Loxias-Colloques |  6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900 

Véronique Dorbe-Larcade  : 

L’expérience tahitienne de Joseph Banks (1743-1820)

Résumé

Joseph Banks présida la Royal Society, de 1778 à 1820. Pourtant ces quatre longues décennies ont moins compté, sans doute, dans le déroulement de son existence que les quelques semaines qu’il passa à Tahiti en 1769 ; d’où l’empan chronologique indiqué dans le titre. L’expérience tahitienne de Banks met en jeu une imbrication de temporalités qu’il s’agit de démêler en revenant sur les circonstances de son séjour dans cette île, puis en identifiant les moments et les événements qui l’articulent pour s’interroger finalement sur sa durée exacte.

Abstract

Joseph Banks used to be Royal Society President from 1778 to 1820. Nevertheless all these 40 long years meant less indeed in his existence than the very few weeks he spent in Tahiti in 1769; hence the chronological sequence noted in the title. Tahiti for Banks is first and foremost a complex time-related experience. The assertion implies to emphasize the circumstances of his stay in the island, the point being to identify the different types of events and situations that rhythm it to discuss finally the exact duration of this experience.

Index

Mots-clés : Banks (Joseph) , contact, Tahiti, temporalité

Keywords : first Contact , Joseph Banks, Tahiti, time

Plan

Texte intégral

À l’occasion de l’expédition de l’Endeavour, premier des trois voyages effectués sous le commandement de James Cook dans le Pacifique, Joseph Banks (1743-1820) a séjourné dans l’île de Tahiti, du 13 avril au 13 juillet 1769 ; soit un peu plus de douze semaines en tout seulement. Il ne s’agit que d’un moment du temps passé par cette expédition dans l’espace qui est, à présent, celui de la Polynésie française. Après avoir fait route à travers l’archipel des Tuamotu (atteint le 4 avril 1769) l’expédition a continué à croiser pendant un mois dans les îles de la Société (du 13 juillet jusqu’au 14 août 1769). Cet épisode n’est lui-même qu’une fraction des trois années qui furent nécessaires à l’accomplissement du premier voyage de Cook dans le Pacifique, du 25 août 1768 au 12 juillet 17711, tout au long duquel Joseph Banks a tenu un Journal. Il n’en demeure pas moins que l’escale de Tahiti occupe dans ce texte, comme dans la vie de ce personnage, une place cruciale. Le travail de traduction et d’édition critique de cette partie de cet Endeavour Journal en cours d’achèvement est fondé sur cette conviction2.

Une remarquable édition anglaise de ce texte fait référence. Celle, procurée et publiée en deux volumes, à Sydney, en 1962, par John Cawte Beaglehole, le grand spécialiste de Cook, auteur également de l’édition de référence des Journaux de voyage de ce dernier.

Par ailleurs, la substance de l’Endeavour Journal de Banks a déjà aussi été utilisée et mise en perspective. Il constitue une source majeure pour deux indispensables ouvrages d’inspiration anthropologique traitant de Tahiti, avant et au tout début de la présence européenne. Il s’agit de l’Ancient Tahitian Society de Douglas Oliver, paru en 1974 et du récent Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti d’Anne Salmond (2009).

Ces travaux et leurs prémisses qui s’imposent par leur pertinence et leur efficacité, paraissent interdire qu’on puisse aborder autrement le texte de Banks. Il est peut-être envisageable, néanmoins, de justifier la légitimité d’un simple point de vue historien à partir de deux interrogations élémentaires : qu’est-ce Banks a appris de Tahiti ? Que peut-on en apprendre ? S’impose dès lors un retour sur les circonstances de l’expérience que fait Joseph Banks à Tahiti (et de Tahiti) et donc sur sa contextualisation. Tout comme devient évidente la superposition de temporalités qui est au cœur de cette expérience. Son inscription particulière dans la durée achevant de convoquer des notions et des préoccupations fortes de l’épistémologie historique3.

Les circonstances

Ainsi faut-il revenir sur les conditions qui façonnent ce que Banks a vécu d’original à Tahiti. Ce n’est pas exactement alors que se produit le premier contact entre Polynésiens et Européens dans l’île. L’équipage de l’Endeavour a été précédé par celui du Dolphin, premier navire venu d’Angleterre, à jeter l’ancre dans la baie de Matavai4. C’est forts des informations recueillies au cours de ce voyage, accompli sous le commandement du capitaine Samuel Wallis, que les membres de l’expédition conduite par James Cook débarquent à Tahiti. L’expérience acquise par les hommes du Dolphin dont certains figurent parmi l’équipage de l’Endeavour est précieuse et l’on s’y réfère souvent5. De plus, quelques mois après le séjour de Wallis, Bougainville, l’équipage et les passagers de la Boudeuse et de l’Etoile, les deux vaisseaux de son tour du monde, étaient passés à Tahiti. Mais les hommes de l’Endeavour, n’en savaient rien en arrivant, à leur tour, dans l’île6.

En tout état de cause, il revient à ces derniers d’avoir effectué le premier séjour européen prolongé à Tahiti, Samuel Wallis et ses hommes n’étant restés qu’un mois tandis que Bougainville et les siens ne s’étaient pas attardés plus de dix jours7.

Pour autant, les informations fournies par Joseph Banks ne sont pas sans soulever des problèmes, à deux titres au moins.

D’une part, Joseph Banks ne comprend pas tout de ce qu’il rapporte des gens et des choses de Tahiti8. La communication est difficile. Les hommes de l’Endeavour ne maîtrisent que bien peu le reo tahiti, la langue parlée par les Polynésiens de l’île, pas plus que ces derniers ne pratiquent véritablement l’anglais. On dialogue essentiellement par gestes9. Mais les problèmes de compréhension sont aggravés par les systèmes de référence différents de part et d’autre. L’obstacle ne tient pas tant aux mots que, bien plus profondément, aux concepts, en matière religieuse tout particulièrement.

Faute de bien saisir celui de « mana », Joseph Banks ne rapporte que très incomplètement la visite du jeune Teriirere au campement établi par l’expédition britannique. Il note simplement qu’il perçoit que ce dernier est l’objet de marques de très grand respect et qu’il est surpris qu’on empêche obstinément le petit garçon d’entrer à l’intérieur de l’enceinte. Il faut recourir au journal de Cook pour savoir plus précisément que cet arii (c’est-à-dire personnage de haut rang, chef) arrive, porté sur les épaules de l’un des hommes de sa suite. Ce n’est qu’à la lumière des principes religieux des anciens Polynésiens que l’on peut saisir ce qui est vraiment en jeu. Il ne s’agit pas exactement d’une démonstration de révérence. En effet, aux yeux de leurs sujets, il émane de Teriirere et de son épouse qui l’accompagne, parce qu’ils sont de très grands arii, ce que l’on peut décrire comme une extraordinaire puissance spirituelle ou mana. Le fait de les porter ou de leur interdire l’accès du « fort Vénus » a pour but d’empêcher qu’ils rendent « tapu » (interdit) le sol qu’ils auraient foulé. Plutôt qu’une manifestation de déférence à l’endroit de ces arii, on peut considérer que l’on a plutôt affaire à une mesure d’ordre prophylactique au bénéfice des hommes de l’Endeavour10.

