Loxias-Colloques |  15. Traverser l'espace 

Paul-Antoine Colombani  : 

Le labyrinthe vidéoludique : habiter en tant que poète

Résumé

Il s’agit d’interroger la structure territoriale et narrative des jeux vidéo au regard de ce que sont les labyrinthes, c’est-à-dire des espaces clos qui deviennent le lieu de voyage du héros. L’équivocité du dédale permet d’interroger le jeu vidéo comme étant une fabrique de sens, l’aletheia – la révélation chez les Grecs – devient un mensonge disant le vrai, une phantasia qui suscite aussi bien le plaisir que l’interrogation. Le labyrinthe vidéoludique produit l’étonnement et se donne comme une énigme à résoudre. Dans un deuxième temps, nous questionnons le rapport du personnage-joueur au territoire, à la manière dont Heidegger explicite Hölderlin. En habitant, par la mesure, le labyrinthe, le joueur ne se contente plus d’un rôle de spectateur, il devient un poète-artisan, le poète-fondateur de son propre dédale.

Index

Mots-clés : Aristote , espace, jeu vidéo, labyrinthe, mythe

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

Le labyrinthe comme mythème et ludème

D’emblée, il convient de présenter ce que nous appelons « espace vidéoludique », c’est-à-dire un territoire dans un jeu vidéo. « Tout jeu est une invitation au voyage1 », tout jeu se construit comme un voyage : le départ nécessaire d’un personnage-joueur vers une destination, allant de quêtes en quêtes, racontant une destinée faite d’obstacles et d’épreuves. Le héros progresse – devient plus fort, apprend de nouvelles compétences, développe des caractéristiques. C’est, déjà, le voyage terrestre de Trézène à Athènes qui instruit le jeune adulte Thésée et transforme le guerrier en héros national,

Ces divers combats mettent en valeur la force, l’ardeur juvénile de Thésée, ce qui apporte une profondeur à sa vie et à son caractère2.

Dès lors, le héros athénien légitime le conflit (conflictus) et la rencontre (confligo) comme vecteur d’un changement et d’un accomplissement personnel ; c’est aussi son arme – son épée – et ses sandales qui lui permettent de s’affirmer comme le descendant légitime d’Egée « [ils] ne sont que des signes ; ces signes vont stimuler l’accomplissement d’une nouvelle performance [...]3 ». Le héros vidéoludique se définit au moins autant dans le contact violent avec ses adversaires que dans une altérité présente dans l’existence même du voyage. La route, sous toutes ses formes, amène l’autre vers soi et à soi, et celui-ci se constitue comme un adjuvant, un opposant ou dans une totale neutralité. La dynamis – le faire qui se change en acte – conflictuelle participe à l’émergence d’un territoire de rencontre dans le jeu vidéo qui met au prise le personnage-joueur avec d’autres personnalités.

Une fabrique de sens

L’espace vidéoludique se construit à la manière d’un labyrinthe, notamment parce qu’il rappelle les frontières infranchissables imposées au personnage-joueur ; le héros se confronte à des dédales unicursaux – labyrinth – ou multicursaux – mazes – un espace de voyage clos, généralement forclos, en couloirs ou ouvert, c’est-à-dire dont les barrières artificielles, les murs (in)visibles, ne sont pas tout de suite perceptibles par le spectateur. Marie-Laure Ryan différencie le monde et la route :

le joueur est un voyageur qui suit un itinéraire prédéterminé par les auteurs du jeu, même quand cet itinéraire comprend des embranchements qui soit se rejoignent, soit mènent à des conclusions différentes4

a contrario, le jeu-monde se déploie dans un potentiel d’activités et de missions que le joueur peut accomplir librement – ou partiellement libre. En effet, le jeu-monde offre au personnage-joueur une certaine liberté dans le voyage et autorise même la flânerie,

alors que la quête est une recherche axée sur un but spécifique, [elle] est une dérive […] ; pour le flâneur […] le mouvement dans l’espace devient sa propre fin, et fait l’objet d’un plaisir esthétique5.

Néanmoins, l’acte de contemplation n’est pas nécessairement une brique du système de jeu, il provient plutôt d’un désir – et d’un plaisir – du joueur durant le parcours d’une œuvre – contemplation des paysages, d’un cycle jour-nuit ou des actions cohérentes d’un personnage non-joueur. Pourtant, cette contemplation n’annule la dynamis conflictuelle précédemment évoquée, par exemple, les walking simulator mettent en matière un voyage de rencontre où la flânerie baudelairienne et la contemplation deviennent les éléments centraux d’un jeu vidéo. La dynamis conflictuelle donne aux productions vidéoludiques les nuances de la poésie, évoquée notamment chez Ovide lorsque Minerve admire l’harmonie de l’Hélicon où vivent les Muses (Métamorphoses, V, 254-271) ; cette allégorie d’une lumière cachée « la lumière de l’Hélicon n’est pas plus claire en effet que le "cime ombrageuse" du Parnasse6 » associe la poésie à la philosophie, dont Platon recommande plutôt la rupture. Donc, le jeu vidéo s’exprime par une double tradition : celle de l’action conflictuelle et la rencontre – plus pondérée – du côté plutôt de la contemplation et de la rêverie. Cependant, les effets produits par l’une et l’autre ne doivent pas être dissociés, ni même opposés, ils sont complémentaires et participent ensemble à lever le voile sur une lumière désormais cachée ; comme le rappelle Plutarque (Dial. Pyth. 394 A) : les poètes disent des mensonges, des fabulations, c’est-à-dire le double sens de l’image, l’équivocité d’une parole qui ment pour dire le vrai, « cette phantasia dont le nom est un paronyme de la lumière (phôs)7 ». Tout le travail du poète, du créateur donc, revient à rendre visible les ombres, sans pour autant les montrer, les mettre en lumière ; il faut connaitre par négations et comparaisons. Dès lors, le développeur de jeux vidéo se doit d’être un artisan du mensonge qui réhabilite l’efficacité de l’image, a fortiori l’efficacité de la fiction,

