Loxias | Loxias 46. Doctoriales XI | Doctoriales
Eloisa Bressan :
Le vortex gréco-provençal dans Les Cantos d’Ezra Pound
Résumé
Cet article se focalise sur l’un des « vortex » qui émerge lors de la lecture des premiers Cantos d’Ezra Pound : le vortex qui relie la Grèce classique à la Provence troubadouresque. Ces deux traditions culturelles et littéraires sont, en effet, mises en relation entre elles avec insistance par Pound dans le début de son « poème épique », à travers un effet de montage qui superpose des figures de la mythologie classique aux troubadours ainsi qu’ils nous sont présentés dans les vidas médiévales. À travers une lecture des Cantos I, II, IV, V et VI axée sur le vortex gréco-provençal, nous mettrons en évidence l’importance de cette superposition dans les premiers Cantos tout d’abord en ce qui concerne son rapport à la formation du style de Pound : l’étude de la poésie troubadouresque et grecque antique constitue, en effet, la base de sa proposition de renouvellement de la poésie en langue anglaise. Cependant, le lien que Pound crée entre Grèce antique et Provence médiévale relève aussi d’une dimension ésotérique qui relie les cultes à mystères au culte mystique d’amour développé dans les cours du Sud de la France au sein de l’hérésie albigeoise.
Index
Mots-clés : Grèce antique , Les Cantos, modernisme, Pound (Ezra), Provence, Troubadours
Géographique : États-Unis , Grèce, Méditerranée, Occitanie
Chronologique : Antiquité grecque , Moyen Age, XXe siècle
Plan
- Images du Sud dans les premiers Cantos – du vent et des tours
- Mythes: « all ages are contemporaneous »
- Grèce et Provence au cœur du « Make it new »
Texte intégral
1Poème épique de la modernité, « tale of the tribe1 », selon une des définitions donnée par son auteur, Les Cantos d’Ezra Pound ne cessent de nous interroger de par leur flux insaisissable de vortex2 poétiques qui tournent autour de la volonté de construire un monument de la culture mondiale au XXe siècle sur le modèle de la Divine Comédie de Dante et de l’Odyssée d’Homère tout en nous donnant la mesure de l’impossibilité d’un tel projet poétique face à l’abîme qui s’ouvre devant les poètes lors de la crise de la modernité.
2La méthode que Pound utilise dans Les Cantos a été nommée « méthode idéogrammatique » : Pound, en effet, trouva dans les idéogrammes chinois une capacité unique de condensation de significations et implications et essaya d’en recréer un correspondant dans la poésie occidentale dans son œuvre même. Selon Massimo Bacigalupo « le discours idéogrammatique est formé par des traits contigus, c’est-à-dire que le fait qu’une chose soit posée à côté d’une autre nous induit à en chercher la relation3 » : cet article se propose d’étudier un des idéogrammes poundiens, qui caractérise les premiers Cantos4. Dans ceux-ci, en effet, nous assistons à un montage d’éléments qui unissent dans un idéogramme des éléments culturels, linguistiques et littéraires de la Grèce antique à d’autres de la Provence du Moyen Âge : un vortex unit ainsi ces deux pôles culturels. Le montage des éléments qui constituent l’idéogramme-vortex se réalise à différents niveaux, à savoir le niveau descriptif-imagiste, le niveau mythologique et celui du genre littéraire. L’analyse de ces trois aspects de cet idéogramme que Pound génère dans Les Cantos I à VI et des raisons qui en sont à l’origine représente un point d’accès privilégié pour l’étude d’une part de la méthode de composition du poème et d’autre part de la réélaboration de l’Antiquité et du Moyen Âge au sein de la recherche poétique moderniste.
Images du Sud dans les premiers Cantos – du vent et des tours
3« Il y a un fleuve à Cahors. Il y a fort à parier que ce fleuve enserre la cité sept fois avant de jaillir vers le ciel et de se perdre dans le Léthé, quelque chose comme ça. Et Rodez, c’est sûrement une île grecque – du moins y en a-t-il une de ce nom5 » : c’est ainsi que Pound commente, dans les carnets de voyage qui nous restituent ses pérégrinations à pied dans le Sud de la France, son arrivée à la ville de Rodez, anticipant ainsi l’aspect « phanopoétique6 » du début des Cantos.
4Ce même jeu de mots entre Rodez et Rhodes est exploité dans le Canto IV, dans lequel Pound effectue une juxtaposition poétique de l’histoire mythologique de Procné, Térée et Philomèle avec celle de la vida du troubadour Guillem de Cabestanh et mêle les deux mythes à l’aide du vent qui « vient de Rodez », constituant ainsi un autre nœud entre Grèce et Provence :
And she went toward the window,
The slim white stone bar
Making a double arch;
Firm even fingers held to the firm pale stone;
Swung for a moment,
and the wind out of Rhodez
Caught in the full of her sleeve.
Et elle alla à la fenêtre,
la fine dalle de pierre blanche
Formant arche double ;
Doigts fermes et calmes sur la pierre ferme et pâle ;
Vacilla un instant,
et le vent soufflant de Rhodez
S’engouffra dans l’ampleur de sa manche7.
5Les images qui se réfèrent à ces deux terres « dorées » s’enchaînent dans ces premiers Cantos et constituent une ambiance faite d’images raréfiées, dans lesquelles les oliviers se mêlent au vent et au bleu de la mer. Le Canto I, qui se présente comme une réécriture du Chant XI de l’Odyssée, a un décor principalement marin, tout comme le Canto II, le chant de la métamorphose, qui raconte l’histoire du ravissement de Dionysos par les pirates, tirée de l’Hymne homérique à Dionysos et des Métamorphoses d’Ovide. Dans cette ambiance marine, qui nous transporte au cœur des mythes dans lesquels nous avons presque l’impression de « nager », les images poétiques retentissent des couleurs et reflets des vagues :
Close cover, unstillness,
bright welter of wave cords,
Then quiet water,
quiet in the buff sands,
Sea-fowl stretching wing-joints,
splashing in rock-hollows and sand-hollows
In the wave-runs by the half-dune;
Glass-glint of wave in the tide-rips against sunlight,
pallor of Hesperus,
Grey peak of the wave,
wave, colour of grape’s pulp
A couvert, agitation,
vive mêlée des liens de houle,
Puis eaux calmes,
calmes sur les sables blonds,
Oiseaux de mer étirant leurs attaches,
barbotant dans les creux de roche et de sable
Où la vague glisse près de la demi-dune ;
Eclat vitreux de l’onde dans le ressac contre le soleil,
pâleur de Hespérus,
Cime grise de la vague,
vague ; couleur de la pulpe de raisin8
6Dans ce même Canto II nous retrouvons un autre élément « imagiste » qui nous permet de mettre en relation l’image de la Grèce antique et mythique avec celle de la Provence du Moyen Âge : il s’agit d’une tour. À la toute fin de ce Canto, en effet, Pound décrit une tour qui sort d’un champ d’olivier, tel le cou d’une oie :
Olive grey in the near,
far, smoke grey of the rock-slide,
Salmon-pink wings of the fish-hawk
cast grey shadows in water,
The tower like a one-eyed great goose
cranes up out of the olive-grove
Gris olive à proximité,
loin, gris fume des éboulis de roches,
Les ailes rose saumon de l’orfraie
jettent des ombres grises sur l’eau,
La tour pareille à une grande oie borgne
tend son cou d’échassier par dessus l’oliveraie9
7Cette tour qui domine le paysage parmi les oliviers ne peut que nous faire penser à la description que Pound fournit des nombreux châteaux et tours qu’il visite lors de ses voyages à pied dans le Sud de la France « sur le pas des troubadours ». En quittant Angoulême pour se diriger vers Chalais, Pound traverse La Couronne et note :
Here is the round tower of chateau sheltered & flanked with poplars, hospitable by its avenue of approach & the long oblong stone & lurking within from one of them, now that the hay is cut, there is still the tower, behind a pale green foreground.
