Loxias-Colloques |  16. Représentations littéraires et artistiques de la femme japonaise depuis le milieu du XIXe siècle 

Julien Beal  : 

Le manège aux chrysanthèmes : images et réalités des femmes japonaises dans le Panorama du tour du monde de Louis Jules Dumoulin (1860-1924) à l’Exposition universelle de Paris en 1900

Résumé

Peintre paysagiste français, Louis Jules Dumoulin (1860-1924) a séjourné trois fois au Japon entre 1888 et 1897. Il présente lors de l’Exposition universelle de 1900 le Panorama du tour du monde, grande attraction populaire qu’il va agrémenter d’un théâtre animé par des « indigènes ». Il donne alors une image du Japon très stéréotypée en exhibant devant sa peinture une troupe de geisha. Cette étude vise à analyser les rouages et la réception de l’œuvre de Dumoulin ainsi que l’image de femmes japonaises qu’il véhicule. Elle s’attache également à montrer les conditions de recrutement et de vie des geisha.

Index

Mots-clés : Beaux-arts , Bigot (Georges Ferdinand), Dumoulin (Louis Jules), Images du Japon et des femmes japonaises, Loti (Pierre), Stéréotypes, zoos humains

Géographique : France , Japon

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

1Fondateur et président jusqu’à sa mort de la Société coloniale des artistes français, Louis Jules Dumoulin (1860-1924) se trouve, dans le peu de notoriété que lui accorde l’histoire de l’art, irrémédiablement classé comme un peintre colonial. Si cette étiquette représente indéniablement une grande partie de sa carrière, elle a néanmoins tendance à occulter la période antérieure à 1906 et notamment l’influence du Japonisme. La présence du Japon dans la vie et l’œuvre de Dumoulin est pourtant loin d’être anodine puisqu’il y effectuera trois séjours entre 1888 et 18971 engendrant la production d’une centaine de tableaux et la collecte de plus de sept cents photographies2.

2C’est donc en toute logique que Dumoulin consacre au Japon une place de choix lorsqu’il se voit confié la réalisation d’un panorama au sein du Pavillon du tour du monde, attraction destinée à prendre place au pied de la Tour Eiffel à Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900. Le financeur de ce projet est la Compagnie des messageries maritimes qui pose plusieurs conditions à sa commande : il faut que l’œuvre représente des lieux desservis par ses navires mais aussi qu’elle soit spectaculaire, divertissante et rentable. Pour remplir ces conditions, Dumoulin imagine un grand panorama représentant différentes destinations exotiques dans lesquelles il a voyagées et anime l’ensemble par l’exhibition « d’indigènes » venus des pays en question. Le Japon retiendra l’attention des spectateurs dans cette attraction notamment du fait de la présence de geisha (芸者) en tenues traditionnelles s’adonnant à la pratique de la danse et de la musique. Fortement influencé par l’image de la « mousmé » popularisée par Pierre Loti (1850-1923) et par la production photographique japonaise, le panorama animé de Dumoulin exhibe l’altérité humaine pour le divertissement des populations occidentales et renforce à la méconnaissance de la société japonaise de son époque.

3Dans cette étude, nous nous attacherons d’abord à présenter, dans le contexte de l’Exposition universelle de 1900, les images du Japon et des femmes japonaises véhiculées par l’œuvre de Dumoulin. Nous interrogerons ensuite les processus créatifs mis en place par ce dernier, la réception de son panorama animé en France et au Japon ainsi que les conditions de recrutement et de vie des geisha à Paris.

Un projet dans l’air du temps

4Décidée par le Gouvernement français dès 1892, l’exposition universelle de 1900 s’inscrit pleinement dans la lignée des grandes expositions du XIXe siècle mais, date symbolique oblige, elle a pour objectif ambitieux de faire le bilan du siècle, un siècle marqué par les progrès technologiques, notamment en matière de transports, mais aussi par la colonisation et la hiérarchisation des races. Avec un budget colossal de près de dix millions de francs, l’exposition attirera cinquante-et-un millions de visiteurs3 en deux cent dix jours d’exploitation donnant à Paris pendant un peu plus d’un semestre des airs d’immense parc d’attractions.

Une attraction « bon enfant »

5Si l’Exposition universelle de 1900 incarne bien les huit fonctions de la modernité listées par Pascal Ory et Duanmu Mei4, il nous semble important d’insister sur deux aspects particulièrement marqués : l’exhibition technologique et la logique de l’affluence. En effet, Alfred Picard (1844-1913), qui se voit à nouveau confié le commissariat général de l’exposition de 1900 après celle, triomphale, de 1889, va mettre en place une politique favorisant le spectaculaire au détriment de l’exactitude scientifique. Ainsi, comme le démontre Soizic Alavoine-Muller dans un article paru en 2003, le projet éducatif de globe terrestre du géographe Élisée Reclus (1830-1905) sera retoqué au profit de créations moins rigoureuses scientifiquement mais privilégiant des présentations ludiques et sensationnelles du monde5. Les panoramas et autres dioramas, d’autant plus lorsqu’ils proposent des animations mécaniques et/ou humaines, se trouvent notamment plébiscités grâce surtout à leurs dimensions et leurs capacités à mettre en scène le spectateur. Mais si le sujet principal des panoramas au XIXe siècle résidait dans des représentations de la guerre avec une logique souvent patriote, le cadre des expositions universelles pensées comme des grandes fêtes pacifiques ne s’y prêtait pas. C’est donc principalement le dépaysement et les progrès industriels et technologiques qui deviennent, surtout en 1900, les thèmes récurrents de ce type de productions picturales très populaires. Derrière un vernis d’intentions pédagogiques, le panorama se révèle en fait centré sur la fascination du spectateur dans un souci d’audience et de rentabilité voulu par son commanditaire qui s’avère majoritairement être une grande industrie ou une société anonyme6.

6Toutes ces caractéristiques s’appliquent parfaitement au Panorama du tour du monde imaginé par Louis Dumoulin. S’inscrivant dans un projet plus large souhaité et financé par la puissante Compagnie des messageries maritimes, ce panorama prend en effet quelques libertés avec la réalité géographique des lieux présentés et privilégie le spectaculaire tant dans les dimensions de l’œuvre que dans l’exhibition « d’indigènes » évoluant devant celle-ci. Le divertissement et le consumérisme se trouvaient également au centre de ce projet puisque des restaurants7, des cafés et des boutiques agrémentaient l’ensemble architectural éphémère mais néanmoins colossal8 et extrêmement onéreux9 du Tour du monde. Bref, les objectifs sont donc clairement d’attirer un maximum de visiteurs et de pousser ces derniers à dépenser de l’argent sur place, mais aussi de promouvoir les services des messageries maritimes. Pour Dumoulin, le but premier n’est pas éducatif mais bien lié à la démonstration de ses talents d’artistes et de sa maitrise du panorama10. Il s’agit aussi d’asseoir ses statuts de peintre voyageur officiellement lié au Ministère de la marine, de maitre paysagiste et de moderniste. Aux yeux de Dumoulin, la reconnaissance des pairs apparait en effet essentielle, bien plus que celle du public. Dès lors, les images exotiques, et notamment celles du Japon, vont lui servir pour atteindre cette reconnaissance. Rappelons en effet que les peintres orientalistes avaient indéniablement acquis durant le XIXe siècle, grâce notamment à Eugène Delacroix (1798-1863), un statut d’avant-gardiste que Dumoulin a plusieurs fois tenté d’obtenir durant sa carrière11.

7La thématique du tour du monde constitue évidemment un thème populaire12 mais un coup d’œil à l’ensemble architectural réalisé par Alexandre Marcel13 suffit pour se rendre compte que le Pavillon construit se résume en fait quasi exclusivement à l’Orient et à l’Extrême-Orient.

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Figure 1 : Le tour du monde, (tiré de : Baschet, René (dir.), Le Panorama, Exposition universelle 1900, L. Baschet éd., 1900 p. [152]). Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France / Licence ETALAB - Domaine public.

8La façade principale apparaissant sur la figure 1 montre clairement cette prédominance. On y retrouve en effet une tour cambodgienne et une pagode bouddhiste entourant la porte monumentale qui est en fait la réplique de l’entrée d’un temple de Tôkyô (東京)14. La pagode elle-même s’avère copiée sur celle du sanctuaire shintoïste de Nikkô (日光)15 au Japon, assez grossièrement du reste car celle-ci ne compte, selon la tradition bouddhiste, que cinq étages et non six comme son clone parisien16. La présence de restaurants et de boutiques au sein de la pagode en question semble être à l’origine de ce sixième étage et témoigne en tout cas de la prévalence de l’aspect commercial sur l’aspect éducatif.

9Une fois passée la porte monumentale, le spectateur s’acquitte des droits d’entrée fixés à un ou deux francs en fonction de la visite choisie17, arrive au rez-de-chaussée où il est invité à embarquer sur une reconstitution de paquebot mouvant simulant une navigation de Marseille à La Ciotat. Il monte ensuite quelques marches et parvient à l’entresol où se trouvent des dioramas de grandes métropoles du monde comme Rome, Amsterdam, Moscou, Sydney et, convictions coloniales obligent, Saïgon. Puis, il monte au premier étage et découvre depuis la rotonde le Panorama du tour du monde se déployant tout autour de lui sous une coupole de deux-mille-cinq-cents mètres de circonférence. Entre la toile et le spectateur évoluent sur une sorte d’estrade équipée de fausse végétation, des « indigènes » placés devant la peinture représentant leur pays d’origine18. En redescendant au rez-de-chaussée, le spectateur est invité à pénétrer dans un théâtre où à tour de rôle, les « indigènes » susnommés viennent se donner en spectacle. Avant la sortie, tout est mis en œuvre pour amener le visiteur à acheter des souvenirs de l’attraction à la boutique19.

10Bien qu’il y ait quelques contradictions en fonction des guides, des récits et de leurs dates de publication, l’itinéraire du panorama de Dumoulin suivait la navigation vers l’Orient d’un paquebot des messageries maritimes avec dans un premier temps une escale à Athènes (devant l’Acropole), puis à Constantinople avec la représentation d’un cimetière faisant clairement référence au premier roman de Pierre Loti, Aziyadé, publié anonymement en 1879 chez Calmann-Lévy. C’est ensuite le passage dans le canal de Suez avec une représentation de Port-Saïd permettant à Dumoulin d’inclure dans la toile quelques paquebots des messageries maritimes au mouillage. L’itinéraire se poursuit avec une représentation des Indes anglaises et ses charmeurs de serpents, puis des temples d’Angkor Vat devant laquelle évoluent des danseuses javanaises et un orchestre gamelan, soit un collage de clichés exotiques éloignés de plus de mille kilomètres les uns des autres ! La Chine avec une peinture d’un quartier de Shanghaï20 se présente ensuite au spectateur avant le Japon qui bénéficie de la plus grande surface peinte avec d’abord une vue de Nikkô, puis en arrière-plan, de la presqu’île d’Enoshima et enfin dans la partie droite, une représentation de Yokohama ou Tôkyô21 pendant la fête des garçons22 et du célèbre Mont Fuji flottant sur un océan jouant le rôle de jointure avec le continent européen ! En effet, L’Espagne, avec une peinture de la ville de Fontarrabie, frontalière de la France, bénéficiait également d’une scène supposée clôturer le panorama mais qui, pour certains visiteurs constituait le point de départ de ce dernier23. Bien que proche de la France, l’Espagne était encore parée d’une image d’exotisme à la fin du XIXe siècle, image sur laquelle joue Dumoulin en faisant évoluer des danseuses de flamenco et une guitariste devant sa représentation de Fontarrabie. Plusieurs journalistes, dans des textes écrits avant l’ouverture officielle de l’Exposition universelle, mentionnaient des représentations de l’Australie, du Brésil et du Portugal au sein du Panorama du tour du monde mais il semble bien que ces destinations n’aient pas pris forme dans la version finale de l’œuvre24. Il faut dire que comme quasiment toutes les autres attractions de l’exposition, le retard pris dans les travaux forçaient les organisateurs et artistes à parer au plus pressé.

Un air de déjà-vu

11Que ce soit au niveau de l’architecture ou au niveau du panorama lui-même, le pavillon du tour du monde apparait, nous l’avons vu, très orienté à l’Est et le Japon y figure évidemment en bonne place. Sans surprise, le panorama de Dumoulin reflète assez fidèlement les voyages de ce dernier, en dehors des colonies et protectorats français qui dépendaient de l’exposition coloniale dirigée par Jules Charles-Roux (1841-1918)25.

12C’est en 1888, à l’âge de vingt-sept ans que Louis Dumoulin effectue, accompagnée de son épouse, son premier voyage au long cours à destination du Japon. Il s’agit, comme la quasi-totalité de ses voyages d’une mission officielle qui lui permet d’embarquer gratuitement sur les navires de la Compagnie des messageries maritimes mais aussi et surtout de bénéficier des faveurs des services diplomatiques et consulaires français dans les pays visités. Le premier séjour de Dumoulin au Japon se déroule donc de mai 1888 à février 1889 soit une durée de presque dix mois durant laquelle il va visiter les lieux plébiscités par les touristes occidentaux et présentés dans les principaux guides touristiques de l’époque. Le Keeling’s guide to Japan par exemple, édité pour la première fois en 188026, présente et conseille aux Occidentaux les endroits suivants dès sa page de titre : « Yokohama, Tokio, Hakone, Fujiyama, Kamakura, Yokoska, Kanozan, Narita, Nikko, Kyoto, Osaka, Kobe, etc.27 ». Parmi ces lieux qu’il a tous visités, c’est indéniablement Nikkô et ses environs qui vont faire à Dumoulin les meilleures impressions.

