Loxias-Colloques |  4. Camus: "un temps pour témoigner de vivre" (séminaire) 

Odile Gannier  : 

Poétique des lieux : Camus, ancrages et voyages

Résumé

Les textes des Carnets, des Journaux de voyage, ou les Premiers écrits d’Albert Camus sont restés un peu ignorés par la critique. Or s’y démontrent l’influence de Gide et surtout celle de Jean Grenier, particulièrement manifeste dans Les Îles : Camus y puise une certaine attitude face au monde, un ancrage dans des paysages privilégiés, une appréhension attentive de la nouveauté. Dans les récits de voyage qui suivront, cette poétique des lieux déjà en germe dans les Carnets et les Journaux de voyage se manifeste ensuite dans les textes plus élaborés, comme Noces, L’Été, L’Exil et le Royaume ou « Pluies de New York ».

Index

Mots-clés : Camus (Albert) , Grenier (Jean), journaux de voyage

Plan

Texte intégral

On vous demande pourquoi vous voyagez.
Le voyage peut être, pour les esprits qui manquent d’une force toujours intacte, le stimulant nécessaire pour réveiller des sentiments qui dans la vie quotidienne sommeillaient. On voyage alors pour recueillir en un mois, en un an, une douzaine de sensations rares, j’entends celles qui peuvent susciter en vous ce chant intérieur faute duquel rien de ce qu’on ressent ne vaut1.

Voilà l’inspiration trouvée par Camus à vingt ans2, comme il l’explique dans sa préface (écrite en 1959) des Îles, le livre de Jean Grenier, son mentor. À l’époque où il l’a lu – en 1933 –, il n’avait pas beaucoup voyagé ; mais il va apprendre une philosophie de la vie qui ne le quittera plus, profondément ancrée dans des lieux, à commencer par les paysages de l’Algérie.

Ainsi, je ne dois pas à Grenier des certitudes qu’il ne pouvait ni ne voulait donner. Mais je lui dois, au contraire, un doute, qui n’en finira pas et qui m’a empêché, par exemple, d’être un humaniste au sens où on l’entend aujourd’hui, je veux dire un homme aveuglé par de courtes certitudes. […]
« J’ai beaucoup rêvé d’arriver seul dans une ville étrangère, seul et dénué de tout. J’aurais vécu humblement, misérablement même. Avant tout, j’aurais gardé le secret. » Voilà la sorte de musique qui me rendait alors comme ivre, quand je me la répétais, marchant dans les soirs d’Alger. Il me semblait que j’entrais dans une terre nouvelle […] je venais de découvrir l’art3.

Et de conclure :

À l’époque où je découvris Les Îles, je voulais écrire, je crois. Mais je n’ai vraiment décidé de le faire qu’après cette lecture4.

Ce journal d’écrivain que sont les Carnets est un « exercice de détachement5 », pratiqué depuis les premiers essais d’écriture, de mai 1935 à décembre 1948 ; « pages quadrillées de simples cahiers d’écolier et d’allure variée », ces Carnets mêlent notes de lecture, réflexions, projets, « ébauche d’un passage6 » repris ensuite dans des œuvres plus abouties. « Tout écrire – comme cela viendra7 » écrit-il dans les Carnets de 1945-48.

Aussi semble-t-il légitime de rapprocher Les Îles et ses propres textes, les Carnets et les œuvres publiées, ses modèles et ses réécritures. En effet, toutes les œuvres de Camus « forment un tout où chacune s’éclaire par les autres, et où toutes se regardent8. » De fait, une circulation thématique et formelle se fait entre les textes personnels et la création de paysages dans des œuvres plus « littéraires » : entre les Carnets de ses débuts et les premiers textes comme L’Envers et l’Endroit (1937) ou à peine plus tardifs comme Noces (1938, publié en 1939) ; entre les notes détachées des Carnets9, qui constituent ses Journaux de voyage aux États-Unis (de mars à mai 1946) et en Amérique du Sud (de juin à août 1949) d’une part, et d’autre part « Pluies à New York » ou « La mer au plus près. Journal de bord » (à la fin de L’Été). Retravailler des notes ne signifie pas les renier, ni d’ailleurs nécessairement les peaufiner. À preuve, la description d’une cérémonie en Amérique latine, reprise presque textuellement dans « La pierre qui pousse », l’une des nouvelles de L’Exil et le Royaume. À propos de L’Envers et l’Endroit, il écrit en préface :

Les essais qui sont réunis dans ce volume ont été écrits en 1935 et 1936 (j’avais alors vingt-deux ans) et publiés un an après, en Algérie, à un très petit nombre d’exemplaires. Cette édition est depuis longtemps introuvable et j’ai toujours refusé la réimpression de L’Envers et l’Endroit.
Mon obstination n’a pas de raisons mystérieuses. Je ne renie rien de ce qui est exprimé dans ces écrits, mais leur forme m’a toujours paru maladroite10.

Dans ses carnets, il consigne en particulier des impressions de voyage, des expériences sensorielles. Or, note-t-il,

J’ai relu tous ces cahiers – depuis le premier. Ce qui m’a sauté aux yeux : les paysages disparaissent peu à peu11.

Car la description n’était pas, somme toute, son but premier. Il introduit entre le voyage et sa relation la transformation qui a fait passer du « voyage » au « voyage sentimental », lorsque le voyageur passe du récit ou de la description à l’analyse des modifications, fussent-elles infimes, que le dépaysement a générées dans son esprit et son imaginaire. C’est-à-dire que « Le voyage dans un espace externe, aussi familier ou étranger soit-il, devient prétexte à un voyage intérieur. Oscillant entre la confession et la méditation, l’essai se révèle pour Camus le moyen adéquat de la mutation d’une expérience en conscience12. »

Cependant, il y règne la même attention au détail observé, qu’il avait acquise grâce à la lecture des Îles de Jean Grenier. Le propos de Camus n’est pas de rendre compte d’un lieu, mais de sa présence dans ce lieu, tous les sens aux aguets, la mémoire en éveil. Les lieux visités sont regardés, goûtés et transmués : les plus familiers, « La maison mauresque » en avril 1933 ; Tipasa et ses ruines (visitées en 1935) sont évoquées sous le titre « Noces à Tipasa » dans Noces, et revisitées dans le « Retour à Tipasa » (dans L’Été en 1952) ; Djémila ouverte à tous les vents du désert (« Le vent à Djémila », écrit en 39) ; Alger, ses rues et ses plages… Ces paysages sont des cadres familiers qu’il importe de fixer pour assurer sa cohérence personnelle – sans les pétrifier néanmoins, en s’autorisant des retours et des relectures, et l’expérience de l’épiphanie. Des voyages plus lointains méritent le détour de la mémoire – aux Baléares en 1935, qui s’est transformé en « Amour de vivre » ; à Prague en 36, à l’origine de « La mort dans l’âme » dans L’Envers et l’Endroit ; et en Italie encore à l’été 1936 dans « Le Désert » (Noces)… « Florence : « Florence ! Un des seuls lieux d’Europe où j’ai compris qu’au cœur de ma révolte dormait un consentement13 » ; bien plus tard, en Angleterre en mai 1948 :

Londres. Je me souviens de Londres comme d’une ville de jardins où les oiseaux me réveillaient le matin. Londres est le contraire, et pourtant ma mémoire est juste. Les voitures de fleurs dans les rues. Les docks, prodigieux14.

