Loxias | 54 Doctoriales XIII | I. Doctoriales 

Lucie Herbreteau  : 

La femme et le dragon dans la littérature médiévale anglaise : une question de pouvoir

Résumé

Cet article vise à analyser les rapports entre la femme et le dragon dans un corpus de quatre œuvres de la littérature médiévale anglaise. L’étude des différentes étapes de la rencontre entre ces deux personnages, de l’enlèvement à la libération, permet de mettre en exergue la confrontation des pouvoirs — physiques, politiques ou spirituels — des différents personnages dont le statut oscille constamment entre soumission et domination. Plus qu’un simple sacrifice, la rencontre entre la femme et le dragon dévoile des questionnements sur la femme et son rôle dans la littérature médiévale.

Abstract

This article aims at analysing the relations between woman and dragon in a body of four texts from English medieval literature. The study of the different steps in the encounter between these two characters, from abduction to liberation, highlights the confrontation of powers, whether they be physical, political or spiritual, possessed by the different characters whose position constantly wavers between submission and domination. More than a mere sacrifice, the encounter between woman and dragon uncovers questions on the woman’s status and her role in medieval literature.

Index

Mots-clés : dragon , femme, Littérature médiévale anglaise, pouvoir

Géographique : Angleterre

Chronologique : Moyen Age

Plan

Texte intégral

1Le dragon est un élément récurrent dans la littérature médiévale anglaise, profondément influencée par les mythologies germaniques et celtiques, mais également par la tradition biblique. Bien que souvent confronté à un chevalier qui doit le vaincre pour sauver une population agressée et gagner gloire et honneurs, il arrive que le dragon rencontre une femme. Ces rencontres se retrouvent notamment dans trois hagiographies et un roman courtois. Dans le chapitre « Victoria » du De Virginitate d’Aldhelm au viie siècle1, la jeune Victoria refuse d’épouser un noble prétendant car son cœur est déjà voué à Dieu, puis elle parvient à chasser un dragon terrorisant la ville de Tribula par sa foi. La Stanzaic Life of Margaret au xiiie siècle2 relate comment sainte Margaret, après avoir refusé d’épouser le roi d’Antioche pour se consacrer à la religion, est jetée en prison où elle combat deux démons sous la forme de dragons puis est violemment exécutée par le roi. Saint George and the Dragon du South English Legendary (c.1400)3, décrit brièvement le combat du saint contre le dragon assiégeant la ville de Gylena en Lybie pour sauver la princesse de la ville livrée à celui-ci. Enfin, Sir Tristrem au début du xive siècle4 délivre la ville de Dublin d’un dragon et gagne par ce fait la main de la princesse Ysonde. Quatre femmes sont ainsi livrées à un dragon, de manière volontaire ou forcée, afin d’apaiser sa colère et sa faim. Contrairement à la rencontre entre dragon et chevalier, brutale et meurtrière, celle entre dragon et femme est davantage en subtilités, en non-dits et suggestions, n’exposant que peu de violence, mais insinuant des interprétations et des enjeux plus fondamentaux que le seul combat. Cette confrontation aboutit à différents dénouements suivant les œuvres, engloutissement, combat, ou intervention d’un chevalier. Néanmoins, il s’instaure toujours un certain rapport de force entre les personnages en présence, dont les pouvoirs — physiques, politiques ou moraux — les font constamment osciller entre soumission et domination. Dans ce combat direct ou indirect, se pose la question du sacrifice et de la victimisation de la femme, mais également de la domination du masculin sur le féminin et du rôle de la femme dans la littérature médiévale.

L’enlèvement

2La rencontre entre femme et dragon peut être étudiée en plusieurs étapes, dont la première est la phase de l’enlèvement, qu’il soit explicite ou sous-entendu. Cet enlèvement est avant tout une étape narrative fondamentale, débloquant à la fois la situation stagnante de la ville-otage et entraînant de nouvelles péripéties. De plus, il instaure une relation privilégiée entre le dragon et la jeune femme sur le plan social, mais également spirituel et mystique.

La caverne

3Avant de traiter de l’enlèvement lui-même, il convient de préciser que la plupart des dragons des textes susmentionnés demeurent dans des cavernes. Le dragon de Saint George and the Dragon demeure dans une caverne au bord de la rivière, tout près de la ville de Gylena « dans une caverne sur la berge, tout près de la ville5 ». Le dragon de l’hagiographie de sainte Victoria réside dans un repaire qui peut être qualifié de tanière, de caverne, ou même de grotte, près de la ville de Tribula6. Enfin, dans la Stanzaic Life of Saint Margaret, lorsque la sainte est jetée en prison par le roi d’Antioche, elle est attaquée dans la nuit par des démons qui prennent l’apparence de dragons. Il est précisé que ces derniers avaient été enterrés dans une falaise avant d’être libérés par les Babyloniens7. Outre ceux-ci, de nombreux dragons de la littérature médiévale anglaise sont dépeints comme vivant dans des cavernes, ainsi le dragon de l’épopée Beowulf, du roman courtois Bevis of Hampton, ou ceux que l’on retrouve dans les différentes chroniques arthuriennes, l’Historia Brittonum, l’Historia Regum Britanniae et le Brut de Laȝamon.

