Loxias-Colloques |  7. Images de l’Oriental dans l’art et la littérature 

Jean-Philippe Blanchard  : 

Regards sur l’"Arabe" du cinéma français : question de représentation, enjeu de lutte symbolique

Résumé

En tant qu’objet de recherche, la représentation de l’"Arabe" dans le cinéma français contient des implications dépassant la simple sphère culturelle. Pour le montrer, nous effectuerons d’abord un retour sur la notion de représentation en sciences sociales et sur différentes études ayant porté sur l’image de la population d’origine maghrébine sur grand écran. Ensuite, nous verrons que ces représentations ethnicisées font l’objet d’une lutte symbolique engageant différentes franges de l’industrie cinématographique, ainsi qu’une politique culturelle et le « grand public ».

Index

Mots-clés : Arabe , cinéma, image, Oriental, représentation collective, stéréotype

Géographique : France

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

Ce texte vise à rendre compte des implications théoriques, sociales et politiques de la question de la représentation de l’"Arabe" dans le cinéma français. Pour introduire notre réflexion dans le cadre de ces échanges portant sur l’image de l’Oriental dans les arts, nous allons procéder à deux clarifications terminologiques : une première sur notre choix du terme "Arabe" (plutôt qu’Oriental, Maghrébin, Beur ou autre) et une deuxième concernant la notion de représentation (préférée à celle d’image). Ensuite, nous procéderons à un inventaire critique des diverses études en sciences humaines et sociales concernant les mises en scènes des populations d’origine maghrébine sur grand écran. Enfin, par la voie d’une sociologie penchée sur les industries culturelles, nous montrerons en quoi ces représentations renvoient à des identifications ethniques bien réelles. Celles-ci sont l’objet d’une lutte symbolique engageant une grande diversité d’acteurs sociaux appartenant tant à la sphère publique qu’à l’industrie cinématographique.

L’"Arabe" comme représentation

De prime abord, le choix de catégoriser une minorité sous le générique "Arabe" peut sembler imprécis mais, par ce terme, nous désignons une représentation. Notre travail aborde des fictions dont les personnages n’ont d’origines qu’implicites, le plus souvent suggérées (par le nom donné à un personnage, le patronyme ou l’apparaître d’un comédien, un accent ou un costume évocateur) et non précisées (car peu utile au récit). C’est volontiers que le cinéma reste flou et rejoint le sens commun. Ainsi, les guillemets dont nous encadrons systématiquement "Arabe" signifient que nous « citons » le sens commun quand il saisit les populations d’origine maghrébine à travers l’histoire des représentations. L’utilité de ce terme dans un travail aux dimensions historiques est mise en évidence dans le cadre du projet EcrIn (Écrans et Inégalités, les "Arabes" dans les médias français de 1962 à nos jours)1 dans lequel a débuté notre réflexion. En l’occurrence, ce projet est porté par des historiens, Julien Gaertner et Yvan Gastaut, soulignant que le mot "Arabe" marque « une construction sociale qui évolue dans l’espace et dans le temps » sans désigner « une entité objective stable2 ».

Nous postulons que l’image de l’"Arabe" dans les médias relève de la notion de représentation qu’il nous est nécessaire d’expliciter dans ce cadre pluridisciplinaire. L’image n’est pas le matériau sociologique traditionnel et sa simple interprétation ne suffit pas à en éclairer l’essentiel des dimensions sociales. Pour l’analyser, Bruno Péquignot prescrit de « reconstituer le processus de production de la mise en scène, de la mise en image [...] de la réalité sociale, pour comprendre et expliquer comment par l’image, et dans l’image, une société se construit, se pense et donc aussi se transforme3 ». Ce processus est endossé par la notion de représentation régulièrement usitée en sciences sociales, se référant tant à l’image qu’à sa construction et à ses qualités cognitives. À ce titre, cette notion nous paraît mieux correspondre à l’analyse des contenus filmiques puisqu’elle prend en charge tout ce système de signification, et permet de toucher aux causes et implications sociales des images.

Il nous faut remonter à Émile Durkheim pour retrouver la première mise en évidence notable de l’efficience sociale des représentations. En 1898, Durkheim met en lumière l’existence d’une « vie représentative » servant de « trame » à la vie sociale4. Les représentations collectives durkheimiennes forment le point de départ théorique aux réflexions qui se succéderont à propos des idées circulant dans la société indépendamment des subjectivités qui la composent. Il en légitime l’étude en les apparentant à des faits sociaux tels qu’il les avait définis dans des écrits antérieurs : des « manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles5 ». Durkheim agrège aux représentations collectives les croyances religieuses, les mythes, la science et, en somme, l’ensemble des moyens d’appréhension du réel dont la société équipe ses membres. Dans ce sens, les représentations collectives s’approchent du concept de culture : ce sont des ressources cognitives et un moyen d’adaptabilité à la vie collective.

Cela dit, si cette théorie durkheimienne reste fondatrice dans les sciences sociales, elle sera longtemps considérée comme une élaboration théorique peu opérante pour la recherche. En effet, comment rendre compte de la concrétude de ce qui circule dans les esprits des individus souvent de façon inconsciente ? Comme le note Isabelle Danic, « par la notion de représentations collectives, Durkheim a le grand mérite de permettre de penser les représentations en tant que réalité sociale, de désigner ce pan du réel à prendre en compte pour expliquer les faits sociaux. Pour autant, la notion de "représentations collectives", en englobant toutes les constructions représentatives collectives (sens commun, idéologie, religion, science, mythe…), ne constitue pas un concept opératoire de recherche6 ».