Joseph Banks reconnaît, lui-même, sans ambages, son incapacité à comprendre ce à quoi il est confronté au cours de son séjour tahitien. C’est le cas, lorsqu’il se trouve face à une effigie de forme humaine en vannerie, représentant Maui, le demi-dieu et grand héros de la mythologie polynésienne :

The image was calld by them Mauwe; they said it was the only one of the kind in Otahite and readily attempted to explain its use, but their language was totally unintelligible and seemed to refer to some customs to which we are perfectly strangers11

Par ailleurs, tout n’est pas mentionné de ce qu’a dit et fait Joseph Banks à Tahiti. Ce que l’on peut apprendre auprès d’autres membres de l’expédition, permet de le vérifier. Ainsi au tout début du séjour des Anglais à Tahiti, Buchan, l’un des deux artistes peintres de l’expédition, décède. Banks mentionne évidemment ce fait, ainsi que les funérailles précipitées qui furent célébrées, en raison de la grande chaleur. Mais il omet d’indiquer que c’est à son instigation et suivant son avis, que Cook a procédé à l’immersion du cadavre au large plutôt qu’à un enterrement12. Est-ce parce qu’il se concentre sur les rencontres et les observations « extérieures » au détriment des faits « internes » propres à la communauté que forment les membres de l’expédition ? Ou bien, en ne mentionnant pas dans son journal qu’il a avancé, contre l’inhumation de Buchan, des arguments qui relèvent d’une certaine méfiance à l’égard des Tahitiens, prend-il une sorte de posture – celle de la bienveillance et même de la cordialité envers les « naturels » – peut-être un peu moins authentique, en réalité, qu’il ne l’affiche13 ?

Il est clair, en tout cas, que Joseph Banks observe la plus grande discrétion – pour ne pas dire qu’il occulte complètement – dans son journal, les liaisons et relations de nature sexuelle entretenues avec des Tahitiennes, par les hommes de l’Endeavour. Il mentionne, à plusieurs reprises, à partir du 12 mai 1769, la présence de Teatea qu’il nomme « my flame » ou cite parmi ses « amis »14, sans donner plus d’indices du fait qu’elle est sa maîtresse attitrée et que les gentlemen (les « messieurs »), c’est-à-dire les scientifiques et spécialistes civils de l’expédition en ont chacun une15. Or l’existence de ces rapports avec des femmes maohi détériore gravement la cohésion du groupe. Les officiers et les gentlemen ne sont pas les seuls concernés. Il en va de même pour l’équipage. Au point que se trouvent mises en cause la discipline et l’autorité du capitaine Cook. Ce dernier tente d’interdire à ses marins la fréquentation des Tahitiennes. Sa grande préoccupation est d’empêcher la propagation des maladies vénériennes. Or, non seulement ses consignes ne sont pas suivies puisqu’on désobéit systématiquement à ses ordres dans ce domaine, mais, de plus, la mutinerie menace16. Par ailleurs, des tensions naissent entre Banks et ses compagnons, à cause de ces liaisons. Le 19 juin, Joseph Banks et le chirurgien William Monkhouse se disputent violemment. Ils paraissent même sur le point de se battre en duel pour régler leur différend. Ce n’est qu’au bout de deux semaines (3 juillet) que les deux hommes arrivent à se réconcilier apparemment17. Pas plus que le journal de Banks, celui de Cook ne mentionne cet incident, animés l’un et l’autre de l’évidente intention de présenter l’expédition et ses participants sous le meilleur jour possible et souhaitable. C’est seulement en recoupant les informations et en s’appuyant sur le Journal de Sydney Parkinson, le dessinateur, que l’on peut rétablir la réalité des faits en l’occurrence.

Il n’en demeure pas moins que l’Endeavour Journal de Joseph Banks est un document authentiquement révélateur. Il informe sur la sensibilité particulière de l’homme « nouveau » qu’est son auteur. Ce dernier n’est pas exactement un parvenu. Il est bien un héritier : celui d’une famille de la gentry dont l’ascension sociale est relativement récente certes, mais solidement assise néanmoins18. Elle repose sur une réussite foncière, construite autour du domaine de Reversby Abbey, dans les Fens, près de Boston, Lincolnshire. Le grand-père, puis le père de Joseph Banks ont été à l’avant-garde du mouvement des enclosures et de la révolution agricole du XVIIIe siècle19. À la fortune Joseph Banks ajoute des alliances aristocratiques par sa mère et sa tante paternelle notamment20. Si bien qu’il est en mesure de financer en partie l’expédition de l’Endeavour. Ce qui lui coûte, au bas mot, la somme colossale, rapportée aux prix du XVIIIe siècle, de 10 000£21. En tout état de cause, il est en situation de supériorité vis-à-vis des autres participants. Ce que remarquent bien les Tahitiens22. Au retour en Angleterre, pour les contemporains, l’expédition est le « voyage de Banks ». Ce n’est que rétrospectivement, à cause du succès rencontré par la publication, en 1773, par le Dr Hawkesworth du récit de la circumnavigation : An Account of the Voyages undertaken by the Order of his present Majesty for making Discoveries in the Southern Hemisphere and successively Performed by Commodore Byron, Captain Wallis, Captain Carteret and Captain Cook23 et du formidable écho rencontré par le 2e et le 3e voyage dans le Pacifique que celui de l’Endeavour devient définitivement le 1er voyage « de Cook »24.

Mais si l’on peut parfaitement qualifier Banks d’« inclus » dans la société (et même la haute société) anglaise des années 1770, il est aussi pleinement, du point de vue culturel, un homme de son temps, celui des Lumières et de la rupture qu’elles marquent.

Passé par les institutions de prestige (écoles d’Harrow et d’Eton, Université d’Oxford) que fréquentent, pour leur formation, les jeunes hommes de son milieu, il a acquis, en ce qui concerne le fonds des humanités classiques, – à défaut d’une véritable érudition – une certaine familiarité, probablement étalée avec d’autant plus de complaisance dans le Journal qu’elle n’est ni très vaste, ni très approfondie25. Surtout, il est animé par la passion de la botanique et plus largement des sciences naturelles. Ses compétences dans ce domaine résultent d’une approche largement autodidacte et empirique, dans la mesure où la discipline n’existe pas véritablement en tant que matière d’enseignement et commence seulement à être dotée d’une assise scientifique « moderne ». Cette culture originale propre à Joseph Banks reflète autant la personnalité enjouée, active et pleine de curiosité de ce dernier que la sensibilité d’une époque où l’expérience et d’une certaine façon la sensualité s’imposent comme un mode de connaissance indispensable et une ultime garantie de vérité26. Elles sont, en tout état de cause, des objets de réflexion philosophique. On ne saurait trop remarquer, dans cette perspective, que le grand penseur David Hume (1711-1776), auteur du Traité de la nature humaine, et figure marquante de ce courant, fréquente le cercle de sociabilité mondaine qui est celui de Banks ; Lord Mulgrave étant un ami commun des deux hommes27.

Dès lors, comment ne pas considérer que l’Endeavour Journal documente, d’abord et avant tout, une expérience particulière ? Autrement dit, ce que Banks écrit de Tahiti parle d’un « vécu » : celui, littéralement, de la découverte. Il informe sur les modalités de la révélation d’une réalité tout autre ou à peu près.

À l’évidence, Banks éprouve l’espace et la distance : le long voyage depuis l’Angleterre, l’étroitesse de l’Endeavour évidemment28. À Tahiti, en compagnie de Cook, il prend concrètement la mesure des dimensions de l’île. Du 26 juin au 1er juillet 1769, il en fait le tour complet29. Il revient au capitaine d’accomplir un travail de repérage et de mesure géodésiques qui permettra d’établir la première carte européenne de Tahiti30. Banks, quant à lui, réunit dans son journal les données d’une enquête de terrain. C’est clairement le cas avec la visite du marae Mahaiatea, un monument qui a été détruit par la suite. La description laissée par Joseph Banks procure des informations extrêmement précieuses parce que pratiquement uniques31. Pourtant la complexité de ce que contient le journal et de ce que comprend l’expérience tahitienne du futur président de la Royal Society dépasse la matérialité de l’espace aussi loin que l’on puisse étendre les acceptions de ce terme.

