Loxias-Colloques |  10. Figures du voyage 

Pierre Rajotte  : 

Figure de l’inversion et altérité dans les récits des voyageurs québécois

"Figure of inversion and otherness in the stories of Quebec travel writers"

Résumé

De tout temps, le récit de voyage a pris appui sur diverses figures de discours pour rendre compte de l’altérité. Parmi ces figures, l’inversion, que François Hartog (1980) considère comme « une fiction qui fait “voir” et qui fait comprendre », témoigne d’une étonnante adaptabilité selon les époques. En effet, si elle a longtemps été liée à des processus de négation et d’exclusion inhérents à l’ethnocentrisme, « de l'inversion à la conversion » comme disait Francis Affergan (1987), elle a tout autant étayé, dans la seconde moitié du XXe siècle entre autres, la volonté de se désaliéner d’une perception ethnocentrée et la promotion d’une meilleure connaissance et reconnaissance de l’Autre. À l’aide d’un corpus de récits de voyageurs québécois, le présent article consiste précisément à montrer comment l’inversion est une figure indissociable de la pratique du récit de voyage qui a servi tantôt à dévaloriser et à instrumentaliser la culture de l’Autre, tantôt à idéaliser la différence de l’Autre, voire à l’investir de valeurs que l’on se reproche de ne pas avoir. Enfin, notre article tente de montrer quavec le tournant du XXIe siècle, certains écrivains voyageurs prennent de plus en plus conscience qu’une approche fondée sur la dépréciation ou sur l’idéalisation entretient une projection en miroir qui risque de les détourner d’une véritable tentative de connaissance de l’Autre. Le défi consiste alors à « s’ouvrir à l’Autre sans se perdre soi-même », pour reprendre l’expression d’Édouard Glissant (1996). Dans ce contexte, la figure de l’inversion acquiert un nouvel usage qui correspond notamment à « l’Esthétique du Divers » telle que la proposait Victor Segalen, c’est-à-dire qu’elle ne vise plus à favoriser « la compréhension parfaite d’un hors soi-même qu’on étreindrait en soi, mais la perception aiguë et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle ».

Abstract

Historically, the travel narrative has relied on various speech figures to account for alterity. Among these figures, inversion, which François Hartog (1980) considers as « une fiction qui fait “voir” et qui fait comprendre », shows an astonishing adaptability according to the different times. Indeed, while it has long been linked to negation and exclusion processes inherent to ethnocentrism, from "inversion to conversion" as Francis Affergan (1987) used to say, it has been equally supporting in the second half of the twentieth century among others, the desire to disengage from an ethnocentric perception and the promotion of a better knowledge and recognition of the Other. From a corpus of Quebec traveler's stories, this article will focus on showing how inversion is an inseparable part of the travel narrative that has sometimes been used to devalue and exploit the culture of Other, sometimes to idealize the difference of the Other, or even to invest in it values ​​that we blame ourselves for not having. Finally, our article will attempt to show that with the turn of the twenty-first century, some travel writers are becoming more and more aware that an approach based on depreciation or idealization cultivates a mirrored projection that risks distracting them from a real attempt to know the Other. The challenge then is to "open oneself to the Other without losing oneself", to use the expression of Édouard Glissant (1996). In this context, the figure of the inversion acquires a new use which corresponds in particular to the "Aesthetics of the Diverse" as proposed by Victor Segalen, that is to say that it does not aim anymore to favor « la compréhension parfaite d’un hors soi-même qu’on étreindrait en soi, mais la perception aiguë et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle ».

Index

Mots-clés : altérité , figure, inversion, voyage, voyageurs québécois

Géographique : Québec

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

« Dans ces centaines de rencontres quotidiennes entre l’Imaginaire et le Réel, j’ai été moins retentissant à l’un d’entre eux, qu’attentif à leur opposition. J’avais à me prononcer entre le marteau et la cloche. J’avoue, maintenant, avoir surtout recueilli le son1. »
Victor Segalen, Équipée

« Pour traduire la différence, écrivait François Hartog en 1980, le voyageur a à sa disposition la figure commode de l’inversion où l’altérité se transcrit en anti-même. On conçoit, ajoutait-il, que les récits de voyage ou les utopies y recourent abondamment, puisqu’elle [cette figure] construit une altérité “transparente” pour l’auditeur ou le lecteur2 », notamment en ramenant constamment l’Autre au Même : « c’est la même chose, à cela près que c’est l’inverse […]3. » Que l’inversion permette « de comprendre, de rendre compte, de donner sens à une altérité qui sans cela resterait complètement opaque4 », pour citer à nouveau Hartog, pourrait justifier en soi de considérer cette figure comme consubstantielle au genre du récit de voyage. Mais pour ajouter à la démonstration, j’aimerais montrer le dynamisme et l’adaptabilité de cette figure qui survit à des contextes en constant changement et véhicule des significations diverses, sinon opposées. À l’aide d’un corpus de près de 125 récits de voyageurs québécois, le présent article vise à montrer l’actualisation sur un plan diachronique de l’usage de cette opposition binaire. Précisons que la figure de l’inversion est entendue ici dans le sens de « schème discursif5 », de « schéma et [de] structure imaginative6 », voire de « forme particulière donnée à l’expression [à la représentation] et visant à produire un certain effet7 ». En ce sens, notre approche consistera à porter attention à la façon dont cette schématisation (forme particulière dans laquelle un narrateur, appartenant à un groupe a, ne raconte pas b aux gens de a, » mais simplement a et l’inverse de a8 ») axiologise la représentation de l’Autre (effet). Dans un premier temps, nous verrons qu’au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, cette figure a servi dans une perspective ethnocentriste à dévaloriser la culture de l’Autre au profit de celle des voyageurs. Puis, je démontrerai que dans la seconde moitié du XXe siècle, elle a été liée à une approche contre-ethnocentriste, en étant destinée entre autres à idéaliser la différence de l’Autre, voire à l’investir de valeurs que les voyageurs se reprochent de ne pas avoir. Enfin, je tenterai de montrer qu’avec le tournant du XXIe siècle, les écrivains voyageurs prennent de plus en plus conscience qu’une approche fondée sur la dépréciation ou sur l’idéalisation entretient une projection en miroir qui traduit une même ignorance de ce qu’est l’Autre. Nous verrons que dans ce contexte, la figure de l’inversion est actualisée au profit d’un nouvel usage. Précisons que la présente étude porte sur des tendances dominantes, ce qui n’exclut pas la coexistence de différents usages de la figure au sein de certains récits.