Le concept est mis à l’épreuve du terrain par des psychosociologues (en tête desquels Serge Moscovici et Denise Jodelet) dans une série de travaux publiés à partir des années 1960. Par des enquêtes empiriques, la psychologie sociale s’attache à dévoiler les représentations sociales, à mettre à jour ce « concept perdu7 » et à décrire les usages sociaux de « cette connaissance qui permet de représenter et de se représenter la réalité sociale8 ». Publiée une première fois en 1961, la thèse fondatrice de Serge Moscovici intitulée La psychanalyse, son image et son public, consiste en un vaste sondage et une analyse de contenu de presse prenant pour thème la psychanalyse. L’ouvrage décrit de façon novatrice les représentations sociales qui encadrent la pensée collective à l’endroit de cette science très discutée. Les méthodologies élaborées par la suite sont inspirées de ce travail, y mêlant généralement des entretiens ou des observations9. Elles permettront notamment de cerner les motifs représentationnels qui contribuent à l’agencement des rapports de l’individu à la société et, en creux, à l’altérité. Jusqu’à aujourd’hui, les études de représentation en sciences sociales restent couramment inspirées par ces approches méthodologiques – du moins, elles y demeurent affiliées par leur démarche de dévoilement. C’est ainsi que le concept de représentation sociale apparaît comme une actualisation pratique de celui de représentation collective par la psychologie sociale.

Les représentations sociales et stéréotypes ethniques ajustés au récit filmique

La question de la représentation cinématographique d’un élément du réel invite à se pencher sur la médiation de ses images, sur les filtres qu’applique le cinéma à sa représentation sociale, sur les stéréotypes qui émergent de ce traitement médiatique. Les récits de cinéma se racontent à l’aune des représentations sociales en vigueur, proposant des représentations se référant et contribuant à l’imaginaire collectif. D’après ce principe, les industries produisant et diffusant des contenus audiovisuels fictionnalisent le réel en respectant des codes afin d’être compris par le public. On dira que ces industries s’emploient à représenter le réel par l’utilisation de codes éprouvés, empruntant des stéréotypes et des conventions narratives reconnues. Ce mouvement s’illustre particulièrement dans les films dits « grand public ». Destinées à toucher le public le plus large possible et à susciter le maximum d’identifications, ces fictions mettent en scène de représentations jugées consensuelles par leurs auteurs et proposent au marché des produits standardisés. Tandis que les représentations sociales aident les individus à comprendre le monde qui les entoure, les représentations cinématographiques balisent les films à l’intention du public.

Ainsi, quand nous parlons de la représentation de l’"Arabe" dans le cinéma français, nous traitons des mises en scène d’une figure minoritaire dans le cadre de longs métrages de fiction de production française. Ce qui nous intéresse, c’est ce que les chaînes de production du cinéma français font de la figure de l’"Arabe". Nous nous intéressons à la façon dont les discours cinématographiques font évoluer cette représentation minoritaire, et comment ses représentations filmiques interagissent avec sa représentation sociale.

Les études de représentations cinématographiques consistent couramment en l’inventaire des stéréotypes récurrents. Le stéréotype se présente comme un recours évident lors de l’écriture d’un récit, qui plus est cinématographique. Sa force d’évocation lui confère des fonctions constructives qui le rendent commode à une composition discursive ou narrative. Un stéréotype constitue l’image consensuelle d’un élément du réel en peu de traits. C’est une représentation finie, une réduction efficace de représentation sociale.

C’est à des études de littératures que nous devons cette mise en relation du triple rapport entre le stéréotype, la narration et les représentations sociales. Ce qu’a observé Ruth Amossy à propos du roman contemporain peut à ce titre éclairer notre propos : « Nous voyons la stratégie de lecture qui, à elle seule, permet au stéréotype de s’imposer. Le texte se remodèle selon les impératifs d’un schéma familier, extérieur au récit et reprenant la forme plus ou moins précise qui aurait été enregistrée dans la mémoire culturelle du lecteur. La lecture endosse toute la trame descriptive correspondant au schéma préexistant. Par là, on tronque, on élague et on efface. Toutes les nuances qui ne sont pas immédiatement utiles sont écartées10 ». Un personnage ou un décor filmique stéréotypé est particulièrement fonctionnel, car il a les qualités narratives pour signifier un élément de vie sociale sans s’étendre à son sujet et, donc, ne pas détourner le spectateur de la ligne conductrice du récit.

La notion de stéréotype, comme celles de cliché, d’idée reçue, de poncif et de lieu commun sont le plus souvent péjoratives dans le langage courant, mais également dans certains de leurs usages scientifiques11. Pour autant, l’« emploi vulgaire coexiste avec l’emploi savant qui dépasse quant à lui la question du manque d’originalité, pour poser dans toute son ampleur celle des médiations sociales et de la communication12 ». S’il y a du négatif dans le stéréotype, c’est dans les conséquences de certains de ses emplois, notamment en ce qui concerne les rapports interethniques ; comme le relève Georges Schadron, « les comportements discriminatoires tels que le racisme ou le sexisme s’accompagnent […] de représentations stéréotypées des groupes à l’égard desquels la discrimination s’exerce13 ». Ces stéréotypes « négatifs » se reflètent dans les représentations des minorités dans les films grand public en général et, en particulier, dans les représentations de l’"Arabe" dans le cinéma français.

