Loxias-Colloques |  5. L’expérience féminine dans l’écriture littéraire | III. Combats féministes 

Fatemeh Samiei  : 

Écriture féminine en Iran post-révolutionnaire : une arme de combat politique

Résumé

La révolution iranienne de 1979 a exercé un impact décisif sur la vie des femmes. Dans une société profondément marquée par la théocratie et l’inscription de la loi divine, on assiste à une prolifération d’écriture féminine se donnant pour but de récupérer une identité niée par la société patriarcale. Une conscience aiguë de l’injustice, de l’iniquité sociale entre les sexes paraît avoir suscité les voix jusque-là inconnues. Parmi les leaders des mouvements féministes en Iran, Shirin Ébadi, détentrice du prix Nobel de la paix en 2003, occupe une place à part. Cet article se donne pour but de dégager les traits caractéristiques de l’écriture féminine en Iran post-révolutionnaire, mise au service du combat politique, à travers La Cage dorée, le roman autobiographique de Shirin Ebadi.

Index

Mots-clés : droits des femmes , Ebadi (Shirin), révolution iranienne

Keywords : Ebadi (Shirin)

Géographique : Iran

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

La trace du féminin dans l’écriture

L’une des premières études académiques à examiner le lien entre le genre et le langage a été réalisée en 1922 par le linguiste Otto Jesperson. Cette étude affirmait que le langage des femmes se distinguait de celui des hommes par sa politesse, son vocabulaire restreint et ses nombreux adverbes d’intensité. Les études statistiques des sociolinguistes William Labov (1966) et Peter Trudgill (1972) ont été utilisées pour affirmer que le langage des femmes était moins orienté vers le standard que celui des hommes et qu’il se distinguait par ses nombreuses formes linguistiques de prestige.

Les études féministes sur le langage ont commencé dans les années 1970. Robin Lakoff, dans son article « Language and woman’s place » de 1972, a été la première à soutenir que la différence entre langage féminin et langage masculin reflétait et en même temps, produisait la position subordonnée de la femme dans la société. Selon Lakoff, le langage féminin – truffé de mitigeurs, qualificatifs inutiles, large usage des questions et des interrogatives pour des assertions est hésitant, impuissant et trivial. Dans ce sens, c’est le langage qui empêche les femmes d’acquérir autorité et pouvoir et qui fait qu’elles soient dominées par les hommes.

L’idée d’une « écriture féminine », remonte au XXe siècle. Avant cette date, le féminin a certes une dimension, mais ce n’est pas encore, une dimension créatrice. Pour préciser ce que recouvre la notion du féminin dans l’écriture, je propose d’abord de faire un retour sur les écrits d’Hélène Cixous et Béatrice Didier, qui se trouvent au cœur de ce débat.

Dans La jeune née1 Hélène Cixous énumère trois points concernant la féminité dans l’écriture : en premier lieu, un privilège de la voix, c’est-à-dire une oralisation de la langue. En second lieu, Cixous voit les effets de féminité dans le privilège du corps et en troisième lieu, dans la « dépropriation » ou la « dépersonnalisation », c’est-à-dire une subjectivité ouverte, une capacité de s’ouvrir à l’autre. Quoiqu’elle n’entre pas dans les propos de Cixous, illustre bien cette idée de pouvoir voir l’autre dans sa différence, sans réduire l’autre au même.

Béatrice Didier, plus particulièrement dans ses études Le Journal intime et L’Écriture-Femme2, suggère à plusieurs reprises quatre inclinaisons chez la femme : L’écriture intime féminine serait davantage relationnelle. Les femmes se définiraient donc plus facilement à travers leurs relations aux autres, et non à travers une recherche introspective et une analyse de soi. Les « lignes de forces communes » qui permettent de reconnaître un écrit féminin proviendraient, au moins en partie, d’une certaine situation de la femme dans la société. Néanmoins, l’écriture féminine semble presque toujours le lieu d’un conflit entre le désir violent d’écrire et une société qui manifeste à l’égard de la femme soit une hostilité systématique. Enfin, selon Didier, « les femmes aiment à écrire leur enfance ».

Dans cet article, en nous appuyant sur ces écrits, nous allons essayer de dégager les particularités de l’écriture féminine en Iran post-révolutionnaire à travers le roman de Shirin Ebadi, La Cage dorée.

L’histoire et la tragédie de l’Iran moderne dans le miroir de La Cage dorée

Avec sa riche histoire culturelle et de ses dernières décennies de troubles politiques, l’Iran paraît confondant lorsqu’on l’examine de l’extérieur. Les savants iraniens comparent souvent son tissu social à un tapis persan – étroitement noués et incroyablement complexe. Shirin Ebadi simplifie cette complexité dans son roman La Cage dorée.

En exergue de La Cage dorée, « roman où tout est vrai », Shirin Ebadi a voulu inscrire une phrase du sociologue et philosophe iranien Ali Shariati : « Si vous ne pouvez pas éliminer l’injustice, au moins racontez-la à tous. »

Dans son roman, Ebadi guide le lecteur à travers l’histoire politique de l’Iran moderne, en expliquant les fondements historiques des trois principaux camps politiques. Ce récit, où le drame et le quotidien s’entremêlent, est une parabole de la société iranienne contemporaine. Une cage dorée ternie par la violence, l’intolérance et l’oppression. À travers l’amitié de deux petites filles, Shirin la narratrice et Pari, qui deviennent femmes, jaillit l’histoire iranienne des trente dernières années. Ces deux enfants élevés sous le régime du Shah verront naître la révolution islamique iranienne et leur famille se disloquer au rythme des engagements des frères. Car Pari a trois frères qui choisiront chacun des voies ennemies, des routes qui jamais ne pourront plus se croiser. Abas, fidèle au Shah et général de l’armée fuira son pays pour se réfugier aux États-Unis avec femme et ses enfants. Devenu boulanger en Californie, ce conservateur finit par se suicider en apprenant l’homosexualité de son fils.

Javad, communiste, dont on découvre le secret du malheureux mariage, emprisonné et honni par le troisième frère, finira exécuté par la République islamique. Quant à Ali, soutien de la première heure de l’ayatollah Khomeiny, héros de la guerre contre l’Irak, contraint à l’exil à Paris, il finira froidement assassiné par un bras armé d’Ahmadinejad3 dans la modeste chambre qu’il louait sous un nom d’emprunt. La jeune femme, Pari, attendra le décès de sa mère malade avant de fuir l’Iran, cette « cage dorée ». C’est comme si chacun des personnages du roman, s’était enfermé dans une cage dorée, une belle cage certes solide, sûre comme n’importe quelle idéologie, mais une cage néanmoins, qui les empêche de regarder à l’extérieur et de communiquer avec les autres.

Au fil des pages et des années sombres de l’Iran, alors que le mur du salon de l’appartement familial s’orne des portraits des disparus, l’auteur nous raconte les insoupçonnables arrangements d’un régime injuste et intolérant.

Dans ce récit, c’est le sort de nombreuses familles iraniennes victimes des bouleversements historiques et politiques de leur pays depuis trente ans qui est conté avec force et émotion. En entrelaçant les histoires des frères de grands événements politiques du siècle dernier, l’auteur fait découvrir trois facettes politiques radicalement différentes de l’Iran. Elle explique comment et pourquoi le Shah avait une telle forte popularité, comment les communistes iraniens ont développé une base aussi rapidement qu’ils l’ont perdue, et le moyen par lequel Khomeiny et les mollahs ont pris le pouvoir. En outre, en relatant les difficultés que son amie Pari rencontre, l’auteur relie le passé au présent, révélant l’état d’esprit de ceux mécontents de la République islamique.

Le monde sous le regard féminin

En effet, La Cage dorée fait preuve des caractéristiques de l’écriture féminine repérées dans la littérature intime et les récits de vie, auxquelles Cixous et Didier font allusion dans leurs écrits. C’est un récit autobiographique à la première personne, qui a pour personnage principale une femme. Un « je » qui n’est pas seulement confronté aux problèmes classiques – mariage, famille, place sociale, droits de la femme – il se frotte aussi aux tabous de la société tels que l’union libre et l’homosexualité. L’engagement politique des femmes est aussi l’un des thèmes importants du roman ayant pour but l’égalité et l’émancipation de la femme dans la société iranienne. Aux yeux d’Ebadi, l’écriture joue le rôle d’une arme de la libération qui serait capable de bouleverser des relations sociales et le régime politique. La romancière s’exprime sur un grand nombre de sujets concernant la société iranienne. Dans le rythme vital de son écriture, la douleur et l’ivresse des mots, surgit son vécu intime et social. Cette œuvre est caractérisée par sa structure orale, la prédominance des dialogues sur la narration et par l’émergence de la féminité au sein même de cette parole. Ebadi décide de briser les barrières qui cloisonnent le discours féminin, en prenant une parole que la société patriarcale lui a toujours refusée. Cette parole est celle du corps, de la sexualité, des joies et des désirs. Dans La Cage dorée, on assiste à une présentation du corps féminin selon différents thèmes : sexualité, mariage, bonheurs et désillusions de la vie conjugale, expérience de la maternité et fausses couches.

La sexualité

Dans La Cage dorée, la sexualité est abordée de manière surprenante. Ayant grandi dans les contraintes de la société musulmanes, Ebadi a du mal à aborder ouvertement la sexualité et il faut compter sur une certaine auto-censure et une pudeur qui caractérise la majorité des écritures féminines persanes. Il est probable que dans la littérature féminine iranienne, certains auteurs hésitent à aborder le tabou du corps, du désir et de la jouissance de peur des sarcasmes de leur entourage ou de la critique. Ainsi le mot désir apparaît-il une seule fois tout au long du roman pour décrire la pensée de l’un des protagonistes, Abbas.

Il s’imaginait serrant cette main dans la sienne ; cette simple pensée faisait naître en lui les frissons de désir4.

Lorsqu’il est la question du désir sexuel et la sexualité, les personnages féminins du roman cachent ce qu’ils pensent. Dans la scène où le narrateur raconte l’histoire d’amour d’Abbas et sa voisine Touran, l’auteur fait l’usage des adjectifs et des verbes qui suggèrent le silence et la timidité de la jeune fille.

Elle passait silencieuse dans le couloir… Elle se déplaçait d’une façon gracieuse et légère, comme si elle dansait. Ses vêtements, qui bruissaient à peine, modelaient doucement ses formes souples. Sa voix était un enchantement ; basse, veloutée, elle […] connaissait seulement les tendres tonalités de l’affection.
Touran le perturbait tellement qu’il ne se rendait pas compte qu’elle-même rougissait à son arrivée5.

La jeune fille, cache son amour en faisant semblant d’ignorer l’intérêt d’Abbas qui l’épiait par la fenêtre. Pourtant, se fait plus gracieuse pour l’attirer de plus en plus.

Touran, qui avait remarqué l’intérêt et les manœuvres d’Abbas, se faisait encore plus gracieuse pour l’attirer6.

Le mariage

L’auteur évoque la thématique du mariage, les bonheurs et les désillusions de la vie conjugale, ainsi que les coutumes, les traditions et les superstitions du mariage en Iran. On assiste au mariage d’amour de Touran et Abbas :

Quand il la croisa dans la rue, il eut le courage de lui sourire. Il ignorait qu’elle aussi attendait cet instant. Elle répondit à son sourire, et Abbas sentit aussitôt le bonheur l’envahir. Ils se dépêchèrent de se marier et s’installèrent dans une charmante petite maison […]7.

Les désillusions de la vie conjugale et le divorce sont traités à travers des personnages de Javad et Fariba, un couple dont le mariage est voué à l’échec. Le couple ne partage pas les mêmes idées politiques et religieuses : Fariba traite son mari communiste d’hypocrite et de traître et Javad la trouve « extrémiste », « rétrograde et vieux jeu8 ».

Peut-être Simin avait-elle vu juste ; au bout de trois années seulement, le mariage de Fariba et de Javad partit à vau-l’eau9.

L’auteur consacre la dernière partie de son œuvre à briser le mythe patriarcal, celui de l’amour romantique, du mariage heureux et la famille comme conditions nécessaires au bonheur. Lorsque le narrateur rend visite à sa copine Pari, en Angleterre, ce qui l’étonne est de la voir en relation libre avec Jack. Bien que l’idée de l’union libre soit inconcevable dans la mentalité traditionnelle iranienne, Pari voit dans le mariage la création de devoirs et de responsabilité, c’est-à-dire la perte de toute liberté. Selon elle, le mariage est une obligation idiote et inutile !

Shirin joon, tu ne deviendras donc jamais une personne moderne. Pourquoi devrions-nous nous marier ? En Iran, je serais forcée de le faire. […] Rien ne nous interdit de nous marier, Jack et moi. Mais pour le moment, nous somme bien comme ça. Nous n’avons pas envie de toutes ces obligations idiotes attachés au mariage, tu comprends ?10

L’expérience de la maternité, accouchement et fausses couches

Le thème de l’expérience de la maternité se trouve à plusieurs reprises dans le récit. Pour les personnages féminins du roman le mariage a bien entendu pour but la naissance et l’éducation des enfants. Le narrateur considère la naissance du premier enfant comme une bénédiction pour le couple :

Le mariage de Hossein et de Simin fut bientôt béni par la venue d’un fils, Abbas11.
Puis, en 1950, naquit le deuxième fils tant attendu, Javad12.

Ebadi aborde aussi le thème de la grossesse tardive et inattendu en mettant en scène le personnage de Simin qui tombe enceinte alors qu’elle est déjà grand-mère :

Quelques mois après Arya, Ali vint au monde, fruit tardif et inattendu du long mariage de Hossein et de Simin. La mère, mise à rude épreuve par la grossesse, avait passé de long mois au lit, paralysée par ce ventre qui avait gonflé contre toute attente et par un incessant mal de dos13.

Dans le roman, les fausses couches sont présentées comme de véritables traumatismes pour le couple. Simin a vécu sept ans de douloureuses fausses couches avant la naissance de sa fille Pari ;

mais il fallut sept ans de douloureuses fausses couches et d’inutiles pèlerinages propitiatoires avant que n’arrive Pari14.

Ce thème apparaît de nouveau à travers l’expérience tragique de Touran.

Une nuit au septième mois de grossesse, Touran se réveilla en proie à des crampes lancinantes. Elle criait de douleur. Abbas fit venir la sage-femme de toute urgence […] Il s’était préparé à accueillir un fils. Il ne s’était pas préparé à le perdre15.

Touran représente le chagrin profond après une fausse couche et le sentiment de la culpabilité pour l’enfant disparu.

elle ne faisait pour ainsi dire pas un geste, et ne touchait pas à la nourriture. Pâle, amaigrie, son fin visage creusé de rides, elle n’était plus que le fantôme de la jolie fille qui se roulait dans l’herbe avec ses frères16.

La femme et l’engagement politique

Les personnages féminins du roman reflètent des revendications féminines devant un système qui les refoule dans l’infériorité. Ce qui frappe d’emblée et, de façon globale, c’est l’absence de bonheur des femmes dans cette longue galerie de portraits féminins. Toutes, quels que soient leur milieu, leur origine, leur statut social, leur situation conjugale et leur âge, sont confrontées aux mêmes angoisses fondamentales devant l’impossibilité qui est la leur d’affirmer leur identité spécifique. À l’origine de cette détresse se trouvent les rôles avilissants que la société patriarcale leur impose uniformément. Leur identification de ce fait procède toujours de l’extérieur : elles sont soit épouses, soit mères, et généralement les deux à la fois, avant d’être elles-mêmes, c’est-à-dire femmes. Tout se passe comme si elles n’acquéraient une existence propre que dans cette dépendance servile. Il y a pourtant dans ce roman une force inouïe, incarnée par Pari et Shirin, devenues l’un médecin l’autre avocate, et qui conservent l’une pour l’autre une inébranlable confiance et foi. Ces amies qui se retrouvent par delà des années de silence et les frontières, alors que leurs réunions familiales ne sont plus que souvenirs pavés de deuils.

Entre l’effroi et la révolte, poignent des moments d’émotion. Quand Shirin redevient avocate et confie qu’elle avait désormais un objectif concret : servir d’exemple à ses enfants, et surtout s’employer à faire en sorte que leur Iran soit meilleur que le sien. Quand ravagée de douleur à la mort de son père qui lui avait enseigné la justice et l’égalité, une vieille tante la sermonne :

Les êtres humains se divisent en deux catégories. Ceux qui ont déjà perdu leur père et ceux qui vont le perdre de toute façon. […] mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas de différence entre les deux. Alors arrête de souffrir et tâche d’accepter les choses comme elles sont17.

Shirin, la narratrice, exaspérée par le gouvernement pour la défense des droits de l’homme, est mise en cellule d’isolement. En prison, les gardiens violent le peu d’intimité qu’elle dispose car les cellules d’isolement sont équipées de caméras vidéo ; ainsi on surveille les faits et geste du détenu qui reste sous contrôle.

La certitude d’être observée rend cette existence encore plus difficile. Maintenant, je me sens gênée chaque fois que je me déshabille et que je change de vêtements. Je ne supporte pas l’idée que des étranger, des hommes probablement, puissent voir mon corps nu. Je suis même gênée de rester assise, de boire au bol, de manger. Je me force à ne pas pleurer pour ne pas leur offrir ce plaisir, à eux, de l’autre côté. Et là est mon salut : cette obstination à ne pas m’avouer vaincue m’empêche de céder au désespoir18.

Ni Shirin, ni Pari n’accepteront les choses comme elles sont, ce récit rapporte leur combat, et à travers lui, celui de milliers d’iraniennes et d’iraniens.

Conclusion

Shirin Ebadi nous fait vivre le drame de l’Iran moderne dans un style élégant et fier, vacillant parfois dans une écriture nerveuse, dictée par l’urgence, qui élude les verbes. « On distinguait sous son foulard ses cheveux blancs et rares. Soixante-dix ans, peut-être. "Ils allaient frapper." Tout autour, rien que le silence et l’odeur compacte de notre peur19 ». Pour partie autobiographique, ce récit mêle roman et réalité vécue offrant ainsi une narration dominée par un réel qui surpasse l’imagination et qui devient une arme politique contre l’idéologie totalitaire de l’époque. Cette écriture emprisonnée par la vie de l’auteur est le trait peut-être le plus frappant de ce récit.

Ebadi a souligné que le récit de personnes réelles est un moyen puissant de révéler l’injustice. Certaines questions abordées dans le roman, continuent d’être pertinentes aujourd’hui. Par exemple, les parents des communistes massacrés à la fin des années 1980 continuent d’être réprimés par les forces de sécurité quand ils voyagent pour commémorer la mort de leurs proches.

Dans le prologue de son roman, Ebadi raconte son expérience au cimetière Khavaran où les corps de milliers d’opposants politiques, avaient été entassés, les uns sur les autres.

Je reconnus au centre la femme qu’ils appelaient la Mère, la porte-parole de leur douleur. Elle se déplaçait avec peine au milieu de la foule. On distinguait sous son foulard ses cheveux blancs et rares. Soixante- dix ans, peut-être. Son fils, un ingénieur qui avait étudié en Amérique, était enterré quelque part à Khavaran.
Mère leva lentement les bras et prit la parole. Le bruit cessa. – Aujourd’hui, nous sommes ici pour nous souvenir. Nous le savons, le sang ne se lave pas dans le sang. Nous sommes des femmes pas des guérilleros. Des femmes, des mères, des filles et des sœurs qui n’ont déjà vu que trop de violence. Tuer les assassins ne ramènera pas les victimes à la maison20.

Son roman La Cage dorée, le premier dans son œuvre romanesque, est l’écho très fidèle de son engagement contre le totalitarisme. Elle l’a fait d’abord traduire et publier en italien mais jamais en persan en tant que langue originale du roman. Ebadi, en réponse à une question à ce sujet explique son geste comme un moyen contestant la suppression de la liberté d’expression en Iran poste-révolutionnaire.

Notes de bas de page numériques

1 Hélène Cixous, Catherine Clément, La jeune née, Paris, 10/18, 1975, p. 172.

2 Béatrice Didier, L’Écriture-femme, Paris, puf, 1981.

3 Président de la République islamique d’Iran de 2005 à 2013.

4 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 42.

5 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 42.

6 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 42.

7 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 45.

8 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 115.

9 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 112.

10 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 243.

11 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 18.

12 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 19.

13 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 48.

14 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 19.

15 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 46.

16 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 46.

17 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 234.

18 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 73.

19 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 11.

20 Shirin Ebadi, La Cage dorée, p. 11.

Bibliographie

Corpus

EBADI Shirin, La Cage dorée, Archipel, 2010.

Autres textes

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Pour citer cet article

Fatemeh Samiei, « Écriture féminine en Iran post-révolutionnaire : une arme de combat politique », paru dans Loxias-Colloques, 5. L’expérience féminine dans l’écriture littéraire, III., Écriture féminine en Iran post-révolutionnaire : une arme de combat politique, mis en ligne le 31 mai 2014, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=617.

Auteurs

Fatemeh Samiei

Doctorante en lettres modernes à l’université Nice Sophia Antipolis. Sujet de thèse : « Avatars du monologue intérieur dans l’œuvre d’Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute » sous la direction de madame Béatrice Bonhomme.