Alliage | n°50-51 - Décembre 2000 Le spectacle de la technique |  II. Visions du monde économique, industriel et technique 

Nicolas Pierrot  : 

Peindre dans l’usine

La mise en scène des espaces de travail industriel dans la peinture française, v. 1760 - v. 1890
p. 64-78

Plan

Texte intégral

« S’il est un tableau qui avait sa place toute marquée à l’Exposition, c’est assurément celui-ci, qui représente l’intérieur de l’usine de Saint-Chamond, au moment où l’on présente, sous un gigantesque marteau-pilon, un bloc d’acier incandescent qui doit devenir un canon. Cette fois-ci, M. Joseph Layraud, qui est un artiste de grand talent, ne s’est pas contenté de faire de la peinture, il a fait aussi ce qu’on appelle de la vulgarisation ; son tableau, saisissant d’aspect, ne présente pas la moindre fantaisie, la mise en scène est scrupuleusement exacte, de sorte qu’il faudrait presque un ingénieur pour le décrire »
Charles Huard1

1Il fallut un événement exceptionnel, l’organisation à Paris d’une Exposition universelle célébrant le centenaire de la Révolution française, pour que le républicain Joseph-Fortuné Layraud (1833-1913), ami de Léon Gambetta et d’Émile Loubet, présente au public une composition à sujet industriel2 (Figure 1). La commande3 provenait du directeur des forges de Saint-Chamond, Adrien de Montgolfier, fournisseur de l’État et des alliés militaires de la France. Depuis sa prise de fonction en 1874, l’entreprise avait été l’objet d’une profonde modernisation4. Aussi avait-il jugé l’occasion excellente de proposer au public du palais des Beaux-Arts, en contrepoint des produits de la Compagnie exposés non loin de la Galerie des Machines, une mise en scène valorisante de ses établissements. L’artiste, apprécié d’ordinaire pour ses portraits, sa peinture d’histoire ou sa peinture religieuse, s’acquitta de sa tâche avec passion, multipliant les études préparatoires. La solution fut le choix du clair-obscur, servi par une composition légèrement décentrée – solution traditionnelle retenue dès la fin du XVIIIe siècle, dans l’œuvre de Joseph Wright of Derby5 notamment, pour évoquer le spectacle de la forge. Deux marteaux-pilons se succèdent en enfilade, suggérant la profondeur du bâtiment. L’artiste a pris position dans la halle afin que le premier marteau-pilon, la grue et l’ensemble des supports métalliques écrasent le spectateur de leur puissance. Puissance de l’établissement et peut-être, au-delà, prestige de l’industrie militaire française, fière de pouvoir résister, après le traumatisme de 1870, aux « foudres formidables de M. Krupp, le Jupiter moderne, qui s’est lui-même décerné le brevet de Roi du fer »6. Mais la toile ne remplirait pas son office en s’éloignant par trop de son référent objectif. Elle doit être également, selon le vœu de l’artiste et de son commanditaire, l’expression fidèle de la réalité : le Monde Illustré en fournit une description technique détaillée, insistant tour à tour sur la puissance de la grue à vapeur – 140 tonnes –, sur les dimensions du marteau-pilon, et sa capacité : « Sa masse frappante peut atteindre 100 tonnes, et la hauteur de chute 4 m 80 »7.

2La fonction du tableau, selon Charles Huard, vulgarisateur à succès, est avant tout pédagogique. La célébration du génie national – avant celle de l’entrepreneur – passe nécessairement par la fidèle restitution du spectacle de la forge moderne. L’artiste est félicité pour avoir recherché l’effet de réel, construit une mise en scène « scrupuleusement exacte ». La mise en scène n’est pas considérée comme source de déformations éventuelles, de médiations entre réalité et représentation : elle l’emporte sur la simple imitation. Elle constitue pour l’artiste le moyen le plus efficace, peut-être l’unique, de rendre intelligible l’univers technique, étranger à la majorité du public. On devine à travers le tableau de Layraud l’éventail des questions posées à l’artiste face à la réalité de l’espace industriel. Quoi peindre et comment peindre dans l’usine ? Le programme esthétique devait-il se résumer à documenter et à célébrer ? Les conditions de création laissèrent-elles place au regard critique et à l’innovation plastique ?

3De la fin du XVIIIe siècle, avec l’apparition des premières visites de manufactures dans la peinture française, jusqu’à l’essoufflement de la vague réaliste au début des années 18908, l’espace usinier a fourni le sujet d’un nombre croissant de toiles et de dessins, à signaler comme autant d’expériences originales. La mise en scène des espaces industriels, qui est aussi celle du travail, s’est parfois détournée du seul objectif promotionnel pour laisser place, tour à tour ou conjointement, au témoignage, au discours pédagogique et à la célébration des spectacles saisissants de l’univers industriel.

Promotion et mise en scène

4Si l’espoir n’est pas vain d’établir, par l’inventaire, l’importance relative de la thématique industrielle dans le paysage français de la fin du XVIIIe et du XIXe siècles, il fait à présent peu de doute, malgré l’extension significative du corpus depuis une dizaine d’années, que les artistes ont assez peu franchi le seuil des ateliers, manufactures et usines de la première industrialisation. Si l’on ajoute que bien des œuvres récemment découvertes l’ont été simplement par leur titre, extrait de mémoires, de lettres ou, plus souvent, des livrets de Salons, les pièces offertes à l’analyse demeurent en nombre limité. Sans préjuger des résultats de l’étude en cours, on peut affirmer que le nombre des représentations peintes ou dessinées du travail industriel ne dépassa jamais la dizaine par décennie entre le début des années 1760 et le début des années 1830, et la vingtaine jusqu’au début des années 1890. On a pu considérer cette « pénurie », avec force arguments, comme une preuve supplémentaire de cette hostilité, majoritaire parmi les élites, à l’égard de la promotion par les arts des manifestations concrètes de l’activité industrielle9. À l’inverse, repoussant l’idée d’un « refus de la technique par les milieux qui détenaient le pouvoir économique »10, et remarquant dans le même temps, avec raison, le peu de liens qu’entretenaient la plupart des artistes avec le monde industriel, certains ont préféré expliquer la rareté du thème – l’industrie, et plus largement la machine – en invoquant la fonction spécifique de la peinture de chevalet : la célébration des aspects matériels du progrès industriel ne pouvait répondre aux attentes des visiteurs du Salon et des acheteurs potentiels, friands de « divertissement »11. Une célébration portée de préférence par les gravures de vulgarisation et les décorations des édifices publics. Si la représentation de l’espace intérieur usinier apparaît fréquemment en gravure (dès la Monarchie de Juillet dans la presse illustrée, à partir du Second Empire dans les ouvrages de vulgarisation scientifique et technique), et, beaucoup plus rarement, à la différence des allégories du travail, sur les parois des édifices publics, c’est bien à la peinture de chevalet, destinée aux particuliers, que l’on doit les premiers développements de la thématique. Les propriétaires et directeurs d’usines ont certes assez peu sollicité les artistes pour peindre l’intérieur de leurs ateliers, préférant au mieux les vues extérieures et – l’argument n’est pas secondaire – demeurant réticents à l’intrusion de regards étrangers au sein de leurs établissements. La demande ne s’est pourtant jamais totalement étouffée, ce type de peinture répondant à un besoin particulier. Aussi, malgré la succession des mouvements esthétiques, les vues intérieures d’usines montrent-elles, sur plus d’un siècle, sinon une véritable unité, tout au moins certains points communs qu’il peut être intéressant de mettre en évidence.