Inversion et conversion de l’Autre

Dans le corpus québécois du XIXe et du début du XXe siècle, nombreux sont les voyageurs qui font appel à des inversions pour représenter l’Autre. Et plus encore quand leurs destinations, notamment certains pays d’Asie et d’Orient, les confrontent à une altérité que l’on qualifie généralement de « radicale ». Sur le plan heuristique, cette figure leur permet d’appréhender la différence de l’Autre par comparaison avec le Même. On le sait, la connaissance procède généralement de l’inconnu au connu et, en ce sens, participe d’une certaine forme de reconnaissance. Dans son récit de voyage au Moyen-Orient publié en 1884, l’abbé Léon Provancher, par exemple, opère une sélection dans le réel au profit d’un contraste saisissant :

Sur une foule de points, les orientaux sont l’envers des occidentaux. […] Chez nous, nous écrivons de gauche à droite ; en Orient on écrit de droite à gauche. Nous saluons les femmes et nous en demandons des nouvelles ; en Orient on ne les salue jamais, et on n’en demande pas de nouvelles. Nous ôtons notre chapeau en signe de respect ; en Orient on ôte sa chaussure. Chez nous les femmes vont la face découverte et se couvrent la poitrine ; en Orient on va la poitrine découverte et on se voile la face. Nous avons des vêtements étroits ; les orientaux en ont des larges. Nous baissons la tête pour affirmer ; eux la relèvent9.

Ces inversions par lesquelles le voyageur rend plus saisissable la différence de l’Autre peuvent certes produire un effet pittoresque ou exotique. Mais la plupart du temps à l’époque, elles comportent une finalité idéologique en étant résorbées par les possibilités d’une conversion religieuse. « De l’inversion à la conversion10 », pour reprendre l’expression de Francis Affergan. C’est le cas, comme on peut s’y attendre, dans les nombreux récits des missionnaires qui s’emploient à démontrer la nécessité de convertir l’Autre à la religion chrétienne. En Asie par exemple, la propagande missionnaire donne à voir l’inversion de l’Asiatique comme une menace à contrer, et sa conversion comme une mesure préventive. Pour endiguer le « péril jaune » qui menace d’envahir l’Occident, estime le père Olivier Maurault en 1922, il importe « d’aller porter la vérité à ces peuples assis à l’ombre de la mort11 ». Bien souvent, dans ce contexte, l’inversion de l’Autre sert à promouvoir le zèle apostolique que déploient les missionnaires pour la renverser. Le passage suivant, qui se rapporte aux jeunes filles d’un orphelinat dirigé par des catholiques au Moyen-Orient, rend bien compte de cette inversion de l’Autre en Même.

Immense bienfait de l’instruction chrétienne et surtout catholique, qui pourrait se lasser d’admirer ici comme partout ailleurs, tes inappréciables résultats ! Ces jeunes filles aux allures policées et pleines de réserve, au maintien décent et propre, semblent former une caste nouvelle au milieu de leurs compatriotes. Elles ne leur ressemblent plus que par le langage, encore arrive-t-il même que très souvent entre elles c’est en français qu’elles conversent ; car l’éducation est avant tout française. Si on leur conserve le costume du pays, c’est toutefois avec une manière toute différente de le porter, qui dénote de suite que les règles de la modestie et de la bonne tenue sont connues et qu’elles savent s’y conformer. À l’encontre des musulmanes, elles ne redoutent nullement de se montrer la figure, mais sont très attentives à se couvrir la poitrine12.

Il ne s’agit plus de représenter l’étranger, mais de faire en sorte qu’il ne soit plus tout à fait étranger. Dans son inversion, l’Autre n’offre guère d’intérêt ou ne suscite que des réactions négatives. Une fois réduit au Même, et par conséquent une fois renversé l’inversion, il constitue subitement un phénomène digne d’attention d’autant plus qu’il permet d’accentuer les bienfaits d’une conversion religieuse et d’une mission civilisatrice. Voici comment Gaston Labat s’extasie devant l’œuvre des Franciscains en pays musulman, et plus particulièrement devant deux « jeunes convertis au christianisme » :

Quelle différence entre ces enfants de la Vérité et ceux de l’ignorance ! Quelques milles plus bas, la mosquée froide et mercantile enseignant les vices et la rapine à ses renégats ; ici, dans une oasis perdue, deux jeunes lys, fleurissant sous la hampe du sanctuaire et aspirant sans cesse à la rosée du Ciel. N’avais-je pas raison de dire que la civilisation porte ici semence. [...] je détachai une médaille au chapelet que je tiens de ma pauvre mère, et je la leur donnai. Un général recevant la croix du Grand Turc n’aurait pas été plus fier13 !

