Loxias-Colloques |  18. Tolérance(s) II : Comment définir la tolérance? 

Gilbert Schrenck  : 

Victor-Palma Cayet, Agrippa d’Aubigné et de Pierre de L’Estoile : regards croisés sur le projet de réunion des religions (1593-1610)

Résumé

La position sur la tolérance de Palma Cayet (1525-1610) constitue un cas singulier de la définition du concept entre le moment de la conversion d’Henri IV au catholicisme en 1593 et la proclamation de l’édit de Nantes en 1598. Durant cette période, l’ancien pasteur de Catherine de Bourbon, converti au catholicisme en 1595 et occupant la charge de professeur de langues orientales, publie une demi-douzaine de traités, d’avertissements et de propositions sur la réunion des religions. Un des intérêts de sa production tient à la défense des grands thèmes théologiques mis en œuvre pour ramener les Réformés dans le giron de l’Église. Au moment où le contexte politico religieux de l’édit de Nantes va déporter l’irénisme vers l’autonomisation du politique, il sera intéressant d’observer les limites conceptuelles du projet de Cayet, notamment à travers la réception de son œuvre par le calviniste intransigeant Agrippa d’Aubigné et le gallican modéré Pierre de L’Estoile. Le corpus analysé permet de cibler les résistances théologiques et littéraires à une tolérance que la proclamation politique de l’édit va provisoirement imposer.

Abstract

The position on tolerance of Palma Cayet (1525-1610) constitutes a singular case of the definition of the concept between the moment of the conversion of Henri IV to Catholicism in 1593 and the proclamation of the Edict of Nantes in 1598. During this period, Catherine de Bourbon's former pastor, converted to Catholicism in 1595 and holding the position of professor of oriental languages, published half a dozen treatises, warnings and proposals on the reunion of religions. One of the interests of his production is the defense of the major theological themes used to bring the Reformed back into the bosom of the Church. At a time when the politico-religious context of the Edict of Nantes is going to deport irenicism towards the empowerment of politics, it will be interesting to observe the conceptual limits of Cayet's project, especially through the reception of his work by the uncompromising Calvinist Agrippa d'Aubigné and the moderate Gallican Pierre de L'Estoile. The corpus analyzed makes it possible to target theological and literary resistance to a tolerance that the political proclamation of the edict will temporarily impose.

Index

Mots-clés : Agrippa d’Aubigné , Édit de Nantes, Palma Cayet, Pierre de L’Estoile, réunion des religions, théologie et politique

Géographique : France

Chronologique : XVIe siècle

Texte intégral

1À l’exception de quelques rares études, Pierre-Victor Palma Cayet (1525-1610), pasteur converti au catholicisme en 1595, n’a guère suscité d’approches critiques, que ce soit sous l’angle de l’histoire, de la religion, ou de la littérature1. Personnage méconnu, cet acteur engagé dans le processus du projet de réunion des religions sous le règne d’Henri IV constitue un cas intéressant par ses prises de position théoriques qu’il énonce à partir de 1593, l’année même de la conversion d’Henri IV au catholicisme, jusqu’à la proclamation de l’édit de Nantes en 1598, années charnières, comme l’on sait, en ce qui concerne l’émergence du concept de tolérance dans le paysage mental français2. C’est que durant cette période, l’ancien pasteur de Catherine de Bourbon, professeur de langues orientales au collège de Navarre, docteur en théologie de la Faculté de Paris, ordonné prêtre en 1600, publie une ample série de traités, d’avertissements et de propositions qu’il consacre à l’irénisme, dont l’idée investit alors l’espace public3.

2Considérée dans sa globalité, la production irénique de Cayet est motivée par le désir de pacifier la discorde confessionnelle en ramenant les protestants dans le giron de l’Église. Dans la perspective de refaire l’unité du corpus christianum, la notion de tolérance se trouve ainsi biaisée dans son principe, voire évacuée, sauf à considérer qu’elle entre dans une tension proprement concurrentielle avec la liberté civile au sein de l’autonomisation croissante du politique4. En cela, il sera intéressant de mesurer la portée du projet consensuel porté par Cayet à travers trois publications qui en pointent aussi les limites. Pour ce faire, la réception de ses ambitions de concorde par deux contemporains, le calviniste radical Agrippa d’Aubigné et le catholique gallican Pierre de L’Estoile, fournit des indications éclairantes sur la perception d’une stratégie d’accommodement, au moment même où la liberté de conscience émerge dans le paysage politique du royaume.

3À cet égard, la position de Cayet doit tout d’abord être abordée sous l’angle des formes discursives qui prennent en charge l’affirmation de l’auteur sur un retour à l’unité des confessions chrétiennes. S’il est vrai que de ce point de vue l’argumentaire principal ne varie guère d’un traité à l’autre ‒ on se trouve d’emblée face à une rhétorique du ressassement ‒, l’énonciation joue de multiples nuances assertives, modulables en fonction de critères performatifs soigneusement ciblés. Ainsi la posture énonciative épouse tantôt, si elle ne les cumule pas, les points de vue du converti qui justifie son passage au catholicisme sous l’influence de l’évêque d’Évreux, le futur cardinal Du Perron, tantôt les connaissances érudites du docteur en théologie, les narrations circonstanciées de l’historiographe royal5, ou les convictions du controversiste destinées à confondre les adversaires de la foi6. Quoi qu’il en soit, le propos passe d’une instance énonciative à une autre, non sans risque de répétitions et longueurs discursives.

4Mais la démarche intellectuelle de Cayet se caractérise aussi, comme l’a excellemment montré Myriam Yardéni7, par la connaissance intime qu’il a des deux religions : de la calviniste tout d’abord, adoptée sous l’influence de Ramus, approfondie à travers ses études à Genève et en Allemagne, puis professée à l’appui de ses charges pastorales en Poitou et auprès de Madame, la sœur d’Henri IV, qu’il cherchera à convertir en 16008. De la catholique ensuite, à l’issue de sa conversion : soit, au total, un bagage d’innutrition encyclopédique que ce redoutable « professionnel » de la religion exploite avec les subtilités dogmatiques les mieux éprouvées. La tempête polémique que souleva sa déposition par le synode de Montauban (1595) reflète, on ne peut mieux, la difficulté qu’éprouvèrent les protestants à confondre le redoutable néophyte désireux de convertir ses anciens coreligionnaires9.