Les études sur la représentation de l’"Arabe" dans le cinéma français

Nous allons désormais aborder les travaux ayant traité de la représentation de l’"Arabe" dans les fictions cinématographiques françaises. Concernant cet objet précis, les travaux sont relativement peu nombreux et, mus par le souci de dresser un panorama clair face à un important corpus de films, ils font généralement état des stéréotypes les plus récurrents. Les principales évolutions et ruptures représentationnelles ont émergé des marges du cinéma français, notamment de certains courants du cinéma dit « d’auteur ». À ce titre, il nous faut établir une clarification essentielle à propos des catégories de fictions dans lesquelles sont mises en scène les images minoritaires :

L’offre cinématographique française se décompose en deux types de fictions : un cinéma grand public (aussi nommé cinéma « populaire », « commercial », voire « de masse » ou « mainstream ») et un cinéma d’auteur (réductibles aux films labellisés « Art et essai »). Il est important de souligner cette distinction puisque, bien souvent, le cinéma d’auteur a promu des représentations progressistes qui ont pénétré le cinéma grand public même si l’évolution des contenus filmiques est également liée à des facteurs d’ordre social ou économique.

Les films grand public se distinguent du cinéma d’auteur car ils sont moins valorisés par la critique mais plus largement distribués. Dès leur mise en production, l’objectif est que ces films obtiennent du succès en termes d’entrées en salles. Le cinéma grand public n’a pas vocation à se contenter de succès d’estime. Il se définit d’emblée par un impératif commercial qui se justifie par les budgets investis et détermine une partie des contenus qu’il génère. Y sont mises en scène des représentations consensuelles, censées être reconnues de toutes les franges d’un public divers, un grand public qui « ne signifie pas disparition des barrières sociales mais mise en relation des identités et des différences14 », comme le définit Éric Maigret. Dès lors, les représentations cinématographiques ethnicisées sont censées être conçues de façon à réunir les spectateurs, peu importe le groupe ethnique duquel ils se reconnaissent.

Face au cinéma grand public, le cinéma d’auteur affiche une ambition esthétique en vue de contenter un public cultivé, « cinéphile ». Cette nature porte à la conservation d’une distance avec les standards et les représentations consensuelles. Si le cinéma grand public innove à petits pas pour assurer le renouvellement de son catalogue, le cinéma d’auteur prend l’innovation comme moteur. Cela s’observe dans les représentations qui y sont proposées, souvent à contre-courant de l’offre mainstream.

Les films grand public obtiennent généralement de meilleurs résultats que les films d’auteur en termes d’entrées en salles. Ils sont majoritaires et composent le terrain privilégié des études de représentation que nous avons consultées. Le fait qu’ils soient vus par le plus grand nombre leur confère un grand poids dans les analyses. Même s’il peut être affirmé que, peu importe son audience, toute fiction demeure signifiante, les résultats de billetterie restent une donnée pertinente au moment de discuter de l’impact de tel succès sur l’imaginaire du public. Or, jusqu’ici, cet hypothétique impact des fictions sur la société a souvent donné lieu à des commentaires d’ordre spéculatif ou à des critiques de la culture de masse. Lorsqu’un film obtient du succès, d’autres fictions reprennent son modèle, la répétition tendant à consolider les représentations. Mais il reste difficile d’admettre qu’un « petit film d’auteur » est stérile parce qu’il n’aurait obtenu qu’un modeste résultat de billetterie ou qu’il ne s’adresserait qu’à une simple frange du public. Inversement, ce n’est pas parce qu’une fiction attire plusieurs millions de spectateurs que chacun d’eux approuvent l’intégralité de son contenu comme des arguments de discours. Les données d’audience cristallisent bien une réalité, mais il semble abusif de considérer le grand public comme un ensemble homogène et passif.

Les études de représentation cinématographique ayant retenu notre attention abordent indifféremment ces deux types de fictions, laissant de côté les considérations esthétiques. Cette approche relève d’une inclination pour l’étude des produits culturels plus que celles des œuvres d’art qui fait écho aux théories légitimistes auxquelles reste sensible la recherche portant sur les pratiques culturelles, se gardant de tout élitisme esthétique afin de ne pas manquer les créations les plus signifiantes socialement. Les éléments pris pour données d’analyse incluent les fonctions narratives des personnages, leur épaisseur, les thématiques des fictions et la relation entre le cinéma et la société.

C’est l’approche historienne qui domine les textes ayant retenu notre attention. Nous proposons deux explications à cette prédominance dans le traitement des représentations filmiques. Tout d’abord, les représentations cinématographiques évoluent dans le temps comme certains stéréotypes sont perpétués un temps avant de disparaître et de laisser place à d’autres. Ces évolutions se tracent sur une toile de fond sociale et, par là, dessinent une histoire représentative des figures concernées. Ensuite, ce terrain peut s’aborder au regard des courants filmiques qui s’y succèdent. Par exemple, le cinéma antiraciste des années 1980 et le cinéma de banlieue des années 1990 sont des courants caractérisés par les préoccupations de leurs époques respectives.

L’étude la plus proche de l’exhaustivité et de notre objet est la thèse de l’historien Julien Gaertner intitulée L’image de l’’"Arabe" dans le cinéma français de 1970 à nos jours15. Partant d’un corpus de près de quatre-cents films, ce travail recoupe les différentes approches évoquées et décrit l’évolution des stéréotypes négatifs cédant peu à peu leur place à des contre-stéréotypes positifs. Gaertner découpe les quatre décennies étudiées en trois périodes : un « temps de l’imprégnation » de 1970 à 1982, un « temps de la fixation » de 1982 à 1995, et un « temps de l’apogée » de 1995 à 2009.