Et voici la tour, ronde, du château, abritée, flanquée de peupliers, l’allée accueillante qui y mène, et puis des longues hautes bornes de pierre ; je jette un coup d’œil en montant sur l’une d’elles, et, comme les foins sont coupés, voilà de nouveau la tour qui me fait signe, derrière un avant-plan vert pâle10.
8La tour moyenâgeuse des voyages dans le Sud de la France est insérée, dans le Canto II, dans un contexte « grec » : elle sort, en effet, d’un champ d’oliviers avant que « les faunes gronde[nt] Protée ». Cette même tour, de façon très intéressante, reviendra à la fin du Canto IV, dans un montage d’éléments gréco-provençaux, et elle assume un rôle très important dans le vortex mythique poundien, devenant la tour de la ville d’Ecbatane.
Polhonac,
As Gyges in Thracian platter set the feast,
Cabestan, Tereus,
It is Cabestan’s heart in the dish,
Vidal, or Ecbatan, upon the gilded tower in Ecbatan
Lay the god’s bride, lay ever, waiting the golden rain.
Polognac,
Comme Gygès sur le plateau thrace prépara le festin,
Cabestanh, Terée,
C’est le cœur de Cabestanh dans ce plat,
Vidal, ou Ecbatane, au sommet de la tour dorée d’Ecbatane
Gît l’épouse du dieu, gît à jamais, attendant la pluie d’or11.
9Ces vers forment une sorte de pont entre les thèmes et les images du Canto IV (les histoires des vidas des troubadours Guillem de Saint-Leidier, Guillaume de Cabestanh et Peire Vidal ; les mythes de Terée, Procné et Philomèle) et ceux du Canto V (qui s’ouvre sur la ville mythique d’Ecbatane et fait référence au mythe de Danaé).
10La tour d’Ecbatane, ville célèbre dans l’Antiquité pour avoir été construite de façon à refléter l’harmonie céleste, est le lieu où l’union entre le monde grec et le monde occitan se consomme, dans une tension qui est complètement dirigée vers une verticalité divine. La tour est une image du poème même, un artefact en briques qui s’aligne avec la conception poundienne du poète « forgeron12 » : cet artefact s’élève pour recevoir une pluie divine, construction formelle bâtie dans l’espoir de pouvoir contenir l’abîme du sens. Le thème de la pluie dorée, de la lumière qui pleut, est un thème extrêmement récurrent dans Les Cantos, et particulièrement en relation aux mondes grec ancien et troubadouresque. Il suffit de penser, par exemple, au vers « Thus the light rains, thus pours, e lo soleills plovil », « Ainsi la lumière pleut, ainsi verse, e lo soleills plovil13 » de ce même Canto IV, où Pound cite Lancan son passat li giure d’Arnaut Daniel en transformant le paradoxe d’Arnaut en une figure de la plénitude du joi poétique. Plus loin dans Les Cantos, et précisément au début du Canto XCIX, Pound reparle de la lumière qui pleut :
To see the light pour,
that is, toward sinceritas
of the word, comprehensive
KOINE ENNOIA
all astute men can see it encircling.
Pour voir la lumière se répandre
càd. [sic] vers la sinceritas
du mot, dans son entier
KOINE ENNOIA
tous les hommes avisés la voient14.
11« KOINE ENNOIA », « connaissance commune, partagée » : la tension verticale vers le sens qui « pleut », doré, divin, est à nouveau mise en relation avec la Grèce antique. Cette tension phallique de la poésie de Pound est, en effet, liée à sa matrice occidentale, dont Grèce antique et Occitanie médiévale représentent les berceaux : il s’agit d’une dimension extrêmement problématique pour lui, puisqu’elle constitue une tension opposée à celle de la philosophie et de la poésie orientales, qui, au contraire, procèdent sur un axe horizontal de recherche intérieure.
Confucians observe the weather,
hear thunder,
seek to include.
Bhud: Man by negation.
But their First Classic: that the heart shd / be straight,
The phallos perceive its aim.
Les Confucéens observent le climat
écoutent le tonnerre
cherchent à englober.
Boudd. : l’homme par la négation.
Mais leur Premier Classique : il suffit que le cœur soit droit,
Le phallos perçoit sa visée15.
12Tout au long de la composition des Cantos, Pound essaiera en effet de combiner la tradition occidentale gréco-provençale avec celle orientale sino-japonaise, comme il le note déjà dans ses carnets de voyage : « L’Orient et la Grèce / en Provence16 ».
13Le montage d’images qui font signe à un monde doré du Sud et qui se réfèrent directement ou indirectement à la Grèce antique et à l’Occitanie médiévale ne se limite pas à être, dans ces premiers Cantos, une notation d’ambiance. Il entoure, certes, la superposition mythologique de ces deux traditions, mais il forme aussi, par moments, des images du poétique chez Pound, qui seront développées et questionnées tout au long du poème.
Mythes: « all ages are contemporaneous »
14La méthode de composition des Cantos se fonde sur la conviction que « all ages are contemporaneous », « toutes les époques sont contemporaines17 ». Ceci constitue tout d’abord, pour Pound, un critère de critique littéraire, qui prône une égalité dans le jugement des écrivains contemporains, et s’oppose à « l’auctoritas » réservée aux auteurs classiques par la critique académique conventionnelle de son époque : « what we need is a literary scholarship, which will weigh Theocritus and Yeats with one balance, and which will judge dull dead men as inexorably as dull writers of today », « nous avons besoin d’un humanisme littéraire qui juge Théocrite et Yeats selon les mêmes critères, condamne les imbéciles morts sans plus d’indulgence que les imbéciles vivants18 ».
15Néanmoins, dans Les Cantos, ce principe assume une importance fondamentale du point de vue de la structuration du poème, permettant à l’auteur de faire jouer entre eux tous les événements et les personnages littéraires, historiques et culturels de tous les âges, dans une recherche de sens qui est d’autant plus obsessionnelle qu’elle est vouée à l’échec.
16Cette vision « aplatie » du temps gouverne aussi la superposition mythologique de la Grèce antique et de la Provence troubadouresque dans ces premiers Cantos, associée à la constatation poundienne d’une analogie de genre entre les biographies des troubadours occitans et la tradition mythologique ancienne. Les vidas des troubadours sont, en effet, des compositions effectuées a posteriori, bâties sur des anecdotes tirées de leur propres poèmes et enrichies avec des variations et des renvois aux mythes. Pound profite de ce rapprochement entre mythes antiques et biographies des troubadours pour constituer des vortex entre leurs motifs et personnages, dans une recherche que l’on peut définir de « néoplatonique » de quelque chose qui reste, qui survit à l’enchaînement du flux du réel.
