue française ou pour en finir avec un discours binaire »24.

Mais la critique universitaire en Algérie se retrouve également héritière de la sociocritique de Lucien Goldman, de la critique sartrienne et d’une manière générale des concepts de l’analyse marxiste et de leur terminologie. Ainsi dans l’étude de Christiane Chaulet-Achour Albert Camus et l’Algérie, Meursault, petit employé de bureau, est appelé « le colon » par opposition à l’Arabe colonisé et la perspective sociocritique finit par oblitérer la métaphysique de l’absurde puisque, quoi qu’il en soit, « l’acte de Meursault est acte historique même s’il dépasse la conscience que lui-même ou son créateur peuvent en avoir25 ». Et à propos du Premier Homme elle dira, en reprenant le grief sartrien de » mauvaise foi », que Camus « essaie de construire l’argumentation de sa vérité26 ». D’autres critiques font du racisme une clé de lecture de ses réflexions sur les pauvres et mettent en doute sa sincérité au nom d’un sentiment de culpabilité. D’autres l’accusent même de vouloir faire une fin lorsqu’il écrit :

Et il s’écria, regardant sa mère, et puis les autres : « Rendez la terre. Donnez toute la terre aux pauvres, à ceux qui n’ont rien et qui sont si pauvres qu’ils n’ont même jamais désiré avoir et posséder, à ceux qui sont comme elle dans ce pays, l’immense troupe des misérables, la plupart arabes, et quelques-uns français et qui vivent ou survivent ici par obstination et endurance, dans le seul honneur qui vaille au monde, celui des pauvres, donnez-leur la terre comme on donne ce qui est sacré à ceux qui sont sacrés, et moi alors, pauvre à nouveau et enfin, jeté dans le pire exil à la pointe du monde, je sourirai et je mourrai content, sachant que sont enfin réunis sous le soleil de ma naissance la terre que j’ai tant aimée et ceux et celle que j’ai révérés. »27

Et ils passent sous silence le fait qu’Albert Camus avait appelé à une réforme agraire de grande ampleur en Kabylie dans ses premiers articles parus en juin 1939 dans Alger Républicain.

Si, en juin 1985, un colloque organisé à Nanterre signalait qu’en France la fortune de Camus avait changé et si Jeanyves Guérin en voyait les raisons dans « le changement de la conjoncture politique et surtout idéologique, le refus du marxisme, la réhabilitation de l’humanisme, un retour à l’éthique, et le crépuscule des mandarins qui rendaient Camus à nouveau lisible pour une gauche socialiste que l’expérience du pouvoir a rendu plus pragmatique voire révisionniste »28, des années après, il en va encore tout à fait différemment en Algérie.

4) Pendant la décennie noire et depuis la fin de la guerre civile

Le vœu de Camus : « Que La Peste puisse servir à toutes les résistances contre toutes les tyrannies29 » aura été entendu par plusieurs écrivains algériens depuis la guerre civile qui a ensanglanté le pays durant les années noires. Et les écrivains algériens ont demandé à exercer leur droit d’inventaire sur les conditions d’indépendance de l’Algérie, sur l’exil des intellectuels, les malheurs de la décennie noire qui permettent de comprendre l’attachement de ceux qu’on appelle « les gens de Camus » à leur terre d’élection.

C’est d’abord la force des idées de Camus et de ses éditoriaux qui se retrouve dans les articles de certains journalistes algériens, et ses principes de sobriété pour une plus grande efficacité :

- un éditorial : une idée, deux exemples, trois feuillets

- un reportage : des faits, de la couleur, des rapprochements.

Et aussi son éthique de journaliste telle qu’il l’a définie dans l’éditorial de Combat, le 1er octobre 1944 :

On nous dit : « En somme qu’est-ce que vous voulez ? » Cette question est bonne parce qu’elle est directe. Il faut y répondre directement. Naturellement, cela ne peut se faire en un ou deux articles. Mais, en y revenant de temps en temps, on doit y apporter de la clarté.
Nous l’avons dit plusieurs fois, nous désirons la conciliation de la justice avec la liberté. Il paraît que ce n’est pas assez clair. Nous appellerons donc justice un état social où chaque individu reçoit toutes ses chances au départ, et où la majorité d’un pays n’est pas maintenue dans une condition indigne par une minorité de privilégiés. Et nous appellerons liberté un climat politique où la personne humaine est respectée dans ce qu’elle est comme dans ce qu’elle exprime.
[…]
Notre idée est qu’il faut faire régner la justice sur le plan de l’économie et garantir la liberté sur le plan de la politique.
[…]
Voilà pourquoi nous pensons que la révolution politique ne peut se passer d’une révolution morale qui la double et lui donne sa vraie dimension. On comprendra peut-être alors le ton que nous essayons de donner à ce journal. Il est en même temps celui de l’objectivité, de la libre critique et celui de l’énergie30.

