Sciences et Fictions |  Rudyard Kipling et l'enchantement de la technique | Session 6 

Estelle Blanquet  : 

Questions de science

p. 171-189

Index

Thématique : Campbell (John W.) , Comment le léopard acquit ses taches, dessin, esprit humain, expérience (humaine), expérimentation scientifique, Feynman (Richard), Giordan (André), Harlen (Wynne), Heinlein (Robert A.), Histoires comme ça, hypothèse scientifique, LAMAP, liberté, lois physiques, ombres colorées, plaisir, point de vue, Rankin (Lynn), Rolando (Michel), Saltiel (Edith), show don't tell !, vocabulaire

Plan

Texte intégral

La science-fiction prépare les jeunes à vivre et à survivre dans un monde en mutation permanente en leur apprenant très tôt que le monde change vraiment. Comme c’est le seul monde que nous ayons, elle les guide vers l’adaptabilité et la santé mentale. Plus spécifiquement encore, la science-fiction prêche pour le besoin de liberté de l’esprit humain, et pour l’attrait du savoir. […] En bref, la science fiction prépare nos jeunes à devenir des citoyens adultes de la galaxie.
Robert Heinlein, 1957 1

Les sciences expérimentales et les technologies ont pour objectif de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature et celui construit par l’Homme, d’agir sur lui, et de maîtriser les changements induits par l’activité humaine. […] Familiarisés avec une approche sensible de la nature, les élèves apprennent à être responsables face à l’environnement, au monde vivant, à la santé. […] En relation avec les enseignements de culture humaniste et d’instruction civique, ils apprennent à agir dans cette perspective.
Programmes d’enseignement de l’école primaire,
B.O. n°40 du 19 juin 2008

1Sous couvert d’ailleurs et de demains, c’est du monde tel que nous le connaissons que parle la science-fiction — ou, plutôt, du monde tel que nous pourrions le connaître, si nous savions regarder. Si le lecteur joue le jeu, s’il entre dans l’histoire, le décalage de son point de vue rendu possible par la fiction le libère des préjugés qui entravaient sa vision, ouvrant le monde, la société, à des questionnements qui sont souvent le sujet véritable du texte.

2Mais comme les auteurs ne le savent que trop bien, cet acquiescement du lecteur est aussi difficile à obtenir que facile à perdre, en particulier autour de considérations d’ordre “scientifique” ou technique. Ils doivent non seulement lui donner les moyens d’entrer dans leur histoire, mais aussile convaincre de jouer le jeu. Il leur faut suffisamment expliquer le contexte de leurs romans pour que le lecteur ait en main les éléments nécessaires sans pour autant le lasser ou, pire encore, détruire son envie de jouer.

3Les meilleurs auteurs de “l’âge d’or” de la SF résolvaient ce dilemme en suivant l’adage de l’éditeur d’Astounding, John W. Campbell: «Show, don’t tell ! » — pas de longs tunnels explicatifs, mais une habile exposition au fil de la progression.

Ce n’est pas facile. Tout d’abord, il doit le faire sans ralentir son histoire. On ne peut demander ni au lecteur, ni au critique littéraire de rester tranquille pendant qu’on lui assène de longues explications techniques, ou d’ennuyeux sermons sociologiques. L’auteur doit introduire ses gadgets, s’il en a, sans que ses personnages et leurs problèmes humains en fassent les frais. Et il ne peut pas faire l’impasse, sans quoi l’histoire se déroule dans un vide littéraire et suffoque immédiatement.
Robert Heinlein, 1957

4« Ce n’est pas facile » en effet, et moins encore lorsque, s’adressant à un  jeune public, il s’agit en outre de développer chez lui la curiosité, l’esprit critique et la responsabilité.

5C’est à des défis, et à des difficultés, comparables que sont confrontés les enseignants du primaire lorsqu’ils enseignent les sciences; et ce sont les mêmesobjectifs que leur fixe le programme officiel de l’Éducation Nationale française depuis quelques années. Comment enseigner les sciences et préserver et développer simultanément le désir de science ? Une approche dans l’esprit de celle des auteurs de SF apporte une réponse possible : la “démarche d’investigation”. L’enseignant met ses élèves en mesure de chercher et de faire, “hands on !” ou plutôt, en français,“La Main à la pâte”2.

6Cetteapproche est exigeante pour l’enseignant, et rarement spontanée. C’est même, pour citer la didacticienne Lynn Rankin, « une activité soigneusement chorégraphiée »3. Pas plus que Robert Heinlein, qui avoue : « J’étudie la question par essai et erreurs depuis des années, et ça me donne toujours des migraines à chaque nouvelle histoire que j’écris », les formateurs les plus expérimentés ne disposent d’une “recette” universelle pour une investigation réussie à tout coup. Pour autant, pour les aspirants à la démarche d’investigation en sciences, des spécialistes, formateurs comme Jean-Michel Rolando4 ou chercheurs comme Édith Saltiel5 et Wynne Harlen6 se sont efforcés de déminer le terrain, de constituer un vade mecum pour aider les enseignants à faire le grand saut. Si cela ne suffit jamais à garantir une mise en œuvre brillante de la démarche d’investigation, un peu de bon sens, l’application de principes simples permet déjà le plus souvent de faire du bon travail. C’est aussi l’ambition du présent article, qui s’attache plus particulièrement au problème du questionnement à l’école primaire et ne prétend à aucune sorte d’exhaustivité.