With the help of his continuous present, Pound has reduced two things to their essential unity and advanced that fusion of Greek and Provençal legend which is the principal intellectual design of Cantos I-VII. In a kind of poetry wherein literary reference is « of the process », as he would say, in which knowledge on the reader’s part is essential to understanding, Pound has passed from the particular image to the ordering universal.
À l’aide de son présent continu, Pound a réduit deux choses à leur unité essentielle et a énoncé cette fusion des légendes grecques et provençales qui est le dessein intellectuel principal des Cantos I-VII. Dans un type de poésie dans laquelle la référence littéraire « fait partie du processus », comme il le dirait, dans laquelle la connaissance de la part du lecteur est essentielle à la compréhension, Pound est passé de l’image particulière à l’universel structurant19.
17Dans sa recherche d’archétypes, Pound sonde tout d’abord les expressions littéraires qui sont aux racines de la tradition occidentale : d’un côté l’Odyssée, les lyriques grecs et les tragédies classiques, de l’autre les vers des troubadours – premiers vers dans une tradition poétique non quantitative mais syllabique – et leurs biographies, qui constituent les premiers exemples de prose en langue vulgaire, comme le remarque Jeanroy : « ces premiers spécimens de l’art de conter en prose, fort semblables aux nouvelles italiennes du XIVe siècle, auxquelles ils ont servi de modèles, sont les humbles et lointains ancêtres du roman moderne20 ».
18La première de ces superpositions mythologiques se trouve dans le Canto II :
And the wave runs in the beach-groove:
« Eleanor, ἑλέναυς and ἑλέπτολις!»
Et la vague glisse dans la gorge de la plage :
« Eléonore, ἑλέναυς et ἑλέπτολις 21 ! ».
19Avec un étonnant jeu de mots, Pound récupère ici l’étymologie populaire à travers laquelle Eschyle avait fait remonter, dans le deuxième stasimon d’Agamemnon, le nom d’Hélène de Troie à la racine « ἑλ- » du verbe « αἱρέω », « détruire » :
Tίς ποτ’ ὠνόμαζεν ὧδ’
ἐς τὸ πᾶν ἐτητύμως,
μὴ τις ὅντιν’ οὐχ ὁρῶμεν προνοί-
αισι τοῦ πεπρωμένου
γλῶσσαν ἐν τύχαι νέμων,
τὰν δορίγαμβρον ἀμφινει-
κῆ θ’Eλέναν ; ἐπεὶ πρεπόντως
ἑλένας ἕλανδρος ἑλέ-
πτολις
Qui donc, sinon quelque invisible qui, dans sa prescience, fait parler à nos lèvres la langue du Destin, donna ce nom si vrai à l’épousée qu’entourent la discorde et la guerre, à Hélène ?
Elle est née en effet pour perdre les vaisseaux, les hommes et les villes22.
20Hél-ène est donc destructrice de vaisseaux, d’hommes et de villes : Pound propose un nouveau jeu de mots et substitue à l’Hélène d’Eschyle « Eleanor », Aliénor d’Aquitaine, petite-fille de Guillaume IX – selon la tradition le premier des troubadours, à la cour de laquelle la production troubadouresque connut un grand essor. Aliénor, ayant été reine de France grâce à son mariage avec Louis VII, est considérée comme l’une des causes de la Guerre des Cent Ans entre France et Angleterre en raison de son mariage avec Henri II Plantagenet suite à son divorce avec le roi de France. Dans le vortex du Canto II, Hélène de Troie et Aliénor d’Aquitaine sont superposées en tant que figures mythiques d’une femme qui serait à la fois « muse » et génératrice de discorde. La force de l’idéogramme Hélène/Aliénor repose sur sa puissance poétiquement créatrice : dans leur mouvement d’un camp à l’autre, les deux reines forment une figure du vortex même de l’écriture poundienne des Cantos, qui recherche, certes, un substrat mythique » permanent », mais qui est en réalité en fuite continue vers un paradis inatteignable, vers un nouveau sujet de chant. L’idéogramme Hélène/ Aliénor peut être lu comme une figure du mouvement de l’écriture, ou plutôt du désir d’écriture de Pound qui, tel que le désir de l’amant courtois, est en mouvement perpétuel, sans ne pouvoir jamais rien atteindre, sous peine de se nier lui-même :
E pueis estai
lo dezirs, c’oltra no vai,
non cre de negun aman
que pueis am’ab fin talan.
Et quand le désir s’arrête et n’avance pas, je ne crois qu’aucun amant n’aime encore noblement23.
21Le mouvement tourbillonnant de l’écriture de Pound est bien représenté par les derniers mots de beaucoup des Cantos de A draft of XVI Cantos24, qui, au lieu de clôturer la composition ouvrent vers celle qui viendra après : » So that : » (« Et donc : »), Canto I ; « And… » (« Et… »), Canto II ; « And… » (Canto VIII). Et il est, enfin, intéressant de remarquer que l’arrêt du désir créateur de Hélène/ Aliénor est destiné à la faire « flétri[r] en climat britannique25 ».
22La guerre de Troie reviendra, dans le texte des Cantos de notre corpus, dans le Canto V, où Pound met en relation la vida d’un autre troubadour, Peire de Maensac, avec le conflit narré dans les poèmes homériques :
And Pieire won the singing, Pieire de Maensac,
Song or land on the throw, and was dreitz hom
And had De Tierci’s wife and with the war they made:
Troy in Auvergnat
While Menelaus piled up the church at port
He kept Tyndarida. Dauphin stood with the Maensac.
Et à Peire échut la poésie, Peire de Maensac,
Trobar ou castel à pile ou face, et fo adregs hom
Et enleva l’épouse de Tierci, et, avec la guerre qu’ils firent :
Troie en Auvergnat [sic]
Pendant que Ménélas empilait l’Eglise à la porte
Il garda la Tyndaride. Le dauphin soutint Peire26.
23Selon sa biographie médiévale, que Pound lut dans le manuscrit de Miquel de la Tour27, Peire de Maensac était un pauvre chevalier d’Auvergne, qui s’accorda avec son frère, Austors de Maensac, lui aussi troubadour, afin de choisir qui, parmi les deux, aurait eu le château ou le trobar : Austors eut le château, Peire le chant. Fort du pouvoir de son trobar, Peire séduisit la femme de Bernard de Tierci, qui partit avec lui dans le château du dauphin d’Auvergne. Bernard de Tierci, voulant retrouver sa femme, attaqua avec l’aide de l’église le château du dauphin, qui arriva toutefois à résister. S’inspirant d’une image de De la Tour28, Pound superpose Bernard à Ménélas et Peire à Pâris, donnant lieu à une « Troie en Auvergnat29 ». La guerre de Troie, avec sa dimension épique, devient, tout comme Hélène de Troie – dont la femme de Bernard de Tierci est une nouvelle figure – un épisode mythique récurrent, fondateur de la culture occidentale et qui soude encore plus le lien que le poète veut créer entre Grèce et Provence. La guerre de Troie est, en effet, dans notre tradition littéraire, un événement fondateur en ce sens qu’il constitue le sujet des poèmes homériques : avec son effet de montage entre celle-ci et la guerre d’Auvergne, Pound rapproche, de fait, la tradition poétique troubadouresque de celle grecque ancienne. « If Achaia is Provence, it is not unreasonable to find ‟Troy in Auvergnat”, where Cantos V and XXIII put it. […] The parallel breaks down at a point, however; the Dauphin protected the lovers successfully for the rest of their days, and this second Ilion did not fall. », « Si l’Achaïe est la Provence, il n’est pas déraisonnable de trouver “Troie en Auvergnat”, où les Cantos V et XXIII la placent. […] Le rapprochement se brise cependant sur un point ; le Dauphin protégea les amants avec succès, et cette deuxième Ilion ne tomba pas30. » Et si cette deuxième Troie, la Troie d’Auvergne, n’est pas tombée, c’est parce que son pouvoir sur l’histoire littéraire européenne est encore actif :
European civilization or, to use an abominated word, « culture » can be perhaps best understood as a medieval trunk with wash after wash of classicism going over it. That is not the whole story, but to understand it, you must think of that series of perceptions, as well as of anything that has existed or subsisted unbroken from antiquity.
