Loxias-Colloques |  15. Traverser l'espace 

Céline Gauthier  : 

Déambuler dans la ville au rythme du corps.Walk, Hands, Eyes (a city) de Myriam Lefkowitz : le récit composite d’un périple sensoriel

Résumé

En 2015, la chorégraphe Myriam Lefkowitz a publié un ouvrage, intitulé Walk, Hands, Eyes (a city). Elle y fait le récit des balades qu’elle propose aux spectateurs : des déambulations urbaines en duo, les yeux clos. L’ouvrage explore les contiguïtés et les ruptures des espaces successivement traversés et puise dans les ressources du langage articulé pour faire resurgir les sensations éprouvées au contact de la ville. Le flux narratif qui en découle apparaît lui-même façonné par les modalités spatiales, temporelles et kinésiques propres à ces balades. Travaillé par l’ambition de les (re)susciter pour le lecteur, il l’invite à éprouver à son tour le cheminement par lequel le corps des danseurs est sans cesse recomposé en résonance aux perceptions sensibles produites par la ville, de sorte que l’environnement urbain se constitue en réseau de figures et de métaphores, tant spatiales que cinétiques.

Index

Mots-clés : corporéité urbaine , Effort, métaphores spatiales, Myriam Lefkowitz

Géographique : France

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

« À mesure que tes attentions se diffractent, les points de contact avec la ville se démultiplient1 ».

Depuis 2008, un collectif d’artistes réunis autour de la chorégraphe Myriam Lefkowitz2 propose à un unique spectateur de partager une balade : une expérience nomade et improvisée, dans chaque ville qui l’accueille. À la manière d’un parcours urbain, elle prend la forme d’une déambulation d’une heure environ, entre un guide – un/une danseur/se – et un guidé – un/une spectateur/trice. Ce dernier a les yeux clos ; d’une pression de la main, appliquée sur le bras ou dans le dos, son guide le dirige au travers des rues, des jardins publics ou des terrains vagues. Ensemble, ils cheminent dans la ville et éprouvent les textures qui la façonnent : ses sons et ses odeurs, son relief, ses zones de chaleur ou d’humidité. Parfois le guide appose sa main sur la tête du spectateur et lui demande d’ouvrir les yeux, l’espace d’une seconde, pour capturer du regard une image – comme une photographie d’un lieu de la ville – avant de clore les yeux à nouveau.

À la fin de cette expérience tous deux partagent un temps d’échange : ils évoquent les souvenirs et les émotions qui émanent de ce voyage à l’aveugle. Ces moments de dialogue ont été collectés puis compilés par Myriam Lefkowitz afin de constituer un texte composite : des micro-narrations, sous la forme de minces carnets, sont insérées dans un récit principal, lui-même entrecoupé de feuillets de partitions qui offrent en partage les consignes des balades3. Publié en 2015 sous le titre Walk, Hands, Eyes (a city), l’ouvrage qui en résulte compose une narration labile et fragmentaire, qui explore les contiguïtés et les ruptures des espaces successivement traversés4. Il puise dans les ressources du langage articulé pour faire resurgir les sensations intimes et kinésiques éprouvées au contact de la ville : s’y entremêlent de brèves fictions suscitées par un bruit insolite, des images happées par les yeux ouverts un instant et la sensation des pas qui se déroulent sur le bitume.

À la manière d’un récit de voyage fictif, l’ouvrage puise dans les motifs d’un imaginaire collectif qui tisse des relations analogiques entre le corps et le paysage urbain – comme peuvent l’être les artères d’une cité qui convergent vers son centre névralgique, aussi nommé cœur de ville5. Ces figures se nourrissent de références centrifuges : des expérimentations architecturales du Corbusier, qui compose des villes à la mesure du corps humain6, aux fictions littéraires qui investissent le motif de la déambulation urbaine autant comme toile de fond que dispositif narratif7. Les analogies tissées entre corps et ville supposent que les deux entités partagent des propriétés communes : rigueur eugénique et harmonie chez le Corbusier, pour qui le corps humain s’établit comme unité organique et cohérente ; pérégrinations urbaines des personnages de roman qui se conforment à l’organisation topographique de la ville dans l’Ulysse de Joyce8. À l’encontre de ces dispositifs, les balades initiées par Myriam Lefkowitz s’inscrivent dans l’esthétique de l’errance urbaine, caractérisée notamment par la « prégnance de la corporéité » et la « capacité à se perdre9 ». Ni promenades indolentes, ni randonnées athlétiques, ces balades invitent le spectateur à « tracer un chemin sinusoïdal en faisant en sorte que les directions des yeux et des pieds ne coïncident pas10 » : il s’agit de cheminer à tâtons dans les méandres d’un paysage tortueux, au sein duquel l’homogénéité corporelle en vient à se disloquer. Le récit met en scène la densification progressive de cette relation analogique : par une succession d’infimes mais perpétuelles oscillations sémantiques, les motifs kinésiques et urbains se confondent pour tisser des réseaux métaphoriques11, de sorte que le corps du danseur et la ville qui l’entoure composent un organisme chimérique.