Ulysse est un menteur qui dit vrai parce qu’en déguisant la vérité il ne cherche pas à nuire mais à "signifier autrement"8.

Dès lors, l’aletheia – la révélation chez les Grecs – ne peut se dire simplement, Minerve elle-même doit atteindre les hauteurs afin de percevoir la lumière. Il faut bien passer par des détours, des chemins abrupts et des épreuves pour que la lueur cachée devienne pleinement lumineuse. C’est cela que suggère la forme du dédale : se perdre, non par erreur, mais par obligation ; se perdre afin de trouver les bons chemins et, in fine, admirer, comme la déesse de l’intelligence rusée, l’Hélicon des Muses.

Mysterium tremendum

Le labyrinthe vidéoludique se déploie à la fois comme structure et comme symbole : les épreuves soumises au joueur, sur les routes et dans les mondes, désignent par métaphore les détours nécessaires du voyage du héros à l’intérieur d’un dédale. Déjà, une partie du mythe théséen, « peut-être le conte le plus populaire de l’Antiquité9 », raconte cette complémentarité de l’objet et du symbole : le labyrinthe est une structure qui dit quelque chose

Ceci à l’aide de la même image, celle d’un passage long, tortueux, plein de périls et d’embuches, au fond duquel gît Quelque chose, peut-être le Monstre, peut-être le Trésor, peut-être les deux à la fois.10

Thésée devient pleinement le héros solaire, celui qui

descendra le chercher et le tuer, ce symbole du Taureau-homme – signe des forces chtoniennes tentant une ultime révolte contre l’homme ordonnateur, assujetti aux dieux, mais en même temps élève de Prométhée et des premiers législateurs – a occupé l’esprit des hommes, inspirant un nombre infini de poètes, de conteurs et de peintres11.

Le Minotaure attire et repousse, il repousse par sa monstruosité en tant que teras mais attire en tant que monstrum, c’est-à-dire l’avertissement qu’il énonce et les questionnements qu’il impose ; le spectateur revêt-il l’habit du héros théséen, a-t-il plutôt basculé dans le labyrinthe où la pilosité rappelle l’animalité et la sauvagerie de la Créature ? l’espace que parcourt et affronte Thésée12 dénote ces problèmes précisément. En effet, il n’est pas uniquement question du Minotaure mais du lieu lui-même, « l’histoire du Minotaure est co-extensive de celle du labyrinthe13 » : espace du désordre et des ténèbres,

cet espace interne sauvage ressemble d’une part aux espaces sauvages naturels qui étaient fréquentés par les hommes sauvages, et de l’autre aux cavernes, espaces internes sauvages naturels qui dans l’iconographie attique sont […] représentés par des rochers14.

Toutefois, si Thésée est victorieux par sa vigueur, Ariane, incarnation d’une force intellectuelle, lui permet de retrouver la sortie et de vaincre le territoire hostile. Dans la Grèce antique, la fille de Minos – bientôt femme de Dionysos15, dieu protéiforme qui rappelle les détours et les errements d’une forme labyrinthique – est l’objet d’un culte, symbole du Soleil et de l’ambivalence « car elle avait un côté joyeux et un côté douloureux, funèbre et lamentatif16 ». Dionysos est le dieu qui contraint à sortir de soi, d’où cet héritage des bacchanales puisque l’alcool et les drogues font surgir une part enfouie de nous-même. Le labyrinthe permet – et favorise – une perdition, géographique et intérieure : la perte des repères et la découverte de lieux cachés. Perdre son chemin comme perdre une identité et ne les retrouver qu’en devenant un autre ou en laissant exprimer ce qui est soi. Nicolas de Cues suggère que l’étonnement (a-maze-ment) et les conjectures, soit les doutes et les suppositions du labyrinthe, favorise l’engendrement d’une pensée qui reconsidère l’ignorance – la docte ignorance – comme un auxiliaire de l’imagination. Dans Rise of the Argonauts17, l’agora, placé au centre, est plongée dans la lumière et les territoires centripètes se déploient dans une profonde obscurité, prétexte à faire émerger des créatures inhumaines, incarnées notamment par la Méduse, « dans la mise en espace de l’île de Kythra, […] les missions de Jason […] le poussent à la parcourir dans un mouvement complexe de va-et-vient entre le centre de l’espace urbain, l’agora, et le reste de l’île » ; la confusion produite par cet éclatement du territoire insulaire suscite l’impression d’un labyrinthe, d’une perdition, dans lequel le personnage-joueur se retrouve piégé, et qu’il doit résoudre afin de s’en échapper : « demeure à l’échelle du monde, elle est le monde18 ».