Pour la rendre plus compréhensible on peut comparer la civilisation ou, pour employer un mot détestable la « culture » européenne à un tronc d’arbre médiéval que rouleraient, vague après vague, les temps classiques. Ce n’est pas tout bien-sûr. Mais il est nécessaire de considérer cette civilisation, à travers ces séries de perceptions, comme n’importe quel vestige d’antiquité subsistant invaincu31.
24Nous ne pouvons pas dire la même chose du modèle grec antique, qui a été abandonné suite à un changement qui est fondamental dans l’analyse littéraire de Pound : le changement d’une langue flexionnelle vers une langue non flexionnelle32.
25Deux autres exemples de superposition entre mythe grec et biographies troubadouresques sont, dans le Canto IV, ceux qui tissent d’une part une analogie entre l’histoire de Térée, Procné et Philomèle et la vie de Guillem de Cabestanh, de l’autre entre le mythe d’Actéon et la vida de Peire Vidal.
26L’histoire racontée dans la vida de Guillem de Cabestanh s’inscrit dans la topique médiévale du cœur mangé et raconte la punition infligée par le seigneur du Roussillon à sa femme après avoir découvert qu’elle entretenait une liaison amoureuse avec le troubadour : il tua Guillem et en servit le cœur à la dame, qui, informée de ce qu’elle venait de manger, se suicida en affirmant que le goût du cœur de son amant était tellement merveilleux que plus aucun goût n’aurait effleuré sa bouche33. Pound relie cette histoire à l’un des mythes les plus connus dans l’antiquité : celui qui voit Procné, femme de Térée, se venger sur le mari – qui avait violé sa sœur Philomèle et lui avait par la suite coupé la langue – en lui servant en repas leur propre fils, Itys34.
And by the curved, carved foot of the couch,
claw-foot and lion head, an old man seated
Speaking in the low drone…:
Ityn!
Et ter flebiliter, Ityn, Ityn!
And she went toward the window and cast her down,
« All the while, the while, swallows crying:
Ityn!
« It is Cabestan’s heart in the dish. »
« It is Cabestan’s heart in the dish?
« No other taste shall change this. »
And she went toward the window,
the slim white stone bar
Making a double arch;
Firm even fingers held to the firm pale stone;
Swung for a moment,
and the wind out of Rhodez
Caught in the full of her sleeve.
…the swallows crying:
‘Tis. ‘Tis. Ytis !
Et près du pied incurvé et taillé du canapé,
griffes et tête de lion, un vieillard assis
Dit, basse monotone… :
Ityn !
Et ter flebiliter, Ityn, Ityn !
Et elle alla à la fenêtre par où elle se jeta.
« Et cependant, cependant, hirondelles de crier :
Ityn !
« C’est le cœur de Cabestanh dans ce plat. »
« Le cœur de Cabestanh dans ce plat ? »
« Jamais d’autre manger ne chassera ce goût. »
Et elle alla à la fenêtre,
la fine dalle de pierre blanche
Formant arche double ;
Doigts fermes et calmes sur la pierre ferme et pâle ;
Vacilla un instant,
et le vent soufflant de Rhodez
S’engouffra dans l’ampleur de sa manche.
…hirondelles de crier :
‘Tis. ‘Tis. Ytis35 !
27Le vortex créé par Pound se base sur des éléments très précis mais discrets, à savoir la figure de l’hirondelle (oiseau dans lequel Procné se transforme après son méfait) et la répétition du nom « Itys », ou « Ityn », nom de l’enfant de Procné, que Philomèle est destinée à répéter pour avoir été la cause de sa mort violente. L’épisode se concentre sur la femme du Seigneur du Roussillon, avec la répétition pathétique de la question/affirmation « C’est le cœur de Cabestanh dans ce plat », à laquelle, grâce à un jeu de mots en anglais, on répond avec le nom de l’enfant du mythe, « ‘Tis. ‘Tis. Ytis ! », c’est-à-dire « ‘t is. ‘t is. It is ! » (« ça l’est ! ») ; l’accusatif latin « Ityn » est également utilisé en tant que jeu de mots avec le participe passé du verbe « to eat » (« manger ») en anglais : « Ityn » devient alors « eaten » (« mangé »).
28La vengeance cannibalique grecque se superpose donc au « cœur mangé » du Moyen Âge : Pound met ensemble les épisodes dans sa recherche d’un motif, d’une constante, d’une figure de ce « récurrent » qui devrait en quelque sorte servir de pivot au vortex engendré par son poème épique. Il en sera de même pour la superposition Actéon/Vidal : Pound crée un effet de montage entre le chasseur mythique qui avait surpris la déesse Artémis prenant un bain et qui pour cela avait été transformé en cerf, condamné à être chassé par ses camarades de chasse et ses chiens36, et le troubadour « fou » Peire Vidal. Selon ce que nous lisons dans sa biographie, le troubadour de Toulouse était amoureux de la dame Loba de Pennautier : puisque le nom de la dame signifiait « louve », il se faisait appeler également « loup » et se déguisait avec des peaux de loup sur les épaules, jusqu’au moment où il fut pris pour un vrai loup par un groupe de chasseurs, qui le firent dévorer par leurs limiers. Cependant, Vidal survécut à l’attaque et fut amené au château de Loba, qui se moqua de sa folie avec son mari37. Chasseurs destinés à être chassés, Actéon et Vidal deviennent un même personnage dans Les Cantos :
Then Actæon: Vidal,
Vidal. It is old Vidal speaking,
stumbling along in the wood,
[…]
The dogs leap on Actæon,
« Hither, hither, Actæon, »
Spotted stag of the wood
Alors Actéon : Vidal,
Vidal. C’est le vieux Vidal qui parle,
titubant à travers le bois,
[…]
Les chiens bondissent sur Actéon,
« Ici, ici, Actéon »,
Cerf tacheté de la forêt38
29La superposition est soudaine, advient dans un vers lapidaire, « Alors Actéon : Vidal » et le mélange des deux histoires se fonde sur le renversement de l’histoire dont ils sont les protagonistes. Il est intéressant de souligner comment Pound se concentre plutôt sur l’histoire de Actéon que sur celle du troubadour : l’attention se focalise dans le texte sur le secret percé par le chasseur mythique et sur la clarté « dorée » de la déesse, en opposition à l’eau « noire » dans laquelle elle s’immerge39. L’idéogramme Actéon/Vidal semble contenir un noyau mystérique, comme le confirme Léon Surette qui, dans une de ses études sur les relations entre le modernisme et l’occultisme, remarque comment l’utilisation de la vida de Peire Vidal dans un poème de jeunesse de Pound40 relève d’un occultisme plus « personnel » par rapport à celui de Péladan, dont Pound avait lu41 Les Secrets des troubadours : « Clearly, Pound did not get his interpretation of Pierre Vidal’s vida from Péladan. Indeed, it seems that the particular erotic interpretation Pound gives to the esoteric tradition that he found in various scholarly holes and corners is very much is own », « Clairement, Pound n’a pas tiré de Péladan son interprétation de la vida de Pierre Vidal. En effet, on dirait que l’interprétation particulière que Pound donne à la tradition ésotérique qu’il trouva dans différents recoins érudits est bien la sienne42 ».