La problématique du temps

En effet, Tahiti pour Joseph Banks consiste, par-dessus tout, à faire l’expérience du temps. On peut inventorier tous les aspects de ce qu’il a pu vivre et éprouver à cette occasion à partir des outils de mesure et d’analyse du temps : la date évidemment, au premier chef mais aussi les éléments d’un vécu « social » (le déroulement répétitif de cérémonies par exemple) mais aussi « psychologique », à la fois personnel et émotionnel (instants de la peur, moments de colère notamment). Mais plus fondamentalement et plus globalement Tahiti, à travers le journal de Banks, est une expérience du temps. C’est par le temps et dans le temps, en tout cas, que l’on peut saisir cette expérience dans sa totalité32. Il ne saurait s’agir de se risquer à (re-)faire une anthropologie du temps mais plutôt de procéder à ce qui pourrait s’apparenter à un typage dynamique au sens où l’on emploie ce terme en programmation informatique33.

En premier lieu, le séjour tahitien de l’Endeavour confronte, côté européen et côté polynésien, des calendriers et des agendas différents. Cette hétérogénéité conditionne en grande partie ce qu’il advient, en raison des malentendus suscités par des urgences contradictoires et déconcertantes de part et d’autre.

L’observation d’un événement astronomique, le passage ou « Transit » de la planète Vénus entre la terre et le soleil, le 3 juin 1769, est le but avoué de l’expédition de l’Endeavour34. D’où un voyage à « marche forcée » pour atteindre à temps « l’île du roi George III » (comme Wallis a nommé Tahiti) ; ce qui empêche de prendre contact dans les habitants des îles de Marokau et Ravahere notamment dans l’archipel des Tuamotu, le 6 avril 176935. Donc, conformément aux instructions, l’Endeavour mouille au Nord-Est de l’île, dans la baie de Matavai, précédemment repérée par l’expédition du Dolphin (13-14 avril), puis Cook et ses hommes établissent à terre un campement entouré d’une palissade, dit « Fort Vénus » (15-29 avril) et cherchent des sites d’observation pour le moment du Transit36.

Or, lorsque l’Endeavour arrive à Tahiti, on est au seuil de la deuxième saison maohi, à savoir Matarii-raro : la saison « maigre » qui coïncide astronomiquement avec le coucher des Pléiades (20 mai). C’est un seuil religieux pour les Polynésiens, marqué par la célébration de rituels festifs37. Aussi l’intérêt que manifestent les Européens pour les astres crée une équivoque. Les Tahitiens se méprennent sur les intentions et les fonctions, qu’ils pensent liturgiques, des Européens munis de leurs instruments d’optique. Ils se trompent particulièrement sur le statut du chirurgien William Monkhouse qui préside le culte célébré par l’équipage de Cook, le dimanche 14 mai 1769. Ils le tiennent pour un tahua, c’est-à-dire un prêtre, détenteur du savoir à l’instar de ceux qui exercent leur ministère parmi eux ; les compétences des tahua étant à la fois spirituelles et pratiques et caractérisées notamment par la combinaison d’un pouvoir thérapeutique et d’une connaissance poussée de la voûte céleste38.

Matarii-raro est surtout un seuil agro-écologique. Il s’ensuit une raréfaction des denrées disponibles pour l’approvisionnement des Européens qui viennent, en surnombre, peser sur des équilibres fragiles à cette période de l’année39.

Par ailleurs, l’Endeavour arrive à Tahiti alors qu’un important changement de rapports de force a eu lieu. Les dirigeants qu’avaient pu rencontrer l’équipage du Dolphin et avec lesquels des liens d’amitié avaient été noués, deux ans auparavant, ne sont plus au pouvoir ou, du moins, plus en position de force. La « reine » Purea a ainsi été défaite à l’occasion d’une guerre dont l’arii (chef) Tutaha est sorti vainqueur. C’est lui désormais qui contrôle le secteur de la baie de Matavai, où Cook jette l’ancre. Pour cette raison, il y a une certaine réticence dans le contact, au début du séjour de l’Endeavour tout particulièrement, dans la mesure où Tutaha craint que les britanniques ne reviennent pour venger leur alliée Purea. Cette crainte est d’autant plus vive que l’on souvient avec terreur de la salve d’artillerie meurtrière qu’avait fait tirer Wallis contre les Tahitiens. Si Banks constate bien la déchéance de Purea, de même qu’il peut voir exposés en trophées les restes des vaincus de cette guerre, il n’en saisit ni les enjeux, ni les conséquences, ni même les parties en présence qui ne sont révélés aux Européens que bien plus tard40.

Si ce qui arrive à Banks et à ses compagnons de voyage est conditionné par l’hétérogénéité des agendas polynésien et européen, cette hétérogénéité ne le détermine pas entièrement cependant. Comptent le hasard, la part de la passion et celle de l’initiative individuelle. Pour comprendre effectivement ce qui se passe, il importe d’identifier ce qui fait « événement » : qu’est-ce qui a vraiment compté et fait rupture en instituant un « avant » et un « après »41 ? Manifestement, on peut observer l’alternance d’effets d’accélération et de ralentissement dans le texte de Banks, rendus par les entrées plus ou moins longues du journal : à peine plus de deux lignes pour le 23 mai, presque 4 pages pour le 29 juin par exemple42.

À coup sûr, s’impose l’évidence tranchante de moments de crise. Ils procèdent d’« incidents » dont on peut fixer exactement, ou à peu près, le jour et même l’heure. On peut y voir la conséquence d’actes aussi inadmissibles qu’incompréhensibles de part et d’autre. Les offenseurs les commettant en toute innocence ou presque, au grand dam des offensés. Clairement, alors, s’opposent absolument et radicalement le temps et les agendas respectifs des Polynésiens et des Européens.

Du côté maohi, il s’agit des vols répétés de matériel et d’effets personnels appartenant aux Européens. Celui d’un fusil, le 15 avril, puis celui du quadrant astronomique, appareil essentiel pour l’observation du Transit, le 1er mai, enfin celui de plusieurs effets personnels, le 28 de ce même mois. Ce qui provoque mobilisation et rétorsion de la part des Britanniques. Le premier incident tourne à la tragédie puisqu’un Tahitien est tué par balle. Ensuite, deux prises d’otages tahitiens répondent successivement aux incidents suivants43. L’intensité et la gravité des crises qu’ils suscitent tendent à décroître relativement au fur et à mesure que dure le séjour des hommes de l’Endeavour. D’une part, parce que Cook restreint strictement l’usage des armes à feu contre les Tahitiens44, d’autre part, parce que les contacts et les échanges s’approfondissent45 et que, sinon la connivence, du moins la négociation devient possible avec l’action d’intermédiaires, tel Tupaia. Ce dernier s’avère particulièrement efficace, lors de la dernière prise d’otages, quelques jours avant le départ des Européens, début juillet. Significativement, à l’origine des faits, il y a un homme d’équipage déserteur afin de rester auprès de ses « amis » tahitiens46. Du côté des Européens, ce qui crée l’incident résulte principalement du non-respect des exigences du sacré selon les normes polynésiennes. Parce que Monkhouse profane l’esplanade d’un marae, le 13 juin, en y herborisant, les hommes de l’Endeavour doivent subir un embargo sur leur ravitaillement ; mais, comme dans le cas des vols, l’établissement d’un certain « dialogue » permet de désamorcer la crise. C’est clairement le cas, lorsque des marins retirent inconsidérément des pierres d’un marae pour en faire du ballast, le 18 juin.

Mais, par ailleurs, on peut identifier des moments où plus exactement des « situations », moins précisément repérables chronologiquement où existe du temps partagé entre Britanniques et Maohi. À vrai dire, la permanence de la nécessité de se ravitailler d’un côté et de l’autre, l’obligation de s’adapter aux conditions imposées par le climat établissent des routines qui se répètent. Ainsi Banks, régulièrement, prend place dans la chaloupe qu’il a installée à l’entrée du « Fort Vénus » pour négocier l’approvisionnement en vivres, « faire le marché », selon son expression47.

