Alliage | n°73 - Mars 2014  

Michel Pierssens  : 

Vulgariser les sciences en 1855 Entre Baudelaire et Babinet

p. 31-45

Plan

Texte intégral

1Au moment de la publication par Michel Lévy d’Eureka, le conte de Poe qu’il a traduit, Baudelaire avoue à ce dernier, à propos des services de presse à faire :

« Je ne connais pas la rédaction scientifique des journaux ».1

2Baudelaire ne connaissait peut-être personne dans les rédactions spécialisées mais il n’en avait pas moins cherché avec insistance à obtenir le soutien de Jacques Babinet, chroniqueur scientifique attitré de la Revue des deux-mondes, au moment de la publication du texte de Poe2-- Poe dont il avait qualifié Révélation magnétique, traduite pour La Liberté de penser, de « haute curiosité scientifique »3. Cette méconnaissance avouée du milieu de la presse scientifique était-elle un trait purement idiosyncratique de Baudelaire ? Était-elle la conséquence (ou la manifestation) d’un mépris particulier de sa part pour la Science telle que la présentaient les journaux ?

3Pour tenter de répondre à ces questions, encore faut-il savoir comment la Science était traitée par la presse et quels aspects en étaient mis en avant à destination du grand public lecteur. Un moyen d’y parvenir est de concentrer notre attention sur un moment particulièrement bien documenté de l’histoire de la vulgarisation scientifique qui se trouve être également très commenté par Baudelaire puisqu’il correspond à une période décisive dans l’évolution de son œuvre et de sa pensée : l’Exposition universelle de 18554.

Une période faste

4C’est en effet dans son premier article sur l’Exposition, « Méthode de critique », qu’il avance l’idée fameuse selon laquelle

« le beau est toujours bizarre »,

5demandant comment cette bizarrerie pourra jamais

« être gouvernée, amendée, redressée par les règles utopiques conçues dans un petit temple scientifique quelconque de la planète, sans danger de mort pour l’art lui-même ? »5.

6L’affaire, du point de vue de Baudelaire, est pourtant entendue :

« Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet, ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz. (…) Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels, qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel »6.

7Heureux temps pourtant que celui où un grand journal comme La Presse d’Émile de Girardin livrait chaque samedi son rez-de-chaussée à son chroniqueur scientifique maison !

8Quatre noms peuvent symboliser en 1855 dans l’espace public francophone7 les différents aspects de la vulgarisation scientifique, en plein essor au moment même où toute l’Europe industrielle (et au-delà, en Amérique du Nord et du Sud) se trouve sollicitée par l’Exposition universelle : Victor Meunier, l’Abbé François Moigno, Louis Figuier, Jacques Babinet.8

9Pendant que George Sand poursuit avec un énorme succès la publication d’Histoire de ma vie dans le feuilleton littéraire de La Presse, voici ce que l’on pouvait lire en première page du journal d’Émile de Girardin le 26 mai 1855 sous la signature de Louis Figuier9 :

« Pour se dévouer entièrement à l’oeuvre utile qu’il a fondée, M. Victor Meunier s’est vu contraint de renoncer à la rédaction des Bulletins scientifiques dans La Presse, où il avait su élever, avec talent, une tribune écoutée. Appelé à lui succéder, nous nous efforcerons de continuer la tâche commencée par notre honorable prédécesseur. La science, qui fait la préoccupation du présent, sera la loi de l’avenir. Se consacrer à la diffusion des faits et des notions scientifiques, c’est donc travailler à la cause du progrès, aussi bien dans l’ordre moral que dans l’ordre matériel. C’est cette conviction profonde qui nous enhardit à nous mettre en communication avec les lecteurs de La Presse, public sympathique et disposé à accueillir avec indulgence et faveur tous les efforts. »

10Victor Meunier10 ne quitte le journal que pour se consacrer à son propre hebdomadaire, L’Ami des sciences, spécialisé dans la vulgarisation, fondé quelques mois plus tôt (il avait commencé à paraître le 7 janvier) et qui durera sept années, jusqu’en 1862.

11C’est aussi le moment – ce n’est évidemment pas une coïncidence – où l’Exposition Universelle, « cette grande solennité industrielle », venait de s’ouvrir officiellement, quelques jours plus tôt, le 15 mai, non sans de multiples difficultés.11 Elle ne devait se refermer que le 15 novembre suivant, très réussie en fin de compte malgré des débuts quelque peu chaotiques.

12La période est donc faste pour la science et pour ce que l’on n’appelle pas encore la technologie ou la technoscience au sens actuel du terme mais des « arts industriels », plus faste encore pour ceux qui vont les expliquer avec enthousiasme au public. Le Rapport produit par le Prince Napoléon, officiellement président de la commission responsable générale de l’entreprise, en souligne d’ailleurs bien la portée idéologique :

« Les expositions universelles sont une nécessité de notre temps. Sans porter atteinte aux nationalités, éléments essentiels de l’organisation humaine, elles fortifient les généreuses influences qui convient tous les peuples à l’harmonie des sentiments et des intérêts. L’observation qui m’a frappé tout d’abord, c’est que de ce grand concours jaillit une fois de plus la preuve que les sociétés modernes doivent marcher vers la liberté. »12

13Période faste aussi d’ailleurs pour les Beaux-Arts puisque ces derniers s’y sont trouvés présentés pour la première fois sur un pied d’égalité avec les produits de l’Industrie. Le projet initial du Prince Napoléon était d’offrir une vaste rétrospective de l’art du XIXe siècle. Les contraintes matérielles l’ont obligé à se contenter de ne montrer que les œuvres des artistes actifs en 1855, avec pour vedettes incontestées Delacroix et Ingres (étudiés par Baudelaire dans ses articles du Pays, les 26 mai et 6 juin) ainsi que Detaille.