30Cette remarque sur la nature « occulte » de l’idéogramme Actéon/Vidal et, par conséquent, du vortex gréco-provençal tout court, nous amène à explorer les raisons de la construction de la part de Pound d’un lien aussi solide entre ces deux cultures dans ces premiers Cantos.
Grèce et Provence au cœur du « Make it new »
31L’analyse du vortex gréco-provençal dans les premiers Cantos est particulièrement intéressante car elle nous amène au cœur de la recherche poétique poundienne : ce vortex permet en effet de mettre en évidence premièrement l’aspect de renouvellement littéraire que le poète puise dans ces deux cultures, et deuxièmement son intérêt ésotérique. Si, en effet, ce dernier se concentre sur ses lectures des troubadours, il est également mis en rapport avec un lien privilégié que ceux-ci auraient entretenu avec la Grèce antique.
32D’un point de vue poétique et littéraire, les traditions grecque et provençale eurent une extrême importance dans la formation du style poundien et dans l’histoire de la poésie telle que Pound la propose. Le poète américain fait jaillir d’elles les sources du renouvellement de la poésie en langue anglaise, qui s’opposent au style de Swinburne et Tennyson, tel qu’il était perçu par les jeunes modernistes : « To make English words new meant to make them once more separately audible : Pallid the leash-men as against immemorial elms and against a taste ‟all legato…Elizabethan sonority blunted” that slurred and fused the separate words and syllables », « Renouveler les mots anglais signifiait les rendre encore une fois audibles séparément : Pallid the leash-men contre immemorial elms et contre un goût “tout legato [sic]…de sonorités élisabéthaines émoussées” qui rendait indistincts et fusionnait les différents mots et syllabes43. » Si nous examinons le manifeste des Imagistes promu par Pound avec Hilda Doolittle et Richard Aldington, nous remarquerons que la règle qui concerne le plus le rapport poundien avec les traditions poétiques grecque et provençale est la troisième : « As regarding rhytm : to compose in sequence of the musical phrase, not in sequence of a metronome » « Concernant le rythme : composer dans la progression de la phrase musicale, non pas à la suite du métronome44 », qui concerne la musicalité de la phrase, la mélodie, l’harmonie en opposition au « métronome ».
The two great lyric tradition which most concern us are that of the Melic poets and that of Provence. From the first arose practically all the poetry of the “ancient world”, from the second practically all that of the modern. […] As it happens, the conditions of English and forces in the English tradition are traceable, for the most part, to the two traditions mentioned. It is not intelligent to ignore the fact that both in Greece and in Provence the poetry attained its highest rhythmic and metrical brilliance at times when the art of verse and music were most closely knit together, when each thing done by the poet had some definite musical urge or necessity bound up within it. The Romans writing on tablets did not match the cadences of those earlier makers who had composed to and for the Cÿthera and the Barbitos.
Les deux grandes traditions lyriques qui nous concernent le plus sont la tradition des poètes Méliques et la tradition Provençale. De la première émergea quasiment toute la poésie du “monde ancien”, de la deuxième quasiment toute la poésie du monde moderne. […] Justement, les conditions de l’anglais et les forces dans la tradition anglaise peuvent être retrouvées, dans l’ensemble, dans les deux traditions mentionnées. Ce n’est pas intelligent d’ignorer le fait qu’en Grèce ainsi qu’en Provence la poésie atteignit le plus grand éclat rythmique et métrique à des époques où l’art du vers et de la musique étaient le plus soudés entre eux, à des époques où toute chose faite par le poète était liée à un désir précis ou à un besoin musical. Les Romains qui écrivaient sur des tablettes n’égalèrent pas les cadences de ces précédents créateurs qui avaient composé pour Aphrodite Cythère et pour le Barbitos45.
33La perte du lien entre composition poétique et musique est pour le poète américain une perte très grave, qui doit être comblée par le retour à une poésie qui puisse combiner les éléments formels et musicaux principaux des deux traditions poétiques « originelles ». Il souhaite donc d’une part la séparation entre les mots et les syllabes propre à la tradition provençale46, et de l’autre une poésie modulée sur les formes de la métrique quantitative antique, qui cherche à en reproduire les rythmes et les effets, en ayant conscience du fait que « le mouvement de la poésie est limité juste par la nature des syllabes et des sons articulés, et par les règles de la musique, ou du rythme mélodique47 ». Le vers libre est pour lui compatible avec le schéma rythmique antique si l’on pense la poésie comme un système musical : tout comme le musicien a une grande marge de liberté dans le respect du temps dans laquelle sa composition s’inscrit, ainsi le poète ne devra que respecter la mélodie et la rythmique de son poème. Grâce à cette sensibilité musicale, il est possible, pour Pound, de retrouver dans les chœurs des tragédies grecques plusieurs exemples de vers libre48.
34En ce qui concerne la séparation phonétique entre les mots, que Pound reprend de la poésie troubadouresque, elle constitue un élément à la base de son procédé de composition : si, en effet, la scission entre les mots est pour le poète une étape fondamentale dans le chemin de rénovation de la poésie en langue anglaise, la nécessité de démarcation est également une nécessité de description précise, d’exactitude dans la description du réel. « In nature are signatures/ needing no verbal tradition,/ oak leaf never plane leaf », « Dans la nature il y a des signatures/ qui ne demandent aucune tradition verbale,/ feuille de chêne jamais feuille de platane49 » : l’appréciation pour la ligne de démarcation – théorique et phonique, pour la séparation, non pas la fusion, des syllabes et pour les sons nets, non prolongés, viennent à Pound de ses études longues et assidues des poèmes d’Arnaut Daniel, « qui commence une chanson avec les phonèmes autet et bas, ou insère prims entre entrels et fuoills50 ».
35Grèce et Provence émergent donc dans les écrits théoriques de Pound comme les matrices originelles à suivre pour un renouvellement stylistique de la poésie en langue anglaise, mais pas seulement : elles sont connectées par un autre lien très important, qui entrelace ces deux traditions littéraires d’un point de vue ésotérique.
36Dans son essai « Psychology and Troubadours » Pound affirme :
Consider the history of the time, the Albigensians Crusade, nominally against a sect tinged with Manichean heresy, and remember how Provençal song is never wholly disjunct from pagan rites of May Day. Provence was less disturbed than the rest of Europe by invasion from the North in the darker ages; if paganism survived anywhere it would have been, unofficially, in the Langue d’Oc. That the spirit was, in Provence, Hellenic, is seen readily enough by anyone who will compare the Greek Anthology with the work of the troubadours. They have, in some way, lost the names of the gods and remembered the names of lovers.