5Quelques artistes furent chargés, dès la fin du XVIIIe siècle, de peindre leur commanditaire dans l’écrin de sa gloire. Les cinq grands tableaux du musée d’Orange, représentant les différents ateliers de la manufacture Wetter, sont le reflet d’un succès. Celui d’une manufacture d’indiennes qui, depuis sa création en 1757 par l’entrepreneur suisse Jean-Rodolphe Wetter, avait connu une considérable extension pour devenir en quelques années « une grande entreprise moderne et prospère »12. Celui, peut-être également, du coloriste Pierre Pignet, directeur de la manufacture : destinés vraisemblablement à orner le salon de sa résidence particulière13, les panneaux exécutés par l’artiste italien Joseph Gabriel Maria Rossetti – dont on ignore le parcours – devaient signifier au visiteur la qualité de leur hôte. Les deux plus importantes compositions, la Vue générale et L’Atelier d’impression14(Figure 2), le présentent en train de poser, au premier plan, en compagnie d'« une notabilité de la ville ». L’Atelier d’impression, accroché dans le salon à la place d’honneur, « remplissant tout le mur en face de la cheminée »15, montre Pignet (ou Wetter lui-même, l’épée au côté), accompagné de son hôte, trônant au centre de la composition, sur son axe de symétrie. La richesse de leurs vêtements attire le regard du spectateur. Les machines, l’outillage, l’évocation colorée et animée du travail dans les ateliers ont pour fonction première de mettre en relief la figure du commanditaire. La composition en triptyque, à points de fuite divergents, permet à l’artiste – non sans quelque maladresse – de suggérer l’ampleur des installations. Rossetti a placé très haut l’unique point de fuite de la scène centrale, afin d’accentuer la profondeur de l’atelier et de valoriser encore, symboliquement et plastiquement, la figure des personnages disposés au premier plan. Nul ne devait ignorer, une fois franchi le seuil de sa demeure, la fonction prestigieuse du maître des lieux.

6Dans une composition plus complexe, le peintre de cour Johann-Ernst Heinsius (1740-1812) plaçait également son commanditaire en position centrée, au cœur de l’espace de travail. La Fonderie de canons à Douai16 (Figure 3) montre le commissaire général des fontes de l’artillerie Jean-François de Bérenger, muni de sa « pierrierre », en train de « débouch[er] la coulée du fourneau »17. Quoique n’écrasant aucunement la scène de sa présence, la figure du commanditaire apparaît à l’intersection des lignes dominantes de la composition, à gauche de l’aire de coulée, captant l’attention d’un groupe de visiteurs. Jean-François de Bérenger déploie le savoir-faire qui, en avril 1775, lui avait valu d’être anobli18. Vraisemblablement réalisé à l’occasion de cet événement, le tableau célèbre la fusion entre noblesse et industrie : l’espace de la fonderie est envahi par une foule de gentilhomme et de femmes richement habillés côtoyant, sans hiérarchie, les ouvriers au travail. Profession de foi du commanditaire, sans doute, mais de faible portée : jamais le tableau ne quitta le sein familial.

7Commandes privées, pour un usage privé. Inversement, les représentations du travail exposées au Salon de Paris à la fin du XVIIIe siècle n’eurent aucunement pour fonction immédiate de célébrer les pionniers de l’industrialisation. Ni La Salpêtrière de Louis-Jean-Jacques Durameau, ni L’Atelier du menuisier de Jacques-François Amand, ni l’Intérieur d'un Atelier de Teinturier en soie de Pierre-Antoine Demachy (autant de compositions sans visiteurs), ni même les tableaux (avec visiteurs) qu’exposa à Paris le peintre liégeois Léonard Defrance, témoignant de « l’enthousiasme manufacturier »19 du Nord de l’Europe, ne cherchaient à vanter directement, par leur titre ou leur composition, la figure d’un entrepreneur. Il fallut attendre le Consulat, et l’emploi du thème de la visite comme instrument de propagande politique, pour que soit célébré, au Salon de Paris, le nom d’un établissement industriel et de ses propriétaires. Le dessin de Jean-Baptiste Isabey, S.M. l'Empereur visitant la manufacture des frères Sévène à Rouen20 (Figure 4), consiste moins toutefois dans la glorification d’un lieu d’industrie que dans celle du visiteur de marque. Entouré de ministres et de notables locaux, acclamé par la foule qui se presse aux fenêtres de l’établissement, le Premier Consul accorde « une pension annuelle de 400 Fr. » (selon le livret du Salon de 1804) à l’ouvrier vétéran de la manufacture. Générosité ostentatoire, dont l’objet principal est d’appeler l’attention sur le donateur. Le travail, en effet, a disparu de la manufacture : les visiteurs, au premier rang desquels figure Joséphine de Beauharnais, se font présenter les produits finis, de larges pièces de velours, réalisées dans l’établissement à présent vide d’ouvriers. Tout juste l’artiste s’est-il attaché à reproduire minutieusement quelques métiers à tisser, métonymies de l’activité manufacturière. Cette tendance à l’effacement du travail et à la valorisation des produits s’inscrit assez nettement dans la tradition d’un Le Brun représentant Louis XIV en visite à la manufacture des Gobelins. Napoléon avait néanmoins réactualisé la formule : dès 1816, Jean-Charles Develly dessinait Louis XVIII visitant non pas les ateliers, mais le magasin de la manufacture de Sèvres ; en 1824, Edouard Pingret représentait quant à lui l’intérieur de la manufacture de Saint-Gobain comme une scène de théâtre, avec son large rideau rouge et son public attentif au spectacle de la coulée sur table21.

