Loxias-Colloques |  14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance 

Philippe-Alexandre Gonçalves  : 

Modification de l’idée de tolérance au Portugal du XIIe au XVIe siècle

Résumé

La proposition soumise se veut être une compréhension de l’évolution de la tolérance entre juifs, maures et chrétiens au sein d’un Portugal en pleine mutation. L’idée de tolérance ne cesse de se modifier du XIIe au XVIe siècle. D’une part, elle définit celui qui ne partage pas le mode de vie de l’autre, mais qui est accepté de par son apport fondamental dans la construction du pays. D’autre part, elle n’existe que partiellement pour celui n’étant pas chrétien, à condition de se plier aux exigences de l’élément dominant. La refonte de l’idéologie de tolérance est mise en œuvre tant par l’Église que par des enjeux politiques. Le Portugal passe de l’acceptation de tous à l’obligation de se rassembler sous une même identité. La voix de la tolérance, dans la signification d’ouverture et d’acceptation, trouvera de moins en moins d’écho, jusqu’à la législation de la tolérance forcée à la fin du XVe siècle.

Abstract

This proposal intends to clarify the evolution of tolerance’s lemme, between Jews, Moors, and Christians, in rapidly changing Portugal. The idea of tolerance is in constant change from the 12th century to the 16th century. On the one hand, the tolerance defines those who does not share the same way of living of the other, accepting it for what he brings to the development of the country. On the other hand, tolerance exists only partially for those who are not Christian, provided they comply with the requirements of the dominant element. The recasting of the tolerance’s ideology is implemented by the Church and the royal politics. Portugal is moving from the acceptance of all to the obligation to gather everyone under the same identity. The voice of tolerance, in the meaning of openness and acceptance, will find less and less echo, up to the legislation of forced tolerance at the end of the 15th century.

Index

Mots-clés : coexistence , Portugal, religion, tolérance

Keywords : coexistence , Portugal, religion, tolerance

Géographique : Portugal

Chronologique : XIIe-XVIe siècles

Plan

Texte intégral

En 1536, l’Inquisition s’installe au Portugal, suite à la demande du roi Jean III. Débute alors les procès et condamnations, ultime étape de l’unification religieuse du pays, initiée par le décret de 1496, sous l’égide du roi Manuel Ier, père de Jean III.

Ce décret met un terme aux minorités religieuses et culturelles, installées au Portugal. Les concernés sont les juifs et les maures. Le roi leur laisse dix mois pour se convertir au catholicisme par le baptême ou subir un exil forcé.

La cause de cette loi en est double et les causes proviennent du royaume voisin de Castille. La première en est l’expulsion des Juifs en 1492. Celle-ci provoque une arrivée massive de la communauté espagnole juive au Portugal et inquiète une partie de la bourgeoise lusitanienne. La seconde, d’ordre politique, est une obligation contractuelle des Rois Catholiques pour que le roi Manuel Ier puisse épouser leur fille Isabelle. Elle stipule l’expulsion des Juifs du royaume dans les plus brefs délais. Sous cette double pression, et pensant pouvoir, malgré tout, gagner sur tous les fronts, le roi promulgue l’arrêt d’expulsion des Juifs, mais également, alors qu’ils n’étaient en rien concernés, celui des Maures. La finalité en sera la conversion forcée, regroupant tous les habitants du pays sous la même bannière : le catholicisme.

Cet arrêt met fin à une période de coexistence et de tolérance établie dès le début du règne d’Alphonse Ier, premier roi du Portugal, au XIIe siècle1. Devenu majoritairement chrétien, le pays ne tente à aucun moment d’imposer la religion ou la conversion forcée. Les idées et directives de ce roi seront rédigées dans les Ordonnances Alphonsines2, achevées en 1448. Ces ordonnances mettent en lumière, dans le livre II (sur les quatre que compte l’ouvrage), la façon dont s’organise la législation envers les maures et les juifs, en nous fournissant la trace écrite d’un système législatif qui s’inscrit tant dans le système juridique, religieux, que dans le domaine socio-économique.

Sur la question de la tolérance au Moyen Âge, ce terme et cette notion n’existaient pas et n’étaient donc pas employés. Albrecht Classen écrit à ce sujet : « The Middle Ages and the early modern age were certainly not ripe with ideas about tolerance, but the concept of toleration was well in place already then3 ».

La conversion de l’autre au christianisme n’est pas une préoccupation de la vie portugaise avant le XVe siècle. Le respect des convictions d’autrui, tout en sachant qu’il est dans l’erreur, en comparaison de sa propre religion, est coutume à cette époque. La lecture des évangiles4 ou des lettres de Saint Paul5 renvoient à cette tolérance de l’autre. C’est dans le royaume de Dieu qu’il sera jugé et non sur terre. Des penseurs de l’Église, tel Saint Thomas d’Aquin, appuient cette idée de l’amour de l’autre et de laisser Dieu juger des actions et péchés qui sont les leurs.

C’est sous cette vision que sera étudiée la question de la tolérance au Portugal jusqu’au début du XVIe siècle. Autour d’elle s’organisent un mode de vie et une construction sociétale particulière pouvant rappeler les ghettos de nos jours selon Saraiva : « A gente da nação hebraica vivia na suas comunas privativas, as aljamas ou judiarias, nome português de ghetto, onde tinham as suas siagogas6 ».

Il serait cependant erroné de faire un rapprochement, les situations étant différentes. De nombreuses archives et cartes permettent d’avoir une déduction précise des différentes manières dont le concept de tolérance s’est mis en place et ancré dans la société portugaise. Ce concept de tolérance est à distinguer d’avec le tolérantisme, prohibé par les institutions religieuses.

Les deux acceptations originelles et essentielles du mot de tolérance dans la langue de l’Église : tolérance de fait, « tolérance civile » ; et tolérance de droit, « tolérantisme ». La tolérance civile est une attitude politique, admise par l’Église en certains cas ; le tolérantisme est une hérésie, puisqu’il consiste à admettre comme équivalent aux yeux de Dieu les divers cultes et les diverses religions7.

Des écrits, provenant par les Chrétiens et les Juifs permettent d’étayer les propos développés. Aucun document mauresque n’est connu à ce jour. Brûlés, embarqués par les Maures durant leur fuite, aucun écrit significatif n’a été porté à la connaissance du public à ce jour, de ce fait il est difficile de rendre compte de la pensée de cette communauté8. Le clivage judéo-chrétien s’impose comme fil conducteur.

La religion est la partie mise en avant pour distinguer les différentes populations au Portugal à cette époque. C’est sous ses auspices que se régit le rythme de la vie et des traditions. L’appartenance religieuse fait partie intégrante de l’identité d’un individu. Les minorités juives et musulmanes possédant un fonctionnement théocratique, la dimension politique et religieuse est indissociable. Tous se considèrent et sont considérés comme portugais, même si l’histoire n’inclura sous cette mention uniquement les Chrétiens, en partie suite à l’impact de l’Inquisition sur la société.