Le flux narratif qui en découle apparaît lui-même façonné par les modalités spatiales, temporelles et kinésiques propres à ces balades. Travaillé par l’ambition de les (re)susciter pour le lecteur, il l’invite à éprouver à son tour le cheminement par lequel le corps des danseurs est sans cesse recomposé en résonance aux perceptions sensibles produites par la ville, de sorte que l’espace urbain constitue un réservoir de sensations motiles dans lequel puiser.

Quand l’illimitation perceptive absorbe l’architecture de la ville

Les choix d’écriture de la chorégraphe sont destinés à prolonger la sensation d’ébranlement des habitudes perceptives : si la balade se déroule les yeux clos, de sorte que l’absence de repères visuels déjoue les dispositions habituelles des organes sensoriels, le récit lui aussi s’en fait l’écho. Il décrit et met en scène l’abolition progressive de l’hégémonie de la vision au profit de relations inter-sensorielles, de sorte que « ce qui est visible le devient par la peau, par l’arrière, par les côtés12 ». Le système d’équivalence esquissé ici se propage de manière chiasmatique et conduit à la transposition de certaines qualités perceptives d’un organe à un autre, parce qu’ils partagent des propriétés sensorielles communes. Cet entrelacs met en relief les mécanismes par lesquels une couleur, voire une atmosphère lumineuse impalpables en viennent à être perçues comme des éléments solides.

Elle marche dans cet espace complètement noir, un noir qu’elle ne ressent pas comme une couleur mais comme un morceau de quelque chose […] c’est une chose épaisse […] elle pourrait y plonger13.

Ce motif de la plongée évoque tout autant l’imaginaire de la rencontre avec une substance liquide que le mouvement qui en résulte : celui d’une impulsion de descente vers les profondeurs, associée à la sensation d’un engloutissement. Il permet de décrire l’attitude des danseurs par laquelle leur regard est amené, métaphoriquement, à s’inverser pour visualiser l’intérieur du corps. De la sorte, l’ensemble de l’environnement perçu – qu’il appartienne au corps propre ou à son espace proche – en vient à être éprouvé au prisme de cette intimité somatique : « elle croyait ouvrir les yeux sur un espace totalement noir et se retrouve nez à nez avec la lumière14 ». La perception des danseurs s’appuie sur le détournement et le jeu à partir des sens figurés des locutions de la langue courante – « nez à nez », notamment –, en évoquant leur tactilité virtuelle, néanmoins latente15. La texture lumineuse est de cette manière susceptible de contenir, outre ses propriétés visuelles, des caractéristiques tangibles, de sorte qu’elle se mue en matière compacte. Progressivement ce phénomène se propage de manière diffuse et contamine l’espace lointain, sous une forme plus indistincte : « marcher sans voir était lentement en train de transformer l’idée qu’elle se faisait de la présence16 ». La prise en compte de la présence de ce qui entoure le danseur conduit à l’abolition d’une représentation cadastrale et topographique de la ville, au profit d’une cartographie haptique : « dans ces espaces, il y a des choses contre lesquelles elle se heurte et d’autres contre lesquelles elle ne se heurte pas17 ». Les reliefs urbains sont envisagés en fonction de la manière dont ils entrent – ou non – en contact avec le corps du danseur et de leur faculté à lui proposer des protubérances inhospitalières ou des anfractuosités accueillantes et propices au mouvement.

Le paysage urbain comme révélateur d’une topographie corporelle

Les images sensibles du paysage urbain construites à partir du corps aveugle du danseur lui apparaissent chargées d’une forte capacité cinétique. Lorsqu’elles surviennent ponctuellement, ces descriptions s’établissent à la manière d’un jeu de mots qui réactive des illusions très enfantines : à travers l’évocation d’un « immeuble perché18 », la stature du bâtiment paraît résulter d’un mouvement de celui-ci. Cependant, cette indication en apparence anecdotique dénote aussi les effets de ce mouvement ascensionnel du regard : jusqu'alors, le spectateur conservait les yeux clos ; il assurait ainsi son équilibre gravitaire principalement à partir des informations perceptives transmises par son oreille interne. Il est ici convié par son guide à ouvrir les yeux soudainement : la réactivation de la vue requiert pourtant quelques instants d'accommodation – tant à la luminosité extérieure qu'à la (distance avec les objets perçus) par la contraction des muscles ciliaires du cristallin – et entraîne la réorganisation de l'axe postural à partir de l'horizontalité du regard. Ces phénomènes d'adaptation produisent chez le guidé une sensation de vertige, encore accentuée par le mouvement vertical de sa tête : il conduit à une possible transposition de cette sensation de glissement dans la structure même du bâtiment. C’est par ce détour qu’il est ensuite possible de percevoir la ville entière comme dotée en puissance d’une capacité de mouvement, à partir de celle du corps du danseur.

Il décrivit une spirale qui était apparue après qu’ils aient tourné autour de quelque chose – un pylône, peut-être. Il lui semblait avoir perçu, non pas la forme de ce potentiel pylône, mais sa dynamique. Si un pylône se mettait soudainement à bouger son mouvement serait celui de la spirale19.