8C’est à l’initiative de quelques entrepreneurs désireux de posséder, en période de prospérité, une représentation de leur établissement, ainsi qu’à certains artistes, portés par le renouveau de la scène de genre et curieux de proposer un sujet original au public bourgeois du Salon, que l’on doit les premiers traitements « réalistes »22 de l’intérieur usinier. Le célèbre tableau d’Étienne Bouhot, Vue intérieure d’une forge près Châtillon-sur-Seine (1823), apparaît déjà comme le fruit de cette convergence23. La carrière de François Bonhommé, dit « le forgeron », véritable peintre de l’industrie entre 1836 et les années 1870, peut également s’expliquer par la rencontre entre la passion de l’artiste – devenue vocation – et la commande d’un entrepreneur. Comment expliquer, par suite, que les toiles envoyées par l’artiste au Salon, sur lesquelles nous reviendrons, ne représentent jamais la figure du commanditaire ? Bonhommé s’intéressa prioritairement aux établissements les plus modernes de son temps. Représenter dans les moindres détails les établissements d’Abainville (1837-1838), de Fourchambault (1839-1840) et, sous le Second Empire, Le Creusot, les mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne, les arsenaux d’Indret ou de Toulon, ce n’était plus faire la seule promotion d’un homme, mais aussi d’une entreprise et de l’industrie tout entière, dans ses aspects les plus novateurs. Bonhommé réalisa vers 1840 au moins deux versions de l’Intérieur de la grande forge de Fourchambault24. La seule qui soit parvenue jusqu’à nous, destinée à Georges Dufaud, directeur de l’établissement, présente de gauche à droite, alignés au premier plan, trois ouvriersau foyer d’affinage, quatre autres au repos, trois visiteurs en haut de forme, et Georges Dufaud lui-même, étudiant un plan en compagnie d’ingénieurs et de clients. L’artiste semble affirmer, par cette disposition, sa conviction saint-simonienne d’une convergence entre les intérêts des ouvriers et ceux des entrepreneurs. Dans la version du Salon25, il franchit un pas supplémentaire, effaçant (mais peut-être s’agissait-il de la première version du tableau) l’entrepreneur et les ingénieurs, pour ne plus figurer que les ouvriers (on distingue encore deux visiteurs dans l’ombre), et laisser admirer la grande halle saturée de machines. Bonhommé signale ainsi son attachement au monde ouvrier, confirmé par son engagement dans la Révolution de 1848, mais suggère également sa foi – et celle de ses commanditaires – en la grande industrie : l’établissement, symbole de modernité, devait attirer le regard pour lui-même.

9La figure du commanditaire n’apparut plus que très rarement dans les représentations du travail industriel après 1850. Charles Lepage a vraisemblablement représenté un contremaître – ou l’entrepreneur Jean-Louis Perin lui-même ? – au premier plan de son Atelier pour le travail mécanique du bois26, exposé au Salon de 1865. Mais il apparaît dans l’ombre. Ici, c’est encore la halle, envahie de machines et d’ouvriers consciencieux, qui est célébrée. On mentionnera certes la composition de Jean Ulysse-Roy, dont les lignes directrices convergent en étoile vers la figure du commanditaire27 ; mais l’œuvre tranche avec le reste de la production. Le célèbre Laminoir, du peintre allemand Adolph Menzel, qui impressionna tant les visiteurs du Salon des Indépendants de 1880, montre un atelier sans patron. C’est encore l’industrie, et peut-être les ouvriers triomphants, « les Cyclopes modernes »28 domptant la matière, qui se trouvent célébrés. Le tableau suscita, pour ces deux raisons, la ferveur de Karl-Joris Huysmans, désireux de voir les peintres exalter « tout le travail de l’homme tâchant dans les manufactures, dans les fabriques ; toute cette fièvre moderne que présente l’activité de l’industrie »29. Laminage de l’acier, défournement et enfournement des lingots30, de Jean-André Rixens (1887), composition montrant les ouvriers au premier plan, muscles déployés, torse nu, dans la tradition des représentations de Vulcain, participe de cette même idéologie31. Inversement, on trouvera difficilement, avant les premières critiques d’un Maximilien Luce, la marque d’une dénonciation de la condition ouvrière dans l’œuvre des artistes français qui parvinrent à pénétrer l’enceinte des établissements industriels ; on notera que les intérieurs usiniers du peintre belge Constantin Meunier ne sauraient pas davantage être tenus pour misérabilistes. Ferdinand Gueldry, dont l’œuvre s’inscrit assez nettement dans la vogue réaliste des premières décennies de la Troisième République, peint la dignité des ouvriers, au travail comme dans leurs activités de loisir. Quant à la grève, représentée par Alfred Roll, Paul Soyer et, plus tardivement, par Jules Adler ou Paul Delance entre autres, elle a lieu hors de l’usine.

10Au terme de la période, dans le tableau de Layraud, c’est l’entreprise et, au-delà, les conquêtes de l’industrie qui sont célébrées, par l’intermédiaire de leur emblème : un marteau-pilon de 100 tonnes. Il est l’objet de toutes les attentions. Il a remplacé, au centre de la composition, les entrepreneurs de l’Ancien Régime.