Ainsi, le territoire vidéoludique ressemble – non pas en tant que copie passive mais comme mimêsis aristotélicienne – à un labyrinth et un maze, à la manière notamment dont Michel Butor envisage la ville de Bleston dans L’emploi du temps.

Jacques Rivel est « entré » dans la ville […] en octobre. Au début de son séjour, il tente d’en sortir, de se rendre à la campagne, en vain […]. Pendant les premières semaines, il demeure un étranger, « rôdant à la surface de la ville » avec l’impression de tourner « autour d’un mur, mystifié par des portes en trompe-l’œil ou des personnages en trompe-l’œil »19.

Le labyrinthe à plusieurs voies – dit multicursal – représente une complexité à l’état structurel : les détours, les choix, les erreurs et les retours en arrière symbolisent aussi bien l’art des opposés de Bovelles et Nicolas de Cues qu’une pensée complexe d’Edgar Morin, nécessaire pour saisir l’équivocité du monde et de l’identité humaine. Faire l’expérience du labyrinthe, en action ou en acte, équivaut à se confronter à une configuration particulière, dérangeante et qui nécessite une métis ; il est une énigme à résoudre, énigme qui s’apparente à une vérité métaphorique qui réside dans le processus tâtonnant et heuristique d’un énoncé en quête d’un monde. Le labyrinthe n’est donc pas simplement un rite, il se complète lui-même en tant que legomenon, c’est-à-dire un « dit », une énonciation et une « mise en discours » à laquelle participe le jeu vidéo : un parcours énigmatique et équivoque qui invite à perdre sa raison, sa rationalité, pour en saisir toutes les subtilités et tous les contours. S’étonner (a-maze) afin de mieux déchiffrer.

Donc, le labyrinthe se caractérise aussi bien par un emballement sémantique et toutes les nuances dans sa représentation architecturale : a-centrique, mono- et polycentriques, centrifuge ou centripète. Difficile, dès lors, d’en donner une définition précise, « parcours tortueux, où parfois il est facile, sans guide, de perdre son chemin20 ». En effet, si sa forme contemporaine doit susciter le trouble et le bouleversement, les premières versions attestées en Egypte ancienne ne sont pas enchevêtrées, ni ne cherchent à perdre l’occupant du lieu ; ce modèle précisément sert de référence à la civilisation minoenne.

Mondes possibles et mondes multiples

Dans The Art of Computer Game Design, Chris Crawford compare les jeux vidéo à des arbres où « each brand point represent a decision made by the player21 », il ajoute :

In a maze game, each brand is neatly depicted by an intersection in the maze, and the options available to the players are visually presented as the paths available at the intersections. Thus, a maze game present a clear visual representation of the branching structure of the game22.

En effet, dans certaines productions vidéoludiques, le personnage-joueur est soumis à des nœuds décisionnels, soit des moments précis où l’interaction développe une narration particulière, où le choix réalisé développe une histoire subjective, en fonction des possibles permis par le narrative designer. Dès lors, la possibilité de sauvegarder la progression du héros avant un événement fatidique permet d’envisager tout un monde possible – et multiple – bâti par le joueur en collaboration avec des artisans vidéoludiques23. Le paradoxe du chat de Schrödinger met en lumière l’existence d’une superposition d’états et de mondes potentiellement existants : nous rappelons qu’au terme de l’expérience le chat est mort et vivant donc deux possibles coexistent ; choisir d’ouvrir la boite où repose l’animal permet de donner une tangibilité à l’affirmation de sa survivance ou de sa mort ; un monde continue d’exister tandis que l’autre meure, une réalité où désormais le chat est soit vivant soit mort. Au commencement d’un jeu vidéo, tous les choix à faire sont possibles et existent en puissance, c’est-à-dire qu’ils sont en suspension entre l’existence et la non-existence. Le choix initial perturbe les mondes possibles, certains meurent tandis que d’autres survivent mais sans que le joueur n’en prenne nécessairement conscience. Celui-ci développe des sentiments similaires à ceux de Schrödinger devant la boite fermée : le doute et l’incertitude. C’est à la conclusion de l’instant narratif – et à rebours – que le joueur peut conscientiser son labyrinthe de choix ; la boite s’ouvre et résout le problème posé par la contingence et l’éventualité des possibles : le jeu vidéo devient univoque, il est celui bâti par le joueur en collaboration. Néanmoins, ce premier commentaire de l’expérience du chat ne parait pas pleinement satisfaisant afin de saisir pleinement le spectre vidéoludique, il doit se coupler à l’interprétation donnée par le physicien américain Hugh Everett, concepteur de la théorie des mondes multiples (many-worlds). En effet, l’univers façonné par le joueur, donc par les actions de son personnage, coexiste avec l’univers différent – pourtant issu du même jeu, disons ici de la structure ludique – crée soit par le même joueur ou un autre opérateur. En somme, deux possibilités sont à envisager : « A » débute l’histoire d’un jeu « A’« , il réalise des choix particuliers qui tissent une histoire « A1 ». Puis, il décide de recommencer le jeu, réalise de nouveaux choix et produit une histoire « A2 » toujours située dans « A’« . En outre, « B » peut réaliser des actions tout à fait différentes de « A » et produire une narration « B1 » à partir du même « A’«24. Ainsi, le jeu vidéo mélange aussi bien l’expérience initiale de Schrödinger – une superposition de mondes possiblement existants – et son interprétation par Everett, c’est-à-dire l’existence de plusieurs univers ayant un point commun ; en effet, il ne s’agit pas simplement d’univers parallèles mais d’un univers identique – celui d’un jeu vidéo – qui, à partir d’un point de scission – le nœud décisionnel – développe plusieurs sous-espèces de mondes singuliers, « le trajet pourra alors avoir plusieurs fins en fonction des décisions accumulées du joueur25 ». Le roman numérique japonais Virtue’s Last Reward26 est une mise en application de l’expérience de Schrödinger interprétée selon la théorie d’Everett : les agissements et les choix des personnages-joueurs développent des mondes différents à l’intérieur d’une même structure ludique, des territoires détachés les uns aux autres mais où peut, néanmoins, se rendre le joueur afin d’agir différemment et constater les résultats des dilemmes. Dans Énergie noire, Michel Cassé évoque un plurivers,