Conceptions initiales

— Je n’en sais rien.

— Bien ! On progresse.

— Vraiment ?

— Oui. Le plus difficile, quand on veut assimiler une idée nouvelle, est de chasser l’idée fausse qui occupe la case. Tant que la case est occupée, l’évidence, la preuve et la démonstration logique ne mènent nulle part. Mais une fois la case libérée de son idée erronée, une fois que tu peux honnêtement avouer : « je n’en sais rien », il devient possible d’accéder à la vérité7.

7Lorsque l’on travaille avec de jeunes enfants, il est parfois possible de choisir des situations sur lesquelles ils n’ont pas d’idées préconçues. Toutefois, le plus souvent, l’enseignant est confronté à des intuitions préexistantes, erronées ou non. Tout se passe comme si des “conceptions initiales”8 remplissaient des cases: l’élève a déjà son système explicatif qu’il faut faire évoluer. Si l’on n’en tient pas compte, elles peuvent être un obstacle à l’apprentissage. L’enseignant, confronté à cette difficulté, doit donc conduire ses élèves à “libérer” la case, remettre en cause ce qui l’occupe, afin de leur permettre d’avancer dans la construction des savoirs et des savoir-faire9.

8En conduisant l’élève à les questionner et à les modifier par la recherche de réponses et leurformulation, la démarche d’investigation vise à modifier ces conceptions initiales en profondeur et dans la durée.

 Ce qui caractérise les bons scientifiques, c’est que, quoi qu’ils fassent, ils ne sont pas aussi sûrs d’eux que la plupart des autres. Ils arrivent à vivre avec le doute installé en eux; ils peuvent penser «peut-être…» et agir quand même, tout en sachant que ce n’est que «peut-être». Les gens trouvent en général cela très dur; ils y vient une marque de détachement et de froideur. Mais ce n’est pas de la froideur! il s’agit au contraire d’une forme de compréhension chaleureuse et profonde.
Richard Feynman10

9Ces conceptions ne peuvent s’exprimer efficacement que dans un climat de classe favorable. L’enseignant, meneur de jeu, doit établir avec ses élèves une relation de confiance, dans une atmosphère où chacun est respectueux de tous les autres. Son action s’articule autour des questions qu’il pose, préparées ou improvisées. Certaines aident à l’expression des idées des élèves et à l’identification des problèmes; elles favorisent la formulation de la question qui va conduire à une phase de recherche. D’autres accompagnent sa résolution. Le meneur de jeu « connaît la réponse… mais ne la dira pas; par contre, il nous aidera à trouver par nous-mêmes». Les élèves doivent en arriver à accepter le risque de la déstabilisation de leurs conceptions, de la confrontation de leurs idées, et à se lancer sans être sûrs que « cela va marcher ».

10Cela ne peut se faire sans complicité, sans qu’en contrepartie il y ait plaisir à apprendre. L’enseignant est alors, avant tout,celui qui veille au bon fonctionnement de la démarche d’investigation, qui sollicite, relance, pointe le doigt sur des difficultés, sur des approximations, cultivele doute, encourage (« Essayez ! »)…

Que peut-on questionner en primaire ?

Quand j’étais encore au lycée, j’avais idée qu’il fallait multiplier l’importance du problème par la probabilité que je sois capable de le résoudre.
Richard Feynman

11D’une façon générale, une question n’est efficace que si l’élève se l’approprie. Une bonne question doit donc être à sa portée. Il doit la comprendre, et pouvoir la reformuler avec ses propres mots. Cela impose le plus souvent d’identifier ce que les élèves savent déjà, et ce qu’ils pensent savoir.

12C’est du conflit créé par la confrontation des diverses idées des élèves sur une situation proposée par l’enseignant, de son caractère inattendu, que va émerger la question. L’élève pensait savoir et se trouve maintenant en situation de devoir s’en assurer; la question fait écho à cette déstabilisation, au désir de savoir de nouveau, de comprendre. C’est devenu sa question, elle fait sens, devient suffisamment importante pour qu’il l’accepte.

13Il est aussi essentiel que l’enseignant dispose d’une “bonne” réponse (sauf s’il a prémédité la reformulation de la question…). Une question soulevée ne peut rester sans réponse. Si l’enseignant abandonne l’élève après l’avoir déstabilisé, celui-ci va construire un nouveau système explicatif, imprévisible mais presque certainement incorrect. Pire: la fois suivante, l’élève risque de refuser de jouer et de remettre en cause ce qu’il pense savoir. L’enseignant doit être conscient que c’est souvent un processus difficile et accompagner les élèves dans la reconstruction, qui doit conduire aux nouveaux savoirs et savoir-faire visés. Il doit en outre avoir imaginé plusieurs chemins possibles.

14À l’école primaire, les questions les plus propices à l’investigationsont celles qui conduisent à mener des expériences, des modélisations, des observations réalisables avec le matériel disponible11 tout en permettant l’acquisition de connaissances et de la méthode scientifique. Si l’élève ne peut chercher de réponse par une investigation apte à modifier ses conceptions, c’est que la question n’est pas adéquate12.

