Alliage | n°67 - Octobre 2010 Perfection et perfectionnements du corps 

Martin Dumont et Aram Gazarian  : 

La greffe de la main chez le nouveau-né : un développement possible des greffes non vitales ?

p. 80-94

Plan

Texte intégral

1Chaque année, sont attendues en France environ trente-cinq naissances d’enfants affectés d’une agénésie de la main. Celle-ci consiste en une absence congénitale de la main, c’est-à-dire un défaut de croissance du membre supérieur, qui présente alors l’équivalent d’un moignon. L’affection se situe le plus souvent à la hauteur de l’avant-bras, et ceci d’un seul côté, avec le développement d’une main controlatérale normale. Cette malformation rare n’est susceptible actuellement d’aucune reconstruction chirurgicale. Or, ces dernières années ont vu le développement de la pratique des allogreffes du membre supérieur chez des adultes amputés bilatéraux suite à un traumatisme. Après la première mondiale de l’équipe conduite par Jean-Michel Dubernard en 1998, cette thérapeutique encore expérimentale s’inscrit aujourd’hui en France dans un protocole hospitalier de recherche clinique (phrc), qui vient de s’achever. Les résultats préliminaires étant satisfaisants, serait-il envisageable d’étendre le champ d’indication de l’allogreffe à la reconstruction de la main pour les sujets agénésiques dès leur plus jeune âge ?

2Il nous faut d’emblée signaler que, si des allogreffes d’organes vitaux sont d’ores et déjà pratiquées chez le nouveau-né, la balance des bénéfices et des risques ne peut être satisfaisante pour la greffe de la main, organe non vital, qui exige un traitement immunosuppresseur à vie, provoquant une morbidité accrue pour le patient. Proposer une telle opération, dans les conditions actuelles de traitement, est donc clairement inenvisageable pour les équipes spécialisées dans l’allogreffe de main. L’hypothèse que nous voudrions étudier dans le présent article est celle où les progrès futurs de la recherche clinique permettraient de réaliser cette greffe sans recourir à un traitement immunosuppresseur à long terme.

3Cette proposition, encore toute théorique, ne manque cependant pas de soulever d’importantes questions, que nous voudrions faire partager dans les lignes qui suivent ; rédigées à la fois par un philosophe et par le chirurgien responsable du phrc sur les allogreffes chez l’adulte, elles sont le fruit de nos échanges réguliers à ce sujet. Dans un premier temps, nous voudrions rappeler l’évolution qui a conduit aux greffes de main chez l’adulte, et dresser le bilan qu’on peut tirer des opérations réalisées jusqu’ici. Puis nous présenterons plus précisément le projet de pratiquer des allogreffes du membre supérieur chez le nouveau-né affecté d’une anomalie congénitale, et la question de sa faisabilité chirurgicale. Enfin, nous nous interrogerons sur le bien-fondé, d’un point de vue éthique, d’une telle intervention, sur sa pertinence. Quel bien peut-on attendre de sa réalisation ? Il s’agit ici d’interroger les normes, médicales et sociales, en fonction desquelles nous jugeons qu’elle peut apporter un bien au patient.

Les avancées récentes de l’allogreffe

De l’anastomose vasculaire à la greffe du membre supérieur

4Le pas décisif vers l’allogreffe, chirurgicalement, a été franchi avec la mise au point par Alexis Carrel, en 1902, de la technique des anastomoses vasculaires, c’est-à-dire la suture des vaisseaux sanguins.1 Celui-ci ne parvint cependant pas à réaliser des greffes, se heurtant au phénomène, inexpliqué pour lui, du rejet immunitaire.

5C’est à partir des années 1960 qu’on accède à des connaissances nouvelles en immunologie, et que parallèlement, des progrès sont enregistrés en pharmacologie de la réponse immunitaire. L’ensemble permet les premiers pas en allotransplantation rénale. Très vite d’autres organes vitaux seront greffés : foie, poumon, cœur. La mise au point de traitements immunosuppresseurs plus efficaces, comme la ciclosporine dans les années 1980, capables de maîtriser le rejet naturel du greffon par le receveur, prolonge les développements des greffes.

6Ce n’est qu’une fois l’allogreffe des organes vitaux relativement bien maîtrisée que la greffe voit son champ d’application étendu aux tissus non vitaux, comme la main.2 Le pas nouveau franchi est qu’il s’agit d’un tissu composite, c’est-à-dire d’une unité anatomique composée de plusieurs tissus de nature différente : os et moelle osseuse, articulation, muscles et tendons, vaisseaux, nerfs et peau, alors que les organes vitaux sont le plus souvent composés d’un seul type de tissu.

7Cette demande répond aux limites que rencontre la chirurgie de la reconstruction du membre supérieur : en effet, les progrès de la microchirurgie ont rendu réalisables la replantation d’un doigt ou d’une main, mais la reconstruction d’une main entière perdue lors d’un traumatisme restait impossible sans allogreffe. Le corps du patient lui-même ne peut fournir les tissus nécessaires en quantité et en diversité pour reconstruire une main entière par homogreffe. D’où l’idée d’avoir recours à l’allogreffe pour reconstruire une main ou un bras amputé, moyen optimal de remplacer la partie manquante.