Considérons les événements historiques, la croisade des Albigeois qui s’attaquait à une secte gagnée par l’hérésie manichéenne, et souvenons-nous de ce que les chants provençaux ne peuvent jamais être complètement séparés des rites païens du printemps. La Provence fut moins bouleversée que le reste d’Europe par les invasions nordiques, et si le paganisme a survécu quelque part ce fut, souterrainement, dans la langue d’oc. Que l’esprit provençal était avant tout hellénique est évident pour celui qui prend la peine de comparer l’anthologie grecque et l’œuvre des troubadours : ils ont en quelque sorte oublié les noms des dieux mais conservé ceux des amants51.
37Il existe clairement, dans l’analyse de Pound, un lien qui relie les cultes à mystères d’Eleusis à ceux de l’hérésie albigeoise, presque un rapport de filiation entre Grèce et Provence, qui rapproche ces deux cultures, et leurs expressions littéraires. Si, en effet, Pound n’a pas été influencé par l’œuvre de Joséphin Péladan dans son interprétation de la vida de Peire Vidal, il tire de la lecture de celle-ci la conviction d’un lien entre les troubadours et les cathares, ainsi que de leur connexion avec une tradition occulte qui remonte à l’Antiquité. Cette conviction, très controversée, était tout de même courante dans les cercles occultes de Londres au début du XXe siècle52, comme le remarque Leon Surette : « Pound’s allusions to the Albigenses in fact appeal to an understanding of the secret history of Europe that was current in London occult circles at the turn of the century », « les allusions de Pound aux Albigeois font appel, en effet, à une compréhension de l’histoire secrète de l’Europe qui était commune dans les cercles occultes de Londres au tournant du siècle53 ». L’idée est celle de la persistance d’un savoir supérieur, accessible uniquement aux initiés, qui de la Grèce antique aurait persisté de façon occulte et qui aurait « illuminé » la poésie troubadouresque et italienne au Moyen-Âge : « I believe that a light from Eleusis persisted throughout the middle ages and set beauty in the song of Provence and Italy », « Je crois qu’une lumière venue d’Eleusis a persisté à briller tout au long du Moyen Âge et qu’elle a donné aux chansons de Provence et d’Italie la beauté54 ».
38Toujours à l’aide de Péladan, Pound cherche à fonder pseudo-historiquement le lien occulte entre Eleusis et les troubadours : en effet, selon son analyse le Sud de la France avait été d’une part moins sujet aux invasions des peuples du Nord qui avaient concerné le reste de l’Europe, d’autre part il avait maintenu une relation privilégiée avec la civilisation grecque antique, par laquelle Marseille avait été fondée au VIIe siècle av. J.-C: « At Marseille the Greek settlement was very ancient. How much of the Roman tone, or the Oriental mode, went out from Rome to the Roman country houses which were the last hold of culture, we can hardly say […] », « La colonie grecque de Marseille était fort ancienne. Qu’est-ce qui parvint de Rome aux maisons de campagne des nobles, derniers bastions de la culture, des manières romaines et orientales ? Nous ne saurions le dire […]55 ».
39Selon l’analyse de Pound, ce rapport exclusif avec la Grèce antique serait au cœur de l’éloignement de l’Occitanie de la religiosité de type « romain » et de sa proximité avec les cultes à mystères56, combinés avec certains aspects de la chrétienté, à savoir celui de la dévotion à la Vierge, qui présente des contacts avec les anciennes formes de dévotion à Aphrodite et qui, à travers la glorification de Béatrice opérée par Dante, aboutit au culte d’« Amour » des poètes italiens du XIVe, « a new paganish god, neither Erôs nor an angel of the Talmud », « nouveau dieu païen, ni Eros ni ange du Talmud57 ». Cette dimension ésotérique du vortex gréco-provençal rapproche les sensibilités de ces deux traditions et permet à Pound de placer les troubadours comme médiateurs entre la conscience « germinale », poétique par excellence des Grecs anciens, et celle « phantastique » et centrée sur la raison des poètes italiens du XIVe.
40En conclusion, le vortex, l’idéogramme, le nœud qui vient se créer entre les traditions poétiques grecque antique et provençale dans Les Cantos I, II, IV, V et VI est supporté par une forte élaboration théorique de la part de Pound : Grèce et Provence émergent de cette analyse d’un côté comme noyaux « germinaux » de la culture européenne, de l’autre comme un passé littéraire fondamental pour faire avancer l’écriture moderne. Au tout début de son poème épique, Pound nous fournit un vortex qui constitue le cœur de sa réflexion sur la littérature antique et médiévale, posant les bases de ce qui se destine à être une œuvre qui intègre la tradition orientale ainsi que la tradition occidentale et qui fait jouer entre eux mythes et sons anciens pour nous révéler leur nouveauté inattendue.
Notes de bas de page numériques
1 « There is no mystery about the Cantos, they are the tale of the tribe », « Il n’y a rien de mystérieux concernant les Cantos, ils constituent l’histoire de la tribu » Ezra Pound, Guide to Kulchur, New York, New Directions Books, 1970, p. 194. Pour la traduction française : Ezra Pound, La Kulture en Abrégé, trad. Y. Di Manno, Paris, Éditions de la Différence, 1992, « Latitudes », p. 167.
2 Ezra Pound définit ainsi le « vortex », terme clé du mouvement littéraire du vorticisme, qu’il anima avec Wyndham Lewis : « The image is not an idea. It is a radiant node or cluster; it is what I can, and must perforce, call a VORTEX [sic], from which, and through which, and into which, ideas are constantly rushing. In decency one can only call it a VORTEX. » ; « L’image n’est pas une idée. Elle est un nœud rayonnant ou une grappe ; elle est ce que je peux, et je dois nécessairement, appeler un VORTEX, duquel, et à travers lequel, et dans lequel, les idées se précipitent sans cesse. On ne peut décemment le définir qu’un VORTEX. », Ezra Pound, A memoir of Gaudier-Bredzska, [1916], New York, New Directions, 1970, p. 92 (nous traduisons).
3 Massimo Bacigalupo, L’ultimo Pound, Roma, Edizioni di storia e letteratura, 1981, « Biblioteca di Studi americani », p. 14 (nous traduisons).
4 Notre corpus se limite aux Cantos I, II, IV, V et VI.
5 Ezra Pound, Sur les pas des troubadours en pays d’oc, éd. R. Sieburth, trad. B. Dunner, Monaco, Éditions du Rocher, 2005, « Anatolia », p. 103.
6 La « phanopoeia » est l’un des trois types de poésie selon Pound (avec la « logopoeia » et la « melopoeia ») : elle est par lui définie comme « le moulage d’images dans l’imagination visuelle ». Ezra Pound, « How to read », [1929], in Literary Essays, New York, New Directions, 1968, p. 25 (nous traduisons).
7 Ezra Pound The Cantos, [1970], New York, New Directions Books, 1996, p. 13. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, [1986], trad. J. Darras, Y. di Manno, P. Mikriammos et D. Roche, Paris, Flammarion, 2013, « Mille&unepages », p. 32.