15Le choix des questions susceptibles de conduire à une investigation est donc crucial. Le meneur de jeu doit évaluer la distance à parcourir par l’apprenant entre la question et la réponse afin qu’il y ait réellement recherche et que cette recherche aboutisse… même s’il faut pour cela prendre des chemins de traverse ou reformuler la question. Avec les élèves plus aguerris à la démarche d’investigation on pourra se lancer dans des recherches où l’on n’aura pas forcément de réponse, ou au contraire plusieurs… ce qui conduira à réfléchir sur la question posée: si la réponse a de l’importance, le chemin parcouru pour l’atteindre est tout aussi riche d’apprentissages.

16Ce que l’on peut questionner dépend donc de l’âge et de la maturité des élèves, de leur expérience (et de celle de l’enseignant), des moyens et du temps disponibles, etc. Mais il s’agira toujours pour l’élève d’apprendre des choses que d’autres savent déjà : la limite supérieure du questionnement, c’est la recherche scientifique, la vraie, celle où personne ne connaît les réponses.

Situations de départ

17Les fonctions de la situation de départ sont multiples, cruciales, et souvent à double détente. Elle doit d’abord permettre à l’enseignant d’identifier les conceptions initiales des élèves. Elle favorise aussi la formulation d’une question et crée les conditions propices à la recherche.

18L’enseignant peut rebondir sur une question spontanée et faire partager l’interrogation d’un élève à toute la classe : « qu’en pensez-vous ? ». L’enseignant peut également introduire un élément nouveau qui va susciter l’intérêt et des questions,profiter d’une sortie pour focaliser l’attention des élèves sur un phénomène, proposer un défi, raconter ou lire une histoire Est-ce que c’est possible? Pourquoi?»), soumettre un problème, poser une question bien choisie… Dans tous les cas la première étape consiste à faire exprimer les idées des élèves, leurs réponses, leurs explications pour dévoiler en partie leur système explicatif.

19Le meneur de jeu doit donc évaluer au jugé le niveau des apprenants et voir comment «prend» sa situation de départ: elle est rodée et il sait quels types de conceptions peuvent émerger. Cela peut se faire à l’oral, par des dessins, par l’écriture. La diversité des réponses et la confrontation aux pairs fait émerger des incompatibilités de point de vue: le doute surgit, la question fait sens.

20Il arrive qu’une situation ne donne lieu à aucune interaction entre les apprenants, n’amène pas d’échanges vifs et les laisse interloqués et « secs ». Il faut alors identifier les éléments manquants et repartir d’une situation plus accessible qui permettra de les acquérir. Inversement, un consensus peut s’établir très rapidement. Il va tout de même falloir vérifier l’idée qui le fonde.

21En physique, les situations les plus simples partent d’une observation directe mais surprenante, lors d’une expérience dont il est facile de contrôler et de limiter le nombre de paramètres. Certains enseignants aiment aussi partir d’une œuvre de littérature jeunesse. La chose, toutefois, n’est pas simple. Pour être exploitable, il faut qu’un texte mette en scène un phénomène compréhensible par le jeune lecteur. Présenté dans un cadre imaginaire, celui-ci doit pouvoir être testé dans le monde réel. « À votre avis, est-ce que c’est possible, qu’est-ce qui est “vrai” dans cette histoire?» sont des questions qui peuvent permettre de basculer de l’imaginaire au réel. Ainsi quand dans «Comment le léopard acquit ses taches»13, Kipling raconte : « ils cheminèrent des jours et des jours avant d’arriver à une grande forêt, exclusivement remplie d’arbres, de buissons, et tachetée, rayée, bigarrée d’ombres. Ils s’y cachèrent et, après un autre longtemps, à force de se tenir moitié dans l’ombre et moitié pas, et sous l’ombrage dansant, glissant et cabriolant des arbres, voilà que la Girafe devint tachetée et le zèbre rayé… », la tentation est forte de s’appuyer sur cette histoire. Mais quelle recherche conduire? Un travail sur les ombres (comment la girafe peut-elle devenir tachetée et le zèbre rayé?)? Sur l’évolution des espèces? La coloration de la peau suite à une exposition prolongée au soleil? Au final, peu de textes sont facilement exploitables.

À chaque phase ses questions

Bien formuler la question

22La formulation de la question qui lance la phase de recherche se joue le plus souvent au cours des échanges entre et avec les apprenants. Le meneur de jeu peut orienter les échanges, quitte à s’éloigner parfois radicalement du questionnement de départ. La difficulté réside dans le dosage de ses interventions, qui dépend lui-même de la situation de départ, de l’expérience des apprenants… et de la sienne propre. Idéalement, toutefois, ce sont les apprenants qui mènent la danse et le meneur s’efface autant que possible.