L’axe principal de réflexion a pour but de déterminer si ce sont les directives politiques et religieuses de cette époque ou une adaptation vis-à-vis d’un bouleversement social au sein de la société portugaise qui modifièrent la signification du terme tolérance.

I. Société de coexistence et systèmes de tolérance collective

Une fois la conquête portugaise achevée par la dynastie de Bourgogne, la population portugaise se dénombre comme suit : les Chrétiens, majoritairement présents, les Juifs, estimés au nombre de 30 000 selon Tavares, soit 15 % de la population, et les Maures, moins nombreux que les juifs9, dont le nombre ne peut être évalué avec précision10 : « The absence of any precise demographic data precludes any determination of the numbers of Jews and Muslims living in medieval Portugal11 ».

Le royaume formé, la politique royale doit s’accorder avec les différentes identités culturelles en place12. En aucun cas il ne fut question de renvoyer en dehors du pays les minorités ; implantées dans le pays depuis plusieurs générations, elles jouent un rôle dans la société. S’en passer, dans un nouveau pays, reviendrait à détruire des piliers socio-économiques indispensables à la survie. Il convient de fixer le schéma de l’organisation sociétale portugaise, tel qu’il s’annonce dans les faits, afin de mieux cerner comment s’organise la tolérance ainsi que les moyens de son application envers l’autre. L’autre est celui pratiquant une religion, possédant une culture, ayant des origines différentes de soi. Le regroupement communautaire devient une logique et s’inscrit dans le sens commun de l’époque.

1.1. Les Juifs

Établis depuis le IIIe siècle, ils deviennent peu à peu sédentaires et jouent un rôle prépondérant dans le développement économique et scientifique du pays.

À la fin de la Reconquête, il est inenvisageable pour la couronne de les exclure des intérêts du pays. De plus, ils ne sont pas perçus comme vaincus, car non affiliés militairement avec les Maures : « tant qu’a duré le conflit entre chrétiens et musulmans, les Juifs ont bénéficié, à quelques exceptions près, d’une situation stable et de tolérance13 ».

Leur situation est complexe : sans appartenir à un quelconque parti, ils permettent la bonne tenue économique du pays mais ne peuvent y être assimilés à part entière de par leur mode de vie. Ils s’acclimatent aux différents changements politiques sans tenter de s’y mêler ou d’y jouer un rôle particulier. La plupart ayant une bonne situation, ils commercent quelles que soient les forces en présence.

Leur richesse provient également des secteurs financiers. Loin des activités physiques et de celles de la terre, les juifs se lancent dans les banques, le négoce de biens, la physique, la calligraphie et l’impression14, l’astronomie, la médecine…15

La communauté juive est regroupée en judiarias. Ces endroits possèdent leurs propres infrastructures (hôpitaux, écoles, lieux de culte, abattoirs, auberges…) et sont progressivement délimités du reste de la ville par des barrières au XIVe siècle et suite à l’application des directives du concile de Latran. Carsten Wilke explique à ce sujet :

Dans un contexte de liberté économique, la séparation résidentielle des juifs n’était pas forcément vécue comme une marginalisation. Longtemps, les dispositifs de clôture hermétiques prévus par les lois ne furent pas appliqués. […] Le vaste effort de réclusion et de marquage de la population minoritaire ne cherchait pas à neutraliser un concurrent incommode, mais à dresser des obstacles pour le commerce autre qu’économique : relations de voisinage, d’amitié, d’intimité…16.

Les écrits sont en hébraïques, montrant l’autonomie de ces endroits. Les judiarias sont soumises à l’autorité du roi même si celui-ci n’interfère aucunement dans l’administration ou la politique, démontrant sa tolérance envers ce peuple. Elles sont gouvernées par leurs propres magistrats, choisis par les habitants de la judaria17. Les rabbins sont habilités à rendre la justice et condamner lors des procès entre juifs ou au sein de la judiaria.

Les comunas juives jouissaient d’une organisation administrative et judiciaire indépendante, bien que calquée sur celle des conselhos chrétiens. […] Enfin les procès civils entre Juifs et Chrétiens étaient jugés par la juridiction dont dépendait l’accusé18.

Tout laisserait penser à une ville enfermée dans la ville mais les échanges extracommunautaires étaient de l’ordre du commun. La judiaria était principalement le lieu de la vie privée et de la liberté de pratiquer en toute quiétude un culte autre que celui de son voisin, l’endroit où le vecteur d’organisation sociale, la famille, peut s’épanouir. La vision que le lecteur moderne pourrait avoir sur ces lieux de vie, avec le regard actuel, doit être recalibrée sur la pensée médiévale. Le regroupement en communauté n’est pas forcé, il est une évidence : la vie s’articulant sous fond de religion, la mixité culturelle n’est souhaitée par personne, la création identitaire et la protection culturelle étant au centre des attentions. Wilke développe ces idées et le système bipartite qui en résulte :

On comprend que la transgression des limites communautaires par l’amour inquiétait les rabbins autant que les autorités chrétiennes19.

La ségrégation était donc vécue de façon ambivalente : d’un côté elle constituait une humiliation, de l’autre, elle était garante d’un espace protégé, dans lequel pouvaient se développer la vie communautaire autonome et les manifestations de l’identité culturelle20.

Au sein de la cour du roi, diverses fonctions leur sont confiées, principalement dans la médecine (Diogo Alfaro, Ayres, Emmanuel et Pedro de Vaz...), mais également dans l’astronomie : le traité Almanach Perpetuum d’Abraham Zacuto permet de créer le premier astrolabe, ou même être grand écuyer, comme le fut Mascarenhos.

1.2. Les Maures

Leur influence n’a cessé de décroître depuis la perte des régions de l’ouest de la péninsule Ibérique. Basés dans le Sud et dans la région de Lisbonne, leur économie s’articule principalement autour de l’agriculture, la cordonnerie, la tapisserie et le commerce d’huile21. Leur présence près de la frontière espagnole suggère des échanges commerciaux avec l’Andalousie, d’autant que les Maures espagnols ne seront pas inquiétés de suite lors de la Reconquista. Le droit canonique leur interdit d’exercer toute juridiction en dehors de leurs communautés, ce qui ne les empêche pas d’être intégré à la vie sociale. Ils vivent au sein des mudéjares, dans lesquelles la vie s’organise selon leur culture et leur religion, sur le même principe que celui des judiarias, même si elles sont situées en périphérie de ville, contrairement aux judiarias. Cette localisation géographique s’explique par l’implication économique des communautés dans les échanges urbains, mais aussi parce que les chrétiens s’installent là où va leur préférence.

La société portugaise de cette époque, ravagée par la guerre, la peste et les famines, disposant d’un territoire trop étendu, qui ne permettait pas une occupation totale effective, divisée par les difficultés de communication, ne disposant que d’une machine politique assez rudimentaire, présentait de nombreux espaces vides, géographiques et politiques qui pouvaient être occupés par les éléments étrangers à l’ensemble chrétien : les Juifs22 et les Musulmans23.