Fig. 1. Louis Figuier (1819-1894)

Un ami des sciences

14Louis Figuier s’intéresse à tout, comme son prédécesseur, mais dans un esprit différent de Meunier, dont il n’a pas l’activisme politique ni l’idéalisme social. Il manifeste avant tout une volonté de maîtrise technique dans la présentation de ses sujets. Meunier vise, lui, d’abord à bien servir un public qu’il s’agit de séduire par l’enthousiasme et de former, comme il l’annonce dans sa « Déclaration » inaugurale, très emphatique :

« Par ce titre Ami des sciences, nous voulons protester de notre indéfectible confiance dans l’esprit humain leur créateur, dont elle manifeste la puissance ; dans le caractère sacré de la Bible de l’univers, dont elles sont la progressive interprétation ; dans la réalisation de l’existence heureuse et grandiose qu’elles promettent de faire dès cette vie à l’universalité des hommes. Et la promesse a pour gage d’immortelles conquêtes dont le cours ne saurait avoir de terme que dans l’entier asservissement de la matière à l’esprit. »

15Plus concrètement, il définit aussi de manière intéressante les cibles de cet effort :

« Quelles choses sont dignes d’être portées à la connaissance du public ? Je dis du public et non de tels savants spéciaux, car on devine bien que ce journal où l’astronomie, la physique, la chimie, la physiologie, l’industrie, l’agriculture, toutes les sciences verront enregistrer leurs conquêtes, ne sera spécialement l’organe d’aucun de ces départements du savoir. Sa spécialité est celle des gens qui n’en ont pas, ou plutôt de ce qui aspire à s’en faire une de l’étude de la philosophie théorique et pratique des sciences ; spécialité bien utile à créer, dont les principaux éléments existent et qui n’attend qu’un architecte. »

16Le succès est au rendez-vous, semble-t-il, d’après ce qu’en écrit Meunier le 27 mai :

« En quatre mois, l’Ami des sciences a atteint un chiffre d’abonnés et de lecteurs qu’avant lui aucun journal scientifique n’avait réalisés, même après de longues années d’existence. Ce résultat était dû en entier, jusqu’ici, à ce goût croissant pour le champ scientifique qui atteste la naissance d’un nouvel esprit public ».

17Et d’encenser son successeur :

« M. Figuier prend avec une réputation incontestée d’homme d’esprit, et de cœur, de savant et d’écrivain, une position où, inconnu, il eût réussi promptement à se faire un nom ; on pressent tout le parti qu’il en saura tirer. Dès ce moment, il n’est plus nécessaire de le louer ; son nom est sa caution, et c’est ce qu’a compris La Presse ».

18Généreux et plein de son sujet, Victor Meunier n’hésite pas à faire dans son journal de la publicité pour les autres journaux de vulgarisation, ce qui nous renseigne de manière assez précise sur l’offre disponible dans ce domaine en 1855 :

« L’Ami des sciences n’est pas le seul journal qui, loin de s’adonner au service exclusif d’une spécialité, se propose de tenir ses lecteurs au courant de tous les progrès qui s’accomplissent dans les diverses branches des sciences positives ; trois autres publications s’imposent comme lui cette tâche, deux d’entre elles nous ont même précédé dans la carrière, l’autre nous y a suivi ; ce sont par rang d’ancienneté : L’Institut, le journal universel des sciences des sociétés savantes en France et à l’étranger : propriétaire rédacteur en chef M. Eugène Arnoult13. Paraît le mercredi. Abonnement pour Paris, 30 Fr [...] ; Cosmos, revue encyclopédique hebdomadaire du progrès des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, fondée par M. de Montfort, rédigé par M. L’abbé Moigno. Abonnement pour Paris, 20 Fr [...] La Science, journal du progrès des sciences pures et appliquées et des découvertes et inventions : rédacteur en chef, M. Auguste Blum, ancien élève de l’école polytechnique14. Ce journal se publie en trois éditions. La première quotidienne, 48 Fr par an ; la deuxième semi-quotidienne, 28 Fr ; la troisième hebdomadaire, 18 Fr par an. Un numéro, 35 centimes. ».