Ayant choisi des principes analogues à ceux du journaliste Albert Camus, le journaliste Tahar Djaout, assassiné en 1993, les aura appliqués jusqu’au bout : « Si tu parles, tu meurs, si tu te tais, tu meurs ; alors parle et meurs. »

De leur côté, de jeunes dramaturges ont monté des pièces écrites par Camus. Tout en sachant qu’il allait au devant de difficultés, Kheireddine Lardjam a mis en scène Les Justes avec sa compagnie d’Oran mais il n’a pas pu faire représenter la pièce en Algérie.

De jeunes auteurs ont écrit des pièces qui montrent Camus dans telle ou telle des controverses qu’il a suscitées. Au printemps 97, dans Au café des deux rives, Saïd Areski a mis en scène Camus et Kateb Yacine pour faire entendre ce qu’aurait pu répondre Camus à la lettre de Kateb. En 2003, dans Albert Camus entre la mère et l’injustice31, Alec Baylee Toumi écrit un véritable plaidoyer pour la réhabilitation d’Albert Camus en Algérie. Toute la pièce en quatre tableaux montre comment Daru sera poursuivi par les gendarmes pour avoir laissé en liberté l’Arabe qu’il aurait dû accompagner en prison. Abdelmadjid Kaouah en conclut : « en Algérie les traces de Camus sont de plus en plus vivaces. C’est plus qu’une empreinte littéraire voilée par une fracture historique32. »

De son côté, le journaliste Youssef Zirem, dit de Camus qu’il est le grand frère, et Aziz Chouaki lui fait écho :

« Ce grand frère de chez moi m’a appris à lire et à écrire ce qu’il y a d’absolument dionysiaque dans la lumière des ciels d’Alger.
[...] Camus fait partie de mon roman familial.
[...] je l’ai moi même boudé un moment comme beaucoup d’intellectuels algériens sous couvert d’acné nationaliste.
[...] J’ai corrigé l’angle de saveur par rapport à lui quand j’ai perdu la Nation au sens où l’on dit j’ai perdu la foi.
La nation enfin au bercail, tranquille, je trinque avec Camus, à la brasserie d’Alger, pastis Kemia allez c’est ma tournée
[...] maintenant que nous sommes presque tous d’exil à faire de l’Algérie une savoureuse utopie,…
[...] Pour nous écrivains algériens d’exil version années 90, on a vécu le remake pied-noir de 62 la valise ou le cercueil exactement. Au point où il n’est pas faux de dire qu’on est des pieds-noirs de deuxième génération, comme un deuxième ressac de l’histoire33.

Kamel Daoud

Un autre journaliste également romancier, Kamel Daoud, a tout récemment composé une habile réécriture « en miroir » du premier roman de Camus dans Meursault, contre-enquête34. Recomposition faite à la fois de reflets, de reprises et de contrepoints. Le narrateur et le romancier de L’Étranger n’y sont plus qu’un même homme, Meursault – celui qui sait écrire – qui raconte dans l’Autre le meurtre de l’Arabe privé d’identité de façon scandaleuse aux yeux des Algériens dans le roman de Camus. Or la mission que s’est donnée Haroun, le narrateur de Kamel Daoud, est précisément de faire connaître au monde ce que Meursault n’a pas dit : l’identité et l’histoire de l’Arabe.

L’Arabe de L’Étranger, portefaix et homme à tout faire de son état, était le frère aîné d’Haroun, et s’appelait Moussa. Épure du colonisé en face du « colon » que constitue Meursault pour Kamel Daoud,

il avait un corps maigre et noueux à cause de la faim et de la force que donne la colère. Il avait un visage anguleux, de grandes mains qui me défendaient et des yeux durs à cause de la Terre perdue de ses ancêtres35.