Sans document de leur part24, il ne reste que les textes émanant des deux autres communautés où ils se trouvent mentionnés. Ils ne sont pas perçus comme une menace effective, une fois la guerre achevée, que ce soit par leur nombre ou par le fait qu’ils n’ont jamais émis de critiques envers le roi et sa politique, selon les documents législatifs trouvés. L’opinion publique ne semble guère être gênée par la présence mauresque.

1.3. Les Chrétiens

Grands vainqueurs et représentant la majorité de la population portugaise, ils occupent les plus hautes fonctions politiques et judiciaires du pays, sous l’égide du roi. Bien que le roi soit le vassal du pape, le Portugal n’est pas un pays uniquement chrétien, d’où la coexistence religieuse établie par le pouvoir monarchique.

La bourgeoisie montante souhaite s’accaparer le pouvoir économique, mais doit se résoudre à la cohabitation avec leurs homologues juifs. Quant à la population, elle considère d’un bon œil l’organisation du pays. Hormis quelques cas isolés, aucun incident n’est à déclarer avec les minorités, chacun respectant le lieu de vie de l’autre, même si épisodiquement, la perception envers les Juifs en est autre. Sur le plan religieux, ils sont considérés comme la pire infamie, car responsables de la mort du Christ25. Néanmoins, les autorités royales reconnaissent la législation de la Tora et du Talmud et le droit aux rabbins et faqīhs de juger leurs pairs selon ces préceptes.

1.4. La complexité de la réalité et la complexité culturelle

La tolérance requiert la légalité juridique et la reconnaissance politique. Ce mot fait son apparition au XVIe siècle et désigne, originellement, « l’attitude concrète du prince à l’égard de la religion26 ». Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que l’idée de tolérance s’inscrive dans le monde profane27. Il n’empêche que la notion de tolérance existait au Moyen-Âge.

Lieux de vie délimités, religions incompatibles, conservatisme cultuel, il s’agit de comprendre sur quels accords, tacites et naturels, s’accordent ces individus qui ne partagent pas des valeurs communes dans le Portugal médiéval.

La tolérance n’est régie par aucun système, encadrée par une aucune loi dédiée. Elle est passive politiquement, car acceptée, et active quotidiennement, de par les actions de la population. Les trois communautés vivent selon leurs principes et fréquentent l’autre selon des limites qui sont les mêmes pour tous. L’organigramme judiciaire et sociale peut défavoriser les uns, les maures et les juifs, au profit des autres, les chrétiens de par leur position dans le royaume. L’acte de tolérance n’inclut pas égalité. Toujours dans l’optique médiévale, demander davantage à l’un plutôt qu’à l’autre, si l’on est l’élément dominant, ne paraît pas injuste, mais une réalité à laquelle il faut se plier. C’est le prix à payer pour être accepté dans la globalité du système existant28. Rien n’oblige à la tolérance. Ce sont les directives politiques et les mécanismes sociétaux qui permettent ou non son existence.

L’iniquité sociale la plus visible concerne les taxes. En charge eux-mêmes de collecter leurs impôts, sous la supervision du grand rabbin (le premier fut Yahia ben Yahia, nommé par le roi), les juifs sont soumis à des impôts plus lourds que n’importe qui d’autre. Ainsi, leurs taxes permettaient de financer 1/5 des besoins des défenses du royaume au XVe siècle. Leur manque d’impact politique les exclut d’un gouvernement, qui pour éviter une fuite des plus importants capitaux leur offre une protection tout en les taxant davantage en retour. Exclus des hautes sphères gouvernementales, ils ne parviennent pas à intégrer la bourgeoisie montante et se dressent en tant que principal adversaire économique pour elle. Un effort financier supplémentaire leur est demandé, sous prétexte de leurs richesses et du fait qu’ils sont minoritaires, mais ils sont eux-mêmes en charge de le collecter et de le fournir à la couronne. L’effort financier ne met pas les commerces hébraïques en péril.

L’acceptation de l’existence de l’autre induit une reconnaissance de l’individu en tant qu’entité différente. Sans y ajouter l’idée de réconciliation entre les différents partis, la coexistence avec des communautés différentes oblige à un système judiciaire équitable, dans son intégration, au sein de la même société. Le contraire signifierait la non-reconnaissance de l’autre dans le système actuel, le désir de ne pas l’accepter et engendrerait l’intolérance. Par ce fait, l’équité judiciaire est implantée au Portugal. La monarchie a toujours insisté pour que les jugements s’effectuent sans tenir de la communauté rattachée à un individu. Fernão Lopes narre l’histoire de « Comment le roi fit décapiter deux de ses familiers pour avoir volé un juif et l’avoir tué29 ». Les juges étaient indépendants du pouvoir religieux et ne répondaient qu’auprès du roi.

Les critères éthiques sont la base commune sur laquelle la société s’accorde. L’ensemble régi par une justice impartiale permet à chacun d’exister hors du contrôle d’un autre pouvoir (religieux, politique, …) et de percevoir l’autre comme son égal en matière pénale. En dehors de cette sphère, chacun s’accorde à se concentrer sur ses propres préoccupations et à reconnaître l’existence d’autrui en tant que membre à part entière de la société, bien que vivant dans un lieu différent.

Il apparaît que les juifs tout autant que les chrétiens agissaient en parfait accord avec leur identité propre en pratiquant la ségrégation30.

Le schéma de la tolérance, dans les heures de paix du Portugal, est stable et défini. Il se caractérise par ce que l’on peut obtenir de l’autre sans aller trop le brusquer et en lui laissant une marge de manœuvre lui permettant de vivre selon ses besoins. La question religieuse met en évidence la notion d’étrangers culturels, celle du pays naissant la notion d’individus nationaux et territoriaux sous une même idéologie politique, reconnaissant le même monarque.

II. Altérité et limites de la tolérance

2.1. Les perceptions de l’autre

La vision de l’autre est biaisée, par manque d’implication dans ses coutumes. L’acception se fait dans la permissivité des traditions d’autrui et le respect des traditions de celles-ci. Il en découle des lieux de vie mis en commun, sous ce prisme de l’acceptation. Les mudéjares et les judiarias étant des espaces délimités, les cimetières ne pouvaient être situés dans ces espaces et deviennent le terrain de coexistence des trois religions, toutes se partageant cette terre du dernier repos. Cet acte, la sépulture étant un aspect majeur dans ces trois religions monothéistes, est le plus représentatif de la tolérance au Portugal jusqu’à la fin du XVe siècle. Les discordances ne sont pas un frein pour la libre expression de l’autre, tant qu’elle s’établit dans un cadre dédié et accepté tacitement par le consensus.