8Le pas mit cependant un certain temps à être franchi. On craignait, en effet, que les tissus composites comme la main, comprenant des tissus d’immunogénicités très diverses, et parfois très grandes dans le cas de la peau, ainsi que des cellules immunocompétentes (moelle osseuse, ganglions lymphatiques), demandent pour ne pas être rejetés un traitement immunosuppresseur très important et donc fort dangereux pour le patient. On pouvait également craindre que les tissus transplantés ne provoquent une réaction contre l’hôte. L’une des surprises, à ce jour encore mal expliquée par les immunologues, mise en lumière par les tests cliniques, fut que la dose d’immunosuppresseur nécessaire dans une greffe de tissus composites ne soit pas plus importante que celle exigée par le traitement anti-rejet d’une greffe de rein. L’immunogénicité d’une main greffée est paradoxalement moins grande que celle de la peau seule.

9L’extension de l’allogreffe à des organes non vitaux fit également l’objet de débats éthiques vigoureux. La première greffe de main réalisée en 1998 concernait une amputation unilatérale. Le Comité consultatif national d’éthique français préconise désormais que les greffes de main soient réservées aux amputés bilatéraux ; chez eux, seuls le bénéfice justifie les risques encourus du fait de l’opération et du traitement immunosuppresseur dans ce cas de greffe où la survie du patient n’est pas en cause.

10Quant au caractère innovant de la greffe de main, il tient essentiellement à ses aspects immunologiques, et non à la technique chirurgicale employée ; l’opération représente cependant une intervention complexe à réaliser, mobilisant des équipes nombreuses, et implique une rééducation à la fois précoce et à très long terme (des progrès sont encore enregistrés neuf ans après l’opération).

Les résultats actuels des greffes de main chez l’adulte

11Les allogreffes réalisées jusqu’à ce jour dans le cadre du protocole hospitalier de recherche clinique à Lyon (où cinq patients amputés bilatéraux ont reçu une greffe entre janvier 2000 et juillet 2009), et ailleurs dans le monde, commencent à être suffisamment nombreuses pour qu’un premier bilan en soit dressé. Plus de cinquante mains ont été greffées dans le monde à ce jour.3

12Chez tous les patients, après un rejet aigu initial, qui apparaît comme un phénomène obligatoire, le rejet chronique est maîtrisé grâce à un traitement immunosuppresseur relativement faible, comparable, comme on l’a dit, à celui d’un greffé rénal. Les complications post-opératoires et celles liées au traitement immunosuppresseur sont relativement faibles, notamment du fait que les patients sont souvent jeunes, et par ailleurs, en bonne santé globale, contrairement à ce qui est la norme dans le cas des greffes d’organes vitaux. Le risque vital demeure toutefois une réalité. Le patient gravement brûlé ayant reçu une greffe combinée mains et visage à Paris en 2009 est décédé des suites de complications  vasculaires et infectieuses en rapport avec ses séquelles de brûlure.

13Les résultats, tant esthétiques que fonctionnels, des mains greffées sont satisfaisants avec le recul dont on dispose ; on peut dire que les allogreffes se révèlent être d’une utilité qui justifie, voire dépasse, les espérances placées en elle au départ.4

14L’apparence des membres greffés tranche cependant visiblement sur celle du reste du corps, et les mains greffées restent nettement moins performantes qu’une main normale : les capacités de la main greffée sont en moyenne de quarante pour cent de celles d’une main normale, mais l’évaluation subjective des patients est toujours plus élevée. Le gain d’autonomie est appréciable pour les patients qui peuvent à terme réaliser la plupart des gestes de la vie quotidienne sans aide et n’ont bien sûr plus d’appareillage (prothèse). Le remplacement des  parties manquantes donne aux patients  la satisfaction de recouvrer une complétude anatomique, et participe à une normalisation de leur vie relationnelle et sociale. Les patients, qui sont parfois restés amputés de nombreuses années avant de recevoir la greffe, ont rapidement vu se reconstituer les zones corticales sensorimotrices reconnaissant et activant la main greffée, démontrant l’existence d’une plasticité cérébrale insoupçonnée jusque-là.5

15Du point de vue psychologique, la greffe de main pose des problèmes spécifiques, en plus des questions d’identité inhérentes à toute greffe. En effet, la main greffée, qui provient d’un cadavre, est immédiatement visible, à la différence des organes vitaux ; elle n’est, par ailleurs, pas aussitôt fonctionnelle. Ainsi, la greffe de main demande-t-elle l’assistance d’un psychiatre expérimenté pour l’accompagnement du patient à la suite de l’opération.

16Le traitement immunosuppresseur est facteur de morbidité principalement sur trois plans : troubles métaboliques, avec un risque accru de diabète ; baisse de  l’immunité, avec un risque accru d’infection ; et enfin, risque accru de développer un cancer. Le patient doit donc faire l’objet d’un suivi médical régulier, qui relativise l’autonomie regagnée en le rendant relativement dépendant de l’institution médicale.