La contagion énergétique induit une réaction de vertige dans l’espace de la ville, qui se propage bientôt au corps de la spectatrice : « la ville défilait en accéléré tout autour d’elle alors que ses pieds n’avançaient plus. Ne voyant pas vers où elle se dirigeait, il lui semblait qu’elle avançait sur place20 ». Ici, la structure syntaxique ambiguë de la phrase illustre autant qu’elle contribue à susciter l’impression troublante d’un état de confusion. Le corps de la danseuse, à partir duquel sont fondées les sensations et la prise d’informations spatiales, constitue le pivot autour duquel la ville entière accomplit sa giration. On observe toutefois que le récit mobilise tout un faisceau de verbes chargés d’informations motiles – « défilait », « avançait » et « se dirigeait » – pour décrire tour à tour des sensations intéroceptives ou extérieures. Par conséquent, tandis que l’on pourrait supposer une superposition du centre de gravité de la danseuse et de l’axe de rotation de la ville, son corps nous est décrit comme mouvant, voire disloqué : « ses pieds » n’avancent plus, tandis qu’ « elle » – c’est-à-dire ses facultés cognitives corrélées aux organes de perception gravitaire – a la sensation d’avancer ; cependant, « sur place », c’est-à-dire dans un mouvement aberrant qui n’entraîne pas de déplacement dans l’espace.

À partir de la mise en exergue de l’entrelacs des perceptions somatiques et urbaines, le récit se fait l’écho de la manière dont la corporéité du spectateur, par l’intermédiaire de la mobilisation de tous ses organes sensoriels, façonne l’atmosphère urbaine tout autant qu’elle est modelée par les stimuli qu’elle lui adresse. Ce phénomène d’analogie est cependant incomplet, puisque ni la ville, ni le corps ne paraissent constituer des référents explicites et stables : tous deux demeurent labiles et précaires, perpétuellement en mouvement. Cette dynamique commune permet cependant d’entrevoir la convergence de ces deux entités : il s’agit de traverser la ville autant que d’être traversé par elle. Le corps du danseur se fond dans le paysage urbain en absorbant ses propriétés d’étendue, de texture ou de flux, de sorte que le transfert de sens se mue en partage de sensations.

Son corps est un espace contenant une quantité considérable d’images, d’expériences, de récits. Il visualise son corps comme un environnement qui marche tandis que ces différents éléments qui l’occupent sont placés dans un autre espace, un environnement extérieur à celui de son corps. Les deux se rencontrent, se mélangent et parfois forment un troisième environnement, qui lui-même vient occuper un autre endroit de son corps21.

L’assimilation des propriétés du corps du danseur à l’espace – matériel autant que psychique – qui l’entoure et dans lequel il évolue, participe d’un effet de brouillage du périmètre et des frontières de la corporéité propre : tour à tour contenu, contenant, voire environnement, elle apparaît fluide et nébuleuse. Dès lors, la peau elle-même, qui enveloppe et délimite les contours de l’organisme, devient une zone de contact et d’échange à la manière d’une membrane, perméable et poreuse. Elle contribue à l’abolition des modèles de la stricte réalité anatomique – osseuse, musculaire et articulaire – pour qu’affleure l’esquisse d’une distorsion de la perception corporelle.

Elle eut une vision de son corps de derrière les paupières. Son regard alla se poser ailleurs qu’en face d’elle et elle put regarder à l’intérieur, vers son bassin. Elle le vit telle une plate-forme sur laquelle elle se tenait perchée, occupée à longer l’arrière de ses jambes jusqu’au sol. Son corps lui sembla beaucoup plus grand, vu de derrière22.

Au fil de cette description et par un jeu de va-et-vient entre une vision externe et intéroceptive, la danseuse perçoit son propre corps à la manière d’une surface – une « plate-forme » dont elle inspecte l’étendue et la hauteur. La membrane close de ses paupières, loin de constituer un écran au regard, autorise la variation incessante des points de vue et réactive des mécanismes oniriques : l’œil longe le bassin à la manière d’un travelling ou observe sa silhouette en contre-plongée. Le corps de la danseuse lui apparaît comme un réseau parcellaire et ramifié, au cœur duquel circulent les images et les sensations qui façonnent une corporéité hodologique23, traversée par les lignes de force et de perspective qui structurent la ville.

L’image sur laquelle les yeux viennent de s’ouvrir se stocke dans l’épaule qu’il touche, dans le sternum, à l’arrière du crâne, dans le bout des doigts ou dans tous ces espaces à la fois. Les zones touchées deviennent les réceptacles de l’image. Il touche la peau, la chair, pour que l’image la pénètre au même titre que la nourriture, l’oxygène ou toutes autres substances que l’on ingère24.