L’artiste face à l’univers technique : comprendre et faire comprendre

11Peindre l’intérieur usinier afin d’exalter l’industrialisation ou, plus simplement, de porter témoignage – sur un mode généralement peu critique, on l’a vu –, supposait pour l’artiste de pouvoir rendre intelligibles les nouvelles formes de travail et les nouveaux espaces productifs. Les images peintes et dessinées de l’espace manufacturier sont, à la fin du XVIIIe siècle, fréquemment marquées par la référence aux planches de la Description des Arts et Métiers ou de l’Encyclopédie. Les trois dessins à la sanguine conservés par la Compagnie de Saint-Gobain, malgré l’évocation sensible du spectacle de la coulée32, semblent entretenir un rapport étroit avec les planches XXIV et XXVIII du tome X du Recueil de planches. On pourrait citer d’autres exemples. En règle générale, il s’agit de montrer « une vue idéalisée de l’artisanat et des manufactures, du travail humain, un monde propre où n’apparaissent pas la misère, le surpeuplement des ateliers, les fumées, les odeurs, le froid, la chaleur ». Diderot souhaitait présenter « un monde d’hommes libres qui ont choisi leur travail par goût et par amour et non pas par fatalité »33. Quelques artistes ont proposé d’autres formules, s’approchant davantage, sur un mode plus enjoué ou plus dénonciateur, de la réalité industrielle. Rossetti choisit de suggérer – sur commande ? – l’activité intense qui régnait dans la manufacture Wetter : dans l’Atelier de pinceautage34, l’artiste semble avoir contracté le temps, superposant les temps de travail et les temps de pause. Durameau, à la même époque, proposait aux visiteurs du Salon une Salpêtrière35 enfumée (Figure 5), suggérant la pénibilité du travail, alors que Gabriel de Saint-Aubin représentait l’intérieur d’un atelier de filage parisien très ordonné36, aux allées vides et aux rangées surpeuplées de femmes et d’enfants, contraste accentué par la confusion plastique entre les ouvrières et leurs machines : « D’un trait rapide et méticuleux Saint-Aubin ne fait qu’une seule forme des femmes vêtues de châles et coiffées de bonnets et des rouets placés sur les établis »37. Dans la version gravée du dessin, destinée à illustrer le Mémoire de M. de Bernières relatif au rouet de son invention, Voysard reprenait la manière policée des planches de l’Encyclopédie : « Les ouvrières (…) ont une attitude figée et les enfants ont disparu ; il n’y a plus d’humanité dans cet atelier »38.

12Il s’agissait toutefois, pour ces artistes novateurs, d’évoquer une industrie peu mécanisée. Face à l’univers technique de la grande forge, étranger à la plupart des artistes (la représentation de l’industrie apparaît le plus souvent comme une exception dans l’œuvre des artistes mentionnés) ; face à cette réalité nouvelle, difficile à appréhender malgré la maîtrise du dessin et de la composition assurée par la formation classique, la question du choix des machines, des scènes ou des ateliers à représenter se posait avec plus d’acuité encore. Comment, par exemple, rendre compte du processus de travail à travers une œuvre unique ? Mettant en valeur la spécificité des sujets industriels, François Bonhommé désirait obtenir, par dérogation, l’autorisation d’envoyer au Salon un nombre de toiles supérieur à la limite établie : « Le nombre trois fixé‚ sans doute dans un but raisonnable pour les autres genres et leur laissant la possibilité de s'exprimer suffisamment, tombe tout justement contre le mien et vient ajouter un surcroît de difficultés à toutes celles que j'ai éprouvées jusqu'ici pour l'exprimer d'une manière imparfaite »39. Dans le tableau Tôlerie des forges d’Abainville40, exposé au salon de 1838, François Bonhommé opte ainsi pour une composition panoramique, plus ample que celle de son dessin préparatoire41 (Figure 6). Le tableau met en valeur les installations techniques, notamment la machine à vapeur de 100 chevaux installée par Eugène Flachat dans une usine considérée alors comme la seconde forge française après Le Creusot42. L’artiste représente également l’ensemble des acteurs de l’établissement. On distingue au premier plan, en complément des ouvriers qui travaillent au four à réchauffer ou au laminoir, plusieurs groupes de personnages composés d’ingénieurs ou de jeunes élèves de l’École des mines, ainsi que de jeunes goujards assistant les ouvriers. Ces personnages n’ont pas de rôle direct dans l’évocation du processus de travail : ils seront supprimés des gravures publiées par Le Magasin pittoresque en 1850. Ici encore, la gravure de vulgarisation tend, contrairement à la peinture ou au dessin, à déshumaniser l’espace de travail. À l’inverse, dans son tableau, Bonhommé n’omet pas d’évoquer les ouvriers chargés de l’entretien des installations. On observera même, à droite, un ouvrier prenant le temps de fumer sa pipe ; d’autres sont ravitaillés en eau par une femme transportant des cruches : l’artiste parvient, par sa mise en scène, à évoquer les temps de pause inhérents à l’activité sidérurgique.

13Comprendre l’espace usinier – et le restituer –, c’est aussi comprendre la hiérarchie des postes de travail. Loin de présenter un espace encombré, désordonné et peu lisible, Paul Soyer adopte pour son tableau Fonderie de M. Chappé à Antoigné43 une composition pyramidale. À la base, sont représentés plusieurs groupes d’ouvriers (des manœuvres aux mouleurs), alors que le sommet, au centre du tableau, se confond avec la figure du maître fondeur : « Tout, dans son attitude, respire la dignité et la fierté : c’est de lui que dépend la qualité de la fonte »44.