23Lorsque les élèves se demandent « Comment peut-on expliquer que… ? », ils sont conduits à formuler une (des) explication(s) puis à concevoir des expériences pour la tester: la question amène en général « Comment faire pour vérifier? ». La recherche est nourrie par l’émission d’hypothèses, l’anticipation de résultats… L’apprenant va ainsi mettre en œuvre ses propres expériences, identifier des paramètres, apprendre à n’en faire varier qu’un à la fois; il va réaliser la nécessité d’une référence (“témoin”) pour comparer des résultats, se remettre à l’ouvrage en découvrant qu’il a négligé un paramètre qui s’avère important etc. Ce n’est pas simple et cela ne s’acquiert pas spontanément mais progressivement, au fil des séances. Lorsque l’élève est capable de suivre ce processus de façon autonome, il a déjà pratiquement assimilé la méthodologie scientifique de base.

24Mais pour en arriver là, l’enseignant doit d’abord aider les élèves à formuler leurs interrogations, proposer des recherches souvent plus ciblées. Il est souvent alors utile de les solliciter par des questions appelant une réponse sous forme d’action.

25Ainsi, des questions comme : « à votre avis, que se passe-t-il quand ? », «comment faire pour que… soit le plus/le moins…», «comment faire pour… le plus longtemps possible», « comment faire pour que… », « est-ce pareil/est-ce que cela change si nous faisons ... ou…?», «qu’est-ce qui est pareil/différent entre… et… » incitent l’élève à prévoir, le conduisent à observer et à faire. La recherche peut prendre des chemins différents: observations, tests simples par essais et erreurs, émission d’hypothèses et contrôle par l’expérience… «Comment savoir?», «Comment être sûr?»: dans tous les cas, pour répondre, il faut essayer.

26Ce type de questions est tout indiqué pour de jeunes enfants dont l’expérience est encore limitée, ou pour des plus grands qui découvrent un nouveau domaine. En effet elles permettent de constater le résultat d’une action, d’enrichir leur  connaissance du monde par expérimentation directe, une procédure par essais-erreurs pour ensuite pouvoir classer, découvrir des similitudes et des différences, elles fournissent le terreau pour le questionnement futur. Ces enjeux peuvent paraître modestes mais sont nécessaires pour générer d’autres questions « comment expliquer que quand… alors… ? », et des recherches plus élaborées où l’apprenant pourra émettre des hypothèses « et si c’était… qui permet d’expliquer que… ?», prévoir « si je fais varier… alors je vais obtenir… », construire son protocole expérimental…

27L’enseignant peut également organiser une succession de questionnements pour ménager une certaine progression. Par exemple, la question « comment ça marche ? » conduit les élèves à imaginer puis à faire pour vérifier, sans qu’ils aient forcément conscience des concepts cachés. La fabrication peut les  amener vers « comment faire pour que… soit le plus efficace, pour que… soit le plus/le moins? ». Vient ensuite « Comment vérifier que c’est en changeant… que je fais varier… ? » : après avoir vécu la démarche, ils sont prêts à une recherche plus fine et ciblée.

Accompagner la recherche

28Lorsque les élèves maîtrisent la démarche ou lorsque la situation présente peu de difficultés, l’enseignant intervient peu, même si son regard est important. Les questions sont posées par les élèves eux-mêmes, le mode opératoire discuté au sein du groupe, les informations nécessaires notées sur le cahier d’expérience et la recherche suit son cours.

29Lors de leurs premiers contacts avec la démarche d’investigation, les élèves sont toutefois rarement capables de se poser les bonnes questions : c’est un apprentissage. Les questions de l’enseignant peuvent alors les aider à conduire leurs recherches, à identifier des paramètres: « rappelez-moi, quelle question vous posez-vous?», «quelles sont vos explications?»,«peut-on trouver un moyen pour…?», «qu’est-ce que vous voulez faire changer?», «y a-t-il d’autres choses qui peuvent changer?». Il peut aussi faire naître le doute : « pensez-vous que cela peut… ? ». Il ne donne pas les réponses mais ses questions peuvent accompagner l’élève dans sa démarche«vous voulez montrer que… comment allez-vous faire/quels moyens avez-vous pour… ? ». Parfois les élèves n’arrivent pas à démarrer, l’enseignant peut alors proposer aux élèves des éléments pour lancer leur recherche : « est-ce que cela change de faire… ou…?»,«comment faire pour le savoir?», «et si nous faisions… qu’en pensez-vous ? ».

30Pour gagner du temps, l’enseignant peut également proposer aux différents groupes de présenter leurs modalités expérimentales puis les faire échanger avant d’expérimenter. « Quelles différences y a-t-il entre ces deux expériences?», «qu’en pensez-vous?», «qu’est-ce qui est pareil? qu’est ce qui est différent ? » sont des questions qui invitent à regarder de plus près les paramètres. Des questions comme «quel quantité/volume/masse…voulez-vous utiliser?», «Combien de temps?», «Dans ce groupe vous voulez mesurer… et vous?», «Comment voulez-vous procéder pour…?» aident les élèves à rendre leur expérience réalisable, les obligent à la penser plus finement. D’autres invitent à une réflexion sur ce qu’il faut garder constant lorsque l’on veut vérifier l’influence d’un paramètre comme «Pourquoi changer… et pas… ? », « Est-ce que cela change de faire… ou… ? »14.