Au cours du « temps de l’imprégnation », la figure de l’"Arabe" dans le cinéma français est marquée par la guerre d’Algérie, par les chocs pétroliers et par une influence militante issue de Mai 68. Les représentations sont empreintes d’une imagerie coloniale nostalgique et mises en récit dans le cadre de stéréotypes majoritairement négatifs (autochtones, émirs grotesques, fellaghas invisibles, travailleurs immigrés misérables). Sur cette période, les personnages arabes concernent parfois les seconds rôles, le plus souvent la figuration. Ce sont des personnages d’arrière-plan qui figurent dans 5 % des fictions françaises, et qui 47 % du temps sont mis en scène dans des comédies16. Ces chiffres sont interprétés au regard de la politique de l’État français en matière d’immigration : « nous pouvons […] nous demander dans quelle mesure cette propension à moquer le personnage arabe s’inscrit dans l’esprit du temps. Ne faut-il pas voir dans cette attitude la légèreté de cinéastes et d’un public sensibles aux nouvelles politiques migratoires qui encouragent le retour au pays d’origine ? L’immigré maghrébin et le personnage arabe par extension ne sont pas invités à rester sur le territoire français en période de crise, ils ne sont que les ouvriers passagers qui doivent disparaître lorsque les temps se font durs17 ».

De 1981 à 1995, au « temps de la fixation », la présence des personnages arabes sur grand écran fait plus que doubler, concernant cette fois 12 % des fictions françaises du créneau (41 % de drames, 37 % de comédies, 17 % de films policiers)18. Cet accroissement « va de pair avec celui de la production de longs métrages mais aussi peut-être avec un esprit du temps qui prend conscience que l’immigration de travail s’est transformée en immigration de peuplement19 ». La figure s’impose peu à peu dans le cinéma hexagonal en incarnant des stéréotypes négatifs de délinquants dans une série de films policiers (« l’immigré s’installe et le cinéma s’inquiète20 »), ainsi que de nouveaux contre-stéréotypes positifs dans le cinéma social, à travers les films beurs et les films antiracistes (« en contrepied aux représentations classiques21 »). Là aussi, ces évolutions sont mises en relation avec le contexte social, à savoir les émergences du Front National et du discours antiraciste.

En 2001, l’historien Yvan Gastaut fait part de ses analyses concernant la représentation des immigrés dans le cinéma français des années soixante-dix et quatre-vingts. Les thématiques associées aux personnages d’immigrés et la quantité de ces personnages mis en images sont pour lui des données pertinentes relativement à la place qui est accordée aux populations représentée dans la société et l’imaginaire collectif. Il note que « parmi les différentes nationalités recensées en France pendant cette période, certaines n’ont guère suscité l’intérêt des cinéastes : Européens, Asiatiques, faiblement repérés par l’opinion, ont été peu mis en scène par rapport aux Maghrébins et Africains noirs, abondamment représentés22 ». En l’occurrence, la majeure partie des personnages recensés dans ce travail sont des Maghrébins. Et, en prêtant une attention particulière à ces personnages souvent cantonnés au second plan, il constate la persistance de certains stéréotypes et l’association répétée de l’immigration à certaines thématiques telles que la misère prolétarienne, le racisme et la délinquance. Partant du postulat qu’« une analyse de la production cinématographique française permet d’appréhender en partie la place des immigrés dans notre société23 », Gastaut s’applique à mettre en évidence les relations de ces images du minoritaire avec l’opinion publique. En marge du stéréotypage qui semble de rigueur dans les films grand public pris pour corpus, l’historien observe une croissance du nombre de figures de l’immigration sur grand écran (notamment dans des rôles positifs) et en induit que cela témoigne d’une intégration en marche de ces personnages à la société française.

Dans un texte synthétique datant de 2007, la sociologue Amal Bou Hachem réalise un inventaire des stéréotypes ayant cadré les représentations de l’« étranger » dans les films de fiction français des années trente aux années quatre-vingt-dix. Sa définition de l’étranger englobe les enfants d’immigrés, « ces étrangers qui n’ont pas effectué de migration mais sont toujours considérés comme étrangers24 ». Bou Hachem constate que la majeure partie de ces représentations minoritaires sont des images de Maghrébins. Sa revue présente des stéréotypes récurrents : l’« étranger porteur de valeurs » utile au cinéma militant, le « travailleur misérable et victime », le « porteur de désordre », le « banlieusard » et le « restaurateur de valeurs ». L’essentiel des stéréotypes relevés sont négatifs et ce qui transparaît de nouveau, c’est l’étroite relation entre le contenu des fictions et les représentations sociales. Mais, faisant écho à l’optimisme de Gastaut, la sociologue note une diversification des figures minoritaires en citant des fictions issues des courants appelés beurs25 et de banlieue26.

C’est précisément à travers ces deux courants que la chercheuse anglaise Carrie Tarr a été amenée à traiter des représentations des minorités ethniques dans le cinéma français dans le cadre théorique des études filmiques. Son observation porte sur 130 courts, moyens et essentiellement longs métrages distribués entre 1982 et 2003. C’est indirectement qu’elle accède à la question sociale puisque son étude en vient à mettre en valeur que, dans l’histoire du cinéma français, les courants beurs et de banlieue ont fait évoluer l’image des minorités ethniques de façon significative en proposant des représentations inédites et salvatrices : « Le produit des cinémas beur, de banlieue et algérien en France constitue un tournant pour le cinéma français contemporain quant à sa façon de raconter la nation. Traitant d’une problématique spécifiquement française, – la place des minorités ethniques postcoloniales à l’intérieur de la société française – ces films construisent des images de la France très différentes de celles des conventions régissant le cinéma français. Le mérite de ces cinéastes est à la mesure de l’influence qu’ils ont eu ; grâce à eux, les images d’une France multiethnique et plurielle n’est plus reléguée aux marges du cinéma français, mais sont régulièrement montrées au grand public27 ». C’est donc des marges de la création cinématographique française, champ propice aux discours minoritaires ou alternatifs (ce qu’Edgar Morin nomme « zone marginale » de l’industrie culturelle d’« où les auteurs peuvent s’exprimer28 »), que la représentation médiatique de l’"Arabe" a pu être enrichie de nuances.

