Suisse dans Loxias-Colloques


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Loxias-Colloques | 8. Ecrire en Suisse pendant la grande Guerre | Ecrire en Suisse pendant la Grande Guerre

Introduction historique.
1914-1918 : la Suisse, un îlot dans la tourmente ?

Pendant la Première Guerre mondiale, la neutralité de la Suisse est respectée et son intégrité territoriale est préservée. Néanmoins, la Suisse n’est pas épargnée par le conflit. Elle vit une situation de guerre totale. Sa cohésion nationale est menacée par une fracture culturelle aggravée par le poids des influences étrangères, puis par une fracture sociale. La neutralité apparaît comme un concept flou, sujet à interprétations multiples, avec lequel jouent les individus, la société fracturée, les autorités fédérales, les belligérants et les intellectuels.

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« Il est peut-être nécessaire que l’art se jette en pleine mêlée » : parcours éditorial de Pierre Jean Jouve durant la Grande Guerre

De nombreuses zones d’ombre subsistent encore à propos des activités pacifistes que Pierre Jean Jouve (1887-1976) a menées en Suisse durant la Grande Guerre, à commencer par son parcours éditorial. Se basant sur des correspondances inédites (dont les échanges épistolaires entre Jouve et Romain Rolland), cette contribution revient sur les choix éditoriaux, les conditions de publication, les stratégies de diffusion, ou encore les liens entretenus par le poète avec le monde du livre en Suisse. Jouve a ainsi expérimenté, entre 1915 (Vous êtes des hommes, Éditions de La N.R.F.) et 1918 (Le Défaitisme contre l’homme libre, Édition d’Action sociale), différents modèles d’édition, au gré de ses rencontres et des opportunités qui se sont offertes à lui. Toujours proactif, sollicitant des partenariats et tentant de fonder des entreprises éditoriales durables, le poète a buté sur de nombreux obstacles : la frilosité des éditeurs suisses, les problèmes de diffusion rencontrés par les organes pacifistes, le manque de soutien et de réseaux influents ou encore les difficultés de trésorerie. Autant d’obstacles qui ont condamné Jouve, et les pacifistes, à un certain isolement – en Suisse comme vis-à-vis de l’Europe. Étudier le parcours éditorial de Jouve permet de mettre en exergue les différentes formes qu’a pu prendre le combat pacifiste ; c’est aussi l’occasion d’apporter quelques éléments utiles à une future histoire de l’édition suisse durant la Première Guerre mondiale.

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« Ne pouvant dire ce que je pense en Suisse, je le dis ailleurs, où je peux. » Louis Dumur : un critique de la Suisse en exil à Paris ?

Cette communication a pour objet l’étude des lieux d’édition et des stratégies éditoriales retenus par Louis Dumur pour faire entendre ses critiques contre l’attitude des autorités suisses durant la Première Guerre mondiale. En jouant sur les spécificités des champs journalistiques, littéraires et intellectuels français et suisses, qu’il connaît fort bien, Dumur est parvenu à faire entendre sa voix par l’intermédiaire de différents titres, tant suisses que français (Cahiers vaudois, La Guerre mondiale, Mercure de France), ce qui lui a permis de contourner la censure helvétique (a posteriori), contre laquelle il n’aura de cesse de lutter, tout en acceptant les mesures de contrôle de la presse en France (a priori). Cette situation particulière l’a amené à adopter une posture d’« exilé » pour le moins paradoxale, qu’il convient d’examiner.

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« Des scènes qui se passent au front » vues par Romain Rolland