Obéissant à l’injonction muette de sa mère pour faire connaître Moussa et le venger, Haroun tue un Français dont il dit le nom, Joseph Larquais, durant la nuit du 5 juillet 1962 à Hadjout (anciennement Marengo où la mère de Meursault était morte dans un hospice). Haroun ne sera pas poursuivi pour ce meurtre puisqu’aussi bien, ce même jour à Oran, tant et tant d’Européens ont été tués, mais parce qu’il n’a pas tué de Français au bon moment c’est-à-dire pendant le temps de la guerre pour l’indépendance de l’Algérie. De la même façon, le juge reprochait essentiellement à Meursault de n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère.

Enfin dans Meursault contre-attaque le narrateur raconte son histoire à un étranger dont il essaie de retenir l’attention dans un bar d’Oran. Une telle situation n’est pas sans rappeler, dans La Chute, celle de Jean-Baptiste Clamence racontant son histoire à un auditeur anonyme dans un bar d’Amsterdam.

Même si le point de départ de Kamel Daoud reste, au nom de la dignité de l’Arabe, une protestation contre son absence d’identité caractéristique à ses yeux du mépris que lui porte le « colon ». Même si la protestation n’a plus lieu d’être quand on prend en compte le propos de L’Étranger : une fiction représentative du thème de l’absurde. Même si l’auteur de Meursault contre-attaque veut ignorer que tuer un homme dans cette situation est un acte semblablement dépourvu de sens – que cet homme soit arabe, juif ou européen de Malte ou d’ailleurs – il n’en reste pas moins qu’à travers Haroun Kamel, Daoud reprend la question de l’absurde soulevée par Albert Camus.

Et cela est si vrai qu’à la fin du roman son héros s’identifie à celui de Camus et que Haroun reprend quasi-littéralement les derniers mots de Meursault : « c’est sûr il y aura beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et ils m’accueilleront avec des cris de haine36 ».

Maïssa Bey

Maïssa Bey, quant à elle, avait été transportée à la lecture de Noces et de Tipasa et elle est entrée dans l’œuvre de Camus à partir de cet émerveillement devant le monde et de la façon dont Camus le traduisait, et aussi parce qu’il a osé dire et qu’il a osé se dire. C’est ce qu’elle écrit en 2004 dans L’ombre d’un homme qui marche au soleil, ses réflexions sur Albert Camus :

Quelque chose de bien plus personnel me lie à cet homme.
Oserais-je nommer cela connivence ? Simplement dans le sens de compréhension ou d’adhésion immédiate et ce, dès mes premières lectures. Je veux parler des textes romanesques que j’ai lus avec le sentiment étrange qu’il s’adressait à une part secrète de mon être que je croyais être la seule à connaître37.

Un peu plus loin elle loue un homme qui a toujours mené

une quête inlassable non pas de la vérité que l’on sait multiforme, mais d’une authenticité, de la vérité de son être, qu’on est seul à pouvoir définir, surtout si elle s’inscrit dans un lieu qu’on pourrait dire marqué à jamais par les tragédies de son histoire, une terre habitée par les dieux et qui n’en finit pas cependant de payer le prix d’une obscure malédiction38

Dans « Femmes au bord de la vie », qui constitue une partie de ce petit livre consacré à Camus, elle remarque sa relation avec les femmes et la sincérité aussi de son déchirement de ne pouvoir tenir sa parole, de ne pouvoir rester fidèle à une seule. Déchirement de l’homme qui ne veut pas mentir. Déchirement devant l’impossibilité ici de dire la vérité. Elle dit aussi le besoin de justice et d’authenticité, le lien que se découvrent de plus en plus de jeunes Algériens avec celui qui a célébré à Tipasa « la gloire d’aimer sans mesure ».

Aujourd’hui encore, c’est avec les yeux de Camus que je revois Tipasa. (p. 13)

Boualem Sansal

Le dernier grand témoin d’Algérie qui paraît dans la lignée de Camus est Boualem Sansal. Il sait impliquer le lecteur dans les drames de l’époque comme le ferait un journaliste. II a, comme Camus, le sens de la formule et maîtrise l’ironie propre à l’écriture journalistique. Il pratique souvent la phrase brève et le rapprochement-choc de deux termes fort éloignés et parfois contradictoires. Il use souvent de l’oxymore. Il manie aussi l’autodérision et il a en commun avec Camus le côté Don Quichotte, de celui qui se bat pour des causes impossibles, et précisément parce qu’elles sont impossibles. Boualem Sansal est l’auteur du Village de l’Allemand, mais aussi de Rue Darwin, ce roman dont on peut dire qu’il est hanté par Le Premier homme.