Cela nous mène enfin à la période que Gaertner identifie comme le « temps de l’apogée », qui débute en 1995 et s’achève avec l’observation de l’historien, en 2009. Son étude de l’image de l’"Arabe" l’amène à affirmer qu’au milieu des années 1990 « des revendications politiques et de nouveaux questionnements identitaires […] se font jour29 », notamment au travers des films de banlieue. Le succès du film de Mathieu Kassovitz accompagné d’autres fictions comme Ma 6-T va crack-er ou Raï imposent à l’écran une nouvelle banlieue de cinéma, notablement pluriethnique. Bien que ce courant soit issu d’un cinéma d’auteur militant, certains de ses motifs représentationnels seront repris et détournés par le cinéma grand public. Ainsi, des fictions récréatives comme Le ciel, les oiseaux… et ta mère !30, Yamakasi31 ou Banlieue 1332 remporteront des succès commerciaux en mettant en scène des castings pluriethniques, en prenant la « cité » comme décor et en accompagnant l’action de rap. C’est notamment dans une série de comédies de banlieue que l’"Arabe" se trouvera mis en scène au cœur d’une « banlieue pluriethnique et sympathique33 », renversant les stéréotypes négatifs des périodes précédentes.

C’est également dans la seconde partie des années 1990 et au début de la décennie suivante que bon nombre de comédiens d’origine maghrébine se hisseront au rang de vedettes du grand écran. Des rôles charismatiques seront ainsi confiés à Jamel Debbouze (dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre34), Samy Naceri (dans la saga Taxi35) ou Ramzy Bédia (en duo avec Éric Judor dans La tour Montparnasse infernale36) qui, parmi d’autres, contribueront à renouveler les têtes d’affiches du cinéma français. Ces deux dernières décennies, des « héros » et des premiers rôles ont pu afficher une arabité sans que cela ait pu décourager des producteurs. Pour cause, les films de banlieue ont démontré leur rentabilité et, toujours sur le versant économique, cette période correspond à une démocratisation de l’offre cinématographique qui, jusqu’au milieu des années 1990, se trouvait éloignée des banlieues françaises. C’est en effet à cette période qu’ouvrent les premiers multiplexes français, augurant un modèle de complexe cinématographique amené à dominer l’exploitation française en délocalisant une partie de l’offre à la périphérie des grandes agglomérations, soit au plus près du lieu de vie de la majorité de la population d’origine maghrébine37. Ce facteur relatif à la géographie de l’offre peut être mis en rapport avec la multiplication de films destinés au grand public proposant des têtes d’affiche d’origine maghrébine, ainsi que la valorisation des représentations cinématographiques d’une figure de l’"Arabe" désormais intégrée à cette industrie culturelle.

Dans un texte datant de 2003, Alec G. Hargreaves, sociologue américain et francophile, fait part de ses réflexions sur cette présence croissante des représentations de l’ethnicité sur grand écran, sans faire de parallèle systématique avec l’actualité sociale. Son observation fait plutôt état d’une multiplication des personnages arabes sur grand écran ainsi qu’un plus grand nombre de castings colour-blind. Des rôles non ethnicisés sont confiés à des comédiens d’origine maghrébine (Samy Nacéri joue Daniel dans les quatre volets de Taxi, Jamel Debbouze joue Lucien dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain38) et des comédiens sans origine maghrébine interprètent des "Arabes" (Aure Attika joue Nassera dans La faute à Voltaire39, David Saracino joue Yacine dans Il était une fois dans l’Oued40). Ces facettes de l’évolution des représentations de l’ethnicité participent, selon lui, à des processus de « reconnaissance » et de « banalisation » de la population d’origine maghrébine au sein de l’industrie cinématographique. Même si Hargreaves écrit qu’« il serait ontologiquement absurde de s’attendre à ce que le cinéma reflète, de manière exhaustive, tous les composants de telle ou telle société41 », il considère que ces nouvelles mises en scène de l’ethnicité contribuent à « une évolution positive42 » rejoignant l’optimisme de Gastaut. Or, chez Hargreaves, le gain de visibilité des « minorités post-coloniales » dans les fictions françaises et le renversement de leurs stéréotypes sont des dynamiques s’expliquant avant tout par des choix de carrière individuels d’artistes (comédiens, réalisateurs et scénaristes) d’origine maghrébine.

L’idée que les représentations filmiques évoluent dans le temps est reprise mais, tandis que Gaertner, Gastaut et Bou Hachem insistent sur l’influence de facteurs externes au cinéma dans cette dynamique représentative, Tarr et Hargreaves notent qu’une impulsion survient aussi de l’intérieur du secteur cinématographique via l’innovation créative qui caractérise les industries culturelles, notamment ses marges. Comme le note Edgar Morin, « un film peut être conçu en fonction de quelques recettes standard (intrigue amoureuse, happy end), il doit avoir sa personnalité, son originalité, son unicité43 ». Morin affirme que le propre des consommations culturelles est d’exiger des produits « toujours nouveaux44 ». Et, pouvons-nous ajouter, toujours plus en phase avec les représentations sociales dans leur contemporanéité. Le plus grand nombre d’artistes d’origine maghrébine qui s’imposent dans cette industrie peut également être pris en compte comme une avancée logique du secteur lors d’une période où la notion de diversité est imposée comme idéal politique. Le renouvellement des représentations cinématographiques semble donc résulter de ces deux principaux types de facteurs : des facteurs externes observables issus de la vie sociale, des tendances de l’opinion publique, ainsi que des facteurs internes liés à la logique novatrice inhérente à l’industrie cinématographique.

Les représentations travaillées par l’industrie cinématographique

Professionnels de l’industrie culturelle, public, critique et politiques interagissent sur le terrain culturel et médiatique. La question des représentations minoritaires massivement médiatisées appelle des recherches en sciences sociales parce qu’une constellation d’acteurs sociaux y sont engagés.

