Loxias-Colloques |  12. Le Diversel
Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre dans la fiction caribéenne contemporaine
 |  Introduction 

Dominique Diard  : 

Journée d’études, Université de Caen Normandie, LASLAR (EA 4256), axe Territoires de la fiction, 7 avril 2017, sous la dir. de Dominique Diard : Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre dans la fiction caribéenne contemporaine

Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre : le colibri herméneute ou le « Multivers » initiatique de Malfini dans Les neuf consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau

En guise d’introduction

Résumé

La fiction caribéenne d’aujourd’hui entend prendre forme dans l’univers composite qui est le sien, issu des brisures de l’histoire autant que d’une rencontre des continents dont serait née l’infinie diversité qui tisse l’humain et le vivant tels que le caribéen les examine ; ce qui le conduit à remettre en question l’Universel pour ces néologismes forgés par lui : le Tout-Monde d’Édouard Glissant puis, le Diversel et le Multivers revendiqués par Patrick Chamoiseau dans Les neuf consciences du Malfini. Cela induit une profonde mutation de la forme romanesque à laquelle le romancier semble désormais préférer « les organismes narratifs » écrits à la croisée de toutes les langues. Nous proposons une analyse de cette problématique suivie d’une étude des concepts dans Les neuf consciences du Malfini et d’une présentation des contributions.

Index

Mots-clés : Chamoiseau (Patrick) , digenèse, Divers, Diversel, fiction caribéenne, Multivers, organismes narratifs, Tout-Monde, Universel

Texte intégral

Antillean art is the restoration of our shattered histories, our shards of vocabulary, our archipelago becoming a synonym for pieces broken off from the original continent.
Derek Walcott, « The Antilles : Fragments of Epic Memory »1.
L’art antillais, c’est la restauration de nos histoires fracassées, de nos esquilles de vocabulaire, et l’archipel devient la métaphore de ces morceaux épars qui, ayant un jour rompu leurs amarres, ont dérivé loin de leur continent d’origine2.

Pour tenter d’analyser ce qui forme la spécificité de la fiction caribéenne contemporaine, celle qui, pour nous, va de la seconde moitié du XXe siècle à aujourd’hui, nous entendons questionner cette manière, particulière à l’écrivain caribéen, d’« inviter », comme a su nous le dire Dominique Deblaine, « le monde à sa table d’écriture ». Or, ce « monde » invité s’érige en monde composite issu des brisures de l’histoire autant que d’une rencontre des continents dont serait née l’infinie diversité qui tisse l’humain et le vivant tels que l’insulaire caribéen les examine et se reconnaît en eux depuis l’autre rive de l’Atlantique et qui conduit à remettre en question l’universel conçu par l’Europe des Lumières pour ces néologismes : le Tout-monde d’Edouard Glissant puis, le « Diversel » et le « Multivers » revendiqués par Patrick Chamoiseau en 2009 dans Les neuf consciences du Malfini3, son étrange fiction polymorphe, au « genre » indistinct, au moment précisément où a paru un essai écrit en commun avec Édouard Glissant : L’intraitable beauté du monde, adresse à Barack Obama4.

Cette « beauté du monde » serait-elle dite « intraitable » parce que, dans la Caraïbe, elle rompt tout particulièrement avec la conception que l’on avait d’elle jusqu’alors ? Aussi poursuivrons-nous avec Derek Walcott et cet extrait de son Discours de réception du Nobel « Fragments of Epic Memory » (« Les Antilles, Fragments d’une mémoire épique ») :

Break a vase, and the love that reassembles the fragments is stronger than that love which took its symmetry for granted when it was whole. The glue that fits the pieces is the sealing of its original shape. It is such a love that reassembles our African and Asiatic fragments, the cracked heirlooms whose restoration shows its white scars. The gathering of broken pieces is the care and pain of the Antilles, and if the pieces are disparate, ill-fitting, they contain more than their original sculpture, those icons and sacred vessels taken for granted in their ancestral places. […]. And this is the exact process of the making of poetry, or what should be called not its « making » buts its remaking, the fragmented memory […]5.
Cassez un vase : l’amour qui en assemble à nouveau les morceaux est plus fort que l’amour qui, lorsqu’il était entier, considérait sa perfection symétrique comme allant de soi. La colle qui en rejoint les morceaux en scelle la forme originale. C’est cet amour-là qui rassemble nos fragments africains et asiatiques, ces legs tout fendus dont la restauration révèle les cicatrices blanchies. Recueillir les morceaux cassés, c’est là la peine et le souci des Antilles, et si ces morceaux sont disparates et discordants, ils portent bien plus de peine que la sculpture initiale, ces icônes, ces vases sacrés qu’aux lieux de leur origine, nos ancêtres tenaient pour acquis. […] Et c’est précisément là tout le processus de la création poétique, ou plutôt, ce qu’il faudrait appeler la « recréation poétique », la mémoire fragmentée […]6.

Les littératures caribéennes s’affirmeraient de la sorte dans la brisure des codes esthétiques européens aussi reconnus que ces vases grecs dont, dans Omeros, son œuvre maîtresse, il semble, dans la forme littéraire, comme recoller les fragments dans une « Odyssée » caribéenne inédite ; tout comme le texte sera « charpenté » à l’image de ces gommiers creusés dans les arbres caribéens par les Indiens Caraïbes, à l’exemple également de leurs périples aléatoires dans les îles d’un archipel ouvert à ce que Renée-Clémentine Lucien appelle une « conception asystématique de la beauté du monde ». À cet égard, dans des entretiens accordés à la Revue Africultures du 3 janvier 2017 puis le 11 mars de la même année à France Culture lors de la Fête du livre de Bron, Patrick Chamoiseau affirme « adorer » le roman français du XIXe tout en estimant résolument que l’on ne peut plus écrire ainsi aujourd’hui car, pour lui, « ce qui nous est offert c’est la scène relationnelle du monde où règne l’incertain7 ». « Nous sommes », poursuit-il, dans des « flux relationnels, les cultures se rencontrent, les saveurs se mêlent ». La fiction caribéenne opérerait ainsi des « saisies narratives » qui n’ont rien à voir avec le récit et qui cèderaient dès lors la place non à des romans mais à des « organismes narratifs8 » mieux à même de figurer ce « droit poétique » revendiqué par lui « d’aller et venir et de dévirer par les rives du monde ». Aussi, le poète ne raconte pas, « il est dans les saisies de l’indicible » : « j’ai le même mouvement de la saisie, je ne vais pas tenter de simplifier le réel », affirme-t-il encore, toujours sur les ondes.

Car, « entre la parole féconde du Conteur, orateur médullaire du “Premier jour” et l’indicible9 », précise Samia Kassab-Charfi dans l’ouvrage qu’elle consacre à Chamoiseau, « il y a l’émerveille, les enchantements furtifs du monde10 », la « parole réinventée à partir de fragments de récits, de l’éclaboussure Afrique11 ». L’émerveille prendrait précisément naissance dans la parole conteuse, celle de l’Afrique perdue dans le ventre du bateau négrier et qui serait cette manière de transgresser sans toutefois l’oublier, la « blesse12 » de l’esclavage et de réinventer une nouvelle vision du monde autant qu’une autre dimension anthropologique à partir des brisures collectives du passé tout en permettant à l’individu d’émerger du collectif. Car au « nous » qui se libère, répond l’individu qui s’affirme face aux siècles d’esclavage où prima précisément le déni de l’intime et du singulier. À cet égard, Chamoiseau, dans cette même interview accordée à France Culture, n’est pas sans évoquer cette « polyrythmie africaine » qui « déconstruit le réel ». C’est, d’ailleurs, pour lui, sur cette « déconstruction du réel » que l’on « produit des imaginaires » : « c’est cette même polyrythmie organique qui fait que nous sommes élargis et à partir de laquelle nous construisons notre arbre relationnel13 » dans des rencontres et l’improvisation, reconstruisant ainsi ce vase composite à la beauté inattendue et aléatoire, plus « belle », en définitive, que celle du vase grec initial trop parfait pour Derek Walcott. Se dessine ainsi une vision du collectif non uniforme, non systématique où se rencontrent, sans toutefois se fondre, des morceaux de continents lesquels forment ce Tout-monde qui se serait donné rendez-vous dans la Caraïbe pour y vivre en « digenèse », manière, selon Glissant de réinstaller l’identité dans cette labilité offerte par la pluralité des appartenances.