Les modèles culturels dominants, marqués par la prévalence de la tête, la partition du corps entre haut et bas et la relégation des orifices, sont déjoués pour que l’image circule librement au sein de toutes les structures somatiques. La transmission de cette sensation tactile opère par le relais de l'imaginaire du guidé : la pression perçue à la surface de l'épiderme ne peut atteindre la profondeur des organes viscéraux - par ailleurs dotés d'une sensibilité tactile relativement limitée - que de manière diffuse et ténue. Elle est ici relayée par un phénomène de métaphorisation, qui suscite un prolongement de la sensation. Le mouvement perçu n'est pas à l'origine de l'image suscitée, mais c'est l'imaginaire d’un toucher profond qui construit la perception intéroceptive et viscérale25. Elle se fait sensation tactile qui se propage de la surface de la « peau » à la profondeur de la « chair », investit le tube digestif et les capillaires pulmonaires. En résulte une corporéité monstrueuse, tentaculaire et illimitée.

Son schéma corporel se transformait à mesure qu’ils marchaient. Ses bras s’étendaient et prenaient parfois la forme d’oreilles. Ses mains devenaient ses pieds et vice-versa. Elle ne savait même plus si elle avait bien la tête ronde. Parfois, elle était à sa place et à celle de l’autre simultanément26.

Cette illimitation perceptive est aussi soutenue par la structure générale de l’ouvrage, sa mise en forme et en page : l’ensemble du récit est fragmenté en de brefs paragraphes, parfois réduits à des phrases isolées. La continuité de ces paragraphes est à son tour interrompue par l’insertion régulière, entre deux feuillets, de petits cahiers d’un format plus étroit, qui contiennent eux aussi de micro-récits. Au sein même des fragments narratifs, l’alternance irrégulière entre plusieurs catégories de pronoms – féminins et masculins, singuliers et pluriels – composent une énonciation dédoublée. Leur présence rappelle au lecteur le mode de composition du récit, établi par la chorégraphe à partir de nombreux témoignages recueillis auprès des participants et danseurs. Cette pluralité des sources façonne une structure narrative polyphonique, dans laquelle les voix sont indissociables : elles s’associent de manière aléatoire pour composer une énonciation démultipliée27.

Restituer le phrasé des gestes traversés par l’expérience urbaine

La prégnance des voix et des corps des danseurs dans ce récit composite invite à en proposer des modes de lisibilité qui restitueraient la logique kinésique de la narration et susciteraient l’investissement somatique du lecteur. L’Effort – un système d’analyse cinétique élaboré par le théoricien du mouvement Rudolf Laban28 – constitue à ce titre une ressource précieuse. S’il a été initialement élaboré en vue de développer et d’approfondir l’étude des gestes humains – artistiques ou techniques –, il s’agira ici d’en mobiliser quelques éléments pour enrichir l’appréhension d’un récit issu d’une expérience de danse. L’Effort envisage conjointement la motivation interne du mouvement – c’est-à-dire les sensations et les perceptions qui incitent au mouvement – et les propriétés physiques de la motricité réelle qui en résulte. Ces qualités kinésiques se décomposent et se combinent en plusieurs paramètres de poids, de temps, d’espace et de flux29.

En réinvestissant ces prismes d’analyse s’esquisse la possibilité de rendre visible la manière dont les modulations du flux narratif témoignent des changements corporels qui opèrent dans les corps des personnages décrits, et par extrapolation dans la corporéité du lecteur qui parcourt ces lignes. Ce phénomène, qui entre en résonance avec l’hypothèse d’une « simulation kinésique » suscitée par la lecture30, s’appuie aussi sur le projet d’écriture de la chorégraphe qui dit avoir eu l’ambition de recomposer par l’écriture « les mécanismes propres à la marche31 ». Le fragment de récit sur lequel s’appuie cette brève étude propose la description d’une rencontre entre une guide et sa spectatrice, à travers les modalités kinésiques qui soutiennent la confluence de leurs tonicités respectives.

Elle est en retard. Elle cherche une femme qui attend à un coin de rue dans cette ville qu’elle ne connaît pas. Elle a bien vu son visage sur internet ce matin, pourtant elle n’est pas sûre de pouvoir la reconnaître. Elle court d’un coin de rue à l’autre. Personne n’a l’air d’attendre. « De quoi a l’air quelqu’un qui attend ? » 32

D’un point de vue stylistique, le premier mouvement de cette description est marqué par la relative brièveté des structures phrastiques, quelquefois réduites à de simples formules laconiques. L’usage d’une ponctuation forte et abondante, mais aussi de répétitions anaphoriques33, suggère au lecteur la sensation d’une rythmicité heurtée, presque haletante. D’un point de vue narratologique, le récit évoque l’état tonique du personnage décrit : la sensation de retard qui l’anime découle d’une tension entre le temps objectif et la temporalité perçue34 par la danseuse : la perception de cette distorsion l’entraîne dans une course, elle aussi déterminée par un état de tension, cette fois-ci musculaire. Les modalités d’écriture de ce récit participent ainsi d’une mise en relation de paramètres temporels tangibles et des sensations motrices qui en résultent, selon une appréhension du facteur Temps que l’Effort labanien qualifie de « soudain » : il consiste en une « vitesse rapide et en une sensation motrice de brève période de temps, une impression d’éphémère35». On retrouve cette rapidité tout autant dans la diégèse du récit (le personnage est happé par sa course) que dans le style d’écriture (marqué par des phrases brèves et heurtées) : il est ici possible d’imaginer l’articulation entre des propriétés kinésiques et fictionnelles, de sorte que la narration puisse restituer le « phrasé des changements corporels36 » et propager ces qualités énergétiques du personnage au lecteur.