17À ce jour, avec neuf ans de recul au mieux, les patients greffés entrant dans le phrc lyonnais n’ont cependant pas eu à affronter de complications graves. Le bilan des premières allogreffes de main permet de les considérer comme un soin à la fois utile et raisonnable : utile en ce qu’il permet de restaurer une capacité et une autonomie appréciables chez le patient, et raisonnable, eu égard aux risques encourus.

18Le champ de la greffe non vitale s’est récemment étendu (Allemagne 2008, puis Espagne et Pologne) à l’allogreffe de bras (au-dessus du coude). Ce type de greffe pourrait faire bientôt l’objet d’un nouveau protocole de recherche clinique en France.

19C’est ainsi qu’est née l’interrogation d’une éventuelle extension de l’indication de l’allogreffe aux nouveau-nés agénésiques, nés avec une malformation importante du membre supérieur. La greffe ne pourrait-elle être un traitement adéquat de ces malformations ?

L’allogreffe comme soin de l’agénésie :  questions sur la faisabilité

Les patients agénésiques

20L’agénésie concerne une naissance attendue sur vingt mille environ. La malformation est la plupart du temps isolée et n’affecte qu’un membre. Elle correspond à l’absence d’une partie du membre supérieur, due à un arrêt de sa formation entre la quatrième et la huitième semaine de vie. Le diagnostic anténatal peut repérer cette malformation, ce qui amène parfois à des demandes d’interruption de grossesse.

21Quand l’enfant naît, comme c’est le cas la plupart du temps, il développe des adaptations régulièrement surprenantes et se montre capable de réaliser efficacement les gestes de la vie courante. Il les effectue différemment des autres, mais peut les faire sans assistance, conservant ainsi son autonomie, ce qui le distingue nettement d’un adulte amputé.

22Ainsi, l’infirmité qu’est l’agénésie correspond à une incapacité relativement réduite. Elle peut poser des problèmes relationnels à toutes les périodes de la vie, mais particulièrement à l’entrée à l’école, puis à l’adolescence, du fait qu’elle est extrêmement visible, les mains jouant un rôle social permanent. Les prothèses peuvent permettre de cacher temporairement la différence aux yeux de l’entourage non prévenu ; ainsi, certains parents y ont-ils recours précocement, d’autres non.

23Pourquoi alors proposer la greffe de main pour soigner une pathologie que le monde médical s’accorde à reconnaître comme relativement bien tolérée ? On peut postuler que, bien que la vie soit possible avec une seule main, elle serait plus aisée avec deux…

Que peut-on espérer de la greffe dans le cas de l’agénésie ?

24Il est pour l’instant impossible de reconstruire la main manquante d’un nouveau-né en prélevant des tissus sur son propre corps (homogreffe), et les méthodes d’ingénierie tissulaire à partir de cellules souches sont encore loin de pouvoir produire un tissu composite spécifiquement organisé. Ainsi, la greffe est-elle la seule option qui permettrait au patient de retrouver cette seconde main normalement attendue.

25L’appareillage, seule solution actuelle pour traiter l’agénésie, est peu satisfaisant : la prothèse est lourde, coûteuse, elle aveugle le moignon ; elle peut parfois être une gêne, car elle ne permet qu’une sensibilité indirecte : on sent, en effet, par le biais dela prothèse, la prothèse n’étant pas en elle-même, intrinsèquement, sensible, à la différence d’une main. Certains patients disent ne porter leur prothèse que pour des raisons esthétiques et sociales, afin de ne pas choquer le regard d’autrui. Le développement du bras artificiel connaît cependant des progrès qui demanderont de renouveler la comparaison avec la greffe si celle-ci devient un jour possible.

26On peut espérer que la greffe apporte au patient un gain fonctionnel notable : une main greffée apportant environ quarante pour cent de la fonctionnalité d’une main normale, comme dans la greffe chez l’adulte, semble une espérance raisonnable. De même, le patient y trouverait un sentiment de complétude du corps, et une amélioration de sa vie relationnelle ; il gagnerait le plaisir d’une sensibilité intrinsèque par son membre, au lieu de la sensibilité seulement indirecte qu’offre la prothèse.Les risques sont les risques classiques inhérents à un traitement chirurgical néonatal lourd.

27Une telle allogreffe, qui n’a encore jamais été réalisée dans les conditions que nous étudions par hypothèse, à savoir sans avoir à recourir au traitement immunosuppresseur, soulève des questions de faisabilité différentes de celles rencontrées puis résolues chez l’adulte.

La greffe chez le nouveau-né agénésique est-elle réalisable ?

28Ces problèmes de faisabilité se situent au niveau anatomique, neurocognitif et immunologique. D’un point de vue anatomique, le nouveau-né agénésique présente, à la différence du patient adulte, un bras atrophié au-dessus du moignon : les tissus proches du niveau d’amputation sont donc eux-mêmes malformés. Ces problèmes n’apparaissent cependant pas insolubles a priori, mais demandent une étude anatomique avec un modèle expérimental, de façon à anticiper les difficultés techniques de cette opération au cas par cas.