4D’un point de vue strictement narratif et objectif, la caverne présente un intérêt stratégique pour le dragon qui peut y vivre et y cacher ses trésors loin des yeux des hommes. Néanmoins, lorsqu’elle est en relation directe avec un personnage féminin, la caverne porte irrémédiablement de nouveaux symboles. De fait, la caverne renvoie au symbole concave féminin et à la matrice maternelle. Elle représente d’abord le retour à la matrice maternelle originelle, le regressus ad uterum, et est ainsi hautement initiatique. Pour le chevalier, entrer dans la caverne du dragon représente une épreuve initiatique au travers de laquelle, pour accéder pleinement à l’âge adulte, il devra couper ses liens à l’enfance. Pour la femme, au contraire, entrer dans la caverne, c’est entrer dans le monde de la féminité. En cela, le dragon est le gardien de la caverne, donc le guide dans l’initiation.

5La grotte ou la caverne est ainsi un lieu d’initiation, l’endroit où se joue le Destin de chacun, ainsi dans la tradition orphique, les Moires, divinités grecques du Destin, demeurent dans une grotte8. Elle est le lieu d’une introspection, souvent douloureuse, une parenthèse à la réalité pour accéder à la connaissance et à un nouveau stade de la vie personnelle avant de devenir membre de la société. Platon lui-même n’a-t-il pas choisi cette image dans le septième livre de sa République ?

6On peut également trouver à la caverne une interprétation complémentaire, plus sombre, mais tout aussi personnelle et intime. La caverne, par son caractère caché et obscur, peut être considérée comme renfermant les désirs et les pulsions insondables, l’animalité enfouie de l’homme et les monstres (à l’image du dragon) de son esprit. Cette caverne est également une initiation car en y combattant ses démons intérieurs, le héros ou l’héroïne en ressortira purifié, neuf. Par conséquent, l’entrée dans la caverne invite le sujet à dompter ces démons et à les accepter, plutôt qu’à les supprimer. D’ailleurs, une fois face au dragon, sainte Victoria ne tue pas ce dernier, elle ne fait que l’exiler. Elle demande ensuite à soixante vierges de la rejoindre dans la caverne du dragon pour prier Dieu, accomplissant à la fois la purification de la femme, et celle de la grotte.

7Au cœur de cette introspection, la caverne évoque également la sexualité féminine, d’autant plus quand cette caverne est occupée par un dragon qui est lui-même porteur de symboles de sexualité masculine, notamment par son aspect reptilien et sa queue, dont la force est régulièrement mise en emphase. En pénétrant dans la caverne, la femme, ou plutôt la jeune fille, puisque les quatre femmes en question sont toujours de jeunes filles nubiles, prend conscience et connaissance de sa sexualité, et elle en devient maîtresse : ce n’est pas un rejet, mais une acceptation. La caverne évoque également la future maternité de la jeune fille, qui consent alors à sa mission de génitrice, de mère. D’ailleurs la princesse Ysonde et la princesse de Gylena épouseront les chevaliers qui les ont secourues, à savoir Tristrem et saint George.

Le tribut

8Les quatre textes étudiés présentent trois situations particulières de relations entre femme et dragon. La femme y possède alors des statuts différents : femme-tribut dans Saint George and the Dragon, femme-récompense dans Sir Tristrem et comme femme-adversaire dans la Stanzaic Life of Margaret et dans l’hagiographie de sainte Victoria.

9Dans le premier cas, la relation entre le dragon et la femme est à première vue très claire, la femme doit être offerte au dragon car elle fait partie d’un contrat tacite entre ce dernier et la cité : le dragon ne détruira pas la cité tant qu’on lui offrira un tribut quotidien, tribut se composant de moutons puis, lorsque les moutons vinrent à manquer, de jeunes gens de la cité. Il s’agit alors d’un enlèvement puisque même si la princesse de Gylena se rend seule auprès du dragon, elle le fait sous la contrainte. Elle fait partie intégrante du tribut qui doit être versé au dragon et en cela, elle ne se distingue pas du reste du tribut, moutons, enfants et autres jeunes gens livrés au dragon. Néanmoins, la situation de cette jeune femme n’est pas exactement similaire à celle de ses prédécesseurs, d’abord car elle est la princesse, et parce que, puisqu’elle est la dernière des jeunes gens de la ville, le contrat cessera avec elle. En effet, « la fille du roi représente la pérennité sur l’ordre social de la polis mais aussi, selon le regard du dragon, une alerte sur l’épuisement prochain des réserves de nourriture9 ». D’un point de vue social, l’enlèvement, même sous contrat, de la fille du roi signifie la proche soumission de la cité au dragon, car non seulement il n’y aura bientôt plus de jeunes gens à offrir, mais surtout car le dragon « mangera » littéralement l’héritage du trône, et s’appropriera ainsi le pouvoir. D’un point de vue narratif, l’enlèvement de la princesse permet également de débloquer cette situation stagnante, ce statu quo menant irrémédiablement vers une impasse narrative, et offre un rebondissement au récit.