13« Nikkô wo minai uchi ha kekkô to iu na » 日光を見ない中は結構と言うな. Ce dicton populaire au Japon signifie littéralement : « Ne qualifie rien de superbe avant de n’avoir vu Nikkô », et célèbre la magnificence de ce site construit en l’honneur de Tokugawa Ieyasu 徳川家康 (1543-1616) et de Tokugawa Iemitsu 徳川家光 (1604-1651), respectivement premier et troisième shogun de la dynastie des Tokugawa qui régna sur le Japon durant toute la période d’Edo de 1603 à 1867. C’est d’ailleurs selon les volontés testamentaires dictées par Ieyasu lui-même, qui souhaitait pour asseoir la légitimité de sa dynastie y être vénéré comme une divinité shintoïste (Kami 神), que fut érigé ce sanctuaire en 161828. Niché dans un écrin naturel avec ses cryptomerias géants, ses rivières, lacs, chutes d’eau et surtout sa végétation d’un vert profond, le site est évidemment un incontournable des programmes touristiques au Japon depuis la fin du XIXe siècle. Hébergeant les âmes des premiers shogun, il revête à ce titre un intérêt majeur pour les Japonais et symbolise un pan important de l’histoire nationale, l’époque d’un Japon unifié, certes fermé à l’extérieur, mais pacifié. Dans les années 1880, alors que le pays poursuit sa modernisation, Nikkô apparait comme un véritable catalyseur des nostalgies d’une époque révolue depuis peu et pourtant qualifiée d’ancienne. Dès lors, il n’est guère surprenant que le charme de Nikkô opère sur un peintre paysagiste, qui plus est français29, ayant grandi dans un Paris féru de « japonaiseries »30 et venu en mission officielle jusqu’au Japon pour fixer sur ses toiles les villes et campagnes de ce pays. D’un point de vue pratique, Nikkô est de surcroît, une destination relativement proche de Tôkyô offrant toutes les commodités nécessaires à un voyage « charmant » comme le qualifie d’emblée le Keeling’s guide qui y consacre pas moins de soixante-dix pages31.

14Dumoulin se rend donc à Nikkô à la fin de l’été 188832 accompagné de plusieurs francophones dont Auguste Bing (1852-1918) et son épouse. Auguste Bing n’est autre que le frère cadet du célèbre marchand de « japonaiseries » et critique d’art Siegfried Bing (1838-1905), il est d’ailleurs chargé de gérer un bureau d’import-export à Yokohama (横浜) qui fournit à son frère les objets vendus à Paris. Le peintre et caricaturiste français Georges Ferdinand Bigot (1860-1927), résidant au Japon depuis 1881, prend probablement part à cette excursion et y jouera probablement un rôle de guide grâce à sa connaissance du site et à sa maitrise de la langue japonaise.

15Dumoulin retournera à Nikkô en juin ou juillet 1897 en compagnie d’une jeune femme nommée Mlle D’Autun (18?-19?) et d’un Français appelé Amédée Guibert (18?-19?)33 qui assurait la fonction d’interprète officiel de la légation de France à Tôkyô depuis 1889. La présence d’un membre de la légation de France à ses côtés confirme les habitudes de voyage de Dumoulin qui aime à découvrir un pays étranger en restant bien à son aise au sein de la communauté française y résidant et y exerçant de préférence des fonctions officielles. Mais c’est indéniablement le premier séjour de Dumoulin sur ce site qui est à l’origine du choix de Nikkô pour la principale scène japonaise du Panorama du tour du monde.

16Nikkô signifie littéralement en japonais « la lumière du soleil » en référence à la grandeur de Tokugawa Ieyasu. Cette appellation, si tant est qu’il s’y soit intéressé, aurait pu paraitre séduisante à un peintre paysagiste comme Dumoulin sensible aux effets de lumières et adepte de la peinture en plein air. Caractéristique fondamentale de la révolution picturale menée notamment par les impressionnistes, la peinture en extérieur ne se pratiquait pas au Japon avant l’ouverture du pays en 1854. La formation des peintres y reposait en effet entièrement sur le travail de copie des modèles chinois dans les ateliers34. L’introduction des peintures occidentales et le recrutement par le nouveau gouvernement de Meiji de maitres occidentaux, ainsi que l’envoi en Europe d’apprentis artistes japonais vont significativement modifier les méthodes d’enseignement traditionnelles de la peinture au Japon. À l’époque de la mission de Dumoulin, les cours dispensés à l’école des Beaux-Arts de Tôkyô, créée en 1887, comprenaient des études d’après nature en atelier et en extérieur. Dès lors, s’il était délicat pour le peintre Félix Régamey (1844-1907) en 187635 de sortir chevalets, toiles, palettes et pinceaux lors de ses promenades japonaises, l’époque du voyage de Dumoulin est plus propice à la pratique picturale in situ au-delà du simple croquis au crayon sur un carnet36. À ce propos une série de caricatures de Georges Bigot parue dans son journal satirique Tôbaé en septembre 188837 constitue à la fois un témoignage et une preuve laissant à penser que Dumoulin et Bigot se soient livrés à cette pratique sur le site de Nikkô en 1888. Ce numéro consacre en effet plusieurs dessins à « un petit incident lors d’une séance de peinture à Nikkô » et notamment une planche (voir figure 2 ci-après) mettant en scène deux peintres occidentaux qui badigeonnent de peinture bleue les visages d’un cortège de moines japonais venus leur demander de mettre fin à leur séance particulièrement inappropriée sur un site sacré comme Nikkô. La police est même appelée à la rescousse sans résultat puisque les deux peintres en question reprennent, frondeurs, leurs esquisses.

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Figure 2 : Georges Bigot, « Histoire vraie », in Tôbaé, journal satirique, deuxième année, n°38, 1er septembre 1888, p. [4]. Reproduit avec l'aimable autorisation des ayants-droits de Georges-Ferdinand Bigot.

17Au-delà du comique de la saynète et de la moquerie envers les autorités civiles et religieuses locales, cette œuvre de Bigot nous offre plusieurs informations intéressantes. D’une part, la physionomie des irrévérencieux peintres occidentaux laisse peu de place au doute, il s’agit bien de Bigot lui-même, reconnaissable à ses vêtements japonais et à son chien38 et de Dumoulin trahit notamment par sa moustache et son chapeau. D’autre part, le soleil resplendissant et le recours au parasol indiquent bien que la séance en question a eu lieu durant la saison estivale sûrement fin août-septembre39 1888.

18Le choix de Nikkô par Dumoulin apparait également comme une évidence au regard du nombre de clichés concernant ce lieu dans la collection photographique de ce dernier40 et du nombre de toiles en découlant41. Si les paysages ont probablement pesé dans la décision de Dumoulin de représenter Nikkô, il nous semble important de rappeler que ce site convenait surtout parfaitement à l’image du « Japon de Paris ». En effet, Nikkô symbolisait le Japon de l’époque d’Edo durant laquelle le shogunat pratiquait une politique d’isolation et ne reflétait pas la situation contemporaine du pays. Dumoulin s’appuie donc sur l’image rêvée d’une civilisation ancienne42 en train de disparaitre sous les coups d’une modernisation irréfléchie. Il ne prend pas de risque puisque cette image est couramment admise parmi les cercles artistiques japonisants de la fin du XIXe siècle à Paris43. Dumoulin propose donc aux spectateurs du Pavillon du tour du monde le Japon communément apprécié à Paris et ne cherche pas à dépasser les idées reçues sur ce pays et sur la Restauration Meiji. Avec trois séjours en moins de dix ans et près de seize mois cumulés passés au Japon, soit plus que tout autre peintre français à l’époque en dehors de Bigot, Dumoulin était pourtant bien placé pour montrer autre chose que des images préfabriquées depuis Paris.

19Si Dumoulin a bien endossé le costume de maitre d’œuvre concernant l’aspect purement pictural de son panorama, il n’était pas en mesure de contrôler seul le recrutement, l’acheminement et l’encadrement des « indigènes » du théâtre animé dont les caractéristiques rappellent indéniablement les zoos humains.

Le sillon des zoos humains

20Comme le précisent Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire, le phénomène des zoos humains constitue, après les expositions universelles, le second phénomène de masse du XIXe siècle44. Les mêmes auteurs expliquent également que ces deux phénomènes sont imbriqués, la chosification et l’exhibition de l’autre dans le cadre des expositions universelles et plus encore coloniales s’avéraient en effet fréquentes afin dans un premier temps de légitimer la conquête puis, dans un second temps, la mission civilisatrice des nations colonisatrices. En 1900, il n’est donc plus question de montrer le caractère primaire, voire bestiale des « sauvages » mais bien de démontrer les bienfaits de la civilisation occidentale pour les « indigènes »45. S’il ne fait aucun doute que Dumoulin était convaincu par la mission civilisatrice de la France46, il est plus délicat d’apprécier l’impact qu’ont pu avoir sur lui, jeune homme ayant grandi dans la capitale, les mises en scène du jardin d’acclimatation de Paris ou les exhibitions d’êtres humains durant les expositions universelles de 1878 et de 1889. De même, on peut se demander si Dumoulin était bien à l’origine de l’idée d’animation par des « indigènes » en chair et en os de son panorama. Rappelons qu’il était un peintre exclusivement paysagiste et que dans ses tableaux, les êtres humains figurent avant tout comme des ombres ou des tâches venues meubler le paysage en lui conférant l’authenticité exotique de leurs corps ou encore de leurs vêtements. En outre, habituellement, les panoramas étaient équipés de mannequins pour donner l’illusion de la réalité et mettre en valeur l’œuvre du peintre. Dans le Panorama du tour du monde, la démarche semble similaire et on a plus l’impression de voir des mannequins exotiques animés que des êtres humains porteurs d’une diversité ethnique et culturelle. Il nous parait donc relativement clair que Dumoulin adhérait complétement à l’utilisation de personnes humaines pour mettre en valeur ses peintures. Qu’il en ait été à l’origine ou que cela lui ait été suggéré par autrui semble finalement secondaire tant il va œuvrer à la concrétisation de cette idée.

21Avec une mise en scène qui oblige les artistes étrangers à « performer » devant une expression grandiloquente de l’art occidental, le théâtre animé de Dumoulin va, en tout état de cause, bel et bien imposer une hiérarchie du monde dédiant le beau et la grandeur à la France et affublant les peuples en devenir du folklore et du primitif. Chosification de l’autre devenue marchandise importée, appropriation et exhibition des corps, Le « barnum de Dumoulin » édulcoré sous le filtre du spectacle exotique festif et « bon enfant », suit indéniablement le sillon des zoos humains en imposant un racisme populaire stigmatisant les races selon une échelle allant de la peau la plus noire à la plus blanche.

22Un écho de presse apparemment anodin nous semble révélateur de cet ordre du monde. Il s’agit d’un bref compte-rendu dans la rubrique « théâtre » du journal Le Matin paru en juin 1900 et qui salue le succès du « théâtre exotique du Tour du Monde ». Le journaliste y loue le talent des artistes espagnoles en citant parfaitement leurs noms et prénoms. Il enchaine ensuite sur les geisha : « Quant aux danseuses japonaises, est-on curieux de connaître leurs noms ? Ce sont Mlles Tarna, Ito, Kokou, Riou, Ei, Hio, Ideno et adm. Ces gracieuses coryphées d’Extrême-Orient ont pour directrice Hawahama Kounie47 ». Les autres figurants venus de Chine, de Java, d’Inde ou de Turquie ne sont eux, pas mentionnés ; et même s’ils le sont dans d’autres sources, les auteurs ne daignent jamais citer leurs noms. La guitariste et la danseuse de flamenco sont certes espagnoles mais européennes et cela semble justifier aux yeux du journaliste la citation de leurs patronymes complets. Quant au Japon, ses danseuses appartiennent à la race jaune mais elles sont les fruits d’une civilisation ancienne et raffinée qui, si elle ne se trouve pas à la hauteur de l’Occident apparait tout de même respectable48 ; au point en tout cas, de filer la métaphore avec l’Antiquité grecque et de tenter l’aventure de la transcription, très approximative, de leurs prénoms. Pour les autres, l’absence de nom les stigmatise en tant qu’êtres humains inférieurs, tout en les condamnant à accepter la supériorité des « races civilisées » et à apprendre d’elles. Dumoulin traite d’ailleurs très durement les acteurs chinois de son attraction, comme en témoigne le récit du journaliste et critique dramatique Adolphe Brisson (1860-1925) qui, attiré par la présence de femmes japonaises, interrogent Dumoulin sur ses voyages et les rouages du pavillon du tour du monde. Ce dernier, voyant Brisson observer les acteurs et actrices chinois déclare dédaigneux et accusateur : « Ces Chinois ont d’insupportables exigences, poursuivit M. Dumoulin. Au cas où ils viendraient à mourir, je suis obligé de renvoyer leurs cadavres dans leur province natale, auprès de la dépouille sacrée des ancêtres. Ils n’ont consenti à s’expatrier qu’à cette condition expresse49 ». À la lecture de ces lignes, on n’ose imaginer les détails et les clauses des contrats imposés aux « indigènes » du théâtre animé…

23En dehors de ses tableaux, de quelques interviews et articles de presse et des annotations qu’il a laissées au dos des montages cartonnés de sa collection photographique, Louis Dumoulin ne semble pas avoir beaucoup écrit au sujet de ses voyages50. D’ailleurs, du recrutement des femmes japonaises de son panorama, il ne souffle mot. Il parait en tout cas très surprenant qu’un peintre français comme lui ait pu faire venir à Paris une troupe de véritables geisha alors que le gouvernement japonais souhaitait absolument faire cesser les exhibitions de ses ressortissants, et surtout de sa population féminine, par des étrangers51. Échaudé par plusieurs scandales52 liés à l’organisation par des Occidentaux de « villages japonais » ou de « pavillon de thé » lors d’expositions universelles passées, le gouvernement de Meiji tentait en effet de prendre le contrôle de telles attractions en interdisant aux étrangers toute activité liée à l’exhibition et/ou au commerce de personnes et d’objets originaires du Japon. Ainsi, en prévision de l’Exposition universelle de 1893 à Chicago, le Ministère des affaires étrangères va demander au commissariat général de l’exposition de respecter quatre règles strictes prohibant aux étrangers l’exposition et la vente de produits manufacturés au Japon, l’organisation de villages ou de pavillons japonais et toute exhibition mettant en cause les mœurs du Japon53. Les mêmes restrictions sont transmises à Alfred Picard en 1896 en prévision de l’exposition de 1900 dont il assure le commissariat général. Dans ce contexte, on imagine mal Louis Dumoulin en mesure de recruter lors de ses deux séjours au Japon en 1895 et en 1897 des femmes japonaises pour les mettre en scène devant un panorama.