31L’enseignant peut enfin choisir de ne pas intervenir et reporter le questionnement sur les modalités expérimentales à la mise en commun des expériences ou à la confrontation des résultats. En contrepartie, il faut souvent refaire la recherche; c’est très instructif mais cela prend du temps et peut être décourageant: à réserver donc aux expérimentations simples et rapides.

Qu’avons-nous appris ?

 Cela veut dire être capable de creuser là où, provisoirement, on est convaincu de trouver la solution ; et puis, si quelqu’un arrive et dit : “Avez-vous vu ce qu’ils ont trouvé, là-bas ?”, être capable de répondre : “Zut, je suis à côté de la plaque”. Cela arrive tous les jours ! 
Richard Feynman

32C’est le moment où l’on mutualise ce qui a été trouvé et où les choix faits par chacun et les résultats obtenus sont discutés, où l’on prend conscience des limites de ce qui a été trouvé, où l’on tente de comprendre les incompatibilités entre les résultats. On les organise, on identifie les fausses routes, les résultats à écarter.

33Le plus souvent, l’enseignant doit accompagner les élèves dans cette analyse : «comment expliquer la différence entre les résultats?», «quelles sont les ressemblances et les différences ? »… Les questions proposées plus haut peuvent être utilisées. Elles vont parfois conduire parfois à écarter ou conserver un résultat: c’est porter un jugement de valeur sur un travail réalisé (pas sur les personnes) ; c’est aussi faire un choix et donc avoir identifié des critères pour validation; c’est encore faire l’apprentissage de la science. La réponse émerge enfin, il faut la formuler: aux élèves de le faire. À l’écoute des propositions, l’enseignant va aider à la mise en mots : s’il sent que les apprenants manipulent du vocabulaire sans réelle maîtrise du concept, à lui de semer le doute, à lui aussi d’aider à une expression aussi rigoureuse et précise que possible. Ne pas oublier de leur faire prendre conscience du chemin parcouru, de celui qu’il reste à parcourir : « Quelle question nous posions-nous? Y avons-nous répondu? Qu’avons-nous appris ? ».

34Un retour sur le déroulement rend apparent le processus qui a permis la résolution du problème: «comment avons-nous fait pour? quelles questions nous sommes nous posées? quelles questions ai-je posées? comment en êtes-vous arrivés là ? ». Ce questionnement sur le questionnement est un moment très riche de prise de conscience par les élèves de ce que peuvent être la science et la méthode scientifique; ses enjeux dépassent toutefois le cadre de cette présentation.

Un exemple pratique de questionnement : les ombres colorées

35Pour qui a des notions suffisantes en optique, il n’y a rien de bien mystérieux dans l’apparition d’ombres colorées, mais cela reste… beau. On a donc envie de faire partager cette expérience (Fig. 1).

Figure 1 : Jeux de lumière

Image1

Figure 2 : Schéma de principe de l’expérience d’ombres colorées

Image2

36Prenons deux sources lumineuses de couleur différente, disons une verte et une rouge, et utilisons un mur blanc comme écran15 (Fig. 2). En l’éclairant, on observe une tache verte d’un côté et rouge de l’autre. Que se passe-t-il quand on rapproche les deux taches? Elles se mélangent et donnent du jaune. Intercalons maintenant un obstacle entre le mur et les sources de lumière: suivant sa position, deux ombres colorées apparaissent (une verte et une rouge) distinctes, ou en partie “superposées” avec un aspect sombre au niveau de la “superposition”.

Quelques critères de choix d’une situation de départ

37Cette situation répond-elle aux critères pour devenir une situation de départ adéquate à une investigation ?16

1/ La situation permet-elle de travailler un point du programme ?

X

2/ Les apprenants ont-ils les outils nécessaires à l’appropriation du phénomène ?

Il leur faut savoir que la lumière se déplace en ligne droite : ils ont la culture du rayon lumineux, cela ne devrait pas être un obstacle. Avoir quelques notions sur les ombres et le fait qu’elles sont associées à une source de lumière peut faciliter le travail, mais cette situation peut être l’occasion de travailler cette notion.

X

3/ Des connaissances pertinentes peuvent-elles être acquises ?

Ils vont découvrir qu’une ombre n’est pas forcément sombreet approfondir le lien entre ombre et source de lumière.

X

4/ La situation permet-elle un questionnement riche ?

Au-delà de « comment expliquer la formation d’ombres colorées ? », elle peut conduire à « comment expliquer la forme de l’ombre ? », « comment expliquer sa taille? » « pourquoi l’ombre est-elle plus ou moins floue suivant la distance à l’écran? ».

X

5/ Les apprenants auront-ils envie de s’impliquer ?

C’est beau et ludique, intriguant : cela devrait pouvoir fonctionner.

X

6/ Les apprenants peuvent-ils émettre de nombreuses hypothèses ?

Probablement pas. Le phénomène semble facile à expliquer, on devrait rapidement converger vers une interprétation unique.

?

7/ Y a-t-il plusieurs moyens de vérifier les hypothèses ?

Il y a de nombreuses approches possibles et leur diversité est une vraie richesse : échanger les filtres, éteindre une source, choisir de nouveaux filtres, utiliser une troisième source et utiliser l’hypothèse pour prévoir ce qu’il va se passer…

X

38Dans un contexte de formation des professeurs des écoles, il peut aussi être utile de se demander également :

8/ Peut-on transposer cette situation en classe avec des élèves ?