10Le cas d’Ysonde et du dragon dans Sir Tristrem est légèrement différent car il n’y a pas de rencontre directe entre les deux personnages, mais ils sont profondément liés l’un à l’autre puisque celui qui vaincra le dragon aura la princesse en mariage. Comme la princesse de Gylena, le dragon est le maître du destin de la princesse, c’est par lui que la vie future de la jeune fille se décidera. L’enlèvement est ici fictif, sous-entendu, et se fait à distance, car la princesse est prisonnière des faits du dragon, et sa vie ne peut pas évoluer tant que le dragon est en vie. De fait, pour garantir le sauvetage éventuel de Dublin, il faut que la récompense demeure intacte, par conséquent Ysonde ne pourra se marier que si et quand le dragon sera vaincu. On retrouve un tel enlèvement indirect dans le roman courtois de Sir Eglamour of Artois (c. 1350) où, pour obtenir la main de la princesse Cristabelle, le jeune Eglamour devra réussir toute une série d’épreuves imposées par le père de la princesse10. Ce dernier, voulant à tout prix éviter le mariage qu’il considère comme déshonorant, exige de lui qu’il accomplisse trois tâches impossibles, dont la troisième sera de tuer un dragon qui terrorise la ville de Rome. Le dragon se voit ici aussi confier le destin de Cristabelle, et leur union ne sera acceptée par le roi qu’après sa victoire sur la créature. De même, dans le Florimont d’Aimon de Varennes, la main de la princesse Romadanaple est accordée à celui qui sauvera le roi Philippe de Macédoine son père de l’attaque du roi de Hongrie, exploit que réalisera Florimont11. À l’instar d’Ysonde, la femme y est considérée comme une récompense pour le chevalier qui surmontera toutes les épreuves.

11Sainte Margaret connaît une rencontre d’un genre différent, puisque les dragons-démons viennent eux-mêmes à la rencontre de la jeune fille. L’enlèvement peut ici être considéré comme psychologique car si les dragons ne peuvent l’emmener dans leur repaire à cause de son emprisonnement, elle est forcée de se voir attaquée par ces créatures. Tout comme Ysonde et la princesse de Gylena, elle n’a dans sa situation pas d’autre choix que celui de subir les actes du dragon.

12Contrairement à Margaret, Victoria provoque elle-même l’affrontement, se rendant volontairement au repaire du dragon, bien qu’elle soit arrivée dans la ville par hasard, et non parce qu’elle était à la recherche d’une quête, à l’image des chevaliers. À l’instar de Margaret, Victoria n’utilise aucune arme, ce qui la distingue de saint George qui combat la créature à l’aide de sa lance et de son épée, et des autres héros médiévaux qui affrontent un dragon, tels Beowulf, Bevis of Hampton ou Sir Degaré. Au contraire, bien que son récit ressemble à celui du saint, comme Margaret, elle combat dans un but uniquement religieux : elle ne chassera le dragon que si les habitants se convertissent, puis elle établit dans l’ancien repaire du dragon un lieu de prière consacré à Dieu. Et finalement, le combat de ces deux femmes s’avère bien plus rapide et efficace que les heures de lutte acharnée des chevaliers, confirmant le message passé par les hagiographies : la foi est la meilleure arme contre le dragon.

13Ainsi, hormis le cas de Victoria et malgré des rencontres différentes, trois des héroïnes, la princesse de Gylena, Ysonde et Margaret, subissent toutes une sorte d’enlèvement et de séquestration de la part du dragon. Compte tenu de la nature de ces jeunes filles, d’autres points de comparaison peuvent être établis. En effet, ces quatre jeunes filles sont toutes vierges et non mariées. Au-delà de l’agent de séquestration, le dragon se dévoilerait alors comme le gardien de la virginité, le garant de l’intégrité sexuelle de la jeune fille avant son mariage, ou avant sa dévotion à Dieu, fonction qui s’accorde pleinement avec la symbolique de la caverne déjà évoquée. Si le dragon est le gardien de la sexualité de la jeune fille, le combat du chevalier contre le dragon prend alors une nouvelle dimension puisqu’il représente la maturité sexuelle atteinte, pour le chevalier comme pour la jeune fille, et ainsi l’accession à la vie de couple, au mariage. Ainsi, le South English Legendary semble sous-entendre que saint George épouse la princesse de Gylena. De même, par la mort du dragon, Ysonde non seulement se donne en mariage au roi Mark, mais tombe également dans les bras de Tristrem. Quant à Margaret et à Victoria, la mort des dragons signifie pour elles une certaine libération, puisque peu de temps après, le supplice de Margaret se terminera par son élévation auprès de Dieu et Victoria continuera le culte de Dieu dans la caverne jusqu’à finir en martyr des mains de son ex-fiancé. Cet épisode leur permet ainsi de renoncer à leur vie de femme et au mariage avec leurs prétendants, et de choisir une vie de sainte.

14Il existe une autre similarité entre ces quatre jeunes filles : elles sont toutes issues de la noblesse, fille du roi d’Irlande, fille du roi de Gylena, fille du grand patriarche d’Antioche et fille d’un noble romain. Par leur lignage, ces jeunes filles incarnent donc l’ordre social sublimé, tel que représenté dans la littérature médiévale, et la royauté. Le dragon représente alors l’ancienne coutume pré-féodale et préchrétienne, désireuse de déstabiliser cet ordre. En étant fille du représentant de l’ordre, la femme détient les clés de la pérennité de l’ordre social, mais également de la pérennité de l’ordre divin, puisqu’au Moyen-Âge l’un et l’autre sont intimement liés. Qui plus est, la princesse de Gylena et Ysonde sacrifient leur liberté pour la survie et la protection de leur cité et de cet ordre, confirmant la sublimation littéraire du système féodal médiéval qui pousse une innocente jeune fille à se sacrifier pour le protéger.