La chaleur à Tahiti qui devient intense au soleil en milieu de journée oblige à concentrer les tâches demandant effort au petit matin, puis à prendre du repos en milieu de journée pour reprendre de l’activité avec la fraîcheur du soir alors que la nuit tombe vite.

Banks, par ailleurs, est de toute évidence une cible privilégiée de manifestations de rapprochement. Il en va ainsi lorsque l’arii Tepau fait de lui son taio (ami, allié particulier), le 17 avril48 ou qu’il est associé à la célébration d’un rituel pour des funérailles et qu’il participe, costumé à la tahitienne, au cortège et aux agissements des assistants deuilleurs, le 9 et le 10 juin49.

Sachant la forme que peut prendre concrètement, pour Banks, ces moments partagés, il faut cependant s’interroger sur l’authenticité de l’échange et la compréhension que peuvent en avoir les parties en présence50. Plus généralement, l’évolution que l’on a retracée au fil du séjour et le fait qu’il se soit effectivement passé quelque chose entre Polynésiens et Européens sont discutables. Pendant le séjour de ces derniers, l’arii Tu, l’homme de l’avenir en tant qu’aïeul de la dynastie Pomare, future maîtresse de l’île au début du XIXe siècle51, ne se montre pas. Son importance échappe complètement à Banks52. Par ailleurs, ce dernier repart de Tahiti sans saisir exactement combien la présence de l’Endeavour et de ses passagers a choqué, au sens littéral du terme, les maohi. Les Polynésiens n’ont pas trouvé dans les Européens, par-delà l’épuisement des réserves qu’ils accélèrent, des interlocuteurs capables d’entrer dans le système du don et du contre-don qui fonde leur sociabilité53.

Dès lors, une catégorie temporelle supplémentaire est à prendre en compte, celle de la coïncidence. L’incompréhension et le malentendu ne tournent pas systématiquement au drame. Le 16 mai, l’apparition au-dessus du Fort Vénus d’un double arc-en-ciel, signe particulièrement fort de la présence immanente du dieu Oro pour les maohi, incitent les Tahitiens à la conciliation et à un élan de bienveillance à l’égard de Banks et de ses compagnons54. Semblablement, lorsque James Cook et Joseph Banks accomplissent le tour de l’île, ils ignorent qu’ils reproduisent, ce faisant, un rituel d’ordre religieux et politique, auxquels procèdent traditionnellement les arioi, initiés célébrant le culte du dieu Oro, particulièrement actifs lors des fêtes marquant notamment le coucher des Pléiades. Ce que l’on interprète de la part des Européens comme une revendication forte de puissance spirituelle ou mana. Ce qui explique l’accueil qu’ils peuvent recevoir tout au long de leur itinéraire55.

Mais si l’on peut établir une chronologie courte du séjour de Banks à Tahiti, il faut la confronter à une chronologie longue. Ce qui fait « événement » n’est pas aussi évident selon que l’on considère le court ou le long terme. Les résultats de l’observation du Transit de Vénus, grande affaire de l’expédition, s’avèrent finalement décevants56. Le fait que Banks soit mis en joue fortuitement par un chef tahitien qui s’est emparé de son arme et coure le risque d’être tué accidentellement – moment particulièrement intense pour lui – compte moins pour la suite du voyage de l’Endeavour, que l’embarquement du tahua Tupaia, au départ de Tahiti. On l’expliquera par la suite.

En tout état de cause, on ne saurait s’en tenir à des catégories simples et celles qui relèvent de la méta-temporalité paraissent bien devoir s’appliquer.

En effet, le « présent » tahitien de Banks est saturé par des acquis qui façonnent ce qu’il voit et ce qu’il perçoit. Ce que recouvre le terme convenu de « champ d’expérience »57. Son bagage d’humanités classiques inspire les surnoms antiques et mythologiques qu’il attribue, au début du séjour tahitien, aux personnalités maohi qu’il rencontre58. Ses occupations et ses passe-temps d’Angleterre instruisent les comparaisons qu’il utilise dans ses descriptions. Les images qui viennent sous sa plume parlent de moutons et de meutes de chiens de chasse à courre59.

Semblablement ce que vit Banks à Tahiti tient aussi à la manière dont il se projette dans le futur et donc à l’«  horizon d’attente » qui est le sien, pour reprendre encore une expression convenue60. Il y a les instructions confidentielles données par l’Amirauté à Cook, concernant les objectifs de son voyage à savoir la reconnaissance et la prise de possession, pour la couronne britannique, d’un continent austral encore à découvrir61. Banks n’en ignorait rien mais jusqu’à quel point faisait-il sien cet objectif ? Clairement, il fait état de son souci de briller dans la haute société au retour en Angleterre. Il l’exprime à l’occasion de la mort du peintre Buchan déjà évoquée et lorsqu’il explique ce qui le pousse à payer de sa poche pour le passage de Tupaia à bord de l’Endeavour62. Banks met donc explicitement en avant la reconnaissance mondaine à l’horizon de son aventure tahitienne mais avoue-t-il vraiment et complètement ainsi ce qui le motive et le mobilise, ce qu’il attend exactement, en somme ?

Par ailleurs, un problème de fond demeure : la temporalité « rendue » par le texte de Banks n’est pas authentique. Il ne faut pas être dupe du manque pratiquement complet de ponctuation qui le caractérise, donnant l’impression de la plus grande spontanéité, dictée par l’excitation haletante de l’action et de la découverte63. En réalité, il n’y a jamais d’instantané. Par elle-même, la rédaction impose forcément une médiation. D’abord parce que le temps y est « travaillé » par les procédés stylistiques de la narration64. Ensuite ce que l’on sait de la manière dont Banks a tenu son journal suggère également que l’immédiateté n’est pas vraiment d’actualité. Assez rapidement, à bord de l’Endeavour s’est instituée une sorte d’emploi du temps quotidien : de 8 h. du matin à 2 h. de l’après-midi les gentlemen se consacrent à l’étude, c’est-à-dire tant à la lecture qu’à l’écriture65. Surtout, il y a, bien repérable, dans le journal de Banks, ce que l’on peut appeler la dichotomie tahitienne. En effet, à partir du séjour à Tahiti, Banks adopte un double rythme de rédaction : d’un côté, la chronique, rédigée « à la volée », comme c’est le cas, par exemple, le 14 avril66 1769 ; d’autre part, le bilan, établi lors des moments de calme et de désœuvrement relatifs en mer. Il en résulte le « Manners and Customs of the South Sea Islands » qui s’ajoute en appendice, à la relation au jour le jour du séjour à Tahiti67. Ce principe est systématiquement adopté pour la suite du voyage, ce qui donne : « Some Account of New Zealand », « Some Account of New Holland »68.

Le phénomène de la durée

Un élément concentre plus particulièrement les données problématiques de la temporalité déployée par le journal de Banks à Tahiti, il s’agit de la durée (ou plus précisément du phénomène de la durée).

Pour commencer, on ne peut que relever les traces imparfaites que laisse la durée dans le texte. Communiquer par signes prend du temps. Le meilleur exemple est probablement l’enquête menée, à la suite à la découverte d’une hache de provenance « non-anglaise ». Il faut découvrir quelle est exactement la nationalité du navire arrivé à Tahiti, entre le passage de Wallis et celui de l’Endeavour. En l’occurrence, elle est française puisque c’est l’expédition de Bougainville qui fit escale dans l’île en avril 1768. Ce que n’arrive pas, au bout du compte, à établir Banks qui explique, à la date du 6 juin :

The methods I took to gain this account would be much too tedious to mention: one of my greatest difficulties was to determine of what nation they were which was done thus, I pointed to our colours and ask’d whether the ships had such or not69

Il serait trop fastidieux de détailler comment je m’y suis pris pour obtenir ces révélations : l’un de mes plus grands problèmes était d’arriver à savoir de quelle nationalité étaient [ces navires] ce que je fis en leur montrant nos couleurs et en leur demandant si ces fameux navires avaient ou non les mêmes.