Tolérer n’inclut pas l’idée de connaître l’autre. Les interdits, les histoires et les mythes s’incrustent dans cette notion. Si l’on accepte, pour diverses raisons, qu’une doctrine étrangère à nos idéaux existe, il se peut que des préjugés viennent avec la vision que l’on en a. Ainsi, entre interdits et fantasmes, la tolérance se limite par des interdits fermes et les craintes de ce que l’on ignore.

Alon Gedalyahu référence les actions que les juifs ne peuvent commettre avec un étranger, sous-entendant une personne d’une autre confession. En voici quelques-unes31 :

- Interdiction de mariage et de relations sexuelles avec une autre communauté.

- Interdiction de partager la nourriture, même sur invitation d’un étranger.

- Interdiction d’aider ou de participer à la construction d’édifices pour le culte des idoles païennes.

- Interdiction de tout contact et de commerce avec eux lorsqu’ils prennent part à un de leurs rituels.

Sans interdire le lien social, la frontière est très marquée et les judiarias aident à préserver cette distance voulue. Dans une société où la plupart des activités se déroulent en public, il est inconcevable d’imaginer que les relations judaïques étaient uniquement en lien avec le commerce et que de nombreux épisodes de fêtes locales réunissaient l’ensemble des habitants.

La vision du chrétien est quelque peu idéalisée. Certains y voient en lui un homme moralement droit et juste envers les siens, qui ne souhaite pas tirer avantage de ses confrères. Samuel Usque vante à de nombreuses reprises les vertus des chrétiens et se désole du manque de loyauté des siens, plus enclins à l’égocentrisme32.

Il en est de même pour les chrétiens. Les mêmes interdictions sont souvent reprises : interdiction de mariage ou de relations avec une personne juive, interdiction de participer à leurs cérémonies religieuses, de dormir chez eux… Si certaines règles étaient scrupuleusement respectées, comme celle du mariage33, d’autres s’adaptaient en fonction des situations. Les auberges étaient seulement autorisées aux personnes de la communauté dans laquelle elle se situe. Or, pour des raisons pratiques, tel un voyage commercial, il n’était pas rare qu’un étranger puisse s’y arrêter le temps nécessaire à ses affaires. Tout est lié à la perception et à l’acceptation collective. La loi existe mais il faut y distinguer l’esprit de la loi, selon lequel chacun s’accommode. La tolérance se base surtout sur les bénéfices que l’on peut en retirer plutôt que sur des obligations qui auraient été nuisibles dans la vision de l’autre.

Le juif apparaît comme un homme dangereux pour les jeunes femmes, car séducteur. Il en découle une image érotisée de celui-ci, décrit comme un être raffiné et charmeur, possédant le luxe et le vocable nécessaire pour s’attirer les faveurs de ses dames. Il est aussi réputé pour manquer de respect aux chrétiens en se promenant à cheval dans la ville, paré de ses plus beaux ornements34.

La méconnaissance de l’autre sert et dessert cette notion de tolérance, induite et non réglementée. Une limite se crée entre les deux communautés, se basant sur des ressentis et des craintes possédant le même fondement. Ces communes limites et acceptions permettent de coexister en temps de période calme. Lors de périodes troubles où l’unité nationale n’est pas requise, avec les famines et les épisodes de peste, c’est vers l’étranger, celui qui agit différemment, que l’on se tourne et que l’on jalouse ou accuse. Il n’est pas rare que la richesse des juifs soit exagérée dans les propos des chrétiens lors d’épisodes de famine et que le peuple, suivant les prédications du clergé régulier, en blâme le juif, ce riche marchand toléré. Lors de celle ayant lieu en 1481-1482, les mandataires populaires se plaignirent au roi de combien le traitement entre communautés était injuste, les juifs ayant moins de tracas que les chrétiens.

No reinado de D. João II os lamentos contra os hebreus eram geraes. Os christãos sentiam-se vexados pela sua miseria e pobreza em confronto com a opulencia delles35.

Sans cadre légal, la tolérance est fluctuante et se trouve être du fait de chacun. Chaque événement dans lequel où l’Homme ne peut avoir la mainmise, est généralement perçu comme un châtiment divin. Associé à une vision jalousant autrui, le cadre établi peut facilement être débordé. Le schéma judiciaire et les sanctions exemplaires dans les affaires entre communautés permettent de maintenir un ensemble stable et expliquent le peu d’attaque entre chrétiens et juifs depuis l’indépendance du Portugal. La confrontation à la justice est le dernier rempart pour l’acceptation de la coexistence de tous et pose la question de savoir quelles sont les bases à l’origine de la tolérance en terres lusophones.

2.2. Bases et limites de la tolérance

Les raisons de cette permissivité ont pour prémices l’économie et la démographie. C’est sur la base d’intérêts communs que l’entente entre communautés s’est établie. Jeune pays, le Portugal doit se construire une économie face à ses voisins. Les deux principales régions de la péninsule caressent le rêve de diriger l’Hispanie toute entière, surtout que la papauté voit d’un mauvais œil cet éclatement de régions. La communauté hébraïque, déjà implantée et en bons termes avec la couronne, répond à ce problème, d’autant que les juifs possèdent la garantie de la protection du roi, alors que l’Europe commence à les rejeter36. Les différentes batailles et l’expulsion des maures créent un vide démographique, notamment au Sud. En permettant de rester aux communautés maures n’ayant pas fui le pays, et en leur offrant le protectorat royal, le problème est résolu.

En matière de politique, la noblesse trouve son parti dans cette organisation et l’aménagement du territoire. La montée de la bourgeoisie, face aux découvertes successives des explorations maritimes et le climat de paix durable, devient un des éléments déstabilisants. Ils se retrouvent confrontés dans un domaine déjà occupé et ne vont cesser de tenter d’accaparer la partie économique. Le roi ne cédera pas à leurs demandes.

C’est dans l’optique de construire un pays, où tout est à faire et chacun prêt à accepter ce que l’autre offre, malgré les différences, que se crée une disposition favorable envers les autres communautés. L’intolérance, dans certains aspects de la vie, permet la conservation de l’identité de chacun et également d’introduire, implicitement, la tolérance dans un cadre propre : celui de la vie en société, de la coexistence et du lien social en lien avec un événement.

Le fonctionnement, par retranchement, devient un autre élément mettant en péril la coexistence avec les juifs dans un même espace. Toutes les villes de moyennes et grandes importances comptent une judiaria. Si la noblesse et le haut clergé les soutiennent, il en va de l’opposé au contact de la population chrétienne37. Malgré le nombre croissant de pressions de la part de la bourgeoisie, du clergé régulier et des moines mendiants, c’est-à-dire la plupart des chrétiens qui obtiendront gain de cause en 1497, le pouvoir ne considère pas la religion comme un problème pour adhérer à l’appartenance du pays.