15Ainsi, par son enlèvement par le dragon, la jeune femme s’impose comme une incarnation de l’ordre social et, par extension, de l’ordre divin. Jean-Marie Privat va encore plus loin dans cette approche de l’enlèvement lorsqu’il émet la possibilité que la femme soit une victime expiatoire12. La femme serait alors le seul remède capable d’apaiser une colère divine, à l’image de la jeune Andromède de la mythologie grecque, donnée en pâture à un monstre marin envoyé pour punir sa mère Cassiopée de s’être flattée d’être plus belle que les Néréides13. Le demi-dieu Persée la sauve et tue le monstre, de la même manière que saint George tue le dragon et délivre la princesse de Gylena. Une corrélation pourrait ainsi être établie entre le mythe et le récit médiéval de Saint George and the Dragon, pour suggérer que la princesse est comme une victime expiatoire, mais avec quelques réserves. En effet, dans le récit médiéval, il n’y a pas eu de faute originelle à l’encontre du dragon ou des forces divines régissant le dragon, la cité s’est simplement trouvée sur le chemin de la créature. Non seulement cette notion de faute envers le divin est absente du texte médiéval, mais le rôle du malfaiteur est, de plus, pleinement attribué au dragon. Le dragon n’est plus la main de la justice divine, ou de l’orgueil olympien, qui s’abat sur les fauteurs, mais plutôt le messager du Mal qui cherche à établir sa propre justice. Par conséquent, la princesse de Gylena est, à l’instar d’Andromède, une victime expiatoire, mais selon une morale fallacieuse, son expiation n’a donc pas lieu d’être et le héros vient rétablir la morale en sauvant la princesse du dragon.

Soumission et domination

16La rencontre entre la femme et le dragon s’avère de prime abord fortement déséquilibrée en faveur de ce dernier, qui détient le pouvoir d’asservir une cité et d’anéantir ses habitants. Cette situation ne semble pouvoir aboutir qu’à la mort de la jeune femme, bien que dissimulant des enjeux politiques et spirituels. Néanmoins, et alors qu’une issue fatale à la femme semble irrémédiable, les différents récits offrent un développement narratif tout autre où les pouvoirs se retrouvent complètement inversés.

Le renversement des forces

17Une fois la jeune femme enlevée, la rencontre directe avec le dragon commence véritablement. Cette rencontre est la plus conséquente pour le personnage de Margaret qui se fait d’abord avaler par le dragon Ruffyn14. Cet épisode se retrouve dans la plupart des hagiographies de Margaret et est souvent considéré comme l’épisode emblématique de la vie de la sainte. L’engloutissement par le dragon, et plus généralement par un monstre, est une étape fondamentale dans les récits initiatiques ; selon Mircea Éliade, c’est « l’assimilation des tortures initiatiques aux souffrances du néophyte englouti et "digéré" par le monstre15 ». En étant avalée, Margaret endure les souffrances de l’initiation en mourant pour revenir au monde, reprenant l’épreuve de mort initiatique citée par Mircea Éliade, mais elle subit surtout une renaissance, la « palingenesia » décrite par Joseph Campbell16. L’engloutissement par le dragon est donc un martyre qui permet à Margaret de renaître (ainsi qu’elle apparaît dans l’iconographie médiévale « issant » du dragon), nouvelle et plus sainte pour vaincre les deux dragons, de la même manière que Jonas le peureux est englouti par une baleine mais est recraché comme un homme nouveau, qui obéit désormais à Dieu. Néanmoins, si Jonas est recraché par la baleine grâce à l’aide de Dieu, Margaret détruit le dragon en le faisant littéralement exploser de l’intérieur grâce à sa vertu17 et à la croix que l’ange de Dieu lui avait donné.

18Puis le texte explique qu’un deuxième démon appelé Belsabub s’approche de Margaret :

Elle se dirigea vers ce démon, la croix à la main.
Par la vertu de Jésus Christ de sa guimpe elle l’attacha.
Elle le prit par la tête et le jeta sur le sol ;
Elle posa son pied sur son cou et le força à terre18.

19Le renversement des forces est ici effectif : alors qu’elle était dans l’estomac du dragon, Margaret parvient à en sortir, à tuer le dragon et à assujettir le deuxième démon. L’acte de Margaret de poser son pied sur le démon n’est pas propre à la sainte d’Antioche. En effet, dans la Passion de Perpétue et Félicité, qui rapporte des événements étant survenus en 203 à Carthage, de même que dans le Péristéphanon du poète Prudence, écrit vers 400, et qui contient notamment l’hagiographie de sainte Agnès, les deux saintes en question, Perpétue et Agnès, sont chacune confrontées à un dragon et le vainquent en marchant sur sa tête19. Cet épisode évoque la représentation iconographique et surtout statuaire de la vierge Marie, debout et foulant du pied un serpent, évoquant à la fois le serpent du Jardin d’Éden et le dragon de l’Apocalypse.