24Le nom de Dumoulin n’apparait effectivement pas dans les documents d’archives gouvernementales du Japon liés à l’exposition de 1900, tout comme celui de Bigot d’ailleurs qui aurait pu être susceptible de l’aider dans la réalisation de son projet. L’origine de l’affaire du recrutement de geisha pour le pavillon du tour du monde se trouve pourtant bien à la légation de France à Tôkyô. C’est à l’été 1899, soit deux ans après la fin du dernier séjour de Dumoulin au Japon que débute concrètement le recrutement en question. Un Japonais dénommé Sugita (杉田)54, employé comme interprète à la légation de France et membre de la Dainippon bujutsu kôshûkai (大日本武術講習会) que l’on peut traduire par « Association des arts martiaux du grand Japon » va mettre en relation son professeur Tsuda Kanjirô 津田官次郎 (18?-19?) avec Robert Lafaye de Micheaux (18?-19?), un commerçant français installé à Yokohama depuis 1890. À ce stade, il convient de préciser qu’il ne s’agit pas d’envoyer des geisha à Paris mais bien des maitres d’arts martiaux japonais, ce qui explique l’entremise de Tsuda, qui selon les plans de Sugita, devait se charger de les recruter et de les présenter à Lafaye de Micheaux. Ce dernier semblait déjà avoir été contacté du reste, probablement par Dumoulin lui-même, pour la même mission mais éprouvait des difficultés à la mener à bien, d’où l’intervention de Sugita. Toujours est-il qu’à l’origine du projet, il n’était pas question de geisha mais bien d’hommes japonais pratiquant des arts martiaux55, ce qui change considérablement la donne et aurait immanquablement eu sur les visiteurs un tout autre effet56.

25Mais Tsuda, pour une raison inconnue, propose à Lafaye de Micheaux d’envoyer des geisha plutôt que des combattants et décide dans le même temps de passer la main à un personnage sulfureux : Okunomiya Kenshi 奥宮健之 (1857-1911)57. Opposant au gouvernement de Meiji, Okunomiya vient de passer près de treize années en prison suite à son implication dans « l’incident de Nagoya »58. Surveillé par la police depuis sa sortie, c’est sa présence qui va alerter les autorités japonaises sur le projet d’envoi de geisha à Paris et qui nous permet aujourd’hui de comprendre comment s’est déroulé le recrutement59. En résumé, Okunomiya va mobiliser deux personnages de son réseau, Iwama Hômatsu 岩間芳松 (18?-19?) le propriétaire d’un restaurant situé dans le quartier de Shinbashi (新橋) à Tôkyô et qui accueillait des geisha pour divertir les clients aisés ; et Saitô Kintarô 斎藤金太郎(18?-19?), gérant lui d’une maison de geisha dans le même quartier. En moins d’un mois, l’affaire est entendue, Iwama et Saitô réunissent treize femmes dont neuf geisha, une coiffeuse, deux maquilleuses et une matrone qui n’est autre que l’épouse d’Iwama et six hommes (un cuisinier, deux traducteurs et trois serviteurs dont le rôle n’est pas très clair). La plus jeune des geisha n’a que quatorze ans, la plus âgée vingt-quatre. À ce groupe, il faut ajouter Iwama, Okunomiya et deux compagnons de ce dernier et c’est donc un total de vingt-trois personnes qui composent la troupe japonaise du Panorama du tour du monde. Deux Français accompagnent le groupe, Georges Ferdinand Bigot embauché comme traducteur et qui rentre en France après dix-huit ans passés au Japon dans le même navire que la troupe de Geisha et un médecin dont l’identité n’a pas pu être trouvée et qui veillera à ce que la santé des membres de la troupe ne se dégrade pas à Paris.

26Le gouvernement japonais tentera bien de s’opposer à la réalisation de ce projet mais la vitesse d’action d’Okunomiya et de ses acolytes ainsi que l’attitude du gouvernement français les en empêcheront. En effet, Iwama et Saitô sont interrogées par la police japonaise fin janvier 1900, suite notamment à une conférence de presse organisée dans le restaurant du premier nommé60 et qui a généré plusieurs articles, rendant ainsi le projet public. Okunomiya a déjà quitté le pays à la date de l’interrogatoire de police, Iwama et Saitô insistent sur le fait que les contrats sont signés et qu’il leur est impossible de faire machine arrière car ils ont déjà reçu des versements financiers de la part de Lafaye de Micheaux. En ce qui concerne le gouvernement français ou plutôt le commissariat général de l’exposition, après avoir « joué la montre » en ne répondant pas aux demandes d’explication de son homologue japonais, Picard, sollicité par le marchand d’art francophone Hayashi Tadamasa 林忠正 (1853-1906)61, répond lui aussi que les choses sont trop engagées pour pouvoir les stopper et tente de rassurer en expliquant qu’une surveillance sera mise en place afin d’éviter tout scandale. Hayashi demande à visiter le pavillon du tour du monde en construction et rend compte de sa visite au très influent homme politique japonais Itô Hirobumi 伊藤博文 (1841-1909)62. Les deux hommes, inquiets de la propagation du péril jaune en France et du rapprochement diplomatique de la France et de la Russie, décident de ne pas tenter d’interdire cette attraction mais demandent, et obtiennent, une prise en compte immédiate de leur avis quant au déroulement de celle-ci. En tout état de cause, Hayashi se gardera bien de mêler sa délégation officielle au panorama de Dumoulin et ne livrera jamais vraiment le fond de sa pensée sur cette attraction.

27Toujours est-il que le premier avril 1900, neuf geisha arrivent à Paris pour y animer une représentation de leur pays réalisée par un peintre français devant les yeux de très nombreux spectateurs, pour la plupart également français et pour qui les femmes japonaises se résument bien souvent à la « mousmé » de Pierre Loti.

Pourvu qu’on ait l’ivresse

28Pour réaliser le Panorama du tour du monde et son théâtre animé, Dumoulin ne va pas chercher à dépasser les clichés touristiques et les stéréotypes raciaux. Au contraire, il va les accentuer en diffusant auprès d’un grand nombre de spectateurs un pot-pourri d’exotisme convenu, particulièrement flagrant dans les parties japonaises de son attraction.

Le patchwork de Dumoulin

29« […] Nikko est le lieu saint que tous les touristes passant au Japon doivent visiter […]63 », le globe-trotteur et noceur français Émile D’Audiffret (1850-1?), comme beaucoup d’autres voyageurs au Japon le comprend vite, Nikkô fait partie des sites touristiques incontournables de ce pays. Ce statut était dû, certes, à la beauté du site et à son importance historique, mais aussi à la politique du Japon lui-même qui souhaitait contrôler au maximum les déplacements des étrangers sur son sol. Dès lors, on comprend aisément que la mise en avant de quelques lieux emblématiques offrait des côtés bien pratiques. D’une part, cela permettait de réduire les zones à surveiller et d’autre part, cela ouvrait la voie à la concentration d’équipements et de services à destination des touristes occidentaux64. Le choix de Dumoulin de représenter Nikkô (mais aussi le Mont Fuji et Enoshima) n’est en soi pas illogique puisqu’il s’agit bien de lieux mis en avant par les Japonais eux-mêmes. Mais, à la différence du voyageur et photographe Hugues Krafft (1853-1935)65, d’Émile Guimet66 ou encore de D’Audiffret67, Dumoulin ne cherche pas à présenter ces sites aux Français mais va au contraire les travestir pour mieux servir l’esthétique et l’exotisme de son panorama animé.

30En comparant les tableaux choisis par Dumoulin pour son exposition à la galerie Georges Petit à son retour du Japon en 1889 et la partie japonaise représentant Nikkô dans son Panorama du tour du monde, avec les lieux décrits par Hugues Krafft, on a presque l’impression d’un voyage en commun tant les endroits mis en avant par les deux hommes se rejoignent. En revanche, l’approche de Krafft est beaucoup plus respectueuse, car bien que touriste lambda, peut-être un peu plus aisé que la moyenne, il tente de s’informer sur les choses qu’il voit et surtout de restituer les informations obtenues de manière la plus précise possible. Ses descriptions des mausolées et des temples bâtis en l’honneur de Tokugawa Ieyasu et de Tokugawa Iemitsu sont certes, empreintes d’une appréciation très subjective, mais cherchent surtout à poser le contexte historique de manière plutôt fidèle, démontrant un réel intérêt pour le Japon68. La démarche de Dumoulin est plus grossière, il se sert des paysages et des anecdotes qui pourraient lui offrir des tableaux à même de séduire le public français et semble déjà durant ses excursions au Japon dans une posture de peintre au travail et non de voyageur avide de découvertes et de nouvelles connaissances69. La manière de retranscrire les noms japonais est d’ailleurs révélatrice de cette différence d’approche. Dumoulin écrit par exemple très approximativement « Yéyas70 » ou « Tokoungawa71 » lorsqu’il évoque Tokugawa Ieyasu alors que Krafft s’applique à retranscrire ce nom plus fidèlement : « Iyé-Yasu72 ». De la même manière, Dumoulin a tendance, c’est vrai pour Nikkô comme pour ses autres voyages, à sélectionner les points de vue les plus touristiques pour les mixer ensemble sur la toile, quitte à prendre certaines libertés avec les réalités géographiques et culturelles.

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Figure 3 : Panorama du tour du monde, au Japon, Nikko (tiré de : Baschet, René (dir.), Le Panorama, Exposition universelle 1900, L. Baschet éd., 1900, p. [160]). Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France / Licence ETALAB - Domaine public.

31L’analyse de la représentation de Nikkô par Dumoulin, présentée dans la figure 3 ci-avant, permet de comprendre les petits arrangements que ce dernier prend avec la réalité mais aussi et surtout ses méthodes de travail et de création. D’un point de vue épistémologique en effet, Dumoulin a pioché pour ce tableau dans sa collection photographique en y sélectionnant quelques éléments qu’il va restituer tels quels et mixer sur la toile. Précisément, la partie gauche de sa représentation de Nikkô en 1900 montre le bâtiment d’un temple bouddhiste appelé Dainichidô (大日堂) situé à une vingtaine de kilomètres du principal sanctuaire shintoïste de Nikkô. Ce temple, étape incontournable des circuits touristiques dans la région, jusqu’à sa destruction causée par une inondation en 1902, était connu pour la beauté de son jardin qui offrait une vue sur le lac Chûsenji73. Pour un peintre de la Marine comme Dumoulin74, l’occasion est belle d’inclure en effet un point d’eau et quelques jonques japonaises, ce qu’il ne manque pas de faire dans l’arrière-plan droit de son tableau. Que ce soit pour le Dainichidô75 ou pour le lac Chûsenji, dans les deux cas, ce sont des photographies qui ont servi de modèles à Dumoulin.

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Figure 4 : T. Enami, Dainichido, 1886?, épreuve à l’albumine sur papier, montage sur carton, Université Nice Sophia Antipolis, Bibliothèques, photothèque ASEMI, collection Louis Dumoulin (CC-BY)

32Les traces de peintures apparaissant sur les montages photographiques de la collection Dumoulin sont immanquablement le signe de l’utilisation par le peintre du cliché en tant que modèle pour une ou plusieurs toiles. Dumoulin n’est certes pas le seul peintre à recourir à la photographie pour créer76, mais à la différence des peintres du Réalisme77, il se sert de cette technologie pour travestir la réalité. Ainsi, Dumoulin va littéralement importer en bordure de sa représentation du lac Chûsenji un rocher coiffé de pins japonais78 venu tout droit de la plage d’Enoshima, ou plutôt d’une photographie de cette plage79 bordant l’océan pacifique à plus de deux cents kilomètres au sud de Nikkô. En observant attentivement l’arrière-plan droit de la toile, on aperçoit même le célèbre Mont Fuji évidemment invisible depuis Nikkô puisque situé lui à plus de trois cents kilomètres au sud-ouest ! Cette méthode de travail, qu’il n’assume absolument pas80, s’avère extrêmement fréquente chez Dumoulin puisqu’il l’applique aussi aux personnes, ou plutôt aux silhouettes de personnages qu’il ajoute à ses paysages peints81. C’est également cette méthode qu’il va appliquer pour la mise en scène des femmes japonaises de son attraction et la promotion de celle-ci.

33En effet, il suffit par exemple de jeter un œil au guide officiel du Panorama du tour du monde pour se rendre compte du recours à la production photographique japonaise. Le rôle principal est donné aux geisha et on relègue en médaillons discrets une femme indienne et un homme chinois (voir figure 5 ci-dessous).

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Figure 5 : Auteur inconnu, Guide officiel et souvenir du panorama, Paris, Paul Dupont, 1900, domaine public.

34Le spectateur et, éventuellement acheteur, de ce guide officiel pourrait s’attendre à juste titre à ce qu’il offre une représentation de geisha se produisant effectivement dans le pavillon du tour du monde. Or, là-encore, ce sont bien des modèles photographiques de clichés acquis par Dumoulin au Japon qui sont à l’origine de cette couverture (voir figures 6 et 7 ci-dessous).

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Figure 6 : T. Enami, Dancing, 1886?, épreuve à l’albumine sur papier, colorisation à la main, montage sur carton, Université Nice Sophia Antipolis, Bibliothèques, photothèque ASEMI, collection Louis Dumoulin (CC-BY)

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Figure 7 : T. Enami ou Ogawa Kazumasa, Girls for cooling at Kamogawa, kioto, 1886 ?, épreuve à l’albumine sur papier, colorisation à la main, montage sur carton, Université Nice Sophia Antipolis, Bibliothèques, photothèque ASEMI, collection Louis Dumoulin (CC-BY)

35Que ce soit les geisha, les objets comme le paravent, l’éventail ou le shamisen (三味線), ou le décor ; la couverture du guide copie littéralement ces deux photographies82 qui, il convient d’insister sur ce point, sont l’œuvre de photographes japonais.

