intolérance dans Loxias-Colloques


Articles


Loxias-Colloques | 18. Tolérance(s) II : Comment définir la tolérance?

La tolérance par les mots — une étude quantitative sur les œuvres d’Agrippa d’Aubigné et de Michel de Montaigne

Cet article établit une comparaison entre Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné et Les Essais de Montaigne. Il propose une étude quantitative menée afin de voir si l’usage de certains mots, en particulier dénotant des sentiments, diffère d’un texte à l’autre. D’après les résultats de celle-ci, la différence est grande. Là où Montaigne parle de fondements de notre société, de philosophie et de gouvernement politique, Agrippa d’Aubigné donne un aspect profondément dysphorique à son texte. Les mots clés chez lui sont la mort, le sang, les armes, les ennemis, la fureur, etc. Son texte pourrait même être qualifié de catalogue d’intolérance. Les mots les plus fréquents sont pourtant Dieu et ciel, au nom desquels le spectacle a lieu. This article investigates if there is a difference between how the author Michel de Montaigne and the writer Agrippa d’Aubigné use words, mostly connected with emotions, in their argumentation. This quantitative study of the Essais and the Tragiques shows that Montaigne is discussing the government of states and philosophy in society. It also shows that d’Aubigné is far more polemic than Montaigne, using emotion words like death, blood, arms, ennemies etc., which makes this text look like a catalogue of intolerance. Even if the most frequent words are God and heaven, it just means that the fight is holy, made in God’s name.

Consulter l'article

“Paroles de tolérance” – stratagèmes poético-subversifs face aux controverses religieuses du XVIe siècle (ou comment relire Agrippa et Ronsard en Syrie)

Cet article vise à examiner le défi de pratiquer de la tolérance dans un contexte de guerre civile, lorsque le monde contemporain se transforme en « théâtre de cruauté » et que les gens sont constamment forcés à témoigner des violences décrites comme inouïes, barbares et inhumaines (Crouzet 2017). Quelques liens seront cherchés entre, d’une part, les descriptions des massacres de la France du XVIe siècle et, d’autre part, de ceux commis dans la Syrie d’aujourd’hui. Face aux discours dominateurs et oppressifs menant à des paroxysmes de rage, les écrits des poètes de la Renaissance ont radicalement changé : des stratégies littéraires comprenant des éléments subversifs ont pris forme, rendant visibles les afflictions et les calamités de leur temps, évoluant parfois même en critique subtile mais furieuse du régime en vigueur. L’article discute s’il serait possible, dans notre lutte d’aujourd’hui pour la tolérance, d’apprendre quelque chose des humanistes du XVIe siècle, qui ont souvent préféré la plume au glaive, malgré le fait que dans plusieurs cas, comme celui d’Agrippa d’Aubigné (1552-1630), ils étaient des soldats eux-mêmes… This article aims to examine the challenge of practicing tolerance in a context of religious war, when the world turns into a “theater of cruelty” and people constantly have to witness violence described as “unheard of”, “barbaric” and “inhuman” (Crouzet 2017). Comparisons will be made between, on the one hand, the descriptions of massacres in 16th century France and, on the other, those committed in today’s Syria. Discussing the dominating, oppressive discourses leading up to paroxysms of rage, the paper wants to underline how the writings of Early Modern poets changed radically in the context of religious controversy and war in France. Literary strategies including subversive elements took shape, making visible the afflictions and calamities of their time and gradually evolving into a subtle yet furious critique of the prevailing regime. The article discusses if it could be possible, in our struggle today to embrace tolerance, to learn something from 16th century humanists, who often preferred the pen to the sword, although in several cases, like the one of Agrippa d’Aubigné (1552-1630), they were soldiers themselves.

Consulter l'article

Usage(s) et contexte(s) du terme tolérance : étude diachronique sur deux campagnes présidentielles (2007-2017)

Cet article propose d’étudier l’évolution du sens du mot « tolérance » dans les campagnes présidentielles de 2007 et de 2017. Cette problématique diachronique démontrera que l’usage de « tolérance » se rapproche encore en 2007, du sens premier du terme, et vise à représenter une vertu, une valeur républicaine à défendre, pour ne renvoyer en 2017, qu’au degré zéro du concept, à travers la sur-utilisation de la formule « tolérance zéro ». In this paper we will study the evolution of the syntagm “zero tolerance” between two French political campaigns: the word “tolerance” has been over-used with negative connotations.