Ces pages traitent du shell shock dans le Journal des Années de Guerre (1914-1918) de Romain Rolland. Affectant des prisonniers de guerre internés en Suisse, ce syndrome suscita une effervescence publiciste parmi les milieux médicaux mais passa inaperçu de la population civile. Rolland, lui, recueille des tableaux cliniques précis, transcrits de sa correspondance avec de jeunes combattants, ou enregistrés lors des entretiens menés avec des prisonniers, permissionnaires et autres expatriés austro-hongrois, allemands ou français réfugiés en terre helvétique. Les noms d’E. R. Curtius, P. Latzko ou encore Paul Cassirer défilent ainsi parmi les victimes du syndrome de stress post-traumatique. De ce syndrome, le Journal interroge les versants médical, militaire, juridique et existentiel. Mais jamais Rolland ne se départit des normes d’une écriture rationnelle. Aussi récuse-t-il l’image distordue que lui renvoient de la guerre Apollinaire, dada, le cubisme. Intellectuel d’avant-garde, Rolland milite dans l’arrière-garde littéraire. This paper is about shell shock in Romain Rolland’s diary written near Geneva during the First World War. Medical personnel were strongly concerned about this very new disease. But neurological and psychiatric understanding were still to come and neither civilian nor military authorities were willing to indemnify victims. The latter were suspected of unconscious simulation and were treated with so-called “medical persuasion” or electrotherapy – if not punished for desertion. Due to this medical-military collusion, there was no public awareness of Post Traumatic Stress Disorders. This is what makes Rolland’s diary so singular. He had to deal with plenty of private letters convincing him that PTSD was frequent among all belligerent armies. Travelling through Switzerland, he came across victims of shell shock : prisoners of war interned at Interlaken, furloughed soldiers and refugees (E. R. Curtius, Paul Latzko, the gallery owner Paul Cassirer…). But there is a discrepancy between epistemological awareness (modern war is a war of machines against human beings) and the diary’s aesthetics : Rolland quotes Molière and Jarry (King Ubu) in order to gain distance from pictures of horror. But he refuses “disrupted” representation of war practised by Apollinaire, Dada, cubism, futurism… The claim for moral and intellectual strength puts Rolland among the literary “arrière-garde”.

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Jouve, Romain Rolland vivant et En Miroir : les deux facettes, en regard, d’un même art poétique

Le Romain Rolland vivant de Jouve publié en 1920 n’est autre que l’ébauche de En Miroir (1954), le passage, le détour nécessaire par l’étude de l’autre (Romain Rolland) qui constitue, à l’époque, une sorte de père spirituel et permet à Jouve d’arriver à la connaissance de soi-même comme de son propre art poétique. Dans le premier cas (Romain Rolland vivant) nous avons la biographie intellectuelle d’un ami si proche que Jouve déjà peut s’y projeter et s’y construire (« parce que c’était lui, parce que c’était moi », déclare Jouve, citant Montaigne). Dans le deuxième cas, En Miroir constitue une autobiographie intellectuelle et recomposée pour projeter une image de soi-même qui corresponde exactement à l’auteur que l’on voudrait être. Deux monuments, deux architectures, deux statues, l’une d’un modèle adoré puis renié, l’autre de soi-même.

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Qui est le Dieu absent de la Suisse du Monde désert ?

« Un monde sans Dieu est un désert » déclarait un personnage d’une pièce inédite de Pierre Jean Jouve de 1914, écrite dix-huit mois avant son départ pour la Suisse où il devint un ami-disciple du grand intellectuel pacifiste Romain Rolland. En 1927, Jouve publie Le Monde désert où revivent des figures amies de l’écrivain du temps de la Première Guerre mondiale : le sculpteur Jacques Lenoir (Jacques de Todi, homosexuel et suicidé), le peintre Edmond Bille (Siemens), l’amoureuse qui prend soin des artistes (Baladine) et Jouve lui-même (Luc Pascal). Ces clés ont été décodées par des lecteurs attentifs. Se pose alors la question des absents dans ce roman, eux qui étaient si présents dans la vie de l’écrivain : Andrée (sa première épouse), Romain Rolland, son « père mystique », et la guerre elle-même. Qui est le « Dieu absent » du Monde désert ? Quel rôle a joué la seconde épouse de Jouve, la psychanalyste Blanche Reverchon, pour un livre passionné qui nous apparaît comme le roman d’un double divorce ?

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Éditer en temps de guerre, inventer dans la pénurie. La revue Dada à Zurich (1917-1919)

Publiée à Zurich de 1917 à 1919, la revue Dada, dans une optique internationale, était opposée à la guerre, et des liens ont existé entre le groupe de R. Rolland et les dadas (sans influence réciproque). Dada a cependant adopté une tournure radicale qui lui était propre. L’expérimentation a joué dans cette revue un rôle central, entraînant une esthétique transmédiale qui a préludé aux futurs livres d’artistes. Published in Zurich from 1917 to 1919, the Dada journal, with an international perspective, was opposed to the war, and links have existed between the group of R. Rolland and the members of Dada (without mutual influence). Dada has however adopted a radical original turn. Experimentation in this journal has played a central role, leading to a transmedial aesthetic which announced the future artist books.