Enfin, en Amérique, au nord puis au sud.

Déplacements donc, réels ; déplacements de l’écrivain, qui note ce qu’il éprouve ; déplacements génériques, puisque d’un texte à l’autre voyagent les souvenirs et les pensées ; déplacements philosophiques, puisque dans le voyage s’écrit le regard porté sur les hommes croisés et la terre entrevue ; et se parachève, chemin faisant, la maturation de l’œuvre. Ainsi, l’influence des Îles de Jean Grenier et, dans une moindre mesure, des Nourritures terrestres de Gide déterminent une certaine écriture du réel. Entre les textes de ses notes ou journaux de voyages et ses œuvres plus abouties, Camus passe de l’instantané à la prise de vue, ce qui s’explique par une certaine philosophie de l’expérience ; cette récupération des carnets-journaux est particulièrement sensible dans « Pluies de New York » et « La mer au plus près ».

Des îles, et des Nourritures terrestres

Les Îles sont un recueil d’expériences du quotidien, sans artifice, celui du bien vivre et des « autres plaisirs minuscules ». L’influence de Jean Grenier est reconnue par Albert Camus dans la préface qu’il consacra au texte-source15, et dans laquelle il donna à ce recueil de situations, éprouvées et goûtées avec philosophie, et écrites sous la forme de courts essais littéraires, une portée équivalente à celle des Nourritures terrestres, dont l’influence est qualifiée d’évidente pour toute une génération.

J’avais vingt ans lorsqu’à Alger je lus ce livre pour la première fois. L’ébranlement que j’en reçus, l’influence qu’il exerça sur moi, et sur beaucoup de mes amis, je ne peux mieux les comparer qu’au choc provoqué sur toute une génération par Les Nourritures terrestres. Mais la révélation que nous apportait Les Îles était d’un autre ordre16.

Pourtant, dans les deux textes fondateurs du désir d’écrire, il s’agit bien de philosophie de la vie et de contemplation. Apparemment simple et directe chez Grenier, somme toute plus épicurienne, à la portée de l’homme apprenti ; soulevée par une portée plus ample chez André Gide, qui commence presque ainsi Les Nourritures terrestres :

Tandis que d’autres publient ou travaillent, j’ai passé trois années de voyage à oublier au contraire tout ce que j’avais appris par la tête. Cette désinstruction fut lente et difficile ; elle me fut plus utile que toutes les instructions imposées par les hommes, et vraiment le commencement d’une éducation17.

La philosophie du voyageur se déploie dans un enseignement mystique ; les départs, les attentes.

Nathanaël, je te parlerai des attentes. J’ai vu la plaine après l’été, attendre ; attendre un peu de pluie. La poussière des routes était devenue trop légère et chaque souffle la soulevait. Ce n’était même plus un désir ; c’était une appréhension. La terre se gerçait de sécheresse comme pour plus d’accueil de l’eau. Les parfums des fleurs de la lande devenaient presque intolérables. Sous le soleil tout se pâmait. Nous allions chaque après-midi nous reposer sous la terrasse, abrités un peu de l’extraordinaire éclat du jour. C’était le temps où les arbres à cônes, chargés de pollen, agitent aisément leurs branches pour répandre au loin leur fécondation. Le ciel s’était chargé d’orage et toute la nature attendait. L’instant était d’une solennité trop oppressante, car tous les oiseaux s’étaient tus. Il monta de la terre un souffle si brûlant que l’on sentit tout défaillir ; le pollen des conifères sortit comme une fumée d’or des branches. — Puis il plut.
J’ai vu le ciel frémir de l’attente de l’aube. Une à une les étoiles se fanaient. Les prés étaient inondés de rosée ; l’air n’avait que des caresses glaciales. Il sembla quelque temps que l’indistincte vie voulût s’attarder au sommeil, et ma tête encore lassée s’emplissait de torpeur. Je montai jusqu’à la lisière du bois ; je m’assis ; chaque bête reprit son travail et sa joie dans la certitude que le jour va venir, et le mystère de la vie recommença de s’ébruiter par chaque échancrure des feuilles. — Puis le jour vint.
J’ai vu d’autres aurores encore. — J’ai vu l’attente de la nuit...

Nathanaël, que chaque attente, en toi, ne soit même pas un désir — mais simplement une disposition à l’accueil. Attends tout ce qui vient à toi. Ne désire que ce qui vient à toi. Ne désire que ce que tu as18.

Cette disposition devant le spectacle du monde – attente, écoute, accueil – traverse les Nourritures terrestres, avec ses leçons d’acceptation et de détachement stoïcien19. On peut en effet comparer l’inspiration d’André Gide devant le spectacle et « le désert » de Noces, en communion avec l’univers – jusqu’à l’extase.

Gide, Les Nourritures terrestres20

Camus, Noces, « Le Désert »21

La terrasse monumentale où nous étions (des escaliers tournants y conduisaient) dominait toute la ville et semblait, au-dessus des feuillages profonds, une nef immense amarrée ; parfois elle semblait avancer vers la ville. Sur le haut pont de ce navire imaginaire, cet été, je montais quelquefois goûter, après le tumulte des rues, l’apaisement contemplatif du soir. Toute rumeur en montant s’épuisait ; il semblait que ce fussent des vagues et qu’elles déferlassent ici. Elles venaient encore et par ondes majestueuses, montaient, s’élargissaient contre les murs. Mais je montais plus haut, là où les vagues n’atteignaient plus. Sur la terrasse extrême, on n’entendait plus rien que le frémissement des feuillages et l’appel éperdu de la nuit. // Des chênes verts et des lauriers immenses, plantés en régulières avenues, venaient finir au bord du ciel, où la terrasse même finissait ; pourtant, des balustrades arrondies, par instants, s’avançaient encore, surplombant et formant comme des balcons dans l’azur. Là, je venais m’asseoir, je m’enivrais de ma pensée délicieuse ; là je croyais voguer. Au-dessus des collines sombres, qui s’élevaient de l’autre côté de la ville, le ciel était de la couleur de l’or : des ramures légères, parties de la terrasse où j’étais, penchaient vers le couchant splendide, ou s’élançaient presque sans feuilles vers la nuit. De la ville montait ce qui semblait une fumée ; c’était de la poussière illuminée, qui flottait, s’élevait à peine au-dessus des places où plus de lumière brillait. Et parfois jaillissait comme spontanément, dans l’extase de cette nuit trop chaude, une fusée, lancée on ne sait d’où, qui filait, suivait comme un cri dans l’espace, vibrait, tournait, et retombait défaite, au bruit de sa mystérieuse éclosion. J’aimais celles surtout dont les étincelles d’or pâle retombent si longtemps et si lentement s’éparpillent, qu’on croit, après, tant les étoiles sont merveilleuses, qu’elles aussi sont nées de cette subite féerie, et que, de les voir, après les étincelles, demeurantes, l’on s’étonne... puis, lentement, après, une à une, on reconnaît chacune à sa constellation attachée, — et l’extase en est prolongée.