Une injonction de l’au-delà « Va, retourne à la rue Darwin » ouvre ce roman de Boualem Sansal. Et Yazid, le narrateur, reconstitue la scène au cours de laquelle il l’a entendue pour la première fois : la mort de sa mère entourée de ses enfants.

Ils sont venus, ils sont tous là ou presque. Arrivés des quatre coins du monde dans cet hôpital parisien, ils ont répondu à son appel, celui du frère aîné qui s’est voué à prendre soin de leur mère avec une infinie tendresse depuis le début de son cancer. Voulait-il se faire pardonner ainsi une trahison qu’il lui aurait faite en 1963 ? Mais cette femme, Karima, qu’il avait alors quittée durant quelques mois était-elle bien sa mère ? Et d’où lui vient ce doute sur ses origines ?

Progressant parmi les mensonges entretenus consciemment ou non, parmi les mythes de la tribu, les faux-semblants de l’hypocrisie, les silences et les secrets de la horma, Yazid découvre petit à petit des bribes de réponse qu’ordonnera in fine la révélation, rue Darwin, d’une naissance clandestine au sein d’un bordel de montagne régi par un personnage hors du commun qui se disait sa grand-mère, Lalla Djeda.

À travers Yazid et les mensonges qui l’enveloppent, c’est tout le peuple algérien dont Sansal retrace l’histoire confisquée : de la planification socialiste des années Boumediene au népotisme et à la corruption généralisée de la dernière décennie en passant par la terreur intégriste des années 90 que le pouvoir actuel réactive selon ses besoins pour conserver son emprise.

Ainsi, comme dans les romans d’Albert Camus, tout devient symbole dans ce roman. Les enfants du phalanstère tenus dans l’ignorance de leurs origines sont un peu comme cette jeunesse d’Algérie à qui l’on n’a pas enseigné la complexité de son histoire ni ses composantes faites de cultures différentes. La jeunesse d’Algérie que l’on a trompée avec des mythes nationalistes ou des fantasmes de fondamentalistes avides de pouvoir est comme ce chœur des pupilles sur qui Djeda a pouvoir de vie et de mort, qui ne connaissent ni leur père ni leur mère, à qui on assure le gîte et le couvert mais non l’éducation pour leur éviter la tentation de la révolte. Et partout un même pouvoir qui étouffe la liberté, la créativité, tout ce qui fait la dignité de l’homme et la valeur d’une vie.

Le romancier prête au narrateur l’humour de Candide pour dire la folie des seigneurs de guerre et l’ivresse des raïs ou des imams exaltés comme ce « grand mollah, revenu de la guerre sainte ou libéré de prison, qui avait promis d’immoler quelques fidèles pour remercier Allah39 ». Et il orchestre l’ensemble en maniant l’ironie de Voltaire dans tel ou tel dialogue : 

J’ai lu qu’on tuait les femmes, une vaste boucherie, c’est vrai ?
Totalement faux, les femmes n’ont rien à craindre, le pays est civilisé autant que la Suède, dans nos pogroms nous tuons les prostituées, les filles rebelles et les mécréantes qui se convertissent au christianisme, c’est tout, et seulement après avoir répété trois fois la sommation canonique : abjure ou meurs ! Abjure ou meurs ! Abjure ou meurs ! Et on les tue seulement par la pierre, par le fer ou par le feu, selon la juste prescription.
C’est effrayant.
ça ne l’est pas, au contraire on se félicite, il s’agit de sorcières et de filles effrontées.
Que fait-on pour les sauver ?
Rien, elles récidivent tout le temps40.

ou dans des formules et le ton des moralistes de l’époque classique dans des aphorismes.

Mais il laisse au narrateur la tendresse pour toute sa famille des deux côtés, pour ses frères et sœurs et aussi pour Hédi, « voué au djiad et à la folie », « qui jouait au taliban dans les montagnes du Waziristan41 » et victime de la « Matrice », version islamiste du système. Il laisse au narrateur la tristesse du constat devant tous ces mensonges entretenus et toutes ces souffrances qui n’ont que trop duré.