Si les judiarias et les mudéjares apparaissent comme des parcelles protectrices, elles deviennent également des lieux se plaçant en dehors du système d’assimilation, dans la perspective d’une unicité totale. Le groupe dépasse l’individu et la différenciation est accentuée. L’évolution de la ville ne prend pas en compte la communauté et contribue à agrandir le fossé, d’autant plus que l’on ne connaît pas tant que cela l’autre communauté. Les communautés sont entourées de barrières38, renforçant la méconnaissance de l’autre. L’équilibre des premiers instants devient précaire et l’avènement progressif d’un matériau sous-jacent, en l’occurrence la religion chrétienne, est susceptible de redistribuer les cartes.

2.3. Avènement chrétien et premiers conflits

Dans la vision de l’altérité, la religion est un composant parmi d’autres. Sous-jacente, elle s’amplifiera suite aux multiples lois de l’Église et définira sous un nouvel axe la notion de tolérance initiée par les Ordonnances Alphonsines.

Le droit canonique se mêle à la vie quotidienne et déstabilise le cadre sociétal préétabli. C’est au XIIIe siècle, avec les différents conciles de Latran, que les premiers effets se font sentir.

Le troisième concile de Latran (5-22 mars 1179) prônait la séparation entre juifs et chrétiens. La religion impacte le ressenti des chrétiens envers les juifs et leur perception en est altérée :

Apesar de, em Portugal e mesmo na quase totalidade da Península Ibérica, os judeus terem prosperado e criado afinidades e relações sociais aparentemente seguras, a crise do século XIV trará para o âmbito ibérico a busca da “quinta-coluna satânica”, empenhada em fustigar e ameaçar o rebanho cristão. O espírito de tolerância modificou-se gradualmente, a crise exacerbou “paixões e desconfianças39.

Le concile suivant (11-30 novembre 1215), oblige les musulmans et juifs, vivant en royaume chrétien, à porter un signe distinctif. Une étape est franchie avec le port du signe ostentatoire. Pour les musulmans il s’agit du burnous, un motif en forme de diamant. Pour les juifs, ce sera une étoile. Au Portugal, ces mesures seront peu suivies. Le roi Don Sancho II, (1223-1245) étant très laxiste sur ces indications, s’attirera les foudres du pape Grégoire IX. Les problèmes communautaires sont presque inexistants et aucune loi n’a lieu d’être. Il faudra attendre le règne d’Alphonse V (1432-1481) pour que la règle soit respectée dans les grandes villes, signe de l’éloignement des judiarias et mudéjares d’avec le reste de la population. Auparavant, son père, le roi João Ier avait déjà imposé cette distinction, mais cette directive prit du temps à se mettre en place40.

Em Portugal, em 1391, D. João I seguia a restante Europa ao obrigar os judeus à distinção física : os judeus deveriam trazer no extorior das suas vestas uma estrela vermelha de seus pontas do tamanho de um selo régio de cera41.

Le port de l’insigne obtiendra même l’effet inverse. Les populations étant déjà regroupées en communautés, la distinction était effective et ne nécessitait pas cette mesure. Les maures en font un symbole identitaire fort, à tel point que l’alcade de Lisbonne veut l’interdire en 1435. Cet événement permet de montrer la scission déjà existante et l’évolution de la tolérance. Plutôt que d’accepter cette nouvelle directive envers les maures, les chrétiens décident d’intervenir car ils n’acceptent pas la condition actuelle de cette communauté. La limite de l’approbation se lie aussi à l’élément visuel. En donnant une nouvelle valeur identitaire, cette pièce de vêtement rassemble une communauté au détriment des chrétiens, qui ne possèdent pas de signes distinctifs forts pour se reconnaître. Ce nouveau déséquilibre entraîne la volonté de la majorité d’affirmer son pouvoir et d’être moins permissive. Aux réponses pour un pays en construction succède un désaveu pour ceux qui ont aidé et dont la différence s’agrandit par la montée religieuse dans la vie quotidienne, les lois de l’Église devant être appliquées dans tout royaume chrétien. L’affirmation du Portugal sur la scène européenne, suite aux Grandes Découvertes, équivaut à redéfinir l’identité nationale. Celle-ci ne peut plus être liée au territoire, suite aux nombreuses conquêtes. Ce sont les valeurs communes qui prennent le relais, favorisant le rejet de celui qui n’y appartient pas.

En 1391, les premiers mouvements contre les juifs au Portugal apparaissent, en provenance d’Espagne. Les écrits du converti Pedro Alfonso de la Huesca, dont Los diálogos contra los judíos (1106), ceux du converti Alfonso de Valladolid, autrefois Abner de Burgos, et son Mostrador de justicia (XIVe siècle)… trouvent un écho auprès d’une population qui a grandi dans un Portugal en paix. Des auteurs portugais se lancent dans les écrits anti-hébraïques. Anrique da Mota et ses satires poétiques, António de Bejo et son Contra os judeus e os astrólogos… Le juif représente celui qui, sans fournir le même effort, s’enrichit davantage que le chrétien. Épisodiques et rares, il faudra attendre les épisodes de conversion forcée sous Manuel Ier pour que la tolérance disparaisse du paysage portugais.

La coexistence communautaire est remise en cause par le clergé régulier. Si le peuple partage, dans les grandes lignes, les opinions contre les juifs, très rarement il ira s’opposer à eux. La plainte est surtout tournée vers autre que soi pour reporter ses problèmes, mais les juifs portugais restent acceptés au sein de la population chrétienne. La coexistence et la reconnaissance, base de la tolérance dans cette société, sont remises en cause progressivement. Le terreau du rejet de l’autre est implanté mais le pouvoir politique reste en accord avec sa politique de tolérance. Les événements de 1492 bouleverseront cela.

III. L’imposition de tolérer son semblable

3.1. L’exode hébraïque de 1492

Les juifs espagnols fuient le royaume d’Espagne en 1492 suite aux politiques des Rois Catholiques. La promiscuité linguistique42 et frontalière avec le Portugal, un climat social davantage favorable, font de ce pays la première destination d’exil. Les chiffres divergent quant au nombre d’Espagnols ayant pu entrer au Portugal. Bernáldez, dans ses Chroniques des Rois Catholiques, fait état de 93 000 juifs, Ferro Tavares, dans Revista de História económica e social, vol. 9 en mentionne 30 000, Schwarz dans La découverte des marranes et Rebello da Silva, dans Memoria sobre a população e a agricultura de Portugal, desde a fundação da monarchia até 1865, s’accordent sur le nombre de 80 000, tandis que Damião de Góis, dans Crónica do Felícissimo Rei D. Manuel, et Abraham Zacuto, dans Sefer ha-Ikkarim, font état de 20 000 familles, soit près de 120 000 personnes43. C’est près du triple de la population juive présente au Portugal qui trouve refuge en terre lusophone, redéfinissant l’ensemble de la vision de la société.