Guidé malgré lui par le Foufou qu’il suit dans une sidération obsessionnelle, le Malfini des Neuf consciences du Malfini fera de la sorte l’inoubliable expérience du Tout-Monde et de la digenèse qui va le reconstruire hors de cette brutalité génétique qui lui colle aux plumes et… au bec qu’il appelle son « Alaya ». Car le « Tout-Monde » ainsi défini par Édouard Glissant dans Philosophie de la Relation postule précisément « une totalité non totalitaire dont le détail et la multiplicité ne se perdent pas14 ». Forgé dans l’imaginaire, il entend restituer au réel et au texte un monde composite formé de morceaux « créolisés » à partir de leur rencontre, sachant que pour Glissant la Créolité commence dans la Digenèse, dès la cale du bateau négrier où se trouvaient réunis des peuples divers parlant des langues différentes, des miettes de culture, de dieux, de monde. La Digenèse serait pour lui cette manière de « réinstaller » l’identité dans l’ouverture et la rencontre car « il n’y a pas de commencement absolu. Les commencements fluent de partout, comme des fleuves en errance, c’est ce que nous appelons des digenèses15 », précise-t-il dans La Cohée du Lamentin de 2005. Car, dans l’ouverture et la rencontre, se noue la Relation ainsi définie par lui une nouvelle fois le 14 mai 2009 lors de la conférence inaugurale du Congrès de la société des hispanistes français :

La Relation c’est la pensée du voyage et de l’Autre. [...] L’errance permet de faire la Relation entre les détails et la totalité, de concevoir la totalité comme non totalitaire. [...] Nous sommes arrivés à ce point de métissage et de créolisation fondé sur une archipélisation de la sensibilité16.

Aussi, l’image de l’île, de l’archipel et du monde, réfractée et difractée par la parole polyphonique de l’écrivain caribéen ne serait-elle plus jamais la même : « Nous entrons maintenant dans un infini détail », et d’abord, « nous en concevons de partout la multiplicité qui pour nous est indémêlable17 », affirme Edouard Glissant dans Philosophie de la Relation car « ces inextricables18 » et ces inattendus mis en Relation19 par l’écrivain caribéen, sembleraient devenir les mieux aptes à composer ces « archipels » de textes mués en laboratoires où s’expérimentent, dans la polysémie, les enjeux du Tout-Monde d’aujourd’hui et de demain dans une poétique que Patrick Chamoiseau dit souhaiter « toute diverselle20 », désignant pour nous cette poétique formée de ce divers ainsi défini par Édouard Glissant dans son Introduction à une Poétique du Divers qu’il entend opposer à l’identité fixe autant qu’à la « pensée de l’Un et de l’unité » :

Je dis toujours que la mer Caraïbe se différencie de la Méditerranée en ceci que c’est une mer ouverte, une mer qui diffracte, là où la Méditerranée est une mer qui concentre. […] La mer Caraïbe est une mer qui diffracte et qui porte à l’émoi de la diversité. Non seulement est-ce une mer de transits et de passages, c’est aussi une mer de rencontres et d’implications. […] une rencontre d’éléments culturels venus d’horizons absolument divers et qui réellement se créolisent, qui réellement s’imbriquent et se confondent l’un dans l’autre pour donner quelque chose d’absolument imprévisible, d’absolument nouveau et qui est la réalité créole21.

À partir de ces acceptions glissantiennes du divers, Jef Safi, propose, sur son blog de Mediapart, cette définition du « Diversel » puisée chez l’altermondialiste John Holloway : « un monde constitué de nombreux mondes qui n’aurait pas vocation à former une nouvelle totalité mais une constellation changeante22. » Correspondrait à ce monde « diversel » qu’il nous faudrait « construire », comme Glissant semble l’appeler de ses vœux, « une personnalité instable, mouvante, créatrice, fragile, au carrefour de soi et des autres. Une Identité-relation23. » Or, ce « Diversel » ouvre le monde au-delà de lui-même à ce « Multivers » qui, dans le domaine de la Physique, désigne, pour l’astrophysicien Aurélien Barrau, « l’ensemble des univers possibles dans une théorie physique donnée24 » située à la jonction de la Théorie de la Relativité générale et de celle de la mécanique quantique. Toujours selon ce que nous avons saisi de l’article d’Aurélien Barrau dans L’Encyclopædia Universalis, l’hypothèse de l’une des fonctions consiste à résoudre le problème de la mesure quantique25 » dans le cadre de la Physique des particules élémentaires. Nous retiendrons notamment les ouvertures à l’éventualité et au hasard. Interrogé par Jonathan Sare pour Futura Sciences, Aurélien Barrau livre ces précisions qui semblent s’accorder avec les ouvertures à la pluralité et aux champs des possibles proposées par Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau : « le terme “multivers” désigne notre univers ainsi que l’ensemble des univers possibles ». Aussi, à la question : « le multivers existe-t-il ? », Aurélien Barrau répond-il : « le multivers a plusieurs significations. Notre univers ne serait pas unique, il en existerait des milliards d’autres26 ». Aussi, pouvons-nous mieux comprendre ce « postulat » de Patrick Chamoiseau placé dans « Récitation sur le vivant » à la suite de son « récit » des Neuf conciences du Malfini :

Rien n’est universel, tout est diversel dans l’infinie variété du vivant et dans l’idéale perspective de son horizontale plénitude. […] Toute présence ouvre aux autres, et sans fin, et donc au monde en ses totalités, et donc à l’univers, sans doute au multivers et donc aux infinis du vivant qui nous sont impensables27.

C’est ainsi que, dans la lignée d’Édouard Glissant, il semble, comme lui, opposer le « diversel » et le « Tout-Monde » à l’universalisme césairien auquel serait reproché son dangereux héritage conceptuel européen : « un de mes premiers reproches à la négritude, c’est sa généralité car ce n’est pas vrai qu’un nègre brésilien ressemble à un nègre américain ou africain [...]. Dès ma première réflexion, j’ai été contre la pensée de l’universel, prodigieuse, somptueuse mais souvent mortelle, magnifique et trompeuse création des cultures occidentales qui a servi de moteur aux colonisations, à l’expansion du monde occidental28 », confie d’ailleurs Édouard Glissant. Quand les catholiques massacraient, comme ils le firent notamment lors de leur conquête du Nouveau Monde, ce n’était pas, selon lui, seulement au nom de la foi mais surtout au nom de l’Universel auquel il oppose le Tout-Monde. La mosaïque humaine de la plantation aurait également préfiguré la multiplicité du Tout-Monde d’aujourd’hui.

Or, souligne Edouard Glissant, « sans négritude préalable, il n’est toutefois point de rencontre, de créolisation, de jazz29 »... d’hybridité du texte et de son ouverture dans la rupture d’une continuité qui livre l’accès à ce monde invisible que l’on n’atteint pas par la causalité aristotélicienne. En effet, cet « Universel » pour lequel la « négritude » césairienne revendique une liberté ancrée, elle aussi, dans « l’infini variété du vivant » ne se révèle-t-il pas plus complexe et en aucun cas, réductible à l’universalisme mortifère de l’Occident si l’on considère que la vraie cible de Glissant serait bien plus la négritude théorisée de Senghor et non celle « existentielle » de Césaire et des Caribéens qui au contraire, vivifie précisément la dimension plurielle de leurs identités ? Dès lors, la dichotomie « universel » césairien et « Tout-Monde » glissantien irait-elle de soi ? D’autant que Chamoiseau, tout glissantien qu’il est, revendique aujourd’hui la Négritude au regard, notamment, de l’entretien accordé à Hélène Ferrarini en janvier 2017 dans la revue Africulture consécutif à la 27e édition du Prix Carbet de la Caraïbe en Guyane fin décembre 2016, à la question : « Vous disiez lors d’un échange avec le public guyanais que la “la négritude est encore nécessaire dans presque tous les pays du monde”. Qu’entendez-vous par là ? », Patrick Chamoiseau livre cette réponse :

Aujourd’hui encore le discours de la négritude, cette importance de valoriser, de magnifier les valeurs noires, de montrer à quel point l’Afrique est un lieu de civilisation et que, vue la dimension de ce continent, il est véritablement « un cœur en réserve pour le monde qui vient », comme disait Césaire, est encore nécessaire30.