Il laisse enfin au narrateur la tristesse d’être passé à côté de sa véritable mère : « J’aurais tant voulu l’appeler au moins une fois maman. Farroudja n’a jamais entendu ce mot dans ma bouche. Elle ne l’a jamais entendu de personne. Et je ne sais pas où est sa tombe pour aller le lui dire42. »

Ce narrateur qui se reproche une trahison envers sa mère Karima, ce narrateur qui n’a pas pu communiquer avec sa mère biologique, Farroudja, ne rappelle-t-il pas les reproches que s’adresse Lucien Cormery, qui n’a pas eu la force de rester toujours auprès de sa mère, et l’incapacité où il était de parler vraiment avec elle dont le vocabulaire se limitait à quelque quatre cents mots ? L’intertextualité avec Le Premier homme semble travailler tout le roman : ici et là le même amour qu’un homme porte à sa mère vue comme un petit être fragile à protéger : « Elle était comme abasourdie par l’immense et irrévocable absurdité du monde. Je l’aimais tant quand elle avait cet air d’oiselet ébouriffé et tremblant, hypnotisé par le vilain boa !43 » Ici et là c’est la même image de la mère soumise à l’autorité d’une grand-mère. Comme Lucien, Yazid habite Belcourt et la rue Darwin est parallèle à la rue de Lyon où la mère de Camus réside au 92. Enfin Yazid ne se voit-il pas en premier homme lorsqu’il dit : » Si changer de nom devenait obligatoire, je m’appellerais Adam, avec ce nom pas d’antécédent, on ne doit rien à personne, sinon à Dieu44. »

Mais si Le Premier homme est resté inachevé du fait de la mort de Camus, le narrateur de Rue Darwin a pu mener son récit à terme et le romancier, Boualem Sansal, en faire le livre d’une vérité qui échappe, qu’on laisse échapper consciemment ou non.

Conclusion

Albert Camus, l’homme, le romancier et plus généralement l’écrivain lauréat du prix Nobel continue donc d’habiter le paysage mental des écrivains algériens de langue française. Mais de Kateb Yacine à Boualem Sansal sa réception est différente.

Quand l’auteur de Nedjma lui reproche de ne pas soutenir les Arabo-Berbères dans la revendication de leur liberté, c’est l’homme public qu’incriminent aussi d’autres écrivains pendant la guerre d’Algérie et après sa mort.

À ces reproches s’ajoutent, après l’indépendance, ceux qui s’adressent au romancier : Camus a quasiment exclu les Arabo-Berbères de L’Étranger et de La Peste. Et, ainsi réduite à ces romans et à La Chute emblématique d’une « mauvaise conscience », son œuvre fait les beaux jours de la critique post-coloniale.

La publication du Premier Homme en 1994 le range définitivement pour certains parmi les écrivains pieds-noirs ; mais, dans le même temps, les années noires que traverse l’Algérie en conduisent d’autres à retrouver à travers Noces le bonheur perdu du « droit d’aimer sans mesure » dans un des plus beaux paysages du monde, et à retenir principalement dans les essais ou dans Les Justes le message de l’homme révolté contre le déni de dignité, l’injustice et le terrorisme et qui s’est toujours efforcé de mettre en actes la pensée de Midi.

Aube nouvelle, comme leurs aînés Maïssa Bey et Boualem Sansal, les écrivains algériens semblent maintenant de plus en plus nombreux à reconnaître l’héritage d’Albert Camus.

Notes de bas de page numériques

1 Je renvoie à des essais comme celui de Christiane Chaulet-Achour en 1998 Albert Camus, Alger, édition Atlantica, puis Albert Camus et l’Algérie. Fraternités et tensions, éditions Barzach, 2004, où elle analyse « l’ambivalence de sa réception faite de séduction et de rejet » (p. 7). En 2003 celui de Bouba Tabti-Mohammedi Albert Camus et les écritures du XXe siècle, Artois Presses Universités, et en particulier à son chapitre « Camus et les écrivains algériens : Mouloud Mammeri et Maïssa Bey ». Ou encore, en 2004, celui de François Chavanes, Albert Camus tel qu’en lui-même, édition du Tell. Ainsi qu’à des numéros spéciaux de revue : Revue Europe octobre 1999 (coordination de Christiane Chaulet-Achour), La réception de Camus en Algérie. Camus et l’Algérie des années 90 ; à plusieurs numéros hors-série du Figaro littéraire ou, tout récemment, au numéro de Philosophie Magazine d’avril-mai 2013, Albert Camus la pensée révoltée, et à la revue dirigée par Marie Virolle qui paraît quatre fois par an depuis 1996, Algérie Littérature Action, dans un dialogue interculturel sans cesse entretenu. Enfin aux actes de colloques : comme celui de Montpellier en février 2003 intitulé De Camus à Kateb, avec un article tout à fait important de Naget Khadda, à celui d’octobre 2003 à Lourmarin intitulé Albert Camus et les écritures algériennes quelles traces ? ; à celui de 2005 à Oran, ou bien encore à celui d’avril 2006 à Tipasa et à Alger Camus et les lettres algériennes. L’espace de l’interdiscours, coordonné par Afifa Bererhi et édité en 2007 chez Barzach à Alger.