à partir d’une perle de vide, tout un univers se déploie, le nôtre, mais pourquoi y aurait-il eu une seule perle ? Un seul big-bang ? On peut très bien imaginer des univers parallèles à celui que nous connaissons […]. Ainsi, il n’y aurait pas un espace-temps unique, mais une pluralité de cosmos procédant chacun d’une bulle causale. Avec, chaque fois, un big bang27.

Le choix dans le jeu vidéo conduit à produire des virtualités différentes, « la création ne serait pas unique […] il n’y aurait pas un univers, mais des univers28 ».

Ainsi, la polymorphie du labyrinthe évoque tout à fait les infinités de mondes et de territoires possibles dans le jeu vidéo, des plurivers,

Boris Beaude s’appuie sur les apports de la philosophie leibnizienne et kantienne pour nous inviter à prendre "au sérieux" les espaces vidéoludiques. Il propose de les considérer non pas comme de simples représentations de l’espace réel, mais bien comme de véritables "territoires" aux qualités multiples : ils sont hybrides, interactifs et réticulaires29.

Nous l’avons dit : la forme dédalique se concrétise aussi dans l’intrigue d’un jeu vidéo, faite d’embranchements, de carrefours narratifs et de situations diégétiques optionnelles, à considérer comme des foyers de tension narrative. Le jeu vidéo amalgame un récit complet – un scénario principal – et un contenu narratif secondaire – souvent plus faible. À ceux-ci s’ajoutent ce que Roland Barthes a nommé un effet de réel soit, dans le jeu vidéo, des éléments qui participent à la cohérence et la crédibilité d’un jeu vidéo. En effet, au-delà d’une technique photoréaliste qui consiste à calquer le réel, il s’agit de rendre vraisemblable – ce qu’on appelle l’horizon d’attente – un territoire, divisé en biomes, ainsi qu’un environnement ; dès lors, l’interaction devient plurielle et les personnages non-joueurs mènent une vie personnelle, travaillent, cheminent et réagissent aux actions du héros, qu’elles soient liées à sa personne ou à un contexte narratif plus global. Se détachent deux manières de dire le réel : par une fidélité visuelle – l’image en tant que calque – ou environnementale – la cohérence du territoire et de ses étants. Néanmoins, ce virtuel-réel équivaut à un pis-aller, dont la critique est déjà formulée par Platon, c’est-à-dire éloigné de trois degrés de la réalité – nous le suggérons sans l’aborder pleinement ici.

Nous voulons supposer que le personnage-joueur ne se contente pas de parcourir un espace vidéoludique, un labyrinthe structurel et narratif, mais qu’il est une force autoritaire qui agite et habite ce qu’il traverse. À ce titre, l’interprétation par Heidegger du vers d’Hölderlin, « plein de mérites, mais en poète, / l’homme habite sur cette terre », instaure cette radicalité de l’acte de création comme habitation du monde.

Métaphore

« Le jeu se trouve considéré comme une métaphore, un symbole du monde30 ». Les jeux vidéo utilisent la génération procédurale afin de créer des territoires aléatoires dont la taille, potentiellement infini, dépasse a priori le cadre d’un labyrinthe ; pourtant, l’espace labyrinthique peut tout à fait être envisagé dans une infinité de couloirs et de chemins, créée à mesure que le personnage-joueur les parcourt et en atteint les frontières, frontières sans cesse franchies mais ne cessant pas, néanmoins, d’être présentes en puissance. Dès lors, l’espace vidéoludique contraint le joueur à prendre en considération des lieux finis, un environnement géométrique clos,

il devient possible de se perdre, d’oublier son chemin sauf à réinscrire soi-même des signes, des codes dans un monde qui est parvenu à se défaire de l’emprise des signes et du code31.

Nous suggérons que le joueur doit l’habiter en tant que poète, « par le "bâtir" (bauen). En tant que faire habiter, la poésie est un "bâtir" (bauen)32 ». Dans Minecraft33, l’opérateur devient l’être virtuelle d’une habitation tout autant virtuelle, c’est-à-dire qu’il ne s’exprime plus via le langage créateur – le Verbe – mais l’outil du maçon qu’est la pioche, et renoue ainsi avec un art comme technê. Toutefois, la fantaisie de se croire être créateur est identique

l’homme se comporte comme s’il était […] le maitre du langage, alors que c’est celui-ci au contraire qui est et demeure son souverain34.