Par ailleurs, les relevés, la collecte, les observations prennent aussi un temps que ne « rend » pas exactement le journal : un extraordinaire travail d’inventaire botanique et zoologique a été mené à bien et une impressionnante collection réunie qui assoient définitivement la réputation de naturaliste de Joseph Banks à son retour en Angleterre70. L’une et l’autre sont servies par les planches fournies par le dessinateur et peintre Sydney Parkinson qui travaille « en temps réel » au fur et à mesure de la collecte et « sous pression ». Il fournit finalement bien plus que ce que Banks attendait de lui. D’une part, à cause du décès prématuré du peintre Buchan qui le laisse seul « graphiste », on l’a vu71, et d’autre part, à cause de l’environnement peu adapté, auquel il a affaire. À terre, à Tahiti, les mouches sont terriblement « troublesome » : elles vident notamment, en les aspirant, les godets de couleur, si bien que Parkinson doit s’installer avec son matériel, sous une moustiquaire72, tandis qu’en mer, il lui faut composer évidemment avec les secousses et l’humidité73.

L’expérience tahitienne de Banks ne s’arrête pas à son départ de l’île : le 3 juillet 1769. Il y a deux prolongements à court terme : pour commencer, il s’agit de l’enseignement de Tupaia. Ce dernier est un prêtre et savant polynésien de premier plan, conseiller de la « reine » Purea. Il souhaite fuir le rapport de force défavorable à son parti qui s’est instauré dans l’île. Il s’embarque ainsi sur l’Endeavour au départ de Tahiti, pour gagner l’Angleterre, aux frais de Banks74. Il accompagne effectivement l’expédition dans les îles de la Société, la Nouvelle Zélande et l’Australie qui sont les étapes suivantes du voyage, servant à la fois de truchement, de pilote et d’informateur. Avant de mourir de « fièvres » à l’escale de Batavia, le 11 novembre 1770, il transmet de précieuses données et d’irremplaçables renseignements. Ce qu’il accompagne de dessins qu’il réalise lui-même75. Grâce à ces échanges avec Tupaia, durant les mois qui suivent donc le séjour à Tahiti, il est indéniable que Banks, Cook et leurs compagnons ont pu acquérir rétrospectivement une meilleure compréhension de ce qu’ils avaient eu à connaître sur place ou plus exactement sur le moment.

Ensuite, au retour en Angleterre, Banks doit faire face à « l’affaire Parkinson » qui redonne actualité à ce qui s’est passé à Tahiti. Mais cette réactualisation est toute en négativité et va à l’encontre de la gloire et surtout de la réputation flatteuse, des « bons souvenirs » en somme, qu’il retire du voyage. En effet, les récriminations de Stanfield Parkinson, à son endroit, portent atteinte à son crédit et à sa respectabilité. Comme Tupaia, Sydney Parkinson est décédé sur le chemin du retour en Angleterre, lors de l’escale de Batavia, le 26 janvier 1771. Il laisse ses réalisations iconographiques ainsi qu’un journal que son frère, Stanfield Parkinson, modeste artisan, dispute à Banks. Le contentieux n’est partiellement réglé qu’au début de 1772. Banks verse, en plus des gages du jeune peintre défunt, un dédommagement très substantiel de 500£. Surtout il « prête » le manuscrit du journal de Sydney à Stanfield qui le fait copier et publier en dépit des engagements qu’il a pris76 y ajoutant un avant-propos très offensant pour Banks dont l’honnêteté est mise en cause77.

Justement, le fait que Banks n’ait pas publié son propre journal vient apparemment apporter un démenti à la « durée » de son expérience tahitienne. Ne cherchait-il pas à l’oublier plutôt ? Il est sûr que « l’affaire Parkinson » a été particulièrement pénible pour lui. De plus, avec la révélation des mœurs sexuelles tahitiennes, il était devenu la cible des gazettes et des caricaturistes, d’autant plus facilement qu’il était un proche de Lord Sandwich, le premier Lord de l’Amirauté, dont on faisait des gorges chaudes à propos de ses frasques libertines78. Tout cela n’était pas digne du gentleman qu’il était et voulait être. Concrètement, on peut mettre en avant une sorte d’obligation de confidentialité, à laquelle étaient tenus les membres de l’expédition de l’Endeavour, puisque l’Amirauté entendait réserver l’exclusivité de la relation de l’expédition au Dr Hawkesworth, dont le texte a déjà été évoqué. Pour l’établir, ce dernier s’est non seulement servi du journal de Cook, mais également (et généreusement) du journal de Banks que le futur président de la Royal Society lui avait prêté à la demande de Lord Sandwich79. Tant et si bien que Banks pouvait considérer, en quelque sorte, que son journal avait d’ores et déjà été publié80. D’ailleurs, c’est la publication de son Florilège qui paraît davantage lui importer. Il engagea ainsi cinq artistes pour créer des aquarelles à partir de tous les dessins de Parkinson. Entre 1771 et 1784, il chargea ensuite dix-huit spécialistes de réaliser des gravures au trait sur plaque de cuivre, d’après les 743 aquarelles achevées. En 1782 encore, Banks assurait à Hasted, un collègue de la Royal Society, qu’il espérait bientôt publier un ouvrage « comme j’ai maintenant près de 700 plaques préparées ; [le livre] rendra compte des nouvelles plantes découvertes dans mon voyage autour du monde, quelque chose aux alentours de 800 », mais ce fameux ouvrage ne sortit pourtant jamais des presses81.

À plus long terme, bien clairement, en prolongement du séjour tahitien de Banks, il y a l’arrivée en Angleterre du Polynésien Omaï, de juillet 1774 à juin 1776. Il a été embarqué lors du deuxième voyage de Cook et ce jeune homme fait sensation : son séjour est un succès mondain que consacrent les portraits que fait de lui Josuah Reynolds82. C’est Joseph Banks qui est l’hôte d’Omaï et qui prend en charge financièrement ce séjour83.

Mais aussi prenant que soit un tel prolongement, le fait demeure : Joseph Banks n’est jamais revenu à Tahiti. Il a été exclu du deuxième, comme du troisième voyage de Cook dans le Pacifique84. Pourtant, il est possible d’affirmer qu’il a bien continué à « vivre » Tahiti.

Ce séjour a été marquant d’abord dans la vie privée de Banks. Après trois d’absence, il a rompu de façon assez douloureuse avec sa fiancée d’avant le voyage, Miss Blosset85. Certes, Tahiti n’est pas forcément la cause directe de cette rupture, même si ce qui s’est passé dans l’île a pu compter. Ensuite, on peut émettre l’hypothèse que s’il n’a pas publié son Endeavour Journal, c’est qu’il n’en éprouvait pas la nécessité et même que ce n’était pas nécessaire, au fond.

À la fin des années 1770, il s’est imposé, en effet, comme un homme d’influence faute d’être un homme de terrain. Parce qu’il devient, en 1778, président de la Royal Society, rien de ce qui concerne le Pacifique, du point de vue scientifique ou en matière coloniale ne se fait sans lui désormais86. La devise de cette institution dont le grand-père de Joseph Banks était déjà membre proclame « Nullius in verba ». Le fait que celui-ci n’ait pas de véritables publications à son actif ne nuit en rien ni à son élection, ni à ses fonctions87. Par contre, les activités et les sollicitations qui l’accaparent, pour cette raison, ont pu l’empêcher de se consacrer à sa propre œuvre, à moins que le statut d’« amateur » seyant à sa condition ou qu’un certain complexe d’infériorité scientifique ne l’expliquent88.