Fig. 2. Victor Meunier (1817-1903)

19L’Ami des Sciences comporte toujours une partie « philosophie des sciences », très idéologique car Victor Meunier n’est pas entièrement sorti du paradigme des Lumières. Proche encore de leur versant obscur, dont Mesmer avait été l’emblème, à côté de ce que nous considérons encore comme des sciences, une place importante y reste faite à des savoirs devenus pour nous des pseudosciences : la table des matières comporte ainsi de multiples références à la phrénologie et plus encore au magnétisme animal. De manière typique également, V. Meunier ne voit aucune contradiction, au contraire, entre désir de science et désir de littérature – ce qui s’exprimait depuis longtemps sous les espèces de la poésie scientifique, dont la « Poésie de l’industrie »15 est l’avatar le plus présent dans la première moitié du XIXe s :

« L’industrie n’est plus un métier. L’industrie est la science même ; la science active entreprenant une conquête bien autrement vaste que celles qui ont porté jusqu’à nous les noms des Alexandre et des César ; s’attaquant à des puissances devant lesquelles des nuées de barbares ne pèsent pas plus que le sable du désert devant la tempête. L’industrie est la science opérant la pacification générale de la nature et jetant les fondements de la monarchie universelle de l’homme sur le monde. Elle légitime, elle réalisera les conceptions les plus grandioses qu’ait inspirées le sentiment de la dignité humaine. Cette soumission, que les penseurs du moyen âge prétendirent obtenir de la matière par des moyens magiques, l’industrie veut les obtenir aussi absolue qu’on la rêva jamais. Ce titre jusqu’à présent honoraire de roi de la terre, que les poètes inspirés ont de tout temps décerné à l’homme, elle le justifie en nous investissant à l’égard de la nature de fonctions vraiment royales. Nous comprenons maintenant pour quelles raisons profondes les métiers ont été compris sous la dénomination générale d’« arts ». L’industrie, déjà confondue avec la science, entre manifestement dans une phase toute de poésie, elle se joue avec l’impossible, elle élève la réalité au rang de l’idéal, elle parle désormais autant à l’ardente imagination de l’artiste qu’à la raison calme du savant, et comme l’art, enfin, elle instruit en charmant. »16.

20On ne s’étonnera pas, par conséquent, de découvrir en 1856, dans la section du journal intitulée « Variétés », une apparition de la littérature sous la forme qui nous paraît évidemment incongrue d’une « poésie » consacrée à célébrer « La piocheuse à vapeur »17, d’abord publiée dans La Presse et dédiée à Émile de Girardin :

« Le laboureur, un jour, brisé dans son courage,

étancha la sueur qui baignait son visage ;

 et, jetant l’aiguillon lassé,

 il mesura de l’œil l’horizon sans limite,

et s’assit tristement sur l’herbe parasite,

 au bord du sillon délaissé.

 Seigneur, mon bras est faible et la tâche est immense

dit-il : à chaque pas le sillon recommence

Il disait, et, vers lui poussant sa marche ardente,

Léviathan de l’art, un monstre à voix stridente

vient poser sa masse de fer.

D’une quadruple roue il écrasait la terre ;

et ses naseaux fumants, comme un rouge cratère,

lançaient la vapeur et l’éclair.

sous des dieux inconnus un autre jour se lève

pour l’homme à la glèbe arraché.

Accepte les effets sans connaître les causes :

nous avons travaillé pour que tu reposes,

au joug nous venons te ravir.

La Science affranchit l’homme de la matière...

Et la matière, bois, métal, vapeur ou Pierre,

 l’esclave qui doit servir !

 Le jour vient, - il est proche - où l’antique routine

 doit céder en tout lieu la place à la Machine,

 servante de l’humanité ;

 où la Machine, aux champs par elle mise en friche,

 sèmera de surcroît, en le faisant plus riche,

 le grain qu’elle aura récolté. »

21Etc.

22Quant à Louise Mornand, roman on ne peut plus banal qui agrémente la « partie littéraire » du journal pendant un bon nombre de livraisons, on peut supposer qu’il doit cet honneur plutôt au fait de sortir de la plume de Mme Victor Meunier qu’à ses mérites proprement littéraires. Il ne semble d’ailleurs pas avoir été repris en volume18. C’est pourtant elle, Isabelle Meunier, qui aurait pu être un trait d’union entre son mari et Baudelaire, puisqu’elle avait la première traduit le Double assassinat dans la rue Morgue.19

23Militant de toutes les bonnes causes, Victor Meunier s’intéresse aussi aux enfants. Le culte du baby qui sévira plus tard, à l’époque de Mallarmé, n’existait pas encore. Le grand débat du siècle sur l’éducation et les réformes déjà fréquentes préparaient cependant le terrain pour des entreprises de presse ciblées sur la jeunesse, dont on pouvait supposer que la curiosité se trouvait stimulée par l’Exposition, cet excitant dont les adultes ne cessaient de parler. Toujours est-il que Meunier lance son nouveau périodique le 20 septembre 185520. Il est annoncé ainsi la semaine précédente dans l’Ami des sciences :

« Journal dans l’acception habituelle du mot, La Presse des Enfants recueillera dans la littérature, dans les arts, dans les sciences, dans l’industrie, parmi les nouvelles diverses, tous les faits actuels de nature à intéresser les enfants. Elle les présentera sous une forme simple, attrayante, avec les développements et explications nécessaires. Son but, en initiant ses jeunes lecteurs au travail du progrès, est de leur inspirer la résolution d’aider plus tard à son accomplissement. Elle veut concourir, dans la mesure de ses forces, à former une génération qui, devant le vrai, l’utile et le beau, vaudra mieux que la nôtre. »

24Intéressant programme, où l’on remarque que le bien qui figurait dans la devise de l’éclectisme cousinien21 est ici remplacé par l’utile. L’utilitarisme n’est pas loin qui sera comme la morale de la seconde moitié du siècle. On ne saurait être plus loin de Baudelaire, attaquant férocement quelques années plus tôt « Les drames et les romans honnêtes » et qui écrivait dans « Mon cœur mis à nu » :

« Être un homme utile m’a toujours paru quelque chose de bien hideux »22.