20L’acte de sainte Margaret de poser son pied sur le cou de Belsabub est ainsi la reproduction des actes de la grande figure biblique féminine qu’est la vierge Marie, symbole de la suprématie chrétienne et féminine sur le dragon. D’ailleurs, les actions de Margaret, jetant à terre le dragon et le saisissant par la tête, présentent un tableau plutôt violent dans lequel Margaret est dépeinte comme une femme forte, ainsi que le constate le démon Belsabub : « Pourtant je n’ai jamais été attaché par des liens aussi forts20 ».

21Cette domination physique de la jeune fille continue avec le passement de la guimpe autour du cou du dragon, qui se retrouve aussi bien dans l’hagiographie de sainte Margaret que dans celle de saint George où ce dernier, après avoir mis le dragon à terre, demande à la princesse de Gylena de nouer sa ceinture autour du cou de la bête21. La jeune fille parcourt alors les rues de la cité, tenant derrière elle le dragon en laisse. À l’instar de ces deux femmes, dans la Legenda aurea, sainte Marthe noue également sa ceinture autour du cou de la Tarasque vaincue22. Le passement de la ceinture est ainsi un acte important dans la rencontre de la femme et du dragon. L’acte d’attacher le dragon est, selon Jean-Marie Privat, de nature magique23, car le verbe grec ancien καταδέω, signifie à la fois « lier solidement, attacher » et « ensorceler, enchaîner par un charme », et le substantif κατάδεσμος, « lien, chaîne ; charme, enchantements »24. Ainsi, dès l’époque grecque, le lien est considéré comme magique et se retrouve dans diverses mythologies : le filet magique créé par le dieu Héphaïstos pour emprisonner sa femme Aphrodite et son amant Arès dans la mythologie grecque, ou Dróma la chaîne magique créée par les Ases pour enchaîner le loup Fenrir jusqu’à Ragnarǫk dans la mythologie germanique. Par conséquent, le lien que Margaret ou la princesse de Gylena attachent autour du cou du dragon est magique, ou plutôt miraculeux, car une simple guimpe ne pourrait arrêter le puissant dragon. De fait, dans la littérature médiévale, le surnaturel est soit diabolisé soit réinterprété comme un miracle de Dieu. Qui plus est, la guimpe est également le tissu dont les religieuses se couvrent la tête et la poitrine, il s’agit donc d’une marque de pouvoir chrétien. L’acte d’attacher le dragon démontre que Margaret et la princesse de Gylena sont toutes deux bénéficiaires d’une puissance surnaturelle qui leur permet de dominer le dragon.

22Lorsque la jeune fille attache le dragon, elle le fait avec un objet typiquement féminin : une ceinture pour la princesse de Gylena (dénommée « gyrdyll25 » dans le texte original : ceinture, gaine, corset), une guimpe pour Margaret (« wympylle26 » dans le texte original). Si l’acte du pied sur le cou du dragon est irrémédiablement chrétien, le passement de la ceinture est un acte porteur de connotations sexuelles puisqu’avant d’attacher le dragon, la jeune fille doit d’abord enlever sa ceinture ou sa guimpe. Qu’il s’agisse de la ceinture au niveau de la taille ou de la guimpe au niveau de la poitrine, ces deux objets servent à protéger et à cacher la féminité. Par conséquent, en les enlevant, la jeune fille accède à une certaine libération sexuelle, confirmant l’interprétation de la caverne du dragon comme l’entrée dans la féminité. D’ailleurs, selon Jean-Marie Privat, en attachant le dragon de sa guimpe, symbole féminin, la jeune fille prive le dragon de sa masculinité, et le rend impuissant27. Elle ne tue pas le dragon mais l’apprivoise, ce qui signifie qu’en renversant les forces et en dominant le dragon, la jeune fille domine sa sexualité sans l’éradiquer, elle accepte d’entrer pleinement dans l’âge adulte, et donc dans le mariage.

23Après avoir soumis et attaché le dragon, la princesse de Gylena le promène à travers les rues de la cité. En étant ainsi exhibé devant tous les habitants de la cité, le dragon subit une véritable humiliation puisqu’il est traité à la manière d’un vulgaire chien de chasse28. Ainsi, si la promenade dans la cité permet à saint George de convertir la population, elle permet également à la princesse d’être établie comme figure sociale fondamentale de la cité. C’est la princesse qui fait parader le dragon car c’est elle qui incarne l’ordre social et la juste royauté. La parade avec le dragon confirme ainsi son rôle de protectrice de la cité, rôle qu’elle hérite de son père, mais qu’elle doit aussi acquérir par elle-même. Enfin, le dragon est rétrogradé au rang de simple animal, tenu par la ceinture de la princesse : la jeune fille n’est plus une enfant, elle est une femme à part entière, et comme tous les humains, elle domine les animaux. Ce rôle est affirmé par Victoria qui, en exhortant le dragon, parvient à le chasser de la ville, elle contrôle donc la créature par la parole.