De plus, la danseuse est accaparée par la recherche de la spectatrice à qui elle va proposer une balade, dans une ville qui lui est inconnue et ne lui fournit donc aucun repère : elle court d’un trottoir à l’autre et il est permis de supposer que son regard balaye alternativement chaque angle de rue. Le registre de l’Effort qualifierait les trajectoires qui résultent de cette attitude en termes d’« espace indirect, flexible », qui « verra celui qui l’adopte porter attention à tous les points d’un parcours37 ». Ceci permet de considérer que la danseuse adopte un état d’instabilité corporelle, lié tout autant à l’incertitude de l’objectif qu’elle cherche à atteindre qu’à l’éparpillement de son regard. On la suppose hésitante, voire chancelante sur ses appuis, selon une appréhension du poids que l’Effort dénomme « léger » : cette qualité sera de nouveau mobilisée dans le fragment suivant, qui établit la rencontre entre les deux personnages par l’intermédiaire de l’accordage progressif de leurs corporéités respectives38.

Au prochain coin, elle croit la voir. Grande, un dos large, la tête légèrement penchée vers un téléphone : c’est elle39.

Le narrateur insiste en premier lieu sur la stature du personnage observé, avant d’évoquer les qualités d’étendue de sa stature et de son dos, puis l’inclinaison de sa tête. Cette énumération témoigne du mouvement de resserrement progressif du regard de la guide, depuis la silhouette de la spectatrice – à la manière d’un plan large – jusqu’à considérer la surface dorsale, puis la légère obliquité de son axe gravitaire. L’évocation du dos de la spectatrice – qui ne peut en constituer un critère de reconnaissance puisque la danseuse décrit avoir recherché son visage le matin même – permet d’insister sur l’étendue du champ visuel de cette dernière. Le dos figure ici une surface contre laquelle le regard se heurte – tout comme précédemment la ville était appréhendée selon « les choses contre lesquelles elle se heurte et celles contre lesquelles elle ne se heurte pas40 ». Le tonus corporel de la spectatrice, que l’on appréhende par l’intermédiaire de sa stature imposante et de son attitude qui semble dénoter une certaine assurance, pourrait s’inscrire dans ce que l’Effort qualifie de « poids fort » ; une qualité pondérale marquée par une poussée énergétique intense, « comme lorsqu’on pousse un piano » ou une hardiesse intellectuelle, « comme lorsqu’on affirme son opinion41 ».

La rencontre s’instaure alors en rétablissant le dialogue tonique entre la danseuse en retard, caractérisée par un poids « léger » et sa spectatrice qui l’attend d’un poids « fort ».

Après une courte introduction, elles se mettent en route. Le quartier lui rappelle une autre ville, plus grande. Cette sensation se répète de plus en plus à force de marcher, les villes se superposent les unes aux autres. Une odeur, un son, une certaine lumière, une attitude remarquée sur quelqu’un et soudain une autre ville s’infiltre dans le paysage qu’elle est en train d’arpenter42.

A contrario des fragments précédents, la description est ici marquée par un phénomène d’allongement phrastique progressif. D’une première proposition à la temporalité proche de celle du sommaire – selon la typologie genettienne43 – le rythme de l’énoncé se ralentit graduellement, à la manière d’un processus d’accordage à la cadence propre à la balade. Le fléchissement rythmique est soutenu dans les premières phrases par une ponctuation profuse, marquée par une abondance de virgules qui retardent insensiblement la lecture et évoquent les inflexions de la marche, exploratoire et tâtonnante.

Leur dissémination progressivement plus irrégulière annonce l’interférence d’une autre temporalité, plus fluide et déliée, rehaussée d’une accumulation de mentions perceptives : cette sensation d’écoulement temporel pourrait faire écho à ce que l’Effort évoque comme un « temps soutenu », dont il est donné pour exemple l’attitude de « jouir de chaque instant, à la manière d’un promeneur tranquille44 ». La tonicité propre à ce temps soutenu permet au personnage de faire l’expérience d’un état propice à la réminiscence sensorielle : la ville qu’il se remémore « s’infiltre » dans sa corporéité. Ce mouvement d’infiltration – c’est-à-dire d’interpénétration d’un fluide et d’une matière solide, à la faveur de ses interstices – instille l’usage d’une terminologie puisée dans la chimie : les deux corps se font poreux, de sorte que la corporéité du danseur devient le révélateur45 de l’atmosphère urbaine, et réciproquement.