L’acte de construction dans Minecraft est soumis aux possibilités du jeu – si l’espace est infini, donc l’objet peut l’être possiblement lui-même – sa finitude réside dans les manières de l’édifier, dans l’utilisation d’un langage du jeu vidéo, c’est-à-dire les matériaux, les couleurs ou le bien mobilier. Pour Heidegger, l’expression d’Hölderlin « sur cette terre » affirme l’attachement du poète au monde sublunaire « c’est la poésie qui tout d’abord conduit l’homme sur terre, à la terre, et qui le conduit ainsi dans l’habitation35 ». L’acte de création vidéoludique ne détache pas le joueur du réel mais l’insère dans une virtualité : la poiein, l’activité poétique en tant que mythoplastês « fabricant de fictions ». L’opérateur du jeu ne survole pas la terre, il s’inscrit dans un territoire, de la même manière que l’être de la poésie « ne l[e] dépasse pas pour quitter et planer au-dessus de [lui] » ; il s’inscrit, au contraire, dans une démarche cohérente avec une réalité devenue, dans un temps et un espace, virtuelle. Le dunaton, c’est-à-dire, chez Aristote, ce qui est en puissance devient en acte se renverse : ce qui est en acte peut devenir en puissance, l’arbre imaginée à partir d’une graine peut redevenir cette graine dans l’espace de la virtualité, par l’acte même de l’imitation aristotélicienne. C’est exactement ce que permet Minecraft : considérer les éléments issus du réel comme des éléments de jouabilité, comme des artefacts qui peuvent être implantés et transformés par l’acte de jouer, a fortiori celui de bâtir. À ce titre, des mash-up packs36 sont régulièrement proposés aux joueurs afin de diversifier leurs créations.

Habiter le jeu en tant que poète

Martin Heidegger propose de définir l’habitation du poète comme étant une Dimension mesurable, « tout ce qui est spatial, pour autant qu’il a été aménagé en espace, a besoin de la Dimension, c’est-à-dire de ce en quoi il est admis37 ». L’homme admet l’existence d’une mesure en raison d’une figure tutélaire appelée Dieu, et il habite le monde et se mesure à ce dernier qu’il considère en tant qu’Inconnu. Le joueur, à son tour, se mesure par rapport à un Inconnu qui est la Règle, et in extenso le développeur qui délimite et insère la Règle dans le jeu vidéo. Si on pense, comme Hölderlin, la poésie « comme acte de mesure38 », celle-ci doit permettre de saisir la dimension limite et les possibles d’un territoire vidéoludique. De la même manière que Roger Caillois39 ou Jacques Henriot40 pensent le jeu dans la limite de ce qui est – et reste – jeu, la mesure permet de conscientiser la Règle : « apercevoir cette mesure, en mesurer toute l’étendue et la prendre comme mesure, cela pour le poète s’appelle : être poète (dichten)41 ». Ainsi, pour habiter le jeu vidéo l’opérateur doit en prendre la mesure, trouver et comprendre la Dimension, ainsi que l’existence de la Règle. Celle-ci, d’abord inconnue, devient, par la mesure et l’habitation, toujours insaisissable physiquement mais perceptible mentalement. Les didacticiels implantés au début d’un jeu vidéo permettent d’emblée de délimiter l’impossible et le possible, ce que la Règle virtuelle autorise et interdit. Toutefois, elle peut être brisée par le biais de la triche ou renouvelée par un gameplay émergent, c’est-à-dire des combinaisons d’actions découvertes et expérimentées par le joueur lui-même. Donc, si l’homme « peut sans doute faire obstacle à cette mesure, la diminuer ou la fausser, […] il ne peut s’y soustraire42 ». Toutefois, la Règle peut rester inconnue si le joueur n’entreprend pas le voyage dans le lieu, ne perçoit pas les limites du labyrinthe : non pas simplement atteindre la fin du territoire, mais savoir et percevoir ce que le personnage peut pleinement y faire. Dans No Mans’s Sky43 – autre figure du jeu vidéo procédural – l’infinité de l’espace est brisée par des lieux définis, c’est-à-dire des planètes mesurables tant en distance qu’en possible ludique. Se percutent, dès lors, l’infinie exploratoire et les territoires quantifiables par la taille et la densité. En effet, chacune se suppose comme un lieu de découvertes et de ressources nécessaires à la survie du personnage-joueur. Dès lors, si ce dernier peut faire l’expérience de l’immesurable, c’est en complémentarité avec l’acte de mesure : le quantifiable permet de supporter l’in-quantifiable, de prendre conscience de son existence et de l’existence d’un Inconnu renouvelé. Dès lors, l’espace vidéoludique de No Man’s Sky ne cesse de se décomposer (diakrotein) – l’infini – et de se recomposer (synkrotein) – la mesure – animé tout à la fois par ces deux pouvoirs, ces deux dynamis complémentaires. Ainsi, comme l’affirme Heidegger, « la poésie édifie l’être de l’habitation44 » : l’homme ne bâtit pas simplement des lieux de vie – des immeubles et des maisons – mais habite sur cette terre par la mesure, par l’acte de mesurer. Néanmoins, cela suppose que seuls les poètes peuvent habiter le monde – dans le cas d’un territoire fictif, la question ne semble pas se poser puisque tout joueur devient nécessairement un artisan puisqu’il « fait » tout au long du jeu. Heidegger propose d’y répondre par un excès de mesure et non le manque supposé de l’homme non-poète. En fait, le philosophe allemand affirme que celui qui est non-poète est celui qui agit avec fureur, non celui qui ne peut agir. Ainsi, c’est l’excès de mesure qui participe à détruire l’habitation. Le joueur, quant à lui, se situe dans une perspective somme toute différente : nous l’avons dit, sa capacité à habiter un territoire – et à devenir poète – provient aussi bien de son faire et de son non-faire, dans une complémentarité de la mesure et l’excès de calcul. En effet, il devient poète quand il parcourt un territoire avec cadence ou quand il s’enferme dans un désir exploratoire jusqu’aux limites de la Règle, jusqu’à saisir tout l’inconnu originel. Connaitre toute la règle ne supprime son statut de poète, au contraire, cette connaissance renforce son positionnement sur le territoire, l’Inconnu devient connu mais le statut d’artisan du joueur, de créateur, ne change pas. La narration enregistre définitivement l’acte d’habiter, c’est-à-dire cette capacité à bâtir une histoire et à raconter au-delà d’un discours initial, à dépasser le cadre pour se proposer et vivre un discours personnel, ce que les anglo-saxons nomment le role-play. Cette sur-histoire participe d’une naissance symbolique du joueur, ce que suggère Roland Barthes :