36Pour créer les éléments picturaux de son panorama, comme pour la mise en scène et la représentation des femmes japonaises chargées de l’animer, Louis Dumoulin emprunte énormément à la photographie souvenir, ce qu’on appelait au Japon les Yokohama shashin (横浜写真), soit littéralement « les photographies de Yokohama » car la plupart des studios et des boutiques vendant ces clichés se trouvaient dans cette ville où résidaient et transitaient beaucoup d’étrangers. Plus qu’une œuvre originale, Dumoulin réalise en fait une sorte de patchwork d’images exotiques préexistantes qui pour les femmes japonaises, se situent sur deux pôles fantasmatiques puissants : la « mousmé » de Loti et la geisha des Yokohama shashin.

Peu importe le flacon…

37Le terme « Mousmé », nous l’avons dit a surtout été utilisé en France à la fin du XIXe – début du XXe siècles principalement pour désigner les femmes japonaises ou plutôt la femme japonaise, celle que Loti appellera « Madame Chrysantème ». Pourtant, si c’est bien Loti qui a popularisé ce mot qui lui plaisait d’abord pour des raisons phonétiques83, des occurrences de celui-ci, souvent plus précises dans la graphie, se retrouvent avant 1887 notamment chez le critique d’art et japonisant Philippe Burty (1830-1890)84 ou dans des récits de voyageurs comme celui du diplomate Alexis de Gabriac (1811-1890) paru en 187285. Patrick Beillevaire montre bien qu’avec le roman de Loti et après celui-ci le terme « mousmé » n’est « communément usité que lorsque la femme est considérée pour son potentiel de séduction et non dans son rôle social86 ». Il note également que cet usage est propre à la France. En effet, dans les pays anglo-saxons et notamment en Angleterre et aux États-Unis, c’est le terme « Geisha » qui s’applique le plus souvent à cette image séductrice des femmes japonaises. La France fait donc exception mais la représentation en mars-avril 1898 au théâtre de l’Athénée-comique à Paris de l’adaptation française d’une comédie musicale britannique d’Owen Hall (1853-1908) intitulée « The geisha, story of a teahouse » va véritablement marquer le début de l’emploi plus régulier du terme « geisha » par les Français pour désigner les femmes japonaises au point que dix années plus tard environ, l’usage du terme « mousmé » deviendra minoritaire jusqu’à s’éclipser complétement. On peut d’ailleurs légitimement penser que le Panorama du tour du monde ait œuvré à la popularisation du terme « geisha » car pour la première fois à Paris, ce sont bien « d’authentiques geisha » que le public français avait l’occasion de découvrir. Cette différence de vocabulaire pour désigner l’image fantasmée par les hommes occidentaux de la femme japonaise n’est pas anodine car les deux vocables véhiculent des représentations sensiblement différentes, et ce même si dans l’esprit des spectateurs, celles-ci soient bien souvent imperceptibles87.

38Comme l’explique Mio Wakita 脇田和, par l’analyse des clichés et albums de Kusakabe Kinbei 日下部金兵衛 (1841-1932), l’un des photographes japonais les plus prolifiques et les plus appréciés par les Occidentaux à partir des années 1880, le contrôle par des hommes japonais de la production photographique nippone à la fin de la même décennie a modifié les représentations des femmes japonaises en imposant le modèle de la geisha comme un standard88. Wakita montre que Kusakabe s’est très largement inspiré des Bijin-ga (美人画), terme qui signifie littéralement : « images de belles personnes » mais qui désigne en fait seulement les femmes. Or les modèles de ces estampes étaient soit des courtisanes de haut rang, soit des geisha célèbres pour leur beauté. Si le sujet de la femme n’était pas l’apanage des photographes japonais puisqu’il s’agissait déjà d’un thème majeur dès les premières décennies du commerce de la photographie au Japon89 à l’époque où la production était dominée par des Occidentaux comme Felice Beato (1832-1909) ou Raimund Von Stiellfried, Wakita pointe l’esthétisation de Kusakabe qui propose une image plus raffinée avec des vêtements, des accessoires et des coiffures précieux et sophistiqués. À partir de la fin des années 1880, les photographies souvenirs du Japon qui étaient très largement diffusées en Occident90, ont donc modifié l’image de la femme en faisant poser des geisha91 selon une stratégie visant à les inscrire dans des codes visuels hérités de l’époque d’Edo et des Ukiyo-e. Pourtant, et le comportement des geisha du Panorama du tour du monde découvrant Paris et les Parisiennes en témoigne92, les geisha, à partir de l’ouverture du Japon au commerce international en 1854, adoptèrent rapidement un style moderne en ayant recours à des vêtements ou des accessoires importés d’Occident.

39Tout comme le gouvernement japonais cherchait à contrôler les représentations de son pays au sein des expositions universelles, il semble que les photographes en esthétisant au maximum l’image des femmes japonaises selon les codes des Bijin-ga voulaient à la fois offrir une belle publicité de leur nation mais aussi renouveler la popularité de leur production dans un élan publicitaire non négligeable. La collection photographique de Dumoulin comporte, peut-être en moindre proportion que celles d’autres collectionneurs de la même époque93, des clichés de femmes japonaises tirés de négatifs de Beato et de Stillfried notamment mais aussi, en plus grande quantité, des photographies de Kusakabe, de Tamamura, d’Ogawa Kazumasa 小川 一眞 (1860-1929) et de T. Enami 江南 信國 (1859-1929). L’influence de ces œuvres sur ses représentations des femmes japonaises ne doit pas être négligé tant il avait recours à la copie de celles-ci, mais il nous est permis de douter de la prise de conscience par Dumoulin des références faites à l’univers des bijin-ga. Ce qui transparait en revanche dans sa mise en scène des femmes japonaises de son panorama, ce sont les stéréotypes tenaces diffusés communément à l’époque, et résurgents encore de nos jours, sur leur aspect physique et leur caractère.

40Les récits de voyages ou les romans mettant en scène le Japon, tout comme dans une moindre mesure les peinture japonisantes, produits entre 1858 et 1900 évoquent quasiment tous à un moment ou à un autre la femme japonaise94. Le récit du Commodore Matthew Perry (1794-1858)95, qui peut être considéré comme le premier récit de voyage d’un Occidental au Japon de la période bakumatsu (幕末), soit la fin de l’époque d’Edo, donne le la : « The Japanese women are not ill-looking96 », que l’on peut traduire par : « les femmes japonaises ne sont pas mal du tout ». Perry, à la différence de nombre de ses successeurs, se montre plus précis dans ses observations et cherche, jeu diplomatique oblige, à flatter le Japon et à rabaisser la Chine97. Toujours est-il que, comme dans le cas de Perry, la description physique se révèle en général le premier passage obligé des récits évoquant la femme japonaise. Le moins que l’on puisse dire de ces descriptions est qu’elles se retrouvent en général sur plusieurs aspects, comme si leurs auteurs s’appliquaient à n’omettre aucun ingrédient d’une recette éculée mais toujours appréciée. Outre les incontournables kimono colorés et aux motifs exotiques98, la chevelure noire, les accessoires comme les geta (下駄), éventails et autres ceintures obi (帯), qui constituaient autant de stimulants exotiques, et qui interdisaient dans le même temps à la femme la modernité de l’époque Meiji, il faut ajouter beaucoup d’oisiveté99, une amabilité soumise100, une moue très légèrement moqueuse101, une pincé lascive, un soupçon de plaisir charnel102, de la souplesse, et surtout, surtout, de la « rapetitesse »103. Sur ce dernier point, Loti, lui-même de petite taille, s’en donne à cœur joie104 et fera des émules comme Brisson qui écrit à la vue des geisha du Tour du monde : « Elles sont accroupies sur une natte, entre les murs de papier de leurs maisonnettes. Au loin se déroulent des prés, des jardinets précieusement cultivés, et plantés de cèdres nains qui mirent leurs branches dans des bassins minuscules. Et cette nature spirituellement vénérable et tourmentée me parait assez conforme aux descriptions de Pierre Loti105 ». Et si de surcroit, la femme japonaise ainsi présentée a la bonne idée de savoir danser et jouer du shamisen, alors, que cette femme-là se nomme « mousmé » ou « geisha » n’a plus vraiment d’importance, le « plat » sera au goût de l’homme occidental106.

41Au regard des échos de presse107, des compliments dans les guides de l’Exposition et de récits comme celui de Brisson, le « plat » servi par Dumoulin fût effectivement goûté. Il le fût parfois même au point de croire qu’il était bien représentatif du Japon et des femmes japonaises. Avec son statut de voyageur, Dumoulin jouissait évidemment d’un certain crédit, mais à l’instar de Loti enrobant de bravoure son périple au Mont des oliviers, le tout était de ne pas se faire prendre en flagrant délit de mensonge108. Le problème inverse étant de croire et d’écrire que le panorama de Dumoulin faisait œuvre d’éducation109. Ainsi, un dénommé Hutin avance-t-il, pleinement convaincu, dans une publication à destination de la jeunesse : « C’est ainsi qu’on a pu arriver, à nous donner en quelques minutes le résumé pour ainsi dire tangible d’un long et périlleux voyage. M. Louis Dumoulin, peintre du ministère de la marine, ne saurait en être trop loué, sa tentative mérite en particulier la reconnaissance des écoliers pour lesquels elle constitue la plus parfaite leçon de géographie110 ».

42Quelques rares voix moins enthousiastes se font tout de même entendre comme celle du bibliophile, éditeur et écrivain Albert Quantin (1850-1933) qui, au sujet de l’animation du panorama de Dumoulin déclare, sans mettre en cause le recours à des êtres humains : « L'intention était louable, mais l’effet médiocre. L’opposition entre la réalité et la fiction s’en trouvait accentuée111». Enfin, certains auteurs ignorent, ou feignent d’ignorer le panorama de Dumoulin, affichant ainsi une indifférence qui peut être interprétée comme une critique négative. Ainsi, la femme de Lettres Judith Gautier (1845-1919) encense littéralement la danseuse et femme d’affaires états-uniennes Loïe Fuller (1869-1928) pour ses spectacles, mais aussi pour ceux d’une troupe de théâtre japonaise qu’elle produit. Il s’agit de la troupe Kawakami à laquelle appartient une ancienne geisha nommée Kawakami Sadayakko 川上貞奴 (1871-1946) qui va connaitre un très grand succès à Paris puis dans toute l’Europe grâce à des pièces du répertoire japonais dont la durée était certes réduite pour le public occidental mais qui offrait véritablement un petit morceau d’un Japon authentique ancien différent des sempiternelles « japonaiseries »112. Le critique et écrivain André Hallays (1859-1930) salue lui-aussi la performance théâtrale de « Sada-Yacco » dans un ouvrage présentant ses impressions sur l’Exposition universelle où le Japon est omniprésent113. Le pavillon officiel de ce pays et son commissaire général Hayashi reçoivent moult commentaires élogieux de la part d’Hallays114, qui en profite pour égratigner les « japonaiseries » de ses compatriotes115. De Dumoulin et de son panorama en revanche, il n’écrit pas une ligne et ce silence nous semble lourd de sens.

43Mais dans l’ensemble, la critique française reçoit plutôt favorablement à la fois l’œuvre picturale de Dumoulin et les geisha venues pour animer les parties japonaises. Au Japon, en revanche, un tour d’horizon de la presse et des archives gouvernementales permet de se rendre compte que, sans surprise, le son de cloche est tout à fait différent.

Dans les vapeurs de Paris

44Avant même l’arrivée à Paris de la troupe rassemblée par Okunomiya, les journaux japonais s’inquiètent de l’image que va donner du pays le spectacle du Panorama du tour du monde et accessoirement, du traitement que vont recevoir les geisha à Paris. Pour être précis, l’inquiétude porte uniquement sur l’exhibition des geisha et absolument pas sur les représentations picturales du Panorama du tour du monde. Les premiers articles sur le sujet paraissent dans les jours suivants la conférence de presse organisée par Okunomiya le 22 décembre 1899116, le journal Yomiuri shinbun notamment publie deux articles en deux jours les 25 et 26 décembre. Celui du 25 s’attache à retranscrire le déroulement de la conférence de presse et les arguments avancés par Okunomya et par les six geisha présentes. Ces dernières insistent sur leurs motivations de découvrir l’Occident et d’étudier les arts du spectacle à Paris117. Quant à Okunomiya, il défend évidemment la qualité et l’intérêt culturel et diplomatique du projet et tente de lever les craintes liées à d’éventuels abus que pourraient subir les geisha : « Kaigai de geisha ni ikagawashii kôi wo saseru no de ha nai (海外で芸者にいかがわしい行為をさせるのではない)118 », ce qui signifie en substance : « nous n’allons pas faire subir d’actes malveillants ou obscènes aux geisha à l’étranger ». Le lendemain, un second article nous apprend qu’en fait, un autre restaurant plus prestigieux avait été contacté par un Français pour rassembler des geisha mais que l’affaire n’avait pas pu se concrétiser, menant ainsi jusqu’au restaurant d’Iwama119. Comme Yoshihiro Kurata le démontre dans son ouvrage paru en 1994, le quartier dans lequel se trouvait le restaurant d’Iwama allait connaitre de lourds travaux en 1900, faisant craindre une fermeture provisoire, ou tout du moins une baisse certaine du chiffre d’affaires. Malgré les déclarations volontaires des geisha, il semble bien que l’argent engendré ou espéré par les contrats et les recettes du spectacle à Paris ait bel et bien constitué l’élément moteur pour les protagonistes japonais de « l’affaire » et que les jeunes femmes japonaises aient probablement eu à subir cette dernière120.