À Florence, je montais tout en haut du jardin Boboli, jusqu’à une terrasse d’où l’on découvrait le Monte Oliveto et les hauteurs de la ville jusqu’à l’horizon. Sur chacune de ces collines, les oliviers étaient pâles comme de petites fumées et dans le brouillard léger qu’ils faisaient se détachaient les jets plus durs des cyprès, les plus proches verts et ceux du lointain noirs. Dans le ciel dont on voyait le bleu profond, de gros nuages mettaient des taches. Avec la fin de l’après-midi, tombait une lumière argentée où tout devenait silence. Le sommet des collines était d’abord dans les nuages. Mais une brise s’était levée dont je sentais le souffle sur mon visage. Avec elle, et derrière les collines, les nuages se séparèrent comme un rideau qui s’ouvre. Du même coup, les cyprès du sommet semblèrent grandir d’un seul jet dans le bleu soudain découvert. Avec eux, toute la colline et le paysage d’oliviers et de pierres remontèrent avec lenteur. D’autres nuages vinrent. Le rideau se ferma. Et la colline redescendit avec ses cyprès et ses maisons. Puis à nouveau – et dans le lointain sur d’autres collines de plus en plus effacées – la même brise qui ouvrait ici les plis épais des nuages les refermait là-bas. Dans cette grande respiration du monde, le même souffle s’accomplissait à quelques secondes de distance et reprenait de loin en loin le thème de pierre et d’air d’une fugue à l’échelle du monde. Chaque fois, le thème diminuait d’un ton : à le suivre un peu plus loin, je me calmais un peu plus. Et parvenu au terme de cette perspective sensible au cœur, j’embrassais d’un coup d’œil cette fuite de collines toutes ensemble respirant et avec elle comme le chant de la terre entière.

Les deux textes se développent sur la même matrice : un point de vue surplombant, un regard unifiant contemplant les arbres, les pierres, quelques maisons, et par-dessus tout, la lumière ou « cette obscure clarté qui tombe des étoiles22 » – dans une forme plus ramassée, moins « poétisée » néanmoins, plus sensible, chez le second. Il semble répondre aussi à l’expérience de Jean Grenier. La contemplation, sous le soleil ou au crépuscule, remplit le rêveur solitaire d’une paix d’autant plus précieuse que ce n’est qu’un instant de grâce suspendue.

Grenier, Les Îles, 193323

Camus, « La Maison mauresque », 193324

Quand je vivais à Naples, j’allais tous les matins à la villa Floridiana qui surplombe le golfe et je flânais en fumant des cigarettes jusqu’à l’heure où sonnait midi. Ces heures d’oisiveté m’ont rempli plus que les heures fiévreuses de Paris. […] Et lorsque lentement sonnaient les coups de midi et que tonnait le canon du fort Saint-Elme, un sentiment de plénitude, non pas un sentiment de bonheur mais un sentiment de présence réelle et totale, comme si toutes les fissures de l’être étaient bouchées, s’emparait de moi et de tout ce qui était autour de moi. De tous côtés affluaient des torrents de lumière et de joie qui de vasque en vasque tombaient pour se figer dans un océan sans bords. En ce moment (le seul), je m’acceptais par la seule adhésion de mes pieds au sol, de mes yeux à la lumière.

Je me suis avancé sur une terrasse d’où on surprenait toute la ville arabe et la mer.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Avec les vols de mouettes s’adoucit le soir et la ville qui oublie ses violentes couleurs du jour s’assombrit de tristesse par degrés. […] Des cris briseraient la cruelle opposition qui s’étoffe et se nourrit dans le silence. // Mais il faut alors oublier la ville et, très loin, regarder la mer plate, sereine, où les remorqueurs tracent de grandes lignes droites qui s’épanouissent en frissons écumeux. Il faut la regarder fuir largement vers les premières étoiles qui se dénudent, pures, impudiques. Alors, le calme des eaux rejoint celui des cieux, tandis qu’en deçà du regard, la ville en vain s’évertue à troubler cette fugitive harmonie.

Si Gide et les Nourritures sont cités par Camus – et imités d’une certaine façon, comme par innutrition –, il quitte son Livre, et reconnaît sa dette envers Grenier :

l’exaltation gidienne nous laissait à la fois admiratifs et perplexes. Nous n’avions pas besoin, en effet, d’être délivrés des bandelettes de la morale, ni de chanter les fruits de la terre. Ils pendaient à notre portée, dans la lumière. Il suffisait d’y mordre.
[…] La vérité du monde était dans sa seule beauté, et dans les joies qu’elle dispensait. Nous vivions ainsi dans la sensation, à la surface du monde, parmi les couleurs, les vagues, la bonne odeur des terres. C’est pourquoi Les Nourritures venaient trop tard, avec leur invitation au bonheur. […] Les Îles venaient, en somme, de nous initier au désenchantement ; nous avions découvert la culture.
Ce livre, en effet, sans nier la réalité sensible qui était notre royaume, la doublait d’une autre réalité qui expliquait nos jeunes inquiétudes. Les transports, les instants du oui, que nous avions vécus obscurément, et qui ont inspiré quelques-unes des plus belles pages des Îles, Grenier nous rappelait en même temps leur goût impérissable et leur fugacité25

Et l’on comprend mieux, peut-être, la portée de l’exclamation : « Florence ! Un des seuls lieux d’Europe où j’ai compris qu’au cœur de ma révolte dormait un consentement26. » 

Le sentiment du sacré perdure, mais sur le mode « d’expériences simples et familières dans une langue sans apprêt apparent27. » Dans le chapitre « Les Îles fortunées », Grenier rappelle dans la même voie que Sénèque, 

on peut donc voyager non pour se fuir, chose impossible, mais pour se trouver. […] cette « reconnaissance » n’est pas toujours au terme du voyage qu’on fait : à vrai dire, lorsqu’elle a lieu, le voyage est achevé28.

Aussi la description d’un paysage n’est-elle pas statique, mais faite au fil d’un récit chronologiquement précisé, dans une mise en scène, un scénario. Tantôt le promeneur se déplace et parcourt le paysage, tantôt il est spectateur d’un paysage qui évolue avec le temps, ou change sous les variations de la lumière. Il note aussi dans le cahier I :

Aller jusqu’au bout, ce n’est pas seulement résister mais aussi se laisser aller. J’ai besoin de sentir ma personne, dans la mesure où elle est sentiment de ce qui me dépasse. J’ai besoin parfois d’écrire des choses qui m’échappent en partie, mais qui précisément font la preuve de ce qui en moi est plus fort que moi29.