dans les sociétés ethnographiques, le récit n’est jamais pris en charge par une personne, mais par un médiateur, shaman ou récitant45.

C’est donc moins la mort d’un « Auteur-Dieu » qui nous intéresse que la naissance du joueur : le rédacteur laisse la place à celui qui dit, « un espace à dimensions multiples, où se marient et se contestent des écritures variées46 », il laisse la possibilité à l’opérateur de parler avec son langage, son ton de voix, ses détours et ses retours ; il s’agit toujours, in fine, de cet aède qui chante et apporte au texte les modulations de sa voix. Le gameplay émergent participe lui-aussi de cette réappropriation de l’œuvre par le joueur, un jeu-autre qui fonde et refonde le gameplay initial, potentiellement détourné, corrompu et réutilisé. En effet, dans le premier Deux Ex le joueur peut, par exemple, escalader des murs en dévoyant l’usage d’un objet, et dans pléthore de jeux pratiquer le speed-run en utilisant des raccourcis et des bugs. En somme, le jeu vidéo s’apparente à une pratique du ready-made de Marcel Duchamp où l’artiste devient un « opérateur » qui dépend du sujet qui regarde et interagit avec l’œuvre, « defined by context and completed by a spectator’s response47 ». Enfin, la narration environnementale, ou narration par l’objet, participe de cette considération d’un public-joueur ; le récit ne se déploie plus uniquement à travers des séquences audiovisuelles préprogrammées – qui empruntent tout un langage cinématographique – mais par des éléments diégétiques dispersés dans le territoire d’un jeu vidéo, qu’il s’agisse d’un contenu audio, littéraire ou visuel auxquels le joueur peut décider de ne pas prêter attention. Ces derniers apportent un surplus d’informations, de connaissances, au sujet de l’histoire.

Dans la série de jeux vidéo Dark Souls48, la narration se transmet essentiellement par le biais de l’environnement : il s’agit ensuite de décortiquer les informations réceptionnées au gré du voyage et tisser une toile qui permet d’établir des liens entre elles. La construction – et la réception – du récit-cadre passent par la description d’objets, les dialogues des personnages non-joueurs ou la musique. Dès lors, elles produisent nécessairement un conflit des interprétations tant le recoupage des données esséminées nécessite pour le joueur de s’en saisir en en faisant un commentaire.

In fine, nous en revenons à notre propos initial : soit l’importance donnée à la lumière et à une énigme labyrinthique : l’histoire de Darks Souls est cachée, plus que cela, cryptique, elle soumet le joueur à de continuels questionnements, à des allers et retours entre ce qui est montré, dit et suggéré. Rarement une œuvre vidéoludique ne nous a paru aussi bien perdre le joueur, dans le dédale de son territoire et dans sa narration fragmentée, dans les doutes et les questions que celle-ci suscite. Finalement, nous le pensons : le labyrinthe ne se crée pas par l’auteur, il est une constatation du joueur, replacé dans la position d’Orphée admirant une dernière fois l’ombre d’Eurydice ; il aperçoit en jetant un coup d’œil en arrière, par-dessus son épaule, que le labyrinthe a été bâti par lui, qu’en habitant en tant que poète il a créé le labyrinthe vidéoludique, il a été legomenon, il a « dit », selon sa voix et ses modulations.

Conclusion

Le jeu vidéo rejoue une confabulation, soit chez Boccace une manière de parler par figures. Nous retrouvons chez l’auteur italien un art de penser aristotélicien : par l’image et la métaphore :

la fable est un discours exemplaire ou démonstratif sous couvert de fiction, dont une fois ôtée l’écorce se révèle l’intention du fabulateur. […] Et ce que le poète nomme fable ou fiction, nos théologiens l’ont appelé (vocavere) figure49.

Nous disons que le jeu vidéo peut renouer avec une ambiguïté poétique, avec une équivocité des mythes puisque le langage-créateur l’est aussi.