45Passé le stade d’investigations visant à comprendre les tenants et aboutissements de l’implication d’un petit restaurant de Tôkyô et d’une maison de geisha attenante, la presse nippone commence à étaler de véritables craintes. Parmi ces articles, celui publié par le Kokumin shinbun 国民新聞le 6 janvier 1900 attire l’attention. Il s’agit en fait de la publication d’un courrier rédigé et envoyé depuis Paris par des Japonais résidant dans la capitale française. Ces derniers, après la lecture d’une revue française (qu’ils nomment « la revue de l’Exposition »121) relatant avec enthousiasme la venue de geisha à Paris dans le cadre du pavillon du tour du monde, décident d’alerter le kokumin shinbun en exprimant de grands doutes sur la capacité d’un artiste étranger à présenter correctement et à mettre en valeur leur pays. Ils craignent que des choses regrettables, choquantes et mauvaises pour la réputation du Japon et de ses ressortissants soient présentées dans le Panorama du tour du monde et en appelle au Ministre des affaires étrangères pour faire pression sur l’entreprise qui pilote ce panorama afin de ne pas risquer le « déshonneur du Japon »122.

46Juste après le départ de la troupe, une nouvelle vague d’articles parait relatant les adieux et les pleurs des jeunes filles embarquées sur un bâtiment des Messageries maritimes (en l’occurrence l’Indus) devant la centaine de personnes venues les saluer. Parmi ces articles, celui du journal Asahi shibun 朝日新聞 du 16 février 1900 insiste sur l’émotion des geisha qui n’ont jamais quitté leur pays et appréhendent la longue traversée et la vie en France123. Un autre article du même journal dont le titre en français signifie : « Le malaise des geisha en route vers la France » rend compte de l’inconfort des jeunes filles japonaises sur l’Indus notamment lorsqu’elle sont abordées et invitées à des diners par des voyageurs occidentaux naviguant en première classe124. Après le débarquement et quelques jours passés à Marseille, la troupe arrive à Paris le premier avril 1900 et dès le 12 avril, le quotidien Asahi shinbun, qui suit vraiment l’affaire de très près, publie un article relativement long qui explique le désarroi des geisha devant le retard pris par les travaux de l’ensemble de l’Exposition. Cet article est quasiment le seul à citer le nom de Dumoulin en exposant les ordres adressés par ce dernier aux danseuses japonaises quant à la mise en scène qu’il a imaginée125.

47Installée au premier étage d’un immeuble de la rue Blomet dans le quinzième arrondissement de Paris, la troupe japonaise du pavillon du tour du monde cohabite avec les autres troupes originaires des différents pays représentés au sein de cette attraction (en dehors des artistes espagnoles). Cet immeuble est gardé par un gendarme français, comme nous l’apprend Adolphe Brisson qui s’y est rendu pour vivre une expérience « à la Loti » avec les « sœurs de madame Chrysanthème126 ». Les visites y sont interdites le soir par crainte d’invités un peu trop entreprenants et les geisha ne sont pas autorisées à sortir seules dans Paris. Elles passent donc leurs journées confinées dans cet immeuble à tuer le temps (d’où l’impression d’oisiveté ressentie par Brisson) et à se préparer pour leurs représentations au pavillon du tour du monde qui se déroulent tous les après-midis à partir de treize heures. Elles se rendent au pied de la tour Eiffel, là où se trouve le pavillon, en hippomobile et sont ramenées par le même moyen de transport rue Blomet dès le spectacle terminé vers dix-neuf ou vingt heures. Bien qu’il n’y ait pas de preuves de cette hypothèse, ces dispositions semblent avoir été demandées par le gouvernement japonais lui-même afin d’éviter tout scandale sexuel ou politique liée à la présence de geisha à Paris. Rappelons en effet que le contexte de progression du « péril jaune » en France où les femmes japonaises étaient parfois taxées d’espionnage préoccupait énormément la diplomatie nippone. Les termes « armée de mousmés » ou « armée de geisha » étaient d’ailleurs, rappelons-le, employés à cette époque pour désigner les femmes japonaises, qui sous leurs « airs de poupon », servaient les intérêts de leur pays dans ses ambitions nationalistes et coloniales. On retrouve ce type de jugement quelques années plus tard chez des auteurs comme le journaliste Charles Pettit (1875-1948) qui séjourna un an au Japon durant la période de la guerre russo-japonaise. Pettit écrit notamment : « Non, certes, ce ne sont pas des poupées les petites Japonaises : la force qu’elles ont pour dominer leurs passions ou, en tout cas, dissimuler leurs sentiments est l’indice d’un caractère ferme et volontaire. Mais, habituées dès leur enfance à considérer l’homme comme l’être supérieur, elles ont vis-à-vis de lui l’attitude d’un soldat discipliné envers son chef127 ».

48Si les geisha paraissaient confinées, leur matrone, Iwama Kuni 岩間くに (1865-19?), se voulait rassurante lors d’une interview publiée dans le journal Hôchi shinbun 報知新聞 où elle expliquait que les jeunes femmes bénéficiaient de tout le confort nécessaire pour se sentir bien comme si elles se trouvaient au Japon. Elles pouvaient manger à la japonaise grâce à un cuisinier et à l’import de produits culinaires, les chambres étaient équipées de tatami et elles pouvaient même profiter quotidiennement d’un bain dans une salle à la japonaise construite pour elles par les ouvriers chargés de sculpter la porte monumentale du pavillon du tour du monde. Iwama précise tout de même que de nombreux visiteurs cherchent à les rencontrer « par curiosité »128. Ce qu’elle ne dit pas en revanche est que l’interdiction de sortir dans Paris ne la concerne pas et qu’elle pourra elle, se promener dans la ville librement. Iwama Kuni est citée par Brisson et apparait d’ailleurs sur un cliché paru dans Le Monde illustré du 13 octobre 1900. Elle fera même partie des toutes premières voix japonaises enregistrées à l’étranger sur les cylindres phonographiques du médecin Léon Azoulay (1862-19?). Ce dernier s’était en effet lancé dans un projet d’enregistrement de toutes les langues du monde qu’il pourrait trouver à Paris lors de l’Exposition universelle de 1900. Il effectuera plusieurs captations de voix avec les membres des troupes recrutées pour animer le Panorama du tour du monde. Six geisha seront enregistrées par Azoulay en train de jouer du shamisen, de la flûte, du tambourin, de chanter, ou d’énoncer des courts passages de contes ou de pièces de théâtre. Iwama Kuni, elle, se réservera l’enregistrement129 le plus long avec une conversation banale d’une minute trente en compagnie d’un homme japonais qui semble être son mari130.

49De toutes les troupes du pavillon du tour du monde, les geisha seront celles qui connaitront le plus de succès et qui recevront le plus d’invitations à diner ou à sortir. Georges Bigot, qui jouait le rôle de traducteur à leurs côtés aussi bien dans l’immeuble de la rue Blomet que sur la rotonde du panorama se trouvait régulièrement sollicité pour l’organisation de rendez-vous. Ces invitations donnaient l’occasion aux geisha de voir autre chose que la rue Blomet et le Champs-de-Mars. Brisson évoque d’ailleurs une sortie, sur invitation du compositeur François Gailhard (18..?-1953), à l’opéra Garnier131. Néanmoins, elles étaient invitées en tant que geisha et on attendait d’elles qu’elles soient habillées, coiffées et maquillées comme telles. Ces sorties n’étaient donc pas vraiment des moments de détente comme en témoigne un article illustré (voir l’illustration en question figure 8 ci-dessous) du journal Tôkyô asahi shinbun 東京朝日新聞de juin 1900132.

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Figure 8 : « Paris zai geisha no shôsoku 巴里在芸者の消息 », In Tôkyô asahi shinbun 東京朝日新聞, 3 juin 1900, p. [2].

50Scrutées, dévisagées, jugées quotidiennement par les spectateurs du pavillon du tour du monde, les geisha le sont également dans les rues parisiennes « où qu’elles aillent » comme le souligne l’article qui précise sur un ton dépité que « même les chiens aboient au passage du cortège133 ».

51Après quelques semaines d’exhibitions quotidiennes au pavillon du tour du monde, le médecin français mandaté par la compagnie des messageries maritimes pointe la fatigue physique et surtout morale des geisha et obtient pour elles de l’employeur un repos hebdomadaire à tour de rôle. Quant à Georges Bigot, alors qu’il était plutôt apprécié de la troupe au début du séjour pour ses compétences linguistiques, il va peu à peu subir la pression du concessionnaire du pavillon du tour du monde et prendre ses distances avec les geisha, au point de paraitre peu sympathique aux yeux de ces dernières134. Il faut préciser que la situation ne devait pas être simple pour Bigot, de retour en France accompagné de son fils de cinq ans après dix-neuf années passées au Japon. Bigot va en outre se remarier en novembre 1900 avec une femme française nommée Marguerite Déprez et aura pour témoin Louis Dumoulin135.

52Que ce soit avant, pendant ou après la tenue de l’Exposition universelle de 1900, un terme revient régulièrement dans la presse japonaise et notamment sous la plume des envoyés spéciaux qui couvrent l’événement à Paris pour désigner le Panorama du tour du monde. Ce terme, nous l’avons déjà évoqué, est « chijoku 恥辱 », soit « honte » ou « déshonneur ». Il résume le sentiment général des Japonais devant cette mise en scène racoleuse et peu reluisante de leur pays et de ses habitantes. Un article du Tôkyô asahi shinbun relate ainsi l’espace ridiculeusement restreint laissés aux geisha pour exécuter leurs danses entre la toile et la rotonde des spectateurs. Le reporter y souligne le peu d’entrain et d’implication que mettent les geisha dans leurs mouvements et conclut en déplorant l’effet désastreux que ce pseudo spectacle doit provoquer sur les spectateurs136.

Conclusion

53Peintre officiel du Ministère de la marine depuis 1891, Dumoulin multiplie les missions officielles et a indéniablement acquis alors que l’Exposition universelle de Paris s’ouvre en 1900 une réputation de voyageur. Pourtant, et l’exemple du Japon est révélateur à ce sujet, c’est confortablement installé au sein de la communauté diplomatique française qu’il découvre l’étranger à la recherche du paysage exotique qui pourrait aider sa carrière de peintre.

54Du Japon, malgré les seize mois cumulés qu’il y aura passés en moins de dix ans, Dumoulin ne ramènera rien d’autre de durable et de profitable que des croquis, des photographies et la caution que lui procure le fait d’être allé sur place. De l’altérité civilisationnelle japonaise, il ne montrera que des poncifs n’hésitant pas à aller jusqu’à travestir la réalité pour les besoins esthétiques de ses toiles. Des femmes japonaises, il ne présentera rien d’autres qu’une addition de clichés attendus par le « tout-Paris », un pot-pourri de Loti, de Yokohama shashin et de zoo humain.

55Adolphe Brisson, si désireux de vivre une aventure avec les geisha du Panorama du tour du monde, conclut cruellement son récit, témoignant que son attirance n’était en fait qu’un prétexte pour se divertir. Il salue deux geisha croisées dans la rue par hasard et leur prédit que : « […] la grand’ville brise sans pitié les jouets dont elle s’est amusée. Les geishas se brûleront les ailes comme le Valmajour d’Alphonse Daudet137 ». Une partie de la troupe rentrera au Japon, l’autre partie, entrainée par Okunomiya et ses dettes, se mettra en route pour une longue tournée en Europe de l’Est, passera par l’Angleterre et n’arrivera qu’au début de l’année 1902 à Tôkyô. Persuadé que le succès parisien de Sadayakko leur profiterait, la troupe part confiante. Malheureusement, la tournée connaitra quelques rares succès en Allemagne et beaucoup d’échecs, de maladies et d’arnaques. Il faudra attendre 1909 pour qu’une autre troupe de geisha se produise à l’étranger (à Saint-Louis aux États-Unis) et l’expérience sera encore plus douloureuse138.

56En guise de conclusion, nous nous permettons ces quelques lignes d’André Hallays qui font écho, nous semble-t-il, à la démarche et à l’œuvre de Dumoulin : « Tout cela, c’est le Japon de Pierre Loti, avec sa grâce enfantine, c’est le Japon que tous les globe-trotters ont aperçu, au passage, dans les ports où ils ont débarqué quelques jours ou quelques heures. Ce petit spectacle exotique est amusant, lorsqu’on le découvre à Paris. Toutefois il ne nous aidera pas à trouver le mot de l’énigme, de l’énigme irritante que demeure pour nous le Japon moderne139 ».

Notes de bas de page numériques

1 Un premier séjour de près de dix mois en 1888-1889 suite à l’obtention d’une mission officielle octroyée par la Direction des Beaux-Arts du Ministère de l’Instruction publique. Un second séjour plus court de quatre mois en 1895, puis un troisième de deux mois en 1897, tous deux dans le cadre de la préparation du Panorama du tour du monde.

2 Voir à ce sujet : Le Japon dans la collection photographique du peintre Louis-Jules Dumoulin (1860-1924), 2017, URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01517490v3 (consulté le 19/07/2019)

3 Rappelons que la population française est d’environ quarante-et-un millions d’habitants en 1900.

4 Cf. Pascal Ory et Duanmu Mei, « Les expositions universelles : un objet d’histoire "bon à penser" », in Relations internationales, 2015/4 (n° 164), p. 105-110, URL : https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2015-4-page-105.htm (consulté le 30/06/2019).

5 Cf. Soizic Alavoine-Muller, « Un globe terrestre pour l’Exposition universelle de 1900, L'utopie géographique d’Élisée Reclus », in L’Espace géographique, 2003/2 (tome 32), p. 168, URL : https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2003-2-page-156.htm (consulté le 30/06/2019).