14On constate à quel point les artistes, le plus souvent chargés d’une commande, se sont attachés à faciliter la lisibilité de l’espace usinier. Il n’est pas étonnant que certains tableaux d’industrie exécutés au XIXe siècle aient été, d’emblée, porteurs d’un discours pédagogique. Neuf aquarelles de François Bonhommé furent achetées par l'État et placées au Conservatoire Impérial des Arts et Métiers en 1863, « pour la démonstration »45. Les compositions du même artiste, réalisées avant 1859 pour la salle de dessin de l'Ecole Impériale des Mines furent soumises à l'approbation du ministre d'État. Destinées à servir d’exemples, ces décorations furent, dès 1905, « détruites volontairement par un des directeurs de l’École des Mines à qui elles avaient été confiées »46. Il est délicat d’apprécier dans quelle mesure ces décorations ont été lues par les élèves, éventuellement commentées à leur attention, si, en pratique, elles dépassèrent leur fonction d’agrément et d’évocation générale de la mine et de la métallurgie. Il n’est pas douteux cependant que Bonhommé et ses commanditaires aient été soucieux, tout en célébrant l’industrie moderne, de faire œuvre didactique. L’artiste avait sélectionné deux sites parmi les plus complets et les plus modernes de son temps : Le Creusot, d’une part, et, d’autre part, le site de Moresnet en Belgique, appartenant à la Société anonyme des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille-Montagne. Au centre du premier ensemble, consacré au Creusot, une vue panoramique reproduit minutieusement les éléments qui concourent à l'extraction de la houille, à la calcination du coke, à la fabrication de la fonte et du fer, à la construction des machines et au transport des marchandises sur le canal. À gauche, un panneau montre, selon le livret du Salon de 1859, « le forgeage de l'arbre coudé d'une frégate à hélice de 800 chevaux ». A droite sont représentés les « laminoirs à rails ». Le deuxième ensemble, installé en vis-à-vis, évoque l'extraction de la calamine et le travail du zinc à Moresnet. Le panneau central, Vue générale de l'usine de la Vieille-Montagne, est entouré, à gauche, par la Vue intérieure d'une laverie mécanique mue par la vapeur et, à droite, par la Vue intérieure d'une halle de traitement des minerais travaillés et préparés pour la fonte à la méthode liégeoise. Les opérations sont ainsi présentées dans l’ordre, de gauche à droite, dans le sens de la lecture : le minerai est lavé, avant d’être traité puis fondu. Bonhommé, au sein de chaque panneau, a pris soin de représenter l’ensemble des étapes du travail, malgré la difficulté de marier cette exigence avec le traitement pictural de la lumière. On distingue à peine, par exemple (l’artiste ayant respecté les effets de lumière réels), l’ouvrier qui, au centre de la fonderie, rassemble le minerais et le coke dans un grand bac de tôle, après la calcination de la calamine et le grillage de la blende. Précise, la composition fut recopiée sur la planche consacrée au zinc dans le Musée Scolaire d’Émile Deyrolle47. François Bonhommé atteignait parfois un réalisme tel, qu'il avait reçu pour ses dessins de l'arsenal de Toulon48 les félicitations d'Henri Dupuy de Lôme, ingénieur de la Marine réputé et constructeur de l'établissement, pour ce « travail pittoresque et technique ». Selon lui, « de tels exemples conviendraient bien aux écoles normales et de maistrances des Ports et du Génie maritime »49. L’artiste avait d'ailleurs présenté ses vues des arsenaux de Toulon et d’Indret dans la section « Instruction publique », et non « Beaux-Arts », de l’Exposition universelle de 186750.

15D’autres artistes, également sous le Second Empire, ont reçu commande de grands tableaux destinés aux établissements d’enseignement. Le Conservatoire Impérial des Arts et Métiers avait ainsi reçu, en 1865, deux toiles de Charles Lepage, Atelier pour le travail mécanique du bois et Distribution des eaux au quai d’Austerlitz51, offertes par Jean-Louis Perin et Marie Joseph Denis Farcot. Il s’agissait, dans l’esprit des donateurs, de fixer pour la postérité (il était plus traditionnel de déposer ses inventions), et pour les auditeurs ou visiteurs du Conservatoire, l’image contextualisée des machines qui avaient valu leur célébrité. Deux machines à bois, dont une « scierie à lame sans fin » conçue par Perin, encadrent la première composition52, alors que dans la seconde, les machines à vapeur de Farcot, exactement reproduites, trônent, majestueuses, au sein d’un espace inondé de lumière, immaculé, ne laissant rien transparaître du vacarme et des odeurs : « Tout renforce cette mise en scène de la technique et des machines à vapeur, symbole du progrès technique de ce siècle »53. Tout concourt à donner aux élèves une impression de puissance et de majesté, une sérénité propice à séduire les futurs ingénieurs.

La passion du feu

16Le langage des peintres fut rarement dénué, devant l’espace de travail et l’univers technique, de cette emphase optimiste éveillée par les chantres de l’industrialisation. Il emprunta souvent, en tant que langage documentaire, pédagogique, la voie de la description fidèle, « réaliste », rendue souvent plus intelligible par la composition, quelle que soit l’ambition idéologique du procédé. Au-delà de ces exigences, de ce défi, au-delà de la commande, l’espace industriel semble avoir au demeurant suscité chez certains artistes – et certains critiques – un intérêt pour sa seule beauté étrange, pour la curiosité esthétique de ses spectacles. Il n’est pas surprenant que l’essentiel des tableaux d’industrie réalisés depuis la fin du XVIIIe siècle ait concerné les arts du feu, ou toute activité générant une lumière saisissante. En Angleterre, en Wallonie et en Suède, Joseph Wright of Derby, Léonard Defrance, Louis-Bernard Coclers ou Piehr Hilleström ont fréquemment recouru au clair-obsur, celui de la forge essentiellement, pour attirer le regard du spectateur. En France, Diderot ne s’intéressa guère à La Salpêtrière de Durameau pour son évocation lucide de la modernité, mais pour ses qualités esthétiques, sa « lumière vaporeuse et chaude dont l’effet est on ne saurait plus piquant »54. Ce sont toutefois, majoritairement (mais non exclusivement on l’a vu), les spectacles de la forge qui, à partir de la monarchie censitaire, avant une très nette diversification des sujets à partir des années 1880, initièrent les peintres français aux spectacles de l’industrie. On reconnaîtra sans doute, dans ce choix récurrent, le poids de la référence culturelle et esthétique à la forge de Vulcain. L’ouvrier torse nu finit par signifier, sur les parois des édifices publics, le travail et l’industrie dans leur ensemble. Il n’apparaît toutefois qu’assez rarement dans les représentations de forges industrielles (songeons certes aux tableaux d’Aviat, de Rixens ou de Bordes, dans les années 1880-1890), encore moins dans les tableaux de maréchaleries ; aussi, la référence à Vulcain intervient-elle souvent indirectement, peut-être davantage dans le choix du sujet que dans son traitement. C’est encore, dans la plupart des cas, le parti esthétique à tirer de la lumière si spécifique produite par l’activité métallurgique qui séduisit les artistes. Si la Vue intérieure d’une forge près Châtillon-sur-Seine d’Étienne Bouhot, déjà mentionnée, demeure d’une grande sagesse et d’une grande retenue quant à ses effets de lumière, la vue intérieure des forges du Creusot par Théodore Chassériau55, réalisée sans la contrainte d’une commande, témoigne d’un intérêt aigu pour le spectacle de la forge moderne (Figure 7). Que l’on considère ce dessin de jeunesse56 comme une évocation réaliste du travail industriel ou comme la célébration des ouvriers prométhéens, on est saisi par le traitement de la lumière : elle jaillit de la droite, du four à réchauffer, se reflète sur le profil des ouvriers par un étonnant liseré vert clair permettant de mettre en évidence, brutalement, leur silhouette et leurs mouvements.