Le minéral en outre s’anime d’un souffle de vie, celui de la fusion avec le monde, des noces au sens propre du terme.

Je me sentais claquer au vent comme une mâture. Creusé par le milieu, les yeux brûlés, les lèvres craquantes, ma peau se desséchait jusqu’à n’être plus mienne. Par elle, auparavant, je déchiffrais l’écriture du monde. Il y traçait les signes de sa tendresse ou de sa colère, la réchauffant de son souffle d’été ou la mordant de ses dents de givre. Mais si longuement frotté du vent, secoué depuis plus d’une heure, étourdi de résistance, je perdais conscience du dessin que traçait mon corps. Comme le galet verni par les marées, j’étais poli par le vent, usé jusqu’à l’âme. J’étais un peu de cette force selon laquelle je flottais, puis beaucoup, puis elle enfin, confondant les battements de mon sang et les grands coups sonores de ce cœur partout présent de la nature. Le vent me façonnait à l’image de l’ardente nudité qui m’entourait. Et sa fugitive étreinte me donnait, pierre parmi les pierres, la solitude d’une colonne ou d’un olivier dans le ciel d’été30.

C’est à ce prix que le voyageur comprend le lieu, le paysage : comme le rapporte Grenier, c’est ainsi que l’on touche à l’illumination, la « plénitude31 », par la « grâce32 », si l’on se laisse complètement absorber par ces « îles », expression spatiale de ces moments d’exception.

Mon esprit se perdait dans les jeux de cette transparence, de cette résistance, puis il se retrouvait tout entier. Il me semblait assister à ce spectacle devant lequel s’égarent toutes les intelligences : à une naissance, la mienne. Un autre être ? Pourquoi un autre ? Et il me semblait que je commençais alors seulement d’exister33.

Le voyage peut donc être très modeste, voire parfaitement immobile – ce n’est pas la distance qui compte lorsque l’on évoque ces « îles fortunées », mais ces instantanés qui ponctuent ordinairement les relations de voyages, ces petits arrêts sur image qui peuvent relier à l’infini.

On sent bien qu’une seconde après cet instant la vie va reprendre – mais en attendant elle est suspendue à quelque chose qui la dépasse infiniment. Quoi ? Je ne sais. Ce silence est peuplé, il n’est pas l’absence de bruit, ni d’émotion34.

Textes de voyages : de l’instantané à la prise de vue

Dans une lettre à Ponge, Camus écrivait :

Les romantiques ne me persuadent pas – et surtout ils ne m’émeuvent pas – lorsqu’ils me parlent de sentiments ou de situations ineffables, indicibles, infinis. Ces préfixes privatifs sont seulement les signes de leur pauvreté personnelle35.

Camus a appris de Jean Grenier la force de la simplicité et de la sincérité, le refus de la grandeur affectée, de l’emphase.

Pour écrire, être toujours un peu en deçà dans l’expression (plutôt qu’au-delà). Pas de bavardages en tout cas36.

Les « plaisirs minuscules » sont de nature au contraire à modifier le regard porté sur les pays traversés. Mais d’un point de vue littéraire, cette notation de l’instant cède devant la nécessité de concentrer l’effet. Aussi le voyageur dans ses carnets consigne-t-il les minuties : craignant l’oubli du fugace, la labilité de sa mémoire, il les date, les repère dans le mouvement du moment présent, s’en remettant au projet d’une reconstruction ultérieure.

Parce que le ciel est bleu, les arbres couverts de neige qui lancent leurs rameaux blancs, au bord de la rivière, très bas au-dessus de l’eau glacée, ont l’air d’amandiers en fleurs. Il y a pour les yeux dans ce pays une perpétuelle confusion entre le printemps et l’hiver.
J’ai lié une intrigue avec ce pays, c’est-à-dire que j’ai des raisons de l’aimer et des raisons de le détester. Pour l’Algérie au contraire, c’est la passion sans frein et l’abandon à la volupté d’aimer37.

Le détachement est tel que le titre paradoxal de « Désert » est donné au chapitre de Noces consacré à l’Italie : Florence et ses rues populeuses. La réécriture est justifiée par le fait que l’essence des choses, entr’aperçue dans le tourbillon du voyage, ne se livre qu’au terme d’une recherche.

Oui, la leçon illustrée par ses hommes, l’Italie la prodigue aussi par ses paysages. Mais il est facile de manquer le bonheur puisque toujours il est immérité. De même pour l’Italie. Et sa grâce, si elle est soudaine, n’est pas toujours immédiate. Mieux qu’aucun autre pays, elle invite à l’approfondissement d’une expérience qu’elle paraît cependant livrer tout entière à la première fois. C’est qu’elle est d’abord prodigue de poésie pour mieux cacher sa vérité38.

Le détachement personnel se double d’une solitude, et donc d’un rapport individuel, immédiat, au monde. En cela il est « le désert ».

Des millions d’yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage et, pour moi, il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme. Il m’assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile. Le monde est beau, et hors de lui, point de salut. La grande vérité que patiemment il m’enseignait, c’est que l’esprit n’est rien, ni le cœur même. Et que la pierre chauffée par le soleil, ou le cyprès que le ciel découvert agrandit, limitent le seul univers où « avoir raison » prend un sens : la nature sans hommes. Et ce monde m’annihile. Il me porte jusqu’au bout. Il me nie sans colère39.

Les carnets racontent donc aussi les territoires, les voyages, et les pensées du voyage.

C’est sur ce balancement qu’il faudrait s’arrêter : singulier instant où la spiritualité répudie la morale, où le bonheur naît de l’absence d’espoir, où l’esprit trouve sa raison dans le corps. […] On sent bien qu’il s’agit ici d’entreprendre la géographie d’un certain désert40.

On pourrait ainsi croire que le voyage est pur bonheur du moment, et promesse de perfectionnement moral. La réalité est plus complexe, ce dont s’avise Camus dès janvier ou février 36.

Aux Baléares : L’été passé.
Ce qui fait le prix du voyage, c’est la peur. C’est qu’à un certain moment, si loin de notre pays, de notre langue […], une vague peur nous saisit, et un désir instinctif de regagner l’abri des vieilles habitudes. C’est le plus clair apport du voyage. À ce moment-là, nous sommes fébriles mais poreux. Le moindre choc nous ébranle jusqu’au fond de l’être. […] C’est pourquoi il ne faut pas dire qu’on voyage pour son plaisir. Il n’y a pas de plaisir à voyager. J’y verrais plutôt une ascèse. C’est pour sa culture qu’on voyage si l’on entend par culture l’exercice de notre sens le plus intime qui est celui de l’éternité. Le plaisir nous écarte de nous-même comme le divertissement de Pascal éloigne de Dieu. Le voyage, qui est comme une grande et plus grave science, nous y ramène41.