25L’Exposition, occasion de tant d’émerveillement et prétexte à tant de déversements lyriques, ferme ses portes le 15 novembre. Outre le premier bilan présenté dans l’édition du 18 novembre de L’Ami des sciences, Meunier ne manquera donc pas de matière pour nourrir ses publications :

« La phase d’observation est forcément terminée, il s’agit maintenant de s’élever aux considérations générales et de conclure. Conclure, c’est tracer un plan pour l’avenir. Nous essaierons de le faire dans une série d’articles qui figureront en tête de cette feuille, en même temps que, dans une autre partie du journal, nous continuerons l’étude de longtemps inépuisable des faits de détail dignes d’attention que l’exposition nous a offerts. »

26L’Ami des sciences poursuivra en effet son apostolat jusqu’en 1862, sous une autre direction mais avec le fils de Victor Meunier, Stanislas, comme secrétaire de la rédaction.

Cosmos et l'Académie

27Cosmos, la revue « rédigée par M. l’Abbé François Moigno23 » (que reprendra Meunier, rappelons-le, en 1867)24, s’appuie de façon systématique sur les publications académiques – les Académies jouant encore à cette époque une fonction centrale dans l’édifice institutionnel responsable de la production et de la diffusion des connaissances. « Revue encyclopédique hebdomadaire des progrès des sciences », fondée par M. B. R. de Monfort, la revue entame en 1855 sa quatrième année. Elle prend en partie la suite de La Lumière, du même Monfort. Le compte-rendu des séances de l’Académie n’est pas toujours bien palpitant, comme l’avoue le rédacteur lui-même. Ainsi dit-il sans détours sa déception dans le premier numéro de l’année à propos de la séance publique annuelle du 8 janvier :

« Cette séance, qui devait être l’événement scientifique de la semaine, n’a pas offert un grand intérêt. Les membres de l’Institut étaient présents en assez grand nombre, mais ils étaient tous en habit bourgeois ou d’hiver… L’hémicycle, les amphithéâtres, les tribunes étaient remplis de spectateurs et d’auditeurs, mais ce n’était plus cette foule distinguée et élégante des grandes solennités académiques... aussi cette réunion n’avait-elle pas un air de fête : chacun semblait y être venu par devoir, par habitude ou machinalement, sans curiosité, sans entrain, sans aucun espoir d’émotion »25.

28La curiosité, l’entrain, l’émotion, c’est bien sûr à l’Exposition, six mois plus tard, qu’on les retrouvera enfin :

« L’Exposition universelle des produits de l’agriculture, de l’industrie et des arts est inaugurée... S’il est un journal que l’Exposition universelle doive intéresser, c’est sans doute le Cosmos, qui par son nom et par son but embrasse le monde, qui s’est donné pour mission de signaler le progrès sous toutes ses formes, et vers quelque point de l’horizon qu’il surgisse. Aussi l’inauguration du Palais de l’Industrie sera-t-elle pour nous le signal d’une grande campagne qui commence aujourd’hui, et qui ne finira que lorsque nous aurons complètement étudié, décrit, exposé les conquêtes importantes, les inventions originales, les découvertes inspirées, les idées heureuses, les germes féconds, les oeuvres méritoires qui seront apparues dans l’arène. »

« Notre plan est vaste, vaste comme l’objet gigantesque qu’il embrasse ; mais quelque vaste qu’il soit, il ne nous effraie pas ; nous nous sentons assez d’ardeur et de forces pour le remplir. »26

29Comme il était d’usage au XIXe siècle, les locaux de la revue sont ouverts au public et se présentent comme un véritable centre de documentation :

« Ce qui ne contribue pas peu à nous soutenir dans notre rude entreprise, c’est la constitution déjà réalisée des salons du Cosmos en centre de mouvement scientifique industriel, où toutes les publications de quelque importance affluent, où nous sommes assurés de trouver en abondance des matériaux de notre rédaction, ou il ne sera donné de voir, d’écouter, de consulter la plupart des maîtres illustres, les juges souverains que l’Exposition universelle amènera à Paris.»