29Le deuxième écueil serait neurocognitif : le cerveau d’un enfant né avec une seule main sera-t-il capable d’en commander deux ? On a vu que, chez l’adulte, les patients amputés de longue date font preuve d’une plasticité cérébrale insoupçonnée, retrouvant rapidement l’usage de leurs mains. Cependant, à la différence de l’amputé, l’agénésique n’a jamais eu cette main qu’on envisage de lui greffer. À ce sujet, les résultats de la chirurgie reconstructrice des anomalies congénitales des doigts plaident en faveur de la faisabilité. Dans le cas, par exemple, de la reconstruction d’un doigt par transplantation d’orteil, un enfant présentant une main dotée du seul pouce, à qui l’on reconstruit un doigt en transférant un orteil sur sa main, en bonne position d’opposabilité, va très rapidement utiliser ce doigt, alors même qu’il n’est pas né avec. On peut donc raisonnablement supposer qu’il en irait de même pour une main entière.

30D’un point de vue immunologique enfin, rappelons que le traitement immunosuppresseur interdit de réaliser actuellement l’opération avec une balance des bénéfices et des risques satisfaisante. En effet, si l’on ne meurt pas de l’absence de main, on peut mourir des suites du traitement immunosuppresseur à vie. Cette opération ne peut donc être envisagée que si un autre moyen que le traitement immunosuppresseur existe pour permettre au greffon de survivre dans un organisme génétiquement différent. C’est pourquoi ce projet s’accompagne d’un volet de recherche de la tolérance chez le nouveau-né.

La recherche de tolérance chez le nouveau-né

31La tolérance est la situation où un organisme ne manifeste pas ou plus de rejet immunologique à l’égard du greffon, tout en restant immunocompétent, c’est-à-dire en gardant ses capacités à se défendre contre d’autres attaques ; il n’est alors plus nécessaire, le greffon étant pleinement accepté, de poursuivre le traitement immunosuppresseur. La recherche de la tolérance peut être considérée comme le « Graal » de la transplantation depuis les années 1960 : elle permettrait de réaliser des greffes en diminuant de manière très importante les risques à long terme liés à cette opération.6 Or on peut supposer que l’immaturité du système immunitaire du très jeune enfant peut être utilisée pour permettre une greffe qui ne demanderait que très peu, voire pas du tout, de traitement immunosuppresseur.7

32C’est l’hypothèse que cherche à étudier un programme de recherche en cours. Ce programme vise à étudier la tolérance chez le porcelet nouveau-né.8 Le programme en est encore au stade de l’élaboration du modèle expérimental, avant de commencer toute manipulation en recherche de tolérance.

Un précédent exceptionnel

33La greffe de main chez le nouveau-né agénésique a cependant été déjà réalisée, grâce à une situation tout à fait exceptionnelle permettant de se passer de tout traitement immunosuppresseur. En 2000, à Kuala-Lumpur (Malaisie), une isogreffe entre jumelles monozygotes, a été réalisée trois semaines après leur naissance.9

34La première de ces deux jumelles présentait une agénésie, et la seconde un myéloméningocèle non viable qui la condamnait. Le docteur Pathmanathan, à la demande des parents, réalisa l’opération. L’enfant, aujourd’hui âgée de huit ans, présente des résultats satisfaisants ; elle est capable de bien utiliser sa main greffée.

35Ce précédent permet donc d’apporter des arguments positifs, mais qui demandent à être approfondis quant à la faisabilité anatomique et neurocognitive de l’opération, la question immunologique demeurant suspendue aux recherches en cours. Cependant, si l’opération devenait un jour techniquement pleinement faisable, serait-elle pour autant légitime et souhaitable?

L’allogreffe comme soin de l’agénésie : questions sur la pertinence

36Il est difficile de répondre, en éthique médicale, à une question qui ne s’appuie pas sur un cas réellement existant et interroge des perspectives encore purement virtuelles. On peut néanmoins dresser ici un panorama des interrogations éthiques que soulève un tel projet. Il est en effet essentiel de se demander selon quelles normes (sociales, psychologiques, fonctionnelles) on juge que l’agénésie est un mal, et en quelle mesure, ces normes sont légitimes, surtout eu égard au caractère peu invalidant de l’agénésie.

Innovation thérapeutique et déontologie médicale

37La médecine est prise entre deux impératifs, qui peuvent apparaître contradictoires tout en constituant deux pans de la déontologie médicale. D’un côté, l’exigence du primum non nocere, « d’abord ne pas nuire », ou principe de bienfaisance, qui impose de n’entreprendre que des soins dont on soit raisonnablement en mesure d’attendre une amélioration pour le patient lui-même, et non une aggravation de son état. La médecine peut être définie comme le colloque singulier entre un patient et son médecin : cela impose à l’homme de l’art de chercher le bien de son patient indépendamment des retombées positives que peut avoir le traitement pour d’autres patients. Ainsi, une thérapie innovante ne peut être entreprise avec pour seule justification le bien qui en résulterait pour des patients ultérieurs : il s’agit ici de n’instrumentaliser en aucune manière le patient à des fins qui lui soient étrangères. Une perspective utilitariste ne peut justifier le sacrifice du bien de l’individu.  