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Loxias-Colloques | 10. Figures du voyage

Ironie et humour dans le récit de voyage. L’exemple de L’Usage du monde de Nicolas Bouvier

Le point de vue du voyageur constitue un paradigme consubstantiel au récit de voyage, oscillant entre les polarités de l’empathie et de la distanciation. Nous analyserons cette seconde polarité, en montrant qu’elle s’appuie en grande partie sur les figures énonciatives de l’humour et de l’ironie. Celles-ci sont typiques dans L’Usage du monde de Nicolas Bouvier, relation d’un itinéraire entre la Suisse et l’Afghanistan en 1953-1954. D’une part, nous examinerons comment, dans ce récit, l’humour et l’ironie sont des figures de distanciation récurrentes et complémentaires, le premier reposant sur le détachement ludique et la seconde sur la dissociation critique. En particulier, nous dégagerons les schèmes discursifs qui caractérisent ces deux figures complexes dans L’Usage du monde. Ces schèmes consistent notamment en des décalages lexicaux, des intensifications discordantes ou des accumulations dissonantes pour l’humour. Ils prennent entre autres la forme de structures antiphrastiques ou de clivages échoïques (au sens de Sperber et Wilson) pour l’ironie. D’autre part, nous nous intéresserons aux fonctions et aux effets narratifs de ces figures dans L’Usage du monde. Celles-ci marquent deux positionnements énonciatifs favorisés par le genre du récit de voyage : celui du voyageur indulgent, à la fois détaché et compréhensif envers certains contextes déroutants, avec l’humour ; celui du voyageur satirique vis-à-vis de situations perçues comme choquantes (corruption, censure) avec l’ironie. Plus largement, nous verrons comment ces deux figures participent à l’élaboration de l’éthos discursif de l’énonciateur-voyageur. Si toutes deux construisent une posture disjonctive par rapport à des expériences de voyage problématiques, la « sous-énonciation » (dans l’acception de Rabatel) de l’humour révèle l’image d’un voyageur simplement déconcerté, tandis que la « sur-énonciation » de l’ironie manifeste l’image d’un voyageur plus engagé dans le monde qu’il découvre.

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Loxias-Colloques | 11. Corps, son et technologies entre théories et pratiques | Première partie : Les scènes du corps sonore

Le corps sonore. Perception et dispositifs technologiques

L’objectif de ce texte est d’analyser, selon une approche méthodologique interdisciplinaire, les aspects liés à la définition de corps sonore dans le cadre esthétique des « théâtres du son ». Cette notion s’articule sur deux niveaux : le son comme corps – c’est-à-dire la matérialité du son et son implication dans la composition du dispositif audiovisuel de la scène – et le corps comme producteur du son - une catégorie qui réunit des pratiques où le corps du performeur engendre le soundscape de la scène. Cette enquête est l’occasion de suivre les différentes modalités adoptées pour inscrire le corps sonore et ses manifestations dans la scène actuelle. On y discute le changement de la perception induit sur le performeur et celui concernant l’articulation des logiques de composition scéniques, ce qui nous permet d’interroger les environnements immersifs non seulement sous l’aspect des conditions matérielles de la composition, mais également sous l’aspect des conditions liées à la réception. Starting from an interdisciplinary perspective of methodological integration of the concepts of body and sound in the contemporary dance scene, this paper will attempt to define the general aesthetic notion of sonorous body. Such integration can be described as a combination of events and relations dealing with technology where audio and visual overlap and compose in order to determine a scene no longer based on form but on a fluid circulation of tensions and intensities of elements. This audiovisual and choreographic movement/tension is the focus of this paper, and it is defined as the sonorous body. This concept can be read through two interpretations. In the first one, the sound is a body: in this perspective, the sound for the electronic scene is an acoustic material; from the other point of view the body is a sound: in this case, the body produces the soundscape of a scene. In this sense we have a series of modifications that influence both the performer’s perception as well as that of the spectator.

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