L’afflux massif de juifs atténue l’économie espagnole et est un atout pour le commerce portugais. Le roi Manuel Ier l’a compris en favorisant l’accès au pays à ceux susceptibles d’y apporter un bénéfice. Les instances judiciaires et politiques continuent de fournir un cadre de vie équitable, d’autant plus que le pays est en train de commencer son âge d’or. Le gonflement hébraïque renforce l’économie portugaise, et le pays, étant dans un moment de paix et en pleine expansion, ne se soulève pas contre ces arrivées malgré quelques protestations de-ci de-là. Durant moins de quatre ans, les judiarias continuent à être tolérées par les chrétiens. Cet arrivage n’était pas prévu dans la conscience collective mais allant vivre dans les judiarias, les juifs espagnols ne bouleversèrent pas de manière significative le fonctionnement sociétal : ils continuaient à travailler dans les mêmes métiers que leurs comparses portugais et respectaient les règles déjà établies. Le décret manuélien de 1496 ne laisse pas assez de temps pour savoir comment seul cet événement de 1492 a impacté la société et modifié ou non la notion de tolérance.

3.2. Le décret de 1496

Pour ne pas perdre une importante manne financière et observant l’effet de l’exode des juifs sur l’économie du royaume de Castille, le roi Manuel Ier emploie la force pour convertir les juifs et les baptiser. Cette action modifie l’idée de tolérance qui ne cessait d’être ébranlée dans le pays. C’est la fin de la tolérance, la permission tacite est révoquée. L’intolérance du juif est surtout due à une crainte financière qu’à un véritable motif religieux de la part de la monarchie, même si c’est celui-ci qui sera retenu, afin de plaire aux partis demandant l’éviction des juifs.

La preuve en est que les juifs ayant réussi à s’exiler en Afrique du Nord dans des provinces portugaises reçoivent, de la part du roi, un décret de protection et le droit de se regrouper en communauté, sous les mêmes lois qui régissaient les judiarias au Portugal44.

Les conditions du baptême sont relatées par de nombreuses sources contemporaines et témoignent de la violence et des manières d’arriver à ses fins que le roi employa45.

La coexistence et la reconnaissance de l’autre sont remplacées par l’unicité, en apparence, de tous. D’une permissivité générale et supervisée par une politique en accord avec tous, le pays se tourne vers la tolérance forcée. Il en résulte que tous étant désormais chrétiens, la tolérance est un état de fait. Les deux partis doivent désormais ne faire qu’un, le judaïsme n’existant plus légalement. Logiquement, personne ne réussit à se contenter de ce qui se produisait.

On est cependant en droit d’affirmer que l’intégration ne fut que partielle. Des tensions, dues en majeure partie à des rivalités économiques, persistèrent à l’état latent entre juifs convertis et certaines fractions de la population des vieux chrétiens46.

Il convient d’introduire les deux mouvements se créant au sein des juifs nouvellement baptisés. Les Nouveaux-Chrétiens, qui ont accepté le changement de religion et ses implications. Les crypto-juifs, ou marranes47, qui chrétiens d’apparence, continuent à pratiquer le rite hébraïque en secret. Même contraints, une fois baptisés, les juifs ne peuvent renier leur nouvelle foi sous peine de châtiment sévère ; en étant baptisé, ils sont sous la juridiction du droit canonique.

3.3. Tolérance obligatoire et acceptation de l’autre en tant que semblable

La notion de tolérance ne disparaît pas. Les différentes classes sociales doivent tolérer et accepter que cette nouvelle partie de la population ne soit pas discriminée par rapport aux chrétiens de toujours. Les chrétiens sont dans la prescription d’accepter comme leurs semblables cette nouvelle catégorie sociale. La tolérance obligatoire vient de naître et se dévoile comme l’exact opposé de l’ancienne notion.

La dissolution des mudéjares et des judiarias modifie l’organisation urbaine. Le regroupement communautaire n’a plus lieu d’être, eu égard que tous sont regroupés sous la même bannière, les nouvelles coutumes et le même mode de vie. La diversité culturelle est effacée pour laisser place à un tout qui se veut homogène.

Le coup politique du roi Manuel Ier n’a pas fonctionné selon ses plans.

Dom Manuel fait la promesse en 1507 d’abolir toutes les discriminations légales entre nouveaux-chrétiens et anciens-chrétiens. […]. Les efforts de dom Manuel pour intégrer les nouveaux-chrétiens s’avérèrent aussi infructueux qu’auparavant48.

En convertissant les juifs, il répondait aux exigences pour son mariage et satisfaisait aux imprécations du clergé régulier, en offrant un pays entièrement tourné vers le catholicisme. Il intégrait, de force, les juifs et les maures dans la vie sociétale en les mélangeant à la population, mettant fin à leurs espaces communautaires. Empêcher leur exil évitait la déstabilisation économique du royaume. Seule l’apparence comptait, les intérêts principaux n’étaient pas religieux : « aucun effort spécial n’est entrepris au Portugal de 1497 à 1536 pour convertir réellement au catholicisme les "Nouveaux-Chrétiens"49 ».

Le haut clergé ne tolère pas cet état de fait, s’appuyant sur le quatrième concile de Tolède (633) qui interdit la conversion forcée et sur une des pensées de Saint Augustin, stipulant qu’aucune violence ne doit être effectuée sur un individu pour le faire croire.

Le clergé régulier et la population n’acceptent pas à rang d’égal ces nouveaux venus avec lesquels ils doivent désormais partager les lieux de vie.

Les juifs, obligés de se soumettre, tentent de fuir malgré tout et ne sont guère de connivence avec cette nouvelle situation.

L’intégration ne signifie aucunement que celui qui va recevoir est en accord avec ce qui est accompli et va déclencher l’effet inverse. En 1497, la notion de pureté de sang, afin de ne pas marier anciens et nouveaux chrétiens, se fera de plus en plus grandissante au sein de la population. Le pouvoir politique met en place une politique de protection envers les anciens juifs. Ceux-ci ne pourront être inquiétés par les autorités religieuses durant une période de vingt années. Ils possèdent presque les mêmes droits que les chrétiens déjà présents. Ce que tous avaient accepté, lors des Ordonnances Alphonsines, est ici sujet à controverse et favorise le rejet. À l’aube de l’histoire du Portugal, l’acceptation de l’autre était de la volonté de la majorité. Ici, le cadre est forcé, les règles ne conviennent à aucune des parties et la nouvelle perspective de tolérance échoue.

Le massacre de Lisbonne, en 1506, symbolise l’échec de la politique d’intégration et l’acceptation de force, subie par les chrétiens : plus de 4 000 nouveaux-chrétiens furent assassinés durant trois jours par une foule haranguée par les moines50.

Notes de bas de page numériques

1 Asunção Ferreira Joaquim de, Estatuto Jurídico dos Judeus e Mouros na Idade Média Portuguesa, Lisboa, Universidade Católica Portuguesa, 2006, p. 275.