38D’un autre côté, la médecine a également un devoir d’innovation, qui implique de refuser de tenir pour définitivement incurable une pathologie. Refuser toute prise de risque en médecine pourrait, en définitive, poussé à ses conséquences extrêmes, revenir à interdire toute intervention médicale, puisque tout acte médical, même le plus routinier, contient une part d’innovation.10 Cette contradiction entre souci de bienfaisance à l’égard du patient et innovation est constitutive de la pratique médicale ; elle invite le médecin à discerner le plus objectivement possible le bien attendu, en mettant de côté ses motivations personnelles et en se méfiant d’une inconsciente survalorisation des bénéfices attendus au détriment des risques encourus, biais souvent partagé par le corps médical et par les patients.

39Pour établir les bénéfices et les risques de l’opération, il faut alors tenter de démêler précisément les améliorations que peuvent en attendre le patient et son entourage.

Quelle amélioration ?

40On peut espérer que l’enfant avec deux mains soit davantage capable d’agir sur le monde et d’interagir avec autrui ; qu’il soit complet, réalisant mieux ce qui est attendu de la nature ; qu’il ait un sentiment de normalité, ce qui faciliterait son rapport aux autres et son regard sur lui-même.

41Avoir deux mains : gagner en capacité ?

42Il paraît en un sens évident que l’agénésie soit un manque : là où l’on attendrait un être avec deux membres supérieurs, il n’en a qu’un.

43Les êtres humains ont, en général, deux membres supérieurs : c’est là la moyenne statistique écrasante qui définit un certain type de normalité, la normalité anatomique. Avoir deux mains est naturel, si l’on entend, comme Aristote, par naturel ce qui arrive soit toujours soit la plupart du temps.11 On pourrait alors dire qu’il est légitime de proposer la greffe pour restaurer la nature par l’intermédiaire de l’art, si l’on postule que ce qui est naturel est en même temps une norme de perfection.

44Cependant, il n’est pas certain que la normalité anatomique soit ici une norme parfaitement valable. Un sujet agénésique est en effet, avec des difficultés, fonctionnellement complet, bien qu’anatomiquement incomplet. Lui apporter un optimum fonctionnel ne passe peut-être pas dans ce cas par la nécessité de se conformer à la normalité anatomique. Est-ce en cherchant à se conformer à ce qui est le plus souvent le cas qu’on rendra l’agénésique le mieux adapté à son environnement ? Vaut-il mieux avoir une main valide et une greffée, ou une valide et un moignon équipé ou non d’une prothèse? Ainsi, n’est-il pas certain que, parce qu’un homme ayant deux membres supérieurs agit plus facilement qu’un homme n’en ayant qu’un, l’amélioration passe nécessairement pour celui-ci par le rétablissement de ce second membre. Il est des cas où une anormalité anatomique peut être une supériorité fonctionnelle ; ainsi du sprinteur qui rivalise avec les meilleurs athlètes valides avec ses deux prothèses de jambes, chose que la greffe ne lui aurait certainement pas permise.

45Peut-on alors dire que chercher à greffer un agénésique serait un excès condamnable, comparable à chercher à greffer un troisième membre supérieur à quelqu’un qui en a déjà deux ? Ne risque-t-on pas de créer une monstruosité en cherchant à rétablir la normalité ? La comparaison ne vaut cependant pas : évoquer la greffe dans le cas de l’agénésie n’est pas anatomiquement ni fonctionnellement absurde, et ceci d’autant que, le greffé étant un tout jeune enfant dans ce cas, il aurait parfaitement le temps d’intégrer le membre greffé à son schéma corporel. Il ne s’agit donc en aucun cas, dans l’interrogation autour de la greffe chez le nouveau-né agénésique, de doter un sujet de performances exceptionnelles, au-delà de la normale — un membre greffé étant de toute façon nécessairement moins performant qu’un membre de naissance. On sait que la quête de perfection peut tourner au cauchemar, quand, en voulant apporter un « plus » à celui qui est déjà bien adapté, on crée un moins.

46Or le sujet agénésique est bel et bien victime d’un manque, il présente une anomalie anatomique qui a des conséquences sur son comportement et peut donc être qualifiée d’infirmité. La légèreté de cette infirmité pousse cependant à se demander si la greffe, qui vise à retrouver la normalité anatomique, est la meilleure réponse pour la corriger. Ceci suppose alors de comparer les résultats escomptés de la greffe, en termes de capacités du sujet, à ceux des agénésiques qui ont appris à se servir efficacement de leur membre, même amoindri, appareillé ou non selon les cas.

Avoir deux mains : être complet ?