Il est le poète, celui qui fait être. Et ce poète n’interdit rien, n’impose rien, ne donne pas d’ordre, ne promet rien : il dit. Et ce faisant, il ne révèle rien – il n’y a pas de révélation –, il rappelle. Il rappelle ce qui a été et ce qui est en même temps le linéament de ce qui est, de ce qui peut être.50

Le labyrinthe dit cette impossibilité de saisir une image – une figure – par le prisme de l’univocité ; tout ce que fait le mythoplastês est ambigu et nécessairement plongé dans une obscurité – ou dans une lumière aveuglante. Il faut se perdre dans le dédale pour trouver la réponse de l’énigme, pour comprendre que le fil d’Ariane est lumineux. Dès lors, les jeux vidéo soulignent, à leur tour, cette difficulté de saisir ce qui est dit : la bonne action de la mauvaise, le vice de la vertu ; ne connaissant pas la conséquence tragique de son choix, essayant de savoir ce qu’il adviendra dans les couloirs du dédale, le personnage-joueur tâtonne, hésite et prend le risque de résoudre l’énigme. Néanmoins, nous ne pensons pas que celui-ci se contente de parcourir un territoire, il l’habite par ce qu’il fait, parce qu’il est poète ; il se confronte à la Règle et devient pleinement le joueur-artisan, le joueur-créateur d’une structure et d’une histoire. Il habite en tant que poète et nait en tant que joueur dans le labyrinthe.

Notes de bas de page numériques

1 Hovig Ter Minassian, Samuel Rufat, Samuel Coavoux (dir.), Espaces et temps des jeux vidéo, Paris, Éditions Questions théoriques, 2012, Collection Lecture Play, p. 5.

2 Geneviève Cornet, « Les aventures de Thésée lors de son voyage de Trézène à Athènes. Transfiguration d'un jeune aventurier en héros national », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n° 1, mars 2000, http://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_2000_num_1_1_1972, p. 28-29. Consulté le 12 décembre 2018.

3 Claude Calame, Thésée et l’imaginaire athénien. Légende et culte en Grèce antique, Paris, Éditions Payot, 1990, p. 71.

4 Marie-Laure Ryan, « L’expérience de l’espace dans les jeux vidéo et les récits numériques », Cahiers de Narratologie, n° 27, 2014, http://narratologie.revues.org/6997, p. 7. Consulté le 10 décembre 2018.

5 Marie-Laure Ryan, « L’expérience de l’espace dans les jeux vidéo et les récits numériques », Cahiers de Narratologie, n° 27, 2014, http://narratologie.revues.org/6997, p. 7. Consulté le 10 décembre 2018.

6 Françoise Graziani, La pensée fossile, mythe et poésie d’Aristote à Vico, thèse pour le grade de docteur d’état en littérature comparée, sous la direction de Marc Fumaroli, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2010, p. 40.

7 Françoise Graziani, La pensée fossile, mythe et poésie d’Aristote à Vico, thèse pour le grade de docteur d’état en littérature comparée, sous la direction de Marc Fumaroli, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2010, p. 111.

8 Françoise Graziani, La pensée fossile, mythe et poésie d’Aristote à Vico, thèse pour le grade de docteur d’état en littérature comparée, sous la direction de Marc Fumaroli, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2010, p. 148.

9 Paolo Santarcangeli, Le livre des labyrinthes histoire d’un mythe et d’un symbole, Paris, Éditions Gallimard, 1974, p. 40.

10 Paolo Santarcangeli, Le livre des labyrinthes histoire d’un mythe et d’un symbole, Paris, Éditions Gallimard, 1974, p. 14.

11 Paolo Santarcangeli, Le livre des labyrinthes histoire d’un mythe et d’un symbole, Paris, Éditions Gallimard, 1974, p. 14.

12 Un élément est surprenant : le labyrinthe minoen est unicursal, or il est certain que celui parcouru par Thésée est tortueux, en atteste le fil d’Ariane, donc multicursal. Les mythographes n’avaient-ils pas conscience de l’existence d’un dédale typiquement crétois ou ont-ils cherché à imposer, par l’intermédiaire de ce mythe théséen, un labyrinthique devenu vecteur d’une culture athénienne et qui enterre définitivement la civilisation minoenne ? Nos recherches n’ont jamais été concluantes, nous laissons donc cette réflexion en suspens.

13 André Peyronie, « Le Minotaure », Dictionnaire des mythes littéraires, Monaco, Éditions du Rocher, 1988, p. 1025.

14 Christiane Sourvinou-Inwood, « Le Minotaure et les autres. Images et perceptions », Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 9-10, 1994, http://www.persee.fr/doc/metis_1105-2201_1994_num_9_1_1025, p. 231. Consulté le 12 décembre 2018.

15 Appelé aussi Phanès soit le Lumineux.

16 Christiane Sourvinou-Inwood, « Le Minotaure et les autres. Images et perceptions », Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 9-10, 1994, http://www.persee.fr/doc/metis_1105-2201_1994_num_9_1_1025, p. 24.

17 Rise of the Argonauts, Liquid Entertainment, Codemasters, 2008.

18 Jorge Luis Borges, L’Aleph, trad. Roger Caillois, René L.-F. Durand, Paris, Éditions Gallimard, 1997, collection L’imaginaire, p. 89.