On pourrait croire à une esthétisation philosophique, éventuellement un peu affectée. Il n’en est rien, car on trouve aussi des considérations très manifestement vécues :

21 octobre [1937]
Il faut singulièrement plus d’énergie pour voyager pauvrement que pour jouer au voyageur traqué. Prendre un pont sur les bateaux, arriver fatigué et creusé par l’intérieur, voyager longuement en troisième, ne faire souvent qu’un repas par jour, compter son argent et craindre à chaque minute qu’un accident inconsidéré n’interrompe un voyage par lui-même déjà si dur, tout cela demande un courage et une volonté qui défendent qu’on prenne au sérieux les prêches sur le « déracinement ». Ce n’est pas gai de voyager, ni facile. Et il faut avoir le goût du difficile et l’amour de l’inconnu pour réaliser ses rêves de voyage lorsqu’on est pauvre et sans argent. Mais à bien voir, cela prévient contre le dilettantisme et sans doute je ne dirai pas que ce qui manque à Gide et à Montherlant, c’est d’avoir des réductions sur les trains qui les contraignent à rester six jours dans une même ville. Mais je sais bien qu’au fond je ne puis voir les choses comme Montherlant ou Gide – à cause des réductions sur les trains42.

Cette situation est reprise dans L’Envers et l’Endroit (« La Mort dans l’âme »), où le narrateur, arrivé à Prague avec très peu d’argent, s’y trouve prisonnier.

Tout pays où je ne m’ennuie pas est un pays qui ne m’apprend rien. C’est avec de telles phrases que j’essayais de me remonter. Mais vais-je décrire les jours qui suivirent ? Je retournai à mon restaurant. Matin et soir, je subis l’affreuse nourriture au cumin qui me soulevait le cœur. […]
Et rentré le soir, j’écrivis d’un trait ce qui suit et que je transcris avec fidélité, parce que je retrouve dans son emphase même la complexité de ce qu’alors je ressentais : « Et quel autre profit vouloir tirer du voyage ? Me voici sans parure. Ville dont je ne sais pas lire les enseignes, caractères étranges où rien de familier ne s’accroche, sans amis à qui parler, sans divertissement enfin. De cette chambre où arrivent les bruits d’une ville étrangère, je sais bien que rien ne peut me tirer pour m’amener vers la lumière plus délicate d’un foyer ou d’un lieu aimé. Vais-je appeler, crier ? Ce sont des visages étrangers qui paraîtront. Églises, or et encens, tout me rejette dans une vie quotidienne où mon angoisse donne son prix à chaque chose. Et voici que le rideau des habitudes, le tissage confortable des gestes et des paroles où le cœur s’assoupit, se relève lentement et dévoile enfin la face blême de l’inquiétude. L’homme est face à face avec lui-même : je le défie d’être heureux... Et c’est pourtant par là que le voyage l’illumine. Un grand désaccord se fait entre lui et les choses. Dans ce cœur moins solide, la musique du monde entre plus aisément. Dans ce grand dénuement enfin, le moindre arbre isolé devient la plus tendre et la plus fragile des images.
Œuvres d’art et sourires de femmes, races d’hommes plantées dans leur terre et monuments où les siècles se résument, c’est un émouvant et sensible paysage que le voyage compose43.

Entre Carnets et publications se remarque une différence de statut mais aussi de mobile : les carnets ont recueilli des idées jetées au passage, des réflexions plus ou moins désabusées ou inspirées selon les moments et les lieux, parfois découragées, souvent par la fatigue maladive du voyageur.

Paris-Alger44. L’avion comme un des éléments de la négation et de l’abstraction modernes. Il n’y a plus de nature ; la gorge profonde, le vrai relief, le torrent infranchissable, tout disparaît. Il reste une épure – un plan.
L’homme prend en somme le regard de Dieu. Et il s’aperçoit alors que Dieu ne peut avoir qu’une vue abstraite. Ce n’est pas une bonne affaire45.

Les textes publiés ont subi une relecture critique, souvent dans le sens de l’allégement des détails purement contingents, et l’accentuation de la réflexion universelle.

À l’arrière-plan résonne la leçon de vie de Jean Grenier, qui enlève a posteriori tout pathos à la conception même de carnet :

Conseils de médecine spirituelle : ne pas se laisser aller, guérir par la volonté, la dignité. Se regarder dans un miroir, mais comme si on était un autre. Narcissisme sans complaisance, se tenir debout. Guérir par le travail46.

Récupération des carnets/journaux dans « Pluies de New York » et « La mer au plus près »

Les deux journaux de voyage, extraits des Carnets, se présentent comme des « pense-bêtes », avec des entrées journalières qui en jalonnent la chronologie. Ces voyages, plus tardifs, ne sont plus les premiers séjours inquiets dont les élans étaient bridés par l’indigence. Lorsqu’il se rend à New York, il est, en 1946, le journaliste de Combat. Dans ses carnets, il note, pour se les rappeler, ses occupations, ses visites, ses rencontres. Par exemple :

À l’hôtel à 4 heures, Bromley m’attend47.

Il n’y a rien de littéraire à tirer de ce repère. À part lui, personne ne sait quel visage mettre sous le nom de Bromley, personne – sauf ses biographes – ne peut mesurer exactement la portée de sa rencontre. Les détails ne servent qu’à son auteur sténographe ; et encore, il n’en conservera rien sur le plan de la réécriture. La suite du carnet en revanche semble davantage notée à des fins de réécriture éventuelle – noms, images :

Nous filons vers le New Jersey. Gigantesque paysage d’usines, de viaducs et de voies ferrées. Et puis tout à coup East Orange et la campagne la plus carte postale qui soit, avec des milliers de cottages propres et nets comme des jouets au milieu de grands peupliers et de magnolias48.

Le journal enregistre la carte postale, qui permet de fixer des images instantanées, éventuellement réutilisables, et potentiellement accessibles à n’importe quel lecteur.

Certains passages des journaux ont fait l’objet d’une évidente réécriture, grâce au matériau retenu au vol et engrangé dans les pages du carnet. Les expressions identiques, reprises après de très légères modifications dans certains paragraphes, permettent de déterminer le travail de la réécriture.