47La greffe peut apporter comme bien au sujet agénésique d’être anatomiquement complet. Ceci serait un bien non seulement pour des raisons fonctionnelles, comme on vient de le voir, mais pour des raisons qui tiennent au sentiment de soi. Ce n’est pas seulement par comparaison aux autres personnes valides qu’un membre atrophié se présente comme incomplet : c’est aussi par rapport à l’autre membre valide, sans avoir besoin d’introduire une comparaison avec autrui. Cela n’exclut pas qu’un sujet agénésique puisse aimer ce membre incomplet, et ne pas se sentir subjectivement incomplet ; mais on ne peut exclure que la greffe n’apporte un plaisir intrinsèque supplémentaire au sujet en lui permettant de sentir le monde et autrui, ainsi que de se sentir de manière plus extensive à travers cette deuxième main. On sait l’importance que revêt la main, sa sensibilité, dans nos rapports avec le monde et avec autrui : la main est instrument d’action de toute la personne et organe de relation, de sensibilité.12

48Il faut cependant rappeler que le sujet agénésique ne se ressent pas comme incomplet : à la différence de l’amputé (qui, quand il l’est des deux côtés, a de plus perdu une grande part de son autonomie), il n’a pas connu la situation d’avoir deux membres supérieurs. Ceci relativise le gain que la greffe pourrait apporter en terme de complétude, sans pourtant l’annuler totalement.

Avoir deux mains : être comme les autres ?

49Un des maux que représente l’agénésie est le handicap qu’on peut définir comme impact social de l’infirmité : le fait que le handicapé n’a pas les mêmes chances au départ que les autres membres de la société. Du fait de leur agénésie, les sujets sont en effet porteurs d’une différence anatomique qui peut aussi provoquer une stigmatisation, réelle ou perçue comme telle par le sujet, et leur incapacité peut les empêcher d’accéder à certaines possibilités qu’offre la société. Ainsi, peut-on espérer que la greffe apporte au sujet agénésique deux biens relativement indépendants de l’amélioration fonctionnelle : d’une part, corriger une injustice dont ils sont victimes et qui les handicape dans leur vie sociale ; d’autre part, leur permettre de ne pas vivre avec une différence visible, et de ce fait, de mieux vivre le rapport à leur corps en ne craignant pas le regard d’autrui.

50On peut cependant objecter que l’agénésie n’est pas toujours vécue seulement comme un handicap par les agénésiques. Certains vont même jusqu’à la considérer comme une chance, disant que ce « moins » a été pour eux un « plus », qui les a obligés à être plus volontaires que la moyenne, à être mûrs plus rapidement, à avoir un rapport moins superficiel avec les autres dès leur plus jeune âge. Il semble par ailleurs dangereux de donner à la médecine le rôle de corriger les injustices sociales. Certes, les activités du médecin ont un impact sur la société, mais ce n’est pas de la seule médecine que doit venir la lutte contre le handicap : la société ne peut se décharger sur la médecine de son devoir d’accueillir les handicapés dignement, en leur donnant toute leur place. Que notre société puisse être intolérante aux handicapés ne saurait donc justifier de chercher à corriger ce handicap par tous les moyens.

51Cela ne signifie cependant pas non plus, en sens inverse, qu’il faille s’interdire de corriger le handicap, sous prétexte qu’il soit mieux accepté par la société en y étant toujours représenté. Il serait injuste de s’interdire de proposer la greffe, sous prétexte d’une meilleure acceptation de la différence dans nos sociétés : ce serait faire du patient l’otage de ceux qui stigmatisent les handicapés, en faire contre son gré le porte-drapeau d’une cause qu’il n’est pas contraint d’embrasser. Là encore, il faut rappeler que la médecine vise le bien du patient singulier ; elle a certes un impact social, dont il est souhaitable qu’elle ait le plus conscience possible, mais cet impact ne peut entrer en ligne de compte au détriment du bien du patient.

52Enfin, la place qu’il est éthique d’accorder à la justification psychologique de la greffe semble difficile à évaluer. Dans quelle mesure peut-on justifier la greffe par le fait que le patient se sentira plus normal, moins différent des autres ? N’est-ce pas là céder à un vœu de normalisation que le sujet aurait intériorisé, mais qui resterait un impératif extérieur à lui, une contrainte sociale qu’il endosse non librement ?

53Ces bénéfices font partie des bénéfices esthétiques de l’opération : le sujet aurait une main plus belle, parce que plus conforme à la fois à l’anatomie habituelle, et à l’usage social. Or cet aspect esthétique ne saurait être totalement séparé des bénéfices fonctionnels envisagés en premier lieu : on sait qu’une main ou un membre jugé esthétiquement plus satisfaisant est aussi une main qui sera davantage utilisée : la frontière entre esthétique et fonctionnel est difficile à tracer.

La responsabilité parentale

54Il est certainement légitime que les décisions concernant la santé d’un nouveau-né soient prises par ses parents : ils ont la responsabilité de faire ce qui leur semble le meilleur pour leur enfant et semblent les mieux placés pour cela, jusqu’à ce que celui-ci parvienne progressivement à l’autonomie et soit capable de prendre lui-même les décisions qui le concernent.