6 Cf. « Quel public ? », in Bernard Comment, Le XIXe, siècle des panoramas, Paris, Adam Biro, 1993, p. 79-83.

7 La brasserie Vetzel est notamment installée au sein d’une réplique d’une pagode bouddhiste.

8 C’est l’architecte Alexandre Marcel (1860-1928), aidé notamment par les sculpteurs Flandrin et Tessier, qui réalise l’édifice composé d’un bâtiment central aux coins desquels s’élèvent quatre tours. L’architecture est pensée pour faire écho au panorama présent en son sein et offre un pot-pourri d’édifices venus de différents pays. Le roi Léopold II de Belgique (1835-1909) sera tellement impressionné par l’ensemble architectural qu’il sollicitera Alexandre Marcel pour une reconstitution au sein de sa résidence de Laeken à Bruxelles (voir à ce sujet : Chantal Kozyreff, Songes d’Extrême-Asie, la tour japonaise et le pavillon chinois à Laeken, Anvers, Fonds Mercator, 2001).

9 D’une surface d’environ deux-mille-cinq-cents mètres carrés et culminant à quarante-cinq mètres de hauteur, le Pavillon du tour du monde était pourvu d’une porte monumentale construite au Japon et acheminé par bateau jusqu’à Paris pour la bagatelle de cent-mille francs (cf. Baschet, R. (dir.), Le Panorama, exposition universelle 1900, Paris, Ludovic Baschet éd., 1900, p. [158], URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53023926s/f161.image (consulté le 27/06/2019).

10 Formé à l’École des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier d’Henri Lehmann (1814-1882), Dumoulin avait acquis auprès de ce dernier le goût des grands formats en peinture. Il coopérera notamment au Panorama du siècle de l’exposition universelle de 1889 sous les ordres de son mentor Henri Gervex (1852-1929) et du peintre belge grand collectionneur de « japonaiseries » Alfred Stevens (1823-1906). Du reste, l’œuvre la plus connue de Dumoulin reste le Panorama de la bataille de Waterloo, créé en 1912 l’un des derniers panoramas encore visibles de nos jours sur son site de production en Belgique à Braine-l’Alleud.

11 Voir par exemple les correspondances à ce sujet entre les postimpressionnistes Georges Seurat (1859-1891) et Paul Signac (1863-1935) d’une part (cf. Henri Dorat, John Rewald, Seurat, Paris, Les Beaux-Arts, 1959, p. LI), et entre Camille Pissarro (1830-1903) et son fils Lucien (1863-1944) d’autre part (Janine Bailly-Herzberg (éd.), Correspondance de Camille Pissaro. Tome 2, 1866-1890, Cergy-Pontoise, Éd. du Valhermeil, 1986, p. 79-81).

12 Le célèbre roman de Jules Verne (1828-1905) Le tour du monde en quatre-vingt jours paru chez Hetzel en 1872 avait largement contribué à populariser ce thème en France et au tournant du siècle les récits et spectacles sont nombreux à s’y consacrer (entre 1876 et 1940, l’adaptation théâtrale du roman de Jules Verne sera représentée plus de trois mille fois au Théâtre du Châtelet à Paris).

13 Voir figure 1 infra et pour les détails architecturaux : L’Architecture et la sculpture à Exposition universelle de 1900, Paris, Armand Guérinet, 1904, planches 86 et 87 (volume 4) et planches 62 à 64 (volume 5), URL : https://archive.org/details/architecturelas00/page/n5 (vol. 4, consulté le 20/07/2019) et https://archive.org/details/expositionunive00guey/page/n5 (vol.5, consulté le 20/07/2019).

14 Il ne nous a pas été possible d’identifier le temple en question mais il est fort possible qu’il s’agisse du temple de Shiba (appelé en japonais temple Zôjôji 増上寺) qui était une étape touristique incontournable à l’époque. Certaines sources évoquent pourtant un temple situé à Yokohama (横浜). Dans tous les cas, ce portique, conçu par des artisans japonais et acheminé à grands frais du Japon faisait forte impression sur les visiteurs.

15 Il est à ce propos intéressant de remarquer que Louis Dumoulin possédait dans sa collection photographique personnelle trois clichés de la pagode ayant servi de modèle, ce qui peut laisser penser qu’il soit aussi impliqué dans les choix architecturaux du Pavillon du tour du monde. Il convient de préciser qu’Alexandre Marcel était très influencé par le Japonisme et qu’il avait déjà construit en 1896 une pagode dans le septième arrondissement de Paris qui deviendra ensuite le lieu d’activité du cinéma « la Pagode ». Mais il semble ne pas avoir voyagé au Japon avant 1900.

16 Aucune pagode bouddhiste ne peut compter de nombre d’étages pairs.

17 Pour entrer dans l’enceinte même de l’exposition universelle, le visiteur devait s’acquitter du prix du billet général vendu à un franc (cf. Guide pratique du visiteur de Paris et de l'Exposition, Paris, Hachette, 1900, p. 264). Rappelons qu’en 1900, le salaire horaire pour un ouvrier était de soixante-quinze centimes.

18 Des pavillons de thé semblent avoir été disposés devant les représentations de la Chine et du Japon où les spectateurs pouvaient s’installer pour se faire servir par les « indigènes » (cf. Gaston de Wailly, À travers l’exposition de 1900, vol. X, La rue des puissances au Quai d’Orsay, Paris, Fayard, 1900, p. 62-63).

19 Il faut préciser que le Pavillon du tour du monde ne sera pas un succès budgétaire puisque l’attraction sera déficitaire.

20 Peinture qui a eu pour modèles deux photographies achetées par Dumoulin (cf. Julien Beal, « La collection photographique Chine de Louis-Jules Dumoulin (1860-1924) », in 汉学研究, 中华书局, 2016, p. 212-219, URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01375937 (consulté le 20/07/2019).

21 Peu de sources citent cette peinture de la capitale japonaise et quand elles le font, elles utilisent le nom ancien de celle-ci soit Edo (ou Yédo, ou encore Yeddo), ce qui laisse à penser que Dumoulin avait privilégié cette dernière, plébiscitée par les artistes français notamment car évocatrice du Japon précédant l’occidentalisation.

22 Cette fête se nomme en japonais kodomo no hi (子供の日) et a lieu traditionnellement le cinquième jour du mois de mai.

23 En fonction de l’affluence au niveau de la rotonde, il était parfois impossible de suivre l’itinéraire prévu par Dumoulin.

24 René Lebaut (18?-19?) évoque ces destinations mais aussi « un potier syrien », « des acrobates chinois, des escamoteurs indiens, des charmeurs de serpents et des lutteurs japonais » (cf. « L’envers des spectacles », in L’Exposition en famille. Revue illustrée de l’Exposition universelle de 1900, 5 juin 1900, p. 12-15).

25 Convaincu de la mission coloniale de la France, Dumoulin participe activement à l’exposition coloniale de 1900 en réalisant des dioramas de l’Indochine présentés dans les sous-sols d’une reconstitution des ruines d’Angkor Vat (cf. Jules Charles-Roux,‬ Exposition universelle de 1900 : l’organisation et le fonctionnement de l’exposition des colonies et pays de protectorat, Paris, Imprimerie nationale, 1902, p. 264).

26 Ce guide touristique porte le nom de son premier auteur, un certain W. E. L. Keeling à propos duquel peu d’informations sont connues et sera ensuite dirigé par le photographe Antonio Farsari (1841-1898) pour ses rééditions de 1887 et 1890 (cf. W. E. L. Keeling, Tourist’s guide to Yokohama, Tokio…, A. Farsari, 1880 ; puis Antonio Farsari, Keeling’s guide to Japan…, A. Farsari, 1887). Il est possible que Dumoulin ait utilisé ce guide en 1888-1889 car d’une part, ses excursions montrent des similitudes certaines avec les parcours décrits dans le Keeling’s guide et d’autre part, il a acheté des photographies dans la boutique de Farsari où était commercialisé le guide.

27 cf. W. E. L. Keeling, Tourist’s guide to Yokohama, Tokio…, A. Farsari, 1880.

28 « Nikkô Tôshôgû 日光東照宮 », in Dictionnaire historique du Japon, volume 2, L-Z, Paris, Maisonneuve & Larose, 2002, p. 2047-2048.

29 Bien qu’il n’y ait a priori pas de lien direct avec le monde de l’art, il ne faut pas omettre que la politique française avait fait le choix de soutenir le shogunat en envoyant en 1867, une mission militaire chargée de moderniser et de former l’armée des Tokugawa. Mission dont plusieurs membres officiers et soldats combattront aux côtés de l’armée shogunale (voir à ce propos : Masaya Nakatsu, Les missions militaires françaises au Japon entre 1867 et 1889, thèse de doctorat, dirigée par Éric Seizelet, Université Sorbonne Paris cité, soutenue le 18 janvier 2018, p. 120-199).

30 L’estampe japonaise notamment symbolisait l’époque d’Edo et par extension, le Japon ancien en train de disparaitre par le fait d’une occidentalisation outrancière.

31 Cf. Antonio Farsari, Keeling’s guide to Japan…, A. Farsari, 1890, p. 112-182.

32 Comme en attestent les journaux japonais, les consuls et autres ministres plénipotentiaires occidentaux avaient pour habitude de séjourner avec leurs familles et/ou leurs personnels dans des villas situées dans la campagne aux environs de Nikkô et notamment sur les rives du lac Chûsenji (中禅寺湖). Ces villégiatures avaient lieu en été et permettaient surtout de fuir la chaleur étouffante de Tôkyô (cf. « Kaku kuni kôshi no hisho 各国公使の避暑 », in Yomiuri shinbun 読売新聞, 5 août 1897, p. [5]). 

33 Un cliché instantané de la collection montre les deux hommes dans la campagne aux alentours du site de Nikkô. Une annotation manuscrite de Dumoulin mentionne l’identité de son compagnon d’excursion.

34 Cf. Christophe Marquet, « L’évolution de l’enseignement de la peinture dans la seconde moitié du XIXe siècle », in Annick Horiuchi (dir.), Éducation au Japon et en Chine, éléments d’histoire, Paris, Les Indes savantes, 2006, p. 49-76.

35 Régamey accompagnait l’industriel Émile Guimet (1836-1918) durant le voyage aux États-Unis et en Extrême-Orient de ce dernier.

36 Félix Régamey mais aussi Charles Wirgman qui se joignait à lui, emportaient avec eux dans leurs promenades des carnets de dessin et des crayons (voir par exemple le récit d’une séance de dessin devant le grand Bouddha de Kamakura à laquelle va participer, par un dessin au bâton à même le sol, le préposé au jinrikisha de Guimet (cf. Émile Guimet, Promenades japonaises, Paris, G. Charpentier, 1878, p. 121).

37 Georges Bigot, Tôbaé, journal satirique, deuxième année, n° 38, 1er septembre 1888.

38 Bigot avait un chien domestique appelé Aka (ce qui signifie « rouge » en japonais) qu’il a plusieurs fois représenté dans sa revue Tobaé (par exemple dans le numéro 12 paru le premier août 1887) ou dans des croquis (l’un d’eux intitulé « mon chien Aka » est conservé au musée des Beaux-Arts de la ville d’Utsunomiya au Japon. Nous remercions Ayumi Ueda pour ces informations.

39 Il faut mentionner que le 15 juillet 1888, le mont Bandai 磐梯山 provoque l’une des plus grosses éruptions volcaniques de l’histoire moderne du Japon qui a lieu à moins de deux-cents kilomètres au nord-est de Nikkô dans la préfecture de Fukushima 福島県. De nombreuses victimes sont recensées et certains journaux occidentaux se font l’écho de cette catastrophe (Cf. Terry Bennett, Japan and The Graphic, Complete Records of Reported Events, 1870-1899, Boston, Global oriental, 2012, p. 119-123).

40 Avec une centaine de photographies sur un total de huit cents, le site de Nikkô apparait très bien représenté.

41 Parmi les cinquante-trois œuvres que Dumoulin expose à la galerie Georges Petit à son retour de voyage du Japon en décembre 1889, dix concernent Nikkô (Cf. Exposition Louis Dumoulin, tableaux & études de l’Extrême-Orient, Japon, Chine, Cochinchine, Malaisie, Galerie Georges Petit (20 décembre 1889-26 janvier 1890), Paris, Galerie G. Petit, 1889).

42 Rappelons que le terme ancien est ici tout relatif car l’époque d’Edo est finalement récente si l’on se place en 1900.

43 Bien que le nom de la capitale japonaise ait changé sur décision gouvernementale en 1868, de nombreux français, notamment dans le monde de l’art, continue en 1900 à appeler cette ville Edo comme un refus de voir terminée la période des Ukiyo-e 浮世絵 (littéralement « images du monde flottant », terme qui désigne les estampes japonaises si prisées des peintres parisiens notamment).

44 « Introduction, zoos humains, entre mythe et réalité », in, Nicolas Bancel éd., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, 2004, p. 5-18.

45 Voir par exemple l’expérience-spectacle d’enseignement du français à des « indigènes » sénégalais menée par Berlitz et l’Alliance française pour justifier des bienfaits de l’éducation à la française (cf. Jules Charles-Roux, Exposition universelle de 1900 : l’organisation et le fonctionnement de l’exposition des colonies et pays de protectorat, Paris, Imprimerie nationale, 1902, p. 218-222).

46 Le slogan de la Société coloniale des artistes français qu’il fonde à partir de 1906 était « l’Expansion coloniale par l’art au service de la France et de l’art ».

47 Le Matin, 24 juin 1900, p. [3].

48 On retrouve cette réflexion au sujet du Japon dans différents contextes et par exemple dans celui très particulier du monde de la prostitution en Indochine française où les femmes de joie japonaises sont considérées de « catégorie supérieure » en opposition aux prostituées annamites (cf. Frédéric Roustan, « Migrants japonais dans le Vietnam colonial, entre catégorisations juridiques et catégorisations visuelles, 1880-1954 », in Migrations Société, 2010/2 (N° 128), p. 51-66).

49 Cf. Adolphe Brisson, Scènes et types de l’exposition, Paris, Montgredien et cie, 1901, p. 46.

50 Il considérait ses tableaux comme des « notes de voyage peintes ».

51 Que ce soit en Chine, aux États-Unis ou en Europe, les femmes japonaises apparaissaient chez certains patriotes inquiets des ambitions territoriales du Japon comme des espionnes ou des missionnaires chargées d’amadouer l’étranger. Il en naquit une appellation : « L’armée de mousmés », ou « l’armée de geisha », qui s’exprime en japonais dans l’expression « nihon no jôshigun (日本の娘子軍) ».