5Le corpus théologique qui nous intéresse est chronologiquement formé de trois traités parus de 1596 à 1597 parmi une bonne dizaine d’opuscules consacrés par l’auteur au même sujet durant la phase préparatoire de l’édit de Nantes10. À cet effet, nous ne retiendrons ici que l’Advertissement sur les poincts de la religion, pour en composer les différents11, Les Moyens de la réunion en l’Église catholique, par l’advis des plus doctes ministres de la Religion prétendüe reformée12 et la Proposition faite aux ministres qu’on appelle de la religion pretendüe reformée sur une brieve et facile resolution du different de la Religion13. Dans tous les cas, l’idée fondamentale de Cayet consiste à mettre à la portée des croyants les arguments susceptibles de se « r’apprivoyser les uns les autres14 » avec la volonté optimiste de ramener les égarés de la foi dans le giron de l’Église, car les hérétiques, qui font alors le choix de suivre l’exemple du « grand saut » d’Henri IV, sont nombreux à défrayer la chronique, tels Nicolas de Harlay-Sancy, Jean de Serres, Jean de Morlas, Jean de Sponde, dont les apostasies ouvrent la voie à la réconciliation confessionnelle.

6Tous ces textes, publiés selon une logique graduelle (« avertissement », « moyens », « proposition ») sont précédés de dédicaces adressées à de puissants personnages, dont la visibilité sociale doit favoriser les objectifs de l’auteur. L’Advertissement sur les poincts de la religion est ainsi dédié au roi désireux « de reunir tous [ses] sujets à une mesme devotion » et à lui procurer « le moyen de pouvoir tous tumber d’un accord, pour combler l’heur de [son] regne15 ». Dédicace suivie d’une autre à Du Perron, le convertisseur du roi, avec qui Cayet s’était entretenu à ce sujet durant le siège de Dreux16. De son côté, la Proposition … sur une brieve et facile resolution du different de la Religion est placée sous l’autorité de François d’Angennes, conseiller royal appartenant à une illustre famille du Perche, apte à rallier les suffrages des deux camps. Le traité des Moyens de la réunion en l’Église catholique, truffé de citations patristiques latines, grecques et hébraïques, est, quant à lui, placé sous la tutelle de l’archevêque-duc de Reims, Philippe du Bec, officiant prestigieux du sacre royal à Chartres. Enfin, Cayet ne manque pas de rappeler que son projet lui a été personnellement « enjoinct » par le pape17 qui l’a missionné dans cette voie pour avoir personnellement « passé par les labyrinthes d’erreur et sentant en mon ame : la consolation que Dieu m’a donnée apres qu’il m’en a retiré : [et qu’il s’estime en conséquence] tenu de procurer autant qu’il m’est possible, pareil bien à tous les autres » qui se sont fourvoyés en l’hérésie18. L’ensemble des dédicaces laisse ensuite la place aux développements destinés à rallier les protestants à l’Église.

7Appliqué à « pincer ceste corde de reunion à l’Église19 », Cayet s’emploie tout d’abord à cibler les « causes » du clivage théologique fondamentalement imputable aux « zizanies » des ministres qu’il faut combattre selon l’injonction évangélique qui consiste à séparer le bon grain de l’ivraie20. Selon lui, le foisonnement de l’hérésie issu de la libre interprétation des Écritures n’a d’autre conséquence que de mener à des dérives sectaires particulièrement néfastes. La Proposition … sur une brieve et facile resolution du different de la Religion dénonce d’emblée l’issue désastreuse des attitudes schismatiques, dont l’exemple allemand constitue l’archétype diabolique. À la suite de Luther, esprit « audacieux et temeraire21 », d’autres « maistres d’erreur22 » ne se sont-ils pas engouffrés dans la brèche ouverte, tels Melanchthon, Sleidan, Calvin, Bucer, Farel, Zwingle, Bèze et tant d’autres, tous coupables d’avoir déchiré la tunique sans couture du Christ23 ? Selon Cayet, la discorde confessionnelle est uniquement réductible à des causes d’ordre moral, au nombre desquelles figurent l’ambition effrénée des pasteurs – thème déjà présent dans les Discours de Ronsard – et l’esprit de révolte qui, sous couvert de liberté de conscience, ne vise qu’à la domination des âmes. Religion de la dissimulation et de l’ambition effrénée, le protestantisme n’est en réalité qu’une forme monstrueuse de « libertinité24 ». Cette volonté de traquer les motivations secrètes des Réformateurs et d’en dénoncer leurs contradictions délétères se trouve également dans Les Antitheses et contrarietez de Jean Huss et de Luther25. Elle ne cessera d’étoffer l’herméneutique de Cayet pour privilégier, dans son esprit, la supériorité de la raison sur les opinions passionnées des adversaires26.

8En soi, la topique de la controverse ne varie pourtant guère par rapport à celle de l’affrontement traditionnel qui oppose catholiques et protestants depuis les origines. Sur le fond, les vingt-quatre articles constitutifs de la Proposition … sur une brieve et facile resolution du different de la Religion en sont la preuve27, tout comme les développements très érudits, que ce soient ceux de la rhétorique scolastique du pro et du contra, ou ceux, dialogiques, des quatre-vingt-dix-sept chapitres de l’Advertissement sur les poincts de la religion. Opposant, ou « conférant » terme à terme, les « vrayes raisons des Docteurs, et [l]es opinions des Ministres » en quatre grands chapitres28, Cayet expose la topique des « marques de l’Église » portant sur la justification, la communion, la vocation des ministres et la discipline ecclésiastique. Sans entrer ici dans le détail de cet affrontement polémique, il faut noter que la démonstration conclut invariablement à proclamer – donc à justifier l’appel au ralliement à l’Église – la conformité de « la doctrine Catholique Romaine [comme étant] plus consonnante à l’Evangile29 ». La Proposition… sur une brieve et facile resolution du differend de la Religion et les Moyens de la réunion en l’Église catholique réactivent ces thèses30 pour conclure par un verdict sans appel : « Vous n’estes point de l’Eglise, écrit l’auteur, n’estant qu’une pauvre et miserable pretendue religion31, sans religion, sans Eglise : sans chef, sans membres, sans ordre, sans Ceremonies. Tout cela est evident32 ». Nous reviendrons sur cet aspect à propos de Rabelais.