Aussi embarrassante que soit l’absence de circulation publique du journal du vivant de Banks, elle n’infirme pas définitivement l’importance du voyage dans le Pacifique et plus spécifiquement celle de Tahiti pour lui. Dans cette perspective, il faut souligner qu’après la date où il a renoncé apparemment à publier (vers le milieu des années 1780, autant que l’on puisse en juger) il est l’instigateur de l’expédition de la Bounty, qui appareilla le 23 décembre 1787. Commandée par le Capitaine William Bligh, elle était destinée à transporter depuis Tahiti jusqu’aux Antilles des plans d’arbres à pain, propres à nourrir à peu de frais les esclaves des plantations89. Elle avorta, on le sait, à cause de la fameuse mutinerie fomentée par Fletcher Christian, le 28 avril 178990. Le projet ne fut pas abandonné pour autant, puisqu’une seconde expédition fut organisée et menée à bien cette fois par le même capitaine Bligh de 1791 à 179391.

Au-delà de cette entreprise, pour Banks, durant toute sa longue carrière, Tahiti resta un horizon de référence. Les recommandations qu’il adresse à James Wiles, dans une lettre datée du 25 juin 1791, sont directement inspirées de ce qu’il a lui-même vécu et dont il a fait l’expérience. Il explique notamment combien il importe pour conserver en bon état les spécimens botaniques de les préserver du sel que déposent les embruns en les lavant régulièrement pour éviter qu’ils ne sèchent. Il le met en garde de même contre les animaux embarqués (il cite : chiens, chats, chèvres, singes…) qui, en manque du contact avec le sol « continental », grattent avec une délectation particulière et insistante le terreau des pots entreposés à bord92.

Surtout Joseph Banks a continué, d’une certaine façon, à écrire son journal « tahitien ». Deux copies manuscrites de son texte sont réalisées de son vivant. Il annote celle que fait elle-même sa propre sœur et collaboratrice Sophia Banks (1744-1818). Une copie lente et minutieuse puisque, commencée en 1771, elle n’est achevée qu’en 1775. Il intervient aussi sur celle diligentée par son ami Constantine Phipps (1744-92)93.

Par ailleurs, par des confidences à des amis, il a pu compléter ou modifier les informations données par le journal. Le bouche-à-oreille et la discrétion à laquelle oblige la connivence interdisent qu’on en ait trace. Mais ce que l’on garde cependant, montre bien qu’après le retour en Angleterre, Banks se sert de son « expérience » tahitienne et la manipule en affabulant peut-être94. C’est le cas lorsqu’il révèle avoir été l’amant d’une nuit de Purea, mais que cette dernière a été très déçue de ses performances, lui enjoignant de les réserver à ses seules suivantes désormais95.

Mais bel et bien jusqu’à la fin de ses jours, Banks a Tahiti « dans la peau », puisqu’il a ramené de l’île et revoit en permanence, imprimé dans la chair de son bras, un tatouage96.

Conclusion

Le temps « tahitien », c’est-à-dire l’expérience transmise par Banks ou plus exactement par son intermédiaire, ne relève ni de l’épiphanie (dans la mesure où Banks est de tempérament comme de conviction « terre à terre »97), ni de la révélation (parce qu’il n’est pas toutefois un observateur entièrement fiable et exhaustif).

L’attention à la temporalité, dans le cas précis du séjour de Banks à Tahiti (à savoir l’attention à la manière dont le temps est tout à fois perçu et vécu, à la façon dont il passe et dont il dure) peut certainement permettre de retracer la construction d’une mémoire et, au moins, d’opérer le travail de critique interne et externe de la trace qui est la base du métier d’historien.

Notes de bas de page numériques

1 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Roberston, 1962, vol. 1, p. 153, 244-386; vol. 2, p. 275 ; John Gascoigne, Encountering the Pacific in the Age of Enlightenment, Cambridge University Press, 2014, p. 129 et suiv.

2 Il s’agit pour les éditions Haere Po de Papeete (Tahiti) de procurer au public francophone de la Polynésie française d’aujourd’hui le texte du Journal de Banks se rapportant à ce territoire.

3 Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe siècle, vol. 3 Le temps du monde, [1979], Paris, Armand Colin, 1993, « références », p. 781-801.

4 Anne Salmond, Two Worlds, first meetings between Maori and Europeans 1642-1772, Honolulu, University of Hawaii Press, 1991, p. 97-99.

5 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 252, 256, 260, 261, 281, 288, 300, 306-307.

6 Etienne Taillemite, Bougainville et ses compagnons autour du monde 1766-1769, Journaux de navigation, établis et commentés, Paris, Imprimerie Nationale, 2006, p. 311-331 ; Louis-Antoine de Bougainville, Voyage autour du monde, éd. Michel Bideaux et Sonia Faessel, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001, p. 395, 401.

7 Du 19 juin au 27 juillet 1767 pour Wallis ; du 3 avril au 15 avril 1768 : Jean-Jo Scemla, Le Voyage en Polynésie, Anthologie des voyageurs occidentaux de Cook à Segalen, Paris, Robert Laffont, 1994, « Bouquins », p. 3-33 ; p. 33-63.

8 Par exemple, il se méprend sur la présence d’encoches à la proue des pirogues qu’il a l’occasion d’observer en faisant le tour de l’île. Il pense qu’elles servent à porter des insignes ou des figures alors que ce sont des supports pour les filets de pêche : Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 189.

9 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Roberston, 1962, vol. 1, p. 255, 256.

10 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 183.

11 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 302 (29 juin 1769).

12 James Cook, The Journals of Captain James Cook on His Voyages of Discovery, ed. by John Cawte Beaglehole, vol. 1, The Voyage of the Endeavour 1768-1771, Cambridge, for the Hakluyt Society, 1955, p. 81.

13 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 257-258 (17 avril 1769).

14 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 276, p. 277 (14-15 mai), p. 292 (19 juin), p. 309 (5 juillet).

15 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 162 ; Sydney Parkinson, A Journal of a Voyage to the South Seas in his Majesty’s Ship, the Endeavour. Faithfully transcribed from the papers of the late Sydney Parkinson… embellished with views and designs, Londres, 1773, p. 25 ; Daniel Solander, « observations de Otaheite & c », School of Oriental and African Studies, London, published in Hank Driessen, « Dramatis personae of Society Islanders, Cook’s Endeavour Voyage 1769 », Journal of Pacific History, XVII, 1982, p. 227-231).

16 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 164-165.

17 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 292, 306.

18 Son arrière-grand-père, au XVIIe siècle, siégeait déjà au Parlement : John Gascoigne, Science in the Service of Empire, Joseph Banks, the British State and the Uses of Science in the Age of Revolution, [1998], Cambridge University Press, 2010, p. 35.

19 John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 186 ; John Gascoigne, Science in the Service of Empire, Joseph Banks, the British State and the Uses of Science in the Age of Revolution, [1998], Cambridge University Press, 2010, p. 65-66, 73.

20 La mère de Joseph, Sarah est une aristocrate, puisque fille aînée de William Bate of Derbyshire. Sa cousine germaine Louisa, épousa le 3e comte Stanhope. Sa tante maternelle était mariée au 8e comte d’Exeter : Patrick O’Brian, [1987] Joseph Banks, a Life, London, The Harvill Press, 1997, p. 16 ; The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, introduction, p. 4.

21 Lettre d’Ellis à Linné, du 19 août 1768 citée dans The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, introduction, p. 30.

22 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 150, 166, 175.

23 Eric Vibart, Tahiti, Naissance d’un paradis au Siècle des Lumières, 1767-1797, Bruxelles, éditions Complexe, 1987, « La mémoire des siècles », p. 201-203.