Mettre en perspective ces catégories universel / Tout-Monde / diversel / multivers permettrait-il, de la sorte, d’interroger le refus d’un discours auctorial et, avec lui, le rejet d’un sujet autosuffisant pour privilégier une polyphonie ouverte à une pluralité de regards au risque de fracturer la forme romanesque même ? À cet égard, Daniel Maximin, lui, assemble, dans L’Isolé soleil31, des « cahiers d’écriture » confiant sa plume à plusieurs narrateurs et narratrices tandis que Max Rippon et Dominique Deblaine privilégient le « racontage32 ». De la sorte, le « raconteur33 » de Dominique Deblaine serait pour Rafaël Lucas, « un être minimum », insoupçonné, immergé dans l’observation furtive de l’infini détail d’une « microsociété antillaise34 », allant et venant entre « chronique et méditation, entre réflexion et racontage ». Pour interroger le dialogue qu’il noue entre l’ici et les ailleurs, Louis-Philippe Dalembert préfère évoquer le vagabondage35 privilégié par lui à l’errance et mieux apte, selon lui, à accéder à l’ubiquité et à faire croître de la sorte l’hybridité caribéenne fondatrice.

Le narrateur du roman de Chamoiseau Les neuf consciences du Malfini est d’ailleurs un rapace, le Malfini, guidé dans ses observations du vivant, « divers » et insoupçonné de lui, par un autre oiseau, un « foufou », colibri atypique. À cet égard, ce roman appelé « récit » par l’écrivain relève, comme il dit le penser, « à la fois de la chronique ethnologique, de la méditation de philosophe, de la fable, du conte, de la légende de la saga ou d’un roman initiatique36 » à la poétique du vivant.

Nous observerons d’ailleurs que le texte ne se clôt pas, bien au contraire, au regard de sa toute dernière phrase : « L’impensable de l’horizontale plénitude du vivant appelle à l’ovation des imaginaires, à l’océan des gloses, et à tous les points de suspension…37 »

Les points de suspension de cette toute dernière phrase l’ouvrent à l’infini du vivant, à son « impensable » enclenché par un au-delà du texte lui-même formé d’un archipel d’îles, d’îlots ou de récifs de mots posés à fleur d’eau, au ras des silences et des points de suspension sur « l’océan des gloses », l’illimité de la parole ou des paroles que l’écrivain, devenu « marqueur de paroles », déclenche chez un lecteur qui serait comme incité à faire émerger à la surface ses propres îles de parole… Le texte ne se clôt pas tandis que, quelques pages plus avant, à la fin supposée du récit, une immense note de bas de page38 elle-même ponctuée de points de suspension, signale que c’est le Malfini, le grand rapace recueilli par le narrateur, qui lui aurait raconté cette histoire qu’il aurait consignée, lui, et dans laquelle un humain, un « vieux nègre39 » inscrit sur un petit carnet des observations éparses elles aussi entrecoupées de points de suspension et que le « marqueur de paroles » livre ensuite à la méditation et aux gloses des lecteurs…

Aussi, ce « roman » « pas fini » semble-t-il comme faire éclater le « genre » en un « organisme narratif » qui tiendrait de la sorte, autant de la fable philosophique, du conte, de la légende ou de la méditation que de tout un « territoire » fictionnel inédit tissé en fait de tout un éventail de possibles livrés çà et là, au gré des tribulations d’un rapace qui se retrouve un jour fasciné par un oiseau minuscule issu d’une lignée naguère méprisée de lui, un « foufou » atypique, étrange et hors normes, de la famille des colibris au moment même où il découvre par hasard l’existence de ce vivant insignifiant, jamais considéré auparavant : « cette chose et son genre n’étaient à mes yeux qu’une impensable obscénité… Je refusais leur existence. Je me refusais à les dénommer même lorsque je découvris que les Nocifs les appelaient, Holibri ou Colibri […]40 ». Or, il se surprend lui-même à observer sans relâche cette « créature démente qui ajoutait sa singulière démence à la démence de son espèce41 », lui qui, jusqu’alors, n’était guidé que par son « Alaya », son instinct de rapace et la brutalité prédatrice héritée de ses gènes qui le portait à toujours tuer et à s’abreuver du sang de ses proies, cette « haine sauvage », cette sorte de « daïmon platonicien42 » qui lui dictait ses « élans » superbes mais sanguinaires : « toutes les existences chaudes ont leur Alaya, leur démone de singularité43 ». Foufou vole autrement, il virevolte, trace en l’air des voltes et des boucles, plonge au cœur des fleurs, il est exclu des siens et sera même exilé du village de Rabuchon, en Martinique près de Saint-Joseph, par son frère Colibri devenu le nouveau chef après la mort du « vieux guide44 » :

Au lent fil des saisons, je finis par comprendre que la singularité du Foufou provenait d’une composante plus essentielle. […] Je sombrais dans l’incompréhension… Son Alaya était incertaine, bifide, trouble, même discordante. Elle m’apparaissait composée de plusieurs courants d’exigences qui se tressaient […] pour se rejoindre dans une sorte de mélange dissocié ou d’impureté instable45.

Aussi, le Malfini ne peut-il s’empêcher, dès sa découverte du Foufou, de le suivre sans répit, toujours surpris par lui, le « petit paria » qui n’attire les femelles que pour « ne rien faire, voler pour rien et jouer pour rien46 » ; comme si, avec l’insignifiance de l’oisiveté, il découvrait l’otium et le questionnement socratiques qui le poussent à explorer le vivant minuscule autant que l’esthétique insoupçonnée, la « féerie labile » de la lumière jouant sur la « myriade de fils » dont l’entrelacs édifie la « cathédrale de clartés à intensités variables » des araignées pourtant répulsives, « répugnantes bestioles » autant qu’« horribles prédatrices47 ».

C’est ainsi que le Malfini comprendra bien plus tard pourquoi Foufou proscrit, exilé de Rabuchon dans un territoire inhospitalier y accueille jusqu’aux êtres vivants les plus infimes, insignifiants, ou répulsifs, ceux auxquels on refuse l’accès de Rabuchon, taquine les nuages chargés de pluie et, surtout, plonge dans les fleurs puis secoue leur poussière jaune. Cette « poudre pâle48 » qui avait naguère intrigué le Malfini, le Foufou ira la « charrier » inlassablement, jusqu’à l’épuisement, parmi les cadavres d’insectes et les fleurs flétries, réensemençant la terre devenue, par la faute des « Nocifs » (l’espèce humaine), déserte et stérile jusqu’à sa « Renaissance49 », celle de son territoire ouvert aux « présences d’une incalculable variété50 », puis celle de Rabuchon où « une mort lente et profonde était tombée51 ». L’infime infiniment petit, le minuscule oiseau, « acabit d’insecte52 », enseigne à Malfini qui l’observe sans relâche les secrets de la régénération du vivant, muant ainsi le récit en « fable écologique » à laquelle ne se limitent toutefois pas les enseignements de Foufou et le roman de Chamoiseau… En effet, Foufou aborde également la mer, Malfini découvre l’île, les îles, l’archipel puis l’autre continent et le Tout-Monde, initié de la sorte par le Foufou à la pensée archipélique et à la Relation :

C’est ainsi que je voyageai avec le Foufou d’île en île, et longtemps, jusqu’aux rives des grandes terres. […] Comme nous ne cherchions rien, nous découvrions tout. Comme nous n’allions nulle part, nous arrivions partout…53

Le Foufou plonge, pêche dans la mer, fréquente les migrateurs et des « colibris étrangers et étranges54 » tandis qu’il initie le Malfini, rapace antillais, aux volcans, aux déserts, aux lacs salés, aux étendues enneigées et à la polyphonie des paysages, au Tout-Monde polymorphe, à l’infinie variété du vivant. « Le regarder (le Foufou) maintenant me donnait le sentiment de contempler une sapience vivante. Comme un précepteur d’existence55 », confie le Malfini qui raconte.