19 Nicole Taillade, L'œuvre littéraire et le labyrinthe (Le Château de F. Kafka, L'Aleph de J.L. Borges, L'Emploi du temps de M. Butor), Littératures 31, automne 1994, https://doi.org/10.3406/litts.1994.1673, p. 134-135. Consulté le 12 décembre 2018.

20 Paolo Santarcangeli, Le livre des labyrinthes histoire d’un mythe et d’un symbole, Paris, Éditions Gallimard, 1974, p. 46.

21 « chaque point marqué signifie une décision prise par le joueur » (Notre traduction), The Art of the Computer Game Design, Chris Crawford, version numérique (Kindle), pas de pagination, E. 593.

22 « Dans les jeux de labyrinthe, chaque point marqué est simulé explicitement par une intersection dans le labyrinthe, et les options disponibles pour le joueur sont présentées visuellement comme les chemins possibles à une intersection. Ainsi, un jeu de labyrinthe expose une représentation visuelle claire de la structure en ramification d’un jeu » (N.T.), E. 593.

23 Ou inversement. D’un point de vue chronologique, le développeur arrive en premier dans l’acte de création qui n’est qu’actualisé par le joueur dans l’acte d’opération. Pourtant, le jeu vidéo signifie – presque définitivement – la mort de l’auteur initial, puisque le jeu est réalisé par le joueur, qui crée son propre joué dans le territoire de jeu. Ses actions sont certes fondées sur un système de jeu unique, sur une base théorique et pratique similaire à tous les joueurs, mais que celui-ci se réapproprie et re-produit, dans un lien évident avec la mimêsis aristotélicienne.

24 La question subsidiaire – et hautement philosophique – est : laquelle de ces histoires est la plus « vraie » ? vers quelle vérité faut-il se tourner ?

25 Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, Paris, Éditions La Découverte, 2017, p. 61.

26 Virtue’s Last Reward, Spike Chunsoft, Aksys Games / Spike Chunsoft, 2012.

27 Yannick Haenel (dir.) et François Meyronnis (dir.), Ligne de risque, 1997-2005, Paris, Éditions Gallimard, 2005, Collection L’infini, p. 179.

28 Yannick Haenel (dir.) et François Meyronnis (dir.), Ligne de risque, 1997-2005, Paris, Éditions Gallimard, 2005, Collection L’infini, p. 179.

29 Hovig ter Minassian, Samuel Rufat, Samuel Coavoux (dir.), Espaces et temps des jeux vidéo, Paris, Éditions Questions théoriques, 2012, Collection Lecture Play, p. 19.

30 Kostas Axelos, Réponses énigmatiques, Paris, Les Éditions de Minuit, 2005, Collection Arguments, p. 29.

31 Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, Paris, Éditions La Découverte, 2017, p. 65.

32 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 227.

33 Minecraft, Mojang, Sony Interactive Studios / Microsoft Studios, 2011.

34 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 227.

35 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 230.

36 Packs de textures et de peaux qui permettent d’habiller l’environnement du jeu Minecraft : mythologie chinoise, mythologie grecque ou inspiré d’autres jeux vidéo : Fallout, Skyrim, Super Mario, ou de fêtes populaires comme Halloween.

37 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 233.

38 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 238.

39 Roger Caillois, Les jeux et les hommes : le masque et le vertige, Paris, Éditions Gallimard, 1992, Collection Folio Essais.

40 Jacques Henriot, Le jeu, Paris, Editions Les presses universitaires de France, 1969, Collection Sup.

41 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 238.

42 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 234.

43 No Man’s Sky, Hello Games, Hello Games, 2016.

44 Martin Heidegger, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Éditions Gallimard, 1958, Collection Tel, p. 236.

45 Roland Barthes, Œuvres complètes, t. III, Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 61.

46 Roland Barthes, Œuvres complètes, t. III, Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 65.

47 « Défini par un contexte et complété par la réaction du spectateur » (N.T.) Caroline Fischer (dir.), Anne Debrosse (dir.), Intermédialité, Paris, Collection Poétiques comparatistes, 2015, p. 8.

48 Dark Souls, FromSoftware, Bandai Namco Entertainment / FromSoftware, 2011.

49 Boccace, Généalogie des Dieux XIV, 9 (sur l’utilité des fables) in : Françoise Graziani, La pensée fossile mythe et poésie d’Aristote à Vico, thèse pour le grade de docteur d’état en littérature comparée, sous la direction de Marc Fumaroli, Paris, Université Paris-Sorbonne, 2010, p. 198.

50 Cornelius Castoriadis, Ce qui fait la Grèce 1. D’Homère à Héraclite, Paris, Editions Seuil, 2004, Collection Couleur des idées, p. 95.

Pour citer cet article

Paul-Antoine Colombani, « Le labyrinthe vidéoludique : habiter en tant que poète », paru dans Loxias-Colloques, 15. Traverser l'espace, Le labyrinthe vidéoludique : habiter en tant que poète, mis en ligne le 05 décembre 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1369.

Auteurs

Paul-Antoine Colombani

L’auteur est inscrit à l’Université de Corse Pasquale Paoli UMR CNRS Lisa sous la direction de la Professeure Françoise Graziani. Son sujet de thèse, en littérature comparée, s’intitule « Mythologie, littérature et intermédialité : formes et enjeux de la réactualisation de la mythologie grecque dans les jeux vidéo ».