Entre le corps du spectateur et la morphologie urbaine, du stimulus perceptif éveillé par le danseur à la sensation perçue par le guidé se constituent un réseau de duos entrelacés, qui ne se manifestent pleinement qu’en présence d’un troisième membre : le lecteur. Ce dernier devient, au fil de son cheminement dans le texte, « l’éveilleur et l’hôte46 » du récit. Lui-même oscille entre une pratique de lecture dépendante des structures et des rythmes imposés par le texte, pourtant affranchie de la trame textuelle afin d’éveiller les images et les sensations qu’elle charrie. L’activité du lecteur s’apparente en cela à une déambulation, dans le récit comme dans la ville : « lire, c’est pérégriner dans un système imposé (celui du texte, analogue à l’ordre bâti d’une ville […]47 ». La transposition dans l’activité de lecture des qualités propres à la pérégrination – irrégulière et sinueuse – invite à reconsidérer le mouvement de sa progression, supposé horizontal et linéaire. Les partis-pris syntaxiques et grammaticaux, les effets d’adresse de la diégèse, la fabrique des images et des relations métaphoriques constituent des jalons placés au fil du récit et dans lesquels s’infiltre la corporéité du lecteur, nourrie des expériences de l’urbanité : elle révèle les fondements kinesthésiques de l’écriture afin de faire advenir une lecture kinésique, attentive aux choix stylistiques destinés à évoquer et susciter des simulations perceptives chez le destinataire du récit48. Elle est ici mise en lumière par une étude détaillée qui tente d’« éprouver les formes du langage en termes de stabilité ou d’instabilité d’une situation perceptive, de consistance sensible d’un espace-temps49 ». Ces modalités d’appréhension du récit reposent sur l’hypothèse de voir se dessiner une écriture modulée par l’intention de façonner une narration qualitative du mouvement. Walk, Hands, Eyes (a city) s’établit ainsi comme un médium de consignation autant que de transmission d’une expérience aveugle et improvisée, sous la forme de gestes perceptifs ou attentionnels immédiatement adressés au lecteur.

Notes de bas de page numériques

1 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 111.

2 Myriam Lefkowitz est artiste chorégraphique ; elle s'intéresse aux modes d'attention et de perception du mouvement propres à chacun, au sein de l'environnement dans lequel nous évoluons. Sa pratique prend la forme de dispositifs immersifs partagés par un spectateur et un performeur, à partir des actions et des gestes fondamentaux de la marche, du toucher ou du regard. Le spectateur est amené à plonger dans des états liminaux, afin d'aiguiser son attention aux stimuli perceptifs qui viennent fortuitement à sa rencontre. Ses expérimentations ont pris la forme de deux projets successifs mais complémentaires : Walks, Hands, Eyes (a city), développé depuis 2008 dans de nombreuses villes de France et du monde, est une expérience pour un spectateur et un guide, qui partagent une balade silencieuse au cœur de la vie urbaine. Et sait-on jamais, dans une obscurité pareille, élaboré au cours d'une résidence aux Laboratoires d'Aubervilliers, propose à un unique spectateur de faire l'expérience des sensations qui émergent de l'obscurité, depuis son corps immobile et allongé au sol. Le performeur compose autour et avec lui une partition tactile où l'amenuisement progressif des sollicitations perceptifs altère nos régimes d’attention habituels pour accroître leur charge fictionnelle. Ces deux projets se rejoignent au sein d’un dispositif commun, La Piscine, qui a offert la possibilité d’une transmission de ces protocoles d’expérience à d’autres performeurs. Ce dispositif s’est développé à partir d’un collectif d’artistes composé notamment de Jean-Philippe Derail, Julie Laporte et Yasmine Youcef. Voir http://www.leslaboratoires.org/article/walk-hands-eyes-aubervilliers/experiences-perceptives, consulté le 14 décembre 2018.

3 Ces partitions s’inscrivent dans la filiation des Tuning Scores, qui constituent une série d'outils sensoriels destinés à enrichir des pratiques d'improvisation ; développés par la chorégraphe et danseuse américaine Lisa Nelson (née en 1949), ils composent selon elle "une pré-technique", des "cartes à suivre dotées de systèmes de feedback qui nous aident à observer nos schémas, nos stratégies, nos appétits pour nous mobiliser, c'est-à-dire pour nous éveiller et nous rendre disponible à la danse". Il s'agit, dans le cadre d'ateliers de composition instantanée, d'explorer les relations entre les activités de vision et d'imagination, notamment par l'usage du toucher, du regard et de l'écoute collective. Lisa Nelson, Lisa Nelson in conversation with Lisa Nelson, Movement Research, 2008, https://movementresearch.org/publications/critical-correspondence/lisa-nelson-in-conversation-with-lisa-nelson (notre traduction) (cons. le 25 avril 2019). Voir aussi Lisa Nelson, « A travers vos yeux », Vu du corps, Nouvelles de danse n° 48-49, Bruxelles, Contredanse, 2001.