La réponse est affirmative avec un bémol, pas de cette façon ! Cette situation est en effet utilisable, seulement après avoir proposé une succession d’autres situations aux élèves, situations qui construisent les notions nécessaires pour leur rendre accessible les ombres colorées.

X

9/ La situation permet-elle de réfléchir sur la mise en œuvre d’une situation avec des élèves ?

Elle permet entre autres de les faire réfléchir sur la distinction entre hypothèse et observation, sur la schématisation, le choix et la précision du langage en sciences. De discuter des enjeux des situations de départ, de leur choix, des objectifs visés… Après leur avoir donné à vivre une séance il est donc possible de donner à voir ce que cela peut donner dans une classe. Il faut alors prévoir un témoignage de ce qui a été fait dans une classe : images, traces écrites d’élèves, films.

X

39Notre situation ne vérifie pas le critère 6 et incomplètement le critère 8. 

40La diversité des hypothèses est souvent liée à la diversité des conceptions; ici il n’y en a qu’une, «une ombre est sombre». Celle-ci ne va pas résister bien longtemps cela signifie que l’on va sans doute très rapidement modifier le contenu de la case: la situation présente-t-elle un intérêt suffisant? La diversité des expériences possibles pour vérifier l’hypothèse permet de d’insister auprès de jeunes enseignants sur le fait qu’on peut avoir plusieurs façons de vérifier une hypothèse, que cette diversité des moyens renforce la validité de l’hypothèse…

41Quant au point 8, il permet de discuter de la nécessité de situations intermédiairesqui permettront l’acquisition de connaissances, l’accumu­lation de vécu et rendront cette situation initiale pertinente.

42Arrêtons-nous là: même si la situation “ombres colorées” pêche par certains côtés, elle présente de réels intérêts, il faut maintenant qu’elle fasse ses preuves.

Une démarche d’investigation accompagnée

43La situation de départ choisie, comment la lancer? Plusieurs approches sont possibles. Par exemple, il est possible de présenter le matériel, de montrer le mélange des couleurs puis de poser la question : « A votre avis que se passe-t-il si je mets un obstacle ? ». Aux apprenants d’émettre des hypothèses puis de vérifier… Encore faut-il qu’ils aient des idées et envie de participer17.

44Une autre approche possible, après avoir organisé les groupes, c’est de les laisser découvrir le matériel, et jouer avec, tout en demandant de noter les questions qui apparaissent au cours de leurs manipulations. Après le désordre des Oh ! et des Ah ! les stagiaires se mettent à manipuler le matériel de façon plus réfléchie, cherchent à répondre à des questions plus ou moins explicitées: «c’est bizarre, je ne comprends pas… » ; « regarde, tu vois cela parce que… »,  et se mettent à expérimenter.

45Avec un public de futurs enseignants, on souhaite tout à la fois leur faire vivre une démarche d’investigation et les conduire à une réflexion sur la démarche. Il est alors temps de faire le point des questions soulevées. Elles sont nombreuses et comprennent évidemment celle de la couleur des ombres. Évitons de nous égarer sur le chemin du « Comment expliquer que lorsqu’on mélange du vert et du rouge, cela donne du jaune ? » (la réponse à une telle question, assez technique, ne peut être trouvée avec nos moyens). Gardons les autres en réserve et essayons d’expliquer le phénomène en laissant les stagiaires proposer leurs propres formulations de la question : Comment expliquer la couleur des ombres? Comment expliquer que l’on a des ombres de couleur différente? Pourquoi a-t-on des ombres colorées? Pourquoi a-t-on une ombre verte et une ombre rouge ?…

46La recherche18 est alors lancée: chaque groupe essaie d’expliquer le phénomène, les idées fusent. Je demande de réaliser un poster où, à l’aide de phrases et d’un schéma, ils doivent communiquer aux autres leur explication du phénomène. Certains n’ont pas d’idée et se sentent mis à l’écart, « de toute façon, je n’ai jamais rien compris ». Dans un fonctionnement optimum, les échanges au sein du groupe réglent ces difficultés; sinon, c’est au meneur de jeu de rappeler la nécessaire participation de tous, ou de les prendre par la main jusqu’à ce que les idées jaillissent19.

47Ces enseignants débutent dans la démarche, ils ont retrouvé le plaisir de chercher et de trouver des réponses, le désir de science. Pendant cette phase, je tourne entre les groupes, demande parfois des précisions sur une phrase que je ne comprends pas « qu’avez-vous voulu dire ici ? »,  insiste sur la nécessité que les schémas soient visibles par tous …

48La présentation des posters est l’occasion de confronter explications et schémas. Même si tout le monde a compris le phénomène, la mise en mots, les phrases et les schémas sont rarement compris par ceux qui n’ont pas participé à leur rédaction.