En somme, le schéma de l’inversion, étayé explicitement ici par une métaphore, reste sous-tendu par une approche ethnocentriste qui, pour mieux promouvoir et imposer les valeurs du Même, tend à dénigrer ou à « faire disparaître l’altérité14 » de l’Autre.

Inversion et conversion du Même

À partir de la seconde moitié du XXe siècle, postcolonialisme oblige, cette rhétorique de l’altérité n’a plus vraiment cours. Elle cède alors à la volonté de se désaliéner d’une perception ethnocentrée au profit d’une meilleure connaissance et reconnaissance de l’Autre. À titre d’exemple, la notion de « péril jaune », qui ne considère les Asiatiques que comme des foules menaçantes, fait l’objet d’une déconstruction en règle. Plusieurs auteurs rejettent en effet cette image réductrice et essentialiste qui a pour effet de déshumaniser les Asiatiques, et ce faisant dénoncent bien souvent l’élite bien pensante et religieuse qui s’en est servi pour mieux imposer son idéologie. Ainsi, dans leur récit intitulé Deux innocents en Chine rouge, publié en 1961, Jacques Hébert et Pierre Trudeau annoncent d’entrée de jeu leur intention de se libérer de l’emprise de certaines peurs archaïques qui ont marqué leur enfance.

Ce livre faillit avoir un autre titre : « Le Péril jaune ». […] Nous aurions ainsi rejoint chez plus d’un lecteur l’image que son subconscient conserve de la Chine : pays où grouille une multitude d’hommes jaunes, petits, faméliques, rusés et, plus souvent qu’à leur tour, sinistres. Parmi toutes les frousses au moyen desquelles des éducateurs paranoïaques ont tenté d’effrayer notre enfance […] le péril jaune avait une place de choix. Jeunes écoliers, nous apprenions par la propagande missionnaire que la Chine était le siège naturel de tous les fléaux : paganisme, pestes, inondations et famines. La collecte périodique des timbres de la Sainte-Enfance était aussi une occasion de nous rappeler la condition misérable et quelque peu diabolique d’un peuple qui jetait ses bébés aux pourceaux. Puis les récits d’imagination et d’aventures — mettant en scène les pirates de la mer de Chine et les Fou Man Chou de la pègre shanghaïenne— achevaient de renseigner nos jeunes esprits sur les dangers que recélait l’Empire du Dragon. C’est durant notre adolescence que le péril se précisa. Des professeurs de collège nous démontraient sobrement, chiffres en main, que la poussée démographique ferait bientôt éclater les frontières chinoises et qu’un raz de marée jaune aurait tôt fait d’engloutir le monde blanc15.

Le récit de leur voyage permet aux auteurs de dénoncer certaines croyances et images reçues, les incite à rejeter le paradigme traditionnel dans lequel le regard occidental a enfermé l’Autre, et notamment ici la fameuse inversion de la sauvagerie et de la civilisation. Cette approche tend à se généraliser dans les récits de la seconde moitié du XXe siècle. De façon générale, en effet, l’attitude conquérante, voire condescendante des voyageurs du passé laisse maintenant place à l’humilité et à l’aveu d’ignorance. « En parcourant l’Asie, je me suis rendu compte de la profondeur de mon ignorance16 », écrit le voyageur Gérard Filion. « Les Occidentaux sont drôlement naïfs et ignorants17 ! », s’exclame pour sa part Roger Clavet pendant son séjour en Chine. On est donc loin de l’ancienne démarche égocentriste qui réduisait l’Autre à une image dégradée du Même. Les voyageurs de la seconde moitié du XXe siècle témoignent plutôt, au contact de l’Autre, de la dégradation de l’image du Même : « nous barbares occidentaux », « nous n’avons rien compris à la profondeur de l’âme asiatique18 », affirme l’écrivain Eugène Cloutier en 1969.

Qui suis-je pour juger que mon bonhomme [mon jeune guide jordanien] est illettré ? N’a-t-il pas appris plusieurs langues entre les falaises de Petra ? Qui suis-je pour croire que la vie moderne est plus difficile pour lui que pour moi ? Qui suis-je pour croire qu’un ordinateur est plus compliqué à dompter qu’un chameau ? Moi, pauvre Voyageur d’Amérique diplômé, souvent je me suis découvert illettré, barbare, grossier, dans plusieurs pays du monde19.