2 Asunção Ferreira Joaquim de, Estatuto jurídico dos Judeus e Mouros na Idade Média Portuguesa. : « que nenhum cristão não pertube, nem embargue as festas e solenidadas dos judeus... » p. 265.

3 Albrecht Classen, Toleration and Tolerance in Medieval and Early Modern European Literature, New-York, Routledge, Taylor & Francis Group, 2018, p. 50.

4 Matthieu, 13, 24-30. La parabole du bon grain et de l’ivraie sous-entend que Dieu est le seul juge des actions de chacun au moment du jugement final et, par là, il ne revient aux hommes et à l’Église temporelle de décider de ce qui, au nom de Dieu, est bon ou non.

5 Paul, I lettre aux Corinthiens, IV, 3-4.

6 Saraiva Antonio José, L’Inquisition portugaise et les « nouveaux chrétiens », Coimbra, Éditions Ruedo Iberico, 1967, p. 27.

7 Cherel Albert, « Histoire de l’idée de Tolérance », dans Revue d’Histoire de l’Église de France, t. XXVII, 1941, p. 132.

8 Stéphane Boisselier, dans « Les mudéjares dans le Sud du Portugal : l’étranger, l’intégration et le quotidien XIII-XIVe siècle (une approche globale de l’altérité vécue) », dans L’Étranger au Moyen-Âge, Actes des Congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 30e congrès, Göttingen, 1999, pp. 179-190, stipule que la maigre documentation traitant du sujet est uniquement celle contenue dans les écrits chrétiens de l’époque. De ce fait, il devient uniquement possible de traiter de la minorité mauresque sous les yeux d’une autre communauté, ne pouvant refléter la mentalité et l’organisation de la vie au sein des mudéjares. Ce regard indirect montre des similitudes quant au traitement juridique entre Juifs et Maures. Il serait hasardeux de mettre la vie de ces deux communautés en parallèle ; bien que jouissant principalement des mêmes droits, leurs rôles au sein de la société portugaise, ainsi que la représentation qu’en avaient les Chrétiens, sont distinctifs l’un de l’autre. Moins nombreuses, installées principalement dans le Sud et les grandes villes du pays, l’impact socio-économique des mudéjares est moindre que celui des judiarias. De plus, dans la représentation collective, les Maures ne sont pas dénigrés autant que les Juifs. Leur culture, et non leur religion, est l’élément séparateur le plus significatif d’avec la majorité de la population. Boisselier parle de « politique d’absorption des Maures » (p. 189) et affirme que le maure est autant un étranger aux yeux d’un chrétien que ne le serait « un forain des vieilles provinces au Nord du Douro » (p. 190).

9 Au XVe siècle, on dénombre 139 judiarias et 37 mudéjares au XVe siècle. Le nombre de judiarias était de 30 au XIIIe siècle. Source : cartes du Portugal. Ferro Tavares Maria José Pimenta, Os judeus em Portugal no Século XV. Lisboa, 1982, vol. I.

10 Le recensement ne s’effectuait non par nombre d’habitants d’un lieu, mais par le nombre de familles vivant dans une aire spécifique. De ce fait, les calculs ne peuvent être précis ni donner une idée claire de la population dans les différentes villes portugaises. Sans compter l’absence de documents existants sur ce sujet en ce qui concerne les Maures. Au vu de la taille des judiarias et des mudéjares, il est possible d’estimer leurs proportions et d’en déduire que les mudéjares, situées dans le Sud et dans des pôles généralement moins importants commercialement et économiquement, se constituent d’un nombre d’individus moindres.

11 François Soyer, The persecution of the Jews and Muslims of Portugal. The medieval mediterranean, Bostpn, Leiden, 2007, p. 43.

12 Yves Charles Zarka, Jusqu’où faut-il être tolérant ?, Paris, Éditions Hermann, 2016, p. 45.

13 Yosef Hayim Yerushalmi, Essais sur l’histoire des Juifs, marranes, et des nouveaux-chrétiens d’origine hispano-portugaise, Paris, Éditions Chandeigne, 1998, p. 6.

14 Sur les vingt et un premiers livres imprimés au Portugal, seize sortent des imprimeries juives, dont quatorze entièrement en hébreu.

15 Maria José Pimenta Ferro Tavares, « Judeus e mouros no Portugal dos séculos XIV e XV tentativo de estudo comparativo » dans Revista de História económica e social, vol. 9, Janeiro – Junho 1982, p. 84.

16 Carsten L. Wilke, Histoire des Juifs portugais, Paris, Éditions Chandeigne, 2015, pp. 45-46.

17 Antonio José Saraiva, L’Inquisition portugaise et les « nouveaux chrétiens », p. 27.

18 I. S. Révah, « Les marranes portugais et l’Inquisition au XVIe siècle », dans The sefardi heritage. The Jews in Spain and Portugal before and after the expulsion of 1492, vol. I, London, textes édités par R. D. Barnett, Valentine, Mitchell, 1971, p. 480.

19 Carsten L. Wilke, Histoire des Juifs portugais, p. 46.

20 Carsten L. Wilke, Histoire des Juifs portugais, p. 49.

21 Maria José Pimenta Ferro Tavares, « Judeus e mouros no Portugal dos séculos XIV e XV tentativo de estudo comparativo », dans Revista de História económica e social, vol. 9, Sá da Costa Editora, Janeiro – Junho 1982. p. 84.

22 De par le métier exercé et les besoins d’être en promiscuité avec la population, les judiarias étaient implantées dans les villes et non dans un espace vide géographique. La plus grande rue commerçante du pays, la Rua Nova à Lisbonne, était entièrement constituée de commerces hébraïques.

23 Isabelle Martinez, « Le changement de l’esprit religieux au Portugal comme cause de l’expulsion des juifs à la fin du XVe siècle », dans Proceedings of the World Congress of Jewish Studies. History of the Jews in Europe. vol. 4, Jérusalem, 1977, p. 205.

24 François Soyer, The persecution of the Jews and Muslims of Portugal. The medieval mediterranean, p. 14.

25 Dans son ouvrage Barca do Inferno, en 1517, Gil Vicente invite une galerie de personnages, dont la plupart seront condamnés à rejoindre la barque de l’Enfer, menée par le diable, conséquence de leurs péchés dans le monde terrestre. Le Juif n’aura pas le droit à entrer dans la barque, il devra se contenter d’un radeau accroché à celle-ci. Le diable ne le juge pas digne de sa barque. Ce n’est pas pour ses origines qu’il subit cette humiliation, mais pour la religion qu’il pratique. L’auteur montre ainsi son aversion pour ceux acceptant une religion responsable de la plus grande tragédie du Nouveau Testament.