4 Ce texte composite fait s’entrecroiser trois matériaux : le texte principal, un récit produit par la chorégraphe à partir de dialogues menés avec les spectateurs et les performeurs tout au long des huit années d'activation de cette performance, qu’elle a collectés et réécrits. À ceci s’ajoutent des invitations, lancées à des philosophes, artistes ou paysagistes, pour écrire un bref texte sur leur expérience de spectateur inséré sous la forme de petits cahiers le récit principal. Un troisième matériau consiste en une demi-douzaine de feuillets de ce qu’elle nomme des partitions.

5 Voir à ce sujet l’analyse développée quant aux relations métaphoriques entre corps et ville : Rocío Peñalta Catalán, « La ville en tant que corps : métaphores corporelles de l’espace urbain », TRANS, n°11, 2011, http://trans.revues.org/454, consulté le 12 décembre 2018.

6 Voir à ce sujet Julie Cattant, « Le corps dans l’espace architectural. Le Corbusier, Claude Parent et Henri Gaudin », Synergies Europe, n°11, 2016, pp. 31-48.

7 On peut penser ici à la Cité de Verre de Paul Auster, dans laquelle le personnage de Quinn détermine avec précision le trajet de ses pérégrinations new-yorkaises pour que ses pas tracent progressivement les lettres de l’expression « The Tower Of Babel ». In Paul Auster, Cité de Verre, Trilogie New-Yorkaise, [1987], trad. Pierre Furlan, Arles, Actes Sud, 1991.

8 James Joyce, Ulysse, Paris, Gallimard, 2004.

9 Paola Berenstein-Jacques, « Errances et corpographies urbaines », in Jean-François Augoyard (dir.), 1st International Congress on Ambiances, Grenoble, 2008, Grenoble, A La Croisée, 2011, p. 332.

10 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 61.

11 Voir à ce sujet les analyses étymologiques de la notion de métaphore dans l’introduction de l’article suivant : François Ascher, « La métaphore est un transport. Des idées sur le mouvement au mouvement des idées », Cahiers internationaux de sociologie, n° 118, 2005, pp. 37-54.

12 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 43.

13 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 30.

14 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 95.

15 Voir à ce sujet George Lakoff, Mark Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne, Minuit, Paris, 1985.

16 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 78.

17 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 15.

18 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 58.

19 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 42.

20 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 27.

21 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 74.

22 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 57.

23 J’emprunte cette notion à Julie Perrin, « Traverser la ville ininterrompue : sentir et se figurer à l’aveugle. À propos de Walk, Hands, Eyes (a city) de Myriam Lefkowitz », Ambiances, n°3, 2017. URL : http://journals.openedition.org/ambiances/962, consulté le 13 décembre 2018. L’hodologie désigne la science des connexions dans les réseaux.

24 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 48.

25 On peut penser ici à l’expression de Michel Bernard, « l’imaginaire est dans la sensation » : il envisage ici l’activité sensorielle comme un travail de fiction, produit par les organes sensoriels en relation avec les organes du sens, à travers un phénomène chiasmatique qu’il nomme « intersensorialité ». Michel Bernard, « Sens et fiction ou les effets étranges de trois chiasmes sensoriels », Nouvelles de Danse, n° 17, 1993, p. 61.

26 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 26.

27 Le processus de recueil de la parole des spectateurs demeure dans l’ouvrage – volontairement sans doute – relativement opaque : à l’exception des auteurs des micro-récits insérés dans l’ouvrage sous la forme de carnets qui comportent sur leur première page l’identité de leurs auteurs, les noms des participants ne sont nulle part mentionnés. Ceci contribue à produire l’effet d’une énonciation plurielle.

28 Rudolf Laban (1879-1958) est un chorégraphe, pédagogue et théoricien du mouvement hongrois. Il a conçu un système d’analyse et de notation du mouvement : la Labanotation ou Cinétographie Laban. Pour en savoir plus : Susanne Franco, « Qui est Rudolf Laban ? Perspectives théoriques et méthodologiques pour la construction d’un objet de recherche », Recherches en danse, n°5, 2016. URL : http://danse.revues.org/1450, consulté le 18 décembre 2016. Voir aussi Rudolf Laban, La maîtrise du mouvement, trad. Jacqueline Challet-Haas et Marion Bastien, Paris, Actes Sud, 1994.

29 Ces paramètres ont été davantage approfondis par Raphaël Cottin notamment, in Raphaël Cottin, Réflexions sur la forme en Analyse du Mouvement Laban, Pantin, Centre national de la danse, 2012.

30 Pour approfondir cette notion, voir Guillemette Bolens, Le style des gestes : corporéité et kinésie dans le récit littéraire, Lausanne, éditions BHMS, 2008.

31 Myriam Lefkowitz, Mathilde Villeneuve, « Espaces d’attention », Journal des Laboratoires d’Aubervilliers, Cahier B, 2015, p. 10.

32 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 16.

33 L’anaphore est un procédé visant à un effet de symétrie, d'insistance, etc., par répétition d’un même mot ou groupe de mots au début de plusieurs phrases ou propositions successives. Article « Anaphore », Centre National de Ressources Texuelles en Ligne, https://www.cnrtl.fr/definition/anaphore, consulté le 2 mai 2019.