Visiblement, par une forme d’inversion des rôles, les préjugés anciennement projetés sur l’Autre (ignorance, naïveté, infantilisme, barbarie, etc.) se trouvent maintenant attribués aux Occidentaux. Ainsi, le péril n’est plus jaune, mais blanc, le danger ne vient plus de l’Asie, mais de l’Occident qui « sous le fallacieux prétexte de civilisation20 », estime le voyageur Alain Grandbois, impose de force sa domination. Qui plus est, c’est plutôt l’Occidental qui, malgré son éducation dite « supérieure », se trouve maintenant infantilisé, retardé, inadapté, voire illettré. À son arrivée à l’aéroport de Narita au Japon, le doctorant Charles Pelletier se sent comme un enfant qui ne peut lire aucun écriteau, aucune affiche. Même réaction de l’écrivain et membre de l’Académie canadienne-française François Hertel : « je suis complètement illettré : je ne sais ni parler, ni lire, ni écrire.21 » Chez certains auteurs, cette inversion est accentuée par la rencontre avec de jeunes enfants, dont la différence suscite en eux à la fois la perception d’un manque et le désir de le combler. « J’aimerais parler ton langage comme tu parles le mien22 », dit Roch Carrier à son jeune guide jordanien de douze ans. Là où les missionnaires d’une autre époque rapportaient ce genre de rencontre en infériorisant l’Autre et en le ramenant au Même, les voyageurs de la seconde moitié du siècle inversent généralement ce rapport. À Assouan, Louis Valcke, par exemple, rencontre trois jeunes Égyptiennes qui lui font éprouver un sentiment d’infériorité : « Elles me demandent si je comprends l’arabe, paraissent fort déçues de ma réponse négative, et je me sens moi-même quelque peu gêné face à elles et à leur maîtrise de l’anglais23. »

Au demeurant, le renversement des rôles se manifeste par une forme d’altérité inversée, qui renvoie le voyageur à sa propre étrangeté (« J’étais un étranger avec mon ignorance24 », écrit Roch Carrier) et témoigne du droit de regard et de penser qu’on accorde maintenant à l’Autre. À ceux qui jugent les Chinois superstitieux, par exemple, Joseph-Louis Lavoie répond que ces derniers ont toutes les raisons de penser la même chose des Occidentaux : « Un treize nous fait blêmir, surtout quand il chevauche un vendredi et que les salières renversées mêlent leur présage à celui des couteaux et des fourchettes en mal de culbuter25. » L’inversion devient ainsi une incitation à dépasser l’horizon des significations que l’on peut concevoir, à relativiser un savoir qui impose un universalisme déterminé par ses propres critères d’universalité.

En Chine, écrit Alain Grandbois, la couleur du deuil est le blanc. Pour signifier un acquiescement, on secoue la tête de droite à gauche. Pour exprimer la négation, le refus, on penche la tête de haut en bas. Autres coutumes ! J’ai rencontré certains voyageurs qui se moquaient de ces habitudes, qui ne sont d’ailleurs que des conventions. Mais sont-elles plus arbitraires que les nôtres26 ?

Dans cette remise en question du Même provoquée par la rencontre avec l’Autre, l’un des renversements particulièrement caractéristiques du discours des voyageurs consiste à faire le procès du modernisme occidental. Le progrès moderne que l’on considérait auparavant comme un signe de supériorité fait maintenant place, une fois comparé, comme disent les voyageurs, à la « profonde humanité27 » et aux vraies valeurs qu’auraient su préserver les civilisations asiatiques et orientales, à un sentiment de perte et de promesses non tenues.

Tout comme le modernisme, la dimension ethno-religieuse n’échappe également pas à l’inversion. Le christianisme d’Occident, qu’on souhaitait auparavant inculquer à l’Autre, est maintenant appelé à se régénérer au contact des grandes religions et philosophies notamment orientales. Après une visite au Wat Pho, temple dédié à l’arbre sous lequel Bouddha a connu son illumination, André Dalcourt, par exemple, écrit :

Il me semble que le bouddhisme doit forcer l’Occident chrétien à s’interroger sur ses valeurs. Que faut-il penser, en effet, d’une religion qui représente son Maître dans la position couchée ou assise, et toujours souriant, alors […] que le christianisme montre toujours Jésus en sang, cloué sur une croix ? Que faut-il déduire du fait que le bouddhisme propose la sérénité et le détachement alors que le christianisme suggère la souffrance et la culpabilité28 ?

D’une certaine façon, la figure commode de l’inversion fonctionne toujours ici comme principe heuristique dans la mesure où elle permet de faire voir la différence. Mais plutôt qu’à la conversion de l’Autre comme auparavant, elle appelle maintenant, en termes à peine voilés, la conversion ou à tout le moins la transformation des Occidentaux. En témoigne éloquemment le jeune voyageur Ugo Monticone, qui en se regardant avec les yeux de l’Autre, prend conscience de la dimension aliénante de son existence :

Moi qui suis, chez moi, pris dans une course folle pour amasser et récolter, me faire valoir et accumuler, posséder et devancer, m’entourer et me faire estimer, produire et consommer… Je contemple cet homme [un vieil homme en Thaïlande] qui ne court pas sa vie, n’obéit à aucun cadran, ne consacre son énergie à aucun patron, ne fait pas partie de mon univers, ni de la même dimension. Et dans ses yeux, je vois qu’il sait. Il sait ! Il me regarde, moi, perdu dans ma fausse conception du monde, dans les mythes dont on m’a nourri, entouré des murs que je me suis moi-même érigés, égaré dans le labyrinthe que je crois réalité, et il sait29 !