Or, comment dire, écrire ou chanter ce que l’on découvre ? Dire l’archipel, écrire la Relation, chanter le vivant ? Est-ce d’ailleurs peut-être pour cela que Chamoiseau, le « marqueur de paroles » laisse le Malfini faire remarquer combien il est « difficile de seulement contempler56 » et que c’est en s’y appliquant que la « clé » du chant peut être donnée au conteur qui sait observer le vivant et s’en émerveiller ? Ce chant offert à la contemplation du Malfini est une « ritournelle cristalline, vaporeuse, labile57 » chantée un jour par une enfant de « Nocif » qui porte sur sa tête une bassine d’eau dans laquelle le Foufou s’amuse à plonger et à jouer avec les gouttes dans une sorte de danse avec leur scintillement tandis que par le rythme de son vol, il scande et propage la chanson, qu’il réussit à « la faire vivre dans le silence58 ». Un autre jour encore, arrive à Rabuchon un oiseau moqueur qui imite tous les chants et les cris des oiseaux, en particulier ceux des prédateurs. Le « monstre polyglotte59 » sème l’effroi, la confusion et la zizanie dans le village alors que le Foufou écoute, observe puis parvient à « imiter le monstre imitateur, à reproduire ses sons bâtards60 », à copier ses « modulations sonores61 », ses « combinaisons acoustiques62 » au point de dépasser en virtuosité ce « caméléon63 » linguistique. Le Foufou parle désormais la langue de tous les oiseaux au grand enchantement de Malfini, tout comme Chamoiseau stipule qu’il « faut problématiser la langue » et que « cela se fait » comme disait « Glissant, en présence de toutes les langues du monde » : « aujourd’hui, les écrivains dévirent et dérivent, écrivent dans toutes les langues du monde. Cela crée des mouvements, jamais de fixité, toujours des mobilités64 », rappelle-t-il dans l’entretien accordé à France Culture.

Ainsi, le Malfini est-il instruit par le Foufou sans que jamais ce dernier ne manifeste toutefois quoi que ce soit à son endroit, l’initiation se prolonge, Foufou l’herméneute atteint un âge que l’on suppose canonique jusqu’à ce qu’il disparaisse « d’un éclair », traversé par « un oiseau de lumière65 » :

Je crus avoir halluciné. Mais, au bout de la septième ventée, mon maître vira de bord, opéra une spirale bizarre, sans doute un long et lent salut, et suivit le chemin invisible de l’oiseau désormais invisible. […] Ce flux de pénombre naturelle reflua en une contraction obscure, lumineuse, jusqu’à ne plus rien constituer qui me fût concevable ; puis elle se dilata d’un coup, dans la violence d’une explosion, le silence d’un abîme. Un océan de lumière ! Mon Alaya tressaillit du fond de son exil. […] Dès lors, je me le répétais sans jamais le comprendre : Amala ! Amala ! Amala66

De la lumière aux ténèbres et des ténèbres à l’absolu de la lumière, Foufou semble avoir réalisé son Amala, avoir atteint sa « neuvième conscience », le faîte de son accomplissement. Dans le bouddhisme « chittamatra67 », la neuvième conscience serait un état de surconscience qui précéderait l’illumination ultime tandis qu’en sanskrit, l’Amala désignerait la purification jusqu’à la pureté absolue à laquelle accède Foufou et que d’ailleurs semble comprendre le Malfini qui l’appelle « mon maître » comme si la lumière de l’Amala de Foufou avait également purifié et vidé de sa brutalité sanguinaire son Alaya de rapace. Or, il semble avoir fallu plusieurs états de conscience au Malfini pour que s’accomplisse en lui l’initiation du « maître », qu’il comprenne sa lente et tranquille ascèse vers son Amala, en particulier, cette « capacité de riposte diverselle68 » du Foufou à la violence par l’esquive ou par l’apprentissage de tous les chants et de toutes les langues, ces voix multiples dont le « potentiel de puissance69 » l’avait naguère émerveillé. Cette pluralité des « consciences » que le romancier nous ferait franchir étape par étape, au fil des pages, comme si chaque paragraphe était une sorte de palier vers la saisie de la multiplicité absolue, serait-elle celle-là même qui assurerait la mutation de la forme romanesque, comme l’analyse de Jean Bessière permet de le penser ?

Le roman de la communauté est-il celui des consciences multiples de l’individualité, qui relève d’un animisme – autrement dit, l’innombrable des consciences, puisqu’elles sont possiblement celles de toutes les individualités humaines et non humaines. Cela est l’histoire des Neuf consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau70.

« Et j’endure cette merveille, cet océan de lumière d’où s’en vient et s’en va le vivant…71 », points de suspension… car telles sont les dernières paroles du récit du Malfini mais toutefois pas son ultime chant puisque, dans une immense note de bas de page, le narrateur, le « marqueur de paroles » qui l’a recueilli et dit avoir écouté ou « perçu » son histoire, le montre « déployant » « des scansions étranges72 », celles apprises de son « maître », le Foufou herméneute du Diversel et de son infinie polyphonie, celles de tous les chants d’oiseaux à la fois et de toutes les langues du vivant, lui laissant le « sentiment d’une liturgie dans laquelle il parlait en chantant et chantait en parlant73 ». Puis, le Malfini s’envole et le narrateur dit partir explorer Rabuchon où il découvre un « vieux nègre » qui « griffonne » sur un petit carnet constellé de dessins de colibris et qui déplore leur départ comme Pasolini regrettait les lucioles74 et lui confie :

Rien de tout cela n’est vrai, mais tout cela est bel et bien vivant… […] Vous n’avez pas rêvé mais le rêve n’était pas loin. […] C’est le chant, le plain-chant du vivant…75

C’est de la sorte ce « plain-chant du vivant » que distingue Renée Clémentine Lucien76 dans Archipiélagos77 (Archipels), le roman que le Cubain Abilio Estévez écrivit dans un hommage singulier et particulier à ses recherches « glissantiennes »… Aussi, le Caribéen Abilio Estévez s’attache-t-il à forger un personnage qui serait le fruit de l’hybridité de son « Tout-Monde » et dont l’œuvre et la quête créatrice s’incarneraient dans la construction d’une caravelle La grande Clémentine de La Martinique, ainsi nommée, inédite, à la « beauté intraitable » car composite et forgée par ce « Multivers » qui tisse son archipel.

C’est également ce « plain-chant du vivant » qui irrigue l’examen de la fable et du conte par Odile Gannier78 pour laquelle il n’est possible d’« écouter » le « Vieux Vent Caraïbe » du Romancero aux étoiles de Jacques Stephen Alexis ou Rosinha, le canoë qui parle, que si l’on est pourvu d’une « oreille universelle à l’écoute du Diversel ».

Il nous faut toutefois, auparavant, comprendre et admettre, grâce aux recherches de Nicolas Pien79, que cette dimension de l’universel n’irait pas de soi au regard de l’œuvre et de la trajectoire du romancier et intellectuel engagé Vincent Placoly disparu, il est vrai, en 1992, bien en amont de la sortie des Neuf consciences du Malfini (Chamoiseau) et de Philosophie de la Relation (Glissant), tous deux de 2009. En effet, la lecture des romans La Vie & la mort de Marcel Gonstran80 suivi de L’eau-de-mort Guildive de 1973 et de Frères Volcans81, l’œuvre majeure de 1983, puis du recueil de nouvelles Une journée torride82, permet à Nicolas Pien de mettre en perspective les concepts d’Universel et de Diversel, s’attachant à montrer comment, par le recours au pastiche et à la parodie, l’écrivain martiniquais, militant de la cause indépendantiste, qu’est Vincent Placoly, se place en position de colonisé pour se démarquer du récit antillais confisqué par le colon et révéler au lecteur caribéen son absence à lui-même comme à son histoire. L’enjeu s’agirait-il pour cette littérature « latente », encore oralisée, qui ne peut se constituer qu’à partir de l’« oraliture », d’entrer dans l’Universel ? À cet égard, Nicolas Pien répond qu’au regard de l’Identité-relation, ce Diversel dont se réclame Chamoiseau et qui serait une « errance horizontale », ouverte, Vincent Placoly réclame également une identité qui serait une errance cette fois « verticale dans le temps ». Aussi, pour Nicolas Pien, le romancier martiniquais Placoly ne peut entrer que dans un « Universel paradoxal » car « travaillé par la spécificité antillaise » afin de restituer « un peu de son histoire » à l’homme caribéen.