52 Le plus retentissant eut lieu à Vienne lors de l’Exposition universelle de 1873 et mettait en cause l’un de photographes les plus influents au Japon à cette époque le Baron Raimund von Stiellfried (1839-1911). Sans l’accord des autorités japonaises, Stiellfried, dont le studio de photographie était installé à Yokohama, va en effet mettre sur pied en 1873 un pavillon de thé et le doter de jeunes femmes japonaises qui seront amenées, pour son profit, à se livrer à la prostitution (cf. Luke Gartlan, A carreer of Japan, Baron Von Stillfried and Early Yokohama Photography, Leyde, Brill, 2016, p. 143-165).

53 Cf. Yoshihiro Kurata 倉田喜弘, Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 148-149.

54 Ce nom figure, annoté par Dumoulin, au dos d’un montage photographique présentant un cliché des personnels de la légation de France posant sur le perron du bâtiment consulaire sis à Tôkyô (cf. Julien Beal, Le Japon dans la collection photographique du peintre Louis-Jules Dumoulin (1860-1924), 2017, URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01517490v3 (consulté le 21/07/2019).

55 Cela expliquerait peut-être la référence aux « lutteurs japonais » dans certains journaux français qui présentaient le projet du panorama de Dumoulin avant 1900 (cf. « L’envers des spectacles », », in L’Exposition en famille. Revue illustrée de l’Exposition universelle de 1900, 5 juin 1900, p. 12-15).

56 La première guerre sino-japonaise s’est achevée cinq années plus tôt en 1895 avec la victoire d’une armée nippone combattant selon les méthodes militaires occidentales et avec l’annexion de Taiwan par le Japon. Cette victoire, ainsi que les tensions géopolitiques en Extrême-Orient avaient engendré un sentiment de défiance des Occidentaux envers les Chinois et les Japonais que l’on soupçonnait de vouloir s’allier pour attaquer l’Occident. Ce phénomène connu sous le nom de « péril jaune » aurait été immanquablement attisé par la présence de combattants japonais, même pratiquant des arts martiaux traditionnels, dans le cadre de l’Exposition universelle de 1900.

57 Co-fondateur du Shakaitô (車界党) (cf. Iwao Seiichi, Iyanaga Teizō, Ishii Susumu, Yoshida Shōichirō, Fujimura Jun'ichirō, Fujimura Michio, Yoshikawa Itsuji, Akiyama Terukazu, Iyanaga Shōkichi, Matsubara Hideichi, « 283, Shakai-tō », in Dictionnaire historique du Japon, volume 18, Tôkyô, Librairie Kinokuniya, 1992. Lettre S (2), p. 8).

58 En décembre 1884, suite à une intervention policière auprès d’un groupe de membres du parti pour la liberté Jiyûtô (自由党), soupçonnés d’extorsion de fonds, une bagarre éclate et deux policiers sont tués. Okunomiya sera reconnu coupable de complicité de meurtre.

59 Les informations fournies dans cet article sur ce sujet sont issues d’un rapport de police conservé dans les archives du Ministère des affaires étrangères au Japon (cf. Paris hakurankai nippon geiki no tokôhô Okunomiya Kenshi oyobi futsujin Robert de Micheaux dai ni oite kikaku ikken 巴里博覧会ニ本邦芸妓ノ渡航方奥宮健之及仏人「ロバート、ミッショ」等ニ於テ計画一件, Gaimusho gaikô shiryoukan 外務省外交史料館, archive n° B12083570200), URL : https://www.jacar.archives.go.jp/aj/meta/image_B12083570200 (consulté le 21/07/2019).

60 Cette conférence de presse a lieu le 22 décembre 1899 et durera plus de cinq heures (cf. Yoshihiro Kurata 倉田喜弘, Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 158-159).

61 Hayashi est nommé commissaire générale de la section japonaise de l’Exposition universelle de 1900 par le gouvernement de son pays en mars 1898.

62 Cf. Itô Hirobumi kankeibunsho, Dai roku maku 伊藤博文関係文書第6巻, Tôkyô, Yumani shobô ゆまに書房, 2007.

63 Cf. Notes d’un globe-trotter, course autour du monde, de Paris à Tokio, de Tokio à Paris, Paris, E. Plon, 1880, p. 144.

64 Auberges traditionnelles, restaurants, transports, service de porteurs, vente de bibelots et de photographies souvenirs etc… Nikkô, tout comme les alentours du Mont Fuji, les sources d’eau chaude de Hakone (箱根), ou encore la station balnéaire de Enoshima 江の島, représentait une source de revenus importante pour de nombreux industriels et commerçants japonais.

65 Krafft s’est rendu pour quelques jours en octobre 1884 à Nikkô et a laissé un récit particulièrement précis et représentatif du déroulement classique d’une excursion vers ce site (cf. Souvenirs de notre tour du monde, Paris, Librairie Hachette et cie, 1885, p. 297-304).

66 Après une première édition en 1878 (Cf. infra, note 35, p. 11), le récit de voyage au Japon de Guimet, avec des illustrations de Régamey, est réédité et enrichi deux ans plus tard avec l’ajout d’un sous-titre : « Tokio-Nikko ». Les passages sur Nikkô, notamment de la page 223 à 245 regorgent de précisions historiques et culturelles et témoignent d’une approche autrement plus respectueuse et curieuse que celle de Dumoulin (cf. Promenades japonaises, Tokio-Nikko, Paris, G. Charpentier, 1880).

67 Cf. Notes d’un globe-trotter, course autour du monde, de Paris à Tokio, de Tokio à Paris, Paris, E. Plon, 1880, p. 141-157.

68 Cf. Hugues Krafft, Souvenirs de notre tour du monde, Paris, Librairie Hachette et cie, 1885, p. 303.

69 Pour le tableau intitulé Tour à deux étages dans la ville des temples, Dumoulin indique : « c’est la tour à deux étages située au milieu de l’enceinte des temples de Yéyas ; on y renferme les livres sacrés » or il ne précise rien au sujet de la nature de ces livres sacrés (cf. Exposition Louis Dumoulin, tableaux & études de l’Extrême-Orient, Japon, Chine, Cochinchine, Malaisie, Paris, Galerie G. Petit, 1889, tableau n°31).

70 Exposition Louis Dumoulin, tableaux & études de l’Extrême-Orient, Japon, Chine, Cochinchine, Malaisie, Paris, Galerie G. Petit, 1889, tableau n°33.

71 Exposition Louis Dumoulin, tableaux & études de l’Extrême-Orient, Japon, Chine, Cochinchine, Malaisie, Paris, Galerie G. Petit, 1889, tableau n°30.

72 Cf. Hugues Krafft, Souvenirs de notre tour du monde, Paris, Librairie Hachette et cie, 1885, p. 302.

73 Cf. Infra, p.10.

74 Il obtient officiellement ce statut en 1891.

75 Voir figure 4 ci-dessous qui est copiée par Dumoulin dans l’encadré rouge que nous avons ajouté à la figure 3 présentée infra, p. 21.

76 Ce qui faisait dire au poète et critique d’art Charles Baudelaire (1821-1867) dès 1859 : « Comme l’industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non seulement le caractère de l’aveuglement et de l’imbécilité, mais avait aussi la couleur d’une vengeance » (cité dans : « Le public moderne et la photographie », in Curiosités esthétiques, l'Art romantique, introduction de Henri Lemaitre, Paris, Éd. Garnier, 1962, p. 318).

77 Voir à ce sujet : À l’épreuve du réel, les peintres et la photographie au XIXe siècle, Lyon, Fage éditions, 2012.

78 Voir encadré bleu que nous avons ajouté à la figure 3 présentée infra, p. 21.

79 La photographie en question est conservée dans la collection Louis Dumoulin du Musée national des Arts asiatiques Émile Guimet à Paris (il s’agit d’un autre cliché de T. Enami, qui porte le numéro 171 dans le catalogue du studio de l’auteur et qui s’intitule : « Cave at Yenoshima »).

80 La mission officielle au Japon qu’il obtient de la part de la Direction des Beaux-Arts était motivé dans sa lettre de sollicitation datée de décembre 1887 par l’argument suivant : « […] rapporter en France des dessins et des tableaux imprégnés de l’esprit et du caractère [japonais] que les documents photographiques ne possèdent pas ». Le moins que l’on puisse écrire est que Dumoulin dénigre là, de manière très hypocrite, la méthode principale à laquelle il va recourir concernant sa production picturale japonaise (cf. Archives nationales. Ministère de l'Instruction Publique. Missions artistiques, 1840-1893. Dossier f/21/2285/38, Dumoulin, Louis. Lettre du 14 décembre 1887).

81 Voir par exemple le cas du tableau « La fête de Nikko » décrit dans : Julien Beal, Le Japon dans la collection photographique du peintre Louis-Jules Dumoulin (1860-1924), 2017, URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01517490v3, p. 21-22.

82 Cf. Infra, figures 6 et 7, p. 24.

83 « Mousmé est un mot qui signifie jeune fille ou très jeune femme. C’est un des plus jolis de la langue nipponne ; il semble qu’il y ait, dans ce mot, de la moue (de la petite moue gentille et drôle comme elles en font) et surtout de la frimousse (de la frimousse chiffonnée comme est la leur). Je l’emploierai souvent, n’en connaissant aucun en français qui le vaille » (cf. Pierre Loti, Madame Chrysanthème, Paris, Calmann-Lévy, 1888, p. 82).

84 Dans son roman Grave imprudence qui met en scène un peintre et son modèle féminin qui cherche à imiter les femmes japonaises des ukiyo-e, Burty cite deux fois le mot qu’il écrit « musmé » et une fois le terme de « guècha » (cf. Philippe Burty, Grave imprudence, Paris, G. Charpentier, 1880, p. 144 et p. 222).

85 Alexis de Gabriac, Course humoristique autour du monde. Indes, Chine, Japon, Paris, Lévy, 1872, p. 264).

86 Patrick Beillevaire, « L’autre de l’autre, Contribution à l’histoire des représentations de la femme japonaise », in Mots, n°41, décembre 1994, p. 59-60.

87 Yoko Kawaguchi pointe à ce propos le fait que la geisha symbolisait et symbolise encore en quelque sorte toutes les jeunes femmes japonaises, les faisant exister dans un clair-obscur entre respectabilité et décadence, entre pruderie et indécence (cf. Yoko Kawaguchi, Buterfly’s sisters, the geisha in Western culture, Yale university press, 2010, p. 116-117).

88 Cf. Mio Wakita, « Selling Japan, Kusakabe Kimbei’s images of Japanese women », in History of photography, vol. 33, n°2, May 2009, p. 209-223.

89 La grande majorité des voyageurs à l’époque étant des hommes, les photographes orientèrent vite la production en intégrant des portraits de femmes japonaises. Le catalogue de Kusakabe Kinbei témoigne de cette prédominance de l’image féminine car on y retrouve environ deux-cent-cinquante portraits féminins contre seulement soixante-dix pour les hommes (catalogue consultable à l’URL suivant : https://transcription.si.edu/project/8297 consulté le 22/07/2019).

90 Bien évidemment, les voyageurs comme Dumoulin se constituaient des collections qu’ils ramenaient dans leur pays mais il était en outre fréquent de passer commande depuis l’étranger. Wakita cite par exemple la commande d’un éditeur de Boston qui fit importer du studio de Tamamura Kozaburô 玉村 康三郎 (1856-1923 ?) en 1896 pas moins de cent cinquante et un mille cinq cents photographies grands formats et deux cent cinquante-quatre mille petits formats (cf. « Selling Japan, Kusakabe Kimbei’s images of Japanese women », », in History of photography, vol. 33, n°2, May 2009, p. 209).

91 Il était difficile pour les photographes occidentaux de recruter des modèles parmi la classe des geisha et avant 1880, il était fréquent de recourir à des prostituées appelées Jorou(女郎) ou à des membres de la famille des personnels travaillant au sein du studio de photographie.

92 Elles admirent l’esprit d’indépendance des adolescentes françaises mais aussi des choses plus banales comme le contenu des trousses à maquillage des femmes occidentales et le fait que ces trousses soient transportées partout dans le sac à main des femmes (cf. Yoshihiro Kurata 倉田喜弘, Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 141-142).

93 Il faut préciser que lors de son premier voyage en 188-1889, Dumoulin était accompagné de son épouse avec qui il venait tout juste de s’unir (le mariage a eu lieu en décembre 1887).

94 Patrick Beillevaire en cite quelques exemples et notamment le récit fait par un voyageur français nommé Cavaglion : « Tout voyageur qui visite le Japon ne peut se soustraire au plaisir, je dirais presque au devoir, de parler de la femme. On conçoit sans peine qu’il doit en être ainsi, parce que la Nipponne est le principal bibelot de ce joli pays » (cité dans : « L’autre de l’autre, Contribution à l'histoire des représentations de la femme japonaise », », in Mots, n°41, décembre 1994, p. 58).

95 Perry était le commandant des très symboliques « navires noirs » (kurofune 黒船 en japonais), dont les coques étaient recouvertes de goudron et qui débarquèrent au Japon en 1853 pour réclamer au nom des États-Unis l’ouverture de ports à ses bateaux, puis qui revinrent l’année suivante pour obtenir une réponse qui conduira à l’ouverture progressive du Japon au commerce international.

96 Francis L. Hawks (éd.), Narrative of the expedition of an American squadron to the China Seas and Japan : performed in the years 1852, 1853, and 1854, under the command of Commodore M.C. Perry, United States Navy, by order of the Government of the United States, Washington, B. Tucker Senate printer, 1856, p. 397, URL : https://archive.org/details/narrativeofexped0156perr (consulté le 15/07/2019).