49Les difficultés sont souvent liées au choix du vocabulaire, à la difficulté de mettre en mot l’association d’une ombre donnée avec une source donnée, à l’imprécision dans les informations données («elle»pour décrire la source ou l’ombre : oui, mais laquelle?). Une observation attentive des schémas révèle par ailleurs que si tous ont la même source lumineuse, ils n’ont pas observé le phénomène avec la même acuité: les faisceaux sont ou ne sont pas parallèles, la position des ombres et les couleurs sur l’écran sont plus ou moins correctement associées aux faisceaux… En utilisant les questions: «quelles sont les ressemblances et les différences ? » et « quel est d’après vous la formulation/le schéma le plus/moins scientifiqueet pourquoi?», on peut amener les apprenants à travailler sur la précision du langage et la schématisation. Il faudra parfois avoir recours à des questions plus ciblées « que pensez-vous des faisceaux dessinés, y a-t-il une différence?», «Les dessins sont-ils compatibles ? comment savoir ? ».

50La confrontation des posters permet aussi de mettre l’accent sur les différences de formulation : «on a vu que…», «quand on fait… alors…donc», «c’est parce que…», «nous pensons que…» «peut-être que…». Certains décrivent sans expliquer, d’autres ont déjà fait des expériences pour s’assurer de la validité de leur hypothèse, d’autres encore sont dans l’affirmation ou dans l’émission d’hypothèse. La situation peut permettre de les faire réfléchir sur ce qu’ils ont fait et sur le statut de leur écrit. Suivant les objectifs visés, le temps disponible et la façon dont les apprenants s’emparent de ces problèmes on peut y consacrer plus ou moins de temps20.

En général on utilise le processus suivant: on commence par deviner. Puis on calcule les conséquences de notre conjecture, pour voir ce qu’impliquerait cette loi si nous avions deviné juste. Puis on compare le résultat des calculs avec la nature, grâce à l’expérience, on compare directement avec l’observation, pour voir si ça marche. Si ça ne s’accorde pas avec l’expérience, c’est faux.
Richard Feynman

51Il reste ensuite à imaginer les moyens pour vérifier les hypothèses, à expérimenter puis à conclure. C’est l’étape des « si » : « Si mon explication est correcte alors en faisant cela on devrait voir cela, qu’en est-il ? ». Faisons, observons et concluons !

52La mutualisation des expériences et des résultats permet alors à chacun de constater la variété des approches permettant la vérification de l’hypothèse : on peut alors conclure. Lors de la formulation de réponse, il faut revenir à la question de départ: c’est alors que sa formulation prend son importance. Comment expliquer la couleur des ombres? Comment expliquer que l’on a des ombres de couleur différente? Pourquoi a-t-on des ombres colorées ? Ces questions conduisent à une formulation générale, quelles en sont les limites? «La couleur des ombres » : y a t-il une seule couleur pour toutes les ombres ? « Pourquoi a-t-on une ombre verte et une ombre rouge ? » : la réponse est associée à un exemple précis, peut-elle être généralisée? La réponse est différente suivant la question posée et conduit parfois à une reformulation de la question au vu de ce qui a été découvert.

53Il faut ensuite revenir sur les questions non traitées. Certaines ont trouvé réponse au cours de la démarche: l’ombre n’est pas forcément sombre, on peut en avoir plusieurs avec plusieurs sources, plutôt qu’à une absence, elle est lié à un déficit de lumière, il existe une “zone d’ombre”... D’autres restent ouvertes. On peut alors par exemple se pencher sur le cas de la pénombre « pourquoi les ombres sont-elles parfois floues ? ».

Conclusion

54Au risque de la répétition, j’ai tenté de faire apparaître dans cet article toute la diversité et la complexité du questionnement, qui n’est qu’une des nombreuses facettes de la démarche d’investigation.

55Ce n’est pas un exercice facile. Faut-il pour autant considérer que cette démarche est réservée à un petit nombre d’enseignants, voire à des spécialistes ? Certes non !

56Tout d’abord, nul besoin d’être un expert en science… mais on ne peut faire l’impasse d’un travail sincère sur ses propres conceptions si l’on veut être efficace avec les élèves. Mon expérience de formatrice, les échanges avec mes stagiaires, enseignants débutants ou expérimentés, en France ou à l’étranger, me confortent dans l’opinion que ce travail est difficile à mener seul. Dans le cadre de la démarche d’investigation, la prise de risque est d’autant moindre que l’enseignant est plus à l’aise sur le sujet.

57Restera alors à travailler le questionnement, pilier de la démarche : naturel pour le formateur expert, c’est souvent un point d’achoppement pour l’enseignant novice. Là encore les formations permettent d’acquérir des outils pour en éviter les principaux pièges, mais elles ne peuvent rien sans la pratique. Il suffit alors que l’enseignant se lance… et cela marche, souvent à son grand étonnement et pour sa plus grande satisfaction !

58Ce savoir-faire s’avère donc relativement facile à acquérir. Plusieurs allers-retours entre moments de formation et mise en œuvre dans les classes seront toutefois nécessaires pour que cet essai ponctuel se pérennise et que les enseignants s’approprient la démarche. Au doute sur sa capacité à mener un questionnement succède le plaisir partagé avec les élèves de la “découverte”, d’un pas fait vers la compréhension du monde, et l’envie d’en faire plus, d’en savoir plus.

59Mais c’est une autre histoire...