Consulter l'article

Loxias-Colloques | 20. Tolérance(s) III - concepts, langages, histoire et pratiques
Tolerance(s) - concepts, language, history and practices

La tolérance en voyage. Leçons sur le déplacement à la Renaissance

Dans le premier collectif sur la Tolérance (journée d’études de Nice, 28 juin 2019), j’avais proposé de considérer la « tolérance » comme l’abandon de souveraineté sur les marges du territoire résistant que représentent les valeurs personnelles ou collectives considérées comme intangibles. Dans le présent article les variations du concept et de l’actualisation de la tolérance à travers les personnes en déplacement, qui se décrivent ou sont mises en scène par la littérature de voyage ou sur les voyages au XVIe : une ligne de démarcation se dessine ainsi non seulement entre voyageurs et sédentaires, mais aussi entre différents voyageurs, selon qu’ils se transportent entièrement avec eux-mêmes, caparaçonnés dans leurs certitudes – et donc susceptibles de tolérance si elle n’affecte pas leur entité personnelle –, ou qu’ils sont prêts à s’adapter aux manières et croyances locales, moyennant des concessions sur leur territoire intime. Nous prenons pour hypothèse de travail le présupposé que les voyageurs en mission, qui sont conditionnés par les impératifs de leur mandat, ainsi que les voyageurs très imbus de leur propre culture relèvent plutôt de la première catégorie, tandis que le « voyageur » sans but particulier se plaît, au moins en théorie, à entrer dans la seconde. Pourquoi la Renaissance est-elle exemplaire ? parce que les voyages de découverte révolutionnent les conceptions géographiques de l’Ancien Monde, et suscitent des réflexions sur l’étrangeté. On se souvient ainsi de la différence entre Thevet et Léry dans l’Amérique tout juste découverte (Thevet plein de certitudes, Léry friand de découvertes), ou de Montaigne visitant l’Italie sans préjugés… La Renaissance offre à cet égard des exemples significatifs, qui seront repris et amplifiés plus tard. In the first collective volume on Tolerance (Nice, 28 June 2019), I had proposed to consider ‘tolerance’ as the surrender of sovereignty over the margins of the resistant territory represented by personal or collective values considered as intangible. In this paper, variations in the concept and actualisation of tolerance will be explored through people on the move, who describe themselves or are portrayed by travel literature in the sixteenth century: A line of demarcation thus emerges not only between travellers and sedentary people, but also between different travellers, depending on whether they are transporting themselves entirely with themselves, caparisoned in their certainties - and therefore susceptible to tolerance if it does not affect their personal entity -, or whether they are ready to adapt to local manners and beliefs, in exchange for concessions on their intimate territory. We assume that mission travellers, who are conditioned by the imperatives of their mandate, as well as travellers with a strong sense of their own culture fall into the first category, while the aimless traveller is satisfied withfalling into the second, at least in theory. Why is the Renaissance exemplary? Because voyages of discovery revolutionised geographical conceptions of the Old World, and gave rise to reflections on strangeness. This recalls the example of Montaigne in Italy, or the difference between Thevet and Léry in the newly discovered America... The Renaissance offers significant examples in this respect, which will be taken up and amplified later.

Consulter l'article

A Rhetoric of the Mask. Bèze’s Discursive Strategies against the Patrones Clementiae (De haereticis, 1554)

Cette contribution porte sur les stratégies discursives de Théodore de Bèze dans son De haereticis (1554), écrit contre les « apôtres de la tolérance » (ou, plus exactement, « avocats de la clémence ») comme Castellion. Bèze accuse ses adversaires d’avoir dissimulé leur identité et leurs intentions véritables derrière un semblant de clémence et entreprend d’ôter leur masque. Le processus de dévoilement, à travers les métaphores des diables déguisés et des loups sous l’apparence de brebis, menace ses ennemis presse le lecteur à agir contre eux. Bèze donne ainsi forme à une rhétorique du masque, qui consiste à désigner les choses comme dissimulées afin de mieux les mettre en lumière selon les objectifs de l’auteur. This contribution focuses on Théodore de Bèze’s discursive strategies in his De haereticis (1554), written against the “apostles of tolerance” (more accurately “advocates of leniency”) such as Castellio. Bèze accuses his opponents of having cloaked their identity and true intentions in a pretence of clemency and undertakes to pull off their masks. The unveiling process, through the metaphors of devils in disguise and wolves in sheep’s clothing, threatens his enemies and prompts the reader to act against them. Bèze thus shapes a rhetoric of the mask, which consists in pointing out things as concealed to better shed light on them in line with the writer’s purposes.

Consulter l'article