17Il existe quelques témoignages – trop rares – d’artistes qui, au cœur de la première industrialisation, ont choisi de représenter l’intérieur des forges industrielles pour leurs seules qualités esthétiques. Charles Eustache ne rencontra aucun obstacle pour accéder à la fonderie et à la grande forge de Fourchambault. Époux de Georgine Martin, gendre par conséquent d’Émile Martin – directeur de la fonderie de Fourchambault – et de Constance Dufaud – fille de Georges Dufaud, directeur des forges de Fourchambault –, Charles Eustache fut séduit en 1851, lors d’un séjour chez ses beaux-parents, par les possibilités esthétiques que pouvaient offrir l’espace, les lumières et l’activité de ces établissements. Il réalisa sur place, au fusain, plusieurs croquis d’ouvriers, plusieurs vues intérieures de la grande forge, de la fonderie et de la mazerie, s’intéressant tour à tour à l’architecture des bâtiments, aux gestes, aux rythmes du travail et aux scènes spectaculaires. Vivant de ses rentes, l’artiste ne recherchait pas la commande ; il ne semble pas même avoir envisagé d’offrir à son beau-père le fruit de son travail, les dessins étant demeurés dans la famille du peintre. Ses motivations nous sont connues par une lettre qu’il envoya à sa mère, de Fourchambault, le 16 octobre 1851 : « Je vous quitte pour aller travailler dans l’usine à un dessin que j’ai entrepris, qui me donne assez de mal, le modèle est splendide, c’est le grand atelier des laminoirs dans la forge : il y a de merveilleux effets »57. Charles Eustache envoya l’année suivante au Salon le fruit de cette expérience58. Le dessin fut apprécié par les frères Goncourt, non pour son évocation de l’industrie – les critiques ne font pas la distinction entre un laminoir et un haut-fourneau –, mais pour son effet de clair-obscur : « Toute la lumière est concentrée sur la coulée de fonte étincelante qui se reflète et se brise, et joue sur les poutres liées de l’immense charpente »59.

18François Bonhommé notait avec regret, dans son manuscrit pour l’Histoire pittoresque de la métallurgie, à quel point les artistes étaient restés silencieux face au développement de l’industrie, excepté, quelquefois, dans le cas de la forge, pour des raisons essentiellement esthétiques : « Si la forge les a parfois préoccupés, ce n’est que par ses côtés purement pittoresques, par ses effets de lumière »60. Lui-même, « le forgeron », semble devoir sa vocation à l’émerveillement que lui procura la vision de la forge. Alexandre Dumas nous apprend l’origine de sa passion : « François Bonhommé, élève de Lethière et Paul Delaroche, a commencé à faire la peinture de tout le monde. Mais un jour, par accident, pendant un voyage en Belgique, il entra dans les forges de Philippeville. Là, il fut frappé tout à la fois par le mouvement, la vie et la lumière particulière à ces sortes d’établissements. En effet, les forges de Philippeville sont mues par de puissantes roues hydrauliques ; des machines à vapeur mettent en travail d’immenses laminoirs, des cannelures desquelles jaillissaient des rails incandescents tout fabriqués »61. Bonhommé travaillait avant tout en peintre, non en illustrateur : « Monsieur Bonhommé est, on le sait, le peintre de la science, non pas un traducteur linéaire ne se préoccupant que de la fidélité sèche, mais un interprétateur enthousiaste et qui met à produire la combustion de l'hydrogène ou le feu des hauts fourneaux la verve enragée que l'on mettrait à retracer des batailles. (…) Il vous initie précisément aux combinaisons scientifiques par la gamme des couleurs d'un fer qu'on forge, d'un four qui chauffe, d'une mine qu'on entame, il vous dégage une réalité saisissante qui ferait croire à la poésie des chiffres. La vue de l'établissement du Creusot enfumé‚ enflammé comme un enfer du travail, est une page qu'on ne peut oublier »62. Si les dessins préparatoires de l’artiste présentent, pour ses grandes scènes de forge notamment, le caractère froid de la description technique, ses réalisations finales jouent abondamment sur la chaleur du clair-obscur : à Indret, le métal en fusion de l’arbre à forger irradie lentement l’espace de la grande halle63.

19La vague réaliste des premières décennies de la Troisième République s’empara du thème de la forge, symbole invariant de l’industrie elle-même, de ses conquêtes et de ses mystères. C’est tout le sens du tableau de Layraud, que l’on considèrera, ici encore, comme une œuvre-synthèse. Alliant à la célébration de l’entreprise et du travail une restitution fidèle, intelligible et saisissante de l’espace industriel, l’œuvre synthétise un siècle d’innovations timides et de tradition esthétique.

Remerciements

L'auteur tient à remercier Mme Magdeleine Clermont-Joly (Musée de l'Histoire du Fer, Jarville), Mme Maryse Woelh (Musée municipal d'Orange) et M. Frédéric Le Mallier pour leur concours et leurs suggestions, ainsi que M. Luc Dunias (Ecomusée de la Communauté urbaine Le Creusot – Montceau-les-Mines) et M. Jean-Claude Poinsignon (Ville de Valenciennes) pour l'aide qu'ils lui ont apportée dans la connaissance de l'œuvre de Joseph-Fortuné Layraud.

Notes de bas de page numériques

1  Charles-Lucien Huard, Livre d’or de l’Exposition, t. 1, Paris, L. Boulanger, 1889, p. 270.

2  Joseph-Fortuné Layraud, Forges et aciéries de la marine à Saint-Chamond, présentation de la pièce de canon sous le marteau-pilon, huile sur toile, 151254 cm, Écomusée de la Communauté urbaine Le Creusot – Montceau-les-Mines, inv. 88.7.1.

3  Édouard-Désiré Fromentin, « Layraud Fortunet-Joseph-Séraphin-Jean-Avit, peintre, 1833-1913 » (v. 1914), dans Hommes et choses sur Valenciennes (manuscrit), vol. 2, B.M. Valenciennes, Ms 1203 (2), p. 418.

4  Compagnie des Hauts-Fourneaux, forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de fer à Saint-Chamond (Loire). Exposition Universelle de 1889, Extrait du journal Le Temps, « Feuilleton industriel du 18 juillet 1889 », Paris, C. Pariset, 1889, p. 10.