9On l’aura noté : l’évidence sur laquelle s’appuie Cayet occulte toute possibilité d’entente entre les deux camps. En termes de blocage, c’est-à-dire de non-reconnaissance d’une quelconque forme d’altérité, la position du théologien ne concède rien à la liberté de conscience, telle que nous l’entendons de nos jours, ni à une hypothétique égalité des cultes que l’édit de Nantes va rendre possible. C’est uniquement dans les marges du programme irénique que le controversiste admet quelques concessions mineures. Sa tolérance, si tolérance il y a et qui de toute manière ne saurait être que minimaliste, sa tolérance ne porte que sur des points mineurs du dogme33. L’objectif doctrinal, quant à lui, reste invariablement le même : « reunir tous les Chrestiens en l’Église : par une mesme devotion de l’ordre Apostolique, et sous un mesme chef : à qui Dieu en a donné la conduite : bref en une mesme creance34 ».

10La stratégie persuasive, fondamentalement coercitive, ne doit cependant emprunter d’autres voies que celles de la douceur, de l’humilité et de la charité, soit une forme d’approche dépassionnée, non-violente, en un mot pacifique35. Les propositions de Cayet sont à cet égard sans équivoque, lorsqu’il admet que « certainement il faut donner à cognoistre amiablement à ceux qui errent en quoy ils ont failly36 » et que, même si « l’Église ne laissera pas nonobstant de chastier les delinquans : mais ce sera doucement : tout ainsi comme une bonne mere, qui n’oublie jamais son bon naturel envers ses enfans : encore qu’ils facent des mauvais37 ». Lui-même déclare publier son « Advertissement, afin que sans invective, ny injure, ils [les protestants] soient reduits par la douceur de la verité : à renoncer au mensonge : et par la mansuetude de pieté, ils soient ramenez du schisme et de l’heresie38 ».

11Un passage de la Proposition … sur une brieve et facile resolution du different de la Religion mérite cependant d’être examiné de plus près, en raison de l’approche tout à fait inattendue qu’il propose de la tolérance dans le développement consacré à l’orgueil démesuré des ministres et à leur outrecuidance obsessionnelle. Pour illustrer leur sectarisme, Cayet en réfère au mythe de l’abbaye de Thélème qu’il détourne à ses propres fins :

Mais vous alleguez, dit-il aux pasteurs, vostre belle discipline, qui est une vraye REGULA LESBIA39, c’est-à-dire une discipline faicte à poste, comme la fiction de ce grand morgueur RABLAYS, en ce qu’il allegue une abbaye de Thelemites qui est de gen volontaires, qui s’abillent comme ils veulent, qui vivent comme il leur plaist, qui ne font scrupule de rien, que de bien faire, ou de n’user pas de leurs voluptez, la conscience ne peut admettre une telle discipline que cela40.

12Cette mention d’un des chapitres emblématiques du Gargantua montre à quel point le résumé succinct de Cayet constitue le point aveugle de sa conception de la tolérance, incapable qu’il s’affiche (volontairement ? paradoxalement ?) de lire l’utopie rabelaisienne (ce qui justement n’existe nulle part et qui, potentiellement, peut advenir !) comme idéal humaniste de la liberté ouverte sur un vivre ensemble inédit et audacieux. Le détournement, ou l’amalgame, qu’il fait du mythe, du libertinage et de l’athéisme, réduit le statut des hôtes de Thélème à l’expression d’une caricature grossière. La « conscience » invoquée par Cayet en tant que critère discriminatoire de l’acceptable vs l’inacceptable (« la conscience ne peut admettre une telle discipline que cela », concluait-il), ne saurait tolérer (i.e. souffrir) l’existence d’une communauté d’hommes et de femmes finalement sans religion et sans Église41. L’auteur se sent du coup justifié pour appeler les dévoyés à résipiscence par le juste regret de leur erreur et la pénitence indispensable à leur désir de salut42. Reprise dans Les Moyens de la reunion en l’Église catholique, cette injonction est accompagnée par une série de points convergents supposés acceptables par les hérétiques, car catholiques et protestants n’ont-ils pas pour fondement du salut le même symbole de la foi, les deux Testaments, le partage commun des docteurs, des conciles et du baptême43 ? C’est à cette occasion que se précise l’univers mental de Cayet marqué à la fois par la rémanence d’influences calvinistes, notamment celle de la prédestination44, et la reconduite du programme irénique défini par l’Assemblée de Poissy et les réflexions de Michel de L’Hospital, elles-mêmes relayées ultérieurement par les Politiques, notamment l’appel à la réunion d’un concile national en vue de la « reformation » de l’Église45. Il est clair que l’ambition de « nous r’apprivoiser les uns les autres46 », une position propre aux « moyenneurs47 », privilégie la concorde et non la tolérance, autrement dit le passage à l’alignement pur et simple des hérétiques sur le dogme catholique. Pour sa part, Cayet reste hermétiquement étranger à toute autre forme d’accommodement interreligieux. Au regard de l’édit de 1598, qu’il détaille dans son œuvre historiographique48, ses écrits théologiques concurrencent l’esprit de tolérance et la liberté de conscience proclamés par le pouvoir49.