Journaux de voyage49

« Pluies de New York »50

Odeur de New York – un parfum de fer et de ciment – le fer domine. […] (27) Pluie sur New York. Elle coule inlassablement entre les hauts cubes de ciment. Bizarre sentiment d’éloignement dans le taxi dont essuie-glaces rapides et monotones balaient une eau sans cesse renaissante. Impression d’être pris au piège de cette ville et que je pourrais me délivrer des blocs qui m’entourent et courir pendant des heures sans rien retrouver que de nouvelles prisons de ciment, sans l’espoir d’une colline, d’un arbre vrai ou d’un visage bouleversé. […] // Pluies de New York. Incessantes, balayant tout. Et dans la brume grise, les gratte-ciel se dressent blanchâtres comme les immenses sépulcres d’une ville habitée par les morts. À travers la pluie, on voit les sépulcres vaciller sur leurs bases. // Terrible sentiment d’abandon. Quand même je serrerais contre moi tous les êtres du monde, je ne serais défendu contre rien. (42)

La pluie de New York est une pluie d’exil. Abondante, visqueuse et compacte, elle coule inlassablement entre les hauts cubes de ciment, sur les avenues soudain assombries comme des fonds de puits. Réfugié dans un taxi, arrêté aux feux rouges, relancé aux feux verts, on se sent tout à coup pris au piège, derrière les essuie-glaces monotones et rapides qui balaient une eau sans cesse renaissante. On s’assure qu’on pourrait ainsi rouler pendant des heures, sans jamais se délivrer de ces prisons carrées, de ces citernes où l’on patauge, sans l’espoir d’une colline, d’un arbre vrai. Dans la brume grise, les gratte-ciel devenus blanchâtres se dressent comme les gigantesques sépulcres d’une ville de morts, et semblent vaciller un peu sur leurs bases. Ce sont alors les heures de l’abandon. Huit millions d’hommes, l’odeur de fer et de ciment, la folie des constructeurs, et cependant l’extrême pointe de la solitude. « Quand même je serrerais contre moi tous les êtres du monde, je ne serais défendu contre rien. »

Les phrases sont plus longues, pourvues d’une structure grammaticale plus régulière. Le texte réécrit perd en témoignage ce qu’il gagne en universalité, grâce à la transformation de la voix narrative personnelle, à la première personne du voyageur, en une autorité impersonnelle plus philosophique – sauf dans la dernière phrase, reprise à l’identique de son journal, qui devient auto-citation, maxime, sentence, grâce aux guillemets. D’une façon générale, le ton est plus ample, son flot n’est plus interrompu et divisé par les îlots des dates et des noms accidentels.

Quelques instantanés de la ville dans laquelle il circule, quelques images de Harlem, quelques vues de l’autostrade au soleil couchant, à la manière d’une traversée de ville dans un film qui ne permet que d’entr’apercevoir la vie des autres.

Journaux de voyage51

« Pluies de New York »52

Douceurs des soirs sur les vastes pelouses de Washington, quand le ciel devient rouge et que l’herbe commence à noircir, que des nuées de négrillons s’y renvoient une balle avec une latte de bois au milieu de cris joyeux, que des Américains en chemise, débraillés, affalés sur des bancs, venus tout droit d’un saloon de vieux film, sucent avec un reste d’énergie des glaces affalés sur des bancs, moulées dans du carton pasteurisé, tandis que des écureuils viennent déterrer sous vos pieds des friandises dont ils sont seuls à savoir le nom et que, dans les cent mille arbres de la ville, un million d’oiseaux saluent l’apparition de la première étoile, au-dessus de la pyramide de Washington et dans le ciel encore clair, alors que des créatures aux longues jambes arpentent les chemins d’herbe dans la perspective des grands monuments, offrant au ciel un moment détendu leur visage splendide et leur regard sans amour.

Je pense à d’autres soirs enfin, doux et rapides à vous serrer le cœur, qui empourprent les vastes pelouses de Central Park, à hauteur de Harlem. Des nuées de négrillons s’y renvoient une balle avec une batte de bois, au milieu de cris joyeux, pendant que de vieux Américains, en chemise à carreaux, affalés sur des bancs, sucent avec un reste d’énergie des glaces moulées dans du carton pasteurisé, des écureuils à leurs pieds fouissant la terre à la recherche de friandises inconnues. Dans les arbres du parc, un jazz d’oiseaux salue l’apparition de la première étoile au-dessus de l’Imperial State et des créatures aux longues jambes arpentent les chemins d’herbe dans l’encadrement des grands buildings, offrant au ciel un moment détendu leur visage splendide et leur regard sans amour.

La réécriture souligne les clichés de l’Amérique : grands espaces, portraits stéréotypés des « négrillons » jouant à la balle dans la rue, du « vieil Américain » sorti tout droit des westerns ou du cinéma d’outre-Atlantique, de la pin-up blasée… et même les écureuils de Central Park. Cependant il donne une petite touche nouvelle ou plus affirmée aux clichés, dans la seconde mouture, avec la chemise à carreaux, l’orchestre de jazz, ou la « batte » de base-ball identifiée dans le jeu des enfants. Mais surtout, il déplace la scène de Washington à New York, au prix de menus accommodements, resserrant ainsi l’intérêt autour de cette ville, comme emblème et synecdoque de la modernité américaine. « Au premier regard, hideuse ville inhumaine. Mais je sais qu’on change d’avis », écrit-il au « premier coup de New York53 ». Le voyage n’est plus une tournée aux États-Unis mais une traversée de sa quintessence, comme s’il voyait la Ville à travers les vitres d’un taxi.

J’ai mes idées sur d’autres villes. Mais de celle-ci je ne garde que ces émotions puissantes et fugitives, une nostalgie impatientée, les instants du déchirement54.

La voix de la passion est plus libre dans « Pluies à New York » – quoique toujours générale.

J’apprends qu’il en est des villes comme de certaines femmes, qui vous irritent, vous bousculent et vous écorchent l’âme, et dont on emporte sur tout le corps la chère brûlure, à la fois scandale et délectation55.

Bien perspicace qui verra là, sans doute, l’écho d’un bref amour offert par les circonstances.

C’est ainsi, pour finir, que je porte New York en moi, comme on véhicule dans l’œil un corps étranger, insupportable et délicieux, avec des pleurs d’attendrissement et des rages à tout nier56.

Ombre d’une femme non nommée, non décrite – alors que d’autres personnages entrevus sont évoqués comme dans un curieux Barnum.

 

Le journal de voyage en Amérique du Sud présente une autre perspective : à part les pages procurées en mer, heureuses et suscitant l’écriture, le voyage en Amérique du Sud entre juin et août 1949 n’est pas un voyage d’agrément. Camus est fatigué il pense avoir la grippe – en réalité la tuberculose, dont il a déjà souffert, le reprend –, mais ces intermittences lui font supporter avec impatience les menus tracas du voyage, les conférences mal organisées, les trajets inconfortables. La fin du voyage tourne à la catastrophe.

Samedi 16 heures. On m’avertit que l’avion a une panne de moteur et ne partira que le lendemain, dimanche. La fièvre augmente et je commence à me demander s’il ne s’agit pas d’autre chose que d’une grippe.

31 août
Malade. Bronchite au moins. On téléphone que nous partons cet après-midi. Il fait une journée radieuse. Médecin. Pénicilline. Le voyage se termine dans un cercueil métallique entre un médecin fou et un diplomate, vers Paris57.