« Nous rappelons, à cette occasion, à nos abonnés français et étrangers, que les personnes recommandées par eux, trouveront dans les salles du Cosmos, 18, rue de l’Ancienne-Comédie, la plus cordiale hospitalité, et qu’ils pourront y consulter tout ce qui aura été publié sur l’Exposition universelle. »

La querelle du stéréoscope

30Il surgit parfois d’intéressantes polémiques entre les acteurs très médiatisés de la vulgarisation scientifique. On en trouve un exemple très significatif lorsque l’Abbé Moigno s’en prend très vivement à Figuier qui avait traité le stéréoscope avec dédain – alors que Moigno en est un enthousiaste. Or, on sait quelle importance la question du stéréoscope a occupée au XIXe siècle27 :

« Ce n’est pas sans quelque surprise et sans une certaine douleur que, dans l’intéressant article que M. Louis Figuier a publié dans La Presse du samedi 16 juin, sur la photographie au Palais de l’Industrie, nous avons lu l’appréciation suivante d’une invention que nous avons tant exaltée, et si justement : « Dans l’exposition des produits photographiques de l’Angleterre, le public se presse autour de deux grandes boîtes circulaires, éclairées à l’intérieur par des verres dépolis, et occupées par un certain nombre de portraits coloriés que l’on regarde de l’extérieur, par la double lentille d’un stéréoscope. Cette exhibition, due à M. Claudet, Français, qui possède à Londres de vastes établissements de photographie, nous paraît, disons-le, fort peu digne d’un tel artiste. Pour l’un des représentants les plus habiles de la photographie à l’étranger, c’est borner un peu son ambition de la limiter à l’exhibition banale des résultats d’un instrument d’optique placé entre les mains de tous, et dont les effets, une fois analysés, n’ont plus rien qui mérite l’attention. La plus triste épreuve de photographie, exécutée dans les conditions spéciales qu’exige le stéréoscope, produit ces illusions du relief devant lesquelles la foule de badauds peut un moment s’arrêter, mais qui sont peu dignes d’un art sérieux. ». « Nous ne pouvons vraiment passer sous silence le dédain étrange et inexplicable formulé en termes si vifs contre le stéréoscope surtout dans un article sur la photographie, dont le stéréoscope a centuplé les forces.... M. Figuier, évidemment ne sait pas ce que c’est que le stéréoscope,... Pour tout homme qui ne s’effarouche pas du progrès, dont l’esprit n’est pas assez inerte pour s’offenser des nouveautés qui exigent de lui quelques efforts, le stéréoscope sera toujours un instrument merveilleux qu’on ne saurait trop admirer et propager. Que suppose-t-il en effet ? De bonnes épreuves photographiques. Qu’ajoute-t-il à ces épreuves belles en elles-mêmes ? L’espace, l’air, le relief, la réalité enfin de la nature ; réalité qui n’est pas, comme l’affirme M. Figuier, un trompe-l’oeil, une illusion, mais une perception mathématiquement nécessaire, aussi nécessaire et aussi réelle que celle qui, dans la vision binoculaire de deux yeux sains, nous montre les objets tels qu’ils sont. »28

31La cible de cette critique pouvait susciter quelques jalousies du fait de sa position stratégique dans un journal aussi influent que La Presse.

32Figuier, rappelons-le, y avait succédé à Victor Meunier à ce moment crucial où s’ouvrait l’Exposition et il entamait ainsi une longue et prestigieuse carrière de journaliste scientifique. L’événement est en effet d’une portée considérable car l’audience de ce journaliste savant ou de ce savant-journaliste dépassera de très loin celle de ses concurrents -- ce qui fera de lui la figure incontournable de la vulgarisation scientifique pendant les décennies à venir.

33Plus intéressé par les sciences et l’industrie que par les beaux-arts, dès la semaine qui suit son entrée à La Presse, Le 2 juin 1855, Figuier définit de son côté la tâche qui l’attend :

« L’Exposition universelle qui vient de s’ouvrir à Paris offrira l’ensemble de ces nouvelles applications de toutes les données scientifiques ; le feuilleton de La Presse devra donc entrer, sans retard, dans ce temple du progrès. »

34On sait ce qu’en aura pensé Baudelaire, à la lecture peut-être de cet article, lui qui vitupère sans ménagement au même moment « l’idée du progrès », « fanal obscur », « perfide », « idée grotesque »29.

35Mais l’impulsion était là, malgré Baudelaire, qui allait permettre à Figuier de bientôt lancer son recueil de L’Année scientifique, en 1857, publication de référence dont le succès irait croissant, y compris en suscitant des imitations à l’étranger30. Vapereau, qui publiait lui-même chez le même éditeur, Hachette, une Année littéraire et dramatique, jette un intéressant regard rétrospectif sur l’entreprise de son collègue au moment de fêter le dixième anniversaire de la publication :

« M. L. Figuier vient de donner à son Année scientifique et industrielle, un complément que je me trouverai très heureux de donner moi-même prochainement à mon Année littéraire et dramatique : arrivé au dixième volume de cette populaire collection, il en a publié les Tables décennales. L’étendue de ce document accessoire lui a permis d’en faire un volume à part, et comme il a semblé qu’un volume ne pouvait pas se passer de préface ou avant-propos, il écrit à cet effet une Causerie de l’auteur avec les quinze mille souscripteurs de l’Année scientifique. Sous la forme de ces épanchements tout personnels ou le moi de tant d’écrivains se met si facilement en scène, M. Figuier rappelle un certain nombre de faits qui peignent bien l’entraînement de notre temps vers la littérature scientifique. Les chiffres croissants du tirage de son livre, dont il nous fait confidence, sont déjà significatifs. »31