Estelle Blanquet

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Notes de bas de page numériques

1  « Grandeurs et misère de la science-fiction », conférence à l’Université de Chicago, février 1957 ; in Robert Heinlein et la pédagogie du réel, premières Journées Sciences & Fictions de Peyresq, éd. du Somnium, 2008, pp. 123–160.

2  L’Académie des sciences propose aux enseignants, sous ce label, dix principes associés à la démarche d’investigation. C’est, depuis 2002, l’approche conseillée par les programmes du primaire.

3  « Inquiry teaching is not chaotic — it is a carefully choreographed activity » ;Lynn Rankin, «Lessons Learned: Addressing Common Misconceptions About Inquiry », in  Foundations vol. 2, Inquiry : Thoughts, Views and Strategies for the K-5 Classroom, National Science Foundation, USA.

4  «Guides du maître» associés aux ouvrages 75 enquêtes pour découvrir le monde et Sciences : 64 enquêtes pour comprendre le monde, Magnard, 2003 et 2005.

5  É. Saltiel, « Guide méthodologique— La Démarche d’investigation: comment faire en classe », mars 2007, disponible sur le site de La Main à la Pâte.

6  W. Harlen,  Enseigner les sciences : comment faire ? (Taking the Plunge, 1985), Ed. Le Pommier, Paris 2004.

7  R.A. Heinlein, Le Chat passe-muraille (The Cat Who Walks Through Walls, 1985),J’ai Lu, 1987.

8  Dans cet article, je me suis efforcée de ne pas abuser du jargon de la didactique. Les quelques termes incontournables peuvent s’entendre dans le sens le plus commun ; pour des définitions techniques, on peut se reporter aux Mots-clés de la didactique des sciences, Jean-Pierre Astolfi, Eliane Darot, Yvette Ginsburger-Vogel et Jacques Toussaint, De Boeck éd., 1997.

9  Je me place ici dans un modèle de l’apprentissage de type socio-constructiviste: les savoirs sont construits par l’élève lors de son interaction avec ses pairs et l’enseignant. Pour une discussion des différents modèles, voir par exemple «Des modèles pour comprendre l’apprendre : de l’empirisme au modèle allostérique », Francine Pellaud, Richard-Emmanuel Eastes et André Giordan, Gymnasium Helveticum, mai 2004.

10  R. P. Feynman, La Nature de la physique (The Character of Physical Law, 1965),Seuil, 1980 ;toutes les citations de Feynman sont tirées de cet ouvrage.

11  On peut élargir le propos en intégrant la recherche documentaire.

12  Il faut se méfier des questions comme « Qu’est-ce que la lumière ? », « Qu’est-ce que l’ombre ? » : elles appellent à une définition (forcément arbitrairement limitée), non à une recherche.

13  Rudyard Kipling, « How The Leopard Got his Spots », 1902 ; in Histoires comme ça, Éditions Gallimard Jeunesse, 2008.

14  Il est préférable de poser ces dernières questions lors de la confrontation des résultats et de laisser les élèves faire à leur façon. Les incohérences apparentesentre les résultats pour une même expérience, les conduiront alors à réaliser que pour pouvoir conclure, dans nos cas simples, il ne faut faire varier qu’une chose à la fois. Il faudra alors tout recommencer.

15  C. de Hosson, «Lumière et ombre», rapport ERT-e, « La Main à la Pâte », 2004.

16  Le programme reste le garde-fou qui délimite ce que l’on fait, le temps est compté : trois heures dans cette situation proposée lors de la formation d’enseignants stagiaires pour l’école primaire.

17  La question « que se passe-t-il si … ? » est peu productive ici car les apprenants n’ont pas de vécu suffisant relatif au phénomène pour pouvoir anticiper la réponse : ils répondront le plus souvent au hasard.

18  Il n’y a pas de limite nette entre l’étape de formulation de la question et celle de recherche de solution: il y a plutôt un aller/retour entre ces deux moments de la démarche.

19  Que se passe-t-il quand j’éteins la source rouge ? Qu’observez-vous sur l’écran, où se trouve l’ombre? Pouvez-vous la repérer? Et maintenant si j’éteins la lumière verte?

20  Ces questions ne sont pas nécessaires à la démarche d’investigation et, si elles sont posées de façon trop répétitive, en perturbent la dynamique. Elles permettent un travail sur écrire et schématiser en sciences : celui-ci peut être fait ultérieurement ou sur une autre investigation. Avec de jeunes enfants on peut se focaliser sur un aspect de la démarche, et faire le travail en plusieurs fois : il faut garder intact le plaisir de faire et de comprendre tout en leur faisant prendre conscience des exigences de la démarche d’investigation.

Pour citer cet article

Estelle Blanquet, « Questions de science », paru dans Sciences et Fictions, Rudyard Kipling et l'enchantement de la technique, Session 6, Questions de science, mis en ligne le 30 avril 2010, URL : http://revel.unice.fr/symposia/scetfictions/index.html?id=542.


Auteurs

Estelle Blanquet

Formatrice “sciences” à l'IUFM de Nice Célestin Freinet, Didactique des sciences, IRH, Université de Nice-Sophia Antipolis & LDES, Université de Genève, estelle.blanquet@unice.fr