Malgré tout, des pages précises ont été reprises pour une nouvelle, « La Pierre qui pousse », dans L’Exil et le Royaume. Il s’agit du récit d’une fête, qui relève plus de l’ethnologie, insérée avec des modifications minimales. Grenier commente le texte à paraître avec Camus :

– La Pierre qui pousse est une admirable nouvelle et j’approuve la fin qui est elliptique et imprévue, le choix qui est fait brusquement par l’ingénieur entre le Zar et la procession.
– Je compte retrancher à la description de la macumba (danse) qui fait trop morceau de bravoure et ajouter un peu à la fin58.

En revanche, le voyage en mer (qui mêle des passages aussi bien du retour de New York que du voyage en direction de l’Amérique) est longuement repris par le dernier texte de L’Été : « La mer au plus près. Journal de bord ». Cependant, il s’agissait vraiment de deux journaux dans les Carnets, alors que dans L’Été, la relation, unifiée, universalisée, tend vers le poème en prose, après avoir gommé les traces de la chronologie du diariste. Il n’est plus un « journal de bord » que de nom, de rêve.

Pleines eaux. Le soleil descend, est absorbé par la brume bien avant l’horizon. Un court instant, la mer est rose d’un côté, bleue de l’autre. Puis les eaux se foncent. La goélette glisse, minuscule, à la surface d’un cercle parfait, au métal épais et terni. Et à l’heure du plus grand apaisement, dans le soir qui approche, des centaines de marsouins surgissent des eaux, caracolent un moment autour de nous, puis fuient vers l’horizon sans hommes. Eux partis, c’est le silence et l’angoisse des eaux primitives59.

On retrouverait presque les Îles de Grenier… Car après les textes dédiés au minéral et au vent, ce passage de la fin des « Îles fortunées » est tout entier consacré à la mer :

Fleurs qui flottez sur la mer et qu’on aperçoit au moment où on y pense le moins, algues, cadavres, mouettes endormies, vous que l’on fend de l’étrave, ah, mes îles fortunées ! Surprises du matin, espérances du soir — vous reverrai-je encore quelques fois ? Vous seules qui me délivrez de moi et en qui je puis me reconnaître. Miroirs sans tain, cieux sans lumière, amours sans objet60.

La traversée et le « journal » s’achèvent en même temps. Le texte de L’Été est cependant nourri d’autres impressions que celles des deux voyages en Amérique, puisque à la fin des Carnets, en mars 1951, Camus note :

Si je devais mourir ignoré du monde, dans le fond d’une prison froide, la mer, au dernier moment, emplirait ma cellule, viendrait me soulever au-dessus de moi-même et m’aider à mourir sans haine61.

Cette phrase devient, dans « La mer au plus près » :

Que dit la vague ? Si je devais mourir, entouré de montagnes froides, ignoré du monde, renié par les miens, à bout de forces enfin, la mer, au dernier moment, emplirait ma cellule, viendrait me soutenir au-dessus de moi-même et m’aider à mourir sans haine62.

« Un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre »

La formule63 des « Noces à Tipasa » rappelle que les journaux de voyage et certaines œuvres comme L’Envers et l’Endroit sont moins favorisés par la critique – peut-être même également moins par Albert Camus lui-même, qui se sert de ses carnets comme de brouillons griffonnés au jour le jour, de mémoire des faits, des pensées, de trouvailles, et première mouture d’écrits plus concertés. Ce sont des portes d’entrée discrètes dans l’œuvre, plutôt des portes de service, celles des livraisons : par là entrent les matériaux qui peuvent servir ensuite à élaborer la réflexion, à donner corps à l’écriture des œuvres majeures.

Vivre, bien sûr, c’est un peu le contraire d’exprimer. Si j’en crois les grands maîtres toscans, c’est témoigner trois fois, dans le silence, la flamme et l’immobilité64.

Cette discrétion, ce silence, en font le prix. Les Carnets peuvent sans doute rester aussi le jardin secret.

On commence par créer dans la solitude et l’on croit que c’est difficile. Mais on écrit et crée ensuite dans la compagnie. On sait alors que l’entreprise est insensée et que le bonheur était au début65.

 

Notes de bas de page numériques

1 Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, p. 83. Préface d’A. Camus.

2 Camus était né le 7 novembre 1913 et est mort le 4 janvier 1960.

3 Préface d’A. Camus à Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, p. 12-13.

4 Préface d’A. Camus à Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, p. 13.

5 Raymond Gay-Crosier, Notice des Carnets, in Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1379. Les carnets ont été partiellement revus par Camus lui-même.

6 Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1380.

7 Carnets 1935-1948, « Cahier V » (septembre 1945-avril 1948), Œuvres complètes II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1097.

8 Laurent Mailhot, Albert Camus ou l’imagination du désert, Montréal, PU Montréal, 1973, p. 4.

9 Les deux « journaux de voyage » ont été détachés et publiés à part en 1978.

10 Préface, Œuvres complètes I, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 31. Il n’aurait accepté leur publication qu’au seul motif que seuls les gens fortunés pouvaient acquérir les exemplaires devenus rares et chers – ce qu’il trouvait injuste.

11 Carnets 1935-1948, « Cahier V » (septembre 1945-avril 1948), Œuvres complètes II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1088.

12 Zedjiga Abdelkrim, Notice de Noces, Œuvres complètes I, 1931-1944, éd. Jacqueline Lévi-Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 1227.

13 Noces [1939], Gallimard, « Folio », 1982, p. 70.

14 Carnets 1935-1948, « Cahier VI » (avril 1948-décembre 1948), Œuvres complètes II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1013.

15 Dans leur correspondance (1932-1960), J. Grenier remercie A. Camus, le 13 novembre 1947 : « La bande que vous avez choisie pour les Îles était très bonne – Merci – », A. Camus et J. Grenier, Correspondance 1932-1960, Gallimard, 1981, p. 135.

16 Préface d’A. Camus à Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, p. 9.

17 Gide, Les Nourritures terrestres [1897], III, Gallimard, « Folio », 1977, p. 19.

18 Gide, Les Nourritures terrestres [1897], III, Gallimard, « Folio », 1977, p. 28-29.

19 « Non certes ce n’est pas tant voir autre chose, que me séparer de tout ce qui ne m’est pas indispensable. Ah ! de combien de choses, Nathanaël, on aurait encore pu se passer ! Âmes jamais suffisamment dénuées pour être enfin suffisamment emplies d’amour — d’amour, d’attente et d’espérance, qui sont nos seules vraies possessions. //Ah ! tous ces lieux où l’on aurait tout aussi bien pu vivre ! Lieux où foisonnerait le bonheur. Fermes laborieuses ; travaux inestimables des champs ; fatigue ; immense sérénité du sommeil... Partons ! et ne nous arrêtons que n’importe où !… » Gide, Les Nourritures terrestres, p. 97.

20 Gide, Les Nourritures terrestres [1897], III, Gallimard, « Folio », 1977, p. 76-77.

21 Noces [1939], Gallimard, « Folio », 1982, p. 66-67.

22 Corneille, Le Cid, IV, 3 !

23 J. Grenier, Les Îles, Gallimard, p. 89-90.

24 Premiers écrits, « La maison mauresque », Œuvres complètes I, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 967-968.