En somme, les voyageurs confessent leur ignorance, leur superficialité matérialiste, leur aliénation à l’égard de la vie moderne et du même coup confèrent à l’Autre la connaissance, la sagesse et le savoir (« il sait »). Cela dit, bien que cette inversion de l’inversion traditionnelle ait généralement pour but de démythifier la représentation de l’Autre, force est toutefois d’admettre qu’elle prend elle-même le plus souvent appui sur une autre forme de mythification traditionnelle. À titre d’exemple, chez bon nombre de voyageurs, l’Autre représenté rappelle la fameuse figure du Bon Sauvage, le mythe du primitif qui a su préserver une relation harmonieuse avec la nature et qui n’a pas été corrompu par le monde moderne. En voici un exemple tiré du récit de Monticone :

Des enfants [d’un petit village du nord de la Thaïlande] quittent momentanément les cailloux qui leur servaient de jeu. Tachés de boue, presque sans vêtements, ils ont une intense lueur dans les yeux que j’envie. Ils possèdent un monde immense, des étendues de terre aussi loin que porte l’œil, d’interminables forêts. Leur cour n’est limitée par aucun mur ; leurs classes sont les montagnes, leur musique vient des oiseaux, leurs mains caressent la nature, ils boivent l’eau directement à la rivière. […] Je me rappelle brusquement la garderie au coin de chez moi, en ville, où les enfants sont laissés toute la journée dans un enclos asphalté, tournant en rond sur des bicyclettes entre deux clôtures. Stimulation zéro30.

L’Autre ne constitue ici qu’un nouvel avatar du Bon Sauvage, dont le voyageur se sert pour mieux dénoncer, par situation inversée, sa propre réalité. Les survivances primitives que les missionnaires d’une autre époque considéraient comme « d’épaisses ténèbres d’ignorance et d’erreur31 » à dissiper semblent maintenant préférables au progrès moderne et à la technologie déshumanisante. La simplicité de leur existence est inversement proportionnelle à notre mal de vivre, semblent se dire les voyageurs. À eux « le sourire facile et généreux32 », « l’extrême hospitalité33 », la « qualité de relations humaines34 », « la profonde humanité35 », la spiritualité et « cette joie de vivre quasi inexplicable36 », à nous les « visages renfrognés37 », « le rictus désolant38 », l’« immense paranoïa collective39 », la décadence et le « manque existentiel40 », l’« humanité artificielle41 » et la « civilisation en contreplaqué42 ». Au demeurant, partir à la rencontre de l’Autre, de dire la voyageuse Louise Latraverse, permet « d’aller aux sources. Vers un endroit où le progrès n’a pas encore détruit l’essentiel. Vers un endroit où les valeurs humaines ont leur place43 ».

Vers un nouvel usage de l’inversion

Comme on a pu le constater, les récits des voyageurs témoignent au XXe siècle d’un changement important dans la façon d’utiliser la figure de l’inversion. Si jusqu’aux années 1940, elle sert aux voyageurs à valoriser et à imposer leur propre culture, héritée d’un Occident chrétien triomphaliste, il en va différemment dans la seconde moitié du XXe siècle alors qu’elle leur permet de se remettre en question. Plusieurs semblent avoir adopté comme credo la fameuse remarque de Nicolas Bouvier : « Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi44 ». À la limite, leur discours peut même être l’occasion « de constituer l’autre en modèle de bonté originelle et naturelle, de s’accuser et de s’humilier, d’exhiber son être-inacceptable dans un miroir contre-ethnocentrique45 », pour reprendre les mots de Jacques Derrida au sujet des Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss. En un sens, de l’inversion de l’Autre pour mieux valoriser le Même, nous sommes passés à l’inversion de l’Autre pour mieux dévaloriser le Même. D’un manque de conscience, diraient certains, nous sommes passés à « une conscience du manque46 ».

Certes, l’Autre semble apparemment sortir gagnant de ce renversement. Mais il y a peut-être lieu de se demander si cette tendance à l’autocritique n’est pas au fond une nouvelle façon de lui imposer les valeurs du Même. Se dénigrer, c’est encore parler de soi. Puisqu’il n’est plus acceptable de dénigrer l’Autre pour mieux transmettre des valeurs, se dénigre-t-on soi-même pour le faire ? La dévalorisation ne présuppose-t-elle pas l’adhésion et la revendication à des valeurs que l’on juge supérieures ? Il peut sembler excessif de voir de l’ethnocentrisme même dans un discours destiné pourtant à le battre en brèche. Mais comment être sûr que l’inversion de l’inversion n’est pas ici porteuse d’une nouvelle forme de conversion ?

Avec la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, cette approche qui consiste à se dévaloriser47 par rapport à l’Autre devient aussi suspecte que celle qui visait à se valoriser en dénigrant l’Autre. Au-delà du fait qu’elle puisse servir à promouvoir des valeurs universellement souhaitables et à favoriser une conscience critique de soi-même, l’inversion sur laquelle cette dévalorisation prend appui apparaît comme une généralisation, une simplification qui transforme « la différence en manque ou défaut, selon [un] rapport de supériorité ou de domination48 ». Mais surtout, plutôt que de conduire à une meilleure connaissance de la culture de l’Autre, elle perpétue une instrumentalisation qui fait en sorte que l’Autre reste étranger à lui-même. En effet, elle tend à réduire l’Autre à une altérité modélisée et mythifiée qui correspond à des attentes fantasmées du Même. L’exemple du Bon Sauvage que j’ai évoqué en témoigne éloquemment en offrant une représentation qui permet de subsumer les manques des Occidentaux sous une altérité idéalisée. Les voyageurs utilisent cet exemple pour mieux faire voir l’aliénation de l’homme moderne occidental, mais ce faisant ils ne tiennent pas compte du fait, sinon pour le déplorer à l’occasion, que les Autres puissent être eux-mêmes en quête de cette modernité, ou encore puissent être eux-mêmes assujettis à des croyances et à des conditions aliénantes d’exploitation en lien avec cette modernité. Auparavant, l’inversion de l’Autre visait à le réduire au Même en lui déniant par le fait même son altérité. La nouvelle forme d’inversion a pour effet de réduire l’Autre à son altérité, de le forcer en quelque sorte à l’incarner à tout prix. Comme le mentionne Éric Méchoulan, « la valorisation politique, éthique ou poétique de l’altérité a aussi son prix économique et sa paradoxale aliénation : être rendu autre par nécessité marchande d’être soi-même49 ».