2 Maïssa Bey, L’Ombre d’un homme qui marche au soleil Réflexions sur Albert Camus, préface de Catherine Camus, Montpellier, Éditions Chèvre-Feuille étoilée, 2004.

3 Au pied des contreforts de l’Atlas, à l’issue des gorges de la Chiffa, à 60 km au sud d’Alger, le directeur du service des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire en Algérie, Charles Aguesse, secondé par Christiane Faure, la belle-sœur de Camus, avait projeté de faire de la belle villa mauresque de Sidi-Madani, réaménagée en hôtel, un équivalent de la villa Médicis pour les écrivains, les hommes de lettres et de sciences et les artistes métropolitains, et d’y organiser pour eux des rencontres avec leurs homologues de toutes les communautés d’Algérie et ceux qu’ils estiment les représentants les plus intéressants de la pensée algérienne, en particulier dans les milieux musulmans.Ce projet ne s’est réalisé qu’entre décembre 1947 et mars 1948 et les rencontres véritables ont été fort peu nombreuses. Après une rencontre avec huit étudiants filles et garçons de la faculté d’Alger un dimanche entre 10h et 15h avec l’auteur du Parti Pris des choses et d’autres intellectuels de la métropole présents à ce moment-là, il est intéressant de voir la réaction de Francis Ponge : « beaucoup trop parlé des relations franco-arabes. Les questions commencent à me fatiguer ! » Lettre inédite de Francis Ponge à Albert Camus, datée du 21 décembre 1947.

4 Lettre dactylographiée (archives du Centre Albert Camus, Cité du livre, Aix-en-Provence).

5 Cf Charles Bonn, Kateb Yacine Nedjma, Paris, P.U.F. 1990.

6 Voir Fadhma Aïth Mansour, Histoire de ma vie, préface de Vincent Monteil et de Kateb Yacine, nouvelle édition, Paris, La Découverte, 2000. Voir aussi Taos Amrouche qui dédie Le Grain magique : contes, poèmes, proverbes berbères de Kabylie « à Marguerite Fadhma Aïth Mansour, ma mère, dernier maillon d’une chaîne d’aèdes », éd. La Découverte, 1996.

7 Jean El Mouhoub Amrouche, Journal (1928-1962) édité et présenté par Tassadit-Yacine Titouh, Paris, éd. Non lieu, 2011.

8 Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962, Paris, éditions du Seuil, 1962, p. 44.

9 Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962, Paris, éditions du Seuil, 1962, p. 45.

10 Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962, Paris, éditions du Seuil, 1962, p. 170.

11 Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962, Paris, éditions du Seuil, 1962, p. 187.

12 Référence au Statut de l’Indigénat décrété en 1874 pour la Kabylie et en 1881 pour le reste de l’Algérie, et qui ne sera aboli qu’en 1944 (par une ordonnance du 7 mars).

13 Mouloud Feraoun, Journal 1955-1962, Paris, Éditions du Seuil, 1962, p. 338.

14 Cf Mouloud Feraoun, Le Fils du pauvre, Paris, Éditions du Seuil, 1951.

15 In Charles Bonn, Anthologie de la littérature algérienne, Paris, Le Livre de poche, 1987, p. 108-111.

16 « Camus l’Algérien », revue Simoun numéro spécial de juillet 1960, n° 3.

17 In Christiane Chaulet-Achour, « Camus et l’Algérie des années 90 », Revue Europe n° 849, octobre 1999, p. 174.

18 Naget Khadda, « Albert Camus et Mohamed Dib, les héritiers enchantés », in Albert Camus et les écritures algériennes, quelles traces ? (Rencontres méditerranéennes, interventions des journées d’octobre 2003 à Lourmarin), EDISUD, 2004, pp. 103-118.