Le sociologue interactionniste américain Howard S. Becker montre que de multiples agents sont impliqués dans les processus de création artistique. Il décrit l’œuvre d’art comme le fruit d’une « chaîne de coopération », d’une « activité collective ». Dans le cadre de la culture de masse et de l’industrie culturelle où, pour reprendre les mots de Morin, « la création tend à devenir production45 », l’artiste (ou l’auteur) tient un rôle majeur, mais il n’est pas l’unique responsable de la création. « L’artiste se trouve […] au centre d’un réseau de coopération dont tous les acteurs accomplissent un travail indispensable à l’aboutissement de l’œuvre. Chaque fois que l’artiste dépend d’autres personnes, il y a une chaîne de coopération46 ». Becker prend l’exemple du générique de fin d’un film hollywoodien pour illustrer l’idée que plusieurs professions participent à l’aboutissement d’un projet artistique47. Qu’il s’agisse de scénaristes, metteurs en scène, techniciens, comédiens, maisons de production, des chaînes de télévision ou des exploitants de salles de cinéma, divers agents travaillent conjointement à la réalisation de films, et leurs intérêts se retrouvent en tension au sein de mêmes projets.

La sociologie des productions et consommations culturelles nous invite à considérer la relation entre l’industrie culturelle et la sphère publique. Un projet filmique est tiraillé par les conceptions et intérêts divergents des acteurs de la sphère médiatique et, dans ces conditions, la chaîne de coopération se trouve émaillée de tensions. Le produit fini synthétise un consensus et, dans la mesure où ce produit est destiné à être distribué, ce consensus se fixe selon les goûts prêtés au grand public. Ainsi, l’on comprend mieux pourquoi le cinéma grand public tente de cerner et d’exploiter les représentations les plus largement partagées dans la société. Car toute la diversité des professionnels investis dans l’industrie culturelle s’entend sur un enjeu : celui du succès commercial, et cet objectif d’ordre économique est à la base de toute négociation entre les partis. Les artistes eux-mêmes ne peuvent complètement ignorer cet enjeu car le succès est le meilleur moyen de se mettre en position de créer de nouveau. Ainsi, ceux qui ont directement la main sur le contenu des récits (les auteurs, cinéastes et scénaristes) sont contraints de représenter la société selon des convenances commerciales.

La représentation des minorités et le public : économie, politique culturelle, lutte symbolique

La pression commerciale est d’autant plus forte que les coûts de production cinématographique sont plus importants que dans la plupart des autres domaines de création. La réalisation d’un film demande plus de moyens humains et financiers que, par exemple, l’écriture poétique. Ces investissements correspondent notamment à l’ambition de diffusion massive qu’impose un secteur cinématographique français doté de vastes réseaux de distribution et d’un parc d’exploitation d’un haut niveau de développement, que ce soit au niveau du nombre de salles ou de la qualité des équipements d’accueil et de projection. Hormis une partie du cinéma d’art et essai, l’essentiel des films français sont produits puis distribués dans le but de fédérer le grand public.

Or, il est extrêmement difficile, voire impossible, de prévoir ce que le grand public choisira ou non de consommer. Face à cet « environnement incertain48 », diverses stratégies sont adoptées afin de réduire les risques d’échec. La stratégie la plus élémentaire est le recours aux conventions, ces structures élémentaires pouvant être reconnues de tous les membres d’une société. Becker précise à propos des conventions qu’« elles permettent à ceux qui n’ont pas, ou presque pas, de formation classique dans l’art en question de former un public, c’est-à-dire d’écouter de la musique, lire des livres, aller voir des films ou des spectacles, et d’en retirer quelque chose. […] Les formes d’art qui s’adressent au public le plus large possible dans une société exploitent pleinement cette ressource49 ». La pression économique incite donc à la répétition de modèles éprouvés, ce qui revient notamment à contenir le travail des cinéastes dans le cadre de conventions narratives courantes, et implique le stéréotypage des catégories sociales mises en scènes. L’industrie culturelle est indisposée à distribuer ce qui ne s’accorde à aucune convention que ne pourrait partager un public suffisamment nombreux.

C’est donc par l’économie que s’insère les goûts du public comme argument de négociation entre les différents acteurs de la création. Les spectateurs ne sont pas absents du jeu d’interactions qui anime la production : ils interviennent sur le travail des différents acteurs de l’industrie cinématographique à travers la notion de public. Le public, bien qu’impersonnel, est omniprésent. Il est une préoccupation à chaque niveau de la production. Ainsi, les recours aux conventions, aux représentations sociales, aux stéréotypes sont contraints par un public dont les goûts sont sans cesse réévalués au regard des données d’audience (les chiffres de billetterie ou de box-office pour le cinéma).

Toutefois, il convient de noter que les interactions entre l’industrie cinématographique et la sphère publique ne se résument pas en un rapport strictement économique. La teneur des fictions évolue au fil des tendances de consommation, certes, mais elle demeure perméable aux tensions sociales et aux politiques culturelles.

Les spectateurs influent sur le cours des images par leurs choix de consommation, mais également en critiquant l’offre culturelle à leur disposition. Certains considèrent la mise en scène de leur image comme un levier de reconnaissance sociale et résistent aux conventions de leur représentation médiatique. Ils peuvent éventuellement se constituer en identité réactive afin de mener une lutte symbolique par les voies du militantisme comme cela fut le cas à la fin des années 1990 dans le domaine télévisuel50. La production de représentations s’en trouve impactée lorsque les politiques publiques en viennent à refléter cette résistance critique, ou lorsqu’un courant tel que le cinéma de banlieue des années 1990 se fait le porte-voix d’expressions minoritaires et parvient à imposer de nouvelles représentations par le succès en salles.