Dans le droit fil de cette interrogation, Joséphine Marie83 fait remarquer que, face aux écrivains francophones qui, comme Chamoiseau et Glissant, placent l’identité dans l’ouverture offerte par l’hybridité caribéenne fondatrice, les écrivains cubains prétendent, eux, davantage à l’Universel. Aussi, part-elle de ce constat pour examiner, en confrontant, au départ, des points de vue qui pourraient sembler antinomiques, le roman du Cubain Alejo Carpentier El Siglo de las luces84 (Le Siècle des Lumières) et Tout-monde85 d’Édouard Glissant. Or, cette étude comparée révèle que l’apparente fracture entre les visages de l’Universel déployés dans le grand roman historique de la Révolution française aux Antilles par Carpentier et les mises en cause de l’Universel par Glissant dans Tout-monde, prend du jeu. Car, en réalité, El Siglo de las luces est le roman de l’échec révolutionnaire et des idéologies précisément fondées sur une conception universaliste de la liberté dont le romancier dénonce à cet égard la faillite. S’opère, tout particulièrement, dans la trajectoire et les discours des personnages, tout un jeu de mise à distance de toute pensée de l’universalisme occidental dont sera soulignée la relativité au point que, pour Joséphine Marie, le personnage d’Estebán incarnerait cette forme « d’archipélisation de la sensibilité » revendiquée par Édouard Glissant. Le roman s’ouvre d’ailleurs à une « polyphonie intertextuelle » au sein d’un texte qui, selon Joséphine Marie, « parle des textes » autant qu’il intègre d’autres textes et des chansons et s’inscrit dans la polyphonie des langues. Dans le dialogue entre les deux œuvres de Carpentier et de Glissant qu’elle conduit, Joséphine Marie montre combien, en définitive, des formes de « continuités discontinues » s’instaurent au point qu’Alejo Carpentier, auteur de cette œuvre sur le « grand siècle de l’universalisme » qu’il questionne et fait craquer, serait « déjà ce romancier glissantien » apte à faire surgir les voix multiples d’une Caraïbe « différenciée, démultipliée ou remultipliée » dont les identités polymorphes et les temporalités entrent en Relation pour décentrer et réécrire à plusieurs voix cette « Histoire tronquée ou décapitée ».

À cet égard, dans le roman de Glissant Tout-monde, « le figuier maudit, un banian […] fouill(e) des espaces interdits dans toutes les histoires maudites » et « déracin(e) dans les temps écoulés ou à venir »… Aussi, est-ce pour cela que « les banians crépit(ent) en rhizomes dans l’espace du monde86 ». Le « rhizome » des îles fait essaimer leur polyphonie au-delà de l’archipel, là où l’histoire se démultiplie et où l’espace du texte s’ouvre à la fable, au conte, au merveilleux pour inscrire l’imaginaire dans le Tout-Monde « diversel » qui, pour Odile Gannier87, « redonne une vie autonome aux choses, aux animaux qui existent sans les hommes mais que certains d’entre eux peuvent entendre » s’ils sont à l’écoute du « diversel ». Pour Odile Gannier, est-ce là ce « réel merveilleux » caribéen noué dans la conjugaison des apports indiens, africains et européens, tout particulièrement en Haïti dans Le Romancero aux étoiles88 de Jacques Stephen Alexis, ou dans l’espace latino-américain comme le Brésil dont est issu le texte de Mauro de Vasconcelos Rosinha minha canoa89 ? Cette exploration de la diversité du vivant mène d’ailleurs Odile Gannier à interroger le mode de présence au monde, analyse qui prend également appui sur le roman de Patrick Chamoiseau L’Empreinte à Crusoé90. Or, cette posture implique, souligne-t-elle, de savoir décrypter les signes cachés du vivant ; c’est ainsi que la pirogue Rosinha « se souvient de son passé d’arbre et sait prédire l’avenir » tandis que les histoires fabuleuses contées par le Vieux Vent Caraïbe imposent aux hommes d’en trouver le sens et de comprendre que la signification serait toujours à renouveler, tout comme l’empreinte sur le sable impose une quête de l’origine au Robinson de Chamoiseau qui lui dévoile qu’il n’est pas celui qu’il croyait être et lui révèle de la sorte sa digenèse. Aussi cette « herméneutique » impose-t-elle, comme l’explique Odile Gannier, de « créer une modalité intermédiaire entre le vraisemblable et l’irrationnel » pour faire émerger « l’impensable », ce vivant insoupçonné pour l’intelligence duquel, il nous faut, selon elle, « dépasser les frontières entre les ordres arbitrairement fixés ». Là serait pour elle le « multivers » à savoir notre univers conjugué à l’ensemble des possibles qui, conformément aux propositions d’Héraclite, suppose non la stabilité mais une « constellation changeante ». Seulement, souligne-t-elle, « la parabole appelle un sens » dont la quête sous-tendrait notre mode de présence au monde : « pas d’existence sans l’expérimentation permanente d’une infinité de possibles », conclut-elle, citant Chamoiseau dans « L’atelier de l’empreinte ».

Est-ce pour les besoins de cette expérimentation que Renée-Clémentine Lucien91 tient à préciser que le roman Archipiélagos92 (Archipels) s’inscrit dans une étape de l’œuvre d’Abilio Estévez marquée par le nomadisme de ses personnages ? Archipels se déploie « comme une ample fresque de Cuba », concentrée dans le quartier de Marianao de La Havane, quartier du Divers et de la rencontre en Relation de personnages issus du Tout-Monde auquel correspond une architecture romanesque fragmentée dont un narrateur proustien, José Isabel, tente, comme le montre Renée Clémentine Lucien, de « retisser le fil perdu ». Aussi, entre le récit de ce « Tout-Monde créolisé » et le roman occidental proustien, fait-elle observer que le romancier « fluctue entre une universalité classiquement pensée » et une « intuition du Divers » qui serait cet universel autre, cette diversalité telle que la traduit Glissant, ainsi nommée « diversel » par Chamoiseau. De la sorte, la beauté qui sourd de ce Tout-Monde en digenèse sera celle-là même qui échappe aux canons qu’une pensée « universaliste » lui avait traditionnellement assignés. Cette « beauté du diversel » vient à l’écrivain comme une « épiphanie », souligne Renée Clémentine Lucien, au point que Teo Martinica semble encore plus intensément pétri que les autres par la « beauté du Divers » qui concentre dans ses veines de Martiniquais une Caraïbe métisse et créolisée qui, des mots de Renée Clémentine Lucien, « façonne des hommes doublement marqués au fer rouge par l’hubris des éléments et la mémoire de leurs ancêtres asservis ». Après avoir erré d’île en île, cet « homme d’archipels » parle ce « créole de l’errant », langue qui étonne par l’opacité « diverselle » qui la tisse, langue composite apprise de tous et de partout « dans la solidarité de toutes les langues du monde » chère à Édouard Glissant, et de tous les apports historiques et littéraires à l’image de cette langue espagnole apprise d’un « Noir portoricain constructeur de bateaux lecteur du Quichotte ». Parmi les « points d’orgue » poétiques du « diversel », comme le carnaval de La Havane, Renée Clémentine Lucien élit comme « emblème » le plus manifeste de la beauté du Divers, de son opacité et de son « tremblement », cette caravelle patiemment construite de bric et de broc par Teo Martinica avec des « morceaux de bois usagés » en dérive, « ciselés » précise-t-elle, par une « histoire humaine non encore déchiffrée inscrite sur les troncs » rejetés par la mer », une caravelle qui « ressemble à celles de Christophe Colomb sans lui ressembler ». Cette caravelle de la Relation à la délicate « beauté du composite », nommée Grande Clémentine de la Martinique, résulte pour Renée Clémentine Lucien, d’une « digenèse » qui « conjoint universel et diversel », à l’image des renouvellements artistiques offerts par les plasticiens caribéens comme le Martiniquais Serge Hélénon comme si, le roman d’une nouvelle facture devenu « organisme narratif » ou l’œuvre d’art, fruit du détournement, pouvaient désormais voguer en Relation au-delà de la vie de leurs créateurs.