26 Philippe Sassier, Pourquoi la tolérance ?, Paris, Éditions Fayard,1999, p. 9.

27 Philippe Sassier, Pourquoi la tolérance ?, p. 9.

28 T. M. Scanlon, The difficulty of Tolerance, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 187.

29 Fernão Lopes, Chronique du roi D. Pedro I. Crónica do rei D. Pedro I, Paris, traduction et notes de Jacqueline Steunou, Centre National de la Recherche Scientifique, 1985, p. 44

30 Jacob Katz, Exclusion et tolérance. Chrétiens et Juifs du Moyen-Âge à l’ère des Lumières, Mayenne, Lieu Commun / Histoire, 1987, p. 26.

31 Alon Gedalyahu, The Jews in their land in the Talmudic age, London, traduction et édition par Gershon Levi Harvard University Press Cambridge, 1989, p. 43.

32 Samuel Usque, Consolaçam ás Tribulaçoens de Israel (1553), Paris, ed. Y. H. Yerushalmi et José V. de Pina Martins, Chandeigne, 2014.

33 Ce respect des règles était surtout une question de bon sens plutôt qu’une acceptation aveugle d’un précepte. Le mariage entre juifs et chrétiens ne pourrait déboucher sur un couple pérenne tant les traditions, rites religieux et modes de vie divergent. Seule la conversion à l’une de ces religions permettait de lever l’interdit, mais aussi d’harmoniser la vie du ménage et de la famille. Toutefois, la conversion à une religion stipule l’abandon des anciennes pratiques et des contacts avec la communauté d’origine.

34 Mendes dos Remedios Joaquim, Os judeus em Portugal, vol. I, Coimbra, França Amado, 1895, p. 240. L’auteur reprend ici une lettre de 1482 du moine S. de Marcos qui se plaint, auprès du roi, des divergences entre chrétiens, juifs et maures.

35 Mendes dos Remedios Joaquim, Os judeus em Portugal, vol. I, p. 239.

36 Tour à tour, les juifs se font expulser d’Angleterre de France et d’Allemagne, avant que l’Espagne ne s’y mette aussi. La construction du Portugal, couplé aux ordonnances du roi Alphonse sont une garantie pour l’installation pérenne des hébreux.

37 I. S. Révah, « Les marranes portugais et l’Inquisition au XVIe siècle », dans The sefardi heritage. The Jews in Spain and Portugal before and after the expulsion of 1492, vol. I, p. 480.

38 Dans certaines judiarias, les barrières sont de véritables œuvres métallurgiques, aux reliefs soignés, colorés et dont les portes d’entrée contiennent des écrits hébraïques.

39 Carlos Roberto Figueiredo Nogueira, « Reclusão e proteção : os judeus em Portugal na Crise do século XIV », dans Revista de História da Sociedade e da Cultura, Coimbra, Centro de História da Sociedade e da Cultura, 2012, p. 136.

40 Le règne de João Ier marque les prémices du changement de la tolérance. Outre le vêtement ostentatoire, Maria Filomena Lopes de Barros ajoute que « l’emploi de la langue arabe comme de l’hébreu dans les documents notariaux, a été interdit par Jean Ier » dans « Les musulmans portugais : la justice entre la normativité chrétienne et la normativité islamique », dans La cohabitation religieuse dans les villes européennes, Xe-XVe siècles, sous la direction de Stéphane Boissellier et John Tolan, Turnhout, Brepols, 2014, p. 213. L’impact de cette loi eut un impact relativement modéré dans les liens entre communautés. Le rapprochement linguistique, sous l’égide du portugais, commence à fissurer les spécificités culturelles propres aux judiarias et aux mudéjares.

41 Mateus Susana Bastos, Pinto Paulo Mendes, Lisboa – o massacre de 1506, Reflexões em torno do edifício da intolerância, Lisboa, Catedra de Estudos Sefarditas « Alberto Benvenistes » da Universidade de Lisboa, 2006, p. 23.

42 Pilar Vázquez Cuesta, « La lengua y la cultura portuguesas », dans El Siglo de Don Quijote, 1580-1680. II : Las Letras. Las Artes.

43 Afin d’entrer au Portugal, il fallait s’acquitter d’une taxe d’entrée. Environ 600 familles, riches commerçants, entrèrent sans problème, par le biais d’une taxe élevée. Une taxe différenciée est dédiée aux artisans. Enfin, ceux qui payaient la taxe prévue par le roi, possédaient un permis de séjour de huit mois. De nombreux juifs, durant leur exil, furent volés, capturés pour devenir esclaves… Le roi Manuel Ier paya des rançons afin d’en libérer et pour que le pays puisse profiter de leur savoir.

44 José Alberto Rodrigues da Silva Tavim, « Les quartiers juifs de Safi et Azemmour sous domination portugaise », dans La bienvenue et l’adieu : migrants juifs et musulmans au Maghreb XVe-XXe siècle, sous la direction de Frédéric Abécassis, Karima Dirèche et Rita Aouad, Casablanca, Centre Jacques-Berque, 2012, p. 97.

45 Cf. Samuel Usque, Consolaçam ás Tribulaçoens de Israel (1553), ed. Y. H. Yerushalmi e José V. de Pina Martins, Paris, Éditions Chandeigne, 2014, p. 203 et suivantes.

46 Rowland Robert, « Être juif au Portugal au temps de l’Inquisition : nouveaux chrétiens, marranes, juifs », traduction par Jehanne Féblot-Augustins, dans Ethnologie française, nouvelle série, t. 29, n° 2, Paris, Presses Universitaires de France, avril-juin 1999, p. 197.

47 À l’origine ce terme est péjoratif ; issu du castillan ‘marrano’, signifiant ‘cochon’, il se réfère à la viande interdite dans la religion juive et musulmane. De nos jours, il n’est utilisé que dans son sens historique, même si les historiens actuels lui préfèrent le terme de crypto-chrétien.

48 Yosef Hayim Yerushalmi, Essais sur l’histoire des Juifs, marranes, et des nouveaux-chrétiens d’origine hispano-portugaise, p. 83.

49 I. S. Révah, Des Marranes à Spinoza, Paris, Éditions Vrin, 1995, p. 36.

50 Le récit est relaté par Garcia de Resende, Chronica dos valerosos e insignes feitos del rey Dom João II, Lisboa, A. Alvarez, 1622.

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Pour citer cet article

Philippe-Alexandre Gonçalves, « Modification de l’idée de tolérance au Portugal du XIIe au XVIe siècle », paru dans Loxias-Colloques, 14. Tolérance(s) I : Regards croisés sur la tolérance, Modification de l’idée de tolérance au Portugal du XIIe au XVIe siècle, mis en ligne le 06 octobre 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1314.

Auteurs

Philippe-Alexandre Gonçalves

Doctorant en Lettres Modernes dont le sujet de thèse est la réception de Gil Vicente en France et en langue française. Il est rattaché à l’université de Lille 3, laboratoire Alithila, sous la direction de Karl ZIEGER. Il est également en cotutelle avec la Faculdade de Letras da Universidade de Porto, departamento dos Estudos Portugueses e Estudos Românicos, sous la direction de Luis FARDILHA.