5  Judy Egerton, Joseph Wright of Derby, 1734-1797, Paris, R.M.N., 1990, cat. 34, 35 et 40.

6  Charles-Lucien Huard, « L’Art de tuer », Le Monde industriel, Paris, L. Boulanger, 1883, p. 2.

7  Cité par Charles-Lucien Huard, Livre d’or de l’Exposition, op. cit., p. 270.

8  Nicolas Pierrot, « "À l’époque où l’ouvrier sévissait dans l’art…", La représentation du travail industriel en France dans la peinture de chevalet », dans Des plaines à l’usine. Images du travail dans la peinture française de 1870 à 1914, cat. exp. (Dunkerque, Évreux, Pau), Paris, Somogy, 2001, p. 95-113.

9  Marc Le Bot, Peinture et machinisme, Paris, Klincksiek, 1973, p. 77.

10  Pierre Vaisse, « La machine officielle. Regard sur les murailles des édifices publics », dans Romantisme, n° 41, 1983, p. 23.

11  Ibid., p. 24.

12  Serge Chassagne, Le coton et ses patrons. France, 1760-1840, Paris, Editions de l’EHESS, 1991, p. 79.

13  Hippolyte Féraud, De l’industrie des toiles peintes et mouchoirs à Orange, Mémoires de l’Académie de Vaucluse, tome VI, Avignon, Seguin, 1887, p. 7-8.

14  Joseph Gabriel Maria Rossetti, Atelier d’impression de la manufacture Wetter, 1764-1765, huile sur toile, 258470 cm, Orange, Musée municipal.

15  Hippolyte Féraud, op. cit., p. 9.

16  Johann-Ernst Heinsius, Fonderie de canons à Douai, v. 1775, huile sur toile, 112140 cm, collection particulière.

17  Recueil de planches sur les sciences et les arts, t. IV, explication de la planche XVI, « Fonte des canons, l’opération de couler le métal fondu dans les moules », Paris, 1767, p. 13.

18  « Généalogie des Bérenger, commissaires des Fontes de l’Artillerie à Douai, de 1695 à 1820 », dans Souvenirs de la Flandre-Wallonne, Douai, L. Crépin, Paris, Dumoulin, 1867, p. 45.

19  Robert Halleux et A.-C. Bernes, Sambre & Meuse, chemins de science et d’humanisme, Bruxelles, Crédit communal, 1992, p. 91.

20  Jean-Baptiste Isabey, S.M. l’Empereur visitant la manufacture des frères Sévène à Rouen, 1802, sépia, 124176 cm, Paris, musée du Louvre, cabinet des Arts graphiques, inv. 27.233, en dépôt au musée de Versailles.

21  Édouard Pingret, Visite de la duchesse de Berry à Saint-Gobain en 1824, huile sur toile, 112150 cm, Compagnie de Saint-Gobain.

22  Léon Rosenthal, « Vers le réalisme », dans Du romantisme au réalisme. La peinture en France de 1830 à 1848, 1914, rééd. Macula, 1987, p. 345-398. Première mention de François Bonhommé comme précurseur des réalistes.

23  Sandrine Balan (dir.), Etienne Bouhot (1780-1862), cat. exp., Ville de Semur-en-Auxois, 2001.

24  François Bonhommé, Intérieur de la grande forge de Fourchambault, 1839-1840, huile sur toile, 107183 cm, église Saint-Louis de Fourchambault.

25  François Bonhommé, Vue d’une grande forge à l’anglaise (titre fourni par le livret du Salon de 1840, n° 119), œuvre non localisée, reproduite dans : Jules Robert, Album du Salon de 1840, collection des ouvrages exposés au Louvre, reproduits par les Peintres eux-mêmes (…), Paris, Challamel, 1840, pl. 18.

26  Charles Lepage, Atelier pour le travail mécanique des bois, v. 1865, huile sur toile, 270365 cm, Paris, CNAM, musée des Arts et Métiers, inv. T 36

27  Jean Ulysse-Roy, La Scierie Carpentier à Villers-Cotterêts, 1889, huile sur toile, 130200 cm, Soissons, Musée municipal, inv. 85.1.1.

28  Autre titre du tableau. Sur Menzel, voir Claude Keisch et Marie Ursula Riemann-Reyher (dir.), Menzel : 1815-1905. « La névrose du vrai », cat. exp., Paris, R.M.N., 1996.

29  Joris-Karl Huysmans, « L’Exposition des Indépendants en 1880 », dans L’art moderne, Paris, G. Charpentier, 1883, p. 123

30  Jean-André Rixens, Laminage de l’acier, défournement et enfournement des lingots (couramment titré La Fonderie ou Les Fondeurs), 1887, huile sur toile, 258359 cm, Ville de Paris (Fonds municipal d’art moderne et contemporain, inv. CMP 595), déposé à l’écomusée de la Communauté urbaine Le Creusot - Montceau-les-Mines, inv. D 77.1.1.

31  Michelle Evrard et Patrick Le Nouëne, La Représentation du travail : mines, forges, usines, cat. exp., CRACAP – écomusée de la CUCM, 1977, p. 23.

32  Anonyme, Coulage d’une glace à Saint-Gobain en présence du directeur, pierre noire et sanguine, 60,494,6 cm, Compagnie de Saint-Gobain.

33  Madeleine Pinault-Sørensen, L’Encyclopédie, Paris, PUF, 1993, p. 73.

34  Joseph Gabriel Maria Rossetti, Atelier de pinceautage de la manufacture Wetter, 1764-1765, huile sur toile, 228258 cm, Orange, Musée municipal.

35  Louis-Jean-Jacques Durameau, La Salpêtrière (à Rome), 1765, gouache, 52,840,2 cm, Paris, musée du Louvre, cabinet des Arts Graphiques, inv. RF 5227.

36  Gabriel de Saint-Aubin, Ouvroir de fileuses à deux mains, 1776-1777, dessin, 23,137,3 cm, Paris, école nationale supérieure des Beaux-Arts, bibliothèque, inv. 1533.

37  Madeleine Pinault-Sørensen, notice pour le catalogue de l’exposition La Révolution française en l’Europe, 1789-1799, Paris, R.M.N., 1989, vol. 1, p. 242.