Au début du XXIe siècle, certains auteurs de récit de voyage prennent de plus en plus conscience de ce dilemme séculaire entre le dénigrement et l’idéalisation. Dans son récit de voyage au Tibet publié en 2002, l’écrivain André Carpentier n’entend plus considérer la culture de l’Autre comme inférieure ou supérieure, mais simplement comme une culture autre et dans une certaine mesure incomparable avec la sienne. Certes, le voyage et la rencontre avec l’Autre lui fournissent l’occasion de « décomprendre [son] monde50 », d’éprouver une forme de dessaisissement temporaire à l’égard de ce qu’il appelle un « soi appris et apprivoisé51 », mais le respect pour l’Autre n’exige pas de s’autodévaloriser, ni de rester contrit dans « le sanglot de l’homme blanc52 », ni même de renoncer à son esprit critique envers cet Autre. « Le premier signe de respect que je puisse offrir à l’autre, voire à un ami, écrit-il, c’est justement de rester moi-même devant sa différence, sans faire abstraction de mon sens critique53 ». Pour sa part, à la fin de son récit de voyage en Asie, Hervé Dupuis exprime ainsi son intention de dépasser une inversion harnachée généralement à une conversion :

Je suis allé là-bas ni pour leur parler d’un nouveau dieu, ni pour leur imposer ma culture […]. Je n’allais pas là-bas non plus pour devenir comme eux. Je n’ai adopté ni leur culture ni leur religion. Je reviens avec les mêmes habits, les mêmes habitudes, ma personnalité. Mais j’aurai changé un peu. Je ne peux plus voir le monde de la même façon. Ils m’ont appris qu’il existait d’autres modes de vie, d’autres visions du monde, fort différents des miens, dont je devrai dorénavant tenir compte54.

On le voit, le défi des voyageurs consiste à « s’ouvrir à l’Autre sans se perdre soi-même55 », pour reprendre l’expression d’Édouard Glissant. Entre leur culture et celle de l’Autre, ils reconnaissent de plus en plus que la différence ne doit pas être une incitation à se comparer mutuellement, mais plutôt un encouragement au dialogue perpétuel. Comme le mentionne Tzvetan Todorov au sujet de l’expérience exotique de Segalen, « pour éprouver l’autre, on n’a pas besoin de cesser d’être soi56 ». Mais on n’a pas non plus à chercher à comprendre l’Autre, ce qui a forcément pour effet de l’intégrer à un système ethnocentré de compréhension de la différence. Pour André Carpentier, le véritable défi du voyageur est de « séjourner dans la pensée de l’altérité sans espoir de vérité57 ». Dans ce contexte, la figure de l’inversion acquiert un nouvel usage.

Au-delà d’une opposition binaire, elle est appelée à être dépassée par la recherche d’ambiguïtés et de configurations liminales, d’actualisations de potentialités jusqu’alors non actualisées. Il s’agit de faire dire quelque chose de plus à l’inversion, de la remettre en jeu, de renouveler sa dimension axiologique. En voici un exemple, tiré du récit Bangkok (2009) de Benoît Melançon :

Les lieux communs, pas plus que les mythes, ne sont des mensonges ; ce sont des réalités auxquelles on veut faire dire quelque chose de plus, quelque chose d’autre, que ce qu’elles sont. Ainsi de la Thaïlande comme pays du sourire. Un motocycliste me fonce dessus ; je n’arrive pas à me décider, droite ou gauche ; il m’évite de justesse : il me sourit. Deux Occidentaux avec des enfants, dont l’un dans un porte-bébé, chose inconnue ici : on leur sourit. Dès lors, qui ne sourit pas — moi — détonne58.

Melançon relativise ici la portée de l’inversion. Le motocycliste thaï est certes souriant, mais également menaçant, alors que l’Occidental ne sourit pas, mais se sent justifié de ne pas le faire dans les circonstances. Même si elle repose sur un lieu commun, qu’on a évoqué supra (présence vs absence de sourire), l’inversion se renouvelle du fait qu’elle n’aboutit pas, in fine, au jugement de valeur attendu. D’une part, pointe un certain malaise, une certaine incompréhension à l’égard d’un sourire de convention marquant une distance. Et d’autre part, est réhabilitée ou à tout le moins rendue relativement acceptable l’absence de sourire, malgré la marginalisation à laquelle elle est associée. En un sens, l’approche d’inversion (forme) qui aboutit à se blâmer soi-même (effet) est implicitement remise en question (nouvel effet). Il ne s’agit plus de récupérer la différence en en faisant le préalable à une conversion, mais de rendre particulièrement prégnant le choc que la réalité est en mesure de faire ressentir au voyageur. En un sens, l’objectif poursuivi semble alors de « recueillir le son » émanant de la rencontre, pour reprendre la métaphore de Segalen (voir citation en exergue du présent texte).

Par ailleurs, chez certains voyageurs, la figure de l’inversion ne vise plus à rendre compréhensible l’altérité, à en favoriser l’appropriation, car à leurs yeux comprendre entraîne une forme d’intégration de l’Autre dans le paradigme épistémique du Même, tend à conforter un universalisme déterminé par les critères d’universalité de ce dernier. Aussi est-il préférable d’accepter de rester dans une marge d’incompréhension.