36Figuier, alors qu’il a raté sa carrière au sein des institutions officielles bien que docteur ès-sciences, docteur en médecine et agrégé de chimie, ne sera cependant pas oublié32. Il le doit avant tout à sa production toujours sérieuse et volumineuse à destination du public instruit alors en pleine croissance. Il a rempli les bibliothèques des familles informées d’une série d’ouvrages incontournables, y compris sous la forme de livres de Prix, dont son association avec Hachette favorisait évidemment la diffusion. L’année de l’Exposition universelle avait été propice aux nouveautés et dès 1856 les amateurs pouvaient se procurer son ouvrage sur Les Applications nouvelles de la science à l’industrie et aux arts en 1855, un volume de 428 pages, pas moins. Il y rassemble les chroniques publiées dans La Presse pendant les sept mois qu’avait duré l’Exposition :

« L’année 1855 marquera une date ineffaçable dans l’histoire pacifique des nations. De tous les coins du monde, les peuples se sont levés pour apporter les tributs de leur industrie au concours universel ouvert dans la capitale de la France. Le génie de l’homme n’a jamais apparu avec autant d’éclat que dans cet imposant étalage de ses merveilles assemblées. C’était le génie humain que l’on allait contempler avec enthousiasme dans ses œuvres d’art et d’industrie, qui portait le glorieux témoignage de sa force, de sa patience et de son étendue. »

«En quoi beau?»

37Jacques Babinet (1794-1870) présente un cas tout différent. Il s’agit, comme ceux dont nous venons de parler, d’un scientifique authentique qui a laissé des recueils d’articles et des brochures savantes mais, même si, comme eux, il consacre une grande énergie à la vulgarisation scientifique, c’est son activité de chercheur bien installé dans l’institution qui le distingue. Ses travaux en physique (il avait collaboré encore très jeune avec Ampère) et ses propres créations d’appareillages importants pour la recherche justifient son élection à l’Académie des sciences en 1840. À côté de ses très nombreux comptes rendus dans les publications académiques, il s’était forgé aussi en quelque sorte une image de savant pour le grand public cultivé et exigeant grâce à des articles très substantiels publiés dans le Journal des débats et la Revue des deux mondes33. Outre le fait qu’il présente lui-même à l’Exposition son polarimètre polarisant, 1855 est surtout l’année où il publie un premier recueil de ses articles sous le titre d’Études et lectures sur les sciences d’observation34. Dans son « Avis au lecteur » placé en tête de ce premier volume, il note ainsi de manière toute baudelairienne que

« Les œuvres littéraires ont sur les exposés scientifiques l’avantage de l’attrait que l’imagination, cette vraie magicienne, répand sur tout ce qui est de son domaine. Les Sciences, au contraire, pour appeler l’intérêt, ont besoin, pour la société en général, de ce qu’on appelle l’intérêt du moment, ou l’actualité. Voilà pourquoi les articles d’une revue se prêtent si bien à cette exigence d’auditoire exceptionnel ».

38Le lecteur aura eu en effet le loisir de satisfaire une curiosité multiforme en passant des « Mouvements extraordinaires de la mer » au « Voyage dans le ciel », avec pour étapes « Les comètes au XIXe siècle » ou« La Télégraphie électrique », mais aussi – où l’on retrouve le débat de tout à l’heure –

« Le Stéréoscope et la vision binoculaire ». Le stéréoscope, pour Babinet comme pour Moigno, est « l’un des instruments magiques de la science et de l’industrie moderne ». « Le stéréoscope est recherché », ajoute-t-il, « parce qu’indépendamment de ses applications utiles il produit de beaux effets, des effets vraiment artistiques, et que, pour passionner les hommes, plutôt que de répondre à la question : À quoi beau ? »

39Il vaut mieux pouvoir répondre à la question : En quoi beau ? ». Il reste que, pour certains, Babinet en fait un peu trop et intervient trop souvent. Alphonse Karr en fait un objet de plaisanterie :

« Les savants gais de l’Observatoire ne disent plus babiller mais babiner »35.

40La diffusion des informations et des débats touchant les sciences ne se limite pas à la grande et à la petite presse. D’autres canaux jouent sans doute en fait un rôle aussi décisif mais plus difficile à cerner précisément, ainsi des cabinets de lecture et des cours publics36, sans parler du rôle des salons et des cénacles, probablement aussi important au milieu du XIXe siècle qu’à l’époque de Proust37. De même faudrait-il examiner de plus près les périodiques grand public, tel Le Magasin pittoresque38 ou les très nombreux bulletins publiés par les multiples sociétés savantes parisiennes et provinciales39.

41Cette prolifération sans cesse plus envahissante de l’information scientifique tout au long du second Empire, contaminant même le monde de l’imaginaire, de la poésie au roman et jusqu’à l’art, au rebours de la séparation stricte que Baudelaire voulait maintenir – voilà qui avait tout pour renforcer chez ce dernier l’horreur que lui inspirait la célébration omniprésente du Progrès40. C’est plutôt la décadence, les « ferments de ruine » qui sollicitent son propre imaginaire. Mais c’est en vain qu’il aura proclamé : « Nous vivons dans un siècle où il faut répéter certaines banalités, dans un siècle orgueilleux qui se croit au-dessus des mésaventures de la Grèce et de Rome. »41

42Veuillez retrouver les illustrations sur la version imprimée.