8 Ezra Pound, The Cantos, p. 10. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 28.
9 Ezra Pound, The Cantos, p. 10. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 28.
10 Ezra Pound, A walking tour in Southern France: Ezra Pound among the Troubadours, ed. R. Sieburth, New York, New Directions Books, 1992, p. 9. Pour la traduction française, Ezra Pound, Sur les pas des troubadours en pays d’oc, p. 56.
11 Ezra Pound, The Cantos, p. 16. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 34.
12 Nous rappelons la dédicace de The Waste Land de Thomas Stearns Eliot « Per Ezra Pound, il miglior fabbro » (« Pour Ezra Pound, le meilleur forgeron »), dans laquelle Eliot s’adressait à Pound avec les mêmes mots employés par Dante pour s’adresser à Arnaut Daniel dans le chant XXVI du Purgatoire (vers 115-117).
13 Ezra Pound, The Cantos, p. 15. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 33.
14 Ezra Pound, The Cantos, p. 714-715. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 725.
15 Ezra Pound, The Cantos, p. 722. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 731.
16 Ezra Pound, Sur les pas des troubadours en pays d’oc, p. 135.
17 Ezra Pound, The Spirit of Romance, [1952], London, Peter Owen, 1970, p. 8. Pour la traduction française, Ezra Pound, Esprit des littératures romanes, trad. P. Alien, Paris, Union Générale d’Editions, 1966, « 10/18 », p. 8.
18 Ezra Pound, The Spirit of Romance, p. 8. Pour la traduction française : Ezra Pound, Esprit des littératures romanes, p. 9.
19 Warren Ramsey, « Pound, Laforgue and Dramatic Structure », in Comparative Literature, Vol. 3, No. 1 (Winter, 1951), University of Oregon, pp. 47-56, ici p. 52 (nous traduisons).
20 Alfred Jeanroy, La Poésie lyrique des Troubadours, Toulouse, Paris, Privat, Didier, 1934, Vol. 1, p. 103.
21 Ezra Pound, The Cantos, p. 6. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 24. Les adjectifs « ἑλέναυς » et « ἑλέπτολις » sont repris du deuxième stasimon de l’Agamemnon d’Eschyle et signifient dans l’ordre « destructrice de villes » et « destructrice de vaisseaux » (voir ci-dessous).
22 Eschyle, Tragédies complètes, préf. P. Vidal-Naquet, prés. trad. et notes P. Mazon, Paris, Gallimard, 1982, « Folio Classique », p. 257 (vers 681-690).
23 Peirol, « Dalfi, sabriatz me vos », vers 21-24, in S. C. Aston (éd.), Peirol, Troubadour of Auvergne, Cambridge, Cambridge University Press, 1953, p. 146 (nous traduisons).
24 Ecrit aux alentours de 1915 et publié en 1925, A draft of XVI Cantos représente le premier noyau des Cantos ; il fut plus tard englobé dans A draft of XXX Cantos (1930).
25 « Eleanor (she spoiled in a British climate)/ Ἕλανδρος and Ἑλέ-/πτολις », « Eléonore (a flétri en climat britannique)/ Ἕλανδρος and Ἑλέ-/πτολις », Ezra Pound, The Cantos, p. 24. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 42.
26 Ezra Pound, The Cantos, p. 18. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, p. 37.
27 « […] he will find in the Bibliothèque Nationale at Paris the manuscript of Miquel de la Tour, written perhaps in the author’s own handwriting », « […] il [l’homme qui voudra s’intéresser aux Troubadours] trouvera à la Bibliothèque Nationale de Paris le manuscrit de Miquel de la Tour, écrit peut-être par la main de l’auteur lui-même » Ezra Pound, « Troubadours – their sorts and conditions » [1913], in Literary Essays, p. 95 (nous traduisons).
28 « And he took her to the castle of the Dalfin d’Auvergne, and the husband, in the manner of the golden Menelaus, demanded her much, with the church to back him and with the great war that they made », Ezra Pound, « Troubadours – their sorts and conditions », « Et il l’amena au château du Dauphin d’Auvergne, et son mari, à la façon de Ménélas doré, la demanda avec insistance, avec l’aide de l’église et avec la grande guerre qu’ils firent » [1913], in Literary Essays, p. 97 (nous traduisons).
29 Cette même superposition est reprise dans le Canto XXIII, où elle est racontée par Austors de Maensac : « And my brother De Maensac/ Bet with me for the castle,/ And we put it on the toss for a coin,/ And I, Austors, won the coin-toss and kept it,/ And he went out to Tierci, a jongleur/ And on the road for his living,/ And twice he went down to Tierci,/ And took off the girl there that was just married to Bernart./ And went to Auvergne, to the Dauphin,/ And Tierci came with a posse to Auvergnat,/ And went back for an army/ And came to Auvergne with the army/ But never got Pierre nor the woman. », « Et mon frère Maensac/ Joua le castel avec moi,/ Et nous nous accordâmes sur pile ou face,/ Et moi, Austors, gagnai et gardai le castel,/ Et il partit pour Tierci, jongleur/ Et sur la route pour gagner sa vie,/ Et deux fois descendit à Tierci,/ Et y enleva la fille que Bernart venait d’épouser./ Et alla en Auvergne, chez le Dauphin,/ Et Tierci vint en Auvergne avec une troupe,/ Et repartit former une armée/ Mais n’obtint jamais Peire ni la femme. » Ezra Pound, The Cantos, p. 109, Ezra Pound Les Cantos, p. 127.
30 Warren Ramsey, « Pound, Laforgue and Dramatic Structure », p. 53 (nous traduisons).
31 Ezra Pound, A B C of Reading, [1934], New York, New Directions Books, 2010, p. 56. Pour la traduction française : Ezra Pound, A.b.c. de la lecture, trad. D. Roche, Paris, Gallimard, 1966, « Idées », p. 50.
32 « The great break in European literary history is the change over from inflected to uninflected language », « La grande cassure dans l’histoire de la literature européenne est due au passage du langage prosodique au langage non prosodique », Ezra Pound, A B C of Reading, p. 50. Pour la traduction française : Ezra Pound, A.b.c. de la lecture, p. 44.
33 Nous retrouvons l’histoire de Guillem de Cabestanh, par ailleurs, dans la nouvelle IV de la neuvième journée du Décaméron de Boccace.
34 Pound fait référence à la version du mythe racontée par Ovide dans le livre IV des Métamorphoses.
35 Ezra Pound, The Cantos, pp. 13-14. Pour la traduction française : Ezra Pound, Les Cantos, pp. 31-32.
36 Encore une fois, la référence est à Ovide, Métamorphoses, livre III.
37 Camille Chabaneau, Les Biographies des Troubadours en Langue provençale, Toulouse, Privat, 1885, pp. 64-66.
38 Ezra Pound, The Cantos, p. 14. Pour la traduction française, Ezra Pound, Les Cantos, p. 32.
39 « The sun glitters, glitters a-top/ […]/ Not a ray, not a slivver, not a spare disc of sunlight/ Flaking the black, soft water », « Le soleil scintille, scintilla au-dessus/ […]/ Pas un rayon, pas un brin, pas le moindre disque du soleil/ Ne craquelle la soyeuse eau noire », Ezra Pound, The Cantos, p. 14 ; Ezra Pound, Les Cantos, p. 32.