24 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 51-53.

25 Patrick O’Brian, [1987] Joseph Banks, a Life, London, The Harvill Press, 1997, p. 18-30.

26 Patricia Fara rappelle combien le capitaine Walton dans le roman de Mary Shelley, Frankenstein, est inspiré par J. Banks : Patricia Fara, Sex, Botany and Empire, the Story of Carl Linnaeus and Joseph Banks, Cambridge U.K., Icon books, 2003, « Revolutions in Science », p. 54-55.

27 John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 50.

28 Adrienne L. Kaeppler, James Cook et la Découverte du Pacifique, Musée historique de Berne-Imprimerie Nationale Éditions, 2010, p. 132-140.

29 La conférence de Robert Koenig, sur ce sujet à l’Université de la Polynésie française à Faaa/Punaauia, le 23 février 2012 est à l’origine du projet de traduction du Journal de J. Banks dans les îles de la Société ; The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 2, Appendix II “ Mr B’s Circuit round Otaheiti”, p. 302-307.

30 Adrienne L. Kaeppler, James Cook et la Découverte du Pacifique, Musée historique de Berne-Imprimerie Nationale Éditions, 2010, p. 79 et suiv., p. 137.

31 Sur l’état et la destruction de ce marae : Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 193-196 ; Teuira Henry, Ancient Tahiti, Honolulu, Hawaii, Bernice P., Bishop Museum Bulletin 48, 1928, p. 141.

32 Alfred Gell, The Anthropology of Time, Cultural Constructions of Temporal Maps and Images, Oxford-Providence, Berg, 1992, p. 315.

33 Erik Meijer et Peter Drayton, « Static Typing Where Possible, Dynamic Typing When Needed: The End of the Cold War Between Programming Languages », [Archive, PDF], Microsoft Corporation,‎ 2005.

34 Voir les Instructions de Lord Morton : Morton’s Hints dans Cook (James), The Journals of Captain James Cook on his Voyages of Discovery, Voyage of the Endeavour, 1768-1771, John Cawte Beaglehole ed., Hakluyt Society, 1968 (Voyage of the Endeavour, 1768-1771), part 2, Appendix II, p. 514-519.

35 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 246-248 ; Conférence de Sandhya Patel, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand : « Comptes rendus des Rencontres de James Cook et Joseph Banks dans le Pacifique 1768-1771 » (Musée du Quai Branly, Paris, salle d’atelier 1 – 21 mars 2013).

36 Adrienne L. Kaeppler, James Cook et la Découverte du Pacifique, Musée historique de Berne-Imprimerie Nationale Éditions, 2010, p. 72.

37 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 166, 186, 196.

38 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 167, 170.

39 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 306-307.

40 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 134-140, 189, 496 ; Douglas Oliver, Ancient Tahitian Society, The University Press of Hawaii, 1974, vol. 1, p. 129.

41 Arlette Farge, « Penser et définir l’événement en histoire. Approche des situations et des acteurs sociaux », Terrain, 38, mars 2002, p. 67-78.

42 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 280, p. 301-305.

43 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 144-145, 158, 181.

44 De façon assez significative, c’est Banks lui-même qui est mis en danger, lorsque son « ami » tahitien Tepau le met en joue le 27 avril, en s’emparant de l’un de ses pistolets, pour s’amuser apparemment.

45 Témoignage de cet approfondissement de la connaissance de la réalité polynésienne, la première occurrence du mot de « Tahiti », le nom maohi de l’île à la date du 10 mai dans le journal de Banks.

46 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 198.

47 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 270, 274.

48 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 150.

49 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 177-179.

50 Serge Tcherkézoff, « La Polynésie des vahinés et la nature des femmes : une utopie occidentale masculine », Clio, femmes, genre, histoire, 22, 2005, p. 63-82 ; Serge Tcherkézoff, Tahiti-1768, Jeunes filles en pleurs. La Face cachée des premiers contacts et la naissance du mythe occidental (1595-1928), Papeete, Tahiti, Au Vent des Iles éditions, 2004, p. 229-326.

51 Douglas Oliver, Ancient Tahitian Society, The University Press of Hawaii, 1974, vol. 3, p. 1288-1349.

52 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 134-140, 189, 496.

53 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 161.

54 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 168.

55 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 196-197, 500.

56 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 174 ; Andrea Wulf, Chasing Venus, The race to measure The Heavens, Windmill Books, 2013, chap. 3.

57 Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, éditions de l’E.H.E.S.S., 1990, p. 307 et suiv.

58 Les surnoms effectivement donnés par Banks étaient moins érudits et plus humoristiques ou sarcastiques que ceux rapportés dans l’Endeavour Journal : Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 153-154 ; Smith Bernard, European Vision and The South Pacific, New Haven and London, Yale University Press, 1985, p. 80.

59 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 297.

60 Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, éditions de l’E.H.E.S.S., 1990, p. 307 et suiv.

61 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 128.

62 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 257-258, 312-313.

63 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 47.

64 Jean Leduc, Les Historiens et le temps, Conceptions, problématiques, écritures, Paris, Le Seuil, 1999, « Points », p. 248-258, p. 311-312.

65 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 33.

66 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 253-256.

67 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 333-386.

68 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, p. 139-141.

69 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 287 (notre traduction).

70 Adrienne L. Kaeppler, James Cook et la Découverte du Pacifique, Musée historique de Berne-Imprimerie Nationale Editions, 2010, p. 61-62.

71 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 59.

72 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 260 (22 avril).

73 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 139.

74 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 312-313.

75 Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 175-176 ; Hank A. H. Driessen, « Tupa’ia, The Trials and Tribulations of a Polynesian Priest », dans Phyllis Herda, Michael Reilly et David Hilliard, Vision and reality in Pacific Religion, University of Canterbury-New Zealand, 2005, p. 66-86.

76 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 58-61.

77 Sydney Parkinson, A Journal of a Voyage to the South Seas in his Majesty’s Ship, the Endeavour. Faithfully transcribed from the papers of the late Sydney Parkinson… embellished with views and designs, Londres, 1773, p. V-XXIII.

78 John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 50.

79 Lettre de Hawkesworth à Sandwich du 19 nov. 1771, citée dans The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 47.

80 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 48. Un problème similaire d’exclusivité et de publication “clandestine” se produit après le 2e voyage de Cook, avec la Relation de G. Forster : Anne Salmond, The Trial of the Cannibal Dog, The Remarkable Story of Captain Cook’s Encounters in The South Seas, Yale University Press, 2003, p. 167 ; John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 94.

81 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 120.

82 Collectif, Catalogue de l’exposition Cook & Omai, The Cult of The South Seas, 15 février-27 mai 2001, Canberra, National Library of Australia-Humanities Research Centre, The Australian National University, 2001, p. 23-29.

83 Eric Hall McCormick, Omai, Pacific Envoy, Auckland University Press-Oxford University Press, 1977, p. 121 et suiv. ; Véronique Larcade, « Ahutoru et Ma’i, irritante irréductibilité : essai de bilan historiographique » dans Serge Dunis (dir.), 5000 ans de culture ultramarine pacifique, Tahiti, Haere Po, 2010, p. 103-120.

84 Anne Salmond, The Trial of the Cannibal Dog, The Remarkable Story of Captain Cook’s Encounters in The South Seas, Yale University Press, 2003, p. 172.

85 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 56-56.

86 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, introduction p. 4.

87 John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 10.

88 John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 2, 7, 260.

89 Edward Smith, The Life of Sir Joseph Banks, Cambridge University Press, (1911), 2011, p. 126-138.

90 Greg Dening, Mr Bligh’s Bad Language, Passion, Power and Theatre on the Bounty, Cambridge University Press, 1992, p.36, p. 87, p. 96-108.