Notes de bas de page numériques

1 Lettre de novembre 1863, Correspondance, Pléiade, T. II, p. 331.

2 Babinet figure à plusieurs reprises dans les carnets de Baudelaire, qui avait espéré une préface de lui à sa traduction d’Eureka.

3 Œuvres complètes, Pléiade, T. II, p. 249.

4 Sur la partie de l’Exposition présentée dans le cadre du Palais des Beaux-Arts, cf. Frank Anderson Trapp «The Universal Exhibition of 1855 », The Burlington Magazine, Vol. 107, No. 747, «French Art in the Later Nineteenth Century » (Jun., 1965), pp. 300-305.

5 «Exposition universelle – 1855 – Beaux-Arts», Œuvres complètes, II, Gallimard, Pléiade, 1976, p. 579.

6 Id., p. 580.

7 La diffusion des publications que nous allons mentionner s’étend très largement au-delà des frontières françaises de l’époque, en particulier en Amérique du Sud où le prestige et l’influence de la culture françaises sont alors considérables.

8 Il s'agit des principaux acteurs de ce champ relativement nouveau et dont l’essor est lié à celui de la presse sous le second Empire. La revue Romantisme (CDU-SEDES, n°65, 1989) avait consacré un de ses numéros au thème des «Sciences pour tous», présenté par Bernadette Bensaude-Vincent. Une exposition intitulée également La Science pour tous, présentée au Musée d’Orsay en 1994, a donné lieu à la publication d’un catalogue rédigé par Bruno Béguet, Marilyn Cantor et Ségolène Le Men (RMN, 1994). Voir aussi Marie-Laure Aurenche, «La diffusion du savoir dans le Magasin pittoresque (1833-1872) : l'astronomie, une science pour tous», in : Lise Andriès, Le partage des savoirs, XVIIIe-XIXe siècles, Presses universitaires de Lyon, 2003.

9 Louis Figuier (1819-1894) a fait l’objet d’un film documentaire de Michel Constantial :  Louis Figuier et la vulgarisation scientifique au XIXe siècle: Le Savant du foyer, Nîmes, Bibliothèque Carré d'art, 1994, destiné à accompagner l'exposition tenue à la Bibliothèque Carré d'art de Nîmes du 21 septembre au 17 octobre 1993.

10 Victor Meunier (1817-1903) a également publié de nombreux livres où s’exprime sa formation de naturaliste. Militant socialiste, il a aussi collaboré à de nombreux périodiques. Sur la carrière de V. Meunier, cf. l’article de Catherine Glaser, «Journalisme et critique scientifiques : l'exemple de Victor Meunier», Romantisme, 19-65, 1989, p. 27-36. 

11 Tous liés au Conservatoire Impérial des Arts et Métiers, les auteurs de Visite à l’Exposition Universelle de Paris, en 1855, publié chez Hachette sous la direction d’Henri Tresca, donnent un compte-rendu détaillé des aléas de l’opération.

12 Paris, Imprimerie Impériale, 1857, p. 2

13 L’Institut, apparu en 1833, scindé en deux sections en 1838. La 2e section, «Sciences historiques, archéologiques et philosophiques», ne cesse de paraître qu’en 1872

14 La revue d’Auguste Blum, dont le système de publication était original, ne tiendra à peu près que le temps de l’Exposition, ne résistant sous la forme bi-hebdomadaire, après fusions, que jusqu’en novembre 1857. A. Blum (?-1877) avait été actif en 1848, lié au Journal des Travailleurs et vice-président de la Commission du Luxembourg.

15 Cf. Martha Caraion , Les Philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques. Littérature, sciences et industrie en 1855 , Genève, Droz, coll. "Histoire des idées et critique", 2008

16 1ère année, no 2 ,14 janvier 1855

17 L’Ami des sciences, 7 décembre 1856. Ce chef-d’œuvre d’Henri Derville sera repris dans Paris nouveau. Poésie qui a remporté le premier prix au concours de la Société des gens de lettres suivie de La piocheuse à vapeur, Dusacq, 1857

18 L’épouse de Louis Figuier réussira un peu mieux dans la carrière des Lettres, dans le roman et au théâtre, bien que dans des formes et sur des thèmes très convenus.

19 «On peut retenir avec indulgence et même avec reconnaissance le nom du premier traducteur ou arrangeur d'Edgar Poe. C'était une dame, Isabelle Meunier, femme d'un publiciste scientifique nommé Amédée-Victor Meunier. » http://www.remydegourmont.org/vupar/rub2/poe/notice.htm

20 L’abonnement sera de 6 fr. pour Paris, 8 fr. pour les départements.

21 Professé en 1818, le cours intitulé Du Vrai, du Beau, du Bien était paru sous forme de livre en 1836 mais venait d’être réédité, en 1853.

22 Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, T. I, 1975 p. 676

23 Ancien jésuite, excellent mathématicien, l’abbé Moigno (1804-1884) avait entamé ca carrière de journaliste scientifique en 1843 à L’Époque. Cf. l’article «Moigno», Tome 11 du Grand dictionnaire encyclopédique du XIXe siècle de Pierre Larousse.