40 « Piere Vidal Old », [1909], in Ezra Pound, Poems and Translations, éd. R. Sieburth, New York, The Library of America, 2003, p. 107.
41 Ezra Pound publia un compte rendu des œuvres de Joséphin Péladan Origine et esthétique de la tragédie (1905) et Le secret des Troubadours. De Parsifal à Don Quichotte (1906) sur la revue « The Book News Monthly » en 1906.
42 Leon Surette, The birth of Modernism: Ezra Pound, T.S. Eliot, W.B. Yeats, and the Occult, Montreal & Kingston; London; Buffalo, McGill-Queens University Press, 1993, p. 143 (nous traduisons).
43 Hugh Kenner, The Pound Era, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1971, p. 85 (nous traduisons).
44 Frank Stuart Flint, « Imagisme », in Ezra Pound, Early Writings, Poems and Prose, London, Penguin Books, 2005, p. 210 (nous traduisons).
45 Ezra Pound, « The Tradition », [1913], in Literary Essays, p. 91 (nous traduisons).
46 Ce que Pound trouve extrêmement intéressant dans la langue des troubadours et qu’il s’efforce de reproduire en anglais dans ses traductions est sa capacité à créer une parataxe de sons : « la langue [occitane] semble recevoir avec plaisir les séparations. Ses mots ressortent, en limitant des syllabes nettes et distinctes, que le français moderne a rendu indistinctes, au moyen de consonnes finales que le français moderne omet » (« The language seems to welcome separations. Its words clip, bounding the clear distinct syllables modern French has slurred with terminal consonants modern French omits », H. Kenner, The Pound Era, p. 85 ; nous traduisons).
47 « The movement of poetry is limited only by nature of syllables and of articulate sound, and by the laws of music, or melodic rhythm. » Ezra Pound, « The Tradition », in Literary Essays, p. 93 (nous traduisons).
48 « If the earnest upholder of conventional imbecility will turn at random to the works of Euripides, […] or to almost any notable Greek chorus, it is vaguely possible that the light of vers libre might spread some faint aurora upon his cerebral tissues. », « Si le plus sérieux défendeur de l’imbécillité conventionnelle se dirigeait au hasard vers les œuvres d’Euripide, […] ou vers n’importe quel remarquable chœur grec, il est possible que la lumière du vers libre puisse diffuser une faible aurore sur ses tissus cérébraux » Ezra Pound, « The Tradition », in Literary Essays, p. 93 (nous traduisons).
49 Ezra Pound, The Cantos, LXXXVII, p. 593; Ezra Pound, Les Cantos, p. 616.
50 « Who begins a song with the phonemes autet e bas, or puts prims between entrels and fuoills », Hugh Kenner, The Pound Era, p. 86 (nous traduisons).
51 Ezra Pound, « Psychology and Troubadours », [1912], The Spirit of Romance, p. 90. Pour la traduction française : Ezra Pound, Esprit des littératures romanes, pp. 117-118.
52 L’article « Psychology and Troubadours », publié en tant que nouveau chapitre de l’essai The Spirit of Romance dans la réédition de 1952, fut originairement publié en 1912 dans la revue de la société occulte londonienne, The Quest, dirigée par G. R. S. Mead, suite à une conférence que Pound avait tenue dans la même année.
53 Leon Surette, The Birth of Modernism, p. 102 (nous traduisons).
54 Ezra Pound, « Credo », [1930], in Selected Prose, 1909-1965, New York, New Directions, 1973, p. 53. Pour la traduction française : Ezra Pound, « Credo », in Je rassemble les membres d’Osiris, trad. J.-P. Auxeméry, C. Minière, M. Tunstill, J-M. Rabaté, Auch, Tristram, 1989, p. 181.
55 Ezra Pound, « Psychology and Troubadours », [1912], The Spirit of Romance, p. 96. Pour la traduction française : Ezra Pound, « Les Troubadours et la Psychologie », Esprit des littératures romanes, p. 125.
56 Encore une fois, cette analyse nous renvoie à l’occultisme de Péladan : « le Moyen Âge, même au riant soleil du Midi, vivait d’une vie sentimentale intense et échappait à la domination romaine sous le masque de la galanterie », Joséphin Péladan, « L’Esprit du Moyen Âge », in Le Secret des Troubadours, consultable sur http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Secret_des_troubadours_(Péladan). Le lien créé par Pound entre Eleusis et les Albigeois ne repose, évidemment, que sur des analogies qui permettent de postuler, à l’aide de Péladan, un trait d’union entre ces deux expériences religieuses et culturelles : ce trait d’union se révèle séduisant d’un point de vue littéraire, mais ne peut être historiquement prouvé sinon par le biais de l’histoire de l’occultisme, pour laquelle je renvoie encore une fois à Leon Surette, The birth of modernism, pp. 96-156. Helen May Dennis souligne tout de même que l’idée d’une filiation entre Grèce antique et Provence médiévale était très présente dans les œuvres sur les troubadours au tournant du XXe siècle, de l’Histoire de la Poésie Provençale (1860) de Claude Fauriel aux Mélanges de Littérature française du Moyen Âge (1912) de Gaston Paris. Fauriel, par exemple, « rappelle à ses lecteurs que la Provence avait été une colonie grecque, originairement fondée par les Phocéens, qui maintinrent avec zèle leurs traditions grecques, y comprise, par exemple, l’étude d’Homère. […] Il soutient que même après que César eut conquis Marseille, cette forme d’art grecque laissa des traces en Provence, qui ré-émergèrent dans l’art des troubadours médiévaux » (« reminds his readership that Provence had been a Greek colony, originally founded by the Phocaeans, who zealously maintained their Greek traditions, including for example the study of Homer. […] He believes that even after Caesar conquered Massilia, this Greek art-form left traces in Provence which re-emerged in the art of the medieval troubadours », Helen May Dennis, A New Approach to the Poetry of Ezra Pound : through the Medieval Provençal Aspect, Lewinston-Queenston-Lampeter, The Edwin Mellen Press, 1996, p. 86, nous traduisons).
57 Ezra Pound, « Psychology and Troubadours », [1912], The Spirit of Romance, p. 92. Pour la traduction française : Ezra Pound, « Les Troubadours et la Psychologie », Esprit des littératures romanes, p. 119.
Bibliographie
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Autres textes
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CHABANEAU Camille, Les biographies des troubadours en langue provençale, Toulouse, Privat, 1885.
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PÉLADAN, Joséphin, Le Secret des Troubadours, consultable sur http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Secret_des_troubadours_(Péladan) .
Études
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DENNIS Helen May, A New Approach to the Poetry of Ezra Pound: through the Medieval Provençal Aspect, Lewinston, Queenston, Lampeter, The Edwin Mellen Press, 1996.
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Pour citer cet article
Eloisa Bressan, « Le vortex gréco-provençal dans Les Cantos d’Ezra Pound », paru dans Loxias, Loxias 46., mis en ligne le 30 août 2014, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/docannexe/image/8647/index.html?id=7830.
Auteurs
Eloisa Bressan est doctorante en Littérature comparée à Aix-Marseille Université. Elle prépare une thèse sur « La Provence dans Les Cantos d’Ezra Pound », sous la direction de Mme Aude Locatelli et Mme Francesca Manzari au sein du centre de recherche CIELAM.