24Cet acte de parade achève l’initiation de la figure féminine centrale, la princesse de Gylena, qui grâce à sa rencontre avec le dragon, accède définitivement à l’âge adulte, par son accession à la maturité spirituelle, par son affranchissement sexuel et par son avènement social. De même, la princesse Ysonde se rend par elle-même sur les lieux où le dragon de Dublin a été tué afin de retrouver le véritable meurtrier, et ainsi reconnaître son futur époux. Margaret et Victoria, quant à elles, font le choix de renoncer à une vie d’épouse (chacune était promise à un homme riche) pour une vie consacrée à Dieu. En combattant le dragon, incarnation du Mal sur terre, s’ouvre à elles le chemin de la sainteté et de la divinité. De manière générale, la rencontre avec le dragon est ainsi, pour la jeune fille, synonyme d’affranchissement familial, physique et spirituel, au travers d’une initiation pleinement dragonesque.

Le retour du chevalier : apothéose et libération

25Néanmoins, dans cet échange entre femme et dragon, le chevalier ne doit pas être oublié. En effet, dans l’hagiographie de saint George, c’est bien le chevalier qui tue le dragon, et non la femme, qui ne fait qu’apprivoiser la créature, comme dans Sir Tristrem où le chevalier combat et achève la créature. Selon Bernard Ribémont, le chevalier doit tuer le dragon car il représente « la part terrifiante de la femme dont il faut la libérer29 ». Si le dragon représente la part d’animalité de tout humain, en libérant la jeune femme du contrôle direct ou indirect du dragon, le chevalier en fait une jeune femme purifiée, libérée de ses vices et de son côté animal. Quel meilleur exemple pour illustrer ce point que la princesse des Voyages de Jean de Mandeville qui ne pourra être délivrée du sort qui la transforme en dragon que par le baiser d’un chevalier30 ?

26Le trio dragon-femme-chevalier peut être appréhendé de deux manières différentes. D’une part, le dragon peut être considéré comme le protecteur déjà évoqué de l’intégrité sexuelle et de la virginité de la jeune fille, auquel cas la jeune fille apprivoise sa sexualité en dominant le dragon. Le chevalier, en tuant le dragon, permet à la jeune fille d’accéder à la vie de couple, à l’épanouissement de sa vie sexuelle, et par conséquent à la maternité. Au contraire, si le dragon représente l’animalité en tout homme, il peut être l’incarnation de la sexualité exacerbée qui tente la jeune femme. En tuant le dragon, le chevalier anéantit les menaces à l’intégrité de la jeune fille et lui ouvre le chemin de la vertu et de la pureté. Ces deux différentes interprétations sont d’ailleurs représentatives des deux influences de la littérature médiévale : l’une est païenne et folklorique, héritage entre autres de la mythologie celtique, et instaure le dragon comme une force naturelle guidant les héros dans leur initiation, l’autre est chrétienne et dénonce le dragon comme l’incarnation du Mal, le tentateur qu’il faut éviter à tout prix. Plutôt que de se contredire, ces deux interprétations se complètent pour établir le dragon comme l’animal à tuer pour que la jeune femme accède à la libération sociale par une union pure avec le chevalier.

27Néanmoins, l’arrivée du chevalier peut également poser un problème. En effet, si le sacrifice de la vierge au dragon lui permet d’accéder à la sainteté, à l’image de Victoria ou Margaret, l’intervention du chevalier n’empêche-t-elle pas l’apothéose de la jeune fille ? Dans Saint George and the Dragon, le sacrifice de la princesse de Gylena est interrompu par l’arrivée de saint George, et ce fait sous-entend que le héros médiéval doit être le chevalier et non la princesse. En effet, si le chevalier n’était pas intervenu, on peut supposer qu’à l’instar de Victoria et Margaret, la princesse au pire serait devenue martyr, au mieux aurait sauvé sa cité, puis aurait accédé à une sanctification, l’établissant comme figure narrative dominante, effaçant alors le chevalier. Ce que cette hypothèse dévoile est que l’intervention du chevalier dans la rencontre entre le dragon et la femme arrive à un moment précis et choisi puisqu’il empêche la jeune fille d’accéder à la divinité, et surtout à la prédominance narrative. La littérature médiévale souhaite que le chevalier demeure le héros, et il doit pour cela protéger la princesse de la mort, mais également l’empêcher de le surpasser dans sa quête. Il ne faut pas oublier que c’est saint George qui demande à la princesse de Gylena d’attacher le dragon et de le parader dans les rues de la cité, et qu’Ysonde est tenue bien loin de la bataille de Tristrem et du dragon.

28Au contraire, les récits de sainte Margaret et sainte Victoria ne présentent pas de sauvetage par un chevalier. D’une manière logique, si le sauvetage de la princesse par le chevalier empêche l’accession de celle-ci à la sainteté, Margaret voit sa sanctification non interrompue. Par son engloutissement dans le dragon, on peut avancer que Margaret accède à une certaine hiérogamie avec le dragon, ou du moins à la divinité grâce au dragon, puisqu’elle ressort plus forte et plus divine, par la seule puissance de sa foi. En cela, son récit diffère radicalement de ceux de la princesse de Gylena et d’Ysonde : d’abord parce que le protagoniste de l’histoire est Margaret et non une tierce personne, comme dans les autres récits, l’honneur de la rencontre avec le dragon doit donc pleinement lui revenir, et parce que sa destinée est non pas d’embrasser la vie d’épouse et de mère accomplie mais de se consacrer à Dieu, et surtout de vivre à ses côtés, son apothéose est ainsi inévitable. De la même manière, Victoria n’est pas secourue par un quelconque chevalier, et par sa victoire sur le dragon, elle accède, sinon à la divinité, à un état d’existence spirituellement supérieur, jusqu’à elle aussi devenir martyr des mains de son ex-fiancé. Le fait que le dragon ne soit pas tué mais chassé n’en fait pas vraiment une sainte dracoctone comme Margaret, mais sa sainteté n’en est pas réduite pour autant, elle préfère simplement la parole à un combat sanglant. Malgré leurs différences, ces exemples démontrent que, quelle que soit sa nature, la rencontre ininterrompue entre le dragon et la jeune fille permet à cette dernière d’accéder à la sainteté.