L’écriture rompt également les ancres pour l’écrivaine Dominique Deblaine93 dont, dans Paroles d’une île vagabonde94, son premier roman, l’île de son archipel semble se détacher pour une exploration herméneutique du Tout-Monde qui lui dévoile ce qu’elle est, fragment par fragment, au gré de son errance. « Ce qui est important pour moi, ce n’est pas tant la publication que l’écrire, c’est-à-dire traduire tous les existants et tous les possibles », nous confie-t-elle. Aussi, dans son deuxième roman Le Raconteur95, prête-t-elle sa plume à un animal insignifiant, dont d’ailleurs seuls les fins observateurs du vivant savent repérer les tribulations, un rat « conteur », minuscule mais attentif qui « tous les soirs », va « caresser les rêves de l’impasse Bellenvent » en Guadeloupe. Il est censé « conter » qu’il s’introduit dans les maisons d’un lieu antillais très commun pour « raconter » ces micro-histoires du quotidien, de l’intime, de cet infime fil des jours que, d’ordinaire, on ne « raconte » pas, ces secrets banals, minuscules et fragmentés que l’écrivaine est censée écouter, comme Chamoiseau du Malfini, d’un rat qui se promène sur les fils électriques et entre au hasard chez les habitants. Le récit traditionnel n’est plus, le roman se forme au gré de ce Divers, des « histoires » qui surgissent, il semble même ne se vouloir que fragments puisqu’il ne s’achève pas, que l’on comprend qu’à leur insu, les habitants de l’impasse Bellenvent attendent et attendront encore et encore le « rat conteur » « tous les soirs à la même heure…96 ». Or, à la spatialité restreinte du Raconteur, répond, dans La Rumeur des rives97, son troisième roman, l’infini de l’Océan, là où, au regard des éléments, la vie n’est rien. À la barre d’Épicure qu’elle tient ou croit tenir, au large, entre les rives océaniques ou dans l’imaginaire qui lui permet de faire craquer les murs de la prison où elle purge son crime, celui du père, une femme antillaise se réinvente une vie meilleure, une vie « bonne » irriguée par la sagesse et la liberté dont la quête prend toute son amplitude dans les « sillonnements » du Tout-Monde au gré des aléas des tempêtes, des vagues, du vent, de la mer comme de la vie. C’est un tressage subtil de ses trois romans que Dominique Deblaine, notre écrivaine invitée, a choisi de nous offrir dans Archipel diversel, ce long texte poétique aux parfums mêlés de « diversel », d’étincelles, de rais de soleil ou d’improvisations de jazz, assemblés en Relation, dans ce tout-Monde composite noué dans la rencontre et l’inattendu.

 

La caravelle construite par Teo Martinica, La grande Clémentine de la Martinique, nous proposerait-elle, assurément, une découverte de l’Amérique à rebours, celle-là même qui effacerait à jamais les noms des bateaux royaux négriers rebaptisés dans El Siglo de las Luces (Le Siècle des Lumières), par un tour de passe-passe sémantique, en Carmagnole, Incorruptible ou Ami du peuple, ceux qui, dans le roman de Carpentier, arborent la guillotine à la proue ou redeviennent négriers clandestins ? Car, à l’universel au nom duquel on imposa une société coloniale esclavagiste, ou à l’utopie universaliste des Lumières, les écrivains caribéens d’aujourd’hui répondent en conjuguant autrement l’universel, dans le « diversel » de cet archipel caribéen polyphonique, « divers », discontinu et composite, perméable à tous les apports… Aussi, nos études ont-elles préféré emprunter les gommiers de Walcott ou le canoé Rosinha, à l’écoute des arbres et du vivant dont ils sont issus, ou les ailes du Foufou et du Malfini, pour une « découverte » du Nouveau Monde à bord également d’Épicure, le voilier de la belle et « bonne » vie que l’on ne peut croiser qu’en réinventant la navigation sur les eaux changeantes du Diversel, ou encore, à bord de la caravelle de Teo Martinica, cette Grande Clémentine caribéenne, caravelle de mots métisse et hybride dont l’« intraitable beauté » cingle vers le Tout-Monde.

Notes de bas de page numériques

1 In What the Twilight Says, Essays, New-York, éd. Faber and Faber, 1998, p. 69. Derek Walcott, le grand poète de Sainte Lucie (1930-17 mars 2017) dont l’œuvre maîtresse est, selon nous, Omeros (1990), a reçu le prix Nobel de littérature en 1992.

2 Derek Walcott, What the Twilight Says, Essays, 1998, « Les Antilles, Fragments d’une mémoire épique », Café Martinique, trad. fr. Béatrice Dunner, Anatolia, Paris, éditions du Rocher, 2004, p. 95.

3 Patrick Chamoiseau, Les neuf conciences du Malfini, Paris, Gallimard, 2009.

4 Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau, L’intraitable beauté du monde, adresse à Barack Obama, Paris, Galaade éditions en coédition avec l’Institut du Tout-Monde, 2009.

5 D. Walcott, « The Antilles, Fragments of epic Memory », op. cit., p. 69.

6 D. Walcott, « Les Antilles, Fragments d’une mémoire épique », op. cit., p. 94-95.

7 Émission spéciale Patrick Chamoiseau sur France Culture le samedi 11 mars 2017 (à 17 heures, durée 58 mn) en direct de la Fête du livre de Bron, in Le Temps des écrivains par Christophe Ono-dit-Biot. Les citations qui figurent dans ce paragraphe ont été transcrites à partir de cette émission spéciale.

8 Cette formule de Patrick Chamoiseau figure également dans l’entretien qu’il a accordé à Hélène Ferrarini dans l’édition du 3 janvier 2017 de la revue Africultures consécutivement à la 27e édition du Prix Carbet de la Caraïbe fin décembre 2016 : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=13908

9 Samia kassab-Charfi, « Paroles sous l’écriture » in Patrick Chamoiseau, Paris, Gallimard / Institut Français, 2012, p. 9.

10 S. Kassab-Charfi, « Paroles sous l’écriture », op. cit., p. 9.

11 S. Kassab-Charfi, « Paroles sous l’écriture », p. 9.

12 Voir S. Kassab-Charfi, « Paroles sous l’écriture », op. cit., p. 13. La blesse, mot créole employé d’ailleurs par Chamoiseau, désigne à la fois la blessure et la séquelle douloureuse et ineffaçable qu’elle installe et fait perdurer dans la mémoire, tout particulièrement à propos de l’esclavage mais pas exclusivement toutefois.

13 Patrick Chamoiseau, France Culture le 11 mars 2017, Le Temps des écrivains, loc. cit.

14 Édouard Glissant, Philosophie de la Relation, Paris, Gallimard, 2009, p. 112.

15 Édouard Glissant, La Cohée du Lamentin, Paris, Gallimard, 2005, p. 37.

16 Propos tenus par Edouard Glissant, reprenant et présentant Philosophie de la Relation lors de la conférence inaugurale du congrès de la SHF (Société des Hispanistes Français de l’Enseignement Supérieur) le 14 mai 2009 retranscrite par Renée-Clémentine Lucien (Sorbonne Université) in Cultures lusophones et hispanophones : penser la Relation, Maria Graciete Besse (dir.), Paris, Indigo & Côté Femmes, 2010, p. 14-15.