24 Un historique détaillé des origines et de l’histoire de ce journal figure au Tome 5 du Grand dictionnaire encyclopédique du XIXe siècle de Pierre Larousse.

25 T. 6, 12 janvier 1855, p.2

26 13 juin 1855, p. 23

27 Cf. les travaux de Jonathan Crary, Techniques of the Observer. On Vision and Modernity in the 19th Century, MIT Press, 1992 et d’Andréa Goulet, Optiques : the science of the eye and the birth of modern French fiction, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006.

28 Cosmos, 29 juin 1855

29   «Baudelaire, critique reconnu des Salons, ne manque pas l’événement et écrit trois articles.» http://baudelaire.litteratura.com/?rub=oeuvre&srub=cri&id=25&s=1

30 Dans son long Avant-propos, Figuier expose avec clarté ce que peut et doit être la vulgarisation scientifique telle qu’il la comprend et entend la pratiquer dans son bilan annuel : « Il ne suffit pas d'initier le public, par des ouvrages didactiques, aux principes généraux des sciences, d'exposer les grands faits, les découvertes capitales connues et déjà passées dans la pratique. La marche des sciences est incessante, et chaque jour signale pour elles un progrès nouveau. Faire connaître et répandre leurs conquêtes diverses, au fur et à mesure qu'elles sont réalisées, est encore une tâche éminemment utile. »

31 L’Année littéraire et dramatique, vol. 9, 1867, p. 499.

32 Il s’était mesuré à Claude Bernard à propos de la question de l’origine de la présence de sucre dans le sang.

33 Son nom sera associé ultérieurement pour le grand public à celui de Nadar à propos des efforts de ce dernier en matière de locomotion aérienne : il préfacera les Mémoires du Géant, Dentu, 1864.

34 Études et lectures sur les sciences d’observation et leurs applications pratiques, Mallet-Bachelier, 1855. La plupart de ces essais avaient d’abord paru dans La Revue des Deux-Mondes ou dans les publications de l’Institut. Il en fera paraître huit volumes jusqu’en 1868.

35 En fumant, Michel Lévy frères, 1862, p. 126.

36 Cf. Revue des cours publics de Paris, de la province et de l'étranger, Paris, 1855-1857. Le 1er numéro paraît le 15 avril. La Revue des cours scientifiques de la France et de l'étranger ne commencera à paraître qu’en 1863. Françoise Parent-Lardeur, Les cabinets de lecture, Payot, 1882. Éric Walbecq, qui a étudié les cabinets de lecture du quartier de la Bibliothèque impériale, signale l’existence de la bibliothèque publique Deyrolle, 23, rue de La Monnaie, entièrement consacrée aux sciences et «d’une richesse considérable»: «Isidore Ducasse lecteur», Maldoror hier et aujourd’hui, Du Lérot, 2002, p. 27-33.

37 Proust et les moyens de la connaissance. Textes réunis par Annick Bouillaguet, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2008.

38 Cf. Marie-Laure Aurenche, «La diffusion du savoir dans le Magasin pittoresque (1833-1872) : l'astronomie, une science pour tous», Lise Andriès, Le partage des savoirs, XVIIIe-XIXe siècles, Presses universitaires de Lyon, 2003.

39 Cf. Jean-Pierre Chaline, « Parisianisme ou provincialisme culturel ? Les sociétés savantes et la capitale dans la France du XIXe siècle » in Capitales culturelles, Capitales symboliques. Paris et les expériences européennes, XVIIIe-XXe siècles, sous la dir. de Ch. Charle et D. Roche, Publications de la Sorbonne, Paris, 2002.

40 L’année même de l’Exposition, Leconte de Lisle exprimait lui aussi avec force sa détestation d’un monde où Science et Poésie tenteraient de s’allier : «J’ai beau tourner les yeux vers le passé, je ne l’aperçois qu'à travers la fumée de la houille, condensée en nuées épaisses dans le ciel; j'ai beau tendre l’oreille aux premiers chants de la poésie humaine, les seuls qui méritent d'être écoutés, je les entends à peine, grâce aux clameurs barbares du Pandémonium industriel.» Préface de Poèmes et Poésies, Dentu, 1855, p. III-IV.

41 Loc. cit., p. 582.,

Pour citer cet article

Michel Pierssens, « Vulgariser les sciences en 1855 Entre Baudelaire et Babinet », paru dans Alliage, n°73 - Mars 2014, Vulgariser les sciences en 1855 Entre Baudelaire et Babinet, mis en ligne le 26 juillet 2015, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=4180.


Auteurs

Michel Pierssens

Professeur à l’université de Montréal. Il travaille sur les problèmes posés par la rencontre de la littérature et des savoirs. Parmi ses ouvrages : Savoirs à l’œuvre. Essais d’épistémocritique, pul, 1984 ; Savoirs de Proust, Paragraphes, 2005 ; Ducasse et Lautréamont, Presses de Paris 8, 2006. Il a fondé aux États-Unis en 1970 la revue SubStance (U. of Wisconsin Press) consacrée aux problèmes de théorie littéraire. Le portail électronique Epistémocritique est consacré à l’actualité des recherches sur la littérature et les savoirs.