Depuis la fin des années 1990, la politisation de la question de la représentation médiatique des minorités a abouti à une reconnaissance juridique de la discrimination dans le domaine audiovisuel51. Fut mise en place une politique volontariste symbolisée par les multiples actions du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), des « injonctions à la diversité »52, et la création d’un département de la culture et de l’information au sein de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé). Cet élan a eu son incidence sur le cinéma, puisque l’Acsé et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ont la charge depuis 2007 d’animer la Commission Images de la diversité afin d’aider le financement de films privilégiant « des thématiques nouvelles et originales concernant l’histoire, la mémoire ou la représentation des populations issues de l’immigration53 ».

Conclusion

À l’endroit même où se pose la question de la représentation de l’"Arabe", la vocation commerciale de l’industrie cinématographique croise la politique culturelle de l’Etat. La lutte symbolique dont la représentation des minorités ethniques est l’enjeu révèle une intrication d’intérêts parfois opposés. L’étude des représentations cinématographiques révèle une industrie perméable aux tensions sociales. La production des images ethnicisées médiées par la fiction commerciale relève d’une collaboration au mécanisme démocratique. Puisque les contenus s’adaptent au public (à ses consommations, à ses configurations identitaires), le jeu d’interactions dont ils relèvent n’est pas moins démocratique parce que commercial.

Il est essentiel de saisir que le public n’est un ensemble ni homogène ni passif face aux représentations qui lui sont proposées par le cinéma. Et face aux spectateurs, l’industrie cinématographique reste un champ ouvert à de nouvelles images, en atteste le renouvellement perpétuel de ses conventions représentationnelles.

L’"Arabe" du cinéma français est une image soumise à des conditions de mise en scène définies non seulement par des partis commerciaux ou artistiques, mais également par des conceptions politiques. Plus largement, la société civile constituée en grand public dispose de moyens démocratiques de validation ou d’invalidation des représentations qui sont projetées pour son bon loisir. Le cours des représentations cinématographiques de l’"Arabe" tient à des facteurs internes à l’industrie culturelle (dynamiques novatrice du secteur, émergence de courants artistiques, choix de carrière « engagée » par les artistes) mais également à des facteurs externes (représentations sociales, goûts et consommations du public, injonctions politiques).

Notes de bas de page numériques

1 Le projet EcrIn est financé par l’Agence nationale de la recherche pour une durée de trois ans (février 2012 à février 2015).

2 Julien Gaertner et Yvan Gastaut, « Quand les écrans saisissent l’histoire des "Arabes" en France », Migrations société, vol. 26, n° 151, janvier-février 2014, p. 43.

3 Bruno Péquignot, « La sociologie face à l’image », in Maghreb et sciences sociales 2009-2010. Socio-anthropologie de l’image au Maghreb, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 198.

4 Émile Durkheim, « Représentations individuelles et représentations collectives », [1898], édition numérique de l’Université du Québec à Chicoutimi, 2002, pp. 16-17.

5 Émile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique [1894], édition numérique de l’Université du Québec à Chicoutimi, 2002, p. 18.

6 Isabelle Danic, « La notion de représentation pour les sociologues. Premier aperçu », Espaces et sociétés, n° 25, décembre 2006, p. 29.

7 Serge Moscovici, La psychanalyse, son image et son public [1961], Paris, Puf, 2004, p. 39.

8 Serge Moscovici, « Préface », in Denise Jodelet, Folies et représentations sociales, Paris, Puf, 1989, p. 15.

9 Pour un panorama des études et élaborations méthodologiques en psychologie sociale ayant suivi La psychanalyse, son image et son public, voir : Serge Moscovici (dir.), Psychologie sociale, Paris, Puf, 1984.

10 Ruth Amossy, « Stereotypes and representation in modern fiction » in Poetics Today, vol. 5, n° 4, Duke University Press, Durham, 1984, pp. 692-693. Traduit par nous.

11 Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés [1997], Paris, Armand Colin, 2005, pp. 26-29.

12 Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés [1997], Paris, Armand Colin, 2005, p. 29.

13 Georges Schadron, « De la naissance d’un stéréotype à son internalisation », Cahiers de l’Urmis, n° 10-11, 2006, paragraphe 1.

14 Éric Maigret, Sociologie de la communication et des médias, Paris, Armand Colin, 2003, p. 172.

15 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010.

16 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 31.

17 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 275.

18 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 779-824.

19 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 281.

20 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 277.

21 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 334.

22 Yvan Gastaut, « Cinéma de l’exclusion, cinéma de l’intégration : les représentations de l’immigré dans le cinéma français (1970-1990) », Hommes et migrations, n° 1231, mai-juin 2001, p. 54.

23 Yvan Gastaut, « Cinéma de l’exclusion, cinéma de l’intégration : les représentations de l’immigré dans le cinéma français (1970-1990) », Hommes et migrations, n° 1231, mai-juin 2001, p. 54.

24 Amal Bou Hachem, « Les étrangers dans la fiction française : regards sociologiques », Sociétés, n° 96, 2007/2, p. 30.

25 L’on rattache au courant beur les films dont les auteurs sont d’origine maghrébine et dont les récits traitent spécifiquement de l’expérience franco-maghrébine. Ancrés dans les années 1980, les films correspondant à ce courant ont souvent été réalisés avec des budgets limités et n’ont obtenu que des résultats modérés en termes d’entrées en salles. Le titre beur emblématique est Le thé au Harem d’Archimède (1985) de Mehdi Charef tiré du roman Le thé au harem d’Archi Ahmed (1983) du même auteur.