19 Ahmed Taleb Ibrahimi, De la décolonisation à la révolution culturelle 1962-1972 SNED, Alger, 1974.

20 Cf François Chavanes, Albert Camus, tel qu’en lui-même, Éditions du Tell, p. 142 qui cite ces extraits de la conférence d’Ahmed Taleb Ibrahimi « Albert Camus vu par un Algérien » reproduite dans De la décolonisation à la révolution culturelle 1962-1972, p. 161-184 (citations p. 182,184).

21 Abdelmajdid Kaouah, « Dialogue d’outre-tombe : Kateb Yacine et Albert Camus », in Albert Camus et les écritures algériennes, quelles traces ? (Rencontres méditerranéennes, interventions des journées d’octobre 2003 à Lourmarin), EDISUD, 2004, p. 51-55.

22 Edward Saïd, Culture et Impérialisme (publié à New-York en 1994), traduit de l’anglais par Paul Chemla, Librairie Fayard et Le Monde diplomatique, 2000.

23 Edward Saïd, Culture et Impérialisme, op. cit., pp. 248-268.

24 Afifa Bererhi (dir.), Albert Camus et les lettres algériennes : l’espace de l’interdiscours, Éditions Barzach 2007, t. II, p. 279-292.

25 Christiane Chaulet-Achour, Albert Camus et l’Algérie, op. cit., p. 37.

26 Christiane Chaulet-Achour, Albert Camus et l’Algérie, op. cit., p. 81.

27 Édition Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, t. IV, Appendices du Premier homme, notes et plan, p. 944.

28 Jeanyves Guérin, « Les hommes politiques français lecteurs de Camus », in Camus et la politique, Jeanyves Guérin (dir.), Actes du colloque de Nanterre de juin 1985, éditions L’Harmattan, 1986.

29 In « Lettre à Roland Barthes » du 11 janvier 1955, éditions Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, t. II, p. 287.

30 Développement des objectifs de Combat : « De la révolte à la Révolution », éditorial du 1er octobre 1944 repris dans Actuelles. Chroniques 1944-1948, dédié à René Char, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, t. II, p. 539-540.

31 Cette pièce a paru dans Albert Camus et les écritures algériennes quelles traces ?, Edition EDISUD, 2004. Les écritures du sud, collection les rencontres méditerranéennes Albert Camus (suite aux interventions qui ont eu lieu à Lourmarin durant les journées des 10 et 11 octobre 2003), pp. 143-178.

32 Abdelmajdid Kaouah, « Dialogue d’outre-tombe : Kateb Yacine et Albert Camus », in Albert Camus et les écritures algériennes, quelles traces ?, EDISUD, 2004, p. 55.

33 Aziz Chouaki, « Le tag et le royaume », in Albert Camus et les écritures algériennesop. cit., pp. 35-40.

34 Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, [1ère édition Alger, éd. Barzach, 2013], Paris, Actes Sud, 2014.

35 Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, Actes Sud, 2014, p. 17.

36 Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, Actes Sud, 2014, p. 152.

37 Maïssa Bey, L’Ombre d’un homme qui marche au soleil, Chèvrefeuille étoilée éditions, p. 12.

38 Maïssa Bey, L’Ombre d’un homme qui marche au soleil, op. cit., p. 25.

39 Boualem Sansal, Rue Darwin, Gallimard, NRF, 2011, p. 206.

40 Boualem Sansal, Rue Darwin, op. cit., p. 129.

41  Boualem Sansal, Rue Darwin, op. cit., p. 24.

42 Boualem Sansal, Rue Darwin, op. cit., p. 254.

43 Boualem Sansal, Rue Darwin, op. cit., p. 26.

44 Boualem Sansal, Rue Darwin, op. cit., p. 152.

Notes de la rédaction

Ce texte est issu d’une conférence prononcée au CTEL le 20 novembre 2013.

Pour citer cet article

Eveline Caduc, « Postérités d’Albert Camus chez les écrivains algériens de Kateb à Sansal », paru dans Loxias-Colloques, 4. Camus: "un temps pour témoigner de vivre" (séminaire), Postérités d’Albert Camus chez les écrivains algériens de Kateb à Sansal, mis en ligne le 08 septembre 2014, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=686.

Auteurs

Eveline Caduc

Écrivain