29La princesse de Gylena et Ysonde n’ont quant à elles d’autre choix que d’embrasser leur destin déclenché par l’arrivée du dragon dans le récit. Elles apprivoisent en douceur leurs vies futures, alors que Margaret et Victoria se détachent violemment de leur destin terrestre, puisqu’elles sont toutes deux tuées peu de temps après leur victoire sur le dragon, pour choisir une voie qui, depuis le début de l’hagiographie, leur était refusée.

Conclusion

30Ainsi, la rencontre avec le dragon est primordiale dans la destinée de la jeune fille, mais c’est également un véritable tournant dans la narration. Chacune des femmes de ces diverses œuvres vit une rencontre personnelle avec le dragon, douce ou violente, directe comme indirecte, prévue ou inattendue, mais chacune ressort différente de cette rencontre, mais surtout au seuil d’une nouvelle vie. À travers les rapports de force qui s’instaurent entre la femme, le dragon, mais également le chevalier, les différentes destinées de ces héroïnes se dévoilent et prennent soit le chemin du mariage et de la maternité, soit celui de la foi et de la sainteté. La princesse de Gylena, Ysonde, Margaret ou Victoria rencontrent ainsi le dragon en jeunes filles et le quittent en femmes, en affichant un nouveau statut tant social que narratif.

Notes de bas de page numériques

1 Aldhelm, The Poetic Works, trad. Michael Lapidge et James L. Rosier, Cambridge, D.S. Brewer, 2009, pp. 155-156, et Aldhelm, The Prose Works, trad. Michael Lapidge et Michael Herren, Cambridge, D.S. Brewer, 2009, pp. 119-121.

2 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, pp. 115-127.

3 Saint's Lives in Middle English Collections, éd. Gordon Whatley, Anne Thompson et Robert Upchurch, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2004, pp. 95-99.

4 Lancelot of the Laik and Sir Tristrem, éd. Alan Lupack, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 1994, pp. 156-256.

5 Saint's Lives in Middle English Collections, éd. Gordon Whatley, Anne Thompson et Robert Upchurch, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2004, p. 95, v. 9. Texte original : « in the grevys of the banke, ryght nerhand the towne » (notre traduction).

6 Aldhelm, The Poetic Works, trad. Michael Lapidge et James L. Rosier, Cambridge, D.S. Brewer, 2009, p. 156.

7 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, p. 123.

8 Sylvie Ballestra-Puech, Les Parques. Essai sur les figures féminines du destin dans la littérature occidentale, Toulouse, Éditions Universitaires du Sud, 1999, p. 280.

9 Marcello Castellana, « Le regard du dragon dans la légende de Saint Georges », in Jean-Marie Privat (dir.), Dans la gueule du dragon, Sarreguemines, Éditions Pierron, 2000, p. 170.

10 Four Middle English Romances, éd. Harriet Hudson, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2006, pp. 101 à 132.

11 Laurence Harf-Lancner, « Le Florimont d’Aimon de Varennes : un prologue du Roman d’Alexandre », Cahiers de civilisation médiévale, 1994, vol. 37, n°147, pp. 241-253 http://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1994_num_37_147_2592 (cons. le 30 juin 2012).

12 Jean-Marie Privat, Dragons, entre sciences et fictions, Paris, CNRS éditions, 2006, p. 156.

13 Apollodore, Bibliothèque, trad. Jean-Claude Carrière et Bertrand Massonie, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 60 (Livre II, ch. 4, 3) « Parvenu en Ethiopie, dont Céphée était roi, il [Persée] trouva sa fille Andromède exposée pour être dévorée par un monstre marin. Cassiopée, épouse de Céphée, avait osé se comparer aux Néréides pour la beauté, et s'était même vantée de l'emporter sur elles. Les Néréides en furent irritées. Neptune partagea leur indignation, submergea le pays, et y envoya un monstre marin (κῆτος) ».

14 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, p. 122, v. 185.

15 Mircea Éliade, Initiations, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard, 1959, p. 87.

16 Joseph Campbell, The Hero with a Thousand Faces, Princeton, Princeton University Press, 1973, p. 16.

17 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, p. 121, v. 182.

18 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, p. 122, v. 195-198. Texte original : « Sche wente to that foule thinge with the crosse in her honde./By the vertue of Jhesu Cryste with her wympylle sche him bonde./Sche toke hym by the heede, and doun sche him slonge;/Sche sette her foote in his necke and to the erthe hym wronge. » (notre traduction).