17 É. Glisssant, Philosophie de la Relation, op. cit, citations de l’auteur résumant l’ouvrage en 4e de couverture.

18 É. Glissant, Philosophie de la Relation, op. cit., p. 83.

19 Voir également É. Glissant, La Cohée du Lamentin, op. cit., p. 38 : « La racine unique tue autour d’elle. L’identité-relation autorise infiniment ».

20 Dans un entretien publié dans le journal L’Humanité du vendredi 29 mai 2009.

21 É. Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 14-15, même référence également pour « la pensée de l’Un et de l’unité ».

22 John Holloway, Crack Capitalism, 33 thèses contre le capital, [2010], trad. José Chatroussat, Padoue, Libertalia, 2012 cité par Jef Safi, blog de Mediapart, 25 avril 2014 sur la thématique du Diversel visiblement inspirée par É. Glissant dont nombre de propos sont reproduits.

23 Propos de É. Glissant rapportés par Jef Safi, Mediapart, op. cit.

24 Citation extraite de l’article d’Aurélien Barrau dans l’Encyclopædia Universalis lequel souligne que l’idée « d’univers multiples » apparaîtrait pour la première fois au XIème siècle chez Anaximandre. Aurélien Barrau, « Multivers » in Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 7 décembre 2018. URL : http://www.Universalis.fr/encyclopedie/multivers . Nous reverrons également à Aurélien Barrau, Des univers multiples (2e édition), Nouveaux horizons cosmiques, Paris, éditions Dunod, collection : Quai des sciences, mars 2017.

25 Aurélien Barrau, « Multivers », op. cit.

26 Jonathan Sare, articles et interviews d’Aurélien Barrau publiés le 30 août 2015 (modifiés le 11 septembre 2018) sur le site de Futura Sciences. Nous pouvons d’ailleurs retrouver ces définitions dans les cours dispensés par Aurélien Barrau en première année de licence à l’Université de Grenoble-Alpes et dont les vidéos sont postées sur les blogs de Futura Sciences : https://blogs.futura-sciences.com/barrau/tag/multivers/

27 Patrick Chamoiseau, Les neuf conciences du malfini, op. cit., p. 228.

28 Propos tenus par Edouard Glissant à l’université de Paris XII le 10 décembre 2008 lors d’un après-midi d’hommages à Aimé Césaire avec les membres du jury du Prix Carbet de la Caraïbe.

29 Propos tenus lors de la rencontre du 10 décembre 2008.

30 P. Chamoiseau, Africultures, op. cit., p. 2.

31 Daniel Maximin, L’Isolé soleil, Paris, Le Seuil, 1981.

32 Voir par exemple Max Rippon, Marie La Gracieuse, Pointe-à-Pitre, Éditions Jasor, 2002.

33 Dominique Deblaine, Le Raconteur, Paris, Riveneuve éditions, 2014.

34 Pour les citations de Rafaël Lucas, voir la quatrième de couverture du Raconteur, op. cit.

35 Voir Dominique Diard, « Entre l’ici et l’ailleurs : Louis-Philippe Dalembert, l’aède vagabond », Entre Haïti et ailleurs. Louis-Philippe Dalembert in Loxias-colloques n° 9, janvier 2018.

36 Propos de P. Chamoiseau sur la quatrième de couverture, Les neuf conciences du Malfini, op. cit.

37 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 239.

38 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfinin, op. cit., p. 225.

39 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 226.

40 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 32. Les éléments en italique sont ainsi dans le texte.

41 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 33.

42 Ces expressions sont celles de René de Ceccatty dans son article « Les neuf consciences du Malfini, de Patrick Chamoiseau : Patrick Chamoiseau, plain-chant » du Monde des livres du 9 avril 2009 présentant Les neuf consciences du Malfini.

43 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 37.

44 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 65.

45 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 37-38.

46 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 64-65.

47 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 68-69 (pour la succession de citations).

48 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 55.

49 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 154.

50 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 84. « Présences » est en italiques dans le texte.

51 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 131.

52 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 25.

53 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 104-105.

54 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 105.

55 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 121.

56 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 43. En italiques dans le texte.

57 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 43.

58 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 44.

59 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 47.

60 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p 49.

61 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 45.

62 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 51.

63 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 48.

64 P. Chamoiseau, entretien accordé à France Culture le 11 mars 2017 lors de la Fête du livre de Bron. Nos citations transcrivent les propos de l’écrivain.

65 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 215.

66 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 215-216.

67 Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Neuf_consciences_du_Malfini où nous avons trouvé la définition suivante qui résume efficacement nos différentes recherches sur cette neuvième conscience et apporte un éclairage fort intéressant : « Le bouddhisme traditionnel reconnaît six consciences, le bouddhisme chittamatra ou yogacara enseigne un septième état, celui de la conscience mentale souillée, et un huitième, nommé Alayavijñana (proche de l’alaya du Malfini), sorte de conscience fondamentale, base de tout. Le neuvième serait un état de surconscience, déjà longuement expérimentée par le Foufou juste avant l’illumination […]. Ce serait l’amala : le terme sanskrit amala signifie propre, pur, purifié, épuré. »

68 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 52.

69 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 52.

70 Jean Bessière, Le Roman contemporain ou la problématicité du monde, Paris, Presses Universitaires de France, coll. L’interrogation philosophique, 2010, p. 168.

71 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 225.

72 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 225.

73 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 225.

74 Dans l’émission qui lui est consacrée sur France Culture le 11 mars 2017 (Le Temps des écrivains, loc. cit.), Patrick Chamoiseau, répondant à une question de Christophe Ono-dit-Biot sur le sujet, évoque sa lecture de Pasolini et les célébrissimes lucioles dont pleurer la disparition serait une forme de résistance au fascisme ; en outre, René de Céccaty, dans l’article du Monde des livres du 9 avril 2009 consacré à la sortie du roman de Chamoiseau, établit ce parallélisme avec les lucioles de Pasolini.

75 P. Chamoiseau, Les neuf consciences du Malfini, op. cit., p. 226.

76 Renée Clémentine Lucien : « La beauté du Divers de Teo Martinica dans Archipiélagos (Archipels) d’Abilio Estévez (2015) ». Ce travail sera plus amplement présenté dans la suite de notre annonce des contributions.

77 Abilio Estévez, Archipiélagos (Archipels), Barcelone, Tusquets Editores, colección Andanzas, 2015.

78 Odile Gannier : « Les hommes qui parlaient au vent, aux arbres et aux pierres. Romancero aux étoiles (J. S. Alexis), Rosinha minha canoa (J. Mauro de Vasconcelos), L’empreinte à Crusoé (P. Chamoiseau) ; et Derek Walcott ». Ce travail sera également plus amplement annoncé dans la suite de notre présentation des contributions.

79 Nicolas Pien : « Le cas Vincent Placoly : l’Universel paradoxal ».

80 Vincent Placoly, La Vie et la mort de Marcel Gonstran, [Denoël, 1971], Caen, éd. Passage(s), 2016.

81 Vincent Placoly, Frères Volcans, [La Brèche, 1983], Caen, éd. Passage(s), 2017.

82 Vincent Placoly, Une journée torride, Paris, éd. La Brèche, 1991.

83 Joséphine Marie : « Face au Tout-Monde : l’universel en question dans les voix et les territoires multiples de El Siglo de las luces d’Alejo Carpentier ».

84 Alejo Carpentier, El Siglo de las luces, [1962], Madrid, Alianza editorial, 2006 ; Le Siècle des Lumières, trad. René L. F. Durand, [1962], Paris, Gallimard / Folio, 2013.

85 Édouard Glissant, Tout-monde, [1993], Paris, Gallimard / Folio, 2011.

86 É. Glissant, Tout-monde, op. cit., p. 63-64.

87 Odile Gannier : « Les hommes qui parlaient au vent, aux arbres et aux pierres. Romancero aux étoiles (J. S. Alexis), Rosinha, minha canoa (J. Mauro de Vasconcelos), L’Empreinte à Crusoé (P. Chamoiseau) ; et Derek Walcott ».