26 Les films de banlieue des années 1990 sont des films traitant de l’expérience banlieusarde, prolétarienne et pluriethnique. L’appartenance à la banlieue prend le pas sur l’appartenance à la minorité maghrébine, si l’on veut distinguer ce courant des films beurs. La Haine (1995) de Mathieu Kassovitz reste aujourd’hui le plus grand succès public et critique de ce courant, ayant cumulé près de deux millions d’entrées en salles et remporté, entre autres prix, le César du meilleur film lors de la cérémonie de 1996.

27 Carrie Tarr, Reframing difference : beur and banlieue filmmaking in France, 2005, Manchester, Manchester University Press, p. 210. Traduit par nous.

28 Edgar Morin, L’esprit du temps, [1962], Paris, Armand Colin/INA, 2008, p. 46.

29 Julien Gaertner, L’image de l’"Arabe" de 1970 à nos jours, thèse de doctorat, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 501.

30 Le ciel, les oiseaux et… ta mère ! de Djamel Bensalah, sorti en salles le 20 janvier 1999.

31 Yamakasi d’Ariel Zeitoun, sorti en salles le 4 avril 2001.

32 Banlieue 13 de Pierre Morel, sorti en salles le 10 novembre 2004.

33 Jean-Philippe Blanchard, « Humour et altérité dans le cinéma français contemporain : de l’essor des comédies de banlieue à un nouvel humour ethnicisant (1999-2013) », à paraître.

34 Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, sorti en salles le 30 janvier 2002.

35 Taxi de Gérard Pirès, sorti en salles le 8 avril 1998 ; Taxi 2 de Gérard Krawczyk, sorti en salles le 29 mars 2000 ; Taxi 3 de Gérard Krawczyk, sorti en salles le 29 janvier 2003 ; Taxi 4 de Gérard Krawczyk, sorti en salles le 14 février 2007.

36 La tour Montparnasse infernale de Charles Nemes, sorti en salles le 28 mars 2001.

37 Jean-Philippe Blanchard, « Multiplexes, public de banlieue et création cinématographique française : caractère marchand de l’ethnicité sur grand écran », Migrations Sociétés, vol. 26, n° 151, janvier-février 2014, pp. 153-163.

38 Le fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, sorti en salles le 25 avril 2001.

39 La faute à Voltaire d’Abdellatif Kechiche, sorti en salles le 14 février 2001.

40 Il était une fois dans l’Oued de Djamel Bensalah, sorti en salles le 19 octobre 2005.

41 Alec G. Hargreaves, « La représentation cinématographique de l’ethnicité en France : stigmatisation, reconnaissance et banalisation », Questions de communication, n° 4, 2003, p. 132.

42 Alec G. Hargreaves, « La représentation cinématographique de l’ethnicité en France : stigmatisation, reconnaissance et banalisation », Questions de communication, n° 4, 2003, p. 137.

43 Edgar Morin, L’esprit du temps [1962], Paris, Armand Colin/INA, 2008, p. 38.

44 Edgar Morin, L’esprit du temps [1962], Paris, Armand Colin/INA, 2008.

45 Edgar Morin, L’esprit du temps [1962], Paris, Armand Colin/INA, 2008, p. 42.

46 Howard S. Becker, Les mondes de l’art [1982], Paris, Flammarion, 2010, p. 49.

47 Howard S. Becker, Les mondes de l’art [1982], Paris, Flammarion, 2010, pp. 35-36.

48 Howard S. Becker, Les mondes de l’art [1982], Paris, Flammarion, 2010, p. 140, s’appuyant sur les analyses de Paul Hirsch.

49 Howard S. Becker, Les mondes de l’art [1982], Paris, Flammarion, 2010, p. 69.

50 Dans le domaine télévisuel, des membres de la société civile, au sein du Collectif Égalité, ont interpellé les pouvoirs publics afin de revendiquer une meilleure représentativité des « minorités visibles » dans les médias français. Cette initiative a gagné l’attention du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), ce qui aboutit à un rajout au cahier des charges des chaînes de télévisions publiques, enjointes depuis 2001 à représenter « la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale » dans leurs programmes. Voir Magali Nayrac, « La question de la représentation des minorités dans les médias, ou le champ médiatique comme révélateur d’enjeux sociopolitiques contemporains », Cahiers de l’Urmis, n° 13, 2011.

51 La loi du 9 mars 2006, dite « loi sur l’égalité des chances », reconnaît la discrimination dans le domaine audiovisuel.

52 Éric Macé, « Des "minorités visibles" aux néostéréotypes, les enjeux des régimes de monstration télévisuelle des différences ethnoraciales », in Journal des anthropologues, hors-série, 2007, paragraphe 15.

53 Dominique Dubois (directeur général de l’Acsé) dans sa préface au bilan 2007 des Images de la diversité, p. 2. À noter que, depuis janvier 2015, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) remplace l’Acsé dans bon nombre de ses missions, reprenant notamment la tutelle de la Commission Images de la diversité.

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Pour citer cet article

Jean-Philippe Blanchard, « Regards sur l’"Arabe" du cinéma français : question de représentation, enjeu de lutte symbolique », paru dans Loxias-Colloques, 7. Images de l’Oriental dans l’art et la littérature, Regards sur l’"Arabe" du cinéma français : question de représentation, enjeu de lutte symbolique, mis en ligne le 08 mai 2016, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=819.

Auteurs

Jean-Philippe Blanchard

Jean-Philippe Blanchard est doctorant en sociologie à l’Université Nice Sophia Antipolis : « Le cinéma français et les minorités ethniques ». Il fait partie du laboratoire Unité de recherches Migrations et société (Urmis). Ses travaux sont dirigés par Christian Rinaudo et Yvan Gastaut.