34 La distinction entre temps objectif et temporalité perçue s’appuie sur la pensée de la durée développée par Bergson. Voir notamment Henri Bergson, Introduction à la métaphysique, Paris, PUF, 2011.

35 Rudolf Laban, La Maîtrise du mouvement, Arles, Actes Sud, 1994, p. 108.

36 Cette expression, ainsi que l’ensemble des notions mobilisées à propos du système de l’Effort de Laban, sont issues de l’article suivant : Angela Loureiro, Raphaël Cottin, « Le conte de fées comme partition corporelle. L'impulsion d'envoûtement dans l'effort de Rudolf Laban », Repères, cahier de danse, n° 30, 2012, pp. 29-31.

37 Angela Loureiro, Raphaël Cottin, « Le conte de fées comme partition corporelle. L'impulsion d'envoûtement dans l'effort de Rudolf Laban », Repères, cahier de danse, n° 30, 2012, p. 30.

38 Voir ici l’apport de la kinésiologie développée notamment par Odile Rouquet, in Odile Rouquet, La tête aux pieds, Paris, Recherche en Mouvement, 1991.

39 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 16.

40 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 15.

41 Angela Loureiro, Raphaël Cottin, « Le conte de fées comme partition corporelle. L'impulsion d'envoûtement dans l'effort de Rudolf Laban », Repères, cahier de danse, n° 30, 2012, p. 30.

42 Myriam Lefkowitz, Walk, Hands, Eyes (a city), Paris/ Aubervilliers, Beaux-arts de Paris/ Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2015, p. 16.

43 Gérard Genette, « Durée », Figures III, Paris, Le Seuil, 1972, pp. 122-144.

44 Angela Loureiro, Raphaël Cottin, « Le conte de fées comme partition corporelle. L'impulsion d'envoûtement dans l'effort de Rudolf Laban », Repères, cahier de danse, n° 30, 2012, p. 30.

45 Nous filons ici la métaphore de la terminologie chimique, où le « corps » désigne un ensemble de molécules, tandis qu’un « révélateur » est un produit ou une substance, utilisé notamment en photographie, pour rendre visible l’image photographique latente. In http://cnrtl.fr/definition/corps et http://cnrtl.fr/definition/revelateur, consulté le 15 décembre 2018.

46 « Ainsi du lecteur : son lieu n’est pas ici ou là, l’un ou l’autre, mais ni l’un ni l’autre, à la fois dedans et dehors, perdant l’un et l’autre en les mêlant, associant des textes gisants dont il est l’éveilleur et l’hôte, mais jamais le propriétaire ». Michel de Certeau, L’Invention du quotidien, I. Arts de Faire, Paris, Gallimard, 1990, « Folio essais », p. 252.

47 Michel de Certeau, L’Invention du quotidien, I. Arts de Faire, Paris, Gallimard, 1990, « Folio essais », p. 245.

48 Guillemette Bolens propose d’opérer une distinction entre, d’une part, le phénomène de kinesthésie, qui recouvre pour elle les « mécanismes sensori-moteurs qui régulent nos mouvements, en incluant les propriétés de projection, d’anticipation de relation entre l’aspect global (le schéma corporel par exemple) et automatique, ainsi que la perception, qui est également action simulée. D’autre part, l’analyse kinésique, en littérature, consiste à observer les moyens exacts choisis dans l’œuvre pour communiquer en faisant référence aux mouvement corporel et en générant des simulations perceptives chez le destinataire du texte. Guillemette Bolens, Le style des gestes : corporéité et kinésie dans le récit littéraire, Lausanne, éditions BHMS, 2008, p. 19.

49 Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, 2011, p. 56.

Bibliographie

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ROUQUET Odile, La tête aux pieds, Paris, Recherche en Mouvement, 1991.

Pour citer cet article

Céline Gauthier, « Déambuler dans la ville au rythme du corps.Walk, Hands, Eyes (a city) de Myriam Lefkowitz : le récit composite d’un périple sensoriel », paru dans Loxias-Colloques, 15. Traverser l'espace, Déambuler dans la ville au rythme du corps.Walk, Hands, Eyes (a city) de Myriam Lefkowitz : le récit composite d’un périple sensoriel, mis en ligne le 05 décembre 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1387.

Auteurs

Céline Gauthier

Céline Gauthier est doctorante contractuelle chargée d’enseignement à l’Université Côte d’Azur (Nice), au sein du CTEL (Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littéraire et des Arts Vivants). Sa recherche, qu’elle mène sous la direction de Marina Nordera, s’intitule « (D)écrire l’expérience du geste – poétiques et pratiques des écrits de danseurs ». Elle s’intéresse aux pratiques d’écritures des danseurs et chorégraphes contemporains, à travers l’étude d’un corpus d’ouvrages publiés au cours des vingt dernières années. Dans le cadre d’une analyse poïétique et esthétique, elle s’interroge sur les modalités de la prise de parole des danseurs par l’écriture et sur les enjeux de ces discours qui témoignent des expériences propres au métier de danseur.

Université Côte d'Azur, CTEL