91 Douglas Oliver, Return to Tahiti, Bligh’s Second Breadfruit Voyage, University of Hawaii Press, Honolulu, 1988, p. 14, p. 257.

92 Neil Chambers, The Letters of Sir Joseph Banks: A selection 1768-1820, London, Imperial College Press, 2000, Lettre 44 à James Wiles (25 juin 1791), p. 134.

93 The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 141-143.

94 Sylvie Le Poulichet, L’Œuvre du temps en psychanalyse, Paris, Payot, 2006, « Petite bibliothèque », p. 43, p. 85.

95 Charles Hatchett, “Banksiana written at the request of my Friend Dawson Turner Esq of Great Yarmouth”, Banks Archive Project, Natural History Museum, London, cité par Anne Salmond, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009, p. 169, 497.

96 Lettre de Charles Davy, of Hensted, Suffolk, 5 juin 1773 qui demande à J. Banks de lui procurer une reproduction exacte des motifs que ce dernier a « teints » sur le bras, citée dans The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, vol. 1, p. 4 ; Sydney Parkinson, A Journal of a Voyage to the South Seas in his Majesty’s Ship, the Endeavour. Faithfully transcribed from the papers of the late Sydney Parkinson… embellished with views and designs, Londres, 1773, p. 25. Il faut souligner qu’en reo tahiti, écriture se dit « tatouage ».

97 John Gascoigne, Joseph Banks and the English Enlightenment: Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994, p. 36, 44, 51, 186.

Bibliographie

Sources

The Endeavour Journal of Joseph Banks, 1768-1771, edited by John Cawte Beaglehole, Sydney, Angus and Robertson, 1962, 2 vol. 

Chambers Neil, The Letters of Sir Joseph Banks : A selection 1768-1820, London, Imperial College Press, 2000.

Taillemite Étienne, Bougainville et ses compagnons autour du monde 1766-1769, Journaux de navigation, établis et commentés, Paris, Imprimerie Nationale, 2006.

Bougainville Louis-Antoine de, Voyage autour du monde, éd. Michel Bideaux et Sonia Faessel, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001.

Cook James, The Journals of Captain James Cook on His Voyages of Discovery, ed. by John Cawte Beaglehole, vol. 1, The Voyage of the Endeavour 1768-1771, Cambridge, for the Hakluyt Society, 1955.

Henry Teuira, Ancient Tahiti, Honolulu, Hawaii, Bernice P. Bishop Museum Bulletin 48, 1928.

Parkinson Sydney, A Journal of a Voyage to the South Seas in his Majesty’s Ship, the Endeavour. Faithfully transcribed from the papers of the late Sydney Parkinson… embellished with views and designs, Londres, 1773.

Solander Daniel, « observations de Otaheite & c », School of Oriental and African Studies, London, published in Driessen Hank, « Dramatis personae of Society Islanders, Cook’s Endeavour Voyage 1769 », Journal of Pacific History, XVII, 1982, p. 227-31.

Scemla Jean-Jo, Le Voyage en Polynésie, Anthologie des voyageurs occidentaux de Cook à Segalen, Paris, Robert Laffont, 1994, « Bouquins ».

Études

Collectif, Catalogue de l’exposition Cook & Omai, The Cult of The South Seas, 15 février-27 mai 2001, Canberra, National Library of Australia-Humanities Research Centre, The Australian National University, 2001

Dening Greg, Mr Bligh’s Bad Language, Passion, Power and Theatre on the Bounty, Cambridge University Press, 1992.

Driessen Hank A. H., « Tupa’ia, The Trials and Tribulations of a Polynesian Priest », dans Phyllis Herda, Michael Reilly et David Hilliard, Vision and reality in Pacific Religion, University of Canterbury-New Zealand, 2005.

Fara Patricia, Sex, Botany and Empire, the Story of Carl Linnaeus and Joseph Banks, Cambridge U.K., Icon books, 2003, « Revolutions in Science ».

Gascoigne John, Encountering the Pacific in the Age of Enlightenment, Cambridge University Press, 2014.

Gascoigne John, Science in the Service of Empire, Joseph Banks, the British State and the Uses of Science in the Age of Revolution, [1998], Cambridge University Press, 2010.

Gascoigne John, Joseph Banks and the English Enlightenment : Useful Knowledge and Polite Culture, Cambridge University Press, 1994.

Kaeppler Adrienne L., James Cook et la Découverte du Pacifique, Musée historique de Berne-Imprimerie Nationale Éditions, 2010.

Koselleck Reinhart, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, éditions de l’E.H.E.S.S., 1990.

Larcade Véronique, « Ahutoru et Ma’i, irritante irréductibilité : essai de bilan historiographique » dans Serge Dunis (dir.), 5000 ans de culture ultramarine pacifique, Tahiti, Haere Po, 2010.

Leduc Jean, Les Historiens et le temps. Conceptions, problématiques, écritures, Paris, Le Seuil, 1999, « Points ».

O’Brian Patrick, [1987] Joseph Banks, a Life, London, The Harvill Press, 1997.

Oliver Douglas, Return to Tahiti, Bligh’s Second Breadfruit Voyage, University of Hawaii Press, Honolulu, 1988.

Oliver Douglas, Ancient Tahitian Society, The University Press of Hawaii, 1974, 3 vol. 

Gell Alfred, The Anthropology of Time, Cultural Constructions of Temporal Maps and Images, Oxford-Providence, Berg, 1992.

Le Poulichet Sylvie, L’Œuvre du temps en psychanalyse, Paris, Payot, 2006.

McCormick Eric Hall, Omai, Pacific Envoy, Auckland University Press-Oxford University Press, 1977.

Salmond Anne, Aphrodite’s Island, the European Discovery of Tahiti, Berkeley, University of California Press, 2009.

Salmond Anne, The Trial of the Cannibal Dog, The Remarkable Story of Captain Cook’s Encounters in The South Seas, Yale University Press, 2003.

Salmond Anne, Two Worlds, first meetings between Maori and Europeans 1642-1772, Honolulu, University of Hawaii Press, 1991

Smith Edward, The Life of Sir Joseph Banks, Cambridge University Press, (1911), 2011.

Tcherkézoff Serge, « La Polynésie des vahinés et la nature des femmes : une utopie occidentale masculine », Clio, femmes, genre, histoire, 22, 2005.

Tcherkézoff Serge, Tahiti-1768. Jeunes filles en pleurs. La Face cachée des premiers contacts et la naissance du mythe occidental (1595-1928), Papeete, Tahiti, Au Vent des Iles éditions, 2004.

Vibart Éric, Tahiti, Naissance d’un paradis au Siècle des Lumières, 1767-1797, Bruxelles, éditions Complexe, 1987, « La mémoire des siècles ».

Welfélé Odile (dir.), « Qu’est-ce qu’un événement ? », Revue Terrain, 38, mars 2002.

Wulf Andrea, Chasing Venus, The Race to Measure The Heavens, Windmill Books, 2013.

Pour citer cet article

Véronique Dorbe-Larcade, « L’expérience tahitienne de Joseph Banks (1743-1820) », paru dans Loxias-Colloques, 6. Sociétés et académies savantes. Voyages et voyageurs, exploration et explorateurs, 1600-1900, L’expérience tahitienne de Joseph Banks (1743-1820), mis en ligne le 26 août 2015, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=763.

Auteurs

Véronique Dorbe-Larcade

Véronique Dorbe-Larcade, agrégée d’histoire, docteur de l’université Paris IV-Sorbonne est maître de conférences H.D.R. (histoire moderne) à l’université Bordeaux-Montaigne. Membre de l’équipe de recherche C.E.R.E.C. (E. A. CLARE université Bordeaux-Montaigne), elle est associée à l’E.A.S.T.C.O (Sociétés Traditionnelles et Contemporaines de l’Océanie) de l’université de la Polynésie française.