L’Ensorcelée de Jules Barbey d’Aurevilly et La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac ont pour protagonistes l’abbé Jéhoël de la Croix-Jugan et la comtesse Fœdora, qui se distinguent par leur refus catégorique de céder aux avances de leurs prétendants respectifs, Jeanne le Hardouey et le marquis Raphaël de Valentin. Leur désir de célibat et de chasteté est contesté par ces derniers qui les décrivent comme des êtres cruels et « sans cœur », se plaisant à manipuler leurs proies pour servir leurs intérêts personnels. Les éléments mobilisés dans la caractérisation de ce duo d’indifférents nous permettront de saisir les motivations qui sous-tendent leur rejet du sentiment amoureux et l’inflexibilité dont ils font preuve face au désespoir de leurs prétendants. Il s’agira également d’analyser la radicalité de leur refus vis-à-vis des lois sociales qui les conduit nécessairement à se rebeller contre celle-ci. Le désir de chasteté de Fœdora et Jéhoël les nimbe de mystère, ce qui les rend d’autant plus attirants. Leur dimension énigmatique se manifeste ainsi à travers une poétique du secret qui s’appuie principalement sur les instances narratives qui privilégient stratégiquement la focalisation externe pour défendre toute intrusion du lecteur et des personnages dans leur intériorité.