Sur le plan amoureux et sexuel, écrit Hervé Dupuis, je n’arrive pas à comprendre les Indiens, non pas parce que je les crois […] arriérés, mais parce que je ne réussis pas à me déprogrammer de mes concepts occidentaux. Dans les mariages arrangés, par exemple, là où moi je vois une immense misère émotive et sexuelle, eux voient leurs sentiments généreusement offerts au bien-être de leur famille et de leur collectivité, loin de l’égoïsme individuel. Un jour, je comprendrai peut-être59.

En somme, « la relation avec l’autre est une relation avec un Mystère60 » comme disait Emmanuel Levinas, et l’inversion doit rendre compte de ce rapport avec ce qui est irrémédiablement étranger à soi. Autant dire que cette même figure que François Hartog considérait comme « une fiction qui fait “voir” et qui fait comprendre61 », peut également correspondre à « l’Esthétique du Divers » telle que la proposait Victor Segalen, en ne favorisant plus « la compréhension parfaite d’un hors soi-même qu’on étreindrait en soi, mais la perception aiguë et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle62 ».

En terminant, j’espère avoir donné à voir la prégnance de la figure de l’inversion. A priori, on aurait pu croire que ce schéma interprétatif qui oppose de façon catégorique l’Autre et le Même n’aurait pas survécu au déconstructionnisme et à notre époque qui a institutionnalisé le doute et la nuance. Or, on constate qu’il semble avoir le pouvoir de servir des représentations très différentes, voire contradictoires, de s’actualiser et de conserver sa pertinence et sa saillance dans la représentation de l’altérité inhérente à la pratique du récit de voyage. C’est du moins en ce sens que je poursuis mes recherches.

Notes de bas de page numériques

1 Victor Segalen, Équipée. Voyage au pays du réel, 1929, dans Œuvres complètes, t. II, Paris, Robert Laffont, 1995, p. 318.

2 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, Paris, Gallimard, 1980, p. 225-226.

3 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, p. 227.

4 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, p. 227.

5 Marc Bonhomme, Pragmatique des figures du discours, Paris, Honoré Champion Éditeur, 2014, p. 38.

6 Danielle Forget, Figures de pensée, Figures du discours, Québec, Éditions Nota bene, 2000, p. 95.

7 Petit Larousse illustré 2016, Paris, Éditions Larousse, 2015, p. 498.

8 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, p. 225-226.

9 Léon Provancher, De Québec à Jérusalem. Journal d’un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte en passant à travers l’Angleterre, la France, l’Égypte, la Judée, la Samarie, la Galilée, la Syrie et l’Italie, Québec, Typographie de C. Darveau, 1884, p. 487-488.

10 Francis Affergan, Exotisme et altérité : essai sur les fondements d’une critique de l’anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, 1987, p. 86.

11 Olivier Maurault, Le Devoir, vol. XIII, no 162, 14 juillet 1922, p. 1.

12 Léon Provancher, De Québec à Jérusalem. Journal d’un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte en passant à travers l’Angleterre, la France, l’Égypte, la Judée, la Samarie, la Galilée, la Syrie et l’Italie, p. 353-354. Au Monastère des Filles de Sion, situé près de la porte de Sitti-Mariam, non loin de Gethsémani.

13 Gaston P. Labat, Les Voyageurs canadiens à l’expédition du Soudan ou Quatre-vingt-dix jours avec les crocodiles, Québec, Imprimerie du Canadien et de L’Événement, 1886, p. 96.

14 Tzvetan Todorov, La Conquête de l’Amérique : la question de l’autre, Paris, Le Seuil, 1982, p. 251.

15 Jacques Hébert et Pierre-Elliot Trudeau, Deux innocents en Chine rouge, Montréal, Éditions de l’Homme, 1961, p. 7-8.

16 Hervé Dupuis, Voir ailleurs : récit de voyage, Montréal, Triptyque, 1995, p. 9.

17 Roger Clavet, La Chine de ma vie. Un peureux dans l’Empire du milieu, Montréal, Stanké, 2001, p. 134.

18 Eugène Cloutier, Journées japonaises : récit, Montréal, Éditions du Jour, 1969, p. 340.

19 Roch Carrier, Un chameau en Jordanie, Montréal, Stanké, 1988, p. 60.

20 Alain Grandbois, Visages du monde. Images et souvenirs de l’entre-deux-guerres, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 1971, p. 261.

21 François Hertel, Tout en faisant le tour du monde, Paris, Éditions de la diaspora française, 1971, p. 36.

22 Roch Carrier, Un chameau en Jordanie, Montréal, Stanké, 1988, p. 77.

23 Louis Valcke, Vignettes égyptiennes et autres récits, Sherbrooke, Éditions GGC, 2003, p. 167.

24 Roch Carrier, Un chameau en Jordanie, p. 8.

25 Joseph-Louis Lavoie, Quand j’étais chinois, Montréal, Les éditions Bellarmin, 1961, p. 195. En 1967, le récit de voyage au Japon de l’écrivain suisse Nicolas Bouvier illustrait particulièrement bien ce renversement : « Après tout, un Homme-Dieu né d’une Vierge dans une étable, réchauffé par un âne et un bœuf, et cloué sur deux poutres entre deux voleurs par la volonté d’un Père miséricordieux… Mettez-vous à la place du premier Japonais qui a entendu cette histoire pour nous si familière ! » Nicolas Bouvier, Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2004, p. 507.