19 Robert Godding, « De Perpétue à Caluppan : les premières apparitions du dragon dans l’hagiographie » in Jean-Marie Privat (dir.), Dans la gueule du dragon, Sarreguemines, Éditions Pierron, 2000, pp. 145-147.

20 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, p. 122, v. 206. Texte original « Yit was I nevyr bounden in so harde bondes » (notre traduction).

21 Saint's Lives in Middle English Collections, éd. Gordon Whatley, Anne Thompson et Robert Upchurch, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2004, p. 98, v. 110.

22 Jacques De Voragine, La Légende dorée, trad. Teodor de Wyzewa, Paris, Seuil, 1998, p. 376. « Or sainte Marthe, sur la prière du peuple, alla vers le dragon. L’ayant trouvé dans sa forêt, occupé à dévorer un homme, elle lui jeta de l’eau bénite, et lui montra une croix. Aussitôt le monstre, vaincu, se rangea comme un mouton près de la sainte, qui lui passa sa ceinture autour du cou et le conduisit au village voisin, où aussitôt le peuple le tua à coups de pierres et de lances ».

23 Jean-Marie Privat, Dragons, entre sciences et fictions, Paris, CNRS éditions, 2006, p. 154.

24 Anatole Bailly, Dictionnaire grec-français - onzième édition, Paris, Hachette, 1850, p. 739.

25 Saint's Lives in Middle English Collections, éd. Gordon Whatley, Anne Thompson et Robert Upchurch, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2004, p. 98, v. 109.

26 Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003, p. 122, v. 196.

27 Jean-Marie Privat, Dragons, entre sciences et fictions, Paris, CNRS éditions, 2006, p. 156.

28 Saint's Lives in Middle English Collections, éd. Gordon Whatley, Anne Thompson et Robert Upchurch, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2004, p. 98, v. 110.

29 Bernard Ribémont et Carine Vilcot, Caractères et métamorphoses du dragon des origines. Du méchant au gentil, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 77.

30 Jean de Mandeville, Le livre des merveilles du monde, éd. Christiane Deluz, Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 117. « et on dit que sur cette île de Langho vit encore la fille d’Ypocras, ayant l’apparence d’un grand dragon qui fait bien cent toises de long, comme il se dit, car je ne l’ai pas vu moi-même. Et ceux de l’île l’appellent la Dame du pays. Et elle demeure allongée sous la voûte d’un vieux château et ne se montre que deux ou trois fois l’an, et ne fait de mal à personne tant qu’aucun homme ne la blesse. Et elle fut ainsi transformée et changée d’une belle demoiselle en un dragon par une déesse appelée Diane, et on dit qu’elle retrouvera son apparence d’origine quand un chevalier sera si hardi qu’il osera l’embrasser sur la bouche. Mais une fois retransformée en femme, elle ne vivra pas longtemps » (notre traduction).

Bibliographie

Œuvres médiévales

Aldhelm, The Poetic Works, trad. Michael Lapidge et James L. Rosier, Cambridge, D.S. Brewer, 2009

Aldhelm, The Prose Works, trad. Michael Lapidge et Michael Herren, Cambridge, D.S. Brewer, 2009

Apollodore, Bibliothèque, trad. Jean-Claude Carrière et Bertrand Massonie, Paris, Les Belles Lettres, 1991

De Mandeville Jean, Le livre des merveilles du monde, éd. Christiane Deluz, Paris, CNRS Éditions, 2000

De Voragine Jacques, La Légende dorée, trad. Teodor de Wyzewa, Paris, Le Seuil, 1998

Four Middle English Romances, éd. Harriet Hudson, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2006

Middle English Legends of Women Saints, éd. Sherry Reames, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2003

Saint's Lives in Middle English Collections, éd. Gordon Whatley, Anne Thompson et Robert Upchurch, Kalamazoo, Medieval Institute Publications, 2004

Études

Campbell Joseph, The Hero with a Thousand Faces, Princeton, Princeton University Press, 1973

Éliade Mircea, Initiations, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard, 1959

Harf-Lancner Laurence, « Le Florimont d’Aimon de Varennes : un prologue du Roman d’Alexandre », Cahiers de civilisation médiévale, 1994, vol. 37, n°147, pp. 241-253 http://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1994_num_37_147_2592 (cons. le 30 juin 2012)

Privat Jean-Marie (dir.), Dans la gueule du dragon, Sarreguemines, Éditions Pierron, 2000

Privat Jean-Marie, Dragons, entre sciences et fictions, Paris, CNRS éditions, 2006

Ribémont Bernard et Carine Vilcot, Caractères et métamorphoses du dragon des origines. Du méchant au gentil, Paris, Honoré Champion, 2004

Pour citer cet article

Lucie Herbreteau, « La femme et le dragon dans la littérature médiévale anglaise : une question de pouvoir », paru dans Loxias, 54, mis en ligne le 16 septembre 2016, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/%20http:/www.cnrtl.fr/definition/index.html?id=8506.


Auteurs

Lucie Herbreteau

Docteure en littérature anglaise et anglo-saxonne. Membre de l’équipe de recherche LEMIC (Littératures - Étrangéité - Mutations - Identités Culturelles) à l’Université Catholique de l’Ouest, Angers.