55L’annonce aux parents, lors du diagnostic anténatal, de la malformation fait par ailleurs naître nécessairement une déception, des doutes : l’enfant à venir n’est pas l’enfant attendu. En sont la preuve les interruptions médicales de grossesse parfois obtenues sur le fondement de la détection d’une agénésie. Il est alors de la responsabilité du corps médical de rappeler que l’agénésie peut être vécue de manière sans doute satisfaisante. Le désir des parents de venir en aide à leur enfant n’est, bien sûr, pas illégitime ; il n’est cependant pas impossible qu’une forme inconsciente de culpabilité les amène à vouloir agir, et peut-être à prendre des décisions peu raisonnables. La responsabilité des parents de décider pour leur nouveau-né de recourir ou non à la greffe exige de leur part d’éliminer autant que possible les images héritées de la société sur le handicap, pour prendre la décision la plus libre possible. Il semble souhaitable d’éviter autant que possible que la décision thérapeutique ne vise inconsciemment à calmer leur angoisse et, au final, à les soigner eux-mêmes plus qu’à soigner leur enfant. Cet affinement du jugement parental demande donc un accompagnement à la fois complet et non directif de leur décision. Les parents doivent pouvoir accéder à une information détaillée, compréhensible, non orientée ; la possibilité de rencontrer des médecins extérieurs à l’équipe médicale, voire des personnes agénésiques adultes, doit leur être offerte, ainsi que des délais de réflexion suffisants et la possibilité toujours ouverte de se rétracter sans préjudice pour le traitement ultérieur de leur enfant.

56La responsabilité des parents doit également être abordée du point de vue du donneur. Les donneurs potentiels seraient des nouveau-nés en réanimation néonatale raisons condamnés à mourir  pour diverses : la responsabilité de la décision de donner leur accord au prélèvement reviendrait là aussi aux parents. Une telle décision apparaît d’emblée délicate, eu égard à la situation de détresse de parents bouleversés par la mort annoncée de leur nouveau-né. Pour évaluer la position des parents  potentiellement donneurs de main, un premier travail pourrait consister en une enquête rétrospective auprès d’eux à l’occasion de l’entretien qui est  systématiquement proposé aux parents d’enfant défunt par certaines équipes de néonatalogie un mois après le décès. Il appartiendrait aux soignants ayant eu en charge l’enfant d’aborder la question. Cette enquête a été proposée, sans avoir pu être réalisée.

L’expérience des cliniciens et des agénésiques adultes

57Un éclairage sur la pertinence de cette thérapie peut enfin être apporté par les agénésiques adultes et ceux qui les soignent. Ce sont eux qui ont l’expérience la plus prolongée, quotidienne, subjective de ce handicap, et ne sont pas prisonniers d’un regard étranger sur lui. Il semble alors légitime d’écouter leur voix. Un questionnaire circonstancié, de forme interrogatoire, a donc été développé, explorant divers aspects fonctionnels et subjectifs, pour évaluer les capacités, les compétences et la qualité de vie ressentie des agénésiques.

58Il est apparu que l’idée de la greffe inquiète les agénésiques adultes ; par ailleurs, une faible majorité de praticiens concernés par le traitement de l’agénésie se prononce en faveur de la thérapie. Il n’est cependant pas impossible que l’évaluation de leur propre situation par les agénésiques présente des biais. Ainsi, certains d’entre eux évaluent dans le questionnaire leur qualité de vie à dix sur dix. Il se peut qu’il y ait de leur part une survalorisation de leur infirmité, survalorisation bien compréhensible en ce qu’elle leur a permis de se construire en tant que personnes. Il faut, bien sûr, respecter cette évaluation des agénésiques ; on peut cependant noter que certains d’entre eux, hostiles à une greffe pour eux-mêmes parce qu’ils ont réussi à trouver une stabilité dans leur existence, ne sont cependant pas opposés à l’idée de la greffe chez le nouveau-né, si elle  peut le soulager des problèmes qu’ils ont eux-mêmes rencontrés et surmontés. Il nous semble donc nécessaire d’étendre ce travail d’interrogation des agénésiques adultes à la fois en surface et en profondeur : en surface, parce qu’il apparaît utile d’interroger le plus grand nombre possible d’agénésiques, et en profondeur, grâce à d’éventuels entretiens semi-directifs pour augmenter la qualité de l’information recueillie, entretiens que devra élaborer un travail de psychologie clinique en cours.

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60L’évaluation de la faisabilité et de  la pertinence de l’allogreffe comme soin chez le nouveau-né reste donc une question ouverte. C’est ainsi que le conseil d’éthique de l’hôpital Debrousse pour enfants, consulté à ce sujet, a estimé qu’il est actuellement moralement nécessaire de suspendre toute décision d’entreprendre une allogreffe de main chez le nouveau-né. Il a accepté, sous plusieurs conditions, la possibilité d’effectuer une isogreffe (greffe entre jumeaux), mais souligné que les conditions d’une éventuelle allogreffe sont bien différentes, puisqu’elle nécessiterait à l’heure actuelle un traitement immunosuppresseur à vie. Le même conseil d’éthique a souligné que la pondération entre avantages et inconvénients d’une allogreffe en l’absence de traitement immunosuppresseur, qui n’est encore qu’à l’état de projet, reste incertaine, par manque d’informations sur la tolérance immunitaire de cette greffe chez le nouveau-né (innocuité de la tolérance à long terme ?). Il a également appelé l’attention sur la nécessaire comparaison de ce soin avec les prothèses, elles-mêmes susceptibles de connaître des améliorations pendant la recherche en cours visant à permettre l’allogreffe sans traitement immunosuppresseur.