38  Ibid.

39  Lettre de François Bonhommé à Monsieur le Comte de Nieuwerkerke, directeur des Musées impériaux, 11 février 1863, Archives du musée du Louvre.

40  François Bonhommé, Tôlerie des forges d’Abainville (Meuse), 1838, huile sur toile, 53156 cm, Jarville, musée de l’Histoire du Fer, inv. 94.8.1.

41  François Bonhommé, Abainville, nouvelle forge : tréfilerie et tôlerie, 1837, plume et lavis brun, mise au carreau, 27,286,6 cm, Jarville, Musée de l’Histoire du Fer, inv. 96.3.27.

42  Bertrand Gille, « La forge d’Abainville », Revue d’Histoire de la Sidérurgie, t. 1, 1960, p. 61.

43  Paul Soyer, Fonderie de M. Chappé à Antoigné, v. 1885, huile sur toile, 127×191 cm, Le Mans, Musée de la Reine Bérengère, inv. 10-722.

44  Françoise Chaserant et Françoise Froger, Autour de la fonderie d’Antoigné, Exposition-dossier, Le Mans, musée de la Reine Bérengère, 1993, n.p.

45  A.N., F21 120, dossier 42 : « M. Bonhommé, achat de 9 aquarelles, scènes se rattachant à l'histoire de la Métallurgie, 1862, 9 août, 3000 Frs, Conservatoire impérial des Arts et Métiers ». Paris, musée national des Techniques, inv. 55 T à 63 T.

46  Jean-François Schnerb, « François Bonhommé », Gazette des Beaux-Arts, janvier 1913, p. 22.

47  Ensemble de planches en couleurs, imprimées à Paris chez Monrocq à partir de 1880, et destinées à prendre place sur les murs des salles de classe. Planche sur le zinc : Paris, B.N.F. Estampes, Md 43, R 4839.

48  Œuvres non localisées. On connaît une version lithographiée d'un dessin réalisé à Toulon par François Bonhommé : Fonderie de Toulon, 1866, lithographie en noir, 31x19,3 cm, Paris, B.N.F. Estampes Bonhommé AA3.

49  A.N., F21 274, propos rapportés par François Bonhommé dans une lettre de 1869 adressée au directeur des Beaux-Arts.

50  A.N., F21 274, lettre de François Bonhommé à l’administration des Beaux-Arts, juillet 1867.

51  Charles Lepage, Distribution des eaux au quai d’Austerlitz, v. 1865, huile sur toile, 270370 cm, Paris, CNAM, Musée des Arts et Métiers, inv. T 35.

52  Louis André, « Le Théâtre de l’industrie. Deux grands tableaux redécouverts », La Revue, musée des Arts et Métiers, n° 6, mars 1994, p. 62-63.

53  Ibid., p. 62.

54  Denis Diderot, Salon de 1763, dans Œuvres complètes, t. XV, Paris, Hermann, 1984, p. 228.

55  Théodore Chassériau, Creusot, juillet 1836, aquarelle, vernie par endroits, sur mine de plomb, 24,633,1 cm, Paris, Musée du Louvre, Cabinet des Arts graphiques, RF 25.286.

56  Chassériau avait 17 ans quant il s’arrêta au Creusot à l’occasion d’un voyage à Marseille (Louis-Antoine Prat, Inventaire général des dessins, école française, dessins de Théodore Chassériau, t. II, Paris, R.M.N., 1988, p. 623.)

57  Charles Eustache, lettre à sa mère, datée du 16 octobre 1851 (Archives Eustache, collection particulière).

58  Charles Eustache, Intérieur de l’usine de Fourchambault ; laminage des rails ; dessin. Exposé au Salon de 1852 sous le n° 426. Il s’agit vraisemblablement de l’œuvre conservée au musée de l’Histoire du Fer de Jarville (55  75 cm, sans numéro d’inventaire).

59  Edmond et Jules Goncourt, Salon de 1852, Paris, Michel Lévy frères, 1852, p. 117.

60  François Bonhommé, Histoire pittoresque de la métallurgie, manuscrit, v. 1850, Jarville, musée de l’Histoire du Fer, Fonds Auscher.

61  Manuscrit d’Alexandre Dumas père, pour un article publié dans l’Indépendance Belge en 1859, Jarville, musée de l’Histoire du Fer, Fonds Auscher.

62  Xavier Aubriet, rédacteur du journal Le Temps. Jarville, Musée de l’histoire du fer, fonds Auscher (s.d.).

63  François Bonhommé, Forgeage au marteau-pilon dans les ateliers d'Indret de l'arbre coudé d'une frégate à hélice de 600 chevaux, v. 1865, huile sur toile, 125220 cm, Le Creusot, écomusée de la Communauté urbaine Le Creusot – Montceau-les-Mines, inv. D 75.1.95. Ce tableau a appartenu à la collection Schneider.

Annexes

Légendes

1. Joseph-Fortuné Layraud, Forges et aciéries de la marine à Saint-Chamond, présentation de la pièce de canon sous le marteau-pilon

2. Joseph Gabriel Maria Rossetti, Atelier d’impression de la manufacture Wetter, 1764-1765

3. Johann-Ernst Heinsius, Fonderie de canons à Douai, v. 1775

4. Jean-Baptiste Isabey, S.M. l’Empereur visitant la manufacture des frères Sévène à Rouen, 1802

5. Louis-Jean-Jacques Durameau, La Salpêtrière (à Rome), 1765

6. François Bonhommé, Abainville, nouvelle forge : tréfilerie et tôlerie, 1837

7. Théodore Chassériau, Creusot, juillet 1836

Notes de l'auteur

Avec la collaboration de Marie-Laure Griffaton

Notes de la rédaction

Une version antérieure de cet article, accompagnée d’illustrations en couleur, est parue dans La Revue, Musée des Arts et Métiers, n° 36, septembre 2002, pp.4-15

Pour citer cet article

Nicolas Pierrot, « Peindre dans l’usine », paru dans Alliage, n°50-51 - Décembre 2000, II. Visions du monde économique, industriel et technique, Peindre dans l’usine, mis en ligne le 29 août 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3737.


Auteurs

Nicolas Pierrot

Ingénieur d'études au Service régional de l'inventaire d'Ile-de-France, chercheur associé à l'UMR "Institutions et dynamiques historiques de l'économie" (CNRS - Université Paris I), il prépare une thèse de doctorat d'Histoire sur les images de l'industrie en France.