88 Jacques Stephen Alexis, Romancero aux étoiles, [1960], Paris, L’imaginaire / Gallimard, 1988.

89 José Mauro de Vasconcelos, Rosinha minha canoa. Romance em compasso de remo, [1962], Saõ Paulo, Melhoramentos 1ra ediçaõ digital, 2013 ; Rosinha mon canoë. Roman au rythme des rames, trad. Alice Raillard, Paris, Stock, 1974.

90 Patrick Chamoiseau, L’Empreinte à Crusoé, Paris, Gallimard, 2012.

91 Renée Clémentine Lucien : « La beauté du Divers de Teo Martinica dans Archipiélagos (Archipels) d’Abilio Estévez ».

92 Abilio Estévez, Archipiélagos, Barcelone, Tusquets Editores, collección Andanzas, 2015.

93 Dominique Deblaine : « J’écris mes variations comme des errances », texte offert par l’écrivaine que nous remercions chaleureusement.

94 Dominique Deblaine, Paroles d’une île vagabonde, Paris, éd. Riveneuve, 2011.

95 Dominique Deblaine, Le Raconteur, Paris, éd. Riveneuve, 2014.

96 Dominique Deblaine, Le Raconteur, op. cit., p. 154.

97 Dominique Deblaine, La Rumeur des rives, Paris, éd. Riveneuve, 2017.

Bibliographie

BARRAU Aurélien, Des univers multiples (2e édition), Nouveaux horizons cosmiques, Paris, éditions Dunod, collection Quai des sciences, mars 2017

BARRAU Aurélien, « Multivers » in Encyclopædia Universalis [en ligne] : http://www.Universalis.fr/encyclopedie/multivers

BARRAU Aurélien, Interview (d’Aurélien Barrau) réalisée par Jonathan Sare et cours de licence d’Aurélien Barrau à l’Université de Grenoble-Alpes [en ligne] in Futura Sciences : https://blogs.futura-sciences.com/barrau/tag/multivers

BESSIÈRE Jean, Le Roman contemporain ou la problématicité du monde, Paris, coll. L’interrogation philosophique, Presses Universitaires de France, 2010

CECCATTY René de, « Les neuf consciences du Malfini, de Patrick Chamoiseau : Patrick Chamoiseau, plain-chant » in Le Monde des Livres, 9 avril 2009

CHAMOISEAU Patrick, Les neuf consciences du Malfini, Paris, Gallimard, 2009

CHAMOISEAU Patrick, Émission spéciale Patrick Chamoiseau sur France Culture le samedi 11 mars 2017 (à 17 heures, durée 58 mn) en direct de la Fête du livre de Bron in Le Temps des écrivains par Christophe Ono-dit-Biot

CHAMOISEAU Patrick, Entretien accordé à Hélène Ferrarini in Africultures, édition [en ligne] du 3 janvier 2017 : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=13908

DIARD Dominique, « Entre l’ici et l’ailleurs : Louis-Philippe Dalembert, l’aède vagabond » in Sylvie Bouffartigue, Dominique Diard, Renée-Clémentine Lucien (dir.), Entre Haïti et ailleurs. Louis-Philippe Dalembert, Loxias-colloques n° 9, janvier 2018

GLISSANT Édouard et CHAMOISEAU Patrick, L’intraitable beauté du monde, adresse à Barack Obama, Paris, Galaade éditions en coédition avec l’Institut du Tout-Monde, 2009

GLISSANT Édouard, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996

GLISSANT Édouard, La Cohée du Lamentin, Paris, Gallimard, 2005

GLISSANT Édouard, Philosophie de la Relation, Paris, Gallimard, 2009

GLISSANT Édouard, « Penser la Relation », propos tenus par É. Glissant lors de la conférence inaugurale du congrès de la SHF (Société des Hispanistes Français de l’Enseignement Supérieur) le 14 mai 2009 et retranscrits par Renée-Clémentine Lucien in Maria Graciete Besse (dir), Cultures Lusophones et Hispanophones : Penser la Relation, Paris, Indigo & Côté Femmes, 2010

HOLLOWAY John, Crack Capitalism, 33 thèses contre le capital, [2010], trad. José Chatroussat, Padoue, Libertalia, 2012

KASSAB-CHARFI Samia, Patrick Chamoiseau, Paris, Gallimard / Institut français, 2012

MAXIMIN Daniel, L’Isolé soleil, Paris, Le Seuil, 1981

RIPPON Max, Marie La Gracieuse, Pointe-à-Pitre, Éditions Jasor, 2002

SAFI Jef, « Diversel », article du 25 avril 2014 in blog Jef Safi de Mediapart

WALCOTT Derek, « The Antilles : Fragments of Epic Memory », What the Twilight Says, Essays, New-York, éd. Faber and Faber, 1998

WALCOTT Derek, [What the Twilight Says, Essays, 1998], « Les Antilles, Fragments d’une mémoire épique », Café Martinique, trad. Béatrice Dunner, Paris, Anatolia éditions du Rocher, 2004

Anonyme, https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Neuf_consciences_du_Malfini

Œuvres citées dans la présentation des contributions

ALEXIS Jacques Stephen, Romancero aux étoiles, [1960], Paris, L’imaginaire / Gallimard, 1988

CARPENTIER Alejo, El Siglo de las luces, [1962], Madrid, Alianza editorial, 2006 ; Le Siècle des Lumières, trad. René L. F. Durand, [1962], Paris, Gallimard / Folio, 2011

DEBLAINE Dominique, Paroles d’une île vagabonde, Paris, éd. Riveneuve, 2011

DEBLAINE Dominique, Le Raconteur, Paris, éd. Riveneuve, 2014

DEBLAINE Dominique, La Rumeur des rives, Paris, éd. Riveneuve, 2017

ESTÉVEZ Abilio, Archipiélagos (Archipels), Barcelone, Tusquets Editores, colección Andanzas

GLISSANT Édouard, Tout-monde, [1993], Paris, Gallimard / Folio, 2011

MAURO de VASCONCELOS José, Rosinha minha canoa. Romance em compasso de remo, [1962], Saõ Paulo, melhoramentos Ira ediçaõ digital, 2013 ; Rosinha mon canoë. Roman au rythme des rames, trad. Alice Raillard, Paris, Stock, 1974

PLACOLY Vincent, La Vie et la mort de Marcel Gonstran, [Denoël, 1971], Caen, éd. Passage(s), 2016

PLACOLY Vincent, Frères Volcans, [La Brèche, 1983], Caen, éd. Passage(s), 2017

PLACOLY Vincent, Une journée torride, Paris, éd. La Brèche, 1991

Notes de la rédaction

Ces travaux feront l’objet d’une publication imprimée, augmentée d’un inédit de l’écrivaine Dominique Deblaine : Dominique Diard (DRS), Polyphonies diverselles du Tout-Monde, éditions Passage(s), collection “Essais”.

Pour citer cet article

Dominique Diard, « Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre : le colibri herméneute ou le « Multivers » initiatique de Malfini dans Les neuf consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau », paru dans Loxias-Colloques, 12. Le Diversel
Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre dans la fiction caribéenne contemporaine
, Introduction, Universel ou « Diversel », Tout-Monde ou « Multivers » à l’œuvre : le colibri herméneute ou le « Multivers » initiatique de Malfini dans Les neuf consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau,
mis en ligne le 14 avril 2019, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1170.

Auteurs

Dominique Diard

Dominique DIARD est maître de conférences en Littérature comparée dans le département Information et communication de l’Université de Caen Normandie et membre du LASLAR (EA 4256). Elle est également membre associé du GRIAHAL et vice-présidente de HAH bis (adossé au GRIAHAL). Elle a travaillé sur les représentations de l’Amérique Latine dans la littérature française de la première moitié du XXe siècle et les échanges entre les deux continents dans le prolongement de sa thèse de Doctorat (800 p.). Elle se consacre aujourd’hui plus spécifiquement aux littératures de la Caraïbe francophones et hispanophones. Son travail compte à ce jour plus d’une soixantaine de publications.

Université de Caen Normandie, LASLAR (EA 4256)

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