61On peut donc conclure provisoirement que l’interrogation sur l’allogreffe comme soin de l’agénésie semble au moins recevable, puisqu’il n’est pas absurde de vouloir soigner cette infirmité, et que cette volonté ne correspond pas à une recherche prométhéenne de perfectionnement des corps. L’allogreffe n’est cependant pas envisageable dans les conditions actuelles des allogreffes néonatales, qui obligent pour l’instant à réserver de telles greffes aux affections les plus graves. La question de l’allogreffe de main chez le nouveau-né restera peut-être longtemps purement théorique, tant que des progrès ne seront pas accomplis dans l’obtention de la tolérance chez le nouveau-né, permettant la greffe sans traitement immunosuppresseur, et tant que cette tolérance n’est pas elle-même reconnue non iatrogène à long terme. Enfin, ce projet demande un discernement plus complet quant au bien attendu de ce traitement, qui invite notamment à approfondir l’expérience clinique auprès des sujets agénésiques adultes.

62Il y a ainsi, indépendamment même de la question de l’allogreffe chez le nouveau-né, un intérêt réel à poursuivre les recherches sur la pertinence de ce soin au plan clinique, car elles incitent à mieux connaître l’agénésie et la vie des sujets qui en sont atteints. De la même manière, les recherches expérimentales en cours sur la tolérance chez le nouveau-né sont utiles pour mieux connaître les mécanismes de l’immunologie et peuvent être bénéfiques dans les autres champs de la transplantation.

Notes de bas de page numériques

1  Alexis Carrel, « La technique opératoire des anastomoses vasculaires et la transplantation des viscères », Lyon médical 98, p. 859, 1902.

2 . Jean-Michel Dubernard, E. R. Owen, G. Herzberg et al., « Human Hand Allograft : Report on First Six Months », The Lancet353 (1999), 1315-1320.

3 . http://www.handregistry.com

4 . Aram Gazarian et al. « Allogreffes de main : expérience lyonnaise », Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 424-435.

5 . C. D. Vargas, A.. Sirigu, « Re-emergence of Hand-muscle Representations in Human Motor Cortex after Hand Allograft », Proc. Natl Acad Sci usa. 2009 avril 28, 106(17):7197-202 ; P. Giraux, A. Sirigu, F. Schneider, J.-M.Dubernard, « Cortical Reorganization in Motor Cortex after Graft of Both Hands. », Nat Neurosci., 2001 juillet, 4(7):691-2 ; A. Aballé et al. « Human Brain Plasticity after Bilateral Hand Allograft », ht 341-346.

6 . Les conséquences à long terme, pour un patient, d’une tolérance acquise à son plus jeune âge resteront cependant elles-mêmes difficiles à évaluer et constituent un risque important à prendre en compte.

7 . Dans leurs expérimentations de 1953, Billingham, Brent et Medawar sont parvenus à induire la tolérance chez la souris nouveau-né, après lui avoir présenté pendant sa vie in utero un fragment de tissu de celui qui serait son donneur à sa naissance : R E Billingham, L Brent, P B Medawar, « Acquired Tolerance of Skin Homografts », Ann NY Acad Sci, 1955 janvier 24 : 59(3) : 409-16.

8 . Jean-Paul Dehoux, Pierre Gianello, « The Importance of Large Models in Transplantation », Frontiers in Bioscience 12, 4864-4880, septembre 1, 2007.

9 . Communication orale du dr. V. Pathmanathan au Congrès international biannuel dédié aux allogreffes de tissus composites, Innsbrück, Autriche, septembre 2007.

10 . C’est ce qu’affirme Georges Canguilhem : « Soigner, c’est faire une expérience, […] accepter de soigner, c’est, de plus en plus aujourd’hui, accepter d’expérimenter […] sous une responsabilité professionnelle rigoureusement sanctionnée ; […] les médecins ont toujours expérimenté, en ce sens qu’ils ont toujours attendu un enseignement de leurs gestes, le plus souvent dans l’urgence. » Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1968, p. 388-391.

11 . « Les choses qui sont par nature se produisent comme elles le font, soit toujours soit la plupart du temps », Physique II 8, 198b35.

12 . Jean Brun, La main et l’esprit, Paris, Puf, 1947.

Pour citer cet article

Martin Dumont et Aram Gazarian , « La greffe de la main chez le nouveau-né : un développement possible des greffes non vitales ? », paru dans Alliage, n°67 - Octobre 2010, La greffe de la main chez le nouveau-né : un développement possible des greffes non vitales ?, mis en ligne le 30 juillet 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3360.


Auteurs

Martin Dumont

Ancien élève de l’ENS (Ulm), agrégé de philosophie, est professeur en lycée.

Aram Gazarian

Professeur de médecine à l’hôpital Édouard Herriot de Lyon, service d’orthopédie pédiatrique, est spécialisé en chirurgie de la main et du membre supérieur