26 Alain Grandbois, Visages du monde. Images et souvenirs de l’entre-deux-guerres, p. 252.

27 Alain Olivier, Voyage au Viêt Nam avec un voyou, Montréal, XYZ éditeur, 2008, p. 119.

28 Louise Blanchard et André Dalcourt, Sabbatique asiatique II : le Sri Lanka, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Viet-Nâm : récit de voyage, Outremont, Lanctôt éditeur, 2000, p. 140.

29 Ugo Monticone, Zhaole, Montréal, Les Éditions du Cram, 2005, p. 37-38.

30 Ugo Monticone, Zhaole, p. 31.

31 Bonaventure Péloquin, Débuts d’un missionnaire, Montréal, [s.é.], 1921, p. 51.

32 Lucien Coutu, Pèlerinage à l’Est, Montréal, Fides, 1977, p. 95.

33 Roger Clavet, La Chine de ma vie. Un peureux dans l’Empire du milieu, Montréal, Stanké, 2001, p. 115.

34 Lucien Coutu, Pèlerinage à l’Est, p. 17.

35 Alain Olivier, Voyage au Viêt Nam avec un voyou, p. 119.

36 Louise Blanchard et André Dalcourt, Sabbatique asiatique II : le Sri Lanka, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Viet-Nâm : récit de voyage, p. 171.

37 Lucien Coutu, Pèlerinage à l’Est, p. 17.

38 Alain Olivier, Voyage au Viêt Nam avec un voyou, p. 18.

39 Jean Marcel, Lettres du Siam : lettres à Jean Tétreau sur le Pays des Hommes libres, Montréal, l’Hexagone, 2002, p. 28.

40 Taras Grescoe, Un voyage parmi les touristes, Montréal, VLB éditeur, 2005, p. 383.

41 Jean Pellerin, Escales au bout du monde, Montréal, Guérin éditeur, 2000, p. 177.

42 Jean Pellerin, Escales au bout du monde, p. 185.

43 Louise Latraverse, India, mon amour, Montréal, Art Global/Libre expression, 1995, p. 44.

44 Nicolas Bouvier, Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2004, p. 1027.

45 Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éd. de Minuit, 1967, p. 168.

46 René Pellerin, « Théories et pratiques de la désaliénation », Philosophiques, vol. 8, no 1, 1981, p. 59.

47 Il importe toutefois d’apporter ici une nuance entre l’autodévalorisation et la prise de conscience d’un manque que peut entraîner la rencontre avec l’autre. Comme le précise Éric Landowski : « l’Autre, ce n’est pas seulement le dissemblable […]. C’est aussi le terme manquant, le complémentaire indispensable et inaccessible, celui, imaginaire ou réel, dont l’évocation crée en nous le sentiment d’un inaccompli ou l’élan d’un désir parce que sa non-présence actuelle nous tient en suspens et comme inachevé, dans l’attente de nous-mêmes ». (Éric Landowski, Présences de l’autre. Essais de socio-sémiotique II, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 10).

48 Serge Moscovici, « Pensée stigmatique et pensée symbolique. Deux formes élémentaires de la pensée sociale », dans Catherine Garnier (dir.), Les Formes de la pensée sociale, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 36.

49 Éric Méchoulan, « Outre l’Autre », dans Pierre Ouellet et Simon Harel (dir.), Quel Autre ? L’Altérité en question, Montréal, VLB éditeur, 2007, p. 156.

50 André Carpentier, Mendiant de l’infini. Fragments nomades : récit, Montréal, Éditions du Boréal, 2002, p. 116.

51 André Carpentier, Mendiant de l’infini. Fragments nomades : récit, p. 54.

52 Pascal Bruckner, Le Sanglot de l’homme blanc. Tiers Monde, culpabilité, haine de soi, Paris, Seuil, 1983.

53 André Carpentier, Mendiant de l’infini. Fragments nomades : récit, Montréal, Éditions du Boréal, 2002, p. 225.

54 Hervé Dupuis, Voir ailleurs : récit de voyage, Montréal, Triptyque, 1995, p. 210.

55 Édouard Glissant, Introduction à une Poétique du Divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 23.

56 Tzvetan Todorov, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Le Seuil, 1989, p. 367.

57 André Carpentier, Mendiant de l’infini. Fragments nomades : récit, Montréal, Éditions du Boréal, 2002, p. 116.

58 Benoît Melançon, Bangkok, Montréal, Delbusso Éditeur, 2009, p. 28.

59 Hervé Dupuis, Voir ailleurs : récit de voyage, p. 160.

60 Emmanuel Levinas, Le Temps et l’autre, Paris, Presses universitaires de France, 1946/1947, p. 63.

61 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, p. 227.

62 Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, une esthétique du divers, [1955], Fontfroide, Bibliothèque artistique & littéraire, 1995, p. 25.

Pour citer cet article

Pierre Rajotte, « Figure de l’inversion et altérité dans les récits des voyageurs québécois », paru dans Loxias-Colloques, 10. Figures du voyage, Figure de l’inversion et altérité dans les récits des voyageurs québécois, mis en ligne le 25 mars 2018, URL : http://revel.unice.fr/symposia/actel/index.html?id=1051.

Auteurs

Pierre Rajotte

Professeur titulaire, Université de Sherbrooke (Canada)/ University of Sherbrooke (Canada)