25 Préface d’A. Camus à Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, p. 9-11.

26 Noces, Gallimard, « Folio », p. 70.

27 Préface d’A. Camus à Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, p. 15.

28 Noces, Gallimard, « Folio », p. 85.

29 Carnets 1935-1948, « Cahier I », Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 823.

30 « Le Vent à Djémila », Noces, Gallimard, « Folio », p. 25.

31 J. Grenier, Les Îles, Gallimard, p. 91.

32 J. Grenier, Les Îles, Gallimard, p. 91.

33 J. Grenier, Les Îles, Gallimard, p. 91.

34 J. Grenier, Les Îles, Gallimard, p. 89.

35 « Lettre à Ponge », Essais, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1663, cité par Michèle Monte, « Sobriété et profusion : une rhétorique du paysage dans Noces et L’été d’Albert Camus », Babel [En ligne], 7 | 2003, mis en ligne le 12 juin 2012, consulté le 19 janvier 2015. URL : http://babel.revues.org/1418.

36 Carnets 1935-1948, « Cahier II » (septembre 1937-avril 1939), Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », (août 1938), p. 856.

37 Carnets 1935-1948, « Cahiers IV » (janvier 1942-septembre 1945), « 15 janvier », p. 73/ Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 980.

38 Noces, Gallimard, « Folio », p. 57.

39 Noces, Gallimard, « Folio », p. 67-68.

40 Noces, Gallimard, « Folio », p. 68-69.

41 Carnets 1935-1948, « Cahier I » (mai 1935-septembre 1937), Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 800-801.

42 Carnets 1935-1948, « Cahier II » (septembre 1937-avril 1939), Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 841.

43 L’Envers et l’Endroit, Œuvres complètes I, 1931-1944, éd. Jacqueline Lévi-Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 57-58.

44 Voyage de novembre 1947.

45 Carnets 1935-1948, « Cahier V » (septembre 1945-avril 1948), Œuvres complètes II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p.1105.

46 Jean Grenier, Carnets 1944-1971, Seghers, 1991, « 1er novembre 1958 », p. 263.

47 Journaux de voyage, Gallimard, « Folio », p. 30.

48 Journaux de voyage, Gallimard, « Folio », p. 30.

49 Journaux de voyage, Gallimard, « Folio », p. 27-42.

50 Formes et couleurs, 1947, dans Essais, éd. Roger Quilliot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1829-1830. En italiques, les termes repris des Journaux de voyage.

51 Journaux de voyage, Gallimard, « Folio », p. 36.

52 Formes et couleurs, 1947, dans Essais, éd. Roger Quilliot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1830. En italiques, les termes repris des Journaux de voyage.

53 Journaux de voyage, Gallimard, « Folio », p. 25.

54 « Pluies de New York », dans Essais, éd. Roger Quilliot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1831.

55 « Pluies de New York », dans Essais, éd. Roger Quilliot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1832.

56 « Pluies de New York », dans Essais, éd. Roger Quilliot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1832.

57 Journaux de voyage, Gallimard, « Folio », p. 125.

58 Jean Grenier, Carnets 1944-1971, Seghers, 1991, « 6 août 1956 », p. 202.

59 « La mer au plus près », L’Été, Gallimard, « Folio », p. 174

60 Jean Grenier, Les Îles [1933], Gallimard, 1959, « Les îles fortunées », p. 93.

61 Carnets II, « Cahier VI » (avril 1948-mars 1951), Gallimard, « nrf », p. 344-345.

62 « La mer au plus près », L’Été, Gallimard, « Folio », p. 182.

63 « Noces à Tipasa », Noces, « Folio », p. 18.

64 « Désert », Noces, « Folio », p. 53.

65 Carnets 1935-1948, « Carnet VI » (avril-décembre 1948), Œuvres complètes II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1119.

Bibliographie

Textes

Camus Albert, L’Envers et l’Endroit [1935-1958], (« La mort dans l’âme », p. 55-63, « Amour de vivre », p. 29-72) ; Premiers écrits, « La maison mauresque », p. 967-975, dans Œuvres complètes I, 1931-1944, éd. Jacqueline Lévi-Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006

Camus Albert, Carnets 1935-1948 (mai 1935-décembre 1948), éd. Raymond Gay-Crosier, dans Œuvres complètes II, 1944-1948, dir. Jacqueline Lévi-Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 793-1125

Camus Albert, Carnets II (janvier 1942-mars 1951), Gallimard, « nrf », 1964

Camus Albert, Noces [1939], éd. Zedjiga Abdelkrim, dans Œuvres complètes I, 1931-1944, dir. Jacqueline Lévi-Valensi, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, notice p. 1227-1233

Camus Albert, Noces [1939], suivi de L’Été [1954], Gallimard, 1959, « Folio », 1982

Camus Albert, Journaux de voyage [1946/1949], éd. Roger Quilliot, Gallimard, 1978, « Folio », 2014

Camus Albert, « Pluies de New York », dans Essais, éd. Roger Quilliot et Louis Faucon, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965

Camus Albert, L’Exil et le Royaume, dans Théâtre, récits, nouvelles, éd. Roger Quilliot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1962

Camus Albert & Grenier Jean, Correspondance 1932-1960, Gallimard, 1981

Grenier Jean, Les Îles, [1933], Gallimard, 1959, préface d’A. Camus

Grenier Jean, Carnets 1944-1971, Seghers, 1991

Gide André, Les Nourritures terrestres [1897], Gallimard, 1917, 2e éd. 1926, « Folio », 1977

Études

Mailhot Laurent, Albert Camus ou l’imagination du désert, Montréal, PU Montréal, 1973

Monte Michèle, « Sobriété et profusion : une rhétorique du paysage dans Noces et L’été d’Albert Camus », Babel [En ligne], 7 | 2003, mis en ligne le 12 juin 2012, consulté le 19 janvier 2015. URL : http://babel.revues.org/1418

Notes de la rédaction

Cette conférence a été prononcée le 21 janvier 2015 à la Bibliothèque Universitaire Henri Bosco, dans le cycle conjoint « Henri Maccheroni à Tipasa sur les pas d’Albert Camus », à la BU Lettres Henri Bosco et  le séminaire « Camus : "un temps pour témoigner de vivre" » organisé par le CTEL.

Pour citer cet article

Odile Gannier, « Poétique des lieux : Camus, ancrages et voyages », paru dans Loxias-Colloques, 4. Camus: "un temps pour témoigner de vivre" (séminaire), Poétique des lieux : Camus, ancrages et voyages, mis en ligne le 15 février 2015, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=695.

Auteurs

Odile Gannier

Professeur de littérature générale et comparée à l’Université Nice Sophia Antipolis, membre du CTEL. Ses travaux portent en particulier sur le genre de la littérature de voyage.