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Jean-Luc Beaumont  : 

Petit historique du village de Peyresq

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Thématique : Fabri de Peiresc (Nicolas) , ingénierie sociale, savant

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Texte intégral

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Jean-Luc Beaumont

Photo A. Arnal

Abrité au pied de falaises calcaires à 1 528 mètres d’altitude, le village de Peyresq domine les vallées du Ray et de la Vaïre, affluents du Var. Véritable nid d’aigle isolé dans un cirque de formidables montagnes ensoleillées de Haute Provence, Peyresq porte bien son nom : le Pierreux.

L’histoire

Au XIIIe siècle, le Comte de Provence, Raymond Béranger V fonda une nouvelle ville, Peyresq, à l’emplacement actuel du village. À la fin du XVe, son successeur donna le fief de Peyresq à des vassaux, tous issus de grandes familles. Le plus célèbre des seigneurs fut Nicolas-Claude Fabri de Peyresc, avec un c, francisé plus tard en Peyresq, avec un q. Fabri de Peyresq est né près de Toulon en 1580. C’était un humaniste connu du monde lettré sous le nom de Monsieur de Peyresq. Docteur en droit, siégeant au Parlement d’Aix en Provence, il fut reçu dans tous les milieux savants de l’Europe du début du XVIIe siècle.

Éminent épistolier, cet érudit écrivit plus de 10.000 lettres, notamment à Mersenne, Gassendi et Descartes, ainsi qu’une histoire abrégée de la Provence. Plus curieux que juriste, il s’intéressa entre autres à l’astronomie en faisant graver la première carte de la Lune et en découvrant la première nébuleuse, celle d’Orion en 1610. Sa curiosité le porta également vers l’anatomie pour étudier la circulation du sang. Il s’intéressa aux animaux et aux plantes. Nous lui devons l’introduction en France du jasmin et des chats angoras.

Pour revenir à l’histoire du village, pendant plus de 500 ans Peyresq demeura marche de Provence puis de France. En 1860, par l’annexion du Comté de Nice, la France repoussa la frontière vers l’Est.

Aujourd’hui, les habitants de Peyresq sont à la fois des descendants des villageois de souche, des écologistes avant l’heure, venus des grandes villes, et des étudiants ou familles de l’association belge fondée en 1954 dans le but de sauvegarder le village, de créer un centre culturel et d’offrir des séjours actifs, voire dynamiques et non linéaires, dans les Alpes de lumière.

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photo C. Ecken

Le maire de l’époque écrit dans une lettre adressée aux fondateurs de ce projet « fou » de reconstruction du village :

Nombre de maisons en bon état : néant ; réparables : 9 ; en ruine : 6.

Au contact du monde alpin et du monde méditerranéen, dans un site imprenable, le village de Peyresq, aujourd’hui rebâti, a su devenir un lieu de contact permettant aux hommes de se rencontrer et de s’enrichir mutuellement.

L’environnement

Les montagnards peyrescans ont su s’adapter au milieu rude des Alpes provençales. Autrefois, les habitants cultivaient le blé, les lentilles et les pommes de terre sur les plans en terrasse autour du village. Au-dessus s’étendaient les pâturages.

Au début du XVIIe siècle, le village compte pratiquement 50 habitations, comme aujourd’hui. Les plus anciennes sont situées en bordure de la falaise et sur la place du village. Ce sont des maisons bâties avec la pierre calcaire de l’endroit et la chaux. Les toits sont composés de planches ou bardeaux de mélèze, superposées en écailles.

Vers 1860, Peyresq comptait 260 habitants. Les rues étaient étroites mais permettaient le passage d’un mulet et de sa charge. La ruelle la plus remarquable, qui permet le passage d’une seule personne, est situé entre la « Cour des Métiers » et la maison Fabri de Peyresq, au cœur du village, celle qui a des volets et balustres en bois bleus.

A l’entrée de la place se situait le château seigneurial, de type maison forte, dont on aperçoit le soubassement, à gauche de la cabine téléphonique. L’église, construite au XIIIe siècle, est dédiée à Saint Pons et à Notre Dame de l’Assomption. Le clocher mur possède deux cloches dont la plus petite date de 1461. L’église a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1971.

Près de l’église, l’ancien abreuvoir et lavoir rappelle la première arrivée d’eau courante sur la place en 1881. Actuellement l’eau est pompée dans la vallée du Ray en contrebas ! Au fond de la place, à droite, l’ancien presbytère, qui servit aussi d’école communale jusqu’en 1932, est remarquable par son encadrement de porte en grès et sa fenêtre à meneaux d’époque Renaissance.

Le village n’a jamais connu de boulanger. Chacun préparait son pain et à tour de rôle chauffait le four. Sur l’ancien chemin royal de Peyresq à Méailles, à la limite du village, la communauté y avait bâti la chapelle Saint Barthélemy, au XVIIe siècle, en l’honneur du protecteur des troupeaux et un oratoire composé de deux pierres taillées datant de 1873.

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photo C. Ecken

Peyresq semble isolée du monde, au bout du monde, mais la magie des lieux, l’authenticité et la beauté du site dans son ensemble, permettent de qualifier Peyresq, durant ces quelques jours, comme l’épicentre du monde. Au cœur des Alpes Provençales revit désormais, grâce aux bonnes volontés venues de tous les horizons, un village au destin exemplaire, dont l’ancien humaniste et seigneur Fabri de Peyresq pourrait être fier.

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photo U. Bellagamba

Pour citer cet article

Jean-Luc Beaumont, « Petit historique du village de Peyresq », paru dans Sciences et Fictions, Robert A. Heinlein et la pédagogie du réel, Annexes, Petit historique du village de Peyresq, mis en ligne le 08 février 2010, URL : http://revel.unice.fr/symposia/scetfictions/index.html?id=362.

Auteurs

Jean-Luc Beaumont

Ingénieur de recherche. Institut Robert Hooke de culture scientifique (IRH). Université de Nice-Sophia Antipolis. B.P. 2135 06103 Nice cedex 2. Jean-Luc.Beaumont@unice.fr