97 Là où les femmes japonaises sont plutôt présentées comme jolies, vives d’esprit et bien éduquées, les femmes chinoises sont, elles, dépeintes comme laides, incultes et subissant la polygamie. L’ouvrage de Perry ayant été traduit en français mais sans mention d’auteur, ni du titre original, nous nous référons ici à cette version française (Anonyme, L’Empire des sources du soleil ou le Japon ouvert, Paris, C. Meyruies, 1860, p. 172-177).

98 Si l’appellation « kimono » évoque en Occident la geisha, et par extension la femme japonaise, il convient de préciser que le terme signifie littéralement « chose à porter » et que de nombreux types de « kimono » existent au Japon portant des noms différents.

99 Dumoulin a bien retenu la leçon de Loti puisqu’il met en scène quelques geisha de son tour du monde jouant aux osselets. Brisson ne manque d’ailleurs pas de le noter lorsqu’il découvre pour la première fois les dites femmes : « Mlle Boule-d’épingle et Mlle Papillon jouent aux osselets », Georges Bigot, présent sur les lieux lui expliquent, alors que la partie d’osselets continuent indéfiniment : « Ce sont, me dit Bigot, des âmes d’enfants, insouciantes et légères. Telles vous les voyez ici, telles elles sont là-bas, dans leurs demeures elles s’assemblent, se coiffent, s’habillent, bavardent et se désintéressent des responsabilités de la vie elles s’en reposent sur les hommes à qui, du reste, elles sont humblement soumises » (cf. Adolphe Brisson, Scènes et types de l’exposition, Paris, Montgredien et cie, p. 46 et p. 49).

100 Brisson toujours citant Bigot : « Ne soyez pas trop poli avec les geishas, si vous voulez qu’elles aient pour-vous de la considération. L’homme doit toujours tenir son rang ! » (Adolphe Brisson, Scènes et types de l’exposition, Paris, Montgredien et cie, p. 49). Voir également sur ce point les exemples cités par Patrick Beillevaire qui montrent que certains hommes occidentaux imaginent le Japon comme « le paradis des maris » (« L’autre de l’autre, Contribution à l'histoire des représentations de la femme japonaise », in Mots, n°41, décembre 1994, p. 82).

101 La fameuse moue de la « mousmé » de Loti.

102 Extrait du journal des Goncourt à ce sujet à la date du 19 août 1873 : « Quelqu’un ajoute, que les officiers de marine sont unanimes à reconnaître que dans tout l’Orient, c’est seulement au Japon qu’on trouve chez la femme, la gaieté, l’entrain, un amour du plaisir, presque occidental » (cf. Edmond et Jules de Goncourt, Journal des Goncourt, mémoires de la vie littéraire. Cinquième volume, 1872-1877, Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1891, p. 91-92).

103 La même discussion dans le journal des Goncourt à la date du 19 août 1873 compare les femmes japonaises à des petits quadrupèdes (il est du reste courant de voir en France la femme japonaise comparée à un petit animal comme une chatte, une chienne, voire une souris ou même une fourmi) : « En effet, n’avons-nous pas vu les Japonaises de la grande Exposition, expliquer la phrase de leurs compatriotes, avec leurs rampements, leurs agenouillements, leurs gracieuses attaches au sol, leurs mouvements de gentils quadrupèdes, leurs habitudes enfin, de se faire toutes ramassées, toutes peletonnées, toutes exiguës » (Edmond et Jules de Goncourt, Journal des Goncourt, mémoires de la vie littéraire. Cinquième volume, 1872-1877, Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1891, p. 91).

104 Voir à ce sujet notamment : Morie Tanaka 田中森恵, Kobito no kuni no Pierre Loti 小人の国のピエール・ロチ, Cahiers de littérature et langue française 早稲田大学大学院研究料フランス文学専研究誌, n°23, 2004, p. 113-128.

105 Cf. Adolphe Brisson, Scènes et types de l’exposition, Paris, Montgredien et cie, p. 46.

106 Comme le montre Beillevaire, il existe toutefois des discours opposés qui dénigrent la femme japonaise et son supposé caractère charmant, ces discours sont d’ailleurs souvent liés à la rhétorique du « péril jaune » (cf. « L’autre de l’autre, Contribution à l'histoire des représentations de la femme japonaise », Mots, n°41, décembre 1994, p. 63-64).

107 Citons plusieurs exemples : un écho dans Le Figaro, 20 septembre 1900, p. [5] ; un autre dans Le Temps, 4 juillet 1900, p. [4] ; un autre encore dans L’Intransigeant, 3 juillet 1900, p. [3] etc.

108 Cf. Odile Gannier, « Le risque du mensonge », in La littérature de voyage, Paris, Ellipses Édition, 2001 p. 54-57.

109 Le guide illustré des magasins du bon marché avait peut-être des intérêts commerciaux cachés car les passages concernant le Panorama du tour du monde sont dithyrambiques, par exemple : « Nulle leçon de choses ne saurait être plus saisissante, nulle documentation plus exacte, plus vraie, plus vivante. Il est l’œuvre d’un grand peintre M. Dumoulin qui a visité tous les pays […] » (cf. Guide illustré du Bon marché, l’Exposition et Paris au XXe siècle, Coulommiers, P. Brodard impr., 1900, p. 79-80).

110 M. Hutin, « Les attractions de l’Exposition – Le tour du monde », in Le Petit Français illustré, journal des écoliers et des écolières, 12e année, n°39 du 25 août 1900, p. 463.

111 Cf. A. Quantin, L’Exposition du siècle, Paris, Le monde moderne, 1900, p. 350.

112 « L’exquise Loïe Fuller, fleur de feu, reine du prisme, dont les danses de lumière jamais ne lassent l’admiration, c’est elle qui, dans cette rue de Paris si vulgairement tintamarresque offre un spectacle vraiment artistique et, pour ainsi dire, sauve l’honneur. Elle seule semble avoir compris que, pour réussir, il suffisait de donner au public quelque chose d’absolument nouveau et original. Elle a le succès. Elle a la vogue. C’est justice. Cette troupe japonaise, toute entière excellente, encadre une grande artiste à la fois comédienne, mime, danseuse et tragédienne Sada-Yacco, dont tout Paris raffole en ce moment » (cf. Judith Gautier, Les musiques bizarres à l’Exposition de 1900, Paris, Ollendorf, 1900, vol. 4, p. [3]).

113 André Hallays, En flânant à travers l’Exposition de 1900, Paris, Librairie académique Perrin, 1901.

114 Hallays va jusqu’à retourner l’ordre des races et des civilisations : « Nous pouvons bien « japoniser » ; nous ne percerons jamais le mystère de l’art japonais. Il nous demeure pour toujours inviolable. Connaîtrions-nous la langue, la religion, la vie des Japonais comme nous pouvons connaître la langue, la religion ou la vie des Hellènes, nous ne comprendrons jamais rien à tout cela, sinon que nous sommes d’une race inférieure, d’une race qui ne sait pas sous-entendre. […] Avec nos lourdes façons de prétendre à la franchise, avec notre épais mépris du mensonge, nous sommes à peine des demi-civilisés. Nos ironies les plus raffinées sont de petites singeries d’enfant auprès des inextricables complexités où se jouent, avec une joie tranquille, les imaginations japonaises […] » (cf. André Hallays, En flânant à travers l’Exposition de 1900, op. cit., p. 22). Il consacre au Japon, et seulement au Japon, tout un paragraphe très enthousiaste (cf. André Hallays, En flânant à travers l’Exposition de 1900, Paris, Librairie académique Perrin, 1901, p. 230-252).

115 « Il ne faut pas s’arrêter au rez-de-chaussée où deux Parisiennes, vaguement attifées en Japonaises, servent le vulgaire thé noir » (cf. André Hallays, En flânant à travers l’Exposition de 1900, Paris, Librairie académique Perrin, 1901, p. 240-241).

116 Cf. Infra, p. 18.

117 Les passeports délivrés aux geisha comporteront d’ailleurs un visa libellé comme suit « pour études des arts du spectacle » (cf. Japon. Archives du Ministères des affaires étrangères. Ville de Tôkyô, Visas délivrés pour l’étranger, 16 décembre 1899).

118 Cf. « Senbôtei no futsukuni dokô geigi hirôkumei 扇芳亭の佛国渡航芸妓披露薈 », in Yomiuri shinbun読売新聞, 25 décembre 1899, p. [3].

119 Cf. « Paris hakurankai he nihon engei hirô zokuhô 巴里博覧薈へ日本演芸披露続報 », in Yomiuri shinbun読売新聞, 26 décembre 1899, p. [3].

120 Cf. Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 159-161.

121 Nous n’avons pas été en mesure d’identifier exactement cette revue mais il s’agit peut-être de L’Exposition de Paris (1900), un hebdomadaire publié par la Librairie illustrée Mongrédien entre janvier 1898 et décembre 1899. Cette revue présente en tout cas les préparatifs du Panorama du tour du monde en détails et illustre l’article de photographies dont un cliché de geisha de la collection personnelle de Louis Dumoulin (cf. n°19, p. 147-149 et n°20, p. 156-158).

122 Le terme utilisé en japonais est Nihon no chijôku 日本の恥辱 que nous traduisons par « le déshonneur du Japon » mais qui contient aussi le sens de « la honte du Japon » (cf. kokumin shinbun 国民新聞, 6 janvier 1900).

123 Cf. « Paris yuki geisha no shuppatsu 巴里行芸者の出発 », in Asahi shibun 朝日新聞, 16 février 1900, p. [3].

124 Cf. « Futsu kuni yuki geisha no fushubi 佛国行芸者の不首尾 », in Asahi shibun 朝日新聞, 3 mars 1900, p. [3].

125 Cf. « Paris bankoku hakurankai 巴里萬国博覧薈 », in Asahi shibun 朝日新聞, 12 avril 1900, p. [3].

126 C’est le titre que Brisson donne au chapitre qui relate sa première rencontre avec les geisha du tour du monde. C’est également dans ce chapitre qu’il présente le gendarme Hyppolite Framboise chargé de surveiller l’immeuble et ses habitants (cf. Adolphe Brisson, Scènes et types de l’Exposition, Paris, Montgredien et cie, p. 29-41).

127 Cf. Pays de mousmés, pays de guerre !, Paris, Librairie Félix Juven, 1905, p. 15.

128 Cf. Yoshihiro Kurata 倉田喜弘, Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 124-125.

129 Cet enregistrement, ainsi que ceux des geisha sont disponibles sur le site web du Centre de recherches en ethnomusicologie de l’Université Paris Nanterre à l’URL suivante : https://archives.crem-cnrs.fr/archives/items/CNRSMH_I_1900_001_199/ (consulté le 23/07/2019).

130 Voir au sujet des enregistrements sonores de la troupe japonaise par Azoulay : Shimizu, Yasuyuki 清水康行, « 1900 nen shichi-hachi gatsu ni Paris de rokuon sareta nihongo onsei shiryô 1900年7~8月にパリで録音された日本語音声資料 », in Nihongo no kenkyû 日本語の研究, vol.5, n°2, 2005, p. 46-54).

131 Cf. Adolphe Brisson, Scènes et types de l’Exposition, Paris, Montgredien et cie, p. 53.

132 Cf. « Paris zai geisha no shôsoku 巴里在芸者の消息 », In Tôkyô asahi shinbun 東京朝日新聞, 3 juin 1900, p. [2].

133 La phrase en question en japonais est : « […] ikkôchû no mono ga nihonfuku nite gaishutsu suru toki ni hitobito fushigigarite, sono mawari wo torimaki inu sae hoetsuku […] 一行中の物が日本服にて外出するときに人々不思議がりてその周りを取巻き犬さへ吠付く » (cf. « Paris zai geisha no shôsoku 巴里在芸者の消息 », In Tôkyô asahi shinbun 東京朝日新聞, 3 juin 1900.).

134 Cf. Yoshihiro Kurata 倉田喜弘, Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 125-126.

135 Cf. Archives de la ville de Paris. Mairie du quinzième arrondissement. Acte de mariage n°1274 du 8 novembre 1900.

136 La phrase en japonais est la suivante : « Tsûshinsha ha mata, Asakusa rokku no misemonoyori oyasuku mirareteiru chigainai 通信者はまた、淺草六区の見世物よりお安く見られているちがいない » soit littéralement : « Les passants doivent trouver ce spectacle encore pire que les spectacles à deux sous du sixième quartier d’Asakusa » (Asakusa étant un quartier touristique de Tôkyô avec des théâtre présentant des spectacles comiques populaires) (cf. Tôkyô asahi shinbun 東京朝日新聞, 22 août 1900, p. [3]).

137 Cf. Adolphe Brisson, Scènes et types de l’Exposition, Paris, Montgredien et cie, p. 316.

138 Cf. Yoshihiro Kurata 倉田喜弘, Kaigai kôen kotohajime 海外公演事始, Tôkyô shoseki 東京書籍, 1994, p. 190-204.

139 Cf. André Hallays, En flânant à travers l’Exposition de 1900, Paris, Librairie académique Perrin, 1901, p. 244.

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Pour citer cet article

Julien Beal, « Le manège aux chrysanthèmes : images et réalités des femmes japonaises dans le Panorama du tour du monde de Louis Jules Dumoulin (1860-1924) à l’Exposition universelle de Paris en 1900 », paru dans Loxias-Colloques, 16. Représentations littéraires et artistiques de la femme japonaise depuis le milieu du XIXe siècle, Le manège aux chrysanthèmes : images et réalités des femmes japonaises dans le Panorama du tour du monde de Louis Jules Dumoulin (1860-1924) à l’Exposition universelle de Paris en 1900, mis en ligne le 21 avril 2020, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1578.


Auteurs

Julien Beal

Chercheur au CTEL (Centre Transdisciplinaire d'épistémologie de la littérature et des arts vivants, Université Côte d’Azur), Membre de GRADIVA (Groupe de recherches appliquées à la diffusion et la valorisation des collections remarquables de la Bu Henri Bosco). Bibliothécaire et Membre du comité de pilotage du réseau national DocAsie.

Université Côte d'Azur, CTEL