13Cela dit, il reste à montrer à quel point la démarche intellectuelle de Cayet se heurte aux réactions hostiles d’écrivains contemporains en la personne de l’intransigeant calviniste Agrippa d’Aubigné et du catholique gallican Pierre de L’Estoile, deux exemples de réception négative qui en disent long sur l’idée d’intolérance dans le paysage mental du contexte de l’édit de Nantes. D’Aubigné, dont on reparlera au cours de ce colloque50, fait de Cayet la cible privilégiée de son aversion envers un pasteur renégat chantre des thèses iréniques51. En désignant ce « moyenneur » de religions comme « docte et fol », tout juste bon à être enfermé dans l’abbaye de Saint-Martin-des-Champs, il concentre ses dénonciations dans le virulent pamphlet de la Confession catholique du sieur de Sancy52, les intègre dans le facétieux roman des Avantures du baron de Faeneste et les consigne avec plus de mesure dans l’Histoire universelle. La réunion des religions n’est aux yeux du « Ferme » calviniste qu’un vaste piège tendu en vue de l’extermination du Parti, orchestrée par le pape, appuyée par les jésuites, concrétisée par l’abjuration-trahison du roi qu’amplifie à son tour l’apostasie d’une nuée de coreligionnaires subornés53. Sous la plume albinéenne, le Sancy focalise la somme des maux imaginables dans le chapitre « De la reunion des religions », tableau impressionnant des motivations secrètes qui animent Cayet et ses acolytes dans leur rôle d’« appointeurs » et de « compositeurs » de religions54. Parmi les « ministres gagnez » et gagés, prévaricateurs responsables de la ruine du Parti, exploitant adroitement la confusion entretenue par les menaces du Tiers-Parti, stimulés par les espérances nées de la conférence de Mantes (1593) et de l’instruction du roi, Cayet, comme Morlas, Serres, de Vaux, Rotan, Salignac, Sponde et Salettes, a moyenné son engagement par ambition personnelle55. Lui, « qui a abbayé après l’Abbaye promise, et n’en void que l’image56 », figure parmi les victimes déçues dans leurs ambitions intimes. En révélant les ressorts cachés du comportement de son adversaire, d’Aubigné présente le projet de la réunion confessionnelle sous l’angle d’une gigantesque farce et, inversant ironiquement le sens du projet des « moyenneurs », le pamphlet, qui ne sera pas publié du vivant de l’écrivain, pousse la satire à la démonstration par l’absurde : pour parvenir à l’entente générale, affirme-t-il, les protestants exigeront que les catholiques disent la messe en français, suppriment les ornements ridicules, autorisent le mariage des prêtres, abolissent la pratique du jeûne, renient le purgatoire... En parfaite réciprocité, ils admettront sans difficulté de leur côté que leur « Église devoit reprendre les pompes, la musique, les dances, force festes, les beaux et grands revenus d’Église », rétablir le franc-arbitre…57 et même légitimer la fornication et l’adultère, « suivant le cahier de Cahyer en son docte Du retablissement des bourdeaux58 ». Et Sancy de conclure avec cynisme : « C’eust esté une brave religion, qui eust rejetté les incommoditez des deux, et eust establi ce qui est plausible en l’une et l’autre. Chacun y eust esté receu et content, nul dechassé59 ».

14La leçon sonne dès lors sans la moindre équivoque : le catholicisme est assimilé au paganisme, la réunion des religions à une pure folie et les thuriféraires de concorde à des agents à la solde de la papauté. Cette mise en scène carnavalesque qui vaut au lecteur quelques anecdotes particulièrement salaces sur les mœurs de Saint Foutin et du curé des Echillais dans le Sancy et le Faeneste60, ainsi que sur Saint François et frère Macé61. Tout aussi égrillard dans le Faeneste62, mais plus retenu dans l’Histoire universelle, le discours anti Cayet finit par orchestrer l’ensemble des griefs adressés au pasteur renégat, y compris son intérêt pour la magie – rappelons que Cayet est le traducteur de l’histoire de Faust – et d’avoir vendu son âme au diable63. En 1600, d’Aubigné croisera une dernière fois le fer avec Cayet par acteurs interposés au moment de la tentative de conversion de Catherine de Bourbon que les docteurs catholiques voulaient ramener au catholicisme64.

15En ce qui concerne la réaction de Pierre de L’Estoile, catholique modéré et « politique » qui place l’intérêt de l’État au-dessus des convictions religieuses, le dessein de Cayet n’aurait dû, en principe, que frapper la curiosité du Grand audiencier à la chancellerie de Paris. Comme l’on sait, celui-ci possédait dans sa bibliothèque un nombre considérable d’écrits de Cayet, soit neuf titres sur la cinquantaine publiée entre 1595 et 160865. Préoccupé qu’il était par la cause irénique, comme l’atteste son Journal et les mentions réitérées des thèses médiatrices de Jean Hotman sur la paix de l’Église, les opinions conciliatrices de Loyseleur de Villiers, de Charles Perrot, Turquet de Mayerne et Christophe Justel66, le diariste parisien aurait dû, théoriquement, saluer les propositions de Cayet sur la réduction des barrières confessionnelles, les concessions sur la question des images, des prières des saints, des vœux et de l’Eucharistie. L’importance que L’Estoile attachait à la nécessité d’un retour à l’Église des premiers siècles et à la pureté des Évangiles comme source unique de la foi, la priorité accordée à l’esprit de charité dans l’arbitrage des différends, ne pouvaient qu’attirer les sympathies du parlementaire qui déclarait, pour sa part, qu’il « faut aider à arracher de l’Église, sans fer ni outil manuel, ces deux plantes bâtardes : papiste et huguenote, et rendre la catholique bien réformée et la réformée catholique67 ». Mais d’une manière générale, Cayet n’est cité qu’avec scepticisme, non seulement à propos de son abjuration68, mais aussi de ses activités de médiateur des religions, comme dans le cas de :

Viliers Hottoman69, (sans y mettre son nom [qui]) fist imprimer à Paris un petit advis de demie-feuille sur un point de la lettre de Cayer, par laquelle il mettoit en avant des moiens d’une reunion qui ne pouvoient estre blasmés d’une part ne d’autre, comme je l’ai ouï confesser à tous les deux, et toutefois, par opiniastreté de l’un, par despit de l’autre (comme on dit), le rejetterent et desavouerent. En quoi il faut reconnoistre le doigt de Dieu70.

16Ou celle encore en 1607, sur l’« Advertissement de nostre Me Cayer, pour composer les differends de la Religion, imprimé à Paris, in-8°, l’an 1596. Lequel, après avoir leu, luy [à son ami M. de Chanteclerc] ay renvoié, le jour mesme, pource que ce n’est qu’un discours de caillette71 », c’est-à-dire un bavardage frivole, à l’image du Jugement sanguinaire donné contre N. S. Jésus Christ par la synagogue des Juifs et par Pilate72 du même « fol Cayer, qui ne sçait ce qu’il dit, non plus que ce qu’il fait73 » ; ou encore de La Fournaize ardente de nostre Me Cayer, laquelle soit qu’elle fust trop eschauffée ou autrement, fust rejettée de messieurs nos maistres comme infectée d’heresie, prosnée par les curés du commandement de l’evesque de Paris qui la censura74 ».

17En conclusion, la réflexion de Cayet sur la réunion des religions et sa réception reflètent les clivages idéologiques qui structurent quelques-unes des constructions mentales de la période de l’édit de Nantes, soit, en l’occurrence trois attitudes différenciées, mais marquées par une même suspicion et un même rejet de la tolérance de part et d’autre des partis en présence. L’altérité n’est pas « soufferte », même envisagée sous sa projection utopique, comme dans l’abbaye de Thélème. Tout compte fait, elle est littéralement inconcevable. Chez Cayet, elle s’exprime par réduction à l’idée de concorde religieuse, c’est-à-dire par l’annulation des différences et le retour inconditionnel de tous au sein de la seule religion catholique. C’est la cause défendue sans faiblesse par Cayet. Chez d’Aubigné, hostile à un projet qu’il interprète comme un traquenard propre à éradiquer définitivement la Réforme, l’histoire lui donnera raison sur ce point et non sans ironie, quand on sait que la Révocation de l’édit de Nantes décidée par le monarque de Versailles, devenu l’époux de sa petite-fille Françoise d’Aubigné-Maintenon, porte le coup fatal aux minorités hétérodoxes, aux réformés, libertins et jansénistes, qui en paieront le prix fort. Il ne restait finalement comme solution de repli au poète des Tragiques que l’issue amère, préconisée déjà par Calvin, entre le martyre et l’exil qu’il choisira au terme d’une vie de résistance. Pierre de L’Estoile, quant à lui, mourut en 1611, un an après Cayet, désabusé par la médiocrité générale du temps et l’échec de ses rêves iréniques. Pour ce qui concerne enfin l’édit de Nantes promulgué par Henri IV et réunissant les conditions d’une coexistence viable, il montrait que la solution passait par la décision juridico politique, indifférente en soi au projet irénique défendue par Cayet et qui avait encore de beaux jours de débats à venir. En favorisant l’un (l’irénisme) et en imposant l’autre (l’édit), le roi gardait la main en ouvrant la voie la pratique de la tolérance et en garantissant, au moins temporairement, un modus vivendi acceptable pour la liberté de conscience en dépit des difficultés de résistances persistantes. Telle quelle, l’(in)tolérance reste, pour l’époque, fondamentalement liée au contexte culturel avec tout ce que la notion charrie de confusions, d’impensés et de paradoxes, que le XVIIIe siècle lèvera non sans mal. La notion reste profondément inscrite dans la sphère purement morale, selon laquelle les capacités de la raison sont censées triompher des passions et des dérives partisanes. La confiance placée dans le pouvoir de la charité et l’amour du prochain, quelques-unes des grandes valeurs du christianisme, ne surmonte pas les divisions, les exclusions, ni les intransigeances partisanes. Ce fut à la décision politique et juridique d’Henri IV d’imposer le vivre ensemble.

Notes de bas de page numériques

1 Voir la bibliographique établie par Myriam Yaren, « Ésotérisme, religion et histoire dans l’œuvre de Palma Cayet », in Repenser l’histoire. Aspects de l’historiographie huguenote des Guerres de religion à la Révolution française, Paris, Champion, 2000, p. 73-92.

2 Voir Véronique Montagne, « Les contours de la tolérance dans les édits de pacification de Charles IX », Loxias-Colloques, mis en ligne le 06 octobre 2019. URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1329 .

3 Sur cette production, voir la liste fournie par Louis Desgraves, Répertoire des ouvrages de controverse entre catholiques et protestants en France, 1598-1685, Genève, Droz, 1984-1985 : sous « Cayet ».

4 Mario Turchetti, Concordia o tolleranza ? François Bauduin, 1520-1573, e i « Moyenneurs », Genève, Droz, 1984 et Olivier Christin, La paix de religion : l’autonomisation de la raison politique au XVIe siècle, Paris, Le Seuil, 1997.

5 Cayet est l’auteur de la Chronologie novenaire, histoire des guerres de Henri IV de 1589 à 1598, Paris, Jean Richer, 1605, et de la Chronologie septenaire [1598 à 1604], Paris, 1608.

6 Notamment lors de sa controverse avec le pasteur Pierre Du Moulin, voir Émile Kappler, Les conférences théologiques entre catholiques et protestants en France au XVIe siècle. Avant-propos d’Olivier Christin, Champion, 2001, p. 359-365 et, en 1600, avec les pasteurs de Catherine de Bourbon que l’on cherchait à convertir au catholicisme au moment de son mariage avec le fils du duc de Lorraine, voir notre étude, « Catherine de Bar et le retentissement de la Conférence de Nancy : le cas d’Agrippa d’Aubigné », dans Regards croisés sur la Lorraine et le monde à la Renaissance. Actes du Colloque de l’Académie de Stanislas (Nancy, 17 et 18 mai 2013), sous la direction de Bernard Guidot, Annales de l’Est, 2014/1, p. 121-132.

7 « Ésotérisme, religion et histoire dans l’œuvre de Palma Cayet », in Repenser l’histoire. Aspects de l’historiographie huguenote des Guerres de religion à la Révolution française, Paris, Champion, 2000.

8 À noter que Jeanne d’Albret en avait fait le précepteur du jeune roi de Navarre en 1562 et que les deux hommes resteront proches, voir Christian Desplat, « Pierre Palma Cayet, historiographe d'Henri IV et Pierre Coton S. J., son confesseur », Bulletin des Amis du Château de Pau, 2015, no 170-171, p. 19-56.

9 Son abjuration provoqua une immense polémique avec des ministres prestigieux (Rotan, d’Amours), voir Mathilde Bernard, « La conversion de Pierre-Victor Palma Cayet ou le règne du scandale », in Calliope et Mnémosyne. Mélanges offerts à Gilbert Schrenck. Sous la direction de Cécile Huchard et Jean-Claude Ternaux, Classiques Garnier, 2017, p. 157-176 et Alain Dufour, « La conversion de Palma Cayet et la réaction de Théodore de Bèze », Mélanges en l’honneur de Jean-Pierre Babelon. Textes réunis et édités par Isabelle Pébay-Clottes et Jacques Perot, Pau, Château de Pau, Société Henri IV, 2014, p. 83-93.

10 Dès 1596, Cayet rédigea le Consilium pium de componendo religionis dissidio qui fut publié dans sa version française sous le titre : Avertissement sur les poincts de la religion pour en composer les differents, voir M. Yardeni, « Ésotérisme, religion et histoire dans l’œuvre de Palma Cayet », in Repenser l’histoire. Aspects de l’historiographie huguenote des Guerres de religion à la Révolution française, Paris, Champion, 2000, p. 78. Sur l’ensemble du corpus irénique, voir Jacques Pannier, L’Eglise réformé de Paris sous Henri IV, Paris, Champion, 1911, p. 52 sq. et Jacques Solé, Le débat entre protestants et catholiques français de 1598 à 1685, Lille, Atelier national de reproduction des thèses/Paris, Aux amateurs de livres, 1985, p. 844-846 : le contexte idéologique dans lequel fut signé l’édit de Nantes.

11 Paris, J. Le Blanc, 1596, in-8°, 224 p. (BnF, D-29445). Sur l’imprimeur Jean Le Blanc, voir Philippe Renouard, Imprimeurs parisiens, Paris, A. Claudin, 1898, p. 219 : où l’on précise que deux imprimeurs portaient ce nom à l’enseigne du Soleil d’or près la Porte Saint-Victor. L’Estoile lira encore ce texte en 1607.

12 Paris, Du Pré, 1597, in-8°, 66 p. (BnF, D-29450 et Arsenal, 8-BL-2804 (16)). Sur les Du Pré, voir Philippe Renouard, Imprimeurs parisiens, Paris, A. Claudin, 1898, p. 115-116. 

13 Paris, Philippe du Pré, 1597, in-8°, 76 p. (Bibliothèque de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, Rés. D 8° 11. 203 (pièce 8)). Citons encore l’Instance de la reunion en l’Eglise catholique apostolique et romaine. Contenant les causes, raisons et moyens de se reünir : tant d’une part que d’autre, Paris, Philippe Du Pré, imprimeur et libraire juré en l’Université de Paris, demeurant en la rue des Amendiers à l’enseigne de la Verité. 1597, avec privilege du Roy, in-8°, 76 p. 

14 Les Moyens, p. 59.

15 Advertissement, p. 3-5.

16 Fol. Bij.

17 Les Moyens, p. 3.

18 Les Moyens, p. 4.

19 Cité par M. Yardéni, « Ésotérisme, religion et histoire dans l’œuvre de Palma Cayet », in Repenser l’histoire. Aspects de l’historiographie huguenote des Guerres de religion à la Révolution française, Paris, Champion, 2000, p. 78.

20 Matthieu 13 : 25 ; Advertissement, f. ci-cij.

21 Proposition, p. 11.

22 Proposition, p. 13.

23 Jean 19 : 23-24.

24 Proposition, p. 27. Sur ce terme également employé par Cayet dans sa traduction du Faust, voir Marie-Hélène Quéval, « De la Réforme à la Contre-Réforme : Le Faust de Pierre-Victor Palma Cayet (1598) », Revue du Seizième Siècle, 15, 2019, p. 67-68.

25 Paris, Jean Richer, 1596, 142 p. Topique encore traitée dans La Discipline des ministres de la Religion prétendüe réformée, avec la response d’icelle, faicte selon la parole de Dieu, Paris, D. Binet, 1600, in-8°, 35 ff ; Admonition à Messieurs du Tiers Estat de France, qui ne sont de l’Église catholique romaine, Paris, P. Du Pré, 1596, in-8°, 27 p. ; La tromperie des ministres, qu’on appelle, qu’ils font à leurs gens : qui les suivent. Avec la tyrannie qu’ils exercent, contre leurs compagnons. Et la surprise dont ils usent envers les pasteurs et docteurs catholiques, Paris, Philippe du Pré, 1697, in-8°, 53 p.

26 Cf. Advertissement : « Le moyen, si nous voulons y entendre, c’est en concedant de part et d’autre, ce qui se trouvera raisonnable » (p. 3), c’est-à-dire d’« estre sans passion » (p. 9).

27 Page 25 sq.

28 Préface, cij. Répartition des Livres : I, 14 chapitres ; II, 28 ; III, 28 et IV, 27.

29 Advertissement, p. 20.

30 Dans Les moyens de la réunion, qui cite abondamment les théologiens protestants, sont désignées comme facteurs de discorde qui pourraient être dépassés, les questions relatives à l’invocation des Saints, la prière pour les morts et l’adoration du Saint Sacrement.

31 Sur l’emploi massif de cette formule par Cayet, voir Véronique Montagne, « Les contours de la tolérance dans les édits de pacification de Charles IX », Loxias-Colloques, mis en ligne le 06 octobre 2019. URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1329art.cit., p. 9.

32 Proposition, p. 25.

33 Voir infra.

34 Advertissement, f. Bij.

35 Sur l’adoption de la conduite charitable, consistant à persuader par l’instruction sans forcer les consciences, partagée dans les milieux « politiques », voir Corrado Vivanti, Guerre civile et paix religieuse dans la France d’Henri IV, Paris, Desjonquières, 2006, p. 42 et 138.

36 Advertissement, f. Bij.

37 Advertissement, f. Bij.

38 Advertissement, f. Biiij.

39 Il s’agit de la règle, selon laquelle on accommode la théologie au temps et à un lieu définis.

40 Proposition, p. 17.

41 Contrairement à ce que l’on peut parfois lire, le syntagme « tolérance » (au sens de « tolérer », « souffrir ») existe à l’époque de Cayet, notamment chez d’Aubigné qui parle de « retraicte de tolerance » propice aux huguenots fugitifs, Histoire universelle, éd. André Thierry, Genève, Droz, 1985, t. III, p. 88 et chez L’Estoile : « En ce temps mesme, et sur la fin de l’année, un ministre de Madame, nommé Pierre Victor Cayer, abjura la religion, et quitta le ministere pour se faire prebstre catholique rommain, brouilla force cayers de papier contre les ministres ses compagnons qui l’accusoient d’avoir commencé sa conversion par le bordeau, car ils produisoient un livre qu’il avoit fait pour la permission et tolerance desdits bordeaux », Journal du règne de Henri IV, éd. Marie Houllemare, Genève, Droz, 2016, p. 44. Voir également Journal du règne de Henri IV, éd. Marie-Madeleine Fragonard et Nancy Oddo, Genève, Droz, 2020, t. IV, p. 197.

42 Proposition, p. 24.

43 Les Moyens, p. 3 et 43.

44 Comme l’a souligné M. Yardéni, « Ésotérisme, religion et histoire dans l’œuvre de Palma Cayet », in Repenser l’histoire. Aspects de l’historiographie huguenote des Guerres de religion à la Révolution française, Paris, Champion, 2000, p. 80.

45 Les Moyens, p. 33. Voir C. Vivanti, Guerre civile et paix religieuse dans la France d’Henri IV, Paris, Desjonquières, 2006, p. 112.

46 Les Moyens, p. 57.

47 Mario Turchetti, Concordia o tolleranza ? François Bauduin (1520-1573) e i « Moyenneurs », Genève, Droz, 1984.

48 Chronologie septenaire, éd. J. A. C. Buchon, Orléans, 1875, t. II, p. 209 sq.

49 Voir Mario Turchetti, « Henri IV entre la concorde et la tolérance », in L’avènement d’Henri IV. Quatrième centenaire (Colloque de Pau-Nérac, 1989), J&D Editions, 1990, p. 277-299.

50 Voir en particulier les communications de Anders Bengtsson et Sangoul Ndong.

51 Sur l’aversion comme « sentiment séparateur » dans le processus d’intolérance, voir Claude Habib, Comment peut-on être tolérant ?, Paris, Desclée de Brouwer, 2019, p. 34.

52 Œuvres d’Agrippa d’Aubigné, p.p. H. Weber, J. Bailbé et M. Soulié, Paris, Gallimard, 1969 (“Bibl. de la Pléiade”), p. 576.

53 Sur les oppositions internes du parti protestant, voir Bernard Roussel, « Les synodes nationaux de 1594, 1596 et 1598 : le difficile maintien d’une ‟bonne union et intelligenceˮ entre les églises réformées », Coexister dans l’intolérance… éd. Michel Grandjean et Bernard Roussel, Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, t. 144, 1998, p. 115-132.

54 Sancy, II, 2, p. 631-639 : « Estant chose très malaysee que de destruire l’opinion des hugenots par disputes ni par persecutions nous avions très bien desseigné d’y proceder par reunion des religions par les ouvertures et intelligences de nos Ministres gagnez ; mais de six qu’ils estoient il y en a cinq morts et l’autre chassé ». L’Histoire universelle dénonce la ruse qui consistait à « appointer les Religions, ainsi que les affaires d’Estat » par des concessions apparentes plaidées par des « compositeurs » de religion corrompus, t. IX, chap. 11, p. 72-81. Voir également Sa Vie à ses enfants, éd. G. Schrenck, Paris, Nizet, 1986, p. 191-193 : l’épisode de Gaspard Baronio en 1607.

55 Cf. Histoire universelle, t. VIII, p. 294-304 : « Du Tiers Parti et changement du Roi » : les acteurs employés « pour oster et rendre moindres les differens des Religions » et « que donc on pouvoit bien faire en elle [la religion catholique] son salut ». Sur la typologie des apostats « moyenneurs », nous renvoyons à notre article, « Agrippa d’Aubigné et la Confession de Sancy : une histoire de l’apostat au creux du pamphlet », dans Histoire et Littérature au siècle de Montaigne, Mélanges Claude-Gilbert Dubois, Genève, Droz, 2001, p. 147-156 et « De Michel de L’Hospital à l’édit de Nantes : le regard d’Agrippa d’Aubigné sur la tolérance des “Politiques” », dans De Michel de L’Hospital à l’édit de Nantes : politique et religion face aux Églises. Actes du colloque international de Clermont-Ferrand (18-20 juin 1998), réunis par Thierry Wanegffelen, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2002, p. 391-403.

56 Sancy, p. 619.

57 Sancy, p. 632. Cf. le discours parallèle de Cayet, qui croit, sur le modèle de l’Église d’Angleterre ( ?), en la possibilité d’appointements et d’« ouvertures à nostre reconciliation […] car à vray dire et quand on y a bien pensé, ce ne sont ne les chandelles, ne l’eau beneiste, ne les orgues, ny les vestemens des prestres, ne les ornemens des temples, moins encore le signe de la Croix, ou l’image du Crucifix et choses semblables, qui nous tiennent separez d’avec eux », Les Moyens, p. 39 et 50-51.

58 Sancy, p. 580. Sur les accusations de dépravations sexuelles de Cayet, répandues par les polémistes protestants voir Bayle, Dictionnaire historique et critique, Paris, Desoer, 1820, t. IV, p. 294.

59 Sancy, p. 632.

60 Sancy, p. 634-635, repris dans Faeneste, p. 766.

61 Sancy, p. 584-585.

62 Voir l’« Histoire de Cayer » (« Bibliothèque de la Pléiade »), Liv. II, chap. 12, p. 714-715 et le « Triomphe de l’Ignorance », où sont mentionnés « ses nouveaux escrits », p. 824.

63 Geneviève Bianquis, « Le premier traducteur français de l’histoire de Faust », Humanisme et Renaissance, 2, 1935, p. 286-299 et Marie-Hélène Quéval, « De la Réforme à la Contre-Réforme : le Faust de Pierre Victor Palma-Cayet (1598) », Revue du Seizième Siècle, 15, 2019, p. 53-72.

64 Voir Agrippa Aubigné, Traitté des douceurs de l’affliction, édition critique par Gilbert Schrenck. Agrippa d’Aubigné, Œuvres. Tome III, Classiques Garnier, 2014.

65 Florence Greffe et José Lothe, La vie, les livres et les lectures de Pierre de L’Estoile. Nouvelles recherches, Paris, Champion, 2004, n° 531 à 539. Après 1606 et la vente de son office de Grand audiencier, L’Estoile intensifie ses lectures de Cayet, notamment de l’œuvre historiographique (voir Mémoires-Journaux, éd. Brunet, Paris, 1881, t. IX, p. 41) et celle de Montaigne, voir G. Schrenck, « Pierre de L’Estoile et Montaigne, ou la “lecture en miettes” », dans Esculape et Dionysos. Mélanges en l’honneur de Jean Céard, Genève, Droz, 2008, p. 157-163.

66 Voir C. Vivanti, Guerre civile et paix religieuse dans la France d’Henri IV, Paris, Desjonquières, 2006, p. 167-170 et les notes correspondantes, p. 179-189 et 254. Curieusement, Thierry Wanegffelen ne traite guère le cas de Cayet, Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, Champion, 1997 ( !).

67 Cité par C. Vivanti, Guerre civile et paix religieuse dans la France d’Henri IV, Paris, Desjonquières, 2006, p. 183. Pour résoudre les différends confessionnels, d’Aubigné propose le même retour aux origines du christianisme lors de débats avec le cardinal Du Perron, Sa Vie à ses enfants, p. 173-176.

68 « Estant hors du logis de Madame, il [Cayet] brouilla plus que devant, pour monstrer qu’à bonne et juste cause il avoit abjuré sa profession et religion, qu’il appeloit haeresie, contre laquelle il escrivit. Ceux de la Religion lui respondirent fort et ferme, mais tout se passa en paroles et sornettes d’une part et d’autre, sans aucun fruict ni aedification », Journal du règne de Henri IV, t. III, éd. Marie Houllemare, Genève, Droz, 2016, p. 44-46 (décembre 1595).

69 Hotman Villiers, Breve repartie à Cayer, 1596, dans Opuscules françoises des Hotmans, Paris, M. Guillemot, 1616. Jean Hotman, sieur de Villiers Saint-Paul (1552-1636), fils d’Antoine Hotman, huguenot proche d’Henri IV, travaillait au rapprochement des Églises.

70 L’Estoile, Journal du règne de Henri IV, t. III, p. 44-46.

71 L’Estoile, Mémoires-Journaux, éd. Brunet, t. VIII, p. 279-280. Sur Thomas Caillette, personnage fictif, figure du « fol » et du bouffon dans les pasquils satiriques de l’époque, voir le Sonnet aenigmatique cité par L’Estoile en juin 1576, Registre-Journal du règne de Henri III, éd. M. Lazard et G. Schrenck, Genève, Droz, 1996, t. II, p. 35.

72 Le jugement sanguinaire donné contre N. S. Jésus Christ par la synagogue des Juifs et par Pilate, ensemble les punitions qui arrivent aux Juifs par le juste jugement de Dieu, traduit de l’hébrieu, s. l. n. d., [Paris, Richer], 1603, 19 p. (rééd. en 1631, 1688...), voir F. Greffe et J. Lothe, La vie, les livres et les lectures de Pierre de L’Estoile. Nouvelles recherches, Paris, Champion, 2004, n° 536.

73 Mémoires-Journaux, éd. Brunet, t. VIII, p. 84 (juin 1603).

74 F. Greffe et J. Lothe, La vie, les livres et les lectures de Pierre de L’Estoile. Nouvelles recherches, Paris, Champion, 2004, n° 535. En 1610, l’ouvrage fut censuré par la Sorbonne, Mémoires-Journaux, éd. Brunet, t. X, p. 128.

Pour citer cet article

Gilbert Schrenck, « Victor-Palma Cayet, Agrippa d’Aubigné et de Pierre de L’Estoile : regards croisés sur le projet de réunion des religions (1593-1610) », paru dans Loxias-Colloques, 18. Tolérance(s) II : Comment définir la tolérance?, Victor-Palma Cayet, Agrippa d’Aubigné et de Pierre de L’Estoile : regards croisés sur le projet de réunion des religions (1593-1610), mis en ligne le 07 octobre 2021, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1757.


Auteurs

Gilbert Schrenck

Gilbert Schrenck est professeur émérite à l’université de Strasbourg, où il a enseigné la littérature française de la Renaissance. Ses travaux portent principalement sur les pamphlets en prose d’Agrippa d’Aubigné (Confession de Sancy, Aventures du baron de Faeneste, Lettre à Madame) et les mémorialistes du XVIe et du XVIIe siècles. Parmi ses publications récentes, figurent le Journal de Pierre de L’Estoile et le Recueil poétique de Rasse des Neux. Un choix d’études sur les écrivains de la période des guerres civiles a paru dans les Mémoires crépusculaires de la fin du XVIe siècle aux Classiques Garnier, 2018 (L’Estoile, d’Aubigné, Marguerite de Valois, Brantôme, Haton